Que je sois un fou, qu'on le dise,
Je trouve รงa tout naturel,
Ayant eu ma part de bรชtise
Et commis plus d'une sottise,
Depuis que je suis... temporel.
Je suis un fou, quel avantage,
Madame ! un fou, songez-y bien,
Peut crier... se tromper d'รฉtage,
Vous proposer... le mariage,
On ne lui dira jamais rien,
C'est un fou ; mais lui peut tout dire,
Lรขcher parfois un terme vil,
Dans ce cas le mieux c'est d'en rire,
Se fรขcher serait du dรฉlire,
ร quoi cela servirait-il ?
C'est un fou. Si c'est un bonhomme
Laissant les gens ร leurs mรฉtiers,
Peu contrariant, calme... en somme,
Distinguant un nez d'une pomme,
On lui pardonne volontiers.
Donc, je suis fou, je le rรฉvรจle.
Nous l'avons, Madame, en dormant,
Comme dit l'autre, รฉchappรฉ belle ;
J'aime mieux รชtre un sans cervelle
Que d'รชtre un sage, assurรฉment.
Songez donc ! si j'รฉtais un sage,
Je fuirais les joyeux dรฎners ;
Je n'oserais voir ton corsage ;
J'aurais un triste et long visage
Et des lunettes sur le nez ;
Mais, je ne suis qu'un fou, je danse,
Je tambourine avec mes doigts
Sur la vitre de l'existence.
Qu'on excuse mon insistance,
C'est un fou qu'il faut que je sois !
C'est trop fort, me dit tout le monde,
Qu'est-ce que vous nous chantez lร ?
Pourquoi donc, partout ร la ronde,
ร la brune comme ร la blonde,
Parler de la sorte ? - Ah ! voilร !
Je vais mรชme plus ****, personne
Ne pourra jamais me guรฉrir,
Ni la sagesse qui sermonne,
Ni le bon Dieu, ni la Sorbonne,
Et c'est fou que je veux mourir.
C'est fou que je mourrai du reste,
Mais oui, Madame, j'en suis sรปr,
Et d'abord... de ton moindre geste,
Fou... de ton passage cรฉleste
Qui laisse un parfum de fruit mรปr,
De ton allure alerte et franche,
Oui, fou d'amour, oui, fou d'amour,
Fou de ton sacrรฉ... coup de hanche,
Qui vous fiche au cลur la peur... blanche,
Mieux... qu'un roulement de tambour ;
Fou de ton petit pied qui vole
Et que je suivrais n'importe oรน,
Je veux dire... au Ciel ;... ma parole !
J'admire qu'on ne soit pas folle,
Je plains celui qui n'est pas fou.