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Lee Mar 2019
The perfect still portait that captures all beauty.

Is it the rising sun as it strokes the oceans creating a beautiful mirage of wonder?

Is it the night light sky where the moon and stars remain out of reach with the lone dancing star few see?

Is it the moment of two joining in love and putting the bands of eternity upon their finger?

None of these are the perfect still portait.

The perfect still portrait is the moment in time not captured by lense but by sight and mind.

The perfect still portrait is a feeling and memory at once that can never be described or forgotten.

My perfect still portrait is the moment you said you love me.
Jon Tobias Sep 2012
As we walk to my best friend's house
My brother and I cross a bridge

He suddenly walks slowly
Like a penguin with a hunchabck
Closes his eyes a little
Steps towards the street

Tells me he is afraid of heights

I hold his 711 bag
And press my hand to his boney spine

We cross

When I can read
I am going to move to New York
Live in an apartment til I can buy a house

Toffer lived in New York
You should ask him about it

It snows there

I don't ask him about how he'll pay for it
All he need is to know how to read
Everything else falls into place after that
marriegegirl Jul 2014
Je sais que vous venez ici pour votre dose quotidienne de mariages .mais je suis tout aussi certain que vous êtes ici pour votre dose quotidienne de plaisir aussi .Valerie Barnes film a livré .parce que le couple au centre de ce mariage a à la fois un amour et un bonheur qui sont contagieux !\u003cp\u003eS'il vous plaît mettre à jour votre browserColorsSeasonsFallSettingsBallroomHotelStylesTraditional

D­e la photographie .Même si Suzanne et Carl se sont réunis et maintenant résident à Boston .elle a choisi de se marier dans sa ville natale de Pittsburgh parce qu'elle voulait se marier à la cathédrale Saint- Paul .l'église où ses parents se sont mariés en 1972 . " Je ne peux pas attendre pourêtre dans cette église . C'est si beau . "

Quand elle a Carl à Pittsburgh pour la première fois.elle l'a emmené à l'église pour le mariage d'un cousin et lui dit: « Je vais me marier un jour dans cette église . "

Le matin du jour de son mariage .elle s'habillait à la maison de ses parents à Fox Chapel .Bien que sa robe a été conçu par Monique L'



huiller et ses chaussures par Badgley Mischka .at-elle ajouté quelques objets personnels pour compléter son look - le voile qu'elle portait était mariage voile de la mère et le bracelet qu'elle portait a également été emprunté à sa mère .
La réception de mariage a eu lieu à l' Hôtel Omni William Penn ." J'ai adoré qu'il était robe courte devant longue derriere au cœur du centre-ville de Pittsburgh et a également pensé qu'il était parfait pour la sensation de notre mariage . "la pensée de

Susanna de son mariage ." j'espère que notre mariage que nous sommes en mesure de tenir dans nos cœurs et nos esprits l'amour et de l'admiration et l'appréciation que robe de mariée 2014 nous avons les uns pour les autres aujourd'hui tous les jours .et que nous continuons de plus en plus non seulement commeindividus.mais comme un couple "

Photographie : Goldstein Photographie | vidéographie : . Valerie Barnes Film | planification de l'événement: Le groupe d'événements | Floral Design : Hepatica | Robe robe courte devant longue derriere de mariage: Monique Lhuillier | Gâteau : Vanille Pâtisserie | Cérémonie Lieu: Saint-Paulcathédrale | Réception Lieu: Omni William Penn | Chaussures : Badgley Mischka | Bijoux : Tiffany | Restauration : Omni William Penn | robes de demoiselles d'honneur ' \ : Amsale | Linge de maison : linge de lit mosaïque | Tuxedo : Tophat TuxedoAmsale .Badgley Mischka et Monique Lhuillier sont membres de notre Look Book .Pour plus d'informations sur la façon dont les membres sont choisis .cliquez ici


http://modedomicile.com
I like you.
Your eyes are full of language.
Angel of Sin Nov 2015
So proudly we stand by liberty's side
She's fraught with lividity
With no life in her eyes
We are plagued with insanity
So we can't see this disgust
So blinded by grief
That this is what has become of us!
Posing the corpse of our beloved mother...

Searching for an answer that cannot be found
Too reluctant, too proud to put her corpse in the ground
A picture is taken, we smile so wide
You can't even tell that liberty has died

Cursed is the seed of our creation...
Our mothers not too rotten for manipulation
We try to conceive an infant nation
But a dead womb can only host...
A carrion infestation

"Why mother, why did you have to die?"
Too much malediction had poisoned her mind
Abused by strangers to create a home
Thus killing the only mother we've ever known
How is a nation that claims to be free
A nation of lepers, of beggars, disease?
Because of insanity we cannot see the disgust
Of this Mourning Portrait of America!
Paul d'Aubin Aug 2014
Nos jeunesses avec Monsieur Snoopy


C'était le noble fils d'Isky
Yorkshire au caractère vif
Betty l'avait eu en cadeau
De Ginou, comme un joyau.
Dans ses jeunes ans, vêtu
d'un pelage noir et boucle.
Il semblait une variété
d'écureuil plutôt qu'un chien
Mais sa passion était de jouer
Et de mordiller aussi .
Mais ce chiot était déjà
Un jeune combattant téméraire.


Venu avec nous a Lille
Il apprit a courir les pigeons du Beffroi.
L'été prenant le cargo avec nous pour la Corse,
Il débarquait aphone ayant aboyé toute la nuit.
Dans l'île, ce chien anglais se portait comme un charme,
et se jouait des ronces du maquis.
Il dégotta même une ruche sauvage d'abeilles près du ruisseau le "Fiume".


Mais de caractère dominant
Et n'ayant pas appris les mœurs de la meurtre,
Il refusa la soumission au dogue de "Zeze"; "Fakir",
qui le prit dans sa gueule et le fit tournoyer sous la camionnette du boucher ambulant.
Il en fut quitte pour quelques jours de peur panique,
Puis ne manqua point de frétiller de sa queue pour saluer le chef de meute selon la coutume des chiens.


Rentrés a Lille, je vis un film de Claude Lelouch,
Ou un restaurateur avait entraîné un coq a saluer les clients,
Aussitôt, je m'efforcais de renouveler l'exploit avec Snoopy juche sur mon épaule ou l'appui tête de notre Fiat.
Mais ce chien indépendant et fougueux ne voulut rien entendre.
Las et envolées les idées de montreur de chien savant.


Le chien Snoopy n'aimait guère l'eau, ni douce, ni salée,
mais une fois plonge dans les flots,
de ses pattes il se faisait des nageoires pour rejoindre sa maîtresse se baignant dans les flots.


Âgé  de seize ans, la grande vieillesse venue,
dont le malheur veut qu'elle marque le cadrant de cinq fractions de vies d'hommes,
Une année fatidique le désormais vieux chien fut gardée à  Luchon par mes parents pour lui éviter le chenil du cargo,
Aussi un soir attablés au restaurant "La Stonda" nous apprimes l'affligeante nouvelle,
Le vivace Snoopy n'était plus, Je nous revois encore les yeux baignés de larmes comme si nous avions perdu, la meilleure partie de notre jeune âge.
Car il fut le premier chien de notre âge adulte,
Notre fille Celia mêla ses pleurs aux nôtres,
et cette nouvelle pourtant bien prévisible apporta une touche de chagrin à ce mois d'août d'ordinaire, si plein de Lumière et de soleil.

Nous avions perdu notre premier chien et notre grand ami de ceux qui ne vous trahit jamais.
Snoopy fut pour nous notre premier amour de chien.
Solide cabot au poil argenté, aux oreilles en pointe dressées au moindre bruit.
Il accompagna nos jeunes années de couple, alors sans enfant,
et enjolivait notre vie par sa fantaisie et ses facéties.
Joli descendant des chiens de mineur du Yorkshire, il sut nous donner pour toute notre vie l'amour des chiens anglais.

Paul Arrighi
Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ.
Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant,
Noir squelette laissant passer le crépuscule.
Dans l'ombre où l'on dirait que tout tremble et recule,
L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx.
Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux
Tombaient ; elle changeait en désert Babylone,
Le trône en échafaud et l'échafaud en trône,
Les roses en fumier, les enfants en oiseaux,
L'or en cendre, et les yeux des mères en ruisseaux.
Et les femmes criaient : - Rends-nous ce petit être.
Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait naître ? -
Ce n'était qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas ;
Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats ;
Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre ;
Les peuples éperdus semblaient sous la faulx sombre
Un troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit ;
Tout était sous ses pieds deuil, épouvante et nuit.
Derrière elle, le front baigné de douces flammes,
Un ange souriant portait la gerbe d'âmes.
Lorsque le grand Byron allait quitter Ravenne,
Et chercher sur les mers quelque plage lointaine
Où finir en héros son immortel ennui,
Comme il était assis aux pieds de sa maîtresse,
Pâle, et déjà tourné du côté de la Grèce,
Celle qu'il appelait alors sa Guiccioli
Ouvrit un soir un livre où l'on parlait de lui.

Avez-vous de ce temps conservé la mémoire,
Lamartine, et ces vers au prince des proscrits,
Vous souvient-il encor qui les avait écrits ?
Vous étiez jeune alors, vous, notre chère gloire.
Vous veniez d'essayer pour la première fois
Ce beau luth éploré qui vibre sous vos doigts.
La Muse que le ciel vous avait fiancée
Sur votre front rêveur cherchait votre pensée,
Vierge craintive encore, amante des lauriers.
Vous ne connaissiez pas, noble fils de la France,
Vous ne connaissiez pas, sinon par sa souffrance,
Ce sublime orgueilleux à qui vous écriviez.
De quel droit osiez-vous l'aborder et le plaindre ?
Quel aigle, Ganymède, à ce Dieu vous portait ?
Pressentiez-vous qu'un jour vous le pourriez atteindre,
Celui qui de si haut alors vous écoutait ?
Non, vous aviez vingt ans, et le coeur vous battait
Vous aviez lu Lara, Manfred et le Corsaire,
Et vous aviez écrit sans essuyer vos pleurs ;
Le souffle de Byron vous soulevait de terre,
Et vous alliez à lui, porté par ses douleurs.
Vous appeliez de **** cette âme désolée ;
Pour grand qu'il vous parût, vous le sentiez ami
Et, comme le torrent dans la verte vallée,
L'écho de son génie en vous avait gémi.
Et lui, lui dont l'Europe, encore toute armée,
Écoutait en tremblant les sauvages concerts ;
Lui qui depuis dix ans fuyait sa renommée,
Et de sa solitude emplissait l'univers ;
Lui, le grand inspiré de la Mélancolie,
Qui, las d'être envié, se changeait en martyr ;
Lui, le dernier amant de la pauvre Italie,
Pour son dernier exil s'apprêtant à partir ;
Lui qui, rassasié de la grandeur humaine,
Comme un cygne à son chant sentant sa mort prochaine,
Sur terre autour de lui cherchait pour qui mourir...
Il écouta ces vers que lisait sa maîtresse,
Ce doux salut lointain d'un jeune homme inconnu.
Je ne sais si du style il comprit la richesse ;
Il laissa dans ses yeux sourire sa tristesse :
Ce qui venait du coeur lui fut le bienvenu.

Poète, maintenant que ta muse fidèle,
Par ton pudique amour sûre d'être immortelle,
De la verveine en fleur t'a couronné le front,
À ton tour, reçois-moi comme le grand Byron.
De t'égaler jamais je n'ai pas l'espérance ;
Ce que tu tiens du ciel, nul ne me l'a promis,
Mais de ton sort au mien plus grande est la distance,
Meilleur en sera Dieu qui peut nous rendre amis.
Je ne t'adresse pas d'inutiles louanges,
Et je ne songe point que tu me répondras ;
Pour être proposés, ces illustres échanges
Veulent être signés d'un nom que je n'ai pas.
J'ai cru pendant longtemps que j'étais las du monde ;
J'ai dit que je niais, croyant avoir douté,
Et j'ai pris, devant moi, pour une nuit profonde
Mon ombre qui passait pleine de vanité.
Poète, je t'écris pour te dire que j'aime,
Qu'un rayon du soleil est tombé jusqu'à moi,
Et qu'en un jour de deuil et de douleur suprême
Les pleurs que je versais m'ont fait penser à toi.

Qui de nous, Lamartine, et de notre jeunesse,
Ne sait par coeur ce chant, des amants adoré,
Qu'un soir, au bord d'un lac, tu nous as soupiré ?
Qui n'a lu mille fois, qui ne relit sans cesse
Ces vers mystérieux où parle ta maîtresse,
Et qui n'a sangloté sur ces divins sanglots,
Profonds comme le ciel et purs comme les flots ?
Hélas ! ces longs regrets des amours mensongères,
Ces ruines du temps qu'on trouve à chaque pas,
Ces sillons infinis de lueurs éphémères,
Qui peut se dire un homme et ne les connaît pas ?
Quiconque aima jamais porte une cicatrice ;
Chacun l'a dans le sein, toujours prête à s'ouvrir ;
Chacun la garde en soi, cher et secret supplice,
Et mieux il est frappé, moins il en veut guérir.
Te le dirai-je, à toi, chantre de la souffrance,
Que ton glorieux mal, je l'ai souffert aussi ?
Qu'un instant, comme toi, devant ce ciel immense,
J'ai serré dans mes bras la vie et l'espérance,
Et qu'ainsi que le tien, mon rêve s'est enfui ?
Te dirai-je qu'un soir, dans la brise embaumée,
Endormi, comme toi, dans la paix du bonheur,
Aux célestes accents d'une voix bien-aimée,
J'ai cru sentir le temps s'arrêter dans mon coeur ?
Te dirai-je qu'un soir, resté seul sur la terre,
Dévoré, comme toi, d'un affreux souvenir,
Je me suis étonné de ma propre misère,
Et de ce qu'un enfant peut souffrir sans mourir ?
Ah ! ce que j'ai senti dans cet instant terrible,
Oserai-je m'en plaindre et te le raconter ?
Comment exprimerai-je une peine indicible ?
Après toi, devant toi, puis-je encor le tenter ?
Oui, de ce jour fatal, plein d'horreur et de charmes,
Je veux fidèlement te faire le récit ;
Ce ne sont pas des chants, ce ne sont pas des larmes,
Et je ne te dirai que ce que Dieu m'a dit.

Lorsque le laboureur, regagnant sa chaumière,
Trouve le soir son champ rasé par le tonnerre,
Il croit d'abord qu'un rêve a fasciné ses yeux,
Et, doutant de lui-même, interroge les cieux.
Partout la nuit est sombre, et la terre enflammée.
Il cherche autour de lui la place accoutumée
Où sa femme l'attend sur le seuil entr'ouvert ;
Il voit un peu de cendre au milieu d'un désert.
Ses enfants demi-nus sortent de la bruyère,
Et viennent lui conter comme leur pauvre mère
Est morte sous le chaume avec des cris affreux ;
Mais maintenant au **** tout est silencieux.
Le misérable écoute et comprend sa ruine.
Il serre, désolé, ses fils sur sa poitrine ;
Il ne lui reste plus, s'il ne tend pas la main,
Que la faim pour ce soir et la mort pour demain.
Pas un sanglot ne sort de sa gorge oppressée ;
Muet et chancelant, sans force et sans pensée,
Il s'assoit à l'écart, les yeux sur l'horizon,
Et regardant s'enfuir sa moisson consumée,
Dans les noirs tourbillons de l'épaisse fumée
L'ivresse du malheur emporte sa raison.

Tel, lorsque abandonné d'une infidèle amante,
Pour la première fois j'ai connu la douleur,
Transpercé tout à coup d'une flèche sanglante,
Seul je me suis assis dans la nuit de mon coeur.
Ce n'était pas au bord d'un lac au flot limpide,
Ni sur l'herbe fleurie au penchant des coteaux ;
Mes yeux noyés de pleurs ne voyaient que le vide,
Mes sanglots étouffés n'éveillaient point d'échos.
C'était dans une rue obscure et tortueuse
De cet immense égout qu'on appelle Paris :
Autour de moi criait cette foule railleuse
Qui des infortunés n'entend jamais les cris.
Sur le pavé noirci les blafardes lanternes
Versaient un jour douteux plus triste que la nuit,
Et, suivant au hasard ces feux vagues et ternes,
L'homme passait dans l'ombre, allant où va le bruit.
Partout retentissait comme une joie étrange ;
C'était en février, au temps du carnaval.
Les masques avinés, se croisant dans la fange,
S'accostaient d'une injure ou d'un refrain banal.
Dans un carrosse ouvert une troupe entassée
Paraissait par moments sous le ciel pluvieux,
Puis se perdait au **** dans la ville insensée,
Hurlant un hymne impur sous la résine en feux.
Cependant des vieillards, des enfants et des femmes
Se barbouillaient de lie au fond des cabarets,
Tandis que de la nuit les prêtresses infâmes
Promenaient çà et là leurs spectres inquiets.
On eût dit un portrait de la débauche antique,
Un de ces soirs fameux, chers au peuple romain,
Où des temples secrets la Vénus impudique
Sortait échevelée, une torche à la main.
Dieu juste ! pleurer seul par une nuit pareille !
Ô mon unique amour ! que vous avais-je fait ?
Vous m'aviez pu quitter, vous qui juriez la veille
Que vous étiez ma vie et que Dieu le savait ?
Ah ! toi, le savais-tu, froide et cruelle amie,
Qu'à travers cette honte et cette obscurité
J'étais là, regardant de ta lampe chérie,
Comme une étoile au ciel, la tremblante clarté ?
Non, tu n'en savais rien, je n'ai pas vu ton ombre,
Ta main n'est pas venue entr'ouvrir ton rideau.
Tu n'as pas regardé si le ciel était sombre ;
Tu ne m'as pas cherché dans cet affreux tombeau !

Lamartine, c'est là, dans cette rue obscure,
Assis sur une borne, au fond d'un carrefour,
Les deux mains sur mon coeur, et serrant ma blessure,
Et sentant y saigner un invincible amour ;
C'est là, dans cette nuit d'horreur et de détresse,
Au milieu des transports d'un peuple furieux
Qui semblait en passant crier à ma jeunesse,
« Toi qui pleures ce soir, n'as-tu pas ri comme eux ? »
C'est là, devant ce mur, où j'ai frappé ma tête,
Où j'ai posé deux fois le fer sur mon sein nu ;
C'est là, le croiras-tu ? chaste et noble poète,
Que de tes chants divins je me suis souvenu.
Ô toi qui sais aimer, réponds, amant d'Elvire,
Comprends-tu que l'on parte et qu'on se dise adieu ?
Comprends-tu que ce mot la main puisse l'écrire,
Et le coeur le signer, et les lèvres le dire,
Les lèvres, qu'un baiser vient d'unir devant Dieu ?
Comprends-tu qu'un lien qui, dans l'âme immortelle,
Chaque jour plus profond, se forme à notre insu ;
Qui déracine en nous la volonté rebelle,
Et nous attache au coeur son merveilleux tissu ;
Un lien tout-puissant dont les noeuds et la trame
Sont plus durs que la roche et que les diamants ;
Qui ne craint ni le temps, ni le fer, ni la flamme,
Ni la mort elle-même, et qui fait des amants
Jusque dans le tombeau s'aimer les ossements ;
Comprends-tu que dix ans ce lien nous enlace,
Qu'il ne fasse dix ans qu'un seul être de deux,
Puis tout à coup se brise, et, perdu dans l'espace,
Nous laisse épouvantés d'avoir cru vivre heureux ?
Ô poète ! il est dur que la nature humaine,
Qui marche à pas comptés vers une fin certaine,
Doive encor s'y traîner en portant une croix,
Et qu'il faille ici-bas mourir plus d'une fois.
Car de quel autre nom peut s'appeler sur terre
Cette nécessité de changer de misère,
Qui nous fait, jour et nuit, tout prendre et tout quitter.
Si bien que notre temps se passe à convoiter ?
Ne sont-ce pas des morts, et des morts effroyables,
Que tant de changements d'êtres si variables,
Qui se disent toujours fatigués d'espérer,
Et qui sont toujours prêts à se transfigurer ?
Quel tombeau que le coeur, et quelle solitude !
Comment la passion devient-elle habitude,
Et comment se fait-il que, sans y trébucher,
Sur ses propres débris l'homme puisse marcher ?
Il y marche pourtant ; c'est Dieu qui l'y convie.
Il va semant partout et prodiguant sa vie :
Désir, crainte, colère, inquiétude, ennui,
Tout passe et disparaît, tout est fantôme en lui.
Son misérable coeur est fait de telle sorte
Qu'il fuit incessamment qu'une ruine en sorte ;
Que la mort soit son terme, il ne l'ignore pas,
Et, marchant à la mort, il meurt à chaque pas.
Il meurt dans ses amis, dans son fils, dans son père,
Il meurt dans ce qu'il pleure et dans ce qu'il espère ;
Et, sans parler des corps qu'il faut ensevelir,
Qu'est-ce donc qu'oublier, si ce n'est pas mourir ?
Ah ! c'est plus que mourir, c'est survivre à soi-même.
L'âme remonte au ciel quand on perd ce qu'on aime.
Il ne reste de nous qu'un cadavre vivant ;
Le désespoir l'habite, et le néant l'attend.

Eh bien ! bon ou mauvais, inflexible ou fragile,
Humble ou fier, triste ou ***, mais toujours gémissant,
Cet homme, tel qu'il est, cet être fait d'argile,
Tu l'as vu, Lamartine, et son sang est ton sang.
Son bonheur est le tien, sa douleur est la tienne ;
Et des maux qu'ici-bas il lui faut endurer
Pas un qui ne te touche et qui ne t'appartienne ;
Puisque tu sais chanter, ami, tu sais pleurer.
Dis-moi, qu'en penses-tu dans tes jours de tristesse ?
Que t'a dit le malheur, quand tu l'as consulté ?
Trompé par tes amis, trahi par ta maîtresse,
Du ciel et de toi-même as-tu jamais douté ?

Non, Alphonse, jamais. La triste expérience
Nous apporte la cendre, et n'éteint pas le feu.
Tu respectes le mal fait par la Providence,
Tu le laisses passer, et tu crois à ton Dieu.
Quel qu'il soit, c'est le mien ; il n'est pas deux croyances
Je ne sais pas son nom, j'ai regardé les cieux ;
Je sais qu'ils sont à Lui, je sais qu'ils sont immenses,
Et que l'immensité ne peut pas être à deux.
J'ai connu, jeune encore, de sévères souffrances,
J'ai vu verdir les bois, et j'ai tenté d'aimer.
Je sais ce que la terre engloutit d'espérances,
Et, pour y recueillir, ce qu'il y faut semer.
Mais ce que j'ai senti, ce que je veux t'écrire,
C'est ce que m'ont appris les anges de douleur ;
Je le sais mieux encore et puis mieux te le dire,
Car leur glaive, en entrant, l'a gravé dans mon coeur :

Créature d'un jour qui t'agites une heure,
De quoi viens-tu te plaindre et qui te fait gémir ?
Ton âme t'inquiète, et tu crois qu'elle pleure :
Ton âme est immortelle, et tes pleurs vont tarir.

Tu te sens le coeur pris d'un caprice de femme,
Et tu dis qu'il se brise à force de souffrir.
Tu demandes à Dieu de soulager ton âme :
Ton âme est immortelle, et ton coeur va guérir.

Le regret d'un instant te trouble et te dévore ;
Tu dis que le passé te voile l'avenir.
Ne te plains pas d'hier ; laisse venir l'aurore :
Ton âme est immortelle, et le temps va s'enfuir

Ton corps est abattu du mal de ta pensée ;
Tu sens ton front peser et tes genoux fléchir.
Tombe, agenouille-toi, créature insensée :
Ton âme est immortelle, et la mort va venir.

Tes os dans le cercueil vont tomber en poussière
Ta mémoire, ton nom, ta gloire vont périr,
Mais non pas ton amour, si ton amour t'est chère :
Ton âme est immortelle, et va s'en souvenir.
You portray a painting but you don't get the picture.
You wanna be someone else but you birth to become one soul.
Society what keeps you falsifying your identity.
You trying to live a false entity.
You are your worst enemy.
Things can get tragic. So drastic. Make your soul become elastic.
Stop faking like plastic . Pressure is heat can melt that fakeness can turn it to glue .
Now you in the thick of things.
Revert to the painting  you are the picture can you get the illustration.
Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S'en allait satisfaite et très fière, sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminences,
L'âme de son enfant livrée aux répugnances.

Tout le jour il suait d'obéissance ; très
Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits
Semblaient prouver en lui d'âcres hypocrisies.
Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
A l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.
Une porte s'ouvrait sur le soir : à la lampe
On le voyait, là-haut, qui râlait sur la rampe,
Sous un golfe de jour pendant du toit. L'été
Surtout, vaincu, stupide, il était entêté
A se renfermer dans la fraîcheur des latrines :
Il pensait là, tranquille et livrant ses narines.
Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet
Derrière la maison, en hiver, s'illunait,
Gisant au pied d'un mur, enterré dans la marne
Et pour des visions écrasant son oeil darne,
Il écoutait grouiller les galeux espaliers.
Pitié ! Ces enfants seuls étaient ses familiers
Qui, chétifs, fronts nus, oeil déteignant sur la joue,
Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue
Sous des habits puant la foire et tout vieillots,
Conversaient avec la douceur des idiots !
Et si, l'ayant surpris à des pitiés immondes,
Sa mère s'effrayait ; les tendresses, profondes,
De l'enfant se jetaient sur cet étonnement.
C'était bon. Elle avait le bleu regard, - qui ment !

A sept ans, il faisait des romans, sur la vie
Du grand désert, où luit la Liberté ravie,
Forêts, soleils, rives, savanes ! - Il s'aidait
De journaux illustrés où, rouge, il regardait
Des Espagnoles rire et des Italiennes.
Quand venait, l'oeil brun, folle, en robes d'indiennes,
- Huit ans - la fille des ouvriers d'à côté,
La petite brutale, et qu'elle avait sauté,
Dans un coin, sur son dos en secouant ses tresses,
Et qu'il était sous elle, il lui mordait les fesses,
Car elle ne portait jamais de pantalons ;
- Et, par elle meurtri des poings et des talons,
Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.

Il craignait les blafards dimanches de décembre,
Où, pommadé, sur un guéridon d'acajou,
Il lisait une Bible à la tranche vert-chou ;
Des rêves l'oppressaient chaque nuit dans l'alcôve.
Il n'aimait pas Dieu ; mais les hommes, qu'au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
Où les crieurs, en trois roulements de tambour,
Font autour des édits rire et gronder les foules.
- Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles
Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or,
Font leur remuement calme et prennent leur essor !

Et comme il savourait surtout les sombres choses,
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
Haute et bleue, âcrement prise d'humidité,
Il lisait son roman sans cesse médité,
Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées,
De fleurs de chair aux bois sidérals déployées,
Vertige, écroulements, déroutes et pitié !
- Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas, - seul, et couché sur des pièces de toile
Écrue, et pressentant violemment la voile !
Holly Feb 2014
I have heard
everything is a self portrait.
The sound of your laugh
or what sweater you choose
out of the bargain bin.
Your favorite poems,
or the songs you sing
when you think no one is listening.
Your handwriting and
if you dog ear
your favorite book pages.
We would love to think
of ourselves as a mystery,
something one another has to
put together
like a puzzle.
But you do that yourself,
pieces of your identity
your quirks
your habits
are apparent
when you least expect it,
you are the truest you,
in a moment where you don't
even realize it.
You are your own mystery,
and your clues are a give away,
a self portait you paint
for others to admire.
marriegegirl Jun 2014
Toute personne qui me connaît sait une chose: je coeur tout britannique.Ainsi.une campagne magnifique mariage anglais de drop-dead à la Maison Boconnoc Et Estate?Fait pour moi .Surtout un aussi beau que ce jour élégant .avec ses fleurs colorées .tenue élégante ( bonjour superbe robe Jenny Packham ) et la galerie à couper le souffle des images capturées par Sarah Falugo .Voir tous ici .\u003cp\u003eColorsSeasonsSummerSettingsGardenHistoric HomeStylesCasual Elegance

De Sarah Falugo .Boconnoc Maison et Immobilier est un lieu de mariage robe ceremonie fille typiquement anglais .La maison remonte à l'an 1250 et les motifs .complète avec parc aux cerfs et sa propre église est un joyau caché dans la campagne des Cornouailles .Emma et Terence étaient

http://www.modedomicile.com/robe-demoiselle-dhonneur-c-60

mariés à l'église sur le terrain et ensuite sur le site avec vos amis et votre famille à avoir une partie de jardin et gifler repas dans la hauteur de l'été anglais .
Emma portait une robe élégante de mariage Jenny Packham .Les décorations étaient un mélange de bouteilles en verre de couleur et de belles roses anglaises .

Photographie : Sarah Falugo | Robe de mariée : Jenny Packham | Lieu: Boconnoc maison et le domaineSarah Falugo robes demoiselles d honneur photographie est un membre robe ceremonie fille de notre Little Black Book .Découvrez comment les membres sont choisis en visitant notre page de FAQ .Sarah Falugo Photographie voir le
Vauvenargues dit que dans les jardins publics il est des allées hantées principalement par l'ambition déçue, par les inventeurs malheureux, par les gloires avortées, par les cœurs brisés, par toutes ces âmes tumultueuses et fermées, en qui grondent encore les derniers soupirs d'un orage, et qui reculent **** du regard insolent des joyeux et des oisifs. Ces retraites ombreuses sont les rendez-vous des éclopés de la vie.

C'est surtout vers ces lieux que le poète et le philosophe aiment diriger leurs avides conjectures. Il y a là une pâture certaine. Car s'il est une place qu'ils dédaignent de visiter, comme je l'insinuais tout à l'heure, c'est surtout la joie des riches. Cette turbulence dans le vide n'a rien qui les attire. Au contraire, ils se sentent irrésistiblement entraînés vers tout ce qui est faible, ruiné, contristé, orphelin.

Un œil expérimenté ne s'y trompe jamais. Dans ces traits rigides ou abattus, dans ces yeux caves et ternes, ou brillants des derniers éclairs de la lutte, dans ces rides profondes et nombreuses, dans ces démarches si lentes ou si saccadées, il déchiffre tout de suite les innombrables légendes de l'amour trompé, du dévouement méconnu, des efforts non récompensés, de la faim et du froid humblement, silencieusement supportés.

Avez-vous quelquefois aperçu des veuves sur ces bancs solitaires, des veuves pauvres ? Qu'elles soient en deuil ou non, il est facile de les reconnaître. D'ailleurs il y a toujours dans le deuil du pauvre quelque chose qui manque, une absence d'harmonie qui le rend plus navrant. Il est contraint de lésiner sur sa douleur. Le riche porte la sienne au grand complet.

Quelle est la veuve la plus triste et la plus attristante, celle qui traîne à sa main un bambin avec qui elle ne peut pas partager sa rêverie, ou celle qui est tout à fait seule ? Je ne sais... Il m'est arrivé une fois de suivre pendant de longues heures une vieille affligée de cette espèce ; celle-là roide, droite, sous un petit châle usé, portait dans tout son être une fierté de stoïcienne.

Elle était évidemment condamnée, par une absolue solitude, à des habitudes de vieux célibataire, et le caractère masculin de ses mœurs ajoutait un piquant mystérieux à leur austérité. Je ne sais dans quel misérable café et de quelle façon elle déjeuna. Je la suivis au cabinet de lecture ; et je l'épiai longtemps pendant qu'elle cherchait dans les gazettes, avec des yeux actifs, jadis brûlés par les larmes, des nouvelles d'un intérêt puissant et personnel.

Enfin, dans l'après-midi, sous un ciel d'automne charmant, un de ces ciels d'où descendent en foule les regrets et les souvenirs, elle s'assit à l'écart dans un jardin, pour entendre, **** de la foule, un de ces concerts dont la musique des régiments gratifie le peuple parisien.

C'était sans doute là la petite débauche de cette vieille innocente (ou de cette vieille purifiée), la consolation bien gagnée d'une de ces lourdes journées sans ami, sans causerie, sans joie, sans confident, que Dieu laissait tomber sur elle, depuis bien des ans peut-être ! trois cent soixante-cinq fois par an.

Une autre encore :

Je ne puis jamais m'empêcher de jeter un regard, sinon universellement sympathique, au moins curieux, sur la foule de parias qui se pressent autour de l'enceinte d'un concert public. L'orchestre jette à travers la nuit des chants de fête, de triomphe ou de volupté. Les robes traînent en miroitant ; les regards se croisent ; les oisifs, fatigués de n'avoir rien fait, se dandinent, feignant de déguster indolemment la musique. Ici rien que de riche, d'heureux ; rien qui ne respire et n'inspire l'insouciance et le plaisir de se laisser vivre ; rien, excepté l'aspect de cette tourbe qui s'appuie là-bas sur la barrière extérieure, attrapant gratis, au gré du vent, un lambeau de musique, et regardant l'étincelante fournaise intérieure.

C'est toujours chose intéressante que ce reflet de la joie du riche au fond de l'œil du pauvre. Mais ce jour-là, à travers ce peuple vêtu de blouses et d'indienne, j'aperçus un être dont la noblesse faisait un éclatant contraste avec toute la trivialité environnante.

C'était une femme grande, majestueuse, et si noble dans tout son air, que je n'ai pas souvenir d'avoir vu sa pareille dans les collections des aristocratiques beautés du passé. Un parfum de hautaine vertu émanait de toute sa personne. Son visage, triste et amaigri, était en parfaite accordance avec le grand deuil dont elle était revêtue. Elle aussi, comme la plèbe à laquelle elle s'était mêlée et qu'elle ne voyait pas, elle regardait le monde lumineux avec un œil profond, et elle écoutait en hochant doucement la tête.

Singulière vision ! « À coup sûr, me dis-je, cette pauvreté-là, si pauvreté il y a, ne doit pas admettre l'économie sordide ; un si noble visage m'en répond. Pourquoi donc reste-t-elle volontairement dans un milieu où elle fait une tache si éclatante ? »

Mais en passant curieusement auprès d'elle, je crus en deviner la raison. La grande veuve tenait par la main un enfant comme elle vêtu de noir ; si modique que fût le prix d'entrée, ce prix suffisait peut-être pour payer un des besoins du petit être, mieux encore, une superfluité, un jouet.

Et elle sera rentrée à pied, méditant et rêvant, seule, toujours seule ; car l'enfant est turbulent, égoïste, sans douceur et sans patience ; et il ne peut même pas, comme le pur animal, comme le chien et le chat, servir de confident aux douleurs solitaires.
Quitterie Nov 2017
Regarde les squelettes qui dansent dans la cour
Et l'odeur de violette qui va chassant le jour.
Hier encore la fête, les nombreux petits-fours,
Le sel des cacahuètes et le son des tambours.

Aujourd'hui qu'elle est **** la joie de Mariette :
Quelques restes de pain sur la table - des miettes -
Et des grains de raisins que grignotent les guêpes,
Quand le rouge du vin nous fait perdre la tête.

Ils cliquettent les rires et grelottent les os ;
Il chuinte le sabir des cages dans ce zoo :
Mariette et Amir sont partis tout là-haut
Sans même prévenir : j'en ai froid dans le dos.

Regarde les squelettes qui dansent dans la cour
Et l'odeur de violette qui va chassant le jour.
Amir était poète, Mariette un amour.
Qui sait que la mort guette quand on a de l'humour ?

Hier, à la rivière, nous lancions des pierres,
Les canettes de bières et les traits de lumières
Éclairaient nos visages et plissaient nos regards :
Qui sait que les présages ressembl'nt aux nénuphars ?

Mariette portait ses jolies perles jaunes
Et son rire de Corte. Amir était un faune
Dont la longue crinière nous mettaient en chaleur.
Qu'ils étaient beaux et fiers : quand j'y pense je pleure

Regarde les squelettes qui dansent dans la cour
Et l'odeur de violette qui va chassant le jour.
C'est une étrange valse, une valse à trois temps,
Celle du temps qui passe et te chasse, entêtant.

Hier, ce jour, demain : étourdissant manège
Aux chevaux de bois dur où je pleurais enfant.
Osselets de mes mains, et mes pieds dans la neige :
Quelle est cette blessure où s'épuise mon sang ?

Mariette pleurait et riait à la fois,
Qu'Amir aux yeux dorés nous raconte l'émoi
De leur premier baiser sous un bel amandier.
Leurs visages apaisés nous ont incendiés.

Regarde les squelettes qui dansent dans la cour
Et l'odeur de violette qui va chassant le jour...
mikecccc Nov 2016
staring ahead
into the void
or at the painter
sometimes I think
you're painted eyes
are following me.
À Catulle Mendès


La petite marquise Osine est toute belle,

Elle pourrait aller grossir la ribambelle

Des folles de Watteau sous leur chapeau de fleurs

Et de soleil, mais comme on dit, elle aime ailleurs

Parisienne en tout, spirituelle et bonne

Et mauvaise à ne rien redouter de personne,

Avec cet air mi-faux qui fait que l'on vous croit,

C'est un ange fait pour le monde qu'elle voit,

Un ange blond, et même on dit qu'il a des ailes.


Vingt soupirants, brûlés du feu des meilleurs zèles

Avaient en vain quêté leur main à ses seize ans,

Quand le pauvre marquis, quittant ses paysans

Comme il avait quitté son escadron, vint faire

Escale au Jockey ; vous connaissez son affaire

Avec la grosse Emma de qui - l'eussions-nous cru ?

Le bon garçon était absolument féru,

Son désespoir après le départ de la grue,

Le duel avec Gontran, c'est vieux comme la rue ;

Bref il vit la petite un jour dans un salon,

S'en éprit tout d'un coup comme un fou ; même l'on

Dit qu'il en oublia si bien son infidèle

Qu'on le voyait le jour d'ensuite avec Adèle.

Temps et mœurs ! La petite (on sait tout aux Oiseaux)

Connaissait le roman du cher, et jusques aux

Moindres chapitres : elle en conçut de l'estime.

Aussi quand le marquis offrit sa légitime

Et sa main contre sa menotte, elle dit : Oui,

Avec un franc parler d'allégresse inouï.

Les parents, voyant sans horreur ce mariage

(Le marquis était riche et pouvait passer sage)

Signèrent au contrat avec laisser-aller.

Elle qui voyait là quelqu'un à consoler

Ouït la messe dans une ferveur profonde.


Elle le consola deux ans. Deux ans du monde !


Mais tout passe !

Si bien qu'un jour qu'elle attendait

Un autre et que cet autre atrocement tardait,

De dépit la voilà soudain qui s'agenouille

Devant l'image d'une Vierge à la quenouille

Qui se trouvait là, dans cette chambre en garni,

Demandant à Marie, en un trouble infini,

Pardon de son péché si grand, - si cher encore

Bien qu'elle croie au fond du cœur qu'elle l'abhorre.


Comme elle relevait son front d'entre ses mains

Elle vit Jésus-Christ avec les traits humains

Et les habits qu'il a dans les tableaux d'église.

Sévère, il regardait tristement la marquise.

La vision flottait blanche dans un jour bleu

Dont les ondes voilant l'apparence du lieu,

Semblaient envelopper d'une atmosphère élue

Osine qui tremblait d'extase irrésolue

Et qui balbutiait des exclamations.

Des accords assoupis de harpes de Sions

Célestes descendaient et montaient par la chambre

Et des parfums d'encens, de cinnamome et d'ambre

Fluaient, et le parquet retentissait des pas

Mystérieux de pieds que l'on ne voyait pas,

Tandis qu'autour c'était, en cadences soyeuses,

Un grand frémissement d'ailes mystérieuses

La marquise restait à genoux, attendant,

Toute admiration peureuse, cependant.


Et le Sauveur parla :

« Ma fille, le temps passe,

Et ce n'est pas toujours le moment de la grâce.

Profitez de cette heure, ou c'en est fait de vous. »


La vision cessa.

Oui certes, il est doux

Le roman d'un premier amant. L'âme s'essaie,

C'est un jeune coureur à la première haie.

C'est si mignard qu'on croit à peine que c'est mal.

Quelque chose d'étonnamment matutinal.

On sort du mariage habitueux. C'est comme

Qui dirait la lueur aurorale de l'homme

Et les baisers parmi cette fraîche clarté

Sonnent comme des cris d'alouette en été,

Ô le premier amant ! Souvenez-vous, mesdames !

Vagissant et timide élancement des âmes

Vers le fruit défendu qu'un soupir révéla...

Mais le second amant d'une femme, voilà !

On a tout su. La faute est bien délibérée

Et c'est bien un nouvel état que l'on se crée,

Un autre mariage à soi-même avoué.

Plus de retour possible au foyer bafoué.

Le mari, débonnaire ou non, fait bonne garde

Et dissimule mal. Déjà rit et bavarde

Le monde hostile et qui sévirait au besoin.

Ah, que l'aise de l'autre intrigue se fait **** !

Mais aussi cette fois comme on vit ; comme on aime,

Tout le cœur est éclos en une fleur suprême.

Ah, c'est bon ! Et l'on jette à ce feu tout remords,

On ne vit que pour lui, tous autres soins sont morts.

On est à lui, on n'est qu'à lui, c'est pour la vie,

Ce sera pour après la vie, et l'on défie

Les lois humaines et divines, car on est

Folle de corps et d'âme, et l'on ne reconnaît

Plus rien, et l'on ne sait plus rien, sinon qu'on l'aime !


Or cet amant était justement le deuxième

De la marquise, ce qui fait qu'un jour après,

- Ô sans malice et presque avec quelques regrets -

Elle le revoyait pour le revoir encore.

Quant au miracle, comme une odeur s'évapore,

Elle n'y pensa plus bientôt que vaguement.


Un matin, elle était dans son jardin charmant,

Un matin de printemps, un jardin de plaisance.

Les fleurs vraiment semblaient saluer sa présence,

Et frémissaient au vent léger, et s'inclinaient

Et les feuillages, verts tendrement, lui donnaient

L'aubade d'un timide et délicat ramage

Et les petits oiseaux, volant à son passage,

Pépiaient à plaisir dans l'air tout embaumé

Des feuilles, des bourgeons et des gommes de mai.

Elle pensait à lui ; sa vue errait, distraite,

À travers l'ombre jeune et la pompe discrète

D'un grand rosier bercé d'un mouvement câlin,

Quand elle vit Jésus en vêtements de lin

Qui marchait, écartant les branches de l'arbuste

Et la couvait d'un long regard triste. Et le Juste

Pleurait. Et tout en un instant s'évanouit.


Elle se recueillait.

Soudain un petit bruit

Se fit. On lui portait en secret une lettre,

Une lettre de lui, qui lui marquait peut-être

Un rendez-vous.


Elle ne put la déchirer.


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Marquis, pauvre marquis, qu'avez-vous à pleurer

Au chevet de ce lit de blanche mousseline ?

Elle est malade, bien malade.

« Sœur Aline,

A-t-elle un peu dormi ? »

- « Mal, monsieur le marquis. »

Et le marquis pleurait.

« Elle est ainsi depuis

Deux heures, somnolente et calme. Mais que dire

De la nuit ? Ah, monsieur le marquis, quel délire !

Elle vous appelait, vous demandait pardon

Sans cesse, encor, toujours, et tirait le cordon

De sa sonnette. »

Et le marquis frappait sa tête

De ses deux poings et, fou dans sa douleur muette

Marchait à grands pas sourds sur les tapis épais

(Dès qu'elle fut malade, elle n'eut pas de paix

Qu'elle n'eût avoué ses fautes au pauvre homme

Qui pardonna.) La sœur reprit pâle : « Elle eut comme

Un rêve, un rêve affreux. Elle voyait Jésus,

Terrible sur la nue et qui marchait dessus,

Un glaive dans la main droite, et de la main gauche

Qui ramait lentement comme une faux qui fauche,

Écartant sa prière, et passait furieux. »


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Un prêtre, saluant les assistants des yeux,

Entre.

Elle dort.

Ô ses paupières violettes !

Ô ses petites mains qui tremblent maigrelettes !

Ô tout son corps perdu dans les draps étouffants !


Regardez, elle meurt de la mort des enfants.

Et le prêtre anxieux, se penche à son oreille.

Elle s'agite un peu, la voilà qui s'éveille,

Elle voudrait parler, la voilà qui s'endort

Plus pâle.

Et le marquis : « Est-ce déjà la mort ? »

Et le docteur lui prend les deux mains, et sort vite.


On l'enterrait hier matin. Pauvre petite !
Donc, c'est moi qui suis l'ogre et le bouc émissaire.
Dans ce chaos du siècle où votre coeur se serre,
J'ai foulé le bon goût et l'ancien vers françois
Sous mes pieds, et, hideux, j'ai dit à l'ombre : « Sois ! »
Et l'ombre fut. -- Voilà votre réquisitoire.
Langue, tragédie, art, dogmes, conservatoire,
Toute cette clarté s'est éteinte, et je suis
Le responsable, et j'ai vidé l'urne des nuits.
De la chute de tout je suis la pioche inepte ;
C'est votre point de vue. Eh bien, soit, je l'accepte ;
C'est moi que votre prose en colère a choisi ;
Vous me criez : « Racca » ; moi je vous dis : « Merci ! »
Cette marche du temps, qui ne sort d'une église
Que pour entrer dans l'autre, et qui se civilise ;
Ces grandes questions d'art et de liberté,
Voyons-les, j'y consens, par le moindre côté,
Et par le petit bout de la lorgnette. En somme,
J'en conviens, oui, je suis cet abominable homme ;
Et, quoique, en vérité, je pense avoir commis,
D'autres crimes encor que vous avez omis.
Avoir un peu touché les questions obscures,
Avoir sondé les maux, avoir cherché les cures,
De la vieille ânerie insulté les vieux bâts,
Secoué le passé du haut jusques en bas,
Et saccagé le fond tout autant que la forme.
Je me borne à ceci : je suis ce monstre énorme,
Je suis le démagogue horrible et débordé,
Et le dévastateur du vieil A B C D ;
Causons.

Quand je sortis du collège, du thème,
Des vers latins, farouche, espèce d'enfant blême
Et grave, au front penchant, aux membres appauvris ;
Quand, tâchant de comprendre et de juger, j'ouvris
Les yeux sur la nature et sur l'art, l'idiome,
Peuple et noblesse, était l'image du royaume ;
La poésie était la monarchie ; un mot
Était un duc et pair, ou n'était qu'un grimaud ;
Les syllabes, pas plus que Paris et que Londres,
Ne se mêlaient ; ainsi marchent sans se confondre
Piétons et cavaliers traversant le pont Neuf ;
La langue était l'état avant quatre-vingt-neuf ;
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes :
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versailles aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l'argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l'ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqué d'une F ;
N'exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : « Qu'il s'en aille ;  »
Et Voltaire criait :  « Corneille s'encanaille ! »
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins ; je m'écriai :  « Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ? »
Et sur l'Académie, aïeule et douairière,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d'alexandrins carrés,

Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l'encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées ;
Et je dis :  « Pas de mot où l'idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d'azur ! »
Discours affreux ! -- Syllepse, hypallage, litote,
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les Huns les Scythes et les Daces,
N'étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
Guichardin a nommé le Borgia ! Tacite
Le Vitellius ! Fauve, implacable, explicite,
J'ôtai du cou du chien stupéfait son collier
D'épithètes ; dans l'herbe, à l'ombre du hallier,
Je fis fraterniser la vache et la génisse,
L'une étant Margoton et l'autre Bérénice.
Alors, l'ode, embrassant Rabelais, s'enivra ;
Sur le sommet du Pinde on dansait Ça ira ;
Les neuf muses, seins nus, chantaient la Carmagnole ;
L'emphase frissonna dans sa fraise espagnole ;
Jean, l'ânier, épousa la bergère Myrtil.
On entendit un roi dire : « Quelle heure est-il ? »
Je massacrais l'albâtre, et la neige, et l'ivoire,
Je retirai le jais de la prunelle noire,
Et j'osai dire au bras : « Sois blanc, tout simplement. »
Je violai du vers le cadavre fumant ;
J'y fis entrer le chiffre ; ô terreur! Mithridate
Du siège de Cyzique eût pu citer la date.
Jours d'effroi ! les Laïs devinrent des catins.
Force mots, par Restaut peignés tous les matins,

Et de Louis-Quatorze ayant gardé l'allure,
Portaient encor perruque ; à cette chevelure
La Révolution, du haut de son beffroi,
Cria : « Transforme-toi ! c'est l'heure. Remplis-toi
- De l'âme de ces mots que tu tiens prisonnière ! »
Et la perruque alors rugit, et fut crinière.
Liberté ! c'est ainsi qu'en nos rébellions,
Avec des épagneuls nous fîmes des lions,
Et que, sous l'ouragan maudit que nous soufflâmes,
Toutes sortes de mots se couvrirent de flammes.
J'affichai sur Lhomond des proclamations.
On y lisait : « Il faut que nous en finissions !
- Au panier les Bouhours, les Batteux, les Brossettes
- A la pensée humaine ils ont mis les poucettes.
- Aux armes, prose et vers ! formez vos bataillons !
- Voyez où l'on en est : la strophe a des bâillons !
- L'ode a des fers aux pieds, le drame est en cellule.
- Sur le Racine mort le Campistron pullule ! »
Boileau grinça des dents ; je lui dis :  « Ci-devant,
Silence ! » et je criai dans la foudre et le vent :
« Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe ! »
Et tout quatre-vingt-treize éclata. Sur leur axe,
On vit trembler l'athos, l'ithos et le pathos.
Les matassins, lâchant Pourceaugnac et Cathos,
Poursuivant Dumarsais dans leur hideux bastringue,
Des ondes du Permesse emplirent leur seringue.
La syllabe, enjambant la loi qui la tria,
Le substantif manant, le verbe paria,
Accoururent. On but l'horreur jusqu'à la lie.
On les vit déterrer le songe d'Athalie ;
Ils jetèrent au vent les cendres du récit
De Théramène ; et l'astre Institut s'obscurcit.
Oui, de l'ancien régime ils ont fait tables rases,
Et j'ai battu des mains, buveur du sang des phrases,
Quand j'ai vu par la strophe écumante et disant
Les choses dans un style énorme et rugissant,
L'Art poétique pris au collet dans la rue,
Et quand j'ai vu, parmi la foule qui se rue,
Pendre, par tous les mots que le bon goût proscrit,
La lettre aristocrate à la lanterne esprit.
Oui, je suis ce Danton ! je suis ce Robespierre !
J'ai, contre le mot noble à la longue rapière,
Insurgé le vocable ignoble, son valet,
Et j'ai, sur Dangeau mort, égorgé Richelet.
Oui, c'est vrai, ce sont là quelques-uns de mes crimes.
J'ai pris et démoli la bastille des rimes.
J'ai fait plus : j'ai brisé tous les carcans de fer
Qui liaient le mot peuple, et tiré de l'enfer
Tous les vieux mots damnés, légions sépulcrales ;
J'ai de la périphrase écrasé les spirales,
Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel
L'alphabet, sombre tour qui naquit de Babel ;
Et je n'ignorais pas que la main courroucée
Qui délivre le mot, délivre la pensée.

L'unité, des efforts de l'homme est l'attribut.
Tout est la même flèche et frappe au même but.

Donc, j'en conviens, voilà, déduits en style honnête,
Plusieurs de mes forfaits, et j'apporte ma tête.
Vous devez être vieux, par conséquent, papa,
Pour la dixième fois j'en fais meâ culpâ.
Oui, si Beauzée est dieu, c'est vrai, je suis athée.
La langue était en ordre, auguste, époussetée,
Fleur-de-lys d'or, Tristan et Boileau, plafond bleu,
Les quarante fauteuils et le trône au milieu ;
Je l'ai troublée, et j'ai, dans ce salon illustre,
Même un peu cassé tout ; le mot propre, ce rustre,
N'était que caporal : je l'ai fait colonel ;
J'ai fait un jacobin du pronom personnel ;
Dur participe, esclave à la tête blanchie,
Une hyène, et du verbe une hydre d'anarchie.

Vous tenez le reum confitentem. Tonnez !
J'ai dit à la narine : « Eh mais ! tu n'es qu'un nez !  »
J'ai dit au long fruit d'or : « Mais tu n'es qu'une poire !  »
J'ai dit à Vaugelas : « Tu n'es qu'une mâchoire ! »
J'ai dit aux mots : « Soyez république ! soyez
La fourmilière immense, et travaillez ! Croyez,
Aimez, vivez ! » -- J'ai mis tout en branle, et, morose,
J'ai jeté le vers noble aux chiens noirs de la prose.

Et, ce que je faisais, d'autres l'ont fait aussi ;
Mieux que moi. Calliope, Euterpe au ton transi,
Polymnie, ont perdu leur gravité postiche.
Nous faisons basculer la balance hémistiche.
C'est vrai, maudissez-nous. Le vers, qui, sur son front
Jadis portait toujours douze plumes en rond,
Et sans cesse sautait sur la double raquette
Qu'on nomme prosodie et qu'on nomme étiquette,
Rompt désormais la règle et trompe le ciseau,
Et s'échappe, volant qui se change en oiseau,
De la cage césure, et fuit vers la ravine,
Et vole dans les cieux, alouette divine.

Tous les mots à présent planent dans la clarté.
Les écrivains ont mis la langue en liberté.
Et, grâce à ces bandits, grâce à ces terroristes,
Le vrai, chassant l'essaim des pédagogues tristes,
L'imagination, tapageuse aux cent voix,
Qui casse des carreaux dans l'esprit des bourgeois ;
La poésie au front triple, qui rit, soupire
Et chante, raille et croit ; que Plaute et Shakspeare
Semaient, l'un sur la plebs, et l'autre sur le mob ;
Qui verse aux nations la sagesse de Job
Et la raison d'Horace à travers sa démence ;
Qu'enivre de l'azur la frénésie immense,
Et qui, folle sacrée aux regards éclatants,
Monte à l'éternité par les degrés du temps,

La muse reparaît, nous reprend, nous ramène,
Se remet à pleurer sur la misère humaine,
Frappe et console, va du zénith au nadir,
Et fait sur tous les fronts reluire et resplendir
Son vol, tourbillon, lyre, ouragan d'étincelles,
Et ses millions d'yeux sur ses millions d'ailes.

Le mouvement complète ainsi son action.
Grâce à toi, progrès saint, la Révolution
Vibre aujourd'hui dans l'air, dans la voix, dans le livre ;
Dans le mot palpitant le lecteur la sent vivre ;
Elle crie, elle chante, elle enseigne, elle rit,
Sa langue est déliée ainsi que son esprit.
Elle est dans le roman, parlant tout bas aux femmes.
Elle ouvre maintenant deux yeux où sont deux flammes,
L'un sur le citoyen, l'autre sur le penseur.
Elle prend par la main la Liberté, sa soeur,
Et la fait dans tout homme entrer par tous les pores.
Les préjugés, formés, comme les madrépores,
Du sombre entassement des abus sous les temps,
Se dissolvent au choc de tous les mots flottants,
Pleins de sa volonté, de son but, de son âme.
Elle est la prose, elle est le vers, elle est le drame ;
Elle est l'expression, elle est le sentiment,
Lanterne dans la rue, étoile au firmament.
Elle entre aux profondeurs du langage insondable ;
Elle souffle dans l'art, porte-voix formidable ;
Et, c'est Dieu qui le veut, après avoir rempli
De ses fiertés le peuple, effacé le vieux pli
Des fronts, et relevé la foule dégradée,
Et s'être faite droit, elle se fait idée !

Paris, janvier 1834.
Elle voulut aller sur les bords de la mer,
Et comme un vent bénin soufflait une embellie,
Nous nous prêtâmes tous à sa belle folie,
Et nous voilà marchant par le chemin amer.

Le soleil luisait haut dans le ciel calme et lisse,
Et dans ses cheveux blonds c'étaient des rayons d'or,
Si bien que nous suivions son pas plus calme encor
Que le déroulement des vagues, ô délice !

Des oiseaux blancs volaient alentour mollement
Et des voiles au **** s'inclinaient toutes blanches.
Parfois de grands varechs filaient en longues branches,
Nos pieds glissaient d'un pur et large mouvement.

Elle se retourna, doucement inquiète
De ne nous croire pas pleinement rassurés,
Mais nous voyant joyeux d'être ses préférés,
Elle reprit sa route et portait haut la tête.
L'inimitié que je te porte,
Passe celle, tant elle est forte,
Des aigneaux et des loups,
Vieille sorcîere deshontée,
Que les bourreaux ont fouëttée
Te honnissant de coups.

Tirant apres toy une presse
D'hommes et de femmes espesse,
Tu monstrois nud le flanc,
Et monstrois nud parmy la rue
L'estomac, et l'espaule nue
Rougissante de sang.

Mais la peine fut bien petite,
Si Ion balance ton merite :
Le Ciel ne devoit pas
Pardonner à si lasche *****,
Ains il devoit de sa tempeste
L'acravanter à bas.

La Terre mere encor pleurante
Des Geans la mort violante
Bruslez du feu des cieux,
(Te laschant de son ventre à peine)
T'engendra, vieille, pour la haine
Qu'elle portait aux Dieux.

Tu sçais que vaut mixtionnée
La drogue qui nous est donnée
Des pays chaleureux,
Et en quel mois, en quelles heures
Les fleurs des femmes sont meilleures
Au breuvage amoureux.

Nulle herbe, soit elle aux montagnes,
Ou soit venimeuse aux campagnes,
Tes yeux sorciers ne fuit,
Que tu as mille fois coupée
D'une serpe d'airain courbée,
Beant contre la nuit.

Le soir, quand la Lune fouëtte
Ses chevaux par la nuict muette,
Pleine de rage, alors
Voilant ta furieuse *****
De la peau d'une estrange beste
Tu t'eslances dehors.

Au seul soufler de son haleine
Les chiens effroyez par la plaine
Aguisent leurs abois :
Les fleuves contremont reculent,
Les loups effroyablement hurlent
Apres toy par les bois.

Adonc par les lieux solitaires,
Et par l'horreur des cimetaires
Où tu hantes le plus,
Au son des vers que tu murmures
Les corps des morts tu des-emmures
De leurs tombeaux reclus.

Vestant de l'un l'image vaine
Tu viens effroyer d'une peine
(Rebarbotant un sort)
Quelque veufve qui se tourmente,
Ou quelque mere qui lamente
Son seul heritier mort.

Tu fais que la Lune enchantée
Marche par l'air toute argentée,
Luy dardant d'icy bas
Telle couleur aux jouës palles,
Que le son de mille cymbales
Ne divertirait pas.

Tu es la frayeur du village :
Chacun craignant ton sorcelage
Te ferme sa maison,
Tremblant de peur que tu ne taches
Ses boeufs, ses moutons et ses vaches
Du just de ta poison.

J'ay veu souvent ton oeil senestre,
Trois fois regardant de **** paistre
La guide du troupeau,
L'ensorceler de telle sorte,
Que tost apres je la vy morte
Et les vers sur la peau.

Comme toy, Medée exécrable
Fut bien quelquefois profitable :
Ses venins ont servy,
Reverdissant d'Eson l'escorce :
Au contraire, tu m'as par force
Mon beau printemps ravy.

Dieux ! si là-haut pitié demeure,
Pour récompense qu'elle meure,
Et ses os diffamez
Privez d'honneur de sépulture,
Soient des oiseaux goulus pasture,
Et des chiens affamez.
Donc, vieux passé plaintif, toujours tu reviendras
Nous criant : - Pourquoi donc est-on si **** ? Ingrats !
Qu'êtes-vous devenus ? Dites, avec l'abîme
Quel pacte avez-vous fait ? Quel attentat ? Quel crime ? -
Nous questionnant, sombre et de rage écumant,
Furieux.
Nous avons marché, tout bonnement.
Qui marche t'assassine, ô bon vieux passé blême.
Mais que veux-tu ? Je suis de mon siècle, et je l'aime !
Je te l'ai déjà dit. Non, ce n'est plus du tout
L'époque où la nature était de mauvais goût,
Où Bouhours, vieux jésuite, et le Batteux, vieux cancre,
Lunette au nez et plume au poing, barbouillaient d'encre
Le cygne au bec doré, le bois vert, le ciel bleu ;
Où l'homme corrigeait le manuscrit de Dieu.
Non, ce n'est plus le temps où Lenôtre à Versailles
Raturait le buisson, la ronce, la broussaille ;
Siècle où l'on ne voyait dans les champs éperdus
Que des hommes poudrés sous des arbres tondus.
Tout est en liberté maintenant. Sur sa nuque
L'arbre a plus de cheveux, l'homme a moins de perruque.
La vieille idée est morte avec le vieux cerveau.
La révolution est un monde nouveau.
Notre oreille en changeant a changé la musique.
Lorsque Fernand Cortez arriva du Mexique,
Il revint la main pleine, et, du jeune univers,
Il rapporta de l'or ; nous rapportons des vers.
Nous rapportons des chants mystérieux. Nous sommes
D'autres yeux, d'autres fronts, d'autres cœurs, d'autres hommes.

Braves pédants, calmez votre bon vieux courroux.
Nous arrachons de l'âme humaine les verrous.
Tous frères, et mêlés dans les monts, dans les plaines,
Nous laissons librement s'en aller nos haleines
À travers les grands bois et les bleus firmaments.
Nous avons démoli les vieux compartiments.

Non, nous ne sommes plus ni paysan, ni noble,
Ni lourdaud dans son pré, ni rustre en son vignoble,
Ni baron dans sa tour, ni reître à ses canons ;
Nous brisons cette écorce, et nous redevenons
L'homme ; l'homme enfin hors des temps crépusculaires ;
L'homme égal à lui-même en tous ses exemplaires ;
Ni tyran, ni forçat, ni maître, ni valet ;
L'humanité se montre enfin telle qu'elle est,
Chaque matin plus libre et chaque soir plus sage ;
Et le vieux masque usé laisse voir le visage.

Avec Ézéchiel nous mêlons Spinosa.
La nature nous prend, la nature nous a ;
Dans son antre profond, douce, elle nous attire ;
Elle en chasse pour nous son antique satyre,
Et nous y montre un sphinx nouveau qui dit : pensez.
Pour nous les petits cris au fond des nids poussés,
Sont augustes ; pour nous toutes les monarchies
Que vous saluez, vous, de vos têtes blanchies,
Tous les fauteuils royaux aux dossiers empourprés,
Sont peu de chose auprès d'un liseron des prés.
Régner ! Cela vaut-il rêver sous un vieux aulne ?
Nous regardons passer Charles-Quint sur son trône,
Jules deux sous son dais, César dans les clairons,
Et nous avons pitié lorsque nous comparons
À l'aurore des cieux cette fausse dorure.
Lorsque nous contemplons, par une déchirure
Des nuages, l'oiseau volant dans sa fierté,
Nous sentons frissonner notre aile, ô liberté !
En fait d'or, à la cour nous préférons la gerbe.
La nature est pour nous l'unique et sacré verbe,
Et notre art poétique ignore Despréaux.
Nos rois très excellents, très puissants et très hauts,
C'est le roc dans les flots, c'est dans les bois le chêne.
Mai, qui brise l'hiver, c'est-à-dire la chaîne,
Nous plaît. Le vrai nous tient. Je suis parfois tenté
De dire au mont Blanc : - Sire ! Et : - Votre majesté
À la vierge qui passe et porte, agreste et belle,
Sa cruche sur son front et Dieu dans sa prunelle.
Pour nous, songeurs, bandits, romantiques, démons,
Bonnets rouges, les flots grondants, l'aigle, les monts,
La bise, quand le soir ouvre son noir portique,
La tempête effarant l'onde apocalyptique,
Dépassent en musique, en mystère, en effroi,
Les quatre violons de la chambre du roi.
Chaque siècle, il s'y faut résigner, suit sa route.
Les hommes d'autrefois ont été grands sans doute ;
Nous ne nous tournons plus vers les mêmes clartés.
Jadis, frisure au front, ayant à ses côtés
Un tas d'abbés sans bure et de femmes sans guimpes,
Parmi des princes dieux, sous des plafonds olympes,
Prêt dans son justaucorps à poser pour Audran,
La dentelle au cou, grave, et l'œil sur un cadran,
Dans le salon de Mars ou dans la galerie
D'apollon, submergé dans la grand'seigneurie,
Dans le flot des Rohan, des Sourdis, des Elbeuf,
Et des fiers habits d'or roulant vers l'Œil-de-Boeuf,
Le poète, fût-il Corneille, ou toi, Molière,
- Tandis qu'en la chapelle ou bien dans la volière,
Les chanteurs accordaient le théorbe et le luth,
Et que Lulli tremblant s'écriait : gare à l'ut ! -
Attendait qu'au milieu de la claire fanfare
Et des fronts inclinés apparût, comme un phare,
Le page, aux tonnelets de brocart d'argent fin,
Qui portait le bougeoir de monsieur le dauphin.
Aujourd'hui, pour Versaille et pour salon d'Hercule,
Ayant l'ombre et l'airain du rouge crépuscule,
Fauve, et peu coudoyé de Guiche ou de Brissac,
La face au vent, les poings dans un paletot sac,
Seul, dans l'immensité que l'ouragan secoue,
Il écoute le bruit que fait la sombre proue
De la terre, et pensif, sur le blême horizon,
À l'heure où, dans l'orchestre inquiet du buisson,
De l'arbre et de la source, un frémissement passe,
Où le chêne chuchote et prend sa contrebasse,
L'eau sa flûte et le vent son stradivarius,
Il regarde monter l'effrayant Sirius.

Pour la muse en paniers, par Dorat réchauffée,
C'est un orang-outang ; pour les bois, c'est Orphée.
La nature lui dit : mon fils. Ce malotru,
Ô grand siècle ! Écrit mieux qu'Ablancourt et Patru.
Est-il féroce ? Non. Ce troglodyte affable
À l'ormeau du chemin fait réciter sa fable ;
Il dit au doux chevreau : bien bêlé, mon enfant !
Quand la fleur, le matin, de perles se coiffant,
Se mire aux flots, coquette et mijaurée exquise,
Il passe et dit : Bonjour, madame la marquise.
Et puis il souffre, il pleure, il est homme ; le sort
En rayons douloureux de son front triste sort.
Car, ici-bas, si fort qu'on soit, si peu qu'on vaille,
Tous, qui que nous soyons, le destin nous travaille
Pour orner dans l'azur la tiare de Dieu.
Le même bras nous fait passer au même feu ;
Et, sur l'humanité, qu'il use de sa lime,
Essayant tous les cœurs à sa meule sublime,
Scrutant tous les défauts de l'homme transparent,
Sombre ouvrier du ciel, noir orfèvre, tirant
Du sage une étincelle et du juste une flamme,
Se penche le malheur, lapidaire de l'âme.

Oui, tel est le poète aujourd'hui. Grands, petits,
Tous dans Pan effaré nous sommes engloutis.
Et ces secrets surpris, ces splendeurs contemplées,
Ces pages de la nuit et du jour épelées,
Ce qu'affirme Newton, ce qu'aperçoit Mesmer,
La grande liberté des souffles sur la mer,
La forêt qui craint Dieu dans l'ombre et qui le nomme,
Les eaux, les fleurs, les champs, font naître en nous un homme
Mystérieux, semblable aux profondeurs qu'il voit.
La nature aux songeurs montre les cieux du doigt.
Le cèdre au torse énorme, athlète des tempêtes,
Sur le fauve Liban conseillait les prophètes,
Et ce fut son exemple austère qui poussa
Nahum contre Ninive, Amos contre Gaza.
Les sphères en roulant nous jettent la justice.
Oui, l'âme monte au bien comme l'astre au solstice ;
Et le monde équilibre a fait l'homme devoir.
Quand l'âme voit mal Dieu, l'aube le fait mieux voir.
La nuit, quand Aquilon sonne de la trompette,
Ce qu'il dit, notre cœur frémissant le répète.
Nous vivons libres, fiers, tressaillants, prosternés,
Éblouis du grand Dieu formidable ; et, tournés
Vers tous les idéals et vers tous les possibles,
Nous cueillons dans l'azur les roses invisibles.
L'ombre est notre palais. Nous sommes commensaux
De l'abeille, du jonc nourri par les ruisseaux,
Du papillon qui boit dans la fleur arrosée.
Nos âmes aux oiseaux disputent la rosée.
Laissant le passé mort dans les siècles défunts,
Nous vivons de rayons, de soupirs, de parfums,
Et nous nous abreuvons de l'immense ambroisie
Qu'Homère appelle amour et Platon poésie.
Sous les branchages noirs du destin, nous errons,
Purs et graves, avec les souffles sur nos fronts.

Notre adoration, notre autel, notre Louvre,
C'est la vertu qui saigne ou le matin qui s'ouvre ;
Les grands levers auxquels nous ne manquons jamais,
C'est Vénus des monts noirs blanchissant les sommets ;
C'est le lys fleurissant, chaste, charmant, sévère ;
C'est Jésus se dressant, pâle, sur le calvaire.

Le 22 novembre 1854.
I.

Par ses propres fureurs le Maudit se dévoile ;
Dans le démon vainqueur on voit l'ange proscrit ;
L'anathème éternel, qui poursuit son étoile,
Dans ses succès même est écrit.
Il est, lorsque des cieux nous oublions la voie,
Des jours, que Dieu sans doute envoie
Pour nous rappeler les enfers ;
Jours sanglants qui, voués au triomphe du crime,
Comme d'affreux rayons échappés de l'abîme,
Apparaissent sur l'univers.

Poètes qui toujours, **** du siècle où nous sommes,
Chantres des pleurs sans fin et des maux mérités,
Cherchez des attentats tels que la voix des hommes
N'en ait point encor racontés,
Si quelqu'un vient à vous vantant la jeune France,
Nos exploits, notre tolérance,
Et nos temps féconds en bienfaits,
Soyez contents ; lisez nos récentes histoires,
Evoquez nos vertus, interrogez nos gloires : -
Vous pourrez choisir des forfaits !

Moi, je n'ai point reçu de la Muse funèbre
Votre lyre de bronze, ô chantres des remords !
Mais je voudrais flétrir les bourreaux qu'on célèbre,
Et venger la cause des morts.
Je voudrais, un moment, troublant l'impur Génie.
Arrêter sa gloire impunie
Qu'on pousse à l'immortalité ;
Comme autrefois un grec, malgré les vents rapides,
Seul, retint de ses bras, de ses dents intrépides,
L'esquif sur les mers emporté !

II.

Quiberon vit jadis, sur son bord solitaire,
Des français assaillis s'apprêter à mourir,
Puis, devant les deux chefs, l'airain fumant se taire,
Et les rangs désarmés s'ouvrir.
Pour sauver ses soldats l'un d'eux offrit sa tête ;
L'autre accepta cette conquête,
De leur traité gage inhumain ;
Et nul guerrier ne crut sa promesse frivole,
Car devant les drapeaux, témoins de leur parole,
Tous deux s'étaient donné la main !

La phalange fidèle alors livra ses armes.
Ils marchaient ; une armée environnait leurs pas,
Et le peuple accourait, en répandant des larmes,
Voir ces preux, sauvés du trépas.
Ils foulaient en vaincus les champs de leurs ancêtres ;
Ce fut un vieux temple, sans prêtres,
Qui reçut ces vengeurs des rois ;
Mais l'humble autel manquait à la pieuse enceinte,
Et, pour se consoler, dans cette prison sainte,
Leurs yeux en vain cherchaient la croix.

Tous prièrent ensemble, et, d'une voix plaintive,
Tous, se frappant le sein, gémirent à genoux.
Un seul ne pleurait pas dans la tribu captive :
C'était lui qui mourait pour tous ;
C'était Sombreuil, leur chef : Jeune et plein d'espérance,
L'heure de son trépas s'avance ;
Il la salue avec ferveur.
Le supplice, entouré des apprêts funéraires,
Est beau pour un chrétien qui, seul, va pour ses frères
Expirer, semblable au Sauveur.

« Oh ! cessez, disait-il, ces larmes, ces reproches,
Guerriers ; votre salut prévient tant de douleurs !
Combien à votre mort vos amis et vos proches,
Hélas ! auraient versé de pleurs !
Je romps avec vos fers mes chaînes éphémères ;
À vos épouses, à vos mères,
Conservez vos jours précieux.
On vous rendra la paix, la liberté, la vie ;
Tout ce bonheur n'a rien que mon cœur vous envie ;
Vous, ne m'enviez pas les cieux. »

Le sinistre tambour sonna l'heure dernière,
Les bourreaux étaient prêts ; on vit Sombreuil partir.
La sœur ne fut point là pour leur ravir le frère, -
Et le héros devint martyr.
L'exhortant de la voix et de son saint exemple,
Un évêque, exilé du temple,
Le suivit au funeste lieu ;
Afin que le vainqueur vît, dans son camp rebelle,
Mourir, près d'un soldat à son prince fidèle,
Un prêtre fidèle à son Dieu !

III.

Vous pour qui s'est versé le sang expiatoire,
Bénissez le Seigneur, louez l'heureux Sombreuil ;
Celui qui monte au ciel, brillant de tant de gloire,
N'a pas besoin de chants de deuil !
Bannis, on va vous rendre enfin une patrie ;
Captifs, la liberté chérie
Se montre à vous dans l'avenir.
Oui, de vos longs malheurs chantez la fin prochaine ;
Vos prisons vont s'ouvrir, on brise votre chaîne ;
Chantez ! votre exil va finir.

En effet, - des cachots la porte à grand bruit roule,
Un étendard paraît, qui flotte ensanglanté ;
Des chefs et des soldats l'environnent en foule,
En invoquant la liberté !
« Quoi ! disaient les captifs, déjà l'on nous délivre !... »
Quelques uns s'empressent de suivre
Les bourreaux devenus meilleurs.
« Adieu, leur criait-on, adieu, plus de souffrance ;
Nous nous reverrons tous, libres, dans notre France ! »
Ils devaient se revoir ailleurs.

Bientôt, jusqu'aux prisons des captifs en prières,
Arrive un sourd fracas, par l'écho répété ;
C'étaient leurs fiers vainqueurs qui délivraient leurs frères,
Et qui remplissaient leur traité !
Sans troubler les proscrits, ce bruit vint les surprendre ;
Aucun d'eux ne savait comprendre
Qu'on pût se jouer des serments ;
Ils disaient aux soldats : « Votre foi nous protège ; »
Et, pour toute réponse, un lugubre cortège
Les traîna sur des corps fumants !

Le jour fit place à l'ombre et la nuit à l'aurore,
Hélas ! et, pour mourir traversant la cité,
Les crédules proscrits passaient, passaient encore,
Aux yeux du peuple éprouvant !
Chacun d'eux racontait, brûlant d'un sain délire,
À ses compagnons de martyre
Les malheurs qu'il avait soufferts ;
Tous succombaient sans peur, sans faste, sans murmure,
Regrettant seulement qu'il fallût un parjure,
Pour les immoler dans les fers.

À coups multipliés la hache abat les chênes.
Le vil chasseur, dans l'antre ignoré du soleil,
Egorge lentement le lion dont ses chaînes
Ont surpris le noble sommeil.
On massacra longtemps la tribu sans défense.
À leur mort assistait la France,
Jouet des bourreaux triomphants ;
Comme jadis, aux pieds des idoles impures,
Tour à tour, une veuve, en de longues tortures,
Vit expirer ses sept enfants.

C'étaient là les vertus d'un sénat qu'on nous vante !
Le sombre esprit du mal sourit en le créant ;
Mais ce corps aux cent bras, fort de notre épouvante,
En son sein portait son néant.
Le colosse de fer s'est dissous dans la fange.
L'anarchie, alors que tout change,
Pense voir ses œuvres durer ;
Mais ce Pygmalion, dans ses travaux frivoles,
Ne peut donner la vie aux horribles idoles
Qu'il se fait pour les adorer.

IV.

On dit que, de nos jours, viennent, versant des larmes,
Prier au champ fatal où ces preux sont tombés,
Les vierges, les soldats fiers de leurs jeunes armes,
Et les vieillards lents et courbés.
Du ciel sur les bourreaux appelant l'indulgence,
Là, nul n'implore la vengeance,
Tous demandent le repentir ;
Et chez ces vieux bretons, témoins de tant de crimes,
Le pèlerin, qui vient invoquer les victimes,
Souvent lui-même est un martyr.

Du 11 au 17 février 1821.
VII.

Une nuit, - c'est toujours la nuit dans le tombeau, -
Il s'éveilla. Luisant comme un hideux flambeau,
D'étranges visions emplissaient sa paupière ;
Des rires éclataient sous son plafond de pierre ;
Livide, il se dressa ; la vision grandit ;
Ô terreur ! une voix qu'il reconnut, lui dit :

- Réveille-toi. Moscou, Waterloo, Sainte-Hélène,
L'exil, les rois geôliers, l'Angleterre hautaine
Sur ton lit accoudée à ton dernier moment,
Sire, cela n'est rien. Voici le châtiment :

La voix alors devint âpre, amère, stridente,
Comme le noir sarcasme et l'ironie ardente ;
C'était le rire amer mordant un demi-dieu.
- Sire ! on t'a retiré de ton Panthéon bleu !
Sire ! on t'a descendu de ta haute colonne !
Regarde. Des brigands, dont l'essaim tourbillonne,
D'affreux bohémiens, des vainqueurs de charnier
Te tiennent dans leurs mains et t'ont fait prisonnier.
À ton orteil d'airain leur patte infâme touche.
Ils t'ont pris. Tu mourus, comme un astre se couche,
Napoléon le Grand, empereur ; tu renais
Bonaparte, écuyer du cirque Beauharnais.
Te voilà dans leurs rangs, on t'a, l'on te harnache.
Ils t'appellent tout haut grand homme, entre eux, ganache.
Ils traînent, sur Paris qui les voit s'étaler,
Des sabres qu'au besoin ils sauraient avaler.
Aux passants attroupés devant leur habitacle,
Ils disent, entends-les : - Empire à grand spectacle !
Le pape est engagé dans la troupe ; c'est bien,
Nous avons mieux ; le czar en est mais ce n'est rien,
Le czar n'est qu'un sergent, le pape n'est qu'un bonze
Nous avons avec nous le bonhomme de bronze !
Nous sommes les neveux du grand Napoléon ! -
Et Fould, Magnan, Rouher, Parieu caméléon,
Font rage. Ils vont montrant un sénat d'automates.
Ils ont pris de la paille au fond des casemates
Pour empailler ton aigle, ô vainqueur d'Iéna !
Il est là, mort, gisant, lui qui si haut plana,
Et du champ de bataille il tombe au champ de foire.
Sire, de ton vieux trône ils recousent la moire.
Ayant dévalisé la France au coin d'un bois,
Ils ont à leurs haillons du sang, comme tu vois,
Et dans son bénitier Sibour lave leur linge.
Toi, lion, tu les suis ; leur maître, c'est le singe.
Ton nom leur sert de lit, Napoléon premier.
On voit sur Austerlitz un peu de leur fumier.
Ta gloire est un gros vin dont leur honte se grise.
Cartouche essaie et met ta redingote grise
On quête des liards dans le petit chapeau
Pour tapis sur la table ils ont mis ton drapeau.
À cette table immonde où le grec devient riche,
Avec le paysan on boit, on joue, on triche ;
Tu te mêles, compère, à ce tripot hardi,
Et ta main qui tenait l'étendard de Lodi,
Cette main qui portait la foudre, ô Bonaparte,
Aide à piper les dés et fait sauter la carte.
Ils te forcent à boire avec eux, et Carlier
Pousse amicalement d'un coude familier
Votre majesté, sire, et Piétri dans son antre
Vous tutoie, et Maupas vous tape sur le ventre.
Faussaires, meurtriers, escrocs, forbans, voleurs,
Ils savent qu'ils auront, comme toi, des malheurs
Leur soif en attendant vide la coupe pleine
À ta santé ; Poissy trinque avec Sainte-Hélène.

Regarde ! bals, sabbats, fêtes matin et soir.
La foule au bruit qu'ils font se culbute pour voir ;
Debout sur le tréteau qu'assiège une cohue
Qui rit, bâille, applaudit, tempête, siffle, hue,
Entouré de pasquins agitant leur grelot,
- Commencer par Homère et finir par Callot !
Épopée ! épopée ! oh ! quel dernier chapitre ! -
Entre Troplong paillasse et Chaix-d'Est-Ange pitre,
Devant cette baraque, abject et vil bazar
Où Mandrin mal lavé se déguise en César,
Riant, l'affreux bandit, dans sa moustache épaisse,
Toi, spectre impérial, tu bats la grosse caisse ! -

L'horrible vision s'éteignit. L'empereur,
Désespéré, poussa dans l'ombre un cri d'horreur,
Baissant les yeux, dressant ses mains épouvantées.
Les Victoires de marbre à la porte sculptées,
Fantômes blancs debout hors du sépulcre obscur,
Se faisaient du doigt signe, et, s'appuyant au mur,
Écoutaient le titan pleurer dans les ténèbres.
Et lui, cria : « Démon aux visions funèbres,
Toi qui me suis partout, que jamais je ne vois,
Qui donc es-tu ? - Je suis ton crime », dit la voix.
La tombe alors s'emplit d'une lumière étrange
Semblable à la clarté de Dieu quand il se venge
Pareils aux mots que vit resplendir Balthazar,
Deux mots dans l'ombre écrits flamboyaient sur César ;
Bonaparte, tremblant comme un enfant sans mère,
Leva sa face pâle et lut : - DIX-HUIT BRUMAIRE !

Jersey, du 25 au 30 novembre 1852.
Sous un grand ciel gris, dans une grande plaine poudreuse, sans chemins, sans gazon, sans un chardon, sans une ortie, je rencontrai plusieurs hommes qui marchaient courbés.

Chacun d'eux portait sur son dos une énorme Chimère, aussi lourde qu'un sac de farine ou de charbon, ou le fourniment d'un fantassin romain.

Mais la monstrueuse bête n'était pas un poids inerte ; au contraire, elle enveloppait et opprimait l'homme de ses muscles élastiques et puissants ; elle s'agrafait avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture ; et sa tête fabuleuse surmontait le front de l'homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l'ennemi.

Je questionnai l'un de ces hommes, et je lui demandai où ils allaient ainsi. Il me répondit qu'il n'en savait rien, ni lui, ni les autres ; mais qu'évidemment ils allaient quelque part, puisqu'ils étaient poussés par un invincible besoin de marcher.

Chose curieuse à noter : aucun de ces voyageurs n'avait l'air irrité contre la bête féroce suspendue à son cou et collée à son dos ; on eût dit qu'il la considérait comme faisant partie de lui-même. Tous ces visages fatigués et sérieux ne témoignaient d'aucun désespoir ; sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés dans la poussière d'un sol aussi désolé que ce ciel, ils cheminaient avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer toujours.

Et le cortège passa à côté de moi et s'enfonça dans l'atmosphère de l'horizon, à l'endroit où la surface arrondie de la planète se dérobe à la curiosité du regard humain.

Et pendant quelques instants je m'obstinai à vouloir comprendre ce mystère ; mais bientôt l'irrésistible Indifférence s'abattit sur moi, et j'en fus plus lourdement accablé qu'ils ne l'étaient eux-mêmes par leurs écrasantes Chimères.
Astral Jul 2015
What a curious day, the sun beeming as if it saw the sky for the first time, the forest rusting with a silent melody

The creatures all residing withing their safety’s, the wind painting it’s portait among the waters edges

But not a human around, as if the rapture has happened, as if the world was only ever me

I look around, but no sense of humanity anywhere, only the distilled sounds of the breeze

I look and nothing around, my hands tremble with a fear and unease, as if I am being drowned

I sit under a shaded oak, and watch the empty roads, listen to the empty houses

Look at the empty cars, the empty lives

And sit with my empty tears
I.

Quand la terre engloutit les cités qui la couvrent,
Que le vent sème au **** un poison voyageur,
Quand l'ouragan mugit, quand des monts brûlants s'ouvrent,
C'est le réveil du Dieu vengeur.
Et si, lassant enfin les clémences célestes,
Le monde à ces signes funestes
Ose répondre en les bravant,
Un homme alors, choisi par la main qui foudroie,
Des aveugles fléaux ressaisissant la proie,
Paraît, comme un fléau vivant !

Parfois, élus maudits de la fureur suprême,
Entre les nations des hommes sont passés,
Triomphateurs longtemps armés de l'anathème,
Par l'anathème renversés.
De l'esprit de Nemrod héritiers formidables,
Ils ont sur les peuples coupables
Régné par la flamme et le fer ;
Et dans leur gloire impie, en désastres féconde,
Ces envoyés du ciel sont apparus au monde,
Comme s'ils venaient de l'enfer !

II.

Naguère, de lois affranchis,
Quand la reine des nations
Descendit de la monarchie,
Prostituée aux factions,
On vit, dans ce chaos fétide
Naître de l'hydre régicide
Un despote, empereur d'un camp.
Telle souvent la mer qui gronde
Dévore une plaine féconde
Et ***** un sombre volcan.

D'abord, troublant du Nil les hautes catacombes,
Il vint, chef populaire, y combattre en courant,
Comme pour insulter des tyrans dans leurs tombes,
Sous sa tente de conquérant. -
Il revint pour régner sur ses compagnons d'armes.
En vain l'auguste France en larmes
Se promettait des jours plus beaux ;
Quand des vieux pharaons il foulait la couronne,
Sourd à tant de néant, ce n'était qu'un grand trône
Qu'il rêvait sur leurs grands tombeaux.

Un sang royal teignit sa pourpre usurpatrice ;
Un guerrier fut frappé par ce guerrier sans foi ;
L'anarchie, à Vincennes, admira son complice,
Au Louvre elle adora son roi.
Il fallut presque un Dieu pour consacrer cet homme.
Le Prêtre-Monarque de Rome
Vint bénir son front menaçant ;
Car, sans doute en secret effrayé de lui-même,
Il voulait recevoir son sanglant diadème
Des mains d'où le pardon descend.

III.

Lorsqu'il veut, le Dieu secourable,
Qui livre au méchant les pervers,
Brise le jouet formidable
Dont il tourmentait l'univers.
Celui qu'un instant il seconde
Se dit le seul maître du monde ;
Fier, il s'endort dans son néant ;
Enfin, bravant la loi commune,
Quand il croit tenir sa fortune,
Le fantôme échappe au géant.

IV.

Dans la nuit des forfaits, dans l'éclat des victoires,
Cet homme, ignorant Dieu qui l'avait envoyé,
De cités en cités promenant ses prétoires,
Marchait, sur sa gloire appuyé.
Sa dévorante armée avait, dans son passage,
Asservi les fils de Pélage
Devant les fils de Galgacus ;
Et, quand dans leurs foyers il ramenait ses braves
Aux fêtes qu'il vouait à ces vainqueurs esclaves,
Il invitait les rois vaincus !

Dix empires conquis devinrent ses provinces.
Il ne fut pas content dans son orgueil fatal.
Il ne voulait dormir qu'en une cour de princes,
Sur un trône continental.
Ses aigles, qui volaient sous vingt cieux parsemées,
Au nord, de ses longues armées
Guidèrent l'immense appareil ;
Mais là parut l'écueil de se course hardie,
Les peuples sommeillaient : un sanglant incendie
Fut l'aurore du grand réveil.

Il tomba roi ; - puis, dans sa route,
Il voulut, fantôme ennemi,
Se relever, afin sans doute
De ne plus tomber à demi.
Alors, **** de sa tyrannie,
Pour qu'une effrayante harmonie
Frappât l'orgueil anéanti,
On jeta ce captif suprême
Sur un rocher, débris lui-même
De quelque ancien monde englouti !

Là, se refroidissant comme un torrent de lave,
Gardé par ses vaincus, chassé de l'univers,
Ce reste d'un tyran, en s'éveillant esclave,
N'avait fait que changer de fers.
Des trônes restaurés écoutant la fanfare,
Il brillait de **** comme un phare,
Montrant l'écueil au nautonier.
Il mourut. - Quand ce bruit éclata dans nos villes,
Le monde respira dans les fureurs civiles,
Délivré de son prisonnier.

Ainsi l'orgueil s'égare en sa marche éclatante,
Colosse né d'un souffle et qu'un regard abat.
Il fit du glaive un sceptre, et du trône une tente.
Tout son règne fut un combat.
Du fléau qu'il portait lui-même tributaire,
Il tremblait, prince de la terre ;
Soldat, on vantait sa valeur.
Retombé dans son cœur comme dans un abîme,
Il passa par la gloire, il passa par le crime,
Et n'est arrivé qu'au malheur.

V.

Peuples, qui poursuivez d'hommages
Les victimes et les bourreaux,
Laissez-le fuir seul dans les âges ; -
Ce ne sont point là les héros.
Ces faux dieux, que leur siècle encense,
Dont l'avenir hait la puissance,
Vous trompent dans votre sommeil ;
Tels que ces nocturnes aurores
Où passent de grands météores,
Mais que ne suit pas le soleil.

Mars 1822.
Un ami me parlait et me regardait vivre :
Alors, c'était mourir... mon jeune âge était ivre
De l'orage enfermé dont la foudre est au coeur ;
Et cet ami riait, car il était moqueur.

Il n'avait pas d'aimer la funeste science.
Son seul orage à lui, c'était l'impatience.
Léger comme l'oiseau qui siffle avant d'aimer,
Disant : « Tout feu s'éteint, puisqu'il peut s'allumer ; »
Plein de chants, plein d'audace et d'orgueil sans alarme,
Il eût mis tout un jour à comprendre une larme.
De nos printemps égaux lui seul portait les fleurs ;
J'étais déjà l'aînée, hélas ! Par bien des pleurs.

Décorant sa pitié d'une grâce insolente,
Il disputait, joyeux, avec ma voix tremblante.
À ses doutes railleurs, je répondais trop bas...
Prouve-t-on que l'on souffre à qui ne souffre pas ?

Soudain, presque en colère, il m'appela méchante
De tromper la saison où l'on joue, où l'on chante :
« Venez, sortez, courez où sonne le plaisir !
Pourquoi restez-vous là navrant votre loisir ?
Pourquoi défier vos immobiles peines ?
Venez, la vie est belle, et ses coupes sont pleines ! ...
Non ? Vous voulez pleurer ? Soit ! J'ai fait mon devoir :
Adieu ! - quand vous rirez, je reviendrai vous voir. »

Et je le vis s'enfuir comme l'oiseau s'envole ;
Et je pleurai longtemps au bruit de sa parole.
Mais quoi ? La fête en lui chantait si haut alors
Qu'il n'entendait que ceux qui dansent au dehors.

Tout change. Un an s'écoule, il revient... qu'il est pâle !
Sur son front quelle flamme a soufflé tant de hâle ?
Comme il accourt tremblant ! Comme il serre ma main !
Comme ses yeux sont noirs ! Quel démon en chemin
L'a saisi ? - c'est qu'il aime ! Il a trouvé son âme.
Il ne me dira plus : « Que c'est lâche ! Une femme. »
Triste, il m'a demandé : « C'est donc là votre enfer ?
Et je riais... grand dieu ! Vous avez bien souffert ! »
Du malheur de recevoir
Un étranger, sans avoir
De lui quelque connaissance,
Tu as fait expérience,
Ménélas, ayant reçu
Pâris dont tu fus déçu :
Et moi je la viens de faire
Qui ore ai voulu retraire (1)
Sottement un étranger
Dans ma chambre, et le loger.

Il était minuit, et l'Ourse
De son char tournait la course
Entre les mains du Bouvier,
Quand le somme vint lier
D'une chaîne sommelière
Mes yeux clos sous la paupière.

Là je dormais en mon lit,
Lorsque j'entr'ouïs le bruit
D'un qui frappait à ma porte,
Et heurtait de telle sorte
Que mon dormir s'en alla :
Je demandai : Qu'est-ce là
Qui fait à mon huis (2) sa plainte ?
Je suis enfant, n'aye crainte,
Ce me dit-il, et adonc (3)
Je lui desserre le gond,  
De ma porte verrouillée.

J'ai la chemise mouillée
Qui me trempe jusqu'aux os,
Ce disait ; dessus le dos
Toute nuit j'ai eu la pluie :
Et pour ce je te supplie
De me conduire à ton feu
Pour m'aller sécher un peu.

Lors je pris sa main humide,
Et plein de pitié le guide
En ma chambre et le fis seoir
Au feu qui restait du soir :
Puis, allumant des chandelles,
Je vis qu'il portait des ailes,
Dans la main un arc turquois,
Et sous l'aisselle un carquois.
Adonc en mon cœur je pense
Qu'il avait quelque puissance.
Et qu'il fallait m'apprêter
Pour le faire banqueter.

Cependant il me regarde
D'un œil, de l'autre il prend garde
Si son arc était séché ;
Puis, me voyant empêché
A lui faire bonne chère,
Me tire une flèche amère
Droit en l'œil : le coup de là
Plus bas au cœur dévala :
Et m'y fit telle ouverture,
Qu'herbe, drogue ni murmure (4)
N'y serviraient plus de rien.

Voilà, Robertet, le bien,
(Mon Robertet qui embrasse  
Les neuf Muses et les Grâces)
Le bien qui m'est advenu
Pour loger un inconnu.


1. Retraire signifie abriter.
2. Huis est une porte.
3. Adonc veut dire alors.
4. Murmure ainsi indique prière.
I

Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
- On entend dans les bois lointains des hallalis.

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s'inclinent les roseaux.

Les nénuphars froissés soupirent autour d'elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d'où s'échappe un petit frisson d'aile :
- Un chant mystérieux tombe des astres d'or.

II

Ô pâle Ophélia ! belle comme la neige !
Oui tu mourus, enfant, par un fleuve emporté !
- C'est que les vents tombant des grands monts de Norwège
T'avaient parlé tout bas de l'âpre liberté ;

C'est qu'un souffle, tordant ta grande chevelure,
A ton esprit rêveur portait d'étranges bruits ;
Que ton coeur écoutait le chant de la Nature
Dans les plaintes de l'arbre et les soupirs des nuits ;

C'est que la voix des mers folles, immense râle,
Brisait ton sein d'enfant, trop humain et trop doux ;
C'est qu'un matin d'avril, un beau cavalier pâle,
Un pauvre fou, s'assit muet à tes genoux !

Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre Folle !
Tu te fondais à lui comme une neige au feu :
Tes grandes visions étranglaient ta parole
- Et l'Infini terrible effara ton oeil bleu !

III

- Et le Poète dit qu'aux rayons des étoiles
Tu viens chercher, la nuit, les fleurs que tu cueillis ;
Et qu'il a vu sur l'eau, couchée en ses longs voiles,
La blanche Ophélia flotter, comme un grand lys.
I.

En ce temps-là, du ciel les portes d'or s'ouvrirent ;
Du Saint des Saints ému les feux se découvrirent ;
Tous les cieux un moment brillèrent dévoilés ;
Et les élus voyaient, lumineuses phalanges,
Venir une jeune âme entre de jeunes anges
Sous les portiques étoilés.

C'était un bel enfant qui fuyait de la terre ; -
Son œil bleu du malheur portait le signe austère ;
Ses blonds cheveux flottaient sur ses traits pâlissants ;
Et les vierges du ciel, avec des chants de fête,
Aux palmes du martyre unissaient sur sa tête
La couronne des innocents.

II.

On entendit des voix qui disaient dans la nue :
« Jeune ange, Dieu sourit à ta gloire ingénue ;
Viens, rentre dans ses bras pour ne plus en sortir ;
Et vous, qui du Très-Haut racontez les louanges,
Séraphins, prophètes, archanges,
Courbez-vous, c'est un roi ; chantez, c'est un martyr !

-  Où donc ai-je régné ? demandait la jeune ombre.
Je suis un prisonnier, je ne suis point un roi.
Hier je m'endormis au fond d'une tour sombre.
Où donc ai-je régné ? Seigneur, dites-le moi.
Hélas ! mon père est mort d'une mort bien amère ;
Ses bourreaux, ô mon Dieu, m'ont abreuvé de fiel ;
Je suis un orphelin ; je viens chercher ma mère,
Qu'en mes rêves j'ai vue au ciel. »

Les anges répondaient : « Ton Sauveur te réclame.
Ton Dieu d'un monde impie a rappelé ton âme.
Fuis la terre insensée où l'on brise la croix.
Où jusque dans la mort descend le régicide,
Où le meurtre, d'horreurs avide,
Fouille dans les tombeaux pour y chercher des rois !

- Quoi ! de ma lente vie ai-je achevé le reste ?
Disait-il ; tous mes maux, les ai-je enfin soufferts ?
Est-il vrai qu'un geôlier, de ce rêve céleste,
Ne viendra pas demain m'éveiller dans mes fers ?
Captif, de mes tourments cherchant la fin prochaine.
J'ai prié : Dieu veut-il enfin me secourir ?
Oh ! n'est-ce pas un songe ? a-t-il brisé ma chaîne ?
Ai-je eu le bonheur de mourir ?

« Car vous ne savez point quelle était ma misère !
Chaque jour dans ma vie amenait des malheurs ;
Et, lorsque je pleurais, je n'avais pas de mère
Pour chanter à mes cris, pour sourire à mes pleurs.
D'un châtiment sans fin languissante victime,
De ma tige arraché comme un tendre arbrisseau,
J'étais proscrit bien jeune, et j'ignorais quel crime
J'avais commis dans mon berceau.

« Et pourtant, écoutez : bien **** dans ma mémoire,
J'ai d'heureux souvenirs avant ces temps d'effroi ;
J'entendais en dormant des bruits confus de gloire,
Et des peuples joyeux veillaient autour de moi.
Un jour tout disparut dans un sombre mystère ;
Je vis fuir l'avenir à mes destins promis ;
Je n'étais qu'un enfant, faible et seul sur la terre,
Hélas ! et j'eus des ennemis !

« Ils m'ont jeté vivant sous des murs funéraires ;
Mes yeux voués aux pleurs n'ont plus vu le soleil ;
Mais vous que je retrouve, anges du ciel, mes frères,
Vous m'avez visité souvent dans mon sommeil.
Mes jours se sont flétris dans leurs mains meurtrières,
Seigneur, mais les méchants sont toujours malheureux ;
Oh ! ne soyez pas sourd comme eux à mes prières,
Car je viens vous prier pour eux. »

Et les anges chantaient : « L'arche à toi se dévoile,
Suis-nous ; sur ton beau front nous mettrons une étoile.
Prends les ailes d'azur des chérubins vermeils ;
Tu viendras avec nous bercer l'enfant qui pleure,
Ou, dans leur brûlante demeure,
D'un souffle lumineux rajeunir les soleils ! »

III.

Soudain le chœur cessa, les élus écoutèrent ;
Il baissa son regard par les larmes terni ;
Au fond des cieux muets les mondes s'arrêtèrent,
Et l'éternelle voix parla dans l'infini :

« Ô roi ! je t'ai gardé **** des grandeurs humaines.
Tu t'es réfugié du trône dans les chaînes.
Va, mon fils, bénis tes revers.
Tu n'as point su des rois l'esclavage suprême,
Ton front du moins n'est pas meurtri du diadème,
Si tes bras sont meurtris de fers.

« Enfant, tu t'es courbé sous le poids de la vie ;
Et la terre, pourtant, d'espérance et d'envie
Avait entouré ton berceau !
Viens, ton Seigneur lui-même eut ses douleurs divines,
Et mon Fils comme toi, roi couronné d'épines,
Porta le sceptre de roseau. »

Décembre 1822.
I

Tu me dois ta photographie

À la condition que je

Serai bien sage - et tu t'y fies !


Apprends, ma chère, que je veux

Être, en échange de ce don

Précieux, un libertin que


L'on pardonne après sa fredaine

Dernière en faveur d'un second

Crime et peut-être d'un troisième.


Celle image que tu me dois

Et que je ne mérite pas,

Moyennant ta condition


Je l'aurais quand même tu me

La refuserais, puisque je

L'ai là dans mon cœur, nom de Dieu !


II


Là ! je l'ai, ta photographie

Quand t'étais cette galopine,

Avec, jà, tes yeux de défi,


Tes petits yeux en trous de vrille,

Avec alors de fiers tétins

Promus en fiers seins aujourd'hui.


Sous la longue robe si bien

Qu'on portait vers soixante-seize

Et sous la traîne et tout son train,


On devine bien ton manège

D'abord jà, cuisse alors mignonne,

Ce jourd'huy belle et toujours fraîche ;


Hanches ardentes et luronnes,

Croupe et bas ventre jamais las,

À présent le puissant appât,


Les appas, mûrs mais durs qu'appètent

Ma fressure quand tu es là

Et quand tu n'es pas là, ma tête !


III


Et puisque ta photographie

M'est émouvante et suggestive

À ce point et qu'en outre vit


Près de moi, jours et nuits, lascif

Et toujours prêt, ton corps en chair

Et en os et en muscles vifs


Et ton âme amusante, ô chère

Méchante, je ne serai « sage »

Plus du tout et zut aux bergères


Autres que toi que je vais sac-

Cager de si belle manière ;

- Il importe que tu le saches -


Que j'en mourrai, de ce plus fier

Que de toute gloire qu'on prise

Et plus heureux que le bonheur !


Et pour la tombe où mes gens gisent,

Toute belle ainsi que la vie,

Mets, dans son cadre de peluche,


Sur mon cœur, ta photographie.
Quand la belle Vénus, sortant du sein des mers,
Promena ses regards sur la plaine profonde,
Elle se crut d'abord seule dans l'univers ;
Mais près d'elle aussitôt l'amour naquit de l'onde.
Vénus lui fit un signe, il embrassa Vénus ;
Et, se reconnaissant sans s'être jamais vus,
Tous deux sur un dauphin voguèrent vers la plage.
Comme ils approchaient du rivage,
L'amour, qu'elle portait, s'échappe de ses bras,
Et lance plusieurs traits en criant : terre ! Terre !
Que faites-vous, mon fils ? Lui dit alors sa mère.
Maman, répondit-il, j'entre dans mes états.
Fable VI, Livre III.


Pendant mille ans et plus, Jupiter fut fêté.
C'était justice : alors il portait le tonnerre ;
Il était immortel : dans les cieux, sur la terre,
La pluie et le beau temps, et la paix et la guerre,
Tout allait à sa volonté.
À ses autels, parés de fleurs et de guirlandes,
Devant la pierre ou l'or qui le représentait,
L'indigent, l'opulent, tour à tour apportait
Ses oraisons et ses offrandes.
Mais les dons étaient différents,
Bien que la ferveur fût la même.
Si les parfums étaient prodigués par les grands,
« On offre ce qu'on a », disaient les pauvres gens ;
Et la poix quelquefois fumait, au lieu d'encens,
Devant la déité suprême.
Jupiter de ce tour jamais ne s'offensa :
Il avait l'âme bonne, et sa bonté fut telle,
Qu'en bon homme il récompensa
La foi d'une sempiternelle
Qui, voulant l'encenser, faute de mieux, laissa
Sous son nez tout-puissant fumer une chandelle.

La fumée est toujours un mets délicieux.
Allons, flatteurs, faites des vôtres :
Les nez des hommes et des dieux
Sont faits les uns comme les autres.
Polynice, Etéocle, Abel, Caïn ! ô frères !
Vieille querelle humaine ! échafauds ! lois agraires !
Batailles ! ô drapeaux, ô linceuls ! noirs lambeaux !
Ouverture hâtive et sombre des tombeaux !
Dieu puissant ! quand la mort sera-t-elle tuée ?
Ô sainte paix !

La guerre est la prostituée ;
Elle est la concubine infâme du hasard.
Attila sans génie et Tamerlan sans art
Sont ses amants ; elle a pour eux des préférences ;
Elle traîne au charnier toutes nos espérances,
Egorge nos printemps, foule aux pieds nos souhaits,
Et comme elle est la haine, ô ciel bleu, je la hais !
J'espère en toi, marcheur qui viens dans les ténèbres,
Avenir !

Nos travaux sont d'étranges algèbres ;
Le labyrinthe vague et triste où nous rôdons
Est plein d'effrois subits, de pièges, d'abandons ;
Mais toujours dans la main le fil obscur nous reste.
Malgré le noir duel d'Atrée et de Thyeste,
Malgré Léviathan combattant Béhémoth,
J'aime et je crois. L'énigme enfin dira son mot.
L'ombre n'est pas sur l'homme à jamais acharnée.
Non ! Non ! l'humanité n'a point pour destinée
D'être assise immobile au seuil froid des tombeaux,
Comme Jérôme, morne et blême, dans Ombos,
Ou comme dans Argos la douloureuse Electre.

Un jour, moi qui ne crains l'approche d'aucun spectre,
J'allai voir le lion de Waterloo. Je vins
Jusqu'à la sombre plaine à travers les ravins ;
C'était l'heure où le jour chasse le crépuscule ;
J'arrivai ; je marchai droit au noir monticule.
Indigné, j'y montai ; car la gloire du sang,
Du glaive et de la mort me laisse frémissant.
Le lion se dressait sur la plaine muette ;
Je regardais d'en bas sa haute silhouette ;
Son immobilité défiait l'infini ;
On sentait que ce fauve, au fond des cieux banni,
Relégué dans l'azur, fier de sa solitude,
Portait un souvenir affreux sans lassitude ;
Farouche, il était là, ce témoin de l'affront.
Je montais, et son ombre augmentait sur mon front.
Et tout en gravissant vers l'âpre plate-forme,
Je disais : Il attend que la terre s'endorme ;
Mais il est implacable ; et, la nuit, par moment
Ce bronze doit jeter un sourd rugissement ;
Et les hommes, fuyant ce champ visionnaire,
Doutent si c'est le monstre ou si c'est le tonnerre.
J'arrivai jusqu'à lui, pas à pas m'approchant...

J'attendais une foudre et j'entendis un chant.

Une humble voix sortait de cette bouche énorme.
Dans cette espèce d'antre effroyable et difforme
Un rouge-gorge était venu faire son nid ;
Le doux passant ailé que le printemps bénit,
Sans peur de la mâchoire affreusement levée,
Entre ces dents d'airain avait mis sa couvée ;
Et l'oiseau gazouillait dans le lion pensif.
Le mont tragique était debout comme un récif
Dans la plaine jadis de tant de sang vermeille ;
Et comme je songeais, pâle et prêtant l'oreille,
Je sentis un esprit profond me visiter,
Et, peuples, je compris que j'entendais chanter
L'espoir dans ce qui fut le désespoir naguère,
Et la paix dans la gueule horrible de la guerre.
Ce Zoïle cagot naquit d'une Javotte.
Le diable, - ce jour-là Dieu permit qu'il créât, -
D'un peu de Ravaillac et d'un de Nonotte
Composa ce gredin béat.

Tout jeune, il contemplait, sans gîte et sans valise,
Les sous-diacres coiffés d'un feutre en lampion
Vidocq le rencontra priant dans une église,
Et, l'ayant vu loucher, en fit un espion.

Alors ce va-nu-pieds songea dans sa mansarde,
Et se voyant sans cœur, sans style, sans esprit,
Imagina de mettre une feuille poissarde
Au service de Jésus-Christ.

Armé d'un goupillon, il entra dans la lice
Contre les jacobins, le siècle et le péché.
Il se donna le luxe, étant de la police,
D'être jésuite et saint par-dessus le marché.

Pour mille francs par mois livrant l'eucharistie,
Plus vil que les voleurs et que les assassins,
Il fut riche. Il portait un flair de sacristie
Dans le bouge des argousins.

Il prospère ! - Il insulte, il prêche, il fait la roue ;
S'il n'était pas saint homme, il eût été sapeur ;
Comme s'il s'y lavait, il piaffe en pleine boue,
Et, voyant qu'on se sauve, il dit : comme ils ont peur !

Regardez, le voilà ! - Son journal frénétique
Plaît aux dévots et semble écrit par des bandits.
Il fait des fausses clefs dans l'arrière-boutique
Pour la porte du paradis.

Des miracles du jour il colle les affiches.
Il rédige l'absurde en articles de foi.
Pharisien hideux, il trinque avec les riches
Et dit au pauvre : ami, viens jeûner avec moi.

Il ripaille à huis clos, en publie il sermonne,
Chante landerirette après alléluia,
Dit un pater, et prend le menton de Simone... -
Que j'en ai vu, de ces saints-là !

Qui vous expectoraient des psaumes après boire,
Vendaient, d'un air contrit, leur pieux bric-à-brac,
Et qui passaient, selon qu'ils changeaient d'auditoire,
Des strophes de Piron aux quatrains de Pibrac !

C'est ainsi qu'outrageant gloires, vertus, génies,
Charmant par tant d'horreurs quelques niais fougueux,
Il vit tranquillement dans les ignominies,
Simple jésuite et triple gueux.

Septembre1850.
En ce temps-là, je me rappelle
Que je ne pouvais concevoir
Pourquoi, se pouvant faire belle,
Ma mère était toujours en noir.

Quand s'ouvrait le bahut plein d'ombre,
J'éprouvais un vague souci
De voir près d'une robe sombre
Pendre un long voile sombre aussi.

Le linge, radieux naguère,
D'un feston noir était ourlé :
Tout ce qu'alors portait ma mère,
Sa tristesse l'avait scellé.

Sourdement et sans qu'on y pense,
Le noir descend des yeux au cœur ;
Il me révélait quelque absence
D'une interminable longueur.

Quand je courais sur les pelouses
Où les enfants mêlaient leurs jeux,
J'admirais leurs joyeuses blouses,
Dont j'enviais les carreaux bleus ;

Car déjà la douleur sacrée
M'avait posé son crêpe noir,
Déjà je portais sa livrée :
J'étais en deuil sans le savoir.
Six ans étaient écoulés, et la septième année
Etait presque entière en ses pas retournée,
Quand **** d'affection, de désir et d'amour,
En pure liberté je passais tout le jour,
Et franc de tout souci qui les âmes dévore,
Je dormais dès le soir jusqu'au point de l'Aurore ;
Car seul maître de moi, j'allais, plein de loisir,
Où le pied me portait, conduit de mon désir,
Ayant toujours les mains pour me servir de guide
Aristote ou Platon, ou le docte Euripide,
Mes bons hôtes muets qui ne fâchent jamais ;
Ainsi que je les prends, ainsi je les remets ;
Ô douce compagnie et utile et honnête !
Un autre en caquetant m'étourdirait la tête.

Puis, du livre ennuyé, je regardais les fleurs,
Feuilles, tiges, rameaux, espèces et couleurs,
Et l'entrecoupement de leurs formes diverses,
Peintes de cent façons, jaunes, rouges et perses,
Ne me pouvant saouler, ainsi qu'en un tableau,
D'admirer la Nature, et ce qu'elle a de beau ;
Et de dire, en parlant aux fleurettes écloses :
« Celui est presque Dieu qui connaît toutes choses. »
Eloigné du vulgaire, et **** des courtisans,
De fraude et de malice impudents artisans,
Tantôt j'errais seul par les forets sauvages,
Sur les bords enjonchés des peints rivages,
Tantôt par les rochers reculés et déserts,
Tantôt par les taillis, verte maison des cerfs.

J'aimais le cours suivi d'une longue rivière,
Et voir onde sur onde allonger sa carrière,
Et flot à l'autre flot en roulant s'attacher ;
Et, pendu sur le bord, me plaisait d'y pêcher,
Etant plus réjoui d'une chasse muette
Troubler des écailles la demeure secrète,
Tirer avec la ligne, en tremblant emporté,
Le crédule poisson pris à l'hameçon amorcé,
Qu'un grand Prince n'est aise ayant pris à la chasse
Un cerf, qu'en haletant tout un jour il pourchasse,
Heureux, si vous eussiez, d'un mutuel émoi,
Pris l'appât amoureux aussi bien comme moi,
Que tout seul j'avalais, quand par trop désireux
Mon âme en vos yeux bu le poison amoureux.

Puis alors que Vesper vient embrunir nos yeux,
Attaché dans le Ciel je contemple les Cieux,
En qui Dieu nous écrit en notes non obscures
Les sorts et les destins de toutes créatures.
Car lui, en dédaignant (comme font les humains)
D'avoir encre et papier et plume entre les mains,
Par les astres du Ciel, qui sont ses caractères,
Les choses nous prédit et bonnes et contraires ;
Mais les hommes, chargez de terre et du trépas,
Méprisent tels écrits, et ne le lisent pas.

Or, le plus de mon bien pour décevoir ma peine,
C'est de boire à longs traits les eaux de la fontaine
Qui de votre beau nom se brave, et, en courant
Par les prés, vos honneurs va toujours murmurant,
Et la Reine se dit des eaux de la contrée ;
Tant vaut le gentil soin d'une Muse sacrée,
Qui peut vaincre la Mort et les sorts inconstants,
Sinon pour tout jamais, au moins pour un longtemps.

Là, couché dessus l'herbe, en mes discours je pense
Que pour aimer beaucoup, j'ai peu de récompense,
Et que mettre son cœur aux Dames si avant,
C'est vouloir peindre en l'onde et arrêter le vent ;
M'assurant toutefois, qu'alors que le vieil âge
Aura comme un sorcier changé votre visage,
Et lorsque vos cheveux deviendront argentés,
Et que vos yeux, d'Amour, ne seront plus hantés,
Que toujours vous aurez, si quelque soin vous touche,
En l'esprit mes écrits, mon nom en votre bouche.

Maintenant que voici l'an septième venir,
Ne pensez plus, Hélène, en vos lacs me tenir ;
La raison m'en délivre et votre rigueur dure ;
Puis, il faut que mon âge obéisse à nature.
James Rives Mar 2020
i'm tired of being boiled down
to my barest, simplest parts,
and compromised beyond my core.

my facets ignored as if repugnant
or strange--
as if all i can ever be is what portait
painted itself.

to yell into an unyielding void
and be met with a stiff and resounding silence.
to be so resounding unheard despite
sheer and shrieking volume.

to exist in a space where metaphor scarcely follows for fear that truth will dilute it.

what importance did it ever hold?

it was all a cry.

and no one heard.
tired

— The End —