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On lit dans les Annales de la propagation de la Foi :
« Une lettre de Hong-Kong (Chine), en date du 24 juillet
1832, nous annonce que M. Bonnard, missionnaire du
Tong-King, a été décapité pour la foi, le 1er mai dernier. »
Ce nouveau martyr était né dans le diocèse de Lyon et
appartenait à la Société des Missions étrangères. Il était
parti pour le Tong-King en 1849. »

I.

Ô saint prêtre ! grande âme ! oh ! je tombe à genoux !
Jeune, il avait encor de longs jours parmi nous,
Il n'en a pas compté le nombre ;
Il était à cet âge où le bonheur fleurit ;
Il a considéré la croix de Jésus-Christ
Toute rayonnante dans l'ombre.

Il a dit : - « C'est le Dieu de progrès et d'amour.
Jésus, qui voit ton front croit voir le front du jour.
Christ sourit à qui le repousse.
Puisqu'il est mort pour nous, je veux mourir pour lui ;
Dans son tombeau, dont j'ai la pierre pour appui,
Il m'appelle d'une voix douce.

« Sa doctrine est le ciel entr'ouvert ; par la main,
Comme un père l'enfant, il tient le genre humain ;
Par lui nous vivons et nous sommes ;
Au chevet des geôliers dormant dans leurs maisons,
Il dérobe les clefs de toutes les prisons
Et met en liberté les hommes.

« Or il est, **** de nous, une autre humanité
Qui ne le connaît point, et dans l'iniquité
Rampe enchaînée, et souffre et tombe ;
Ils font pour trouver Dieu de ténébreux efforts ;
Ils s'agitent en vain ; ils sont comme des morts
Qui tâtent le mur de leur tombe.

« Sans loi, sans but, sans guide, ils errent ici-bas.
Ils sont méchants, étant ignorants ; ils n'ont pas
Leur part de la grande conquête.
J'irai. Pour les sauver je quitte le saint lieu.
Ô mes frères, je viens vous apporter mon Dieu,
Je viens vous apporter ma tête ! » -

Prêtre, il s'est souvenu, calme en nos jours troublés,
De la parole dite aux apôtres : - Allez,  
Bravez les bûchers et les claies ! -
Et de l'adieu du Christ au suprême moment :
- Ô vivant, aimez-vous ! aimez. En vous aimant,
Frères, vous fermerez mes plaies. -

Il s'est dit qu'il est bon d'éclairer dans leur nuit
Ces peuples égarés **** du progrès qui luit,
Dont l'âme est couverte de voiles ;
Puis il s'en est allé, dans les vents, dans les flots,
Vers les noirs chevalets et les sanglants billots,
Les yeux fixés sur les étoiles.

II.

Ceux vers qui cet apôtre allait, l'ont égorgé.

III.

Oh ! tandis que là-bas, hélas ! chez ces barbares,
S'étale l'échafaud de tes membres chargé,
Que le bourreau, rangeant ses glaives et ses barres,
Frotte au gibet son ongle où ton sang s'est figé ;

Ciel ! tandis que les chiens dans ce sang viennent boire,
Et que la mouche horrible, essaim au vol joyeux,
Comme dans une ruche entre en ta bouche noire
Et bourdonne au soleil dans les trous de tes yeux ;

Tandis qu'échevelée, et sans voix, sans paupières,
Ta tête blême est là sur un infâme pieu,
Livrée aux vils affronts, meurtrie à coups de pierres,
Ici, derrière toi, martyr, on vend ton Dieu !

Ce Dieu qui n'est qu'à toi, martyr, on te le vole !
On le livre à Mandrin, ce Dieu pour qui tu meurs !
Des hommes, comme toi revêtus de l'étole,
Pour être cardinaux, pour être sénateurs,

Des prêtres, pour avoir des palais, des carrosses,
Et des jardins l'été riant sous le ciel bleu,
Pour argenter leur mitre et pour dorer leurs crosses,
Pour boire de bon vin, assis près d'un bon feu,

Au forban dont la main dans le meurtre est trempée,
Au larron chargé d'or qui paye et qui sourit,
Grand Dieu ! retourne-toi vers nous, tête coupée !
Ils vendent Jésus-Christ ! ils vendent Jésus-Christ !

Ils livrent au bandit, pour quelques sacs sordides,
L'évangile, la loi, l'autel épouvanté,
Et la justice aux yeux sévères et candides,
Et l'étoile du coeur humain, la vérité !

Les bons jetés, vivants, au bagne, ou morts, aux fleuves,
L'homme juste proscrit par Cartouche Sylla,
L'innocent égorgé, le deuil sacré des veuves,
Les pleurs de l'orphelin, ils vendent tout cela !

Tout ! la foi, le serment que Dieu tient sous sa garde,
Le saint temple où, mourant, tu dis :Introïbo,
Ils livrent tout ! pudeur, vertu ! - martyr, regarde,
Rouvre tes yeux qu'emplit la lueur du tombeau ; -

Ils vendent l'arche auguste où l'hostie étincelle !
Ils vendent Christ, te dis-je ! et ses membres liés !
Ils vendent la sueur qui sur son front ruisselle,
Et les clous de ses mains, et les clous de ses pieds !

Ils vendent au brigand qui chez lui les attire
Le grand crucifié sur les hommes penché ;
Ils vendent sa parole, ils vendent son martyre,
Et ton martyre à toi par-dessus le marché !

Tant pour les coups de fouet qu'il reçut à la porte !
César ! tant pour l'amen, tant pour l'alléluia !
Tant pour la pierre où vint heurter sa tête morte !
Tant pour le drap rougi que sa barbe essuya !

Ils vendent ses genoux meurtris, sa palme verte,
Sa plaie au flanc, son oeil tout baigné d'infini,
Ses pleurs, son agonie, et sa bouche entrouverte,
Et le cri qu'il poussa : Lamma Sabacthani !

Ils vendent le sépulcre ! ils vendent les ténèbres !
Les séraphins chantant au seuil profond des cieux,
Et la mère debout sous l'arbre aux bras funèbres,
Qui, sentant là son fils, ne levait pas les yeux !

Oui, ces évêques, oui, ces marchands, oui, ces prêtres
A l'histrion du crime, assouvi, couronné,
A ce Néron repu qui rit parmi les traîtres,
Un pied sur Thraséas, un coude sur Phryné,

Au voleur qui tua les lois à coups de crosse,
Au pirate empereur Napoléon dernier,
Ivre deux fois, immonde encor plus que féroce,
Pourceau dans le cloaque et loup dans le charnier,

Ils vendent, ô martyr, le Dieu pensif et pâle
Qui, debout sur la terre et sous le firmament,
Triste et nous souriant dans notre nuit fatale,
Sur le noir Golgotha saigne éternellement !

Du 5 au 8 novembre 1852, à Jersey
Drew Blanton Apr 2016
Loving
Automatic friendship
Really welcoming
Christian faith-based communities
Holy
Extraordinary
broken bodies                              with open hearts
call forth                                       inner change
my mind                                       seeking for peace
releases into infinity                   in a simple touch.
I never thought I would be a teacher,
even if I am an assistant teacher, I am
helping to shape the minds and spirits
of my students.

I teach students with autism, and sometimes
I wish I was like Professor Xavier and that I could read the
minds of the kids I work with, who are a mystery
to me.

I don't have mutant powers, but I do have the
capacity to love.  I learned and honed the skills
of listening to my heart at L'Arche, which is
often called the school of the heart.

I do my best to learn the lesson plans and provide
reinforcements for positive behavior, but
mostly as I engage my students I pray a simple
prayer of "Thank you. I love you."

My students are not a cumilation of data, facts,
and their diagnoses.  Each one of us including
me has value, because of the breadth of life of the Creator.

Divine presence, may I treat each child with love and
with an open heart, so I may give and receive.
May I teach and be taught lessons of the heart
from my students. Thank you. I love you.
I currently work with children with autism and was a member of L'Arche GWDC for 3 years. More info on L'Arche communities as a whole: http://en.m.wikipedia.org/wiki/L'Arche
(Extrait)

Aigles qui passez sur nos têtes,
Allez dire aux vents déchaînés
Que nous défions leurs tempêtes
Avec nos mâts enracinés.
Qu'ils montent, ces tyrans de l'onde,
Que leur aile s'ameute et gronde
Pour assaillir nos bras nerveux !
Allons ! leurs plus fougueux vertiges
Ne feront que bercer nos tiges
Et que siffler dans nos cheveux !

Fils du rocher, nés de nous-même,
Sa main divine nous planta ;
Nous sommes le vert diadème
Qu'aux sommets d'Éden il jeta.
Quand ondoiera l'eau du déluge,
Nos flancs creux seront le refuge
De la race entière d'Adam,
Et les enfants du patriarche
Dans nos bois tailleront l'arche
Du Dieu nomade d'Abraham !

C'est nous quand les tribus captives
Auront vu les hauteurs d'Hermon,
Qui couvrirons de nos solives
L'arche immense de Salomon ;
Si, plus ****, un Verbe fait homme
D'un nom plus saint adore et nomme
Son père du haut d'une croix,
Autels de ce grand sacrifice,
De l'instrument de son supplice
Nos rameaux fourniront le bois.

En mémoire de ces prodiges,
Des hommes inclinant leurs fronts
Viendront adorer nos vestiges,
Coller leurs lèvres à nos troncs.
Les saints, les poètes, les sages
Ecouteront dans nos feuillages
Des bruits pareils aux grandes eaux,
Et sous nos ombres prophétiques
Formeront leurs plus beaux cantiques
Des murmures de nos rameaux.
Ken Pepiton Oct 2018
twinkle wrinkles, seen close up

they are the tracks of wind driven tears on a sunburned face,
at the edges of the eye,
past
the per if ery of what perfidy* made you think you saw.

come see how come we saw too far and fell from grace to glory.

That is the story.
The good new on the old new built bottom up,
like Gobekli-Tepi.

--- horizons past the lusters after
wisdom's arcane quarry ---

we live,
we learn, we die to know why and we do
as soon as forever starts

it never stopped, hence, forever is what we agree it is.

This, now we remain in until we die, moments from now,
then, now
breathe
or don't

ultimately, whence comes the will to breathe?
go on, answer.

or ignor, innocence is no excuse, you know.

these quest ions all have positive and negative points,
anionics seek cationics,

OHOH, what if cathode rays never got past the atmosphere,
those are causing all the static-info-friction

Bad vibe waves corrupting the qualcommsplitfreqs,
left from millions of hours of I love Lucy and
Dobie Gillis. Mr. Kruschev, build a wall.
Show our boys their counterparts failing to escape,
crucified on barbed wire west of the Brandenburg Gate,

Bel's gate, arche de tri'umph, eh? Confusion won the war,

but war won't work here. NULL ified it, we did, into the NULL with all its lies each time

we catch one. As good as never was.


*Poet's Policy of acknowledging previous ignorances,
acts of ignoring
resulting, effectively, in wasted years
perfidy (n.) means since
1590s, from Middle French perfidie (16c.), from Latin perfidia
 "faithlessness, falsehood, treachery,"
from perfidus"faithless,"
from phrase per fidem decipere 
"to deceive through trustingness,"
from per "through"
(from PIE root *per- (1) "forward," hence "through") + fidem (nominative fides) "faith" (from PIE root *bheidh- "to trust, confide, persuade").

[C]ombinations of wickedness would overwhelm the world by the advantage which licentious principles afford, did not those who have long practiced perfidy grow faithless to each other. [Samuel Johnson, "Life of Waller"]

From <https://www.etymonline.com/word/perfidy#etymonlinev12685>
parts and pieces, puzzles un puzzling taking peacmaking classes from the crow and the clouds
I


Les prêtres avaient dit : « En ce temps-là, mes frères,

On a vu s'élever des docteurs téméraires,

Des dogmes de la foi censeurs audacieux :

Au fond du Saint des saints l'Arche s'est refermée,

Et le puits de l'abîme a vomi la fumée

Qui devait obscurcir la lumière des cieux.


L'Antéchrist est venu, qui parcourut la terre :

Tout à coup, soulevant un terrible mystère,

L'impie a remué de profanes débats ;

Il a dressé la tête : et des voix hérétiques

Ont outragé la Bible, et chanté les cantiques

Dans le langage impur qui se parle ici-bas.


Mais si le ciel permet que l'Église affligée

Gémisse pour un temps, et ne soit point vengée ;

S'il lui plaît de l'abattre et de l'humilier :

Si sa juste colère, un moment assoupie.

Dans sa gloire d'un jour laisse dormir l'impie,

Et livre ses élus au bras séculier ;


Quand les temps sont venus, le fort qui se relève

Soudain de la main droite a ressaisi le glaive :

Sur les débris épars qui gisaient sans honneur

Il rebâtit le Temple, et ses armes bénites

Abattent sous leurs coups les vils Madianites,

Comme fait les épis la faux du moissonneur.


Allez donc, secondant de pieuses vengeances,

Pour vous et vos parents gagner les indulgences ;

Fidèles, qui savez croire sans examen,

Noble race d'élus que le ciel a choisie,

Allez, et dans le sang étouffez l'hérésie !

Ou la messe, ou la mort !» - Le peuple dit : Amen.


II


A l'hôtel de Soissons, dans une tour mystique,

Catherine interroge avec des yeux émus

Des signes qu'imprima l'anneau cabalistique

Du grand Michel Nostradamus.

Elle a devant l'autel déposé sa couronne ;

A l'image de sa patronne,

En s'agenouillant pour prier.

Elle a dévotement promis une neuvaine,

Et tout haut, par trois fois, conjuré la verveine

Et la branche du coudrier.


« Les astres ont parlé : qui sait entendre, entende !

Ils ont nommé ce vieux Gaspard de Châtillon :

Ils veulent qu'en un jour ma vengeance s'étende

De l'Artois jusqu'au Roussillon.

Les pieux défenseurs de la foi chancelante

D'une guerre déjà trop lente

Ont assez couru les hasards :

A la cause du ciel unissons mon outrage.

Périssent, engloutis dans un même naufrage.

Les huguenots et les guisards ! »


III


C'était un samedi du mois d'août : c'était l'heure

Où l'on entend de ****, comme une voix qui pleure,

De l'angélus du soir les accents retentir :

Et le jour qui devait terminer la semaine

Était le jour voué, par l'Église romaine.

A saint Barthélémy, confesseur et martyr.


Quelle subite inquiétude

A cette heure ? quels nouveaux cris

Viennent troubler la solitude

Et le repos du vieux Paris ?

Pourquoi tous ces apprêts funèbres,

Pourquoi voit-on dans les ténèbres

Ces archers et ces lansquenets ?

Pourquoi ces pierres entassées,

Et ces chaînes de fer placées

Dans le quartier des Bourdonnais ?


On ne sait. Mais enfin, quelque chose d'étrange

Dans l'ombre de la nuit se prépare et s'arrange.

Les prévôts des marchands, Marcel et Jean Charron.

D'un projet ignoré mystérieux complices.

Ont à l'Hôtel-de-Ville assemblé les milices,

Qu'ils doivent haranguer debout sur le perron.


La ville, dit-on, est cernée

De soldats, les mousquets chargés ;

Et l'on a vu, l'après-dînée.

Arriver les chevau-légers :

Dans leurs mains le fer étincelle ;

Ils attendent le boute-selle.

Prêts au premier commandement ;

Et des cinq cantons catholiques,

Sur l'Évangile et les reliques,

Les Suisses ont prêté serment.


Auprès de chaque pont des troupes sont postées :

Sur la rive du nord les barques transportées ;

Par ordre de la cour, quittant leurs garnisons,

Des bandes de soldats dans Paris accourues

Passent, la hallebarde au bras, et dans les rues

Des gens ont été vus qui marquaient des maisons.


On vit, quand la nuit fut venue,

Des hommes portant sur le dos

Des choses de forme inconnue

Et de mystérieux fardeaux.

Et les passants se regardèrent :

Aucuns furent qui demandèrent :

- Où portes-tu, par l'ostensoir !

Ces fardeaux persans, je te prie ?

- Au Louvre, votre seigneurie.

Pour le bal qu'on donne ce soir.


IV


Il est temps ; tout est prêt : les gardes sont placés.

De l'hôtel Châtillon les portes sont forcées ;

Saint-Germain-l'Auxerrois a sonné le tocsin :

Maudit de Rome, effroi du parti royaliste,

C'est le grand-amiral Coligni que la liste

Désigne le premier au poignard assassin.


- « Est-ce Coligni qu'on te nomme ? »

- « Tu l'as dit. Mais, en vérité,

Tu devrais respecter, jeune homme.

Mon âge et mon infirmité.

Va, mérite ta récompense ;

Mais, tu pouvais bien, que je pense,

T'épargner un pareil forfait

Pour le peu de jours qui m'attendent ! »

Ils hésitaient, quand ils entendent

Guise leur criant : « Est-ce fait ? »


Ils l'ont tué ! la tête est pour Rome. On espère

Que ce sera présent agréable au saint père.

Son cadavre est jeté par-dessus le balcon :

Catherine aux corbeaux l'a promis pour curée.

Et rira voir demain, de ses fils entourée,

Au gibet qu'elle a fait dresser à Montfaucon.


Messieurs de Nevers et de Guise,

Messieurs de Tavanne et de Retz,

Que le fer des poignards s'aiguise,

Que vos gentilshommes soient prêts.

Monsieur le duc d'Anjou, d'Entrague,

Bâtard d'Angoulême, Birague,

Faites armer tous vos valets !

Courez où le ciel vous ordonne,

Car voici le signal que donne

La Tour-de-l'horloge au Palais.


Par l'espoir du butin ces hordes animées.

Agitant à la main des torches allumées,

Au lugubre signal se hâtent d'accourir :

Ils vont. Ceux qui voudraient, d'une main impuissante,

Écarter des poignards la pointe menaçante.

Tombent ; ceux qui dormaient s'éveillent pour mourir.


Troupes au massacre aguerries,

Bedeaux, sacristains et curés,

Moines de toutes confréries.

Capucins, Carmes, Prémontrés,

Excitant la fureur civile,

En tout sens parcourent la ville

Armés d'un glaive et d'un missel.

Et vont plaçant des sentinelles

Du Louvre au palais des Tournelles

De Saint-Lazare à Saint-Marcel.


Parmi les tourbillons d'une épaisse fumée

Que répand en flots noirs la résine enflammée,

A la rouge clarté du feu des pistolets,

On voit courir des gens à sinistre visage,

Et comme des oiseaux de funeste présage,

Les clercs du Parlement et des deux Châtelets.


Invoquant les saints et les saintes,

Animés par les quarteniers,

Ils jettent les femmes enceintes

Par-dessus le Pont-aux-Meuniers.

Dans les cours, devant les portiques.

Maîtres, écuyers, domestiques.

Tous sont égorgés sans merci :

Heureux qui peut dans ce carnage,

Traversant la Seine à la nage.

Trouver la porte de Bussi !


C'est par là que, trompant leur fureur meurtrière,

Avertis à propos, le vidame Perrière,

De Fontenay, Caumont, et de Montgomery,

Pressés qu'ils sont de fuir, sans casque, sans cuirasse.

Échappent aux soldats qui courent sur leur trace

Jusque sous les remparts de Montfort-l'Amaury.


Et toi, dont la crédule enfance,

Jeune Henri le Navarrois.

S'endormit, faible et sans défense,

Sur la foi que donnaient les rois ;

L'espérance te soit rendue :

Une clémence inattendue

A pour toi suspendu l'arrêt ;

Vis pour remplir ta destinée,

Car ton heure n'est pas sonnée,

Et ton assassin n'est pas prêt !


Partout des toits rompus et des portes brisées,

Des cadavres sanglants jetés par les croisées,

A des corps mutilés des femmes insultant ;

De bourgeois, d'écoliers, des troupes meurtrières.

Des blasphèmes, des pleurs, des cris et des prières.

Et des hommes hideux qui s'en allaient chantant :


« Valois et Lorraine

Et la double croix !

L'hérétique apprenne

Le pape et ses droits !

Tombant sous le glaive.

Que l'impie élève

Un bras impuissant ;

Archers de Lausanne,

Que la pertuisane

S'abreuve de sang !


Croyez-en l'oracle

Des corbeaux passants,

Et le grand miracle

Des Saints-Innocents.

A nos cris de guerre

On a vu naguère,

Malgré les chaleurs,

Surgir une branche

D'aubépine franche

Couverte de fleurs !


Honni qui pardonne !

Allez sans effroi,

C'est Dieu qui l'ordonne,

C'est Dieu, c'est le roi !

Le crime s'expie ;

Plongez à l'impie

Le fer au côté

Jusqu'à la poignée ;

Saignez ! la saignée

Est bonne en été ! »


V


Aux fenêtres du Louvre, on voyait le roi. « Tue,

Par la mort Dieu ! que l'hydre enfin soit abattue !

Qu'est-ce ? Ils veulent gagner le faubourg Saint-Germain ?

J'y mets empêchement : et, si je ne m'abuse,

Ce coup est bien au droit. - George, une autre arquebuse,

Et tenez toujours prête une mèche à la main.


Allons, tout va bien : Tue ! - Ah. Cadet de Lorraine,

Allez-vous-en quérir les filles de la reine.

Voici Dupont, que vient d'abattre un Écossais :

Vous savez son affaire ? Aussi bien, par la messe,

Le cas était douteux, et je vous fais promesse

Qu'elles auront plaisir à juger le procès.


Je sais comment la meute en plaine est gouvernée ;

Comment il faut chasser, en quel temps de l'année.

Aux perdrix, aux faisans, aux geais, aux étourneaux ;

Comment on doit forcer la fauve en son repaire ;

Mais je n'ai point songé, par l'âme de mon père,

A mettre en mon traité la chasse aux huguenots ! »
Quand je rêve sur la falaise,
Ou dans les bois, les soirs d'été,
Sachant que la vie est mauvaise,
Je contemple l'éternité.

A travers mon sort mêlé d'ombres,
J'aperçois Dieu distinctement,
Comme à travers des branches sombres
On entrevoit le firmament !

Le firmament ! où les faux sages
Cherchent comme nous des conseils !
Le firmament plein de nuages,
Le firmament plein de soleils !

Un souffle épure notre fange.
Le monde est à Dieu, je le sens.
Toute fleur est une louange,
Et tout parfum est un encens.

La nuit on croit sentir Dieu même
Penché sur l'homme palpitant.
La terre prie et le ciel aime.
Quelqu'un parle et quelqu'un entend.

Pourtant, toujours à notre extase,
Ô Seigneur, tu te dérobas ;
Hélas ! tu mets là-haut le vase,
Et tu laisses la lèvre en bas !

Mais un jour ton œuvre profonde,
Nous la saurons, Dieu redouté !
Nous irons voir de monde en monde
S'épanouir ton unité ;

Cherchant dans ces cieux que tu règles
L'ombre de ceux que nous aimons,
Comme une troupe de grands aigles
Qui s'envole à travers les monts !

Car, lorsque la mort nous réclame,
L'esprit des sens brise le sceau.
Car la tombe est un nid où l'âme
Prend des ailes comme l'oiseau !

Ô songe ! ô vision sereine !
Nous saurons le secret de tout,
Et ce rayon qui sur nous traîne,
Nous en pourrons voir l'autre bout !

Ô Seigneur ! l'humble créature
Pourra voir enfin à son tour
L'autre côté de la nature
Sur lequel tombe votre jour !

Nous pourrons comparer, poètes,
Penseurs croyant en nos raisons,
A tous les mondes que vous faites
Tous les rêves que nous faisons !




En attendant, sur cette terre,
Nous errons, troupeau désuni,
Portant en nous ce grand mystère :
Œil borné, regard infini.

L'homme au hasard choisit sa route ;
Et toujours, quoi que nous fassions,
Comme un bouc sur l'herbe qu'il broute,
Vit courbé sur ses passions.

Nous errons, et dans les ténèbres,
Allant où d'autres sont venus,
Nous entendons des voix funèbres
Qui disent des mots inconnus.

Dans ces ombres où tout s'oublie,
Vertu, sagesse, espoir, honneur,
L'un va criant : Élie ! Élie !
L'autre appelant : Seigneur ! Seigneur !

Hélas ! tout penseur semble avide
D'épouvanter l'homme orphelin ;
Le savant dit : Le ciel est vide !
Le prêtre dit : L'enfer est plein !

Ô deuil ! médecins sans dictames,
Vains prophètes aux yeux déçus,
L'un donne Satan à nos âmes,
L'autre leur retire Jésus !

L'humanité, sans loi, sans arche,
Suivant son sentier desséché,
Est comme un voyageur qui marche
Après que le jour est couché.

Il va ! la brume est sur la plaine.
Le vent tord l'arbre convulsif.
Les choses qu'il distingue à peine
Ont un air sinistre et pensif.

Ainsi, parmi de noirs décombres,
Dans ce siècle le genre humain
Passe et voit des figures sombres
Qui se penchent sur son chemin.

Nous, rêveurs, sous un toit qui croule,
Fatigués, nous nous abritons,
Et nous regardons cette foule
Se plonger dans l'ombre à tâtons !


*

Et nous cherchons, souci morose !
Hélas ! à deviner pour tous
Le problème que nous propose
Toute cette ombre autour de nous !

Tandis que, la tête inclinée,
Nous nous perdons en tristes vœux,
Le souffle de la destinée
Frissonne à travers nos cheveux.

Nous entendons, race asservie,
Ce souffle passant dans la nuit
Du livre obscur de notre vie
Tourner les pages avec bruit !

Que faire ? - À ce vent de la tombe,
Joignez les mains, baissez les yeux,
Et tâchez qu'une lueur tombe
Sur le livre mystérieux !

- D'où viendra la lueur, ô père ?
Dieu dit : - De vous, en vérité.
Allumez, pour qu'il vous éclaire,
Votre cœur par quelque côté !

Quand le cœur brûle, on peut sans crainte
Lire ce qu'écrit le Seigneur.
Vertu, sous cette clarté sainte,
Est le même mot que Bonheur.

Il faut aimer ! l'ombre en vain couvre
L'œil de notre esprit, quel qu'il soit.
Croyez, et la paupière s'ouvre !
Aimez, et la prunelle voit !

Du haut des cieux qu'emplit leur flamme,
Les trop lointaines vérités
Ne peuvent au livre de l'âme
Jeter que de vagues clartés.

La nuit, nul regard ne sait lire
Aux seuls feux des astres vermeils ;
Mais l'amour près de nous vient luire,
Une lampe aide les soleils.

Pour que, dans l'ombre où Dieu nous mène,
Nous puissions lire à tous moments,
L'amour joint sa lumière humaine
Aux célestes rayonnements !

Aimez donc ! car tout le proclame,
Car l'esprit seul éclaire peu,
Et souvent le cœur d'une femme
Est l'explication de Dieu !


* *

Ainsi je rêve, ainsi je songe,
Tandis qu'aux yeux des matelots
La nuit sombre à chaque instant plonge
Des groupes d'astres dans les flots !

Moi, que Dieu tient sous son empire,
J'admire, humble et religieux,
Et par tous les pores j'aspire
Ce spectacle prodigieux !

Entre l'onde, des vents bercée,
Et le ciel, gouffre éblouissant,
Toujours, pour l'œil de la pensée,
Quelque chose monte ou descend.

Goutte d'eau pure ou jet de flamme,
Ce verbe intime et non écrit
Vient se condenser dans mon âme
Ou resplendir dans mon esprit ;

Et l'idée à mon cœur sans voile,
A travers la vague ou l'éther,
Du fond des cieux arrive étoile,
Ou perle du fond de la mer !

Le 25 août 1839.
Fable IX, Livre V.


Fier de sa charge magnifique,
Fier de porter, je ne sais où,
Pour je ne sais qui, l'or du Chili, du Pérou,
Et du Potose et du Mexique,
Un gros vaisseau marchand revenait d'Amérique.
Le joyeux équipage était des plus complets :
Passagers, matelots, soldats, maîtres, valets,
Favoris de Plutus, de Mars ou de Neptune,
L'emplissaient, l'encombraient de la cave au grenier
Ou du fond de cale à la hune,
Pour parler en vrai marinier.
De Noé l'arche était moins pleine.
Un rat cependant grimpe à bord,
Et, sans montrer de passe-port,
Sans saluer le capitaine,
S'établit parmi les agrès.
Un pareil commensal ne vit pas à ses frais.
Aussi s'aperçoit-on, tant au lard qu'au fromage,
Grignotés, écornés par l'animal rongeur,
Qu'on nourrissait un voyageur,
Qui n'avait pas payé passage.
Le conseil de guerre entendu,
Vu l'urgence, un décret rendu
Hors la loi met la pauvre bête.
En maint lieu maint piège est tendu,
Et des mâts maint chat descendu
De maint côté se met en quête ;
Le proscrit, qui d'un coin oyait et voyait tout,
Et tremblait un peu pour sa tête,
Dès que le conseil se dissout,
Au patron, d'un peu ****, présente sa requête.
« Pitié, pardon, grâce, seigneur !
« Je renonce à la friandise.
« Foi de rat, foi d'homme d'honneur,
« Je vous paierai le tort qu'a fait ma gourmandise.
« Seigneur, qu'on me débarque au port le plus voisin,
« J'y trouverai quelque cousin,
« Ou rat de cave ou rat d'église,
« Mais gens à vous payer tout prêts.
« Le continent doit être près.
« Que ce soit Angleterre, ou Chine, ou France, ou Perse,
« J'ai partout là des intérêts
« Ou de famille ou de commerce ;
« J'ai partout là crédit. - Ni crédit, ni pardons
« Pour les escroqueurs de lardons,
Dit en jurant l'homme à moustache.
« Force à la loi : Raton ! Minet ! » Le rat se cache.
Gascon, fils de Normand, il savait plus d'un tour.
Mais à quoi bon ? La nuit, le jour,
Cerné, guetté, chassé, harcelé sans relâche,
Il ne mange, boit, ni ne dort.
Peut-il échapper à son sort ?
Partout on a mis des ratières,
Partout on a fait des chatières,
Partout la peur, partout la mort !
Elle est préférable à la vie,
De terreurs ainsi poursuivie !
Mourons donc, mais en homme, et vengeons-nous d'abord.
Il dit, et de ses dents, meilleures que les nôtres,
Usant, limant, rongeant, perçant en maint endroit
La nef qui sur le Styx s'en va voguer tout droit,
Dans l'abîme qu'il s'ouvre il entraîne les autres.
Je tiens même d'un souriceau,
Qu'heureux plus que Samson au jour de sa revanche,
À la ruine du vaisseau
Il échappa sur une planche.

En préceptes, lecteur ami,
Ce petit apologue abonde.
Si je l'en crois, en ce bas monde
Il n'est pas de faible ennemi.
De plus, le sage en peut induire,
Et l'homme puissant doit y voir
Qu'il est dangereux de réduire
Le petit même au désespoir.
K Balachandran Mar 2015
Night sky over Paris, doesn't speak starry love tonight
intimate soul, maker of my spirit's whole,
Paris would love to hold close to it's broad heart,
didn't we elope through the Metro tunnel
of experiences,then I made you wear my coat
to protect you from winter cold, hid you
in the cozy interior of my memory well lit,
where you wait on a hope, unsuspecting
losing all sense of time.Still at Arc de Triomphe ,
I  wait for the train that never comes, I suspect
you are a prisoner, in the urban jungle of La Defense
beyond the lonely whiteness of Grande Arche
time the marauder comes in without knocking,
he must have took you away, none will know when
the tunnel of our experiences, once we knew are bare
I'll be going alone soon in a dark train to nowhere
where are you, where are you, my voice chokes and fail
പ്രണയ പരാജിതരുടെ ഗോപുരത്തിലെ തടവുകാരിക്കുവേണ്ടി
ഒരു രോദനം
Taisez-vous, ô mon cœur ! Taisez-vous, ô mon âme !

Et n'allez plus chercher de querelles au sort ;

Le néant vous appelle et l'oubli vous réclame.


Mon cœur, ne battez plus, puisque vous êtes mort ;

Mon âme, repliez le reste de vos ailes,

Car vous avez tenté votre suprême effort.


Vos deux linceuls sont prêts, et vos fosses jumelles

Ouvrent leur bouche sombre au flanc de mon passé,

Comme au flanc d'un guerrier deux blessures mortelles.


Couchez-vous tout du long dans votre lit glacé ;

Puisse avec vos tombeaux, que va recouvrir l'herbe,

Votre souvenir être à jamais effacé !


Vous n'aurez pas de croix ni de marbre superbe,

Ni d'épitaphe d'or, où quelque saule en pleurs

Laisse les doigts du vent éparpiller sa gerbe.


Vous n'aurez ni blasons, ni chants, ni vers, ni fleurs ;

On ne répandra pas les larmes argentées

Sur le funèbre drap, noir manteau des douleurs.


Votre convoi muet, comme ceux des athées,

Sur le triste chemin rampera dans la nuit ;

Vos cendres sans honneur seront au vent jetées.


La pierre qui s'abîme en tombant fait son bruit ;

Mais vous, vous tomberez sans que l'onde s'émeuve,

Dans ce gouffre sans fond où le remords nous suit.


Vous ne ferez pas même un seul rond sur le fleuve,

Nul ne s'apercevra que vous soyez absents,

Aucune âme ici-bas ne se sentira veuve.


Et le chaste secret du rêve de vos ans

Périra tout entier sous votre tombe obscure

Où rien n'attirera le regard des passants.


Que voulez-vous ? Hélas ! Notre mère Nature,

Comme toute autre mère, a ses enfants gâtés,

Et pour les malvenus elle est avare et dure.


Aux uns tous les bonheurs et toutes les beautés !

L'occasion leur est toujours bonne et fidèle :

Ils trouvent au désert des palais enchantés ;


Ils tètent librement la féconde mamelle ;

La chimère à leur voix s'empresse d'accourir,

Et tout l'or du Pactole entre leurs doigts ruisselle.


Les autres moins aimés, ont beau tordre et pétrir

Avec leurs maigres mains la mamelle tarie,

Leur frère a bu le lait qui les devait nourrir.


S'il éclot quelque chose au milieu de leur vie,

Une petite fleur sous leur pâle gazon,

Le sabot du vacher l'aura bientôt flétrie.


Un rayon de soleil brille à leur horizon,

Il fait beau dans leur âme ; à coup sûr, un nuage

Avec un flot de pluie éteindra le rayon.


L'espoir le mieux fondé, le projet le plus sage,

Rien ne leur réussit ; tout les trompe et leur ment.

Ils se perdent en mer sans quitter le rivage.


L'aigle, pour le briser, du haut du firmament,

Sur leur front découvert lâchera la tortue,

Car ils doivent périr inévitablement.


L'aigle manque son coup ; quelque vieille statue,

Sans tremblement de terre, on ne sait pas pourquoi,

Quitte son piédestal, les écrase et les tue.


Le cœur qu'ils ont choisi ne garde pas sa foi ;

Leur chien même les mord et leur donne la rage ;

Un ami jurera qu'ils ont trahi le roi.


Fils du Danube, ils vont se noyer dans le Tage ;

D'un bout du monde à l'autre ils courent à leur mort ;

Ils auraient pu du moins s'épargner le voyage !


Si dur qu'il soit, il faut qu'ils remplissent leur sort ;

Nul n'y peut résister, et le genou d'Hercule

Pour un pareil athlète est à peine assez fort.


Après la vie obscure une mort ridicule ;

Après le dur grabat, un cercueil sans repos

Au bord d'un carrefour où la foule circule.


Ils tombent inconnus de la mort des héros,

Et quelque ambitieux, pour se hausser la taille,

Se fait effrontément un socle de leurs os.


Sur son trône d'airain, le Destin qui s'en raille

Imbibe leur éponge avec du fiel amer,

Et la Nécessité les tord dans sa tenaille.


Tout buisson trouve un dard pour déchirer sa chair,

Tout beau chemin pour eux cache une chausse-trappe,

Et les chaînes de fleurs leur sont chaînes de fer.


Si le tonnerre tombe, entre mille il les frappe ;

Pour eux l'aveugle nuit semble prendre des yeux,

Tout plomb vole à leur cœur, et pas un seul n'échappe.


La tombe vomira leur fantôme odieux.

Vivants, ils ont servi de bouc expiatoire ;

Morts, ils seront bannis de la terre et des cieux.


Cette histoire sinistre est votre propre histoire ;

Ô mon âme ! Ô mon cœur ! Peut-être même, hélas !

La vôtre est-elle encore plus sinistre et plus noire.


C'est une histoire simple où l'on ne trouve pas

De grands événements et des malheurs de drame,

Une douleur qui chante et fait un grand fracas ;


Quelques fils bien communs en composent la trame,

Et cependant elle est plus triste et sombre à voir

Que celle qu'un poignard dénoue avec sa lame.


Puisque rien ne vous veut, pourquoi donc tout vouloir ;

Quand il vous faut mourir, pourquoi donc vouloir vivre,

Vous qui ne croyez pas et n'avez pas d'espoir ?


Ô vous que nul amour et que nul vin n'enivre,

Frères désespérés, vous devez être prêts

Pour descendre au néant où mon corps vous doit suivre !


Le néant a des lits et des ombrages frais.

La mort fait mieux dormir que son frère Morphée,

Et les pavots devraient jalouser les cyprès.


Sous la cendre à jamais, dors, ô flamme étouffée !

Orgueil, courbe ton front jusque sur tes genoux,

Comme un Scythe captif qui supporte un trophée.


Cesse de te raidir contre le sort jaloux,

Dans l'eau du noir Léthé plonge de bonne grâce,

Et laisse à ton cercueil planter les derniers clous.


Le sable des chemins ne garde pas ta trace,

L'écho ne redit pas ta chanson, et le mur

Ne veut pas se charger de ton ombre qui passe.


Pour y graver un nom ton airain est bien dur,

Ô Corinthe ! Et souvent froide et blanche Carrare,

Le ciseau ne mord pas sur ton marbre si pur.


Il faut un grand génie avec un bonheur rare

Pour faire jusqu'au ciel monter son monument,

Et de ce double don le destin est avare.


Hélas ! Et le poète est pareil à l'amant,

Car ils ont tous les deux leur maîtresse idéale,

Quelque rêve chéri caressé chastement :


Eldorado lointain, pierre philosophale

Qu'ils poursuivent toujours sans l'atteindre jamais,

Un astre impérieux, une étoile fatale.


L'étoile fuit toujours, ils lui courent après ;

Et, le matin venu, la lueur poursuivie,

Quand ils la vont saisir, s'éteint dans un marais.


C'est une belle chose et digne qu'on l'envie

Que de trouver son rêve au milieu du chemin,

Et d'avoir devant soi le désir de sa vie.


Quel plaisir quand on voit briller le lendemain

Le baiser du soleil aux frêles colonnades

Du palais que la nuit éleva de sa main !


Il est beau qu'un plongeur, comme dans les ballades,

Descende au gouffre amer chercher la coupe d'or

Et perce, triomphant, les vitreuses arcades.


Il est beau d'arriver où tendait votre essor,

De trouver sa beauté, d'aborder à son monde,

Et, quand on a fouillé, d'exhumer un trésor ;


De faire, du plus creux de son âme profonde,

Rayonner son idée ou bien sa passion ;

D'être l'oiseau qui chante et la foudre qui gronde ;


D'unir heureusement le rêve à l'action,

D'aimer et d'être aimé, de gagner quand on joue,

Et de donner un trône à son ambition ;


D'arrêter, quand on veut, la Fortune et sa roue,

Et de sentir, la nuit, quelque baiser royal

Se suspendre en tremblant aux fleurs de votre joue.


Ceux-là sont peu nombreux dans notre âge fatal.

Polycrate aujourd'hui pourrait garder sa bague :

Nul bonheur insolent n'ose appeler le mal.


L'eau s'avance et nous gagne, et pas à pas la vague,

Montant les escaliers qui mènent à nos tours,

Mêle aux chants du festin son chant confus et vague.


Les phoques monstrueux, traînant leurs ventres lourds,

Viennent jusqu'à la table, et leurs larges mâchoires

S'ouvrent avec des cris et des grognements sourds.


Sur les autels déserts des basiliques noires,

Les saints, désespérés et reniant leur Dieu,

S'arrachent à pleins poings l'or chevelu des gloires.


Le soleil désolé, penchant son œil de feu,

Pleure sur l'univers une larme sanglante ;

L'ange dit à la terre un éternel adieu.


Rien ne sera sauvé, ni l'homme ni la plante ;

L'eau recouvrira tout : la montagne et la tour ;

Car la vengeance vient, quoique boiteuse et lente.


Les plumes s'useront aux ailes du vautour,

Sans qu'il trouve une place où rebâtir son aire,

Et du monde vingt fois il refera le tour ;


Puis il retombera dans cette eau solitaire

Où le rond de sa chute ira s'élargissant :

Alors tout sera dit pour cette pauvre terre.


Rien ne sera sauvé, pas même l'innocent.

Ce sera, cette fois, un déluge sans arche ;

Les eaux seront les pleurs des hommes et leur sang.


Plus de mont Ararat où se pose, en sa marche,

Le vaisseau d'avenir qui cache en ses flancs creux

Les trois nouveaux Adams et le grand patriarche !


Entendez-vous là-haut ces craquements affreux ?

Le vieil Atlas, lassé, retire son épaule

Au lourd entablement de ce ciel ténébreux.


L'essieu du monde ploie ainsi qu'un brin de saule ;

La terre ivre a perdu son chemin dans le ciel ;

L'aimant déconcerté ne trouve plus son pôle.


Le Christ, d'un ton railleur, tord l'éponge de fiel

Sur les lèvres en feu du monde à l'agonie,

Et Dieu, dans son Delta, rit d'un rire cruel.


Quand notre passion sera-t-elle finie ?

Le sang coule avec l'eau de notre flanc ouvert,

La sueur rouge teint notre face jaunie.


Assez comme cela ! Nous avons trop souffert ;

De nos lèvres, Seigneur, détournez ce calice,

Car pour nous racheter votre Fils s'est offert.


Christ n'y peut rien : il faut que le sort s'accomplisse ;

Pour sauver ce vieux monde il faut un Dieu nouveau,

Et le prêtre demande un autre sacrifice.


Voici bien deux mille ans que l'on saigne l'Agneau ;

Il est mort à la fin, et sa gorge épuisée

N'a plus assez de sang pour teindre le couteau.


Le Dieu ne viendra pas. L'Église est renversée.
À Manoel de Barros

PSAUME I

Tapi dans la mangrove, bondissant...sautant-matant

Le ciel aux trois-quarts nu

De giraumon, de pissat et de sang...

Assis sur le trottoir, le ciel tousse

Kein-hein kein-hein

Ivre de parfums rouges errants,

De brocarts et de confettis à ses trousses.

Assis à marée basse, électrique...

Insensible aux chevaux des dieux

Qui tournoient

Au-dessus des tambours

Qui chavirent

Insensibles

Aux orgues charnelles

Des moites guérisseuses...

Le ciel caracole,

Glisse, contorsionniste,

Mascarade immobile

Démêlant le cours des amours burlesques

Entre les atolls obscurs

De pistaches et de bonbons,

D’anges et de démons...

Cabriole, tiède et poisseux,

Cisaille à contre-jour

L’orpailleur en transe

Aboyant dans le sérail de mes âmes

Sevrées, esseulées...

L’aube culbute

Dans les lambeaux du gouffre

Dans les calypsos du soleil

D’où sourdent, dégénérées,

Les jambes et les larmes

Qui fraient encore, exotiques

Sur les pilotis

Du carnaval nocturne

D’où va saillir le jour.

PSAUME II

Il pleut sur le kiosque des songes

Des encres mornes

Comme des brindilles

Enfantées de l’œuf tiède

Où s’aimante

Délicieusement noire

La mygale

Fleuve des nuages

Qui emballe

De son ouate ludique

Le rayon nain

Dérobé

Au serpent arc-en-ciel

Enfin rassasié

PSAUME III

Tellurique, dame Terre esquive les amarres

Effervescentes. Le ciel, hameçon entre les îles,

Rayonne, entonne l’odyssée perpétuelle,

Pion libre dans l’espace

Sempiternellement baigné par les baumes

Incendiaires du soleil obèse, son jumeau

Complice des moissons violées, œcuménique,

Humble, jadis et toujours, Terre :

Oasis, océan, oxygène, oeil

Revêtu d’or, jardin où les ombres basses

Exultent, balbutiant des airs amnésiques..."

PSAUME IV

Rebelle lascive

Telle la lune blette

Suçant les corps subtils

Des mangues sauvages

Enroulées dans la pluie d’obsidienne...

Courtisane de toutes les brousses

Avaleuse de poisson vivant

Pour mieux apprendre à nager

Dans les moues du fleuve douillet...

Les lacets se cabrent, dans un baiser de peaux, de tôles et de croix

Les laves du dernier décan affleurent,

Saupoudrent l’écloserie de marbre humide

Et la pellicule humide de feu cru

Enfouit les dieux écartelés

Aux moues du fleuve endiablé..."

PSAUME V

Soudain pagayer dans le vent et découdre l’odeur légère de la forêt

Chasser les désirs cueillis dans la poudre des oiseaux rares

Et repriser dans les entrailles des pétales juteux...

Puis amarrer à la lumière verticale des matins

Un éclair avec le mot “boum”.

PSAUME VI

"Nomades, où sont les nuits ?"

Grince l’arc débandé du soleil

Embrassé à la portée de cristal

Des nuages en menstrues...

Peut-être que la nuit décante
Blottie dans le nid du large

Faite une enfant, se vautre

Sous les flottilles de jasmin

Dévastant les marées,

Traquant le ressac du temps...

Peut-être que la nuit accouche
Bien après les chaleurs

Faite une gueuse, brise

De son cœur de soprano

Les rames de glace de la lune qui s’épand

Dans un banc d’aquarelles...

Ou peut-être, la nuit, peut-être

La nuit, lisse et lasse,

Allaite les étoiles prises

Aux moustiquaires de cendre

Où le ciel foudroyé

Bat en retraite la chamade.

Peut-être qu’elle arraisonne
Les frêles écailles de l’orgasme total

Pour que nul ne sache

Qu’elle est née sans nombril,

Pour que nul ne sache

Qu’elle est grosse d’un jour

Au goût de sel...

PSAUME VII

"Abysses en vue !" vocifère l’huile en larmes

Faisant voler dans l’onguent vagabond

Les feux follets sortis de leur miroir,

Condors de phosphore, cyclones désemparés

Où se bousculent, palefrenières distraites,

Les couleurs qui rient en allant au supplice...

En chapelets, la lumière débouche, foule, broute,

S’autodévore sous la caresse des truelles,

Moud les étincelles, les taches, les brèches

En route vers le seuil du sacrifice,

Et dans l’embellie de l’œil

Éclot le prétendant buriné

Dans l’apothéose du matin soigneusement peint...

PSAUME VIII

Noyée dans la saumure en flammes

Du soir délicieusement grand ouvert, l’indicible lueur

Cloîtrée dans son écrin liquide

Jalonné de boues, moustiques et palétuviers,

Harponne la braise moribonde de charbon rose

Innombrable qui serpente dans le cirque de sable

A force de nager, à force de nager

Éternellement à joncher les grèves de l’arc-en-ciel.

PSAUME IX

Dans la baie, un sein vert flambe

Campant dans un bain de coton...

L’écho, hypnotique, tourne, tourne, prolifique...

Ô îles, les îles

Notes en menottes, ailes balafrées,

Miels de sel, fiels de ciel...

Ô îles, les îles

Filaments de mangue, eaux assoiffées

Larmes chaudes de tambours incoagulables...

Ô îles, les îles

D’où venez-vous, miettes de sang ?

Comment vous êtes-vous posés, papillons,

Au milieu de la grande termitière d’or bleu ?

PSAUME X

Kaki, dans le jour rectiligne,

Le soleil, bibelot tiède et omniprésent,

Affalé dans les sortilèges

De la pluie ensorceleuse..

.
Incrustée dans son terrier maternel,

Luciole équilibriste,

A demi ivre souffre l’espérance,

Soufflant des goélettes de papier...

Les lunes se rétractent lestes et faibles,

La visibilité est bonne

De chenaux en détroits, vont, naufragées,

En débandade, les voluptés,

Roues flamboyantes

Dilacérant les haillons allumés

Des orbites sismiques..

PSAUME XI

Zéro heure, la chauve cascade

Où le délire se découd

Dans les courbes de l’ennui...

Zéro heure, l’édentée

Déchirant les échos

Des obsèques de minuit...

Zéro heure, poupée

Aptère, assoupie

A l’ombre des rêves...

Cartomancienne hérétique

Châtrant les éruptions chagrines,

Châtrant, multipliant les yeux

Vers les plages pourpres...

Zéro heure, nymphe sourde

Défunte à la canne bossue,

Hissant le grand pavois

De la couleur polyphonique,

L’accord,

La peau du poète,

Éclipse magique

De tous les déluges...

PSAUME XII

Songes dans l’extrême sud

Monochromatique

Ancres tapissées,

Couples éteints, inflorescences...

Chevaux cardiaques

Occultés dans un nid lunaire...

Passager de la nef du fou

Fouetté par le roi si bémol

Qui monte à l’échafaud...

Battements rupestres,

Sentiers crevant les lieues

Au rythme des ailes de nuages...

La pluie soudain s’est tue

La liesse s’est tue soudain

Dilapidée dans ce jour rongé...

PSAUME XIII

Éteint dans la lumière, le portraitiste

Brûle l’absence mate,

La suie insolite...

La haute mer se dilue..

L’arche hiberne aussi **** que porte la vie

Dans son sanctuaire de sève

Où la terre saigne ses eaux bouclées

Qui écument des épaves de pierre

Aussi **** que porte la vie.

PSAUME XIV

Les îles du matin m’embrassent

Après une nuit de lune rase

Le ronflement du rayon

Macule en naissant le chœur torride

De l’alcôve qui s’écaille émaillée.

Entre traits, tracés et rayures

Flottent des oranges polymorphes

A portée des mains...

Sous la ménagerie de ses eaux poissonneuses

La gomme méthylique du soleil

Frotte dans le bassin d’étincelles

L’orchestre infime de ce lointain carnaval renié

Qui crépite, savonné...

Entre gravillons et bulles

Flottent des oranges polymorphes

A portée des mains...

Devant l’horloge en rut

Se signent les orangers...

Le soleil consent à la lune

La mare de feu

Greffée dans le pouls vivace de l’ombre ivre...

Entre ruines et volutes

Flottent des oranges polymorphes

Scandaleusement

A portée des mains...

PSAUME XV

Le matin nage, innombrable

Salamandre aux cent venins de verre

Qui se distillent dans une encre de cendres

Offertes au soleil insatiable...

Dans le calice débordant

Des récoltes que la nuit

Ne grignote qu’à moitié,

Les sargasses du désir plongent,

Cinglant le silence des incohérences...

Hilare, la lune

Se réveille et butine

Le nectar indigo

Qui s’attarde

Comme une musique rétinienne

Aux confins du jour...

Ainsi emmurés vifs

Dans le flux impénétrable des reflets,

Vont à l’aveuglette

Dans le palais des singes volants

L’amour et ses tribus aborigènes

Veillant sur la toison rouge du ciel...

PSAUME XVI

Mon deuil échoue à l’aube

Les yeux ouverts sur les laves

De ce volcan éteint

Où s’apaisent les étoiles...

La flèche de l’archer s’évanouit, fauchée...

Le licol de mousseline de l’archipel précieux

Vacille, se dissout,

Orphelin mélancolique

Murmurant des baisers d’aniline

Aux marges du rêve...

Insomnuit d’été

Si seulement je pouvais rêver !

PSAUME XVII

Sur l’échiquier, la nuit chancelle, vénéneuse...

Un vaisseau de pierre au galop s’envole

Au chevet de la mer noyée

Suant la résine...

Sifflotant, le saltimbanque

Éconduit les horizons pétales

Pris du soleil gemme étanche

Dans les écumes du ciel d’étain...

Bientôt, les lunes oscillent

Ondulent, se dérobent frivoles,

L’étalon noir se dissipe

Décochant des flèches en forme de cœur...

Quelque chose se brise dans le noir :

Était-ce un masque ou un miroir ?

Quand luit la dernière tranche d’ombre

Déboussolées, dans la dune de verre, les étoiles

Bégaient...

Les coquilles se détellent de la terre réfractaire...

Le soleil dévastateur s’abreuve de ciel

Cachant les antres de brai...

Tâtant les décadences nacrées

Ointes de sueurs salines

L’amazone enfin répudiée

Chantonne aux aguets

Dans la baie couleur sépia...

PSAUME XVIII

Clic
Hennissement aveugle, l’île

Se déhanche

Toute soie et serpent

Contre l’épi de maïs vert...

Clac
“Marée basse”, dit la reine-mère...

Aucune abeille ne rame,

Ne laboure les pollens de la mer...

Clic
**** des brise-lames

Lisses et bouillonnants

Des crinières sans fin et du goémon,

L’iguane sous la villa jaune...

Le long des bougies

Coule le gouvernail du silence...

Clic
Sous les fleurs délabrées de l’éclair

Dans leur hamac vert

Les vagues veuves, les vagues nues

Courent après les lunes

Et lentement chantent les araignées...

Clic
Parfums de lumière

Qui jouent, jouent, jouent

Se décomposent

Dans une brise d’alcools...

Clic
Chimères de la mer, coup de sifflet final

Rongeant les sables glauques

Les tranchées dans le ciel ouvert

Tapis du soleil et son essaim de sujets...

Clic
La nuit, la mer fructifie

Au ralenti...

PSAUME XIX

"Au feu, au feu !

Feu à la dérive !"

Scandent deux coléoptères...

Le feu fuit !

Le magicien s’est brûlé

A faire sa magie.

Le pôle s’évapore,

Le puits fait l’aumône,

L’enfant aboie,

La moto boite,

La forêt détale,

Le lion se vêt de singe

Noir et doré

Et petit à petit

Va planer

Au-dessus de l’autel fugace

Où gît

Hululant, pullulant, virulent,

Le vol agile craché

Du saxophone ténor...

L’hiver fouette le ciel,

La terre meurt prématurée,

Liane après liane,

Sécrétant comme vestiges

Le tapis de talc

D’une aile de sirène

Et le vertige nuptial

De deux notes jaunes inachevées

Au sein des similitudes.

PSAUME **

Prunelle de gris jaune
Prunelle nuit et mer
Bleu coursier d’argile
Tigresse à la crinière couleur de brume.
Dans le rare verger qu’est l’amour
Audacieuse, elle va, incendiaire
Empaillée dans un paquebot hystérique
Vers le hasard des quais identiques
Les yeux pleins de chaux.

Dans ce chant veuf, dans cette capitale pyromane
La voilà, légère,
Aspirant les équinoxes dans cet air enchaîné
En selle pour un bain d’herbes monastique
Geôlière verte
D’émeraude pure...

PSAUME XXI

L’accordéoniste des abysses
Peint dans l’œil de l’obscur :
Un nuage en zigzaguant
Ancre aux eaux du vide.

Et le gong sue...timide.
Et comme en un tango antique
S’écoule le cri acide

Des teintes atteintes par les balles,
Hoquet du temps incarné
A l’aube d’une pluie sèche de chaleurs vertes.
Et le gong sue...tumide.

Et comme en un tango marin
Caracole la pirogue étoilée du tigre intime
Renversant de son parapluie
Les certitudes les plus ensevelies de la peur.

Et le gong sue...tumide.
Et les papillons enfantent
Des flammes dans les sables mouvants,
Des harpes éoliennes
Comme des gymnastes hués par le soleil en ruines
A la recherche des marées sèches.

Et le gong sue... tumide.
Et comme en un tango de funambules
Les œillères des brebis galeuses
Traversent la toile, vieillissent, exhument le salpêtre
D’un bandonéon dont la sueur incendie les cernes
De la nuit qui jazze...

PSAUME XXII

Tendrement
Le messager lit
Les lignes du vent,
Prend le pouls
Du ventre jaspé
De la basilique d’encre de chine :

-Là-bas, sous les monts de Vénus
Rode le messager,
Troubadour englouti
Par une lave obscure,

Passager invisible
Des failles muettes
Qu’il restaure encore...

Tendrement
Le messager
Harponne
Les coquilles du temps...
A la pointe de l’hameçon,

Un morceau de vitrail
Où à peine filtre
La lueur des entrailles,
On devine soudain
La forme d’un cheval marron
Qui hennit.

PSAUME XXIII

Bleu roi
De ces couleurs pièges.
Bleu de ces teintes imprévisibles.
Issu du venin tribal
Des roses du désert
Le bleu tombe,
Comme un nuage de coton doux,
Sur la brousse atlantique des lèvres
Enflées de secrets,
Où, hystérique, il donne le jour
Sous le kiosque sympathique des pluies cyanes
A une larme de sang,
Daltonienne.

Bleu roi
De ces couleurs mutantes :
Seul le baiser de cobalt réchauffe
Les escales mélancoliques
De ces ailes closes,
Révèle les jeux d’artifice,
Et murmurant des flammes,
Fait évanouir
Le deuil magnétique
Des rênes d’ivoire...

La flèche de l’archer pénètre,
Débridée,
Le voile de mousseline de l’archipel précieux
Qui vacille, se dissout,
Orphelin en suspens, spectre d’aniline
Aux gants d’émeraude
Et aux chaussons d’améthyste...

PSAUME XXIV

Dormir, virgule,
Souffler doucement
Des cases jumelles,
Ramper à nouveau, gigoter,
Jusqu’à ce que tout ne soit plus
Qu’une seule immensité...

Au lieu de l’abîme
La clairière dans la caféière.
Dormir, virgule,
Ça et là,
Lune bleue
Embuée
Sous la baguette du silence...

Le rêve entre et sort

Et jusqu’aux nuages
Craignent la chute
Vers le sommeil...

PSAUME XXV

Les îles et une nuits
Me font chavirer,
Je fuis,
Naufragée inlassable,
Hors du clan tentaculaire
Vers la clarté volatile
Des voiles incendiaires...

Mes nerfs à la fleur du large
Bifurquent,
S’évaporent en filigranes
Plus **** encore...

Bleu nuit devient la mer
Aux portes de son repaire
Ancré à la rive gauche du cœur.

La crique n’est plus ce qu’elle était :
La neige reptile teint les dauphins de rose...
Éden ?
De temps à autre

Passe un trapèze
Balayant le silence.

PSAUME XXVI

Ô Reine, Notre Duc
Sous tes ongles laqués
J’imagine un ciel rouge
Aux parfums de lait de cobra...
Le soleil fait pleuvoir des sceptres sur le fleuve
Et des piranhas aux dents d’eau
Larguent des cerfs-volants sans fin...

“Chantez les très riches heures de l’En-Dehors !”
Crie à la face du levant
Un caméléon qui lisse les ailes du hasard
Planté dans le dédale de ta langue baccarat.

PSAUME XXVII

Près de la passerelle d’ivoire :
“Odyssées,
Métamorphoses,
Mues,
Je vous aime !” "
Jordan Gee May 2022
I grew up along a gravel road
in a refitted freight house once owned by a slate mining outfit
my backyard was a rolling sprawl of giant scrap-heaps made
of spent
or unusable slate
some slabs were as big as a tool shed;
mossy promontories jabbing and jutting like dull honey- badger quills
poking out of the hills
as they sprawled in their
heaps and their heaves
and their gullies.
it was a regular shangri la for a couple young boys born in the early to mid 80s
our own private wilderness;
adolescent paradise.
sometimes I would look up from my backyard to
the tops of those slate hills and
I would see my friend Joe.
he  was older than i was and I looked up to him and
I craned my neck
looking up to him then
standing at the summit of a slate hill,
hands on his hips
perched and
hiding behind his silhouette-
the Northampton County Sun setting on behind him
blood orange scarlet and
purple gray blue were the colors of those feelings back then.
time ticked on
the way time does.
my parents got a divorce and I moved across town
there were no slate hills in that backyard
and the slate company chain linked all the hills that remained
and so there stood
a fence between me
and the wonderland I once knew.
Joe died unexpectedly some years later in  
some obscure forest of
one of the Virginias
together we nurtured some regrets suspended in between our
childhood and those
terminal woods.
together we held some memories like beads strung along a strand of silk
translucent pearls like drops of dew
condensing
out there somewhere on the
eternal web of the akasha
unknown to even Indra
unknown to all but us.
couldn’t hold on any longer
had to let it go.  

my brother gave me a pencil cactus
it seemed to flourish in my care
I had been neglecting my own needs for years
not sure I knew what my needs even were
but that cactus needed water and light
and this much i knew
and this much i provided.
it turned a red color down near the bottom of the stalk -
looked it up on google;
some kind of pencil cactus rite of passage.
after the reddening
it becomes then the stick of fire.
we were kicking up dust
over all the trails
fading on behind us
we acted like it was eyes forward only…
towns I used to know, sinking without blinking
absorbed in the horizon on behind me.
I acted like I couldn’t take my eyes off the rear view.
we pulled up and parked on
another
orange
lane
me and my stick of fire.
we landed in a
townhouse -
plenty of legroom
even had central air.
I put the cactus under a window
on the second story
didn’t think about the air vent on the floor
blowin all that dry air
and my stick of fire
withered and wrinkled up
and it shrank and shriveled
I couldn’t bring it back
and i tried
but i
had to let it go.

a giant scooped me in his hands
he was massive
40 feet tall
the war horns blew in the distance when he walked.
he
cocked back his hand and tossed me
through the air
on over the horizon
i was surfing the high skies
on thermals and the slip
streams of vultures
and peregrine falcons-
all of us then dive bombing
all the skinwalkers
like a 2 dimensional love spiral made of
peaks and valleys
and deep trenches swimming in the waters of the
mystic arts….
I held the sun in my hand for exactly one moment
but i blinked and turned
back into a clanging cymbal
a vessel of divine prophecy
going on babbling in tongues.
now a raptor eats my liver every day at noon.
I heard the sun rising in my hands for only just a moment
it was warm and held me in a present bulb of space
I breathed it in
and held it
before I had to let it go.

the architecture of
the Wyoming Valley downtowns
are like frozen songs
crumbling into puddles in a *** hole.
the steam engines and the breakers
are empty skeletons
and dry leaves.
weasels and other vermin making homes inside of holes
the soul was laid off in the vacancy
conflagrations once able to burn down entire cities
at the top of golden arche, and
now the place smells like the smothered ashes of a
single
dwindling
ember .
I yearn for a smooth good-bye
you go ahead and talk and then i’ll go-
yet i ****** up another one
open throats and
another
wire barb in the
neocortex…
I had high hopes
but I had to let it go.

I had high expectations of an early grave
“here lies such and such”
stiff in the long stillness like a possum caught inside a headlight
what a relief that would of been in the brimstone of my twenties
but the roosters kept on crowing
the morning sun kept rising
shining
death away
the big sleep was a false hope
had to let it go.

By Jordan Gee
Had to let it go
Death-throws Jan 2017
Do you think
You'll ever be tired of beeing mine?
Drunk ****** under two and a half  bottles of red wine.
I know your  kind,
Short and beautiful
Small lips with wolfs teeth
Swallow my soul  whole and carve your sigil into my breast,
Never once did I think you would ever fuel
What's  beating beneath  my chest.

Breathe steady baby, arche your hips
I've never been loved just quiet  like this,
Your hands around my  throat
My mind begins to float
I know before you. I had next to no hope.

"How many miles have you crawled "
You whisper in my ear
"How many smiling faces ,
And run down places have you seen
Before you realized I was your queen?"

"A dozen smiles "
My face turning blue
"And a million miles"
And I know  it's true
"But I know I'll never find another  broken heart that fits so well beside me,  I'll never  find anyone else like you "
Le mouvement de lacet sur la berge des chutes du fleuve,
Le gouffre à l'étambot,
La célérité de la rampe,
L'énorme passade du courant,
Mènent par les lumières inouïes
Et la nouveauté chimique
Les voyageurs entourés des trombes du val
Et du strom.

Ce sont les conquérants du monde
Cherchant la fortune chimique personnelle ;
Le sport et le confort voyagent avec eux ;
Ils emmènent l'éducation
Des races, des classes et des bêtes, sur ce vaisseau.
Repos et vertige
A la lumière diluvienne,
Aux terribles soirs d'étude.

Car de la causerie parmi les appareils, le sang, les fleurs, le feu, les bijoux,
Des comptes agités à ce bord fuyard,
- On voit, roulant comme une digue au-delà de la route hydraulique motrice,
Monstrueux, s'éclairant sans fin, - leur stock d'études ;
Eux chassés dans l'extase harmonique,
Et l'héroïsme de la découverte.
Aux accidents atmosphériques les plus surprenants,
Un couple de jeunesse s'isole sur l'arche,
- Est-ce ancienne sauvagerie qu'on pardonne ? -
Et chante et se poste.
À Manoel de Barros

PSAUME I

Tapi dans la mangrove, bondissant...sautant-matant

Le ciel aux trois-quarts nu

De giraumon, de pissat et de sang...

Assis sur le trottoir, le ciel tousse

Kein-hein kein-hein

Ivre de parfums rouges errants,

De brocarts et de confettis à ses trousses.

Assis à marée basse, électrique...

Insensible aux chevaux des dieux

Qui tournoient

Au-dessus des tambours

Qui chavirent

Insensibles

Aux orgues charnelles

Des moites guérisseuses...

Le ciel caracole,

Glisse, contorsionniste,

Mascarade immobile

Démêlant le cours des amours burlesques

Entre les atolls obscurs

De pistaches et de bonbons,

D’anges et de démons...

Cabriole, tiède et poisseux,

Cisaille à contre-jour

L’orpailleur en transe

Aboyant dans le sérail de mes âmes

Sevrées, esseulées...

L’aube culbute

Dans les lambeaux du gouffre

Dans les calypsos du soleil

D’où sourdent, dégénérées,

Les jambes et les larmes

Qui fraient encore, exotiques

Sur les pilotis

Du carnaval nocturne

D’où va saillir le jour.

PSAUME II

Il pleut sur le kiosque des songes

Des encres mornes

Comme des brindilles

Enfantées de l’œuf tiède

Où s’aimante

Délicieusement noire

La mygale

Fleuve des nuages

Qui emballe

De son ouate ludique

Le rayon nain

Dérobé

Au serpent arc-en-ciel

Enfin rassasié

PSAUME III

Tellurique, dame Terre esquive les amarres

Effervescentes. Le ciel, hameçon entre les îles,

Rayonne, entonne l’odyssée perpétuelle,

Pion libre dans l’espace

Sempiternellement baigné par les baumes

Incendiaires du soleil obèse, son jumeau

Complice des moissons violées, œcuménique,

Humble, jadis et toujours, Terre :

Oasis, océan, oxygène, oeil

Revêtu d’or, jardin où les ombres basses

Exultent, balbutiant des airs amnésiques..."

PSAUME IV

Rebelle lascive

Telle la lune blette

Suçant les corps subtils

Des mangues sauvages

Enroulées dans la pluie d’obsidienne...

Courtisane de toutes les brousses

Avaleuse de poisson vivant

Pour mieux apprendre à nager

Dans les moues du fleuve douillet...

Les lacets se cabrent, dans un baiser de peaux, de tôles et de croix

Les laves du dernier décan affleurent,

Saupoudrent l’écloserie de marbre humide

Et la pellicule humide de feu cru

Enfouit les dieux écartelés

Aux moues du fleuve endiablé..."

PSAUME V

Soudain pagayer dans le vent et découdre l’odeur légère de la forêt

Chasser les désirs cueillis dans la poudre des oiseaux rares

Et repriser dans les entrailles des pétales juteux...

Puis amarrer à la lumière verticale des matins

Un éclair avec le mot “boum”.

PSAUME VI

"Nomades, où sont les nuits ?"

Grince l’arc débandé du soleil

Embrassé à la portée de cristal

Des nuages en menstrues...

Peut-être que la nuit décante
Blottie dans le nid du large

Faite une enfant, se vautre

Sous les flottilles de jasmin

Dévastant les marées,

Traquant le ressac du temps...

Peut-être que la nuit accouche
Bien après les chaleurs

Faite une gueuse, brise

De son cœur de soprano

Les rames de glace de la lune qui s’épand

Dans un banc d’aquarelles...

Ou peut-être, la nuit, peut-être

La nuit, lisse et lasse,

Allaite les étoiles prises

Aux moustiquaires de cendre

Où le ciel foudroyé

Bat en retraite la chamade.

Peut-être qu’elle arraisonne
Les frêles écailles de l’orgasme total

Pour que nul ne sache

Qu’elle est née sans nombril,

Pour que nul ne sache

Qu’elle est grosse d’un jour

Au goût de sel...

PSAUME VII

"Abysses en vue !" vocifère l’huile en larmes

Faisant voler dans l’onguent vagabond

Les feux follets sortis de leur miroir,

Condors de phosphore, cyclones désemparés

Où se bousculent, palefrenières distraites,

Les couleurs qui rient en allant au supplice...

En chapelets, la lumière débouche, foule, broute,

S’autodévore sous la caresse des truelles,

Moud les étincelles, les taches, les brèches

En route vers le seuil du sacrifice,

Et dans l’embellie de l’œil

Éclot le prétendant buriné

Dans l’apothéose du matin soigneusement peint...

PSAUME VIII

Noyée dans la saumure en flammes

Du soir délicieusement grand ouvert, l’indicible lueur

Cloîtrée dans son écrin liquide

Jalonné de boues, moustiques et palétuviers,

Harponne la braise moribonde de charbon rose

Innombrable qui serpente dans le cirque de sable

A force de nager, à force de nager

Éternellement à joncher les grèves de l’arc-en-ciel.

PSAUME IX

Dans la baie, un sein vert flambe

Campant dans un bain de coton...

L’écho, hypnotique, tourne, tourne, prolifique...

Ô îles, les îles

Notes en menottes, ailes balafrées,

Miels de sel, fiels de ciel...

Ô îles, les îles

Filaments de mangue, eaux assoiffées

Larmes chaudes de tambours incoagulables...

Ô îles, les îles

D’où venez-vous, miettes de sang ?

Comment vous êtes-vous posés, papillons,

Au milieu de la grande termitière d’or bleu ?

PSAUME X

Kaki, dans le jour rectiligne,

Le soleil, bibelot tiède et omniprésent,

Affalé dans les sortilèges

De la pluie ensorceleuse..

.
Incrustée dans son terrier maternel,

Luciole équilibriste,

A demi ivre souffre l’espérance,

Soufflant des goélettes de papier...

Les lunes se rétractent lestes et faibles,

La visibilité est bonne

De chenaux en détroits, vont, naufragées,

En débandade, les voluptés,

Roues flamboyantes

Dilacérant les haillons allumés

Des orbites sismiques..

PSAUME XI

Zéro heure, la chauve cascade

Où le délire se découd

Dans les courbes de l’ennui...

Zéro heure, l’édentée

Déchirant les échos

Des obsèques de minuit...

Zéro heure, poupée

Aptère, assoupie

A l’ombre des rêves...

Cartomancienne hérétique

Châtrant les éruptions chagrines,

Châtrant, multipliant les yeux

Vers les plages pourpres...

Zéro heure, nymphe sourde

Défunte à la canne bossue,

Hissant le grand pavois

De la couleur polyphonique,

L’accord,

La peau du poète,

Éclipse magique

De tous les déluges...

PSAUME XII

Songes dans l’extrême sud

Monochromatique

Ancres tapissées,

Couples éteints, inflorescences...

Chevaux cardiaques

Occultés dans un nid lunaire...

Passager de la nef du fou

Fouetté par le roi si bémol

Qui monte à l’échafaud...

Battements rupestres,

Sentiers crevant les lieues

Au rythme des ailes de nuages...

La pluie soudain s’est tue

La liesse s’est tue soudain

Dilapidée dans ce jour rongé...

PSAUME XIII

Éteint dans la lumière, le portraitiste

Brûle l’absence mate,

La suie insolite...

La haute mer se dilue..

L’arche hiberne aussi **** que porte la vie

Dans son sanctuaire de sève

Où la terre saigne ses eaux bouclées

Qui écument des épaves de pierre

Aussi **** que porte la vie.

PSAUME XIV

Les îles du matin m’embrassent

Après une nuit de lune rase

Le ronflement du rayon

Macule en naissant le chœur torride

De l’alcôve qui s’écaille émaillée.

Entre traits, tracés et rayures

Flottent des oranges polymorphes

A portée des mains...

Sous la ménagerie de ses eaux poissonneuses

La gomme méthylique du soleil

Frotte dans le bassin d’étincelles

L’orchestre infime de ce lointain carnaval renié

Qui crépite, savonné...

Entre gravillons et bulles

Flottent des oranges polymorphes

A portée des mains...

Devant l’horloge en rut

Se signent les orangers...

Le soleil consent à la lune

La mare de feu

Greffée dans le pouls vivace de l’ombre ivre...

Entre ruines et volutes

Flottent des oranges polymorphes

Scandaleusement

A portée des mains...

PSAUME XV

Le matin nage, innombrable

Salamandre aux cent venins de verre

Qui se distillent dans une encre de cendres

Offertes au soleil insatiable...

Dans le calice débordant

Des récoltes que la nuit

Ne grignote qu’à moitié,

Les sargasses du désir plongent,

Cinglant le silence des incohérences...

Hilare, la lune

Se réveille et butine

Le nectar indigo

Qui s’attarde

Comme une musique rétinienne

Aux confins du jour...

Ainsi emmurés vifs

Dans le flux impénétrable des reflets,

Vont à l’aveuglette

Dans le palais des singes volants

L’amour et ses tribus aborigènes

Veillant sur la toison rouge du ciel...

PSAUME XVI

Mon deuil échoue à l’aube

Les yeux ouverts sur les laves

De ce volcan éteint

Où s’apaisent les étoiles...

La flèche de l’archer s’évanouit, fauchée...

Le licol de mousseline de l’archipel précieux

Vacille, se dissout,

Orphelin mélancolique

Murmurant des baisers d’aniline

Aux marges du rêve...

Insomnuit d’été

Si seulement je pouvais rêver !

PSAUME XVII

Sur l’échiquier, la nuit chancelle, vénéneuse...

Un vaisseau de pierre au galop s’envole

Au chevet de la mer noyée

Suant la résine...

Sifflotant, le saltimbanque

Éconduit les horizons pétales

Pris du soleil gemme étanche

Dans les écumes du ciel d’étain...

Bientôt, les lunes oscillent

Ondulent, se dérobent frivoles,

L’étalon noir se dissipe

Décochant des flèches en forme de cœur...

Quelque chose se brise dans le noir :

Était-ce un masque ou un miroir ?

Quand luit la dernière tranche d’ombre

Déboussolées, dans la dune de verre, les étoiles

Bégaient...

Les coquilles se détellent de la terre réfractaire...

Le soleil dévastateur s’abreuve de ciel

Cachant les antres de brai...

Tâtant les décadences nacrées

Ointes de sueurs salines

L’amazone enfin répudiée

Chantonne aux aguets

Dans la baie couleur sépia...

PSAUME XVIII

Clic
Hennissement aveugle, l’île

Se déhanche

Toute soie et serpent

Contre l’épi de maïs vert...

Clac
“Marée basse”, dit la reine-mère...

Aucune abeille ne rame,

Ne laboure les pollens de la mer...

Clic
**** des brise-lames

Lisses et bouillonnants

Des crinières sans fin et du goémon,

L’iguane sous la villa jaune...

Le long des bougies

Coule le gouvernail du silence...

Clic
Sous les fleurs délabrées de l’éclair

Dans leur hamac vert

Les vagues veuves, les vagues nues

Courent après les lunes

Et lentement chantent les araignées...

Clic
Parfums de lumière

Qui jouent, jouent, jouent

Se décomposent

Dans une brise d’alcools...

Clic
Chimères de la mer, coup de sifflet final

Rongeant les sables glauques

Les tranchées dans le ciel ouvert

Tapis du soleil et son essaim de sujets...

Clic
La nuit, la mer fructifie

Au ralenti...

PSAUME XIX

"Au feu, au feu !

Feu à la dérive !"

Scandent deux coléoptères...

Le feu fuit !

Le magicien s’est brûlé

A faire sa magie.

Le pôle s’évapore,

Le puits fait l’aumône,

L’enfant aboie,

La moto boite,

La forêt détale,

Le lion se vêt de singe

Noir et doré

Et petit à petit

Va planer

Au-dessus de l’autel fugace

Où gît

Hululant, pullulant, virulent,

Le vol agile craché

Du saxophone ténor...

L’hiver fouette le ciel,

La terre meurt prématurée,

Liane après liane,

Sécrétant comme vestiges

Le tapis de talc

D’une aile de sirène

Et le vertige nuptial

De deux notes jaunes inachevées

Au sein des similitudes.

PSAUME **

Prunelle de gris jaune
Prunelle nuit et mer
Bleu coursier d’argile
Tigresse à la crinière couleur de brume.
Dans le rare verger qu’est l’amour
Audacieuse, elle va, incendiaire
Empaillée dans un paquebot hystérique
Vers le hasard des quais identiques
Les yeux pleins de chaux.

Dans ce chant veuf, dans cette capitale pyromane
La voilà, légère,
Aspirant les équinoxes dans cet air enchaîné
En selle pour un bain d’herbes monastique
Geôlière verte
D’émeraude pure...

PSAUME XXI

L’accordéoniste des abysses
Peint dans l’œil de l’obscur :
Un nuage en zigzaguant
Ancre aux eaux du vide.

Et le gong sue...timide.
Et comme en un tango antique
S’écoule le cri acide

Des teintes atteintes par les balles,
Hoquet du temps incarné
A l’aube d’une pluie sèche de chaleurs vertes.
Et le gong sue...tumide.

Et comme en un tango marin
Caracole la pirogue étoilée du tigre intime
Renversant de son parapluie
Les certitudes les plus ensevelies de la peur.

Et le gong sue...tumide.
Et les papillons enfantent
Des flammes dans les sables mouvants,
Des harpes éoliennes
Comme des gymnastes hués par le soleil en ruines
A la recherche des marées sèches.

Et le gong sue... tumide.
Et comme en un tango de funambules
Les œillères des brebis galeuses
Traversent la toile, vieillissent, exhument le salpêtre
D’un bandonéon dont la sueur incendie les cernes
De la nuit qui jazze...

PSAUME XXII

Tendrement
Le messager lit
Les lignes du vent,
Prend le pouls
Du ventre jaspé
De la basilique d’encre de chine :

-Là-bas, sous les monts de Vénus
Rode le messager,
Troubadour englouti
Par une lave obscure,

Passager invisible
Des failles muettes
Qu’il restaure encore...

Tendrement
Le messager
Harponne
Les coquilles du temps...
A la pointe de l’hameçon,

Un morceau de vitrail
Où à peine filtre
La lueur des entrailles,
On devine soudain
La forme d’un cheval marron
Qui hennit.

PSAUME XXIII

Bleu roi
De ces couleurs pièges.
Bleu de ces teintes imprévisibles.
Issu du venin tribal
Des roses du désert
Le bleu tombe,
Comme un nuage de coton doux,
Sur la brousse atlantique des lèvres
Enflées de secrets,
Où, hystérique, il donne le jour
Sous le kiosque sympathique des pluies cyanes
A une larme de sang,
Daltonienne.

Bleu roi
De ces couleurs mutantes :
Seul le baiser de cobalt réchauffe
Les escales mélancoliques
De ces ailes closes,
Révèle les jeux d’artifice,
Et murmurant des flammes,
Fait évanouir
Le deuil magnétique
Des rênes d’ivoire...

La flèche de l’archer pénètre,
Débridée,
Le voile de mousseline de l’archipel précieux
Qui vacille, se dissout,
Orphelin en suspens, spectre d’aniline
Aux gants d’émeraude
Et aux chaussons d’améthyste...

PSAUME XXIV

Dormir, virgule,
Souffler doucement
Des cases jumelles,
Ramper à nouveau, gigoter,
Jusqu’à ce que tout ne soit plus
Qu’une seule immensité...

Au lieu de l’abîme
La clairière dans la caféière.
Dormir, virgule,
Ça et là,
Lune bleue
Embuée
Sous la baguette du silence...

Le rêve entre et sort

Et jusqu’aux nuages
Craignent la chute
Vers le sommeil...

PSAUME XXV

Les îles et une nuits
Me font chavirer,
Je fuis,
Naufragée inlassable,
Hors du clan tentaculaire
Vers la clarté volatile
Des voiles incendiaires...

Mes nerfs à la fleur du large
Bifurquent,
S’évaporent en filigranes
Plus **** encore...

Bleu nuit devient la mer
Aux portes de son repaire
Ancré à la rive gauche du cœur.

La crique n’est plus ce qu’elle était :
La neige reptile teint les dauphins de rose...
Éden ?
De temps à autre

Passe un trapèze
Balayant le silence.

PSAUME XXVI

Ô Reine, Notre Duc
Sous tes ongles laqués
J’imagine un ciel rouge
Aux parfums de lait de cobra...
Le soleil fait pleuvoir des sceptres sur le fleuve
Et des piranhas aux dents d’eau
Larguent des cerfs-volants sans fin...

“Chantez les très riches heures de l’En-Dehors !”
Crie à la face du levant
Un caméléon qui lisse les ailes du hasard
Planté dans le dédale de ta langue baccarat.

PSAUME XXVII

Près de la passerelle d’ivoire :
“Odyssées,
Métamorphoses,
Mues,
Je vous aime !” "
Larry Oct 2020
°

City livin'-
is undesirable at its best.
Grown-up in this town, but
it means less to me than
nothingness.

The house I'm paying for
will likely never become a home, and
the strides I've gained
just kept me feeling alone.

I don't find the need
that stirs my heart to tears
any more befitting
than downing these round of beers.

Easy as it comes-
& easier it shall go:
these times are here to remind us
what was cast is certainly sown.
Cuisses grosses mais fuselées.

Tendres et fermes par dessous,

Dessus d'un dur qui serait doux,

Musculeuses et potelées,


Cuisses si bonnes tant baisées

Devers leur naissance et par là,

Blanches plus que rose-thé, la

Meilleure part de mes pensées,


Genoux, petites têtes d'anges

Bouffis dans leur juste maigreur,

Mollets bondis qui font fureur

En des bas clairs craignant les fanges.


Pieds dressés pour te hausser jusque

A ma taille pour t'embrasser,

Moi, t'enlever et te placer

Sur le lit, pieds très beaux que busque


La cheville de mol ivoire

Et que parfume leur fraîcheur ;

Doigts délicats, frêle rougeur

Doucement fauve au talon, voire


Assez forte peau pour la marche,

Mais quoi ! faut-il pas au cher corps

Base solide et soutiens forts,

Au cher corps qui garde mon Arche,


L'arche de crainte et de blandices

Où j'entre, tous torts révolus,

Comme on monterait au ciel. Pieds

Divins, genoux fins, bonnes cuisses !
Les nuages volaient dans la lueur hagarde,
Noir troupeau que le vent lugubre a sous sa garde ;
Et dans la profondeur blême au-dessous de moi,
Si bas que tout mon être en haletait d'effroi,
J'aperçus un sommet par une déchirure.

Ce faîte monstrueux sortait de l'ombre obscure ;
Ses pentes se perdaient dans le gouffre inconnu ;
Sur ce plateau gisait, fauve, terrible, nu,
Un géant dont le corps se tordait sur la pierre ;
Il en coulait du sang avec de la lumière ;
Sa face regardait la nuit triste, et ses pieds,
Ses coudes, ses genoux, ses poings, étaient liés
D'une chaîne d'airain vivante, impitoyable
Et je voyais décroître et renaître effroyable
Son ventre qu'un vautour rongeait, oiseau bandit.
Le patient était colossal ; on eût dit
Deux montagnes, dont l'une agonisait sur l'autre.
« Quel est, dis-je, ce sang qui coule ainsi ? » « Le vôtre, »
Dit le vautour. Ce mont dont tu vois les sommets,
C'est le Caucase. « Et quand t'en iras-tu ? » - Jamais.
Et le supplicié me cria : « Je suis l'Homme. »
Et tout se confondit comme fine eau noire, ou comme
L'ombre se confondrait avec l'éclair qui luit
Sous une grande main qui mêlerait la nuit.

Une sorte de puits se fit dans l'insondable ;
Le haut d'un autre mont en sortit formidable.
L'ombre avait cette horreur dont l'hiver la revêt ;
Et j'entendis crier : « Ararat ! » Il pleuvait.

« Qu'es-tu ? » dis-je à la cime âpre et des vents fouettée.
« J'attends l'arche ; et j'attends la famille exceptée.  »
« Quelle arche ? » Il pleut ! il pleut ! « Et le reste ? » - Englouti.
« Quoi ! dis-je, est-on créé pour être anéanti ?
Ô terre ! est-ce ta faute ? Ô ciel ! est-ce ton crime ? »
Mais tout déjà s'était effacé dans l'abîme.

Une flaque de bleu soudain perça l'amas
Des grêles, des brouillards, des vents et des frimas ;
Un mont doré surgit dans cet azur terrible ;
Là, sans frein, sans pitié, régnait la joie horrible ;
Sur ce mont rayonnaient douze êtres sereins, beaux,
Joyeux, dans des carquois ayant tous les fléaux ;
La nuée autour d'eux tremblait, et par les brèches
Le genre humain était la cible de leurs flèches ;
On voyait à leurs pieds l'amour, les jeux, les ris ;
Où l'on ne voyait rien on entendait des cris.
Une voix dit : « Olympe ! » Et tout croula. L'espace,
Où l'informe à jamais flotte, passe et repasse,
Redevint un bloc noir ; puis j'entendis un bruit
Qui fit une ouverture éclatante à la nuit,
Et je vis un sommet montré par les tonnerres ;
Les vieux pins inclinaient leurs têtes centenaires,
L'aigle en fuite semblait craindre d'être importun ;
Et là je vis quelqu'un qui parlait à quelqu'un,
Un homme face à face avec Dieu dans un rêve ;
Un prophète effrayant qui recevait un glaive,
Et qui redescendit plein d'un céleste ennui
Vers la terre, emportant de la foudre avec lui.
Et l'infini cria : « Sinaï ! » Puis la brume
Se referma, pareille à des nappes d'écume.
Les vents grondaient ; le gouffre était au-dessous d'eux,
Noir dans l'immensité d'un tremblement hideux.
Soudain, comme heurté par quelque ouragan fauve,
Il s'ouvrit ; et je vis une colline chauve ;
Le crépuscule horrible et farouche tombait.
Un homme expirait là, cloué sur un gibet,
Entre deux vagues croix où pendaient deux fantômes ;
D'une ville lugubre on distinguait les dômes ;
Et le supplicié me cria : « Je suis Dieu. »

Les nuages erraient dans des rougeurs de feu ;
J'entendis dans la nuit redoutable et sévère
Comme un souffle d'horreur qui murmurait :
Calvaire ! L'obscurité faisait des plis comme un linceul.
Pâle, je contemplais, dans l'ombre où j'étais seul,
Comme on verrait tourner des pages de registres,
Ces apparitions de montagnes sinistres.

Le 2 juillet 1856.
Il est un nom caché dans l'ombre de mon âme,
Que j'y lis nuit et jour et qu'aucun oeil n'y voit,
Comme un anneau perdu que la main d'une femme
Dans l'abîme des mers laissa glisser du doigt.

Dans l'arche de mon coeur, qui pour lui seul s'entrouvre,
Il dort enseveli sous une clef d'airain ;
De mystère et de peur mon amour le recouvre,
Comme après une fête on referme un écrin.

Si vous le demandez, ma lèvre est sans réponse,
Mais, tel qu'un talisman formé d'un mot secret,
Quand seul avec l'écho ma bouche le prononce,
Ma nuit s'ouvre, et dans l'âme un être m'apparaît.

En jour éblouissant l'ombre se transfigure ;
Des rayons, échappés par les fentes des cieux,
Colorent de pudeur une blanche figure
Sur qui l'ange ébloui n'ose lever les yeux.

C'est une vierge enfant, et qui grandit encore ;
Il pleut sur ce matin des beautés et des jours ;
De pensée en pensée on voit son âme éclore,
Comme son corps charmant de contours en contours.

Un éblouissement de jeunesse et de grâce
Fascine le regard où son charme est resté.
Quand elle fait un pas, on dirait que l'espace
S'éclaire et s'agrandit pour tant de majesté.

Dans ses cheveux bronzés jamais le vent ne joue.
Dérobant un regard qu'une boucle interrompt,
Ils serpentent collés au marbre de sa joue,
Jetant l'ombre pensive aux secrets de son front.

Son teint calme, et veiné des taches de l'opale,
Comme s'il frissonnait avant la passion,
Nuance sa fraîcheur des moires d'un lis pâle,
Où la bouche a laissé sa moite impression.

Sérieuse en naissant jusque dans son sourire,
Elle aborde la vie avec recueillement ;
Son coeur, profond et lourd chaque fois qu'il respire,
Soulève avec son sein un poids de sentiment.

Soutenant sur sa main sa tête renversée,
Et fronçant les sourcils qui couvrent son oeil noir,
Elle semble lancer l'éclair de sa pensée
Jusqu'à des horizons qu'aucun oeil ne peut voir.

Comme au sein de ces nuits sans brumes et sans voiles,
Où dans leur profondeur l'oeil surprend les cieux nus,
Dans ses beaux yeux d'enfant, firmament plein d'étoiles,
Je vois poindre et nager des astres inconnus.

Des splendeurs de cette âme un reflet me traverse ;
Il transforme en Éden ce morne et froid séjour.
Le flot mort de mon sang s'accélère, et je berce
Des mondes de bonheur sur ces vagues d'amour.

- Oh ! dites-nous ce nom, ce nom qui fait qu'on aime ;
Qui laisse sur la lèvre une saveur de miel !
- Non, je ne le dis pas sur la terre à moi-même ;
Je l'emporte au tombeau pour m'embellir le ciel.
thymos May 2015
i cannot reach you
like the thing-in-itself:
i can only think you
and know you exist,
sublimely, like this isolated love
that was inscribed in all the virtual scope of space
even anterior to the time of the arche-fossil;
a tiny tragedy promised by eternity
made manifest in the place called here and now
by way of infinite, complicit, contingent physics.
and all this for no reason at all.
a beautiful, traumatic vista that sometimes reveals
questions that cannot be answered and the beyond.
and if it were all to collapse for no reason at all,
what would it matter?
at least then, i would not need to reach you.
vaguely Kant and Meillassoux and so many encounters
Enfant aux airs d'impératrice,
Colombe aux regards de faucon,
Tu me hais, mais c'est mon caprice,
De me planter sous ton balcon.

Là, je veux, le pied sur la borne,
Pinçant les nerfs, tapant le bois,
Faire luire à ton carreau morne
Ta lampe et ton front à la fois.

Je défends à toute guitare
De bourdonner aux alentours.
Ta rue est à moi : - je la barre
Pour y chanter seul mes amours,

Et je coupe les deux oreilles
Au premier racleur de jambon
Qui devant la chambre où tu veilles
Braille un couplet mauvais ou bon.

Dans sa gaine mon couteau bouge ;
Allons, qui veut de l'incarnat ?
A son jabot qui veut du rouge
Pour faire un bouton de grenat ?

Le sang dans les veines s'ennuie,
Car il est fait pour se montrer ;
Le temps est noir, gare la pluie !
Poltrons, hâtez-vous de rentrer.

Sortez, vaillants ! sortez, bravaches !
L'avant-bras couvert du manteau,
Que sur vos faces de gavaches
J'écrive des croix au couteau !

Qu'ils s'avancent ! seuls ou par bande,
De pied ferme je les attends.
A ta gloire il faut que je fende
Les naseaux de ces capitans.

Au ruisseau qui gêne ta marche
Et pourrait salir tes pieds blancs,
Corps du Christ ! je veux faire une arche
Avec les côtes des galants.

Pour te prouver combien je t'aime,
Dis, je tuerai qui tu voudras :
J'attaquerai Satan lui-même,
Si pour linceul j'ai tes deux draps.

Porte sourde ! - Fenêtre aveugle !
Tu dois pourtant ouïr ma voix ;
Comme un taureau blessé je beugle,
Des chiens excitant les abois !

Au moins plante un clou dans ta porte :
Un clou pour accrocher mon coeur.
A quoi sert que je le remporte
Fou de rage, mort de langueur ?
Le toit s'égaie et rit.
ANDRÉ CHÉNIER.


Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir l'enfant paraître,
Innocent et joyeux.

Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,
Quand l'enfant vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère
Tremble à le voir marcher.

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme
Qui s'élève en priant ;
L'enfant paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saints ! la grave causerie
S'arrête en souriant.

La nuit, quand l'homme dort, quand l'esprit rêve, à l'heure
Où l'on entend gémir, comme une voix qui pleure,
L'onde entre les roseaux,
Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare
De cloches et d'oiseaux.

Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !

Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N'ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds ! bel ange
À l'auréole d'or !

Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.
Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche.
Vos ailes sont d'azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité ! corps où rien n'est immonde,
Âme où rien n'est impur !

Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !

Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur ! l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants !

Mai 1830.
Mais gloire aux cathédrales !
Pleines d'ombre et de feux, de silence et de râles,
Avec leur forêt d'énormes piliers
Et leur peuple de saints, moines et chevaliers,
Ce sont des cités au-dessus des villes,
Que gardent seulement les sons irréguliers
De l'aumône, au fond des sébiles,
Sous leurs porches hospitaliers.
Humblement agenouillées
Comme leurs sœurs des champs dans les herbes mouillées,
Sous le clocher d'ardoise ou le dôme d'étain,
Où les angélus clairs tintent dans le matin,
Les églises et les chapelles
Des couvents,
Tout au **** vers elles,
Mêlent un rire allègre au rire amer des vents,
En joyeuses vassales ;
Mais elles, dans les cieux traversés des vautours,
Comme au cœur d'une ruche, aux cages de leurs tours,
C'est un bourdonnement de guêpes colossales.
Voyez dans le nuage blanc
Qui traverse là-haut des solitudes bleues,
Par-dessus les balcons d'où l'on voit les banlieues,
Voyez monter la flèche au coq étincelant,
Qui, toute frémissante et toujours plus fluette,
Défiant parfois les regards trop lents,
Va droit au ciel se perdre, ainsi que l'alouette.
Ceux-là qui dressèrent la tour
Avec ses quatre rangs d'ouïes
Qui versent la rumeur des cloches éblouies,
Ceux qui firent la porte avec les saints autour,
Ceux qui bâtirent la muraille,
Ceux qui surent ployer les bras des arcs-boutants,
Dont la solidité se raille
Des gifles de l'éclair et des griffes du temps ;
Tous ceux dont les doigts ciselèrent
Les grands portails du temple, et ceux qui révélèrent
Les traits mystérieux du Christ et des Élus,
Que le siècle va voir et qu'il ne comprend plus ;
Ceux qui semèrent de fleurs vives
Le vitrail tout en flamme au cadre des ogives
Ces royaux ouvriers et ces divins sculpteurs
Qui suspendaient au ciel l'abside solennelle,
Dont les ciseaux pieux criaient dans les hauteurs,
N'ont point gravé leur nom sur la pierre éternelle ;
Vous les avez couverts, poudre des parchemins !
Vous seules les savez, vierges aux longues mains !
Vous, dont les Jésus rient dans leurs barcelonnettes,
Artistes d'autrefois, où vous reposez-vous ?
Sous quelle tombe où l'on prie à genoux ?
Et vous, mains qui tendiez les nerfs des colonnettes,
Et vous, doigts qui semiez
De saintes le portail où nichent les ramiers,
Et qui, dans les rayons dont le soleil l'arrose,
Chaque jour encor faites s'éveiller
La rosace, immortelle rose
Que nul vent ne vient effeuiller !
Ô cathédrales d'or, demeures des miracles
Et des soleils de gloire échevelés autour
Des tabernacles
De l'amour !
Vous qui retentissez toujours de ses oracles,
Vaisseaux délicieux qui voguez vers le jour !
Vous qui sacrez les rois, grandes et nobles dames,
Qui réchauffez les cœurs et recueillez les âmes
Sous votre vêtement fait en forme de croix !
Vous qui voyez, ô souveraines,
La ville à vos genoux courber ses toits !
Vous dont les cloches sont, fières de leurs marraines,
Comme un bijou sonore à l'oreille des reines !
Vous dont les beaux pieds sont de marbre pur !
Vous dont les voiles
Sont d'azur !
Vous dont la couronne est d'étoiles !
Sous vos habits de fête ou vos robes de deuil,
Vous êtes belles sans orgueil !
Vous montez sans orgueil vos marches en spirales
Qui conduisent au bord du ciel,
Ô magnifiques cathédrales,
Chaumières de Jésus, Bethléem éternel !
Si longues, qu'un brouillard léger toujours les voile ;
Si douces, que la lampe y ressemble à l'étoile,
Les nefs aux silences amis,
Dans l'air sombre des soirs, dans les bancs endormis,
Comptent les longs soupirs dont tremble un écho chaste
Et voient les larmes d'or où l'âme se répand,
Sous l'œil d'un Christ qui semble, en son calvaire vaste,
Un grand oiseau blessé dont l'aile lasse pend.
Ah ! bienheureux le cœur qui, dans les sanctuaires,
Près des cierges fleuris qu'allument les prières,
Souvent, dans l'encens bleu, vers le Seigneur monta,
Et qui, dans les parfums mystiques, écouta
Ce que disent les croix, les clous et les suaires,
Et ce que dit la paix du confessionnal,
Oreille de l'amour que l'homme connaît mal !...
Avec sa grille étroite et son ombre sévère,
Ô sages, qui parliez autour du Parthénon,
Le confessionnal, c'est la maison de verre
À qui Socrate rêve et qui manque à Zénon !
Grandes ombres du Styx, me répondrez-vous: non ?...
Ce que disent les cathédrales,
Soit qu'un baptême y jase au bord des eaux lustrales,
Soit qu'au peuple, autour d'un cercueil,
Un orgue aux ondes sépulcrales
Y verse un vin funèbre et l'ivresse du deuil,
Soit que la foule autour des tables
S'y presse aux repas délectables,
Soit qu'un prêtre vêtu de blanc
Y rayonne au fond de sa chaise,
Soit que la chaire y tonne ou soit qu'elle se taise,
Heureux le cœur qui l'écoute en tremblant !
Heureux celui qui vous écoute,
Vagues frémissements des ailes sous la voûte !
Comme une clé qui luit dans un trousseau vermeil
Quand un rayon plus rouge aux doigts d'or du soleil
A clos la porte obscure au seuil de chaque église,
Quand le vitrail palpite au vol de l'heure grise,
Quand le parvis plein d'ombre éteint toutes ses voix,
Ô cathédrales, je vous vois
Semblables au navire émergeant de l'eau brune,
Et vos clochetons fins sont des mâts sous la lune ;
D'invisibles ris sont largués,
Une vigie est sur la hune,
Car immobiles, vous voguez,
Car c'est en vous que je vois l'arche
Qui, sur l'ordre de Dieu, vers Dieu s'est mise en marche ;
La race de Noé gronde encore dans vos flancs ;
Vous êtes le vaisseau des immortels élans,
Et vous bravez tous les désastres.
Car le maître est Celui qui gouverne les astres,
Le pilote, Celui qui marche sur les eaux...
Laissez, autour de vous, pousser aux noirs oiseaux
Leur croassement de sinistre augure ;
Allez, vous êtes la figure
Vivante de l'humanité ;
Et la voile du Christ à l'immense envergure
Mène au port de l'éternité.
I.

Sur la terre, tantôt sable, tantôt savane,
L'un à l'autre liés en longue caravane,
Echangeant leur pensée en confuses rumeurs,
Emmenant avec eux les lois, les faits, les mœurs,
Les esprits, voyageurs éternels, sont en marche.
L'un porte le drapeau, les autres portent l'arche ;
Ce saint voyage a nom Progrès. De temps en temps,
Ils s'arrêtent, rêveurs, attentifs, haletants,
Puis repartent. En route ! ils s'appellent, ils s'aident,
Ils vont ! Les horizons aux horizons succèdent,
Les plateaux aux plateaux, les sommets aux sommets.
On avance toujours, on n'arrive jamais.
À chaque étape un guide accourt à leur rencontre ;
Quand Jean Huss disparaît, Luther pensif se montre
Luther s'en va, Voltaire alors prend le flambeau
Quand Voltaire s'arrête, arrive Mirabeau.
Ils sondent, pleins d'espoir, une terre inconnue
À chaque pas qu'on fait, la brume diminue ;
Ils marchent, sans quitter des yeux un seul instant
Le terme du voyage et l'asile où l'on tend,
Point lumineux au fond d'une profonde plaine,
La Liberté sacrée, éclatante et lointaine,
La Paix dans le travail, l'universel *****,
L'Idéal, ce grand but, Mecque du genre humain.

Plus ils vont, plus la foi les pousse et les exalte.

Pourtant, à de certains moments, lorsqu'on fait halte,
Que la fatigue vient, qu'on voit le jour blêmir,
Et qu'on a tant marché qu'il faut enfin dormir,
C'est l'instant où le Mal, prenant toutes les formes,
Morne oiseau, vil reptile ou monstre aux bonds énormes,
Chimère, préjugé, mensonge ténébreux,
C'est l'heure où le Passé, qu'ils laissent derrière eux,
Voyant dans chacun d'eux une proie échappée,
Surprend la caravane assoupie et campée,
Et, sortant hors de l'ombre et du néant profond,
Tâche de ressaisir ces esprits qui s'en vont.

II.

Le jour baisse ; on atteint quelque colline chauve
Que l'âpre solitude entoure, immense et fauve,
Et dont pas même un arbre, une roche, un buisson
Ne coupe l'immobile et lugubre horizon ;
Les tchaouchs, aux lueurs des premières étoiles,
Piquent des pieux en terre et déroulent les toiles ;
En cercle autour du camp les feux sont allumés,
Il est nuit. Gloire à Dieu ! voyageurs las, dormez.

Non, veillez ! car autour de vous tout se réveille.
Ecoutez ! écoutez ! debout ! prêtez l'oreille !
Voici qu'à la clarté du jour zodiacal,
L'épervier gris, le singe obscène, le chacal,
Les rats abjects et noirs, les belettes, les fouines,
Nocturnes visiteurs des tentes bédouines,
L'hyène au pas boiteux qui menace et qui fuit,
Le tigre au crâne plat où nul instinct ne luit,
Dont la férocité ressemble à de la joie,
Tous, les oiseaux de deuil et les bêtes de proie,
Vers le feu rayonnant poussant d'étranges voix,
De tous les points de l'ombre arrivent à la fois.
Dans la brume, pareils aux brigands qui maraudent,
Bandits de la nature, ils sont tous là qui rôdent.

Le foyer se reflète aux yeux des léopards.
Fourmillement terrible ! on voit de toutes parts
Des prunelles de braise errer dans les ténèbres.
La solitude éclate en hurlements funèbres.
Des pierres, des fossés, des ravins tortueux,
De partout, sort un bruit farouche et monstrueux.
Car lorsqu'un pas humain pénètre dans ces plaines,
Toujours, à l'heure où l'ombre épanche ses haleines,
Où la création commence son concert,
Le peuple épouvantable et rauque du désert,
Horrible et bondissant sous les pâles nuées,
Accueille l'homme avec des cris et des huées.
Bruit lugubre ! chaos des forts et des petits
Cherchant leur proie avec d'immondes appétits !
L'un glapit, l'autre rit, miaule, aboie, ou gronde.
Le voyageur invoque en son horreur profonde
Ou son saint musulman ou son patron chrétien.

Soudain tout fait silence et l'on n'entend plus rien.

Le tumulte effrayant cesse, râles et plaintes
Meurent comme des voix par l'agonie éteintes,
Comme si, par miracle et par enchantement,
Dieu même avait dans l'ombre emporté brusquement
Renards, singes, vautours, le tigre, la panthère,
Tous ces monstres hideux qui sont sur notre terre
Ce que sont les démons dans le monde inconnu.
Tout se tait.

Le désert est muet, vaste et nu.
L'œil ne voit sous les cieux que l'espace sans borne.

Tout à coup, au milieu de ce silence morne
Qui monte et qui s'accroît de moment en moment,
S'élève un formidable et long rugissement !

C'est le lion.

III.

Il vient, il surgit où vous êtes,
Le roi sauvage et roux des profondeurs muettes !

Il vient de s'éveiller comme le soir tombait,
Non, comme le loup triste, à l'odeur du gibet,
Non, comme le jaguar, pour aller dans les havres
Flairer si la tempête a jeté des cadavres,
Non, comme le chacal furtif et hasardeux,
Pour déterrer la nuit les morts, spectres hideux,
Dans quelque champ qui vit la guerre et ses désastres ;
Mais pour marcher dans l'ombre à la clarté des astres.
Car l'azur constellé plaît à son œil vermeil ;
Car Dieu fait contempler par l'aigle le soleil,
Et fait par le lion regarder les étoiles.
Il vient, du crépuscule il traverse les voiles,
Il médite, il chemine à pas silencieux,
Tranquille et satisfait sous la splendeur des cieux ;
Il aspire l'air pur qui manquait à son antre ;
Sa queue à coups égaux revient battre son ventre,
Et, dans l'obscurité qui le sent approcher,
Rien ne le voit venir, rien ne l'entend marcher.
Les palmiers, frissonnant comme des touffes d'herbe,
Frémissent. C'est ainsi que, paisible et superbe,
Il arrive toujours par le même chemin,
Et qu'il venait hier, et qu'il viendra demain,
À cette heure où Vénus à l'occident décline.

Et quand il s'est trouvé proche de la colline,
Marquant ses larges pieds dans le sable mouvant,
Avant même que l'œil d'aucun être vivant
Eût pu, sous l'éternel et mystérieux dôme,
Voir poindre à l'horizon son vague et noir fantôme,
Avant que dans la plaine il se fût avancé,
Il se taisait ; son souffle a seulement passé,
Et ce souffle a suffi, flottant à l'aventure,
Pour faire tressaillir la profonde nature,
Et pour faire soudain taire au plus fort du bruit
Toutes ces sombres voix qui hurlent dans la nuit.

IV.

Ainsi, quand, de ton antre enfin poussant la pierre,
Et las du long sommeil qui pèse à ta paupière,
Ô peuple, ouvrant tes yeux d'où sort une clarté,
Tu te réveilleras dans ta tranquillité,
Le jour où nos pillards, où nos tyrans sans nombre
Comprendront que quelqu'un remue au fond de l'ombre,
Et que c'est toi qui viens, ô lion ! ce jour-là,
Ce vil groupe où Falstaff s'accouple à Loyola,
Tous ces gueux devant qui la probité se cabre,
Les traîneurs de soutane et les traîneurs de sabre,
Le général Soufflard, le juge Barabbas,
Le jésuite au front jaune, à l'œil féroce et bas,
Disant son chapelet dont les grains sont des balles,
Les Mingrats bénissant les Héliogabales,
Les Veuillots qui naguère, errant sans feu ni lieu,
Avant de prendre en main la cause du bon Dieu,
Avant d'être des saints, traînaient dans les ribotes
Les haillons de leur style et les trous de leurs bottes,
L'archevêque, ouléma du Christ ou de Mahom,
Mâchant avec l'hostie un sanglant Te Deum,
Les Troplong, Les Rouher, violateurs de chartes,
Grecs qui tiennent les lois comme ils tiendraient les cartes,
Les beaux fils dont les mains sont rouges sous leurs gants.
Ces dévots, ces viveurs, ces bedeaux, ces brigands,
Depuis les hommes vils jusqu'aux hommes sinistres,
Tout ce tas monstrueux de gredins et de cuistres
Qui grincent, l'œil ardent, le mufle ensanglanté,
Autour de la raison et de la vérité,
Tous, du maître au goujat, du bandit au maroufle,
Pâles, rien qu'à sentir au **** passer ton souffle,
Feront silence, ô peuple ! et tous disparaîtront
Subitement, l'éclair ne sera pas plus prompt,
Cachés, évanouis, perdus dans la nuit sombre,
Avant même qu'on ait entendu, dans cette ombre
Où les justes tremblants aux méchants sont mêlés,
Ta grande voix monter vers les cieux étoilés !

Jersey, le 25 novembre 1852.
Akemi Apr 2022
regression into month old sediment
where day old dreams resemble recall into
the arche-fossil of fever
i read the record of a dream i had three days ago
and it felt like a memory from a lifetime ago
Quelqu'un qui jamais ne se trompe,
M'appelle juif... Moi, juif ? Pourquoi ?
Je suis chrétien, sans que je rompe
Le pain bénit à son de trompe,
Bien qu'en mon trou... je reste coi.

Je sais juif, ah ! c'est bien possible !
Je n'ai le nez spirituel
Ni l'air résigné d'une cible ;
Je ne montre un cœur insensible.
Tout juif est-il en Israël ?

Mais si juif signifie avare
Économisant sur le suif,
Sur l'eau qui pourtant n'est pas rare
Sur une corde de guitare,
Je me fais honneur d'être juif.

Je prends pour moi seul cette injure,
Quoique je ne possède rien ;
Je me l'écris sur la figure
En trois mots, sans une rature ;
Voyez : je suis juif. Lisez bien.

Regardez-moi : ma barbe est sale
Comme en chaire un prédicateur
Qui vide une fosse nasale,
Et j'ai l'aspect froid d'une stalle,
Dans le temple où prêche un pasteur.

Moi, juif, je mens, je calomnie,
Comme un misérable chrétien,
Lorsqu'à tort il affirme ou nie,
Ou qu'il dispute, ô vilenie !
En parlant du mien et du tien ;

J'adore un veau d'or... dans ma bague,
Le veau qu'on débite en bijoux ;
Au seul mot d'argent, je divague,
Comme le catholique vague
Qui ne se passe de joujoux ;

Moi, fils de ceux qui portaient l'Arche,
Je ris, et je laisse périr,
Je perds la foi du patriarche,
Comme tout un peuple qui marche
Vers l'ombre où le corps doit pourrir.

Moi, juif, je doute de mon âme,
Moi, juif, je doute de l'Amour,
Je ne suis sûr que de ma femme,
(N'est-ce pas étrange, Madame ?)
Comme bien des... maris du jour.

Car elle se fout de la vogue
Qu'a tout argument inventé
Par notre science un peu rogne ;
Elle aime mieux la synagogue
Si fraîche, dès l'aube, en été.

Elle est blanche, elle a sur les tempes
Une perruque où rit sa fleur ;
Faite à souhait pour les estampes ;
Quand elle adore sous les lampes
Dans ses voiles d'une couleur ;

Elle se consume en prières,
Conservant, sans en rien verser,
L'eau de ses croyances entières,
Car... une douzaine de pierres
Ça suffit pour recommencer.

Jérusalem les garde encore,
Salomon les reçut du Ciel
Qu'avec des larmes elle implore ;
Comme une juive que j'adore,
L'épouse de Nathaniel.

Ce qu'on admire fort sur elle,
C'est l'honneur de faire de l'art
Par une pente naturelle,
Pas pour vendre son aquarelle,
Ni pour manger un peu de lard.

J'ai pu contempler sa peinture,
Dans une salle au Luxembourg :
C'est très bien peint d'après nature ;
C'est avec l'eau, sous la toiture,
Ça me semble, un coin de faubourg.

Sur la cimaise elle est sous verre,
Je puis donc y mettre un baiser
**** des yeux du gardien sévère ;
Bref, l'art charmant qu'elle sait faire,
C'est, comme il sied, pour s'amuser.

Cela ne fait l'ombre d'un doute
Pour tous, dans la société ;
Oui, ma belle Mignonne, écoute,
Elle pourrait épater toute
La pâle catholicité.

Tiens ! En veux-tu rien qu'un exemple ?
Que le sultan soit décavé,
Et trouve sa poche bien ample :
« Vends-les-nous, ces pierres du Temple »,
Et Notre-Seigneur a rêvé !

Je suis juif ! ah ! ce nom m'inonde
De sa plus sainte émotion !
Souffre que pour eux je réponde :
La plus noble race du monde,
Ce sont les juifs de nation.

Eux, au moins, ont du caractère ;
Ils sont, oui, par les traits de feu
Du Décalogue salutaire,
Le plus grand peuple de la Terre !
N'est-ce pas vrai, ça, nom de Dieu !

Sotte habitude, oui, sur mon âme,
Bonne au plus pour les ateliers ;
Excusez moi, si je m'en blâme.
Et si vous m'entendez, Madame,
Que je me prosterne à vos pieds.
Hate us hate us hate us hate us



Check my guns that bust flow platinum plus
Got the game on tarantula rap Dracula
Suckin' the game dry from the bullets that fly across ya head like a taste of high
Reverse my birth so I can make worth hit em where it hurts
Pockets felt from the death delt fear smelt
Under my enemies embrace my energy faster than a black hole outta space you outta place you an alien
Tippin'out of bounds what's that sound? Bodies hittin' the grounds once my voice sounds
On the mic you know I get the bids right grip it tight tighter then a virgins pliers amplier set to higher
The more the degrees the more they fall to the knees in pleas my guns sneeze
Givin' bless you night line specials
Read across the board becoming a hoard
A lost demon breathin' none relievin' souls retrievin' got em teethin' yo who do you believe in?
Better say Yosef or my gats to ya melon becomes explosive made ferocious guerillas known to be  killas focused on scrillas got a a few villas
Me classa Bentleys on the front of my castle I got greyskulls and a closet full
Of mics and turntables breakin'any label thought you was Cain til I was Able
To knock ya down buried ya crown found
By arche-ologist I suggest your best bet its to bow to my set a super threat none could hit
Bars harder than the me ruthless as the Bush adversary who am I just another waitin' to die
Retrace my thoughts in the sky made for wise no ties visualize my sinister enterprise make spirits between womens thighs glare in her eyes she catch my phallus rise and then becomes re- energize
Makin' a pride a lion that hide his true identityto infinite and beyond compared to none some call me Satan
Cuz I be the luminous one flash out a gun sparkin' targets regardless Ill always get hits
On the chart sticking like darts part
The seas and the lands from my energy that spans elastic as rubberbands stand against my clan ya bound to be left with a ****** tan



......
Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée.

Quand Josué rêveur, la tête aux cieux dressée,
Suivi des siens, marchait, et, prophète irrité,
Sonnait de la trompette autour de la cité,
Au premier tour qu'il fit, le roi se mit à rire ;
Au second tour, riant toujours, il lui fit dire :
« Crois-tu donc renverser ma ville avec du vent ? »
À la troisième fois l'arche allait en avant,
Puis les trompettes, puis toute l'armée en marche,
Et les petits enfants venaient cracher sur l'arche,
Et, soufflant dans leur trompe, imitaient le clairon ;
Au quatrième tour, bravant les fils d'Aaron,
Entre les vieux créneaux tout brunis par la rouille,
Les femmes s'asseyaient en filant leur quenouille,
Et se moquaient, jetant des pierres aux hébreux ;
À la cinquième fois, sur ces murs ténébreux,
Aveugles et boiteux vinrent, et leurs huées
Raillaient le noir clairon sonnant sous les nuées
À la sixième fois, sur sa tour de granit
Si haute qu'au sommet l'aigle faisait son nid,
Si dure que l'éclair l'eût en vain foudroyée,
Le roi revint, riant à gorge déployée,
Et cria : « Ces hébreux sont bons musiciens ! »
Autour du roi joyeux riaient tous les anciens
Qui le soir sont assis au temple, et délibèrent.

À la septième fois, les murailles tombèrent.

Jersey, le 19 mars 1853.
Hier il m'a semblé (sans doute j'étais ivre)

Voir sur l'arche d'un pont un choc de cavaliers

Tout cuirassés de fer, tout imbriqués de cuivre,

Et caparaçonnés de harnais singuliers.


Des dragons accroupis grommelaient sur leurs casques,

Des Méduses d'airain ouvraient leurs yeux hagards

Dans leurs grands boucliers, aux ornements fantasques,

Et des nœuds de serpents écaillaient leurs brassards.


Par moments, du rebord de l'arcade géante,

Un cavalier blessé perdant son point d'appui,

Un cheval effaré tombait dans l'eau béante,

Gueule de crocodile entr'ouverte sous lui.


C'était vous, mes désirs, c'était vous, mes pensées,

Qui cherchiez à forcer le passage du pont,

Et vos corps tout meurtris sous leurs armes faussées

Dorment ensevelis dans le gouffre profond.
J'ai vu pendant trois jours de haine et de remords
L'eau refléter des feux et charrier des morts
Dans une grande et noble ville.
Le tisserand, par l'ombre et la faim énervé,
De son dernier métier brûlé sur le pavé
Attisait la guerre civile.

Le soldat fratricide égorgeait l'ouvrier ;
L'ouvrier sacrilège, aveugle meurtrier,
Massacrait le soldat son frère ;
Peuple, armée, oubliaient qu'ils sont du même sang ;
Et les sages pensifs disaient en frémissant :
Ô siècle ! ô patrie ! ô misère !

Durant trois nuits la ville, hélas ! ne dormit plus.
Tous luttaient. Le tocsin fut le seul angélus
Qu'eurent ces sinistres aurores.
Les noirs canons, roulant à travers la cité,
Ébranlaient, au-dessus du fleuve ensanglanté,
L'arche sombre des ponts sonores !

Ah ! la nature et Dieu, devant l'humanité,
Même étalant leur grâce avec leur majesté,
N'empêchent pas ces tristes choses !
Car ces événements se passaient, ô destin,
Sur les bords où Lyon à l'horizon lointain
Voit resplendir les Alpes roses.

Le 4 septembre 1841.
I

L'eau claire ; comme le sel des larmes d'enfance,
L'assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes ;
la soie, en foule et de lys pur, des oriflammes
sous les murs dont quelque pucelle eut la défense ;

L'ébat des anges ; - Non... le courant d'or en marche,
meut ses bras, noirs, et lourds, et frais surtout, d'herbe. Elle
sombre, ayant le Ciel bleu pour ciel-de-lit, appelle
pour rideaux l'ombre de la colline et de l'arche.

II

Eh ! l'humide carreau tend ses bouillons limpides !
L'eau meuble d'or pâle et sans fond les couches prêtes.
Les robes vertes et déteintes des fillettes
font les saules, d'où sautent les oiseaux sans brides.

Plus pure qu'un louis, jaune et chaude paupière
le souci d'eau - ta foi conjugale, ô l'Épouse ! -
au midi prompt, de son terne miroir, jalouse
au ciel gris de chaleur la Sphère rose et chère.

III

Madame se tient trop debout dans la prairie
prochaine où neigent les fils du travail ; l'ombrelle
aux doigts ; foulant l'ombelle ; trop fière pour elle ;
des enfants lisant dans la verdure fleurie

leur livre de maroquin rouge ! Hélas, Lui, comme
mille anges blancs qui se séparent sur la route,
s'éloigne par delà la montagne ! Elle, toute
froide, et noire, court ! après le départ de l'homme !

IV

Regret des bras épais et jeunes d'herbe pure !
Or des lunes d'avril au coeur du saint lit ! Joie
des chantiers riverains à l'abandon, en proie
aux soirs d'août qui faisaient germer ces pourritures !

Qu'elle pleure à présent sous les remparts ! l'haleine
des peupliers d'en haut est pour la seule brise.
Puis, c'est la nappe, sans reflets, sans source, grise :
un vieux, dragueur, dans sa barque immobile, peine.

V

Jouet de cet oeil d'eau morne, je n'y puis prendre,
ô canot immobile ! oh ! bras trop courts ! ni l'une
ni l'autre fleur : ni la jaune qui m'importune,
là ; ni la bleue, amie à l'eau couleur de cendre.

Ah ! la poudre des saules qu'une aile secoue !
Les roses des roseaux dès longtemps dévorées !
Mon canot, toujours fixe ; et sa chaîne tirée
Au fond de cet oeil d'eau sans bords, - à quelle boue ?
I.

En ce temps-là, du ciel les portes d'or s'ouvrirent ;
Du Saint des Saints ému les feux se découvrirent ;
Tous les cieux un moment brillèrent dévoilés ;
Et les élus voyaient, lumineuses phalanges,
Venir une jeune âme entre de jeunes anges
Sous les portiques étoilés.

C'était un bel enfant qui fuyait de la terre ; -
Son œil bleu du malheur portait le signe austère ;
Ses blonds cheveux flottaient sur ses traits pâlissants ;
Et les vierges du ciel, avec des chants de fête,
Aux palmes du martyre unissaient sur sa tête
La couronne des innocents.

II.

On entendit des voix qui disaient dans la nue :
« Jeune ange, Dieu sourit à ta gloire ingénue ;
Viens, rentre dans ses bras pour ne plus en sortir ;
Et vous, qui du Très-Haut racontez les louanges,
Séraphins, prophètes, archanges,
Courbez-vous, c'est un roi ; chantez, c'est un martyr !

-  Où donc ai-je régné ? demandait la jeune ombre.
Je suis un prisonnier, je ne suis point un roi.
Hier je m'endormis au fond d'une tour sombre.
Où donc ai-je régné ? Seigneur, dites-le moi.
Hélas ! mon père est mort d'une mort bien amère ;
Ses bourreaux, ô mon Dieu, m'ont abreuvé de fiel ;
Je suis un orphelin ; je viens chercher ma mère,
Qu'en mes rêves j'ai vue au ciel. »

Les anges répondaient : « Ton Sauveur te réclame.
Ton Dieu d'un monde impie a rappelé ton âme.
Fuis la terre insensée où l'on brise la croix.
Où jusque dans la mort descend le régicide,
Où le meurtre, d'horreurs avide,
Fouille dans les tombeaux pour y chercher des rois !

- Quoi ! de ma lente vie ai-je achevé le reste ?
Disait-il ; tous mes maux, les ai-je enfin soufferts ?
Est-il vrai qu'un geôlier, de ce rêve céleste,
Ne viendra pas demain m'éveiller dans mes fers ?
Captif, de mes tourments cherchant la fin prochaine.
J'ai prié : Dieu veut-il enfin me secourir ?
Oh ! n'est-ce pas un songe ? a-t-il brisé ma chaîne ?
Ai-je eu le bonheur de mourir ?

« Car vous ne savez point quelle était ma misère !
Chaque jour dans ma vie amenait des malheurs ;
Et, lorsque je pleurais, je n'avais pas de mère
Pour chanter à mes cris, pour sourire à mes pleurs.
D'un châtiment sans fin languissante victime,
De ma tige arraché comme un tendre arbrisseau,
J'étais proscrit bien jeune, et j'ignorais quel crime
J'avais commis dans mon berceau.

« Et pourtant, écoutez : bien **** dans ma mémoire,
J'ai d'heureux souvenirs avant ces temps d'effroi ;
J'entendais en dormant des bruits confus de gloire,
Et des peuples joyeux veillaient autour de moi.
Un jour tout disparut dans un sombre mystère ;
Je vis fuir l'avenir à mes destins promis ;
Je n'étais qu'un enfant, faible et seul sur la terre,
Hélas ! et j'eus des ennemis !

« Ils m'ont jeté vivant sous des murs funéraires ;
Mes yeux voués aux pleurs n'ont plus vu le soleil ;
Mais vous que je retrouve, anges du ciel, mes frères,
Vous m'avez visité souvent dans mon sommeil.
Mes jours se sont flétris dans leurs mains meurtrières,
Seigneur, mais les méchants sont toujours malheureux ;
Oh ! ne soyez pas sourd comme eux à mes prières,
Car je viens vous prier pour eux. »

Et les anges chantaient : « L'arche à toi se dévoile,
Suis-nous ; sur ton beau front nous mettrons une étoile.
Prends les ailes d'azur des chérubins vermeils ;
Tu viendras avec nous bercer l'enfant qui pleure,
Ou, dans leur brûlante demeure,
D'un souffle lumineux rajeunir les soleils ! »

III.

Soudain le chœur cessa, les élus écoutèrent ;
Il baissa son regard par les larmes terni ;
Au fond des cieux muets les mondes s'arrêtèrent,
Et l'éternelle voix parla dans l'infini :

« Ô roi ! je t'ai gardé **** des grandeurs humaines.
Tu t'es réfugié du trône dans les chaînes.
Va, mon fils, bénis tes revers.
Tu n'as point su des rois l'esclavage suprême,
Ton front du moins n'est pas meurtri du diadème,
Si tes bras sont meurtris de fers.

« Enfant, tu t'es courbé sous le poids de la vie ;
Et la terre, pourtant, d'espérance et d'envie
Avait entouré ton berceau !
Viens, ton Seigneur lui-même eut ses douleurs divines,
Et mon Fils comme toi, roi couronné d'épines,
Porta le sceptre de roseau. »

Décembre 1822.
Rôdeur vanné, ton œil fané

Tout plein d'un désir satané

Mais qui n'est pas l'œil d'un bélître,

Quand passe quelqu'un de gentil

Lance un éclair comme une vitre.


Ton blaire flaire, âpre et subtil,

Et l'étamine et le pistil,

Toute fleur, tout fruit, toute viande,

Et ta langue d'homme entendu

Pourlèche ta lèvre friande.


Vieux faune en l'air guettant ton dû,

As-tu vraiment bandé, tendu

L'arme assez de tes paillardises ?

L'as-tu, drôle, braquée assez ?

Ce n'est rien que tu nous le dises.


Quoi, malgré ces reins fricassés,

Ce cœur éreinté, tu ne sais

Que dévouer à la luxure

Ton cœur, tes reins, ta poche à fiel,

Ta rate et toute ta fressure !


Sucrés et doux comme le miel,

Damnants comme le feu du ciel,

Bleus comme fleur, noirs comme poudre,

Tu raffoles beaucoup des yeux

De tout genre en dépit du Foudre.


Les nez te plaisent, gracieux

Ou simplement malicieux,

Étant la force des visages,

Étant aussi, suivant des gens,

Des indices et des présages.


Longs baisers plus clairs que des chants,

Tout petits baisers astringents

Qu'on dirait qui vous sucent l'âme,

Bons gros baisers d'enfant, légers

Baisers danseurs, telle une flamme,


Baisers mangeurs, baisers mangés,

Baisers buveurs, bus, enragés,

Baisers languides et farouches,

Ce que t'aimes bien, c'est surtout,

N'est-ce pas ? les belles boubouches.


Les corps enfin sont de ton goût,

Mieux pourtant couchés que debout,

Se mouvant sur place qu'en marche,

Mais de n'importe quel climat,

Pont-Saint-Esprit ou Pont-de-l'Arche.


Pour que ce goût les acclamât

Minces, grands, d'aspect plutôt mat,

Faudrait pourtant du jeune en somme :

Pieds fins et forts, tout légers bras

Musculeux et les cheveux comme


Ça tombe, longs, bouclés ou ras, -

Sinon pervers et scélérats

Tout à fait, un peu d'innocence

En moins, pour toi sauver, du moins,

Quelque ombre encore de décence ?


Nenni dà ! Vous, soyez témoins,

Dieux la connaissant dans les coins,

Que ces manières, de parts telles,

Sont pour s'amuser mieux au fond

Sans trop muser aux bagatelles.


C'est ainsi que les choses vont

Et que les raillards fieffés font.

Mais tu te ris de ces morales, -

Tel un quelqu'un plus que pressé

Passe outre aux défenses murales.


Et tu réponds, un peu lassé

De te voir ainsi relancé,

De ta voix que la soif dégrade

Mais qui n'est pas d'un marmiteux :

« Qu'y peux-tu faire, camarade,


Si nous sommes cet amiteux ? »
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front,
Ceux qui d'un haut. destin gravissent l'âpre cime,
Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime,
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
C'est le prophète saint prosterné devant l'arche,
C'est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche,
Ceux dont le cœur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
Ceux-là vivent, Seigneur ! les autres, je les plains.
Car de son vague ennui le néant les enivre,
Car le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre.
Inutiles, épars, ils traînent ici-bas
Le sombre accablement d'être en ne pensant pas.
Ils s'appellent vulgus, plebs, la tourbe, la foule.
Ils sont ce qui murmure, applaudit, siffle, coule,
Bat des mains, foule aux pieds, bâille, dit oui, dit non,
N'a jamais de figure et n'a jamais de nom ;
Troupeau qui va, revient, juge, absout, délibère,
Détruit, prêt à Marat comme prêt à Tibère,
Foule triste, joyeuse, habits dorés, bras nus,
Pêle-mêle, et poussée aux gouffres inconnus.
Ils sont les passants froids sans but, sans nœud, sans âge ;
Le bas du genre humain qui s'écroule en nuage ;
Ceux qu'on ne connaît pas, ceux qu'on ne compte pas,
Ceux qui perdent les mots, les volontés, les pas.
L'ombre obscure autour d'eux se prolonge et recule
Ils n'ont du plein midi qu'un lointain crépuscule,
Car, jetant au hasard les cris, les voix, le bruit,
Ils errent près du bord sinistre de la nuit.

Quoi ! ne point aimer ! suivre une morne carrière
Sans un songe en avant, sans un deuil en arrière,
Quoi ! marcher devant soi sans savoir où l'on va,
Rire de Jupiter sans croire à Jéhovah,
Regarder sans respect l'astre, la fleur, la femme,
Toujours vouloir le corps, ne jamais chercher l'âme,
Pour de vains résultats faire de vains efforts,
N'attendre rien d'en haut ! ciel ! oublier les morts !
Oh non, je ne suis point de ceux-là ! grands, prospères,
Fiers, puissants, ou cachés dans d'immondes repaires,
Je les fuis, et je crains leurs sentiers détestés
Et j'aimerais mieux être, ô fourmis des cités,
Tourbe, foule, hommes faux, cœurs morts, races déchues,
Un arbre dans les bois qu'une âme en vos cohues !

Paris, le 31 décembre 1848 à minuit.
Puits de l'Inde ! tombeaux ! monuments constellés !
Vous dont l'intérieur n'offre aux regards troublés
Qu'un amas tournoyant de marches et de rampes,
Froids cachots, corridors où rayonnent des lampes,
Poutres où l'araignée a tendu ses longs fils,
Blocs ébauchant partout de sinistres profils,
Toits de granit, troués comme une frêle toile,
Par où l'oeil voit briller quelque profonde étoile,
Et des chaos de murs, de chambres, de paliers,
Où s'écroule au hasard un gouffre d'escaliers !
Cryptes qui remplissez d'horreur religieuse
Votre voûte sans fin, morne et prodigieuse !
Cavernes où l'esprit n'ose aller trop avant !
Devant vos profondeurs j'ai pâli bien souvent
Comme sur un abîme ou sur une fournaise,
Effrayantes Babels que rêvait Piranèse !

Entrez si vous l'osez !

Sur le pavé dormant
Les ombres des arceaux se croisent tristement ;
La dalle par endroits, pliant sous les décombres,
S'entr'ouvre pour laisser passer des degrés sombres
Qui fouillent, vis de pierre, un souterrain sans fond ;
D'autres montent là-haut et crèvent le plafond.
Où vont-ils ? Dieu le sait. Du creux d'une arche vide
Une eau qui tombe envoie une lueur livide.
Une voûte au front vert s'égoutte dans un puits,
Dans l'ombre un lourd monceau de roches sans appuis
S'arrête retenu par des ronces grimpantes ;
Une corde qui pend d'un amas de charpentes
S'offre, mystérieuse, à la main du passant.
Dans un caveau, penché sur un livre, et lisant,
Un vieillard surhumain, sous le roc qui surplombe,
Semble vivre oublié par la mort dans sa tombe.
Des sphinx, des boeufs d'airain, sur l'étrave accroupis,
Ont fait des chapiteaux aux piliers décrépits ;
L'aspic à l'oeil de braise, agitant ses paupières,
Passe sa tête plate aux crevasses des pierres.
Tout chancelle et fléchit sous les toits entr'ouverts.
Le mur suinte, et l'on voit fourmiller à travers
De grands feuillages roux, sortant d'entre les marbres,
Des monstres qu'on prendrait pour des racines d'arbres.
Partout, sur les parois du morne monument,
Quelque chose d'affreux rampe confusément ;
Et celui qui parcourt ce dédale difforme,
Comme s'il était pris par un polype énorme,
Sur son front effaré, sous son pied hasardeux,
Sent vivre et remuer l'édifice hideux !

Aux heures où l'esprit, dont l'oeil partout se pose,
Cherche à voir dans la nuit le fond de toute chose,
Dans ces lieux effrayants mon regard se perdit.
Bien souvent je les ai contemplés, et j'ai dit :

- Ô rêves de granit ! grottes visionnaires !
Cryptes ! palais ! tombeaux, pleins de vagues tonnerres !
Vous êtes moins brumeux, moins noirs, moins ignorés,
Vous êtes moins profonds et moins désespérés
Que le destin, cet antre habité par nos craintes,
Où l'âme entend, perdue, en d'affreux labyrinthes,
Au fond, à travers l'ombre, avec mille bruits sourds,
Dans un gouffre inconnu tomber le flot des jours ! -

Avril 1839.
Sinite parvulos venire ad me.
JESUS.


Laissez. - Tous ces enfants sont bien là. - Qui vous dit
Que la bulle d'azur que mon souffle agrandit
A leur souffle indiscret s'écroule ?
Qui vous dit que leurs voix, leurs pas, leurs jeux, leurs cris,
Effarouchent la muse et chassent les péris ?... -
Venez, enfants, venez en foule !

Venez autour de moi. Riez, chantez, courez !
Votre œil me jettera quelques rayons dorés,
Votre voix charmera mes heures.
C'est la seule en ce monde où rien ne nous sourit
Qui vienne du dehors sans troubler dans l'esprit
Le chœur des voix intérieures !

Fâcheux : qui les vouliez écarter ! - Croyez-vous
Que notre cœur n'est pas plus serein et plus doux
Au sortir de leurs jeunes rondes ?
Croyez-vous que j'ai peur quand je vois au milieu
De mes rêves rougis ou de sang ou de feu
Passer toutes ces têtes blondes ?

La vie est-elle donc si charmante à vos yeux
Qu'il faille préférer à tout ce bruit joyeux
Une maison vide et muette ?
N'ôtez pas, la pitié même vous le défend,
Un rayon de soleil, un sourire d'enfant,
Au ciel sombre, au cœur du poète !

- Mais ils s'effaceront à leurs bruyants ébats
Ces mots sacrés que dit une muse tout bas,
Ces chants purs d'où l'âme se noie ?... -
Eh ! que m'importe à moi, muse, chants, vanité,
Votre gloire perdue et l'immortalité,
Si j'y gagne une heure de joie !

La belle ambition et le rare destin !
Chanter ! toujours chanter pour un écho lointain,
Pour un vain bruit qui passe et tombe !
Vivre abreuvé de fiel, d'amertume et d'ennuis !
Expier dans ses jours les rêves de ses nuits !
Faire un avenir à sa tombe !

Oh ! que j'aime bien mieux ma joie et mon plaisir,
Et toute ma famille avec tout mon loisir,
Dût la gloire ingrate et frivole,
Dussent mes vers, troublés de ces ris familiers,
S'enfuir, comme devant un essaim d'écoliers
Une troupe d'oiseaux s'envole !

Mais non. Au milieu d'eux rien ne s'évanouit.
L'orientale d'or plus riche épanouit
Ses fleurs peintes et ciselées,
La ballade est plus fraîche, et dans le ciel grondant
L'ode ne pousse pas d'un souffle moins ardent
Le groupe des strophes ailées.

Je les vois reverdir dans leurs jeux éclatants,
Mes hymnes, parfumés comme un champ de printemps.
Ô vous, dont l'âme est épuisée,
Ô mes amis ! l'enfance aux riantes couleurs
Donne la poésie à nos vers, comme aux fleurs
L'aurore donne la rosée.

Venez, enfants ! - A vous jardins, cours, escaliers !
Ebranlez et planchers, et plafonds, et piliers !
Que le jour s'achève ou renaisse,
Courez et bourdonnez comme l'abeille aux champs !
Ma joie et mon bonheur et mon âme et mes chants
Iront ou vous irez, jeunesse !

Il est pour les cœurs sourds aux vulgaires clameurs
D'harmonieuses voix, des accords, des rumeurs,
Qu'on n'entend que dans les retraites,
Notes d'un grand concert interrompu souvent,
Vents, flots, feuilles des bois, bruits dont l'âme en rêvant
Se fait des musiques secrètes.

Moi, quel que soit le monde et l'homme et l'avenir,
Soit qu'il faille oublier ou se ressouvenir,
Que Dieu m'afflige ou me console,
Je ne veux habiter la cité des vivants
Que dans une maison qu'une rumeur d'enfants
Fasse toujours vivante et folle.

De même, si jamais enfin je vous revois,
Beau pays dont la langue est faite pour ma voix,
Dont mes yeux aimaient les campagnes,
Bords où mes pas enfants suivaient Napoléon,
Fortes villes du Cid ! ô Valence, ô Léon,
Castille, Aragon, mes Espagnes !

Je ne veux traverser vos plaines, vos cités,
Franchir vos ponts d'une arche entre deux monts jetés,
Vois vos palais romains ou maures,
Votre Guadalquivir qui serpente et s'enfuit,
Que dans ces chars dorés qu'emplissent de leur bruit
Les grelots des mules sonores.

Le 11 mai 1830.
Que faites-vous, Seigneur ? à quoi sert votre ouvrage ?
À quoi bon l'eau du fleuve et l'éclair de l'orage ?
Les prés ? les ruisseaux purs qui lavent le gazon ?
Et, sur les coteaux verts dont s'emplit l'horizon,
Les immenses troupeaux aux fécondes haleines
Que l'aboiement des chiens chasse à travers les plaines ?
Pourquoi, dans ce doux mois où l'air semble attiédi,
Quand un calice s'ouvre aux souffles de midi,
Y plonger, ô Seigneur, l'abeille butinante,
Et changer toute fleur en cloche bourdonnante ?
Pourquoi le brouillard d'or qui monte des hameaux ?
Pourquoi l'ombre et la paix qui tombent des rameaux ?
Pourquoi le lac d'azur semé de molles îles ?
Pourquoi les bois profonds, les grottes, les asiles ?
À quoi bon, chaque soir, quand luit l'été vermeil,
Comme un charbon ardent déposant le soleil
Au milieu des vapeurs par les vents remuées,
Allumer au couchant un brasier de nuées ?
Pourquoi rougir la vigne et jeter aux vieux murs
Le rayon qui revient gonfler les raisins mûrs ?
À quoi bon incliner sur ses axes mobiles
Ce globe monstrueux avec toutes ses villes,
Et ses monts et ses mers qui flottent alentour,
À quoi bon, ô Seigneur, l'incliner tour à tour,
Pour que l'ombre l'éteigne ou que le jour le dore,
Tantôt vers la nuit sombre et tantôt vers l'aurore ?
À quoi vous sert le flot, le nuage, le bruit
Qu'en secret dans la fleur fait le germe du fruit ?
À quoi bon féconder les éthers et les ondes,
Faire à tous les soleils des ceintures de mondes,
Peupler d'astres errants l'arche énorme des cieux,
Seigneur ! et sur nos fronts, d'où rayonnent nos yeux,
Entasser en tous sens des millions de lieues
Et du vague infini poser les plaines bleues ?
Pourquoi sur les hauteurs et dans les profondeurs
Cet amas effrayant d'ombres et de splendeurs ?
À quoi bon parfumer, chauffer, nourrir et luire,
Tout aimer, et, Dieu bon ! incessamment traduire,
Pour l'oeil intérieur comme pour l'oeil charnel,
L'éternelle pensée en spectacle éternel ?
Si c'est pour qu'en ce siècle où la loi tombe en cendre
L'homme passe sans voir, sans croire, sans comprendre,
Sans rien chercher dans l'ombre, et sans lever les yeux
Vers les conseils divins qui flottent dans les cieux,
Sous la forme sacrée ou sous l'éclatant voile
Tantôt d'une nuée et tantôt d'une étoile !
Si c'est pour que ce temps fasse, en son morne ennui,
De l'opprimé d'hier l'oppresseur d'aujourd'hui ;
Pour que l'on s'entre-déchire à propos de cent rêves ;
Pour que le peuple, foule où dorment tant de sèves,
Aussi bien que les rois, - grave et haute leçon ! -
Ait la brutalité pour dernière raison,
Et réponde, troupeau qu'on tue ou qui lapide,
À l'aveugle boulet par le pavé stupide !
Si c'est pour que l'émeute ébranle la cité !
Pour que tout soit tyran, même la liberté !
Si c'est pour que l'honneur des anciens gentilshommes,
Aux projets des partis s'attelle tristement ;
Si c'est pour qu'à sa haine on ajoute un serment
Comme à son vieux poignard on remet une lame ;
Si c'est pour que le prince, homme né d'une femme,
Né pour briller bien vite et pour vivre bien peu,
S'imagine être roi comme vous êtes Dieu !
Si c'est pour que la joie aux justes soit ravie ;
Pour que l'iniquité règne, pour que l'envie,
Emplissant tant de fronts de brasiers dévorants,
Fasse petits des coeurs que l'amour ferait grands !
Si c'est pour que le prêtre, infirme et triste apôtre,
Marche avec ses deux yeux, ouvrant l'un fermant l'autre,
Insulte à la nature au nom du verbe écrit,
Et ne comprenne pas qu'ici tout est l'esprit,
Que Dieu met comme en nous son souffle dans l'argile,
Et que l'arbre et la fleur commentent l'Évangile !
Si c'est pour que personne enfin, grand ou petit,
Pas même le vieillard que l'âge appesantit,
Personne, du tombeau sondant les avenues,
N'ait l'austère souci des choses inconnues,
Et que, pareil au boeuf par l'instinct assoupi,
Chacun trace un sillon sans songer à l'épi !
Car l'humanité, morne et manquant de prophètes,
Perd l'admiration des oeuvres que vous faites ;
L'homme ne sent plus luire en son coeur triomphant
Ni l'aube, ni le lys, ni l'ange, ni l'enfant,
Ni l'âme, ce rayon fait de lumière pure,
Ni la création, cette immense figure !

De là vient que souvent je rêve et que je dis :
- Est-ce que nous serions condamnés et maudits ?
Est-ce que ces vivants, chétivement prospères,
Seraient déshérités du souffle de leurs pères ?
Ô Dieu ! considérez les hommes de ce temps,
Aveugles, **** de vous sous tant d'ombre flottants.
Éteignez vos soleils, ou rallumez leur flamme !
Reprenez votre monde, ou donnez-leur une âme !

Juin 1839.

— The End —