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Adieu, Suzon, ma rose blonde,
Qui m'as aimé pendant huit jours ;
Les plus courts plaisirs de ce monde
Souvent font les meilleurs amours.
Sais-je, au moment où je te quitte,
Où m'entraîne mon astre errant ?
Je m'en vais pourtant, ma petite,
Bien ****, bien vite,
Toujours courant.

Je pars, et sur ma lèvre ardente
Brûle encor ton dernier baiser.
Entre mes bras, chère imprudente,
Ton beau front vient de reposer.
Sens-tu mon coeur, comme il palpite ?
Le tien, comme il battait gaiement !
Je m'en vais pourtant, ma petite,
Bien ****, bien vite,
Toujours t'aimant.

Paf ! c'est mon cheval qu'on apprête.
Enfant, que ne puis-je en chemin
Emporter ta mauvaise tête,
Qui m'a tout embaumé la main !
Tu souris, petite hypocrite,
Comme la nymphe, en t'enfuyant.
Je m'en vais pourtant, ma petite,
Bien ****, bien vite,
Tout en riant.

Que de tristesse, et que de charmes,
Tendre enfant, dans tes doux adieux !
Tout m'enivre, jusqu'à tes larmes,
Lorsque ton coeur est dans tes yeux.
A vivre ton regard m'invite ;
Il me consolerait mourant.
Je m'en vais pourtant, ma petite,
Bien ****, bien vite,
Tout en pleurant.

Que notre amour, si tu m'oublies,
Suzon, dure encore un moment ;
Comme un bouquet de fleurs pâlies,
Cache-le dans ton sein charmant !
Adieu ; le bonheur reste au gîte,
Le souvenir part avec moi :
Je l'emporterai, ma petite,
Bien ****, bien vite,
Toujours à toi.
Murmure autour de ma nacelle,
Douce mer dont les flots chéris,
Ainsi qu'une amante fidèle,
Jettent une plainte éternelle
Sur ces poétiques débris.

Que j'aime à flotter sur ton onde.
A l'heure où du haut du rocher
L'oranger, la vigne féconde,
Versent sur ta vague profonde
Une ombre propice au nocher !

Souvent, dans ma barque sans rame,
Me confiant à ton amour,
Comme pour assoupir mon âme,
Je ferme au branle de ta lame
Mes regards fatigués du jour.

Comme un coursier souple et docile
Dont on laisse flotter le mors,
Toujours, vers quelque frais asile,
Tu pousses ma barque fragile
Avec l'écume de tes bords.

Ah ! berce, berce, berce encore,
Berce pour la dernière fois,
Berce cet enfant qui t'adore,
Et qui depuis sa tendre aurore
N'a rêvé que l'onde et les bois !

Le Dieu qui décora le monde
De ton élément gracieux,
Afin qu'ici tout se réponde,
Fit les cieux pour briller sur l'onde,
L'onde pour réfléchir les cieux.

Aussi pur que dans ma paupière,
Le jour pénètre ton flot pur,
Et dans ta brillante carrière
Tu sembles rouler la lumière
Avec tes flots d'or et d'azur.

Aussi libre que la pensée,
Tu brises le vaisseau des rois,
Et dans ta colère insensée,
Fidèle au Dieu qui t'a lancée,
Tu ne t'arrêtes qu'à sa voix.

De l'infini sublime image,
De flots en flots l'oeil emporté
Te suit en vain de plage en plage,
L'esprit cherche en vain ton rivage,
Comme ceux de l'éternité.

Ta voix majestueuse et douce
Fait trembler l'écho de tes bords,
Ou sur l'herbe qui te repousse,
Comme le zéphyr dans la mousse,
Murmure de mourants accords.

Que je t'aime, ô vague assouplie,
Quand, sous mon timide vaisseau,
Comme un géant qui s'humilie,
Sous ce vain poids l'onde qui plie
Me creuse un liquide berceau.

Que je t'aime quand, le zéphire
Endormi dans tes antres frais,
Ton rivage semble sourire
De voir dans ton sein qu'il admire
Flotter l'ombre de ses forêts !

Que je t'aime quand sur ma poupe
Des festons de mille couleurs,
Pendant au vent qui les découpe,
Te couronnent comme une coupe
Dont les bords sont voilés de fleurs !

Qu'il est doux, quand le vent caresse
Ton sein mollement agité,
De voir, sous ma main qui la presse,
Ta vague, qui s'enfle et s'abaisse
Comme le sein de la beauté !

Viens, à ma barque fugitive
Viens donner le baiser d'adieux ;
Roule autour une voix plaintive,
Et de l'écume de ta rive
Mouille encor mon front et mes yeux.

Laisse sur ta plaine mobile
Flotter ma nacelle à son gré,
Ou sous l'antre de la sibylle,
Ou sur le tombeau de Virgile :
Chacun de tes flots m'est sacré.

Partout, sur ta rive chérie,
Où l'amour éveilla mon coeur,
Mon âme, à sa vue attendrie,
Trouve un asile, une patrie,
Et des débris de son bonheur,

Flotte au hasard : sur quelque plage
Que tu me fasses dériver,
Chaque flot m'apporte une image ;
Chaque rocher de ton rivage
Me fait souvenir ou rêver...
I.

Le ciel est calme et pur, la terre lui ressemble ;
Elle offre avec orgueil au soleil radieux
L'essaim tourbillonnant de ses enfants heureux.
Dans les parvis sacrés, la foule se rassemble.
Ô vous.... qui vous aimez et qui restez ensemble !
Vous qui pouvez encor prier en souriant,
Un mot à Dieu pour ceux qui pleurent en priant,
Vous qui restez ensemble !

Soleil ! du voyageur, toi, le divin secours,
En tous lieux brilles-tu comme au ciel de la France ?
N'as-tu pas en secret, parfois, de préférence,
Comme un cœur a souvent de secrètes amours ?
Ou, pour tous les pays, as-tu donc de beaux jours ?
Oh ! d'un rayon ami, protège le voyage !
Sur le triste exilé qui fuit **** du rivage,
Soleil, brille toujours !

Brise de nos printemps, qui courbes chaque branche,
Dont le souffle léger vient caresser les fleurs
Et s'imprègne en passant de leurs fraîches odeurs !
Au ****, du faible esquif qui s'incline et se penche,
Enfles-tu doucement l'humide voile blanche ?
Brise, sois douce et bonne au vaisseau qui s'enfuit ;
Comme un ange gardien, surveille jour et nuit
L'humide voile blanche.

Mer, dont l'immensité se dérobe à mes yeux !
Arrête la fureur de ta vague écumante,
Étouffe l'ouragan dont la voix se lamente,
Endors tes flots profonds, sombre miroir des cieux.
Que ton onde sommeille à l'heure des adieux ;
Renferme dans ton sein le vent de la tempête,
Et reçois mon ami, comme un ami qu'on fête,
À l'heure des adieux.

Mais pourquoi de la mer implorer la clémence,
Quand l'univers entier obéit au Seigneur ?
C'est lui qu'il faut prier quand se brise le cœur,
Quand sur nos fronts pâlis vient planer la souffrance,
Quand, pour nos yeux en pleurs, ton aurore commence,
Ô toi, de tous nos jours le jour le plus affreux,
- Que l'on achève seul, que l'on commence à deux
Premier jour de l'absence !

Mais n'est-il pas, mon Dieu ! dans tes divins séjours,
Un ange qui protège à l'ombre de ses ailes
Tous les amours bénis par tes mains paternelles :
Le bon ange, ô mon Dieu, des fidèles amours !
Il s'attriste aux départs et sourit aux retours,
Il rend au pèlerin la route plus unie ;
Oh ! veille donc sur lui, toi qui m'as tant bénie,
Bon ange des amours !

Le ciel est calme et pur, la terre lui ressemble ;
Elle offre avec orgueil au soleil radieux
L'essaim tourbillonnant de ses enfants heureux ;
Dans les parvis sacrés, la foule se rassemble.
Ô vous qui vous aimez et qui restez ensemble,
Vous qui pouvez encor prier en souriant,
Un mot à Dieu pour ceux qui pleurent en priant,
Vous qui restez ensemble !

II.

Voici l'heure du bal ; allez, hâtez vos pas !
De ces fleurs sans parfums couronnez voire tête ;
Allez danser ! mon cœur ne vous enviera pas.
Il est dans le silence aussi des jours de fête,
Et des chants intérieurs que vous n'entendez pas !...

Oh ! laissez-moi rêver, ne plaignez pas mes larmes !
Si souvent, dans le monde, on rit sans être heureux,
Que pleurer d'un regret est parfois plein de charmes,
Et vaut mieux qu'un bonheur qui ment à tous les yeux.

Je connais du plaisir le beau masque hypocrite,
La voix au timbre faux, et le rire trompeur
Que vos pleurs en secret vont remplacer bien vite,
Comme un fer retiré des blessures du cœur !

Pour moi, du moins, les pleurs n'ont pas besoin de voile ;
Sur mon front, ma douleur - comme au ciel, une étoile !

Béni sois-tu, Seigneur, qui vers de saints amours,
Toi-même, pour mon cœur, fraya la douce pente,
Comme en des champs fleuris, de l'onde murmurante
La main du laboureur sait diriger le cours !

Oh ! laissez-moi rêver **** du bal qui s'apprête ;
De ces fleurs sans parfums couronnez votre tête,
Allez danser ! mon cœur ne vous enviera pas.
Il est dans le silence aussi des jours de fête,
Et des chants intérieurs que vous n'entendez pas.

Oui, laissez-moi rêver, pour garder souvenance
Du dernier mot d'adieu qui précéda l'absence ;
Laissez vibrer en moi, dans l'ombre et **** du bruit,
Ce triste et doux écho qui me reste de lui !

Plus ****, on me verra me mêler à la foule ;
Mais dans son noir chaos où notre âme s'endort,
Où notre esprit s'éteint, - c'est un bonheur encor
D'espérer au delà de l'heure qui s'écoule,
D'attendre un jour parmi tous les jours à venir,
De marcher grave et triste au milieu de la foule,
Au front, une pensée ; au cœur, un souvenir !

III.

Tu me fuis, belle Étoile, Étoile du retour !
Toi, que mon cœur brisé cherchait avec amour,
Tu quittes l'horizon qu'obscurcit un nuage,
Tu disparais du ciel, tu fuis devant l'orage.
Depuis deux ans, pourtant, partout je te cherchais !
Les yeux fixés sur toi, j'espérais... je marchais.
Comme un phare brillant d'une lumière amie,
De ton espoir lointain, s'illuminait ma vie ;
J'avançais à ton jour, tu m'indiquais le port ;
Pour arriver vers toi, je redoublais d'effort.
De chacun de mes pas je comptais la distance,
Je disais : « C'est une heure ôtée à la souffrance ;
C'est une heure de moins, entre ce sombre jour
Et le jour radieux qui verra son retour ! »

Étoile d'espérance, appui d'une pauvre âme,
Pourquoi lui ravis-tu ta lumineuse flamme ?
Mon vol s'est arrêté dans ces obscurs déserts,
Mon aile vainement s'agite dans les airs ;
La nuit règne partout. - Sans lumière et sans guide,
En vain, vers l'Orient, de mon regard avide
J'appelle le soleil, qui chaque jour y luit...
Le soleil ne doit pas se lever aujourd'hui !
J'attends, et tour à tour ou je tremble ou j'espère.
Le vent souffle du ciel ou souffle de la terre ;
Il m'emporte à son gré dans son cours tortueux :
Ainsi, tourbillonnant, une feuille légère
Passe d'un noir ravin au calme azur des cieux.

Comme aux buissons l'agneau laisse un peu de sa laine,
Mon âme fatiguée, en sa course incertaine,
À force de douleurs perd l'espoir et la foi,
Et ne sait plus, mon Dieu, lever les yeux vers toi.
Étoile du retour, dissipe les orages !
Toi que j'ai tant priée, écarte les nuages !
Reviens à l'horizon me rendre le bonheur,
Et, du ciel où tu luis à côté du Seigneur,
Fais descendre, le soir, un rayon d'espérance
Sur les cœurs pleins d'amour que déchire l'absence !
Allons, ange déchu, ferme ton aile rose ;
Ôte ta robe blanche et tes beaux rayons d'or ;
Il faut, du haut des cieux où tendait ton essor,
Filer comme une étoile, et tomber dans la prose.

Il faut que sur le sol ton pied d'oiseau se pose.
Marche au lieu de voler : il n'est pas temps encor ;
Renferme dans ton coeur l'harmonieux trésor ;
Que ta harpe un moment se détende et repose.

Ô pauvre enfant du ciel, tu chanterais en vain
Ils ne comprendraient pas ton langage divin ;
À tes plus doux accords leur oreille est fermée !

Mais, avant de partir, mon bel ange à l'oeil bleu,
Va trouver de ma part ma pâle bien-aimée,
Et pose sur son front un long baiser d'adieu !
La coupe de mes jours s'est brisée encor pleine ;
Ma vie hors de mon sein s'enfuit à chaque haleine ;
Ni baisers ni soupirs ne peuvent l'arrêter ;
Et l'aile de la mort, sur l'airain qui me pleure,
En sons entrecoupés frappe ma dernière heure ;
Faut-il gémir ? faut-il chanter ?...

Chantons, puisque mes doigts sont encor sur la lyre ;
Chantons, puisque la mort, comme au cygne, m'inspire
Aux bords d'un autre monde un cri mélodieux.
C'est un présage heureux donné par mon génie,
Si notre âme n'est rien qu'amour et qu'harmonie,
Qu'un chant divin soit ses adieux !

La lyre en se brisant jette un son plus sublime ;
La lampe qui s'éteint tout à coup se ranime,
Et d'un éclat plus pur brille avant d'expirer ;
Le cygne voit le ciel à son heure dernière,
L'homme seul, reportant ses regards en arrière,
Compte ses jours pour les pleurer.

Qu'est-ce donc que des jours pour valoir qu'on les pleure ?
Un soleil, un soleil ; une heure, et puis une heure ;
Celle qui vient ressemble à celle qui s'enfuit ;
Ce qu'une nous apporte, une autre nous l'enlève :
Travail, repos, douleur, et quelquefois un rêve,
Voilà le jour, puis vient la nuit.

Ah ! qu'il pleure, celui dont les mains acharnées
S'attachant comme un lierre aux débris des années,
Voit avec l'avenir s'écrouler son espoir !
Pour moi, qui n'ai point pris racine sur la terre,
Je m'en vais sans effort, comme l'herbe légère
Qu'enlève le souffle du soir.

Le poète est semblable aux oiseaux de passage
Qui ne bâtissent point leurs nids sur le rivage,
Qui ne se posent point sur les rameaux des bois ;
Nonchalamment bercés sur le courant de l'onde,
Ils passent en chantant **** des bords ; et le monde
Ne connaît rien d'eux, que leur voix.

Jamais aucune main sur la corde sonore
Ne guida dans ses jeux ma main novice encore.
L'homme n'enseigne pas ce qu'inspire le ciel ;
Le ruisseau n'apprend pas à couler dans sa pente,
L'aigle à fendre les airs d'une aile indépendante,
L'abeille à composer son miel.

L'airain retentissant dans sa haute demeure,
Sous le marteau sacré tour à tour chante et pleure,
Pour célébrer l'*****, la naissance ou la mort ;
J'étais comme ce bronze épuré par la flamme,
Et chaque passion, en frappant sur mon âme,
En tirait un sublime accord.

Telle durant la nuit la harpe éolienne,
Mêlant aux bruits des eaux sa plainte aérienne,
Résonne d'elle-même au souffle des zéphyrs.
Le voyageur s'arrête, étonné de l'entendre,
Il écoute, il admire et ne saurait comprendre
D'où partent ces divins soupirs.

Ma harpe fut souvent de larmes arrosée,
Mais les pleurs sont pour nous la céleste rosée ;
Sous un ciel toujours pur le cœur ne mûrit pas :
Dans la coupe écrasé le jus du pampre coule,
Et le baume flétri sous le pied qui le foule
Répand ses parfums sur nos pas.

Dieu d'un souffle brûlant avait formé mon âme ;
Tout ce qu'elle approchait s'embrasait de sa flamme :
Don fatal ! et je meurs pour avoir trop aimé !
Tout ce que j'ai touché s'est réduit en poussière :
Ainsi le feu du ciel tombé sur la bruyère
S'éteint quand tout est consumé.

Mais le temps ? - Il n'est plus. - Mais la gloire ? - Eh ! qu'importe
Cet écho d'un vain son, qu'un siècle à l'autre apporte ?
Ce nom, brillant jouet de la postérité ?
Vous qui de l'avenir lui promettez l'empire,
Écoutez cet accord que va rendre ma lyre !...

...............................................

Les vents déjà l'ont emporté !
Ah ! donnez à la mort un espoir moins frivole.
Eh quoi ! le souvenir de ce son qui s'envole
Autour d'un vain tombeau retentirait toujours ?
Ce souffle d'un mourant, quoi! c'est là de la gloire ?
Mais vous qui promettez les temps à sa mémoire,
Mortels, possédez-vous deux jours ?

J'en atteste les dieux ! depuis que je respire,
Mes lèvres n'ont jamais prononcé sans sourire
Ce grand nom inventé par le délire humain ;
Plus j'ai pressé ce mot, plus je l'ai trouvé vide,
Et je l'ai rejeté, comme une écorce aride
Que nos lèvres pressent en vain.

Dans le stérile espoir d'une gloire incertaine,
L'homme livre, en passant, au courant qui l'entraîne
Un nom de jour en jour dans sa course affaibli ;
De ce brillant débris le flot du temps se joue ;
De siècle en siècle, il flotte, il avance, il échoue
Dans les abîmes de l'oubli.

Je jette un nom de plus à ces flots sans rivage ;
Au gré des vents, du ciel, qu'il s'abîme ou surnage,
En serai-je plus grand ? Pourquoi ? ce n'est qu'un nom.
Le cygne qui s'envole aux voûtes éternelles,
Amis ! s'informe-t-il si l'ombre de ses ailes
Flotte encor sur un vil gazon ?

Mais pourquoi chantais-tu ? - Demande à Philomèle
Pourquoi, durant les nuits, sa douce voix se mêle
Au doux bruit des ruisseaux sous l'ombrage roulant !
Je chantais, mes amis, comme l'homme respire,
Comme l'oiseau gémit, comme le vent soupire,
Comme l'eau murmure en coulant.

Aimer, prier, chanter, voilà toute ma vie.
Mortels ! de tous ces biens qu'ici-bas l'homme envie,
À l'heure des adieux je ne regrette rien ;
Rien que l'ardent soupir qui vers le ciel s'élance,
L'extase de la lyre, ou l'amoureux silence
D'un cœur pressé contre le mien.

Aux pieds de la beauté sentir frémir sa lyre,
Voir d'accord en accord l'harmonieux délire
Couler avec le son et passer dans son sein,
Faire pleuvoir les pleurs de ces yeux qu'on adore,
Comme au souffle des vents les larmes de l'aurore
Tombent d'un calice trop plein ;

Voir le regard plaintif de la vierge modeste
Se tourner tristement vers la voûte céleste,
Comme pour s'envoler avec le son qui fuit,
Puis retombant sur vous plein d'une chaste flamme,
Sous ses cils abaissés laisser briller son âme,
Comme un feu tremblant dans la nuit ;

Voir passer sur son front l'ombre de sa pensée,
La parole manquer à sa bouche oppressée,
Et de ce long silence entendre enfin sortir
Ce mot qui retentit jusque dans le ciel même,
Ce mot, le mot des dieux, et des hommes : ... Je t'aime !
Voilà ce qui vaut un soupir.

Un soupir ! un regret ! inutile parole !
Sur l'aile de la mort, mon âme au ciel s'envole ;
Je vais où leur instinct emporte nos désirs ;
Je vais où le regard voit briller l'espérance ;
Je vais où va le son qui de mon luth s'élance ;
Où sont allés tous mes soupirs !

Comme l'oiseau qui voit dans les ombres funèbres,
La foi, cet oeil de l'âme, a percé mes ténèbres ;
Son prophétique instinct m'a révélé mon sort.
Aux champs de l'avenir combien de fois mon âme,
S'élançant jusqu'au ciel sur des ailes de flamme,
A-t-elle devancé la mort ?

N'inscrivez point de nom sur ma demeure sombre.
Du poids d'un monument ne chargez pas mon ombre :
D'un peu de sable, hélas ! je ne suis point jaloux.
Laissez-moi seulement à peine assez d'espace
Pour que le malheureux qui sur ma tombe passe
Puisse y poser ses deux genoux.

Souvent dans le secret de l'ombre et du silence,
Du gazon d'un cercueil la prière s'élance
Et trouve l'espérance à côté de la mort.
Le pied sur une tombe on tient moins à la terre ;
L'horizon est plus vaste, et l'âme, plus légère,
Monte au ciel avec moins d'effort.

Brisez, livrez aux vents, aux ondes, à la flamme,
Ce luth qui n'a qu'un son pour répondre à mon âme !
Le luth des Séraphins va frémir sous mes doigts.
Bientôt, vivant comme eux d'un immortel délire,
Je vais guider, peut-être, aux accords de ma lyre,
Des cieux suspendus à ma voix.

Bientôt ! ... Mais de la mort la main lourde et muette
Vient de toucher la corde : elle se brise, et jette
Un son plaintif et sourd dans le vague des airs.
Mon luth glacé se tait ... Amis, prenez le vôtre ;
Et que mon âme encor passe d'un monde à l'autre
Au bruit de vos sacrés concerts !
onlylovepoetry Jun 2019
head to toe kissing


I   the mundane

moonlight madnesses, a possessive noun,
commissions gravitational pulls that disobey and obey
laws of interstellar loving. The antique modalities once and forever, forever laying still, stilled in places of antiquities and historical need, are thundershower and hail rudely reawakened, the undertow of
pull and push, the yanking hands  of need for others, for others,
it’s the explosive-knowledge, the opening of the old kitbag of perpetual principles, that crazy head to toe kissing is no less necessary, more so, than the computation of the total breaths mundane, unnoticed even now as I write of them, that we will count from that very first, in deed, they are one and the same, like the same
kisses given from head to toe

II   the profane

at the first, the body insists, I am but a long haul trailer, no taxi me,
cargo and passengers, are my quatrain accompaniments,
traveling companions boon, my own toons, too soon disembarked,
songs of parents and lovers, children and others, your visage passed
without your permission, but with your happy encouragement,
to generations that will see things that futurists dare not
even mention, but the profane urge to warn them all, kisses from head to toe, elevates, and overcomes...so when most of my names dusted with forgetfulness, lost in the waves, my scorching soft lips will be recalled just as an airy flight of light brushing upon a newborn’s eyelids just at the moment of birth.  A rustling more felt than heard, the ****** and bruised carrying body will sensate and instantly forget, but nonetheless transmit genetically, that the profane of birth and life renewing can be only washed away, when past and future, recalled and recreated, kisses from head to toes, dripping with softening saltwater tears, a chemical organic reagent of creation,
inside the histories of head to toe kissing

III  the insane

so when, somewhere, some place, a man’s body prepares  
tous ses adieux, his memory foolishly sane and strong,
his wasted paper bag container ship, rust bucketed,
crinkled and wrinkled, skin folding in on itself, hanging to bones
by stretched sinews and tendons that no longer tend to business,
loosened and gangly, they hang on barely to the bare nakedness of
evolutionary processes, mostly not, offset, by the tenderizing effects of kisses, from invisible attendees,  unconscious they,
willingly and unwillingly, offering farewells in actuality...
head to toes, noses to belly buttons, tatted, tattered, and still tasted by dying cells.  It’s insane to think it’s even possible  one retains each and all, but he does, those few given, those few  millions he gave away for cheap belly laughs and poems, decade upon decade accumulated are the totality of him, all of them free and sealed in kisses from head to toes
a perfect fare thee well love poem to add to the pastures lying fallow on mountain ranges of kisses from heads to toes...June 3, 2019
Gabrielle Ayoub Apr 2014
Laisse-moi vagabonder dans le désert de mes pensées
Et verser mes larmes nostalgiques
Tu sais bien que ma vie sans toi n'est qu'une mort attardée
Insignifiante, mon existence hélas, des plus dramatiques

Viens, fais-moi la cour tel jadis sous d'autres cieux
Récites-moi tes bon vieux vers théâtraux. Je le sais bien, tu le veux
Ces mots-là, qui n'existent que dans mes rêves les plus fous
Oui, ils valent tellement plus qu'un simple bijou

Tu ne me laisses pas le choix, à moi d'assoupir cette flamme
Et de faire mes adieux à cette presqu'existence
Je ne suis hélas qu'une simple femme
Mes émotions vont s'enfouir dans le silence

Ame impitoyable, je languie de toi, j'en meurs
Et seule désormais je resterai rembrunie
A vivre de mes maintes douleurs
A respirer de ton amour, autrefois infini
This is my previous poem, but I rearranged it a bit.
brandon nagley May 2015
These are mine last scribings poetic reader,
For here I'm teetered between the dead and hopeless romance,
Thy hopeless romance I hath not found on this journey here,
This place you call earth!!!
For I will be Rebirthed,
Not cursed ,
I'll have wings now you know!!!!
Ill be in a show with a million opera status angels!!!
Where the love overfloweth, and thine cup won't runneth dry!!!!

These are mine goodbyes poetic reader of mine words!!!

PS: don't forget to love one another,
For love is the gift god gave us!!
Don't destroy it as thou doeth to thy selves!!!
Brother,
Treat your sister with compassion,
Sister giveth all time rations to mother and dad!!!
Be grateful for thy things you still have,

As for me ,
Well,

Im off to that great gig in the sky,
Wherein hopeless romance wilt be none more!!!!
But all will love me for me,
And seek me out as well!!!

That's the greatest tale!!!

Write prophecies with thine tounge oh prophetic poetics!!!!!

For fly now I will....
L'aurore se levait, la mer battait la plage ;
Ainsi parla Sapho debout sur le rivage,
Et près d'elle, à genoux, les filles de ******
Se penchaient sur l'abîme et contemplaient les flots :

Fatal rocher, profond abîme !
Je vous aborde sans effroi !
Vous allez à Vénus dérober sa victime :
J'ai méconnu l'amour, l'amour punit mon crime.
Ô Neptune ! tes flots seront plus doux pour moi !
Vois-tu de quelles fleurs j'ai couronné ma tête ?
Vois : ce front, si longtemps chargé de mon ennui,
Orné pour mon trépas comme pour une fête,
Du bandeau solennel étincelle aujourd'hui !

On dit que dans ton sein... mais je ne puis le croire !
On échappe au courroux de l'implacable Amour ;
On dit que, par tes soins, si l'on renaît au jour,
D'une flamme insensée on y perd la mémoire !
Mais de l'abîme, ô dieu ! quel que soit le secours,
Garde-toi, garde-toi de préserver mes jours !
Je ne viens pas chercher dans tes ondes propices
Un oubli passager, vain remède à mes maux !
J'y viens, j'y viens trouver le calme des tombeaux !
Reçois, ô roi des mers, mes joyeux sacrifices !
Et vous, pourquoi ces pleurs ? pourquoi ces vains sanglots ?
Chantez, chantez un hymne, ô vierges de ****** !

Importuns souvenirs, me suivrez-vous sans cesse ?
C'était sous les bosquets du temple de Vénus ;
Moi-même, de Vénus insensible prêtresse,
Je chantais sur la lyre un hymne à la déesse :
Aux pieds de ses autels, soudain je t'aperçus !
Dieux ! quels transports nouveaux ! ô dieux ! comment décrire
Tous les feux dont mon sein se remplit à la fois ?
Ma langue se glaça, je demeurais sans voix,
Et ma tremblante main laissa tomber ma lyre !
Non : jamais aux regards de l'ingrate Daphné
Tu ne parus plus beau, divin fils de Latone ;
Jamais le thyrse en main, de pampres couronné,
Le jeune dieu de l'Inde, en triomphe traîné,
N'apparut plus brillant aux regards d'Erigone.
Tout sortit... de lui seul je me souvins, hélas !
Sans rougir de ma flamme, en tout temps, à toute heure,
J'errais seule et pensive autour de sa demeure.
Un pouvoir plus qu'humain m'enchaînait sur ses pas !
Que j'aimais à le voir, de la foule enivrée,
Au gymnase, au théâtre, attirer tous les yeux,
Lancer le disque au ****, d'une main assurée,
Et sur tous ses rivaux l'emporter dans nos jeux !
Que j'aimais à le voir, penché sur la crinière
D'un coursier de I'EIide aussi prompt que les vents,
S'élancer le premier au bout de la carrière,
Et, le front couronné, revenir à pas lents !
Ah ! de tous ses succès, que mon âme était fière !
Et si de ce beau front de sueur humecté
J'avais pu seulement essuyer la poussière...
Ô dieux ! j'aurais donné tout, jusqu'à ma beauté,
Pour être un seul instant ou sa soeur ou sa mère !
Vous, qui n'avez jamais rien pu pour mon bonheur !
Vaines divinités des rives du Permesse,
Moi-même, dans vos arts, j'instruisis sa jeunesse ;
Je composai pour lui ces chants pleins de douceur,
Ces chants qui m'ont valu les transports de la Grèce :
Ces chants, qui des Enfers fléchiraient la rigueur,
Malheureuse Sapho ! n'ont pu fléchir son coeur,
Et son ingratitude a payé ta tendresse !

Redoublez vos soupirs ! redoublez vos sanglots !
Pleurez ! pleurez ma honte, ô filles de ****** !

Si l'ingrat cependant s'était laissé toucher !
Si mes soins, si mes chants, si mes trop faibles charmes
A son indifférence avaient pu l'arracher !
S'il eût été du moins attendri par mes larmes !
Jamais pour un mortel, jamais la main des dieux
N'aurait filé des jours plus doux, plus glorieux !
Que d'éclat cet amour eût jeté sur sa vie !
Ses jours à ces dieux même auraient pu faire envie !
Et l'amant de Sapho, fameux dans l'univers,
Aurait été, comme eux, immortel dans mes vers !
C'est pour lui que j'aurais, sur tes autels propices,
Fait fumer en tout temps l'encens des sacrifices,
Ô Vénus ! c'est pour lui que j'aurais nuit et jour
Suspendu quelque offrande aux autels de l'Amour !
C'est pour lui que j'aurais, durant les nuits entières
Aux trois fatales soeurs adressé mes prières !
Ou bien que, reprenant mon luth mélodieux,
J'aurais redit les airs qui lui plaisaient le mieux !
Pour lui j'aurais voulu dans les jeux d'Ionie
Disputer aux vainqueurs les palmes du génie !
Que ces lauriers brillants à mon orgueil offerts
En les cueillant pour lui m'auraient été plus chers !
J'aurais mis à ses pieds le prix de ma victoire,
Et couronné son front des rayons de ma gloire.

Souvent à la prière abaissant mon orgueil,
De ta porte, ô Phaon ! j'allais baiser le seuil.
Au moins, disais-je, au moins, si ta rigueur jalouse
Me refuse à jamais ce doux titre d'épouse,
Souffre, ô trop cher enfant, que Sapho, près de toi,
Esclave si tu veux, vive au moins sous ta loi !
Que m'importe ce nom et cette ignominie !
Pourvu qu'à tes côtés je consume ma vie !
Pourvu que je te voie, et qu'à mon dernier jour
D'un regard de pitié tu plaignes tant d'amour !
Ne crains pas mes périls, ne crains pas ma faiblesse ;
Vénus égalera ma force à ma tendresse.
Sur les flots, sur la terre, attachée à tes pas,
Tu me verras te suivre au milieu des combats ;
Tu me verras, de Mars affrontant la furie,
Détourner tous les traits qui menacent ta vie,
Entre la mort et toi toujours prompte à courir...
Trop heureuse pour lui si j'avais pu mourir !

Lorsque enfin, fatigué des travaux de Bellone,
Sous la tente au sommeil ton âme s'abandonne,
Ce sommeil, ô Phaon ! qui n'est plus fait pour moi,
Seule me laissera veillant autour de toi !
Et si quelque souci vient rouvrir ta paupière,
Assise à tes côtés durant la nuit entière,
Mon luth sur mes genoux soupirant mon amour,
Je charmerai ta peine en attendant le jour !

Je disais; et les vents emportaient ma prière !
L'écho répétait seul ma plainte solitaire ;
Et l'écho seul encor répond à mes sanglots !
Pleurez ! pleurez ma honte, ô filles de ****** !
Toi qui fus une fois mon bonheur et ma gloire !
Ô lyre ! que ma main fit résonner pour lui,
Ton aspect que j'aimais m'importune aujourd'hui,
Et chacun de tes airs rappelle à ma mémoire
Et mes feux, et ma honte, et l'ingrat qui m'a fui !
Brise-toi dans mes mains, lyre à jamais funeste !
Aux autels de Vénus, dans ses sacrés parvis
Je ne te suspends pas ! que le courroux céleste
Sur ces flots orageux disperse tes débris !
Et que de mes tourments nul vestige ne reste !
Que ne puis-je de même engloutir dans ces mers
Et ma fatale gloire, et mes chants, et mes vers !
Que ne puis-je effacer mes traces sur la terre !
Que ne puis-je aux Enfers descendre tout entière !
Et, brûlant ces écrits où doit vivre Phaon,
Emporter avec moi l'opprobre de mon nom !

Cependant si les dieux que sa rigueur outrage
Poussaient en cet instant ses pas vers le rivage ?
Si de ce lieu suprême il pouvait s'approcher ?
S'il venait contempler sur le fatal rocher
Sapho, les yeux en pleurs, errante, échevelée,
Frappant de vains sanglots la rive désolée,
Brûlant encor pour lui, lui pardonnant son sort,
Et dressant lentement les apprêts de sa mort ?
Sans doute, à cet aspect, touché de mon supplice,
Il se repentirait de sa longue injustice ?
Sans doute par mes pleurs se laissant désarmer
Il dirait à Sapho : Vis encor pour aimer !
Qu'ai-je dit ? **** de moi quelque remords peut-être,
A défaut de l'amour, dans son coeur a pu naître :
Peut-être dans sa fuite, averti par les dieux,
Il frissonne, il s'arrête, il revient vers ces lieux ?
Il revient m'arrêter sur les bords de l'abîme ;
Il revient !... il m'appelle... il sauve sa victime !...
Oh ! qu'entends-je ?... écoutez... du côté de ******
Une clameur lointaine a frappé les échos !
J'ai reconnu l'accent de cette voix si chère,
J'ai vu sur le chemin s'élever la poussière !
Ô vierges ! regardez ! ne le voyez-vous pas
Descendre la colline et me tendre les bras ?...
Mais non ! tout est muet dans la nature entière,
Un silence de mort règne au **** sur la terre :
Le chemin est désert !... je n'entends que les flots...
Pleurez ! pleurez ma honte, ô filles de ****** !

Mais déjà s'élançant vers les cieux qu'il colore
Le soleil de son char précipite le cours.
Toi qui viens commencer le dernier de mes jours,
Adieu dernier soleil ! adieu suprême aurore !
Demain du sein des flots vous jaillirez encore,
Et moi je meurs ! et moi je m'éteins pour toujours !
Adieu champs paternels ! adieu douce contrée !
Adieu chère ****** à Vénus consacrée !
Rivage où j'ai reçu la lumière des cieux !
Temple auguste où ma mère, aux jours de ma naissance
D'une tremblante main me consacrant aux dieux,
Au culte de Vénus dévoua mon enfance !
Et toi, forêt sacrée, où les filles du Ciel,
Entourant mon berceau, m'ont nourri de leur miel,
Adieu ! Leurs vains présents que le vulgaire envie,
Ni des traits de l'Amour, ni des coups du destin,
Misérable Sapho ! n'ont pu sauver ta vie !
Tu vécus dans les Pleurs, et tu meurs au matin !
Ainsi tombe une fleur avant le temps fanée !
Ainsi, cruel Amour, sous le couteau mortel.
Une jeune victime à ton temple amenée,
Qu'à ton culte en naissant le pâtre a destinée,
Vient tomber avant l'âge au pied de ton autel !

Et vous qui reverrez le cruel que j'adore
Quand l'ombre du trépas aura couvert mes yeux,
Compagnes de Sapho, portez-lui ces adieux !
Dites-lui... qu'en mourant je le nommais encore !

Elle dit, et le soir, quittant le bord des flots,
Vous revîntes sans elle, ô vierges de ****** !
I.

L'ÉGLISE est vaste et haute. À ses clochers superbes
L'ogive en fleur suspend ses trèfles et ses gerbes ;
Son portail resplendit, de sa rose pourvu ;
Le soir fait fourmiller sous la voussure énorme
Anges, vierges, le ciel, l'enfer sombre et difforme,
Tout un monde effrayant comme un rêve entrevu.

Mais ce n'est pas l'église, et ses voûtes, sublimes,
Ses porches, ses vitraux, ses lueurs, ses abîmes,
Sa façade et ses tours, qui fascinent mes yeux ;
Non ; c'est, tout près, dans l'ombre où l'âme aime à descendre
Cette chambre d'où sort un chant sonore et tendre,
Posée au bord d'un toit comme un oiseau joyeux.

Oui, l'édifice est beau, mais cette chambre est douce.
J'aime le chêne altier moins que le nid de mousse ;
J'aime le vent des prés plus que l'âpre ouragan ;
Mon cœur, quand il se perd vers les vagues béantes,
Préfère l'algue obscure aux falaises géantes.
Et l'heureuse hirondelle au splendide océan.

II.

Frais réduit ! à travers une claire feuillée
Sa fenêtre petite et comme émerveillée
S'épanouit auprès du gothique portail.
Sa verte jalousie à trois clous accrochée,
Par un bout s'échappant, par l'autre rattachée,
S'ouvre coquettement comme un grand éventail.

Au-dehors un beau lys, qu'un prestige environne,
Emplit de sa racine et de sa fleur couronne
- Tout près de la gouttière où dort un chat sournois -
Un vase à forme étrange en porcelaine bleue
Où brille, avec des paons ouvrant leur large queue,
Ce beau pays d'azur que rêvent les Chinois.

Et dans l'intérieur par moments luit et passe
Une ombre, une figure, une fée, une grâce,
Jeune fille du peuple au chant plein de bonheur,
Orpheline, dit-on, et seule en cet asile,
Mais qui parfois a l'air, tant son front est tranquille,
De voir distinctement la face du Seigneur.

On sent, rien qu'à la voir, sa dignité profonde.
De ce cœur sans limon nul vent n'a troublé l'onde.
Ce tendre oiseau qui jase ignore l'oiseleur.
L'aile du papillon a toute sa poussière.
L'âme de l'humble vierge a toute sa lumière.
La perle de l'aurore est encor dans la fleur.

À l'obscure mansarde il semble que l'œil voie
Aboutir doucement tout un monde de joie,
La place, les passants, les enfants, leurs ébats,
Les femmes sous l'église à pas lents disparues,
Des fronts épanouis par la chanson des rues,
Mille rayons d'en haut, mille reflets d'en bas.

Fille heureuse ! autour d'elle ainsi qu'autour d'un temple,
Tout est modeste et doux, tout donne un bon exemple.
L'abeille fait son miel, la fleur rit au ciel bleu,
La tour répand de l'ombre, et, devant la fenêtre,
Sans faute, chaque soir, pour obéir au maître,
L'astre allume humblement sa couronne de feu.

Sur son beau col, empreint de virginité pure,
Point d'altière dentelle ou de riche guipure ;
Mais un simple mouchoir noué pudiquement.
Pas de perle à son front, mais aussi pas de ride,
Mais un œil chaste et vif, mais un regard limpide.
Où brille le regard que sert le diamant ?

III.

L'angle de la cellule abrite un lit paisible.
Sur la table est ce livre où Dieu se fait visible,
La légende des saints, seul et vrai panthéon.
Et dans un coin obscur, près de la cheminée,
Entre la bonne Vierge et le buis de l'année,
Quatre épingles au mur fixent Napoléon.

Cet aigle en cette cage ! - et pourquoi non ? dans l'ombre
De cette chambre étroite et calme, où rien n'est sombre,
Où dort la belle enfant, douce comme son lys,
Où tant de paix, de grâce et de joie est versée,
Je ne hais pas d'entendre au fond de ma pensée
Le bruit des lourds canons roulant vers Austerlitz.

Et près de l'empereur devant qui tout s'incline,
- Ô légitime orgueil de la pauvre orpheline ! -
Brille une croix d'honneur, signe humble et triomphant,
Croix d'un soldat, tombé comme tout héros tombe,
Et qui, père endormi, fait du fond de sa tombe
Veiller un peu de gloire auprès de son enfant.

IV.

Croix de Napoléon ! joyau guerrier ! pensée !
Couronne de laurier de rayons traversée !
Quand il menait ses preux aux combats acharnés,
Il la laissait, afin de conquérir la terre,
Pendre sur tous les fronts durant toute la guerre ;
Puis, la grande œuvre faite, il leur disait : Venez !

Puis il donnait sa croix à ces hommes stoïques,
Et des larmes coulaient de leurs yeux héroïques ;
Muets, ils admiraient leur demi-dieu vainqueur ;
On eût dit qu'allumant leur âme avec son âme,
En touchant leur poitrine avec son doigt de flamme,
Il leur faisait jaillir cette étoile du cœur !

V.

Le matin elle chante et puis elle travaille,
Sérieuse, les pieds sur sa chaise de paille,
Cousant, taillant, brodant quelques dessins choisis ;
Et, tandis que, songeant à Dieu, simple et sans crainte,
Cette vierge accomplit sa tâche auguste et sainte,
Le silence rêveur à sa porte est assis.

Ainsi, Seigneur, vos mains couvrent cette demeure.
Dans cet asile obscur, qu'aucun souci n'effleure,
Rien qui ne soit sacré, rien qui ne soit charmant !
Cette âme, en vous priant pour ceux dont la nef sombre,
Peut monter chaque soir vers vous sans faire d'ombre
Dans la sérénité de votre firmament !

Nul danger ! nul écueil ! - Si ! l'aspic est dans l'herbe !
Hélas ! hélas ! le ver est dans le fruit superbe !
Pour troubler une vie il suffit d'un regard.
Le mal peut se montrer même aux clartés d'un cierge.
La curiosité qu'a l'esprit de la vierge
Fait une plaie au cœur de la femme plus ****.

Plein de ces chants honteux, dégoût de la mémoire,
Un vieux livre est là-haut sur une vieille armoire,
Par quelque vil passant dans cette ombre oublié ;
Roman du dernier siècle ! œuvre d'ignominie !
Voltaire alors régnait, ce singe de génie
Chez l'homme en mission par le diable envoyé.

VI.

Epoque qui gardas, de vin, de sang rougie,
Même en agonisant, l'allure de l'orgie !
Ô dix-huitième siècle, impie et châtié !
Société sans dieu, par qui Dieu fus frappée !
Qui, brisant sous la hache et le sceptre et l'épée,
Jeune offensas l'amour, et vieille la pitié !

Table d'un long festin qu'un échafaud termine !
Monde, aveugle pour Christ, que Satan illumine !
Honte à tes écrivains devant les nations !
L'ombre de tes forfaits est dans leur renommée
Comme d'une chaudière il sort une fumée,
Leur sombre gloire sort des révolutions !

VII.

Frêle barque assoupie à quelques pas d'un gouffre !
Prends garde, enfant ! cœur tendre où rien encor ne souffre !
Ô pauvre fille d'Ève ! ô pauvre jeune esprit !
Voltaire, le serpent, le doute, l'ironie,
Voltaire est dans un coin de ta chambre bénie !
Avec son œil de flamme il t'espionne, et rit.

Oh ! tremble ! ce sophiste a sondé bien des fanges !
Oh ! tremble ! ce faux sage a perdu bien des anges !
Ce démon, noir milan, fond sur les cœurs pieux,
Et les brise, et souvent, sous ses griffes cruelles,
Plume à plume j'ai vu tomber ces blanches ailles
Qui font qu'une âme vole et s'enfuit dans les cieux !

Il compte de ton sein les battements sans nombre.
Le moindre mouvement de ton esprit dans l'ombre,
S'il penche un peu vers lui, fait resplendir son œil.
Et, comme un loup rôdant, comme un tigre qui guette,
Par moments, de Satan, visible au seul poète,
La tête monstrueuse apparaît à ton seuil !

VIII.

Hélas ! si ta main chaste ouvrait ce livre infâme,
Tu sentirais soudain Dieu mourir dans ton âme.
Ce soir tu pencherais ton front triste et boudeur
Pour voir passer au **** dans quelque verte allée
Les chars étincelants à la roue étoilée,
Et demain tu rirais de la sainte pudeur !

Ton lit, troublé la nuit de visions étranges,
Ferait fuir le sommeil, le plus craintif des anges !
Tu ne dormirais plus, tu ne chanterais plus,
Et ton esprit, tombé dans l'océan des rêves,
Irait, déraciné comme l'herbe des grèves,
Du plaisir à l'opprobre et du flux au reflux !

IX.

Oh ! la croix de ton père est là qui te regarde !
La croix du vieux soldat mort dans la vieille garde !
Laisse-toi conseiller par elle, ange tenté !
Laisse-toi conseiller, guider, sauver peut-être
Par ce lys fraternel penché sur ta fenêtre,
Qui mêle son parfum à ta virginité !

Par toute ombre qui passe en baissant la paupière !
Par les vieux saints rangés sous le portail de pierre !
Par la blanche colombe aux rapides adieux !
Par l'orgue ardent dont l'hymne en longs sanglots se brise !
Laisse-toi conseiller par la pensive église !
Laisse-toi conseiller par le ciel radieux !

Laisse-toi conseiller par l'aiguille ouvrière,
Présente à ton labeur, présente à ta prière,
Qui dit tout bas : Travaille ! - Oh ! crois-la ! - Dieu, vois-tu,
Fit naître du travail, que l'insensé repousse,
Deux filles, la vertu, qui fait la gaîté douce,
Et la gaîté, qui rend charmante la vertu !

Entends ces mille voix, d'amour accentuées,
Qui passent dans le vent, qui tombent des nuées,
Qui montent vaguement des seuils silencieux,
Que la rosée apporte avec ses chastes gouttes,
Que le chant des oiseaux te répète, et qui toutes
Te disent à la fois : Sois pure sous les cieux !

Sois pure sous les cieux ! comme l'onde et l'aurore,
Comme le joyeux nid, comme la tour sonore,
Comme la gerbe blonde, amour du moissonneur,
Comme l'astre incliné, comme la fleur penchante,
Comme tout ce qui rit, comme tout ce qui chante,
Comme tout ce qui dort dans la paix du Seigneur !

Sois calme. Le repos va du cœur au visage ;
La tranquillité fait la majesté du sage.
Sois joyeuse. La foi vit sans l'austérité ;
Un des reflets du ciel, c'est le rire des femmes ;
La joie est la chaleur que jette dans les âmes
Cette clarté d'en haut qu'on nomme Vérité.

La joie est pour l'esprit une riche ceinture.
La joie adoucit tout dans l'immense nature.
Dieu sur les vieilles tours pose le nid charmant
Et la broussaille en fleur qui luit dans l'herbe épaisse ;
Car la ruine même autour de sa tristesse
A besoin de jeunesse et de rayonnement !

Sois bonne. La bonté contient les autres choses.
Le Seigneur indulgent sur qui tu te reposes
Compose de bonté le penseur fraternel.
La bonté, c'est le fond des natures augustes.
D'une seule vertu Dieu fait le cœur des justes,
Comme d'un seul saphir la coupole du ciel.

Ainsi, tu resteras, comme un lys, comme un cygne,
Blanche entre les fronts purs marqués d'un divin signe
Et tu seras de ceux qui, sans peur, sans ennuis,
Des saintes actions amassant la richesse,
Rangent leur barque au port, leur vie à la sagesse
Et, priant tous les soirs, dorment toutes les nuits !

Le poète à lui-même.

Tandis que sur les bois, les prés et les charmilles,
S'épanchent la lumière et la splendeur des cieux,
Toi, poète serein, répands sur les familles,
Répands sur les enfants et sur les jeunes filles,
Répands sur les vieillards ton chant religieux !

Montre du doigt la rive à tous ceux qu'une voile
Traîne sur le flot noir par les vents agité ;
Aux vierges, l'innocence, heureuse et noble étoile ;
À la foule, l'autel que l'impiété voile ;
Aux jeunes, l'avenir ; aux vieux, l'éternité !

Fais filtrer ta raison dans l'homme et dans la femme.
Montre à chacun le vrai du côté saisissant.
Que tout penseur en toi trouve ce qu'il réclame.
Plonge Dieu dans les cœurs, et jette dans chaque âme
Un mot révélateur, propre à ce qu'elle sent.

Ainsi, sans bruit, dans l'ombre, ô songeur solitaire,
Ton esprit, d'où jaillit ton vers que Dieu bénit,
Du peuple sous tes pieds perce le crâne austère ; -
Comme un coin lent et sûr, dans les flancs de la terre
La racine du chêne entr'ouvre le granit.

Du 24 au 29 juin 1839.
Verts bosquets, paisible asile,
Où tout sourit à mon cœur ;
D'innocence et de candeur
Séjour aimable et tranquille ;
En vain je veux retracer
Le bonheur qui vous habite :
Est-ce l'instant d'y penser
Que l'instant où je vous quitte ?

Hélas ! quand les plaintes vaines
Ont remplacé les désirs ;
Quand ce qui fit mes plaisirs
Désormais fera mes peines,
**** d'accuser de froideur
Mon silence sur vos charmes,
N'y voyez que ma douleur
Et jugez-moi sur mes larmes.

Echos de ce vert bocage,
Vous n'entendrez plus ma voix !
Sans moi, nymphes de ces bois,
Vous danserez sous l'ombrage.
Ah ! je le sens aux regrets
Que ce penser a fait naître,
Qui dut vous quitter jamais
N'eût jamais dû vous connaître.

Écrit en 1791.
Petite étoile, au sein des vastes cieux,
Toi que suivaient et mon cœur et mes yeux,
Toi dont j'aimais la lumière timide,
Où t'en vas-tu dans ta course rapide ?
Ah ! j'espérais que, dans ce ciel d'azur,
Du moins pour toi le repos était sûr.
Pourquoi t'enfuir, mon étoile chérie ?
Pourquoi quitter le ciel de ma patrie ?

Mon cœur connut le bonheur et l'amour :
Amour, bonheur, tout n'a duré qu'un jour.
Près d'un ami, je cherchai l'espérance...
Et mon ami m'oublia dans l'absence !
Le cœur brisé, j'aimais encor les fleurs,
Quand je les vis se faner sous mes pleurs ;
Au ciel alors, pour n'être plus trahie,
J'avais aimé.... l'étoile qui m'oublie !

Adieux à toi, belle étoile du soir !
Adieux à toi, toi, mon dernier espoir !...
Errante au ciel comme moi sur la terre,
En d'autres lieux va briller ta lumière.
Rien n'est constant pour moi que la douleur,
Rien ici-bas n'a voulu de mon cœur ;
Autour de moi, tout est sombre et se voile,
Et tout me fuit... même au ciel, une étoile !
Or ce vieillard était horrible : un de ses yeux,

Crevé, saignait, tandis que l'autre, chassieux,

Brutalement luisait sous son sourcil en brosse ;

Les cheveux se dressaient d'une façon féroce,

Blancs, et paraissaient moins des cheveux que des crins ;

Le vieux torse solide encore sur les reins,

Comme au ressouvenir des balles affrontées,

Cambré, contrariait les épaules voûtées ;

La main gauche avait l'air de chercher le pommeau

D'un sabre habituel et dont le long fourreau

Semblait, s'embarrassant avec la sabretache,

Gêner la marche et vers la tombante moustache

La main droite parfois montait, la retroussant.


Il était grand et maigre et jurait en toussant.


Fils d'un garçon de ferme et d'une lavandière,

Le service à seize ans le prit. Il fit entière,

La campagne d'Égypte. Austerlitz, Iéna,

Le virent. En Espagne un moine l'éborgna :

- Il tua le bon père, et lui vola sa bourse, -

Par trois fois traversa la Prusse au pas de course,

En Hesse eut une entaille épouvantable au cou,

Passa brigadier lors de l'entrée à Moscou,

Obtint la croix et fut de toutes les défaites

D'Allemagne et de France, et gagna dans ces fêtes

Trois blessures, plus un brevet de lieutenant

Qu'il résigna bientôt, les Bourbons revenant,

À Mont-Saint-Jean, bravant la mort qui l'environne,

Dit un mot analogue à celui de Cambronne,

Puis quand pour un second exil et le tombeau,

La Redingote grise et le petit Chapeau

Quittèrent à jamais leur France tant aimée

Et que l'on eut, hélas ! dissous la grande armée,

Il revint au village, étonné du clocher.


Presque forcé pendant un an de se cacher,

Il braconna pour vivre, et quand des temps moins rudes

L'eurent, sans le réduire à trop de platitudes,

Mis à même d'écrire en hauts lieux à l'effet

D'obtenir un secours d'argent qui lui fut fait,

Logea moyennant deux cents francs par an chez une

Parente qu'il avait, dont toute la fortune

Consistait en un champ cultivé par ses fieux,

L'un marié depuis longtemps et l'autre vieux

Garçon encore, et là notre foudre de guerre

Vivait et bien qu'il fût tout le jour sans rien faire

Et qu'il eût la charrue et la terre en horreur,

C'était ce qu'on appelle un soldat laboureur.

Toujours levé dès l'aube et la pipe à la bouche

Il allait et venait, engloutissait, farouche,

Des verres d'eau-de-vie et parfois s'enivrait,

Les dimanches tirait à l'arc au cabaret,

Après dîner faisait un quart d'heure sans faute

Sauter sur ses genoux les garçons de son hôte

Ou bien leur apprenait l'exercice et comment

Un bon soldat ne doit songer qu'au fourniment.

Le soir il voisinait, tantôt pinçant les filles,

Habitude un peu trop commune aux vieux soudrilles,

Tantôt, geste ample et voix forte qui dominait

Le grillon incessant derrière le chenet,

Assis auprès d'un feu de sarments qu'on entoure

Confusément disait l'Elster, l'Estramadoure,

Smolensk, Dresde, Lutzen et les ravins vosgeois

Devant quatre ou cinq gars attentifs et narquois

S'exclamant et riant très fort aux endroits farce.


Canonnade compacte et fusillade éparse,

Chevaux éventrés, coups de sabre, prisonniers

Mis à mal entre deux batailles, les derniers

Moments d'un officier ajusté par derrière,

Qui se souvient et qu'on insulte, la barrière

Clichy, les alliés jetés au fond des puits,

La fuite sur la Loire et la maraude, et puis

Les femmes que l'on force après les villes prises,

Sans choix souvent, si bien qu'on a des mèches grises

Aux mains et des dégoûts au cœur après l'ébat

Quand passe le marchef ou que le rappel bat,

Puis encore, les camps levés et les déroutes.


Toutes ces gaîtés, tous ces faits d'armes et toutes

Ces gloires défilaient en de longs entretiens,

Entremêlés de gros jurons très peu chrétiens

Et de grands coups de poing sur les cuisses voisines.


Les femmes cependant, sœurs, mères et cousines,

Pleuraient et frémissaient un peu, conformément

À l'usage, tout en se disant : « Le vieux ment. »


Et les hommes fumaient et crachaient dans la cendre.


Et lui qui quelquefois voulait bien condescendre

À parler discipline avec ces bons lourdauds

Se levait, à grands pas marchait, les mains au dos

Et racontait alors quelque fait politique

Dont il se proclamait le témoin authentique,

La distribution des Aigles, les Adieux,

Le Sacre et ce Dix-huit Brumaire radieux,

Beau jour où le soldat qu'un bavard importune

Brisa du même coup orateurs et tribune,

Où le dieu Mars mis par la Chambre hors la Loi

Mit la Loi hors la Chambre et, sans dire pourquoi,

Balaya du pouvoir tous ces ergoteurs glabres,

Tous ces législateurs qui n'avaient pas de sabres !


Tel parlait et faisait le grognard précité

Qui mourut centenaire à peu près l'autre été.

Le maire conduisit le deuil au cimetière.

Un feu de peloton fut tiré sur la bière

Par le garde champêtre et quatorze pompiers

Dont sept revinrent plus ou moins estropiés

À cause des mauvais fusils de la campagne.

Un tertre qu'une pierre assez grande accompagne

Et qu'orne un saule en pleurs est l'humble monument

Où notre héros dort perpétuellement.

De plus, suivant le vœu dernier du camarade,

On grava sur la pierre, après ses nom et grade,

Ces mots que tout Français doit lire en tressaillant :

« Amour à la plus belle et gloire au plus vaillant. »
Puisque rien ne t'arrête en cet heureux pays,
Ni l'ombre du palmier, ni le jaune maïs,
Ni le repos, ni l'abondance,
Ni de voir à ta voix battre le jeune sein
De nos sœurs, dont, les soirs, le tournoyant essaim
Couronne un coteau de sa danse,

Adieu, voyageur blanc ! J'ai sellé de ma main,
De peur qu'il ne te jette aux pierres du chemin,
Ton cheval à l'œil intrépide ;
Ses pieds fouillent le sol, sa croupe est belle à voir,
Ferme, ronde et luisante ainsi qu'un rocher noir
Que polit une onde rapide.

Tu marches donc sans cesse ! Oh ! que n'es-tu de ceux
Qui donnent pour limite à leurs pieds paresseux
Leur toit de branches ou de toiles !
Qui, rêveurs, sans en faire, écoutent les récits,
Et souhaitent, le soir, devant leur porte assis,
De s'en aller dans les étoiles !

Si tu l'avais voulu, peut-être une de nous,
Ô jeune homme, eût aimé te servir à genoux
Dans nos huttes toujours ouvertes ;
Elle eût fait, en berçant ton sommeil de ses chants,
Pour chasser de ton front les moucherons méchants,
Un éventail de feuilles vertes.

Mais tu pars ! - Nuit et jour, tu vas seul et jaloux.
Le fer de ton cheval arrache aux durs cailloux
Une poussière d'étincelles ;
A ta lance qui passe et dans l'ombre reluit,
Les aveugles démons qui volent dans la nuit
Souvent ont déchiré leurs ailes.

Si tu reviens, gravis, pour trouver ce hameau,
Ce mont noir qui de **** semble un dos de chameau ;
Pour trouver ma hutte fidèle,
Songe à son toit aigu comme une ruche à miel,
Qu'elle n'a qu'une porte, et qu'elle s'ouvre au ciel
Du côté d'où vient l'hirondelle.

Si tu ne reviens pas, songe un peu quelquefois
Aux filles du désert, sœurs à la douce voix,
Qui dansent pieds nus sur la dune ;
Ô beau jeune homme blanc, bel oiseau passager,
Souviens-toi, car peut-être, ô rapide étranger,
Ton souvenir reste à plus d'une !

Adieu donc ! - Va tout droit. Garde-toi du soleil
Qui dore nos fronts bruns, mais brûle un teint vermeil ;
De l'Arabie infranchissable ;
De la vieille qui va seule et d'un pas tremblant ;
Et de ceux qui le soir, avec un bâton blanc,
Tracent des cercles sur le sable !

Le 24 novembre 1828.
Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche
Est Large à faire envie à la plus belle blanche ;
A l'artiste pensif ton corps est doux et cher ;
Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.

Aux pays chauds et bleus où ton Dieu t'a fait naître,
Ta tâche est d'allumer la pipe de ton maître,
De pourvoir les flacons d'eaux fraîches et d'odeurs,
De chasser **** du lit les moustiques rôdeurs,
Et, dès que le matin fait chanter les platanes,
D'acheter au bazar ananas et bananes.
Tout le jour, où tu veux, tu mènes tes pieds nus
Et fredonnes tout bas de vieux airs inconnus ;
Et quand descend le soir au manteau d'écarlate,
Tu poses doucement ton corps sur une natte,
Où tes rêves flottants sont pleins de colibris,
Et toujours, comme toi, gracieux et fleuris.

Pourquoi, l'heureuse enfant, veux-tu voir notre France,
Ce pays trop peuplé que fauche la souffrance,
Et, confiant ta vie aux bras forts des marins,
Faire de grands adieux à tes chers tamarins ?
Toi, vêtue à moitié de mousselines frêles,
Frissonnante là-bas sous la neige et les grêles,
Comme tu pleurerais tes loisirs doux et francs,
Si, le corset brutal emprisonnant tes flancs,
Il te fallait glaner ton souper dans nos fanges
Et vendre le parfum de tes charmes étranges,
L'oeil pensif, et suivant, dans nos sales brouillards,
Des cocotiers absents les fantômes épars !
Chantres associés et paisibles rivaux,

Qui mettez en commun la gloire et les travaux,

Et qu'on voit partager sans trouble et sans orage

D'un laurier fraternel le pacifique ombrage ;

Lorsque de toutes parts le public empressé,

Chez l'heureux éditeur chaque jour entassé.

De vos vers en naissant devenus populaires

Se dispute à l'envi les dix-mille exemplaires,

Pardonnez, si je viens à vos nobles accents

Obscur admirateur, offrir ma part d'encens.


Sur les abus criants d'un odieux système,

Lorsque le peuple entier a lancé l'anathème,

Et contre ces vizirs honnis et détestés,

S'est levé comme un homme et les a rejetés ;

Du haro général organes satiriques,

Vos vers ont démasqué ces honteux empiriques ;

Votre muse, esquissant leurs grotesques portraits,

D'un ridicule amer assaisonnant ses traits

Contre chaque méfait, vedette en permanence.

Improvisait un chant, comme eux une ordonnance,

Combattait pour nos droits, et lavant nos affronts,

D'un iambe vainqueur stigmatisait leurs fronts.

Mais lorsqu'ils ont enfin, relégués dans leurs terres,

Amovibles tyrans, pleuré leurs ministères.

Votre muse, à leur fuite adressant ses adieux.

Dans une courte épitre a rendu grâce aux dieux.

Dédaignant d'accabler, tranquille et satisfaite.

Ces ignobles vaincus meurtris de leur défaite.


Lors il fallut trouver dans ce vaste univers

Un plus noble sujet qui méritât vos vers :

Et vous avez montré dans les champs d'Idumée

L'Orient en présence avec la grande Armée,

Le Nil soumis au joug et du vainqueur d'Eylau

Le portrait colossal dominant le tableau.

Et quel autre sujet pouvait, -plus poétique.

Présenter à vos yeux son prisme fantastique ?

Quel autre champ pouvait, de plus brillantes fleurs

Offrir à vos pinceaux les riantes couleurs ?

Une invisible main, sous le ciel de l'Asie,

A, comme les parfums, semé la poésie :

Ces peuples, qui, pliés au joug de leurs sultans,

Résistent, obstinés à la marche du temps ;

Ces costumes, ces mœurs, ce stupide courage

Qui semble appartenir aux hommes d'un autre âge,

Ces palais, ces tombeaux, cet antique Memnon

Qui de leurs fondateurs ont oublié le nom ;

Ce Nil, qui sur des monts égarés dans la nue,

Va cacher le secret de sa source inconnue ;

Tout inspire, tout charme ; et des siècles passés

Ranimant à nos yeux les récits effacés.

Donne à l'éclat récent de nos jours de victoire

La couleur des vieux temps et l'aspect de l'histoire.


Votre muse a saisi de ces tableaux épars

Les contrastes brillants offerts de toutes parts :

Elle peint, dans le choc de ces tribus errantes

Le cliquetis nouveau des armes différentes,

Les bonnets tout poudreux de nos républicains

Heurtant dans le combat les turbans africains.

Et, sous un ciel brûlant, la lutte poétique

De la France moderne et de l'Asie antique.

Temps fertile en héros ! glorieux souvenir !

Quand de Napoléon tout rempli d'avenir,

Sur le sol de l'Arabe encor muet de crainte,

La botte éperonnée a marqué son empreinte,

Et gravé sur les bords du Nil silencieux

L'ineffaçable sceau de l'envoyé des cieux !

Beaux jours ! où Bonaparte était jeune, où la France

D'un avenir meilleur embrassait l'espérance.

Souriait aux travaux de ses nobles enfants,

Et saluait de **** leurs drapeaux triomphants ;

Et ne prévoyait pas que ce chef militaire

Vers les degrés prochains d'un trône héréditaire

Marchait, tyran futur, à travers tant d'exploits ;

Et mettant son épée à la place des lois,

Fils de la liberté, préparait à sa mère

Le coup inespéré que recelait Brumaire !


Mais enfin ce fut l'heure : et les temps accomplis

Marquèrent leur limite à ses desseins remplis.

Abattu sous les coups d'une main vengeresse,

Il paya chèrement ces courts instants d'ivresse.

Comme j'aime ces vers où l'on voit à leur tour,

Les rois unis livrer sa pâture au vautour ;

Des pâles cabinets l'étroite politique

Le jeter palpitant au sein de l'Atlantique,

Et pour mieux lui fermer un périlleux chemin,

Du poids d'indignes fers déshonorer sa main.

Sa main ! dont ils ont su les étreintes fatales,

Qui data ses décrets de leurs vingt capitales.

Qui, des honneurs du camp, pour ses soldats titrés.

Après avoir enfin épuisé les degrés.

Et relevant pour eux les antiques pairies,

Sur les flancs de leurs chars semé les armoiries,

Pour mieux récompenser ces glorieux élus,

A de la royauté fait un grade de plus.


Et vous, qui poursuivant une noble pensée,

Aux travaux de nos preux fîtes une Odyssée,

Qui montrant à nos yeux sous un soleil lointain

Ces préludes brillants de l'homme du destin,

Avez placé vos chants sous l'ombre tutélaire

D'une gloire historique et déjà séculaire,

Mêlés dans les récits des âges à venir,

Vos vers auront leur part de ce grand souvenir :

Comme, sous Périclès, ce sculpteur de l'Attique

Dont la main enfanta le Jupiter antique,

Dans les siècles futurs associa son nom

A l'immortalité des Dieux du Parthénon.
À Mme de P*.

Il est pour la pensée une heure... une heure sainte,
Alors que, s'enfuyant de la céleste enceinte,
De l'absence du jour pour consoler les cieux,
Le crépuscule aux monts prolonge ses adieux.
On voit à l'horizon sa lueur incertaine,
Comme les bords flottants d'une robe qui traîne,
Balayer lentement le firmament obscur,
Où les astres ternis revivent dans l'azur.
Alors ces globes d'or, ces îles de lumière,
Que cherche par instinct la rêveuse paupière,
Jaillissent par milliers de l'ombre qui s'enfuit
Comme une poudre d'or sur les pas de la nuit ;
Et le souffle du soir qui vole sur sa trace,
Les sème en tourbillons dans le brillant espace.
L'oeil ébloui les cherche et les perd à la fois ;
Les uns semblent planer sur les cimes des bois,
Tel qu'un céleste oiseau dont les rapides ailes
Font jaillir en s'ouvrant des gerbes d'étincelles.
D'autres en flots brillants s'étendent dans les airs,
Comme un rocher blanchi de l'écume des mers ;
Ceux-là, comme un coursier volant dans la carrière,
Déroulent à longs plis leur flottante crinière ;
Ceux-ci, sur l'horizon se penchant à demi,
Semblent des yeux ouverts sur le monde endormi,
Tandis qu'aux bords du ciel de légères étoiles
Voguent dans cet azur comme de blanches voiles
Qui, revenant au port, d'un rivage lointain,
Brillent sur l'Océan aux rayons du matin.

De ces astres brillants, son plus sublime ouvrage,
Dieu seul connaît le nombre, et la distance, et l'âge ;
Les uns, déjà vieillis, pâlissent à nos yeux,
D'autres se sont perdus dans les routes des cieux,
D'autres, comme des fleurs que son souffle caresse,
Lèvent un front riant de grâce et de jeunesse,
Et, charmant l'Orient de leurs fraîches clartés,
Etonnent tout à coup l'oeil qui les a comptés.
Dans la danse céleste ils s'élancent... et l'homme,
Ainsi qu'un nouveau-né, les salue, et les nomme.
Quel mortel enivré de leur chaste regard,
Laissant ses yeux flottants les fixer au hasard,
Et cherchant le plus pur parmi ce choeur suprême,
Ne l'a pas consacré du nom de ce qu'il aime ?
Moi-même... il en est un, solitaire, isolé,
Qui, dans mes longues nuits, m'a souvent consolé,
Et dont l'éclat, voilé des ombres du mystère,
Me rappelle un regard qui brillait sur la terre.
Peut-être ?... ah ! puisse-t-il au céleste séjour
Porter au moins ce nom que lui donna l'Amour !

Cependant la nuit marche, et sur l'abîme immense
Tous ces mondes flottants gravitent en silence,
Et nous-même, avec eux emportés dans leur cours
Vers un port inconnu nous avançons toujours !
Souvent, pendant la nuit, au souffle du zéphire,
On sent la terre aussi flotter comme un navire.
D'une écume brillante on voit les monts couverts
Fendre d'un cours égal le flot grondant des airs ;
Sur ces vagues d'azur où le globe se joue,
On entend l'aquilon se briser sous la proue,
Et du vent dans les mâts les tristes sifflements,
Et de ses flancs battus les sourds gémissements ;
Et l'homme sur l'abîme où sa demeure flotte
Vogue avec volupté sur la foi du pilote !
Soleils ! mondes flottants qui voguez avec nous,
Dites, s'il vous l'a dit, où donc allons-nous tous ?
Quel est le port céleste où son souffle nous guide ?
Quel terme assigna-t-il à notre vol rapide ?
Allons-nous sur des bords de silence et de deuil,
Echouant dans la nuit sur quelque vaste écueil,
Semer l'immensité des débris du naufrage ?
Ou, conduits par sa main sur un brillant rivage,
Et sur l'ancre éternelle à jamais affermis,
Dans un golfe du ciel aborder endormis ?

Vous qui nagez plus près de la céleste voûte,
Mondes étincelants, vous le savez sans doute !
Cet Océan plus pur, ce ciel où vous flottez,
Laisse arriver à vous de plus vives clartés ;
Plus brillantes que nous, vous savez davantage ;
Car de la vérité la lumière est l'image !
Oui : si j'en crois l'éclat dont vos orbes errants
Argentent des forêts les dômes transparents,
Qui glissant tout à coup sur des mers irritées,
Calme en les éclairant les vagues agitées ;
Si j'en crois ces rayons dont le sensible jour
Inspire la vertu, la prière, l'amour,
Et quand l'oeil attendri s'entrouvre à leur lumière,
Attirent une larme au bord de la paupière ;
Si j'en crois ces instincts, ces doux pressentiments
Qui dirigent vers nous les soupirs des amants,
Les yeux de la beauté, les rêves qu'on regrette,
Et le vol enflammé de l'aigle et du poète !
Tentes du ciel, Edens ! temples! brillants palais !
Vous êtes un séjour d'innocence et de paix !
Dans le calme des nuits, à travers la distance,
Vous en versez sur nous la lointaine influence !
Tout ce que nous cherchons, l'amour, la vérité,
Ces fruits tombés du ciel dont la terre a goûté,
Dans vos brillants climats que le regard envie
Nourrissent à jamais les enfants de la vie,
Et l'homme, un jour peut-être à ses destins rendu,
Retrouvera chez vous tout ce qu'il a perdu ?
Hélas ! combien de fois seul, veillant sur ces cimes
Où notre âme plus libre a des voeux plus sublimes,
Beaux astres ! fleurs du ciel dont le lis est jaloux,
J'ai murmuré tout bas : Que ne suis-je un de vous ?
Que ne puis-je, échappant à ce globe de boue,
Dans la sphère éclatante où mon regard se joue,
Jonchant d'un feu de plus le parvis du saint lieu,
Eclore tout à coup sous les pas de mon Dieu,
Ou briller sur le front de la beauté suprême,
Comme un pâle fleuron de son saint diadème ?

Dans le limpide azur de ces flots de cristal,
Me souvenant encor de mon globe natal,
Je viendrais chaque nuit, tardif et solitaire,
Sur les monts que j'aimais briller près de la terre ;
J'aimerais à glisser sous la nuit des rameaux,
A dormir sur les prés, à flotter sur les eaux ;
A percer doucement le voile d'un nuage,
Comme un regard d'amour que la pudeur ombrage :
Je visiterais l'homme ; et s'il est ici-bas
Un front pensif, des yeux qui ne se ferment pas,
Une âme en deuil, un coeur qu'un poids sublime oppresse,
Répandant devant Dieu sa pieuse tristesse ;
Un malheureux au jour dérobant ses douleurs
Et dans le sein des nuits laissant couler ses pleurs,
Un génie inquiet, une active pensée
Par un instinct trop fort dans l'infini lancée ;
Mon rayon pénétré d'une sainte amitié
Pour des maux trop connus prodiguant sa pitié,
Comme un secret d'amour versé dans un coeur tendre,
Sur ces fronts inclinés se plairait à descendre !
Ma lueur fraternelle en découlant sur eux
Dormirait sur leur sein, sourirait à leurs yeux :
Je leur révélerais dans la langue divine
Un mot du grand secret que le malheur devine ;
Je sécherais leurs pleurs ; et quand l'oeil du matin
Ferait pâlir mon disque à l'horizon lointain,
Mon rayon en quittant leur paupière attendrie
Leur laisserait encor la vague rêverie,
Et la paix et l'espoir ; et, lassés de gémir,
Au moins avant l'aurore ils pourraient s'endormir !

Et vous, brillantes soeurs! étoiles, mes compagnes,
Qui du bleu firmament émaillez les campagnes,
Et cadençant vos pas à la lyre des cieux,
Nouez et dénouez vos choeurs harmonieux !
Introduit sur vos pas dans la céleste chaîne,
Je suivrais dans l'azur l'instinct qui vous entraîne,
Vous guideriez mon oeil dans ce brillant désert,
Labyrinthe de feux où le regard se perd !
Vos rayons m'apprendraient à louer, à connaître
Celui que nous cherchons, que vous voyez peut-être !
Et noyant dans son sein mes tremblantes clartés,
Je sentirais en lui.., tout ce que vous sentez !
M Solav Mar 2021
La sensation s'apparente à une simple présence
Incongrue et abstraite, tant sa distance
De ces souvenirs qui exigent le poids des vivants
Comme promesse qu'ensemble nous traverserons le temps

Et tend à cette conviction presque vide de sens
Que les acteurs éternels de la tendre enfance
Puissent ainsi, pas à pas, suivre nos traces dans l'ombre
Pour que ce peuple d'éther ne s'ajourne que dans la tombe

Et que tombe cette folle histoire insensée, peu à peu
Que le temps calcinera de son souffle de feu
Ranimant en nous la flamme de ces instants d'ivresse
Pour que reste derrière nous ces souvenirs délestés

Et mieux vaut de son gré engendrer la cadence
Que de subir dans la l'angoisse les désirs de délivrance
Délaissant patiemment toute envie de se réjouir
Pour que s'endorme dans la cendre ces trop lourds souvenirs

Et quand viendra finalement la sensation de dissonance,
Que la lourdeur de l'homme aspirant la transcendance
S'exténue et s'allège dans l'accord des déceptions
Pour qu'enfin vive souverain ce pays d'ombres et d'illusions.

Et que sombre dérisoirement chaque pensée, peu à peu,
Que le temps effacera d'un seul geste d'adieux
Renvoyant au néant l'âme de ces habitants célestes
Pour que ne gise sur la toile qu'une confuse fresque.
Écrit en février 2012.


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Salut ! bois couronnés d'un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !

Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire,
J'aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l'obscurité des bois !

Oui, dans ces jours d'automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d'attraits,
C'est l'adieu d'un ami, c'est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !

Ainsi, prêt à quitter l'horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l'espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d'un regard d'envie
Je contemple ses biens dont je n'ai pas joui !

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
L'air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d'un mourant le soleil est si beau !

Je voudrais maintenant vider jusqu'à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?

Peut-être l'avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l'espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j'ignore
Aurait compris mon âme, et m'aurait répondu ?

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu'elle expire,
S'exhale comme un son triste et mélodieux.
thePaigebook Nov 2012
farewell salty sea water
the sun bids you adieux
the moon takes the tides
and with it
the waves say goodnight
Mia Barrat Oct 2014
Les amours ne sont rien que de piètres adieux;
Rah, n’en sois pas si fâché.
Eh, mer! Tu n’es qu’un serpent amoureux,
Tes mots sont des vagues gachées.

Love is nothing but needy goodbyes;
Rah, don’t act so angry about it.
Hey, sea! You’re nothing but a smitten snake,
Your words are wasted waves.


Les amours ne sont rien que des brindilles sèches;
Rah, n’en sois pas si fâché.
Eh, mer! Tu n’es qu’une bombe sans mèche,
Tes mots sont des ailes arrachées.

Love is nothing but brittle firewood;
Rah, don’t act so angry about it.
Hey, sea! You’re nothing but a defused bomb:
Your words are pluckèd wings.


Les amours ne sont rien que des choses éphémères;
Rah, tu t’en remettras vite.
Eh, mer! Te lasses-tu parfois d’être mère?
Tes mots sont des eaux sans mérite.

*Love is nothing but an ephemeral thing;
Rah, you’ll get over it soon.
Hey, sea! Do you sometimes have enough of being a mother?
Your words are worthless waters.
I like to translate poems back and forth because in my case, it adds something extra that wasn't there before. It forces me to look beyond the rhyme and into the content. I hope you enjoy!

(Ocean is a person, yes)
Ma mère, quel beau jour ! tout brille, tout rayonne.
Dans les airs, l'oiseau chante et l'insecte bourdonne ;
Les ruisseaux argentés roulent sur les cailloux,
Les fleurs donnent au ciel leur parfum le plus doux.
Le lis s'est entr'ouvert ; la goutte de rosée,
Sur les feuilles des bois par la nuit déposée,
S'enfuyant à l'aspect du soleil et du jour,
Chancelle et tombe enfin comme des pleurs d'amour.
Les fils blancs et légers de la vierge Marie,
Comme un voile d'argent, volent sur la prairie :
Frêle tissu, pour qui mon souffle est l'aquilon,
Et que brise en passant l'aile d'un papillon.
Sous le poids de ses fruits le grenadier se penche,
Dans l'air, un chant d'oiseau nous vient de chaque branche ;
Jusqu'au soir, dans les cieux, le soleil brillera :
Ce jour est un beau jour !... Oh ! bien sûr, il viendra !

Il viendra... mais pourquoi ?... Sait-il donc que je l'aime ?
Sait-il que je l'attends, que chaque jour de même,
- Que ce jour soit celui d'hier ou d'aujourd'hui -
J'espère sa présence et ne songe qu'à lui ?
Oh ! non ! il ne sait rien. Qu'aurait-il pu comprendre !...
Les battements du cœur se laissent-ils entendre ?
Les yeux qu'on tient baissés, ont-ils donc un regard ?
Un sourire, dit-il qu'on doit pleurer plus **** ?

Que sait-on des pensers cachés au fond de l'âme !
La douleur qu'on chérit, le bonneur que l'on blâme ,
Au bal, qui les trahit ?... Des fleurs sont sur mon front,
À tout regard joyeux mon sourire répond ;
Je passe auprès de lui sans détourner la tête,
Sans ralentir mes pas.... et mon cœur seul s'arrête.
Mais qui peut voir le cœur ? qu'il soit amour ou fiel,
C'est un livre fermé, qui ne s'ouvre qu'au ciel !

Une fleur est perdue, au ****, dans la prairie,
Mais son parfum trahit sa présence et sa vie ;
L'herbe cache une source, et le chêne un roseau,
Mais la fraîcheur des bois révèle le ruisseau ;
Le long balancement d'un flexible feuillage
Nous dit bien s'il reçoit ou la brise ou l'orage ;
Le feu qu'ont étouffé des cendres sans couleur,
Se cachant à nos yeux, se sent par la chaleur ;
Pour revoir le soleil quand s'enfuit l'hirondelle,
Le pays qu'elle ignore est deviné par elle :
Tout se laisse trahir par l'odeur ou le son,
Tout se laisse entrevoir par l'ombre ou le rayon,
Et moi seule, ici-bas, dans la foule perdue,
J'ai passé près de lui sans qu'il m'ait entendue...
Mon amour est sans voix, sans parfum, sans couleur,
Et nul pressentiment n'a fait battre son cœur !

Ma mère, c'en est fait ! Le jour devient plus sombre ;
Aucun bruit, aucun pas, du soir ne trouble l'ombre.

Adieux à vous ! - à vous, ingrat sans le savoir !
Vous, coupable des pleurs que vous ne pouvez voir !
Pour la dernière fois, mon Ame déchirée
Rêva votre présence, hélas! tant désirée...  
Plus jamais je n'attends. L'amour et l'abandon,
Du cœur que vous brisez les pleurs et le pardon,
Vous ignorerez tout !... Ainsi pour nous, un ange.
Invisible gardien, dans ce monde où tout change.
S'attache à notre vie et vole à nos côtés ;
Sous son voile divin nous sommes abrités,
Et jamais, cependant, on ne voit l'aile blanche
Qui, sur nos fronts baissés, ou s'entrouvre ou se penche.

Dans les salons, au bal, sans cesse, chaque soir,
En dansant près de vous, il me faudra vous voir ;
Et cependant, adieu... comme à mon premier rêve !
Tous deux, à votre insu, dans ce jour qui s'achève,
Nous nous serons quittés ! - Adieu, soyez heureux !...
Ma prière, pour vous, montera vers les Cieux :
Je leur demanderai qu'éloignant les orages,
Ils dirigent vos pas vers de riants rivages,
Que la brise jamais, devenant aquilon,
D'un nuage pour vous ne voile l'horizon ;
Que l'heure à votre gré semble rapide ou lente ;
Lorsque vous écoutez, que toujours l'oiseau chante ;
Lorsque vous regardez, que tout charme vos yeux,
Que le buisson soit vert, le soleil radieux ;
Que celle qui sera de votre cœur aimée,
Pour vous, d'un saint amour soit toujours animée !...
- Si parfois, étonné d'un aussi long bonheur,
Vous demandez à Dieu : « Mais pourquoi donc, Seigneur ? »
Il répondra peut-être : « Un cœur pour toi me prie...
Et sa part de bonheur, il la donne à ta vie ! »
Sonnet.

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ;

Et plus **** un Ange, entr'ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.
À Madame Desloges, née Leurs.

Dans l'enclos d'un jardin gardé par l'innocence
J'ai vu naître vos fleurs avant votre naissance,
Beau jardin, si rempli d'oeillets et de lilas
Que de le regarder on n'était jamais las.

En me haussant au mur dans les bras de mon frère
Que de fois j'ai passé mes bras par la barrière
Pour atteindre un rameau de ces calmes séjours
Qui souple s'avançait et s'enfuyait toujours !
Que de fois, suspendus aux frêles palissades,
Nous avons savouré leurs molles embrassades,
Quand nous allions chercher pour le repos du soir
Notre lait à la cense, et longtemps nous asseoir
Sous ces rideaux mouvants qui bordaient la ruelle !
Hélas ! qu'aux plaisirs purs la mémoire est fidèle !
Errant dans les parfums de tous ces arbres verts,
Plongeant nos fronts hardis sous leurs flancs entr'ouverts,
Nous faisions les doux yeux aux roses embaumées
Qui nous le rendaient bien, contentes d'être aimées !
Nos longs chuchotements entendus sans nous voir,
Nos rires étouffés pleins d'audace et d'espoir
Attirèrent un jour le père de famille
Dont l'aspect, tout d'un coup, surmonta la charmille,
Tandis qu'un tronc noueux me barrant le chemin
M'arrêta par la manche et fit saigner ma main.

Votre père eut pitié... C'était bien votre père !
On l'eût pris pour un roi dans la saison prospère...
Et nous ne partions pas à sa voix sans courroux :
Il nous chassait en vain, l'accent était si doux !
En écoutant souffler nos rapides haleines,
En voyant nos yeux clairs comme l'eau des fontaines,
Il nous jeta des fleurs pour hâter notre essor ;
Et nous d'oser crier : « Nous reviendrons encor ! »

Quand on lavait du seuil la pierre large et lisse
Où dans nos jeux flamands l'osselet roule et glisse,
En rond, silencieux, penchés sur leurs genoux,
D'autres enfants jouaient enhardis comme nous ;
Puis, poussant à la fois leurs grands cris de cigales
Ils jetaient pour adieux des clameurs sans égales,
Si bien qu'apparaissant tout rouges de courroux
De vieux fâchés criaient : « Serpents ! vous tairez-vous ! »
Quelle peur ! ... Jamais plus n'irai-je à cette porte
Où je ne sais quel vent par force me remporte ?
Quoi donc ! quoi ! jamais plus ne voudra-t-il de moi
Ce pays qui m'appelle et qui s'enfuit ? ... Pourquoi ?

Alors les blonds essaims de jeunes Albertines,
Qui hantent dans l'été nos fermes citadines,
Venaient tourner leur danse et cadencer leurs pas
Devant le beau jardin qui ne se fermait pas.
C'était la seule porte incessamment ouverte,
Inondant le pavé d'ombre ou de clarté verte,
Selon que du soleil les rayons ruisselants
Passaient ou s'arrêtaient aux feuillages tremblants.
On eût dit qu'invisible une indulgente fée
Dilatait d'un soupir la ruelle étouffée,
Quand les autres jardins enfermés de hauts murs
Gardaient sous les verroux leur ombre et leurs fruits mûrs.
Tant pis pour le passant ! À moins qu'en cette allée,
Élevant vers le ciel sa tête échevelée,
Quelque arbre, de l'enclos habitant curieux,
Ne franchît son rempart d'un front libre et joyeux.

On ne saura jamais les milliers d'hirondelles
Revenant sous nos toits chercher à tire d'ailes
Les coins, les nids, les fleurs et le feu de l'été,
Apportant en échange un goût de liberté.
Entendra qui pourra sans songer aux voyages
Ce qui faisait frémir nos ailes sans plumages,
Ces fanfares dans l'air, ces rendez-vous épars
Qui s'appelaient au **** : « Venez-vous ? Moi, je pars ! »

C'est là que votre vie ayant été semée
Vous alliez apparaître et charmante et charmée,
C'est là que préparée à d'innocents liens
J'accourais... Regardez comme je m'en souviens !

Et les petits voisins amoureux d'ombre fraîche
N'eurent pas sitôt vu, comme au fond d'une crèche,
Un enfant rose et nu plus beau qu'un autre enfant,
Qu'ils se dirent entre eux : « Est-ce un Jésus vivant ? »

C'était vous ! D'aucuns noeuds vos mains n'étaient liées,
Vos petits pieds dormaient sur les branches pliées,
Toute libre dans l'air où coulait le soleil,
Un rameau sous le ciel berçait votre sommeil,
Puis, le soir, on voyait d'une femme étoilée
L'abondante mamelle à vos lèvres collée,
Et partout se lisait dans ce tableau charmant
De vos jours couronnés le doux pressentiment.

De parfums, d'air sonore incessamment baisée,
Comment n'auriez-vous pas été poétisée ?
Que l'on s'étonne donc de votre amour des fleurs !
Vos moindres souvenirs nagent dans leurs couleurs,
Vous en viviez, c'étaient vos rimes et vos proses :
Nul enfant n'a jamais marché sur tant de roses !

Mon Dieu ! S'il n'en doit plus poindre au bord de mes jours,
Que sur ma soeur de Flandre il en pleuve toujours !
(Dessin d'un maître inconnu.)

Au milieu des flacons, des étoffes lamées
Et des meubles voluptueux,
Des marbres, des tableaux, des robes parfumées
Qui traînent à plis somptueux,

Dans une chambre tiède où, comme en une serre,
L'air est dangereux et fatal,
Où des bouquets mourants dans leurs cercueils de verre
Exhalent leur soupir final,

Un cadavre sans tête épanche, comme un fleuve,
Sur l'oreiller désaltéré
Un sang rouge et vivant, dont la toile s'abreuve
Avec l'avidité d'un pré.

Semblable aux visions pâles qu'enfante l'ombre
Et qui nous enchaînent les yeux,
La tête, avec l'amas de sa crinière sombre
Et de ses bijoux précieux,

Sur la table de nuit, comme une renoncule,
Repose ; et, vide de pensers,
Un regard vague et blanc comme le crépuscule
S'échappe des yeux révulsés.

Sur le lit, le tronc nu sans scrupules étale
Dans le plus complet abandon
La secrète splendeur et la beauté fatale
Dont la nature lui fit don ;

Un bas rosâtre, orné de coins d'or, à la jambe,
Comme un souvenir est resté ;
La jarretière, ainsi qu'un oeil secret qui flambe,
Darde un regard diamanté.

Le singulier aspect de cette solitude
Et d'un grand portrait langoureux,
Aux yeux provocateurs comme son attitude,
Révèle un amour ténébreux,

Une coupable joie et des fêtes étranges
Pleines de baisers infernaux,
Dont se réjouissait l'essaim des mauvais anges
Nageant dans les plis des rideaux ;

Et cependant, à voir la maigreur élégante
De l'épaule au contour heurté,
La hanche un peu pointue et la taille fringante
Ainsi qu'un reptile irrité,

Elle est bien jeune encor ! - Son âme exaspérée
Et ses sens par l'ennui mordus
S'étaient-ils entr'ouverts à la meute altérée
Des désirs errants et perdus ?

L'homme vindicatif que tu n'as pu, vivante,
Malgré tant d'amour, assouvir,
Combla-t-il sur ta chair inerte et complaisante
L'immensité de son désir ?

Réponds, cadavre impur ! et par tes tresses roides
Te soulevant d'un bras fiévreux,
Dis-moi, tête effrayante, a-t-il sur tes dents froides
Collé les suprêmes adieux ?

- **** du monde railleur, **** de la foule impure,
**** des magistrats curieux,
Dors en paix, dors en paix, étrange créature,
Dans ton tombeau mystérieux ;

Ton époux court le monde, et ta forme immortelle
Veille près de lui quand il dort ;
Autant que toi sans doute il te sera fidèle,
Et constant jusques à la mort.
Prêtres de Jésus-Christ, la vérité vous garde.


Ah ! soyez ce que pense une foule bavarde

Ou ce que le penseur lui-même dit de vous.

Bassement orgueilleux, haineusement jaloux,

Avares, impurs, durs, la vérité vous garde.

Et, de fait, nul de vous ne risque, ne hasarde

Un seul pan du prestige, un seul pli du drapeau,

Tant la doctrine exacte du Bien et du Beau

Est là, qui vous maintient entre ses hauts dilemmes.

Plats comme les bourgeois, vautrés dans des Thélèmes

Ou guindés vers l'honneur pharisaïque alors,

Qu'importe, si, Jésus, plus fort que des cœurs morts,

Règne par vos dehors du reste incontestables ?

Cultes respectueux, formules respectables,

Un emploi libéral et franc des Sacrements

(Car les temps ont du moins, dans leurs relâchements,

Parmi plus d'une bonne et délicate chose.

Laissé tomber l'affreux jansénisme morose),

Et ce seul mot sur votre enseigne : Charité !

Mal gracieux, sans goût aucun, même affecté,

Pour si peu que ce soit d'art et de poésie,

Incapables d'un bout de lecture choisie,

D'un regard attentif, d'une oreille en arrêt

Pis qu'inconsciemment hostiles, on dirait,

A tout ce qui, dans l'homme et fleurit et s'allume.

Plus lourds que les marteaux et plus lourds qu'une enclume.

Sans même l'étincelle et le bruit triomphant,

Que fait ? si Jésus a, pour séduire l'enfant

Et le sage qu'est l'homme en sa double énergie,

Votre théologie et votre liturgie ?

D'ailleurs maints d'entre vous, troupeau trié déjà,

Valent mieux que le monde autour qui vous jugea,

Lisent clair, visent droit, entendent net en somme,

Vivent et pensent, plus que non pas un autre homme,

Que tels, mes chers lecteurs, que moi cet écrivain,

Tant leur science est courte et tant mon art est vain !

C'est vrai qu'il sort de vous, comme de votre Maître,

Quand même une vertu qui vous fait reconnaître.

Elle offusque les sots, ameute les méchants.

Remplis les bons d'émois révérents et touchants.

Force indéfinissable ayant de tout en elle,

Comme surnaturelle et comme naturelle,

Mystérieuse et dont vous allez investis,

Grands par comparaison chez les peuples petits.

Vous avez tous les airs de toutes, sinon toutes

Les choses qu'il faut être en l'affre de vos routes,

Si vous ne l'êtes pas, du moins vous paraissez

Tels qu'il faut et semblez dans ce zèle empressés,

Poussant votre industrie et votre économie,

Depuis la sainteté jusqu'à la bonhomie.


Hypocrisie, émet un tiers, ou nullité !

Bonhomie, on doit dire en chœur, et sainteté !

Puisque, ô croyons toujours le bien de préférence,

Mais c'est surtout ce siècle et surtout cette France,

Que charme et que bénit, à quelques fins de Dieu ?

Votre ombre lumineuse et réchauffante un peu.

Seul bienfait apparent de la grâce invisible

Sur la France insensée et le siècle insensible

Siècle de fer et France, hélas ! toute de nerfs,

France d'où détalant partout comme des cerfs,

Les principes, respect, l'honneur de sa parole.

Famille, probité, filent en bande folle,

Siècle d'âpreté juive et d'ennuis protestants,

Noyant tout, le superbe et l'exquis des instants,

Au remous gris de mers de chiffres et de phrases.

Vous, phares doux parmi ces brumes et ces gazes,

Ah! luisez-nous encore et toujours jusqu'au jour,

Jusqu'à l'heure du cœur expirant vers l'amour

Divin, pour refleurir éternel dans la même

Charité **** de cette épreuve froide et blême.

Et puis, en la minute obscure des adieux.

Flambez, torches d'encens, et rallumez nos yeux

A l'unique Beauté, toute bonne et puissante,

Brûlez ce qui n'est plus la prière innocente,

L'aspiration sainte et le repentir vrai !


Puisse un prêtre être là, Jésus, quand je mourrai !
Le soleil de nos jours pâlit dès son aurore,
Sur nos fronts languissants à peine il jette encore
Quelques rayons tremblants qui combattent la nuit ;
L'ombre croit, le jour meurt, tout s'efface et tout fuit !
Qu'un autre à cet aspect frissonne et s'attendrisse,
Qu'il recule en tremblant des bords du précipice,
Qu'il ne puisse de **** entendre sans frémir
Le triste chant des morts tout prêt à retentir,
Les soupirs étouffés d'une amante ou d'un frère
Suspendus sur les bords de son lit funéraire,
Ou l'airain gémissant, dont les sons éperdus
Annoncent aux mortels qu'un malheureux n'est plus !
Je te salue, ô mort ! Libérateur céleste,
Tu ne m'apparais point sous cet aspect funeste
Que t'a prêté longtemps l'épouvante ou l'erreur ;
Ton bras n'est point armé d'un glaive destructeur,
Ton front n'est point cruel, ton oeil n'est point perfide,
Au secours des douleurs un Dieu clément te guide ;
Tu n'anéantis pas, tu délivres! ta main,
Céleste messager, porte un flambeau divin ;
Quand mon oeil fatigué se ferme à la lumière,
Tu viens d'un jour plus pur inonder ma paupière ;
Et l'espoir près de toi, rêvant sur un tombeau,
Appuyé sur la foi, m'ouvre un monde plus beau !
Viens donc, viens détacher mes chaînes corporelles,
Viens, ouvre ma prison ; viens, prête-moi tes ailes,
Que tardes-tu? Parais ; que je m'élance enfin
Vers cet être inconnu, mon principe et ma fin !
Qui m'en a détaché ? qui suis-je, et que dois-je être ?
Je meurs et ne sais pas ce que c'est que de naître.
Toi, qu'en vain j'interroge, esprit, hôte inconnu,
Avant de m'animer, quel ciel habitais-tu ?
Quel pouvoir t'a jeté sur ce globe fragile ?
Quelle main t'enferma dans ta prison d'argile ?
Par quels noeuds étonnants, par quels secrets rapports
Le corps tient-il à toi comme tu tiens au corps ?
Quel jour séparera l'âme de la matière ?
Pour quel nouveau palais quitteras-tu la terre ?
As-tu tout oublié ? Par-delà le tombeau,
Vas-tu renaître encor dans un oubli nouveau ?
Vas-tu recommencer une semblable vie ?
Ou dans le sein de Dieu, ta source et ta patrie,
Affranchi pour jamais de tes liens mortels,
Vas-tu jouir enfin de tes droits éternels ?
Oui, tel est mon espoir, ô moitié de ma vie !
C'est par lui que déjà mon âme raffermie
A pu voir sans effroi sur tes traits enchanteurs
Se faner du printemps les brillantes couleurs.
C'est par lui que percé du trait qui me déchire,
Jeune encore, en mourant vous me verrez sourire,
Et que des pleurs de joie à nos derniers adieux,
A ton dernier regard, brilleront dans mes yeux.
" Vain espoir ! " s'écriera le troupeau d'Epicure,
Et celui dont la main disséquant la nature,
Dans un coin du cerveau nouvellement décrit,
Voit penser la matière et végéter l'esprit ;
Insensé ! diront-ils, que trop d'orgueil abuse,
Regarde autour de toi : tout commence et tout s'use,
Tout marche vers un terme, et tout naît pour mourir ;
Dans ces prés jaunissants tu vois la fleur languir ;
Tu vois dans ces forêts le cèdre au front superbe
Sous le poids de ses ans tomber, ramper sous l'herbe ;
Dans leurs lits desséchés tu vois les mers tarir ;
Les cieux même, les cieux commencent à pâlir ;
Cet astre dont le temps a caché la naissance,
Le soleil, comme nous, marche à sa décadence,
Et dans les cieux déserts les mortels éperdus
Le chercheront un jour et ne le verront plus !
Tu vois autour de toi dans la nature entière
Les siècles entasser poussière sur poussière,
Et le temps, d'un seul pas confondant ton orgueil,
De tout ce qu'il produit devenir le cercueil.
Et l'homme, et l'homme seul, ô sublime folie !
Au fond de son tombeau croit retrouver la vie,
Et dans le tourbillon au néant emporté.
Abattu par le temps, rêve l'éternité !
Qu'un autre vous réponde, ô sages de la terre !
Laissez-moi mon erreur : j'aime, il faut que j'espère ;
Notre faible raison se trouble et se confond.
Oui, la raison se tait : mais l'Instinct vous répond.
Pour moi, quand je verrais dans les célestes plaines,
Les astres, s'écartant de leurs routes certaines,
Dans les champs de l'éther l'un par l'autre heurtés,
Parcourir au hasard les cieux épouvantés ;
Quand j'entendrais gémir et se briser la terre ;
Quand je verrais son globe errant et solitaire
Flottant **** des soleils, pleurant l'homme détruit,
Se perdre dans les champs de l'éternelle nuit ;
Et quand, dernier témoin de ces scènes funèbres,
Entouré du chaos, de la mort, des ténèbres,
Seul je serais debout : seul, malgré mon effroi,
Etre infaillible et bon, j'espérerais en toi,
Et, certain du retour de l'éternelle aurore,
Sur les mondes détruits, je t'attendrais encore !
Souvent, tu t'en souviens, dans cet heureux séjour
Où naquit d'un regard notre immortel amour,
Tantôt sur les sommets de ces rochers antiques,
Tantôt aux bords déserts des lacs mélancoliques,
Sur l'aile du désir, **** du monde emportés,
Je plongeais avec toi dans ces obscurités.
Les ombres à longs plis descendant des montagnes,
Un moment à nos yeux dérobaient les campagnes
Mais bientôt s'avançant sans éclat et sans bruit
Le choeur mystérieux des astres de la nuit,
Nous rendant les objets voilés à notre vue,
De ses molles lueurs revêtait l'étendue ;
Telle, en nos temples saints par le jour éclairés,
Quand les rayons du soir pâlissent par degrés,
La lampe, répandant sa pieuse lumière,
D'un jour plus recueilli remplit le sanctuaire.
Dans ton ivresse alors tu ramenais mes yeux,
Et des cieux à la terre, et de la terre aux cieux ;
Dieu caché, disais-tu, la nature est ton temple !
L'esprit te voit partout quand notre oeil la contemple ;
De tes perfections, qu'il cherche à concevoir,
Ce monde est le reflet, l'image, le miroir ;
Le jour est ton regard, la beauté ton sourire
Partout le coeur t'adore et l'âme te respire ;
Eternel, infini, tout-puissant et tout bon,
Ces vastes attributs n'achèvent pas ton nom ;
Et l'esprit, accablé sous ta sublime essence,
Célèbre ta grandeur jusque dans son silence.
Et cependant, ô Dieu! par sa sublime loi,
Cet esprit abattu s'élance encore à toi,
Et sentant que l'amour est la fin de son être,
Impatient d'aimer, brûle de te connaître.
Tu disais : et nos coeurs unissaient leurs soupirs
Vers cet être inconnu qu'attestaient nos désirs ;
A genoux devant lui, l'aimant dans ses ouvrages,
Et l'aurore et le soir lui portaient nos hommages,
Et nos yeux enivrés contemplaient tour à tour
La terre notre exil, et le ciel son séjour.
Ah! si dans ces instants où l'âme fugitive
S'élance et veut briser le sein qui la captive,
Ce Dieu, du haut du ciel répondant à nos voeux,
D'un trait libérateur nous eût frappés tous deux !
Nos âmes, d'un seul bond remontant vers leur source,
Ensemble auraient franchi les mondes dans leur course
A travers l'infini, sur l'aile de l'amour,
Elles auraient monté comme un rayon du jour,
Et, jusqu'à Dieu lui-même arrivant éperdues,
Se seraient dans son sein pour jamais confondues !
Ces voeux nous trompaient-ils? Au néant destinés,
Est-ce pour le néant que les êtres sont nés ?
Partageant le destin du corps qui la recèle,
Dans la nuit du tombeau l'âme s'engloutit-elle ?
Tombe-t-elle en poussière ? ou, prête à s'envoler,
Comme un son qui n'est plus va-t-elle s'exhaler ?
Après un vain soupir, après l'adieu suprême
De tout ce qui t'aimait, n'est - il plus rien qui t'aime ?
Ah ! sur ce grand secret n'interroge que toi !
Vois mourir ce qui t'aime, Elvire, et réponds-moi !
Pardonnez-moi, Seigneur, mon visage attristé,
Vous qui l'aviez formé de sourire et de charmes ;
Mais sous le front joyeux vous aviez mis les larmes,
Et de vos dons, Seigneur, ce don seul m'est resté.

C'est le mois envié, c'est le meilleur peut-être :
Je n'ai plus à mourir à mes liens de fleurs ;
Ils vous sont tous rendus, cher auteur de mon être,
Et je n'ai plus à moi que le sel de mes pleurs.

Les fleurs sont pour l'enfant ; le sel est pour la femme ;
Faites-en l'innocence et trempez-y mes jours.
Seigneur ! quand tout ce sel aura lavé mon âme,
Vous me rendrez un coeur pour vous aimer toujours !

Tous mes étonnements sont finis sur la terre,
Tous mes adieux sont faits, l'âme est prête à jaillir,
Pour atteindre à ses fruits protégés de mystère
Que la pudique mort a seule osé cueillir,

Ô Sauveur ! soyez tendre au moins à d'autres mères,
Par amour pour la vôtre et par pitié pour nous !
Baptisez leurs enfants de nos larmes amères,
Et relevez les miens tombés à vos genoux !

Que mon nom ne soit rien qu'une ombre douce et vaine,
Qu'il ne cause jamais ni l'effroi ni la peine !
Qu'un indigent l'emporte après m'avoir parlé
Et le garde longtemps dans son coeur consolé !
xÀ Maurice de Foucault.


Le soleil fut avant les yeux,
La terre fut avant les roses,
Le chaos avant toutes choses.
Ah ! que les éléments sont vieux
Sous leurs jeunes métamorphoses !

Toute jeunesse vient des morts :
C'est dans une funèbre pâte
Que, toujours, sans lenteur ni hâte,
Une main pétrit les beaux corps
Tandis qu'une autre main les gâte ;

Et le fond demeure pareil :
Que l'univers s'agite ou dorme,
Rien n'altère sa masse énorme ;
Ce qui périt, fleur ou soleil,
N'en est que la changeante forme.

Mais la forme, c'est le printemps :
Seule mouvante et seule belle,
Il n'est de nouveauté qu'en elle ;
C'est par les formes de vingt ans
Que rit la matière éternelle !

Ô vous, qui tenez enlacés
Les amoureux aux amoureuses,
Bras lisses, lèvres savoureuses,
Formes divines qui passez,
Désirables et douloureuses !

Vous ne laissez qu'un souvenir,
Un songe, une impalpable trace !
Si fortement qu'il vous embrasse,
L'Amour ne peut vous retenir :
Vous émigrez de race en race.

Époux des âmes, corps chéris,
Vous vous poussez, pareils aux fleuves ;
Vos grâces ne sont qu'un jour neuves,
Et les âmes sur vos débris
Gémissent, immortelles veuves.

Mais pourquoi vous donner ces pleurs ?
Les tombes, les saisons chagrines,
Entassent en vain des ruines
Sans briser le moule des fleurs,
Des fruits et des jeunes poitrines.

Pourquoi vous faire des adieux ?
Le même sang change d'artères,
Les filles ont les yeux des mères,
Et les fils le front des aïeux.
Non, vous n'êtes pas éphémères !

Vos modèles sont quelque part,
Ô formes que le temps dévore !
Plus pures vous brillez encore
Au paradis profond de l'art,
Où Platon pense et vous adore !
xÀ Emmanuel Des Essarts.


Quand d'une perte irréparable
On garde au coeur le souvenir,
On est parfois si misérable
Qu'on délibère d'en finir.

La vie extérieure oppresse :
Son mobile et bruyant souci
Fatigue... et dans cette détresse
On murmure : « Que fais-je ici ?

« Libre de fuir tout ce tumulte
Où ma douleur n'a point de part,
Où le train du monde l'insulte,
Pourquoi retarder mon départ ?

« Pourquoi cette illogique attente ?
Les moyens sont prompts et divers,
Pour l'homme que le néant tente,
D'écarter du pied l'univers ! »

Mais l'habitude, lâche et forte,
Demande grâce au désespoir ;
On se condamne et l'on supporte
Un jour de plus sans le vouloir.

Ah ! C'est qu'il faut si peu de chose
Pour faire accepter chaque jour !
L'aube avec un bouton de rose
Nous intéresse à son retour.

La rose éclora tout à l'heure,
Et l'on attend qu'elle ait souri ;
Eclose, on attend qu'elle meure ;
Elle est morte, une autre a fleuri ;

On partait, mais une hirondelle
Descend et glisse au ras du sol,
Et l'oeil ne s'est séparé d'elle
Qu'au ciel où s'est perdu son vol ;

On partait, mais tout près s'éveille,
Sous un battement d'éventail,
Un frais zéphire qui conseille
Avec l'espoir un dernier bail ;

On partait, mais le bruit tout proche
D'un marteau fidèle au labeur,
Sonnant comme un mâle reproche,
Fait rougir d'être un déserteur ;

Tout nous convie à ne pas clore
Notre destinée aujourd'hui ;
Le malheur même est doux encore,
Doux à soulager dans autrui :

Une larme veut qu'on demeure
Au moins le temps de l'essuyer ;
Tout ce qui rit, tout ce qui pleure,
Fait retourner le sablier.

Ainsi l'agonie a des trêves :
On ressaisit, au moindre appel,
Le fil ténu des heures brèves
Au seuil du mystère éternel.

On accorde à cette agonie
Que la main n'abrège jamais,
Une lenteur indéfinie
Où les adieux sont des délais ;

Et sans se résigner à vivre
Ni s'en aller avant son tour,
On laisse les moments se suivre,
Et le coeur battre au jour le jour.
xxMinuit ! l'année expire ; et l'année est éclose.
Une reine nouvelle entre dans l'univers :
Reine enfant, dans ses mains que de hochets divers !
Que son sceptre est léger sur l'enfant qui repose !
Je voudrais l'être encor pour te voir plus longtemps,
Pour sentir ton berceau près de ma frêle vie,
Pour enchaîner ma trame à tes premiers instants,
Pour être de toi seul et charmée et suivie !
Au doux frémissement dont l'air est agité,
Aux ardentes lueurs que la lampe a jeté,
On dirait que le ciel entr'ouvre ma demeure ;
La jeune Année y tinte ; et, d'un vœu tourmenté,
Tu reviens avec moi goûter sa première heure !
D'une aile palpitante elle étend les ressorts ;
Ses jours, déjà comptés, couvent sous sa ceinture.
Qu'ils soient riches de fleurs, nos faciles trésors,
Nos parfums, seul encens dont j'aime la culture !

Après tant de contrainte, ô toi qui m'es rendu,
Dans le désordre heureux de la foule écoulée,
Que ta ruse est charmante ! et que j'en suis troublée !
Minuit nous frappe ensemble, et je n'ai rien perdu !
J'enlace dans tes bras à la fois deux années ;
Une chaîne de plus serre nos destinées !
Quel bonheur ! je la vois naître dans ton regard :
En l'écoutant venir tes vœux m'ont embrasée ;
J'ai salué du cœur ta rêveuse pensée ;
Et la force me manque à te dire : Il est ****.

Il n'est pas **** : Minuit ! Le timbre vibre encore ;
Écoute : c'est l'adieu d'un si doux souvenir !
Écoute : c'est l'espoir d'un si doux avenir !
Du temps pour les cœurs purs que la voix est sonore !
Comme il est plein d'amour en passant près de toi !
Il compte nos soupirs... Entends-tu comme moi ?
Ce qu'il t'a révélé voudras-tu me l'apprendre ?
Oui, viens ! d'autres que toi ne me font rien comprendre.
On croit mes jours troublés d'un triste égarement,
Et tu les as comblés d'espérance et de joie ;
Mais, pour oser répandre un si cher sentiment,
Il faut que je te parle, il faut que je te voie.
Dans tes bras je sais tout ; et demain tu viendras ;
Laisse-moi donc ce soir me sauver de tes bras.
Quand je t'attends, demain, c'est le nom de la vie ;
C'est le ciel sans mourir ; et tu réponds : Demain !
Tes yeux parlent sur moi, ta main est dans ma main ;
Ne promets rien de plus à mon âme ravie.
Que demander ? J'existe et j'aime ! Ah ! sans remord,
Reprends... si tu le peux, ton âme trop charmée :
Que faire d'un serment quand on se sent aimée ?
Quand on cesse de l'être, empêche-t-il la mort ?

Du feu de tes baisers ne sèche pas mes larmes :
Je te la dois cette heure où nous vivons tout bas :
Je ne donnerais pas ses furtives alarmes
Pour l'éternité même où tu ne serais pas,
Ne promets rien de plus ; forte est la destinée !
Va chercher le repos, il n'est pas en ce lieu ;
Va ! nous n'arrêtons pas la diligente année,
Par nos semblants d'adieux qui prolongent l'adieu.
Aime-la ! que demain sa couronne éphémère
Touche tes yeux fermés sous son premier sommeil !
Qu'elle apporte à ton cœur, dans le plus frais réveil,
Un souvenir d'enfance, un baiser de ta mère !
Ta mère ! et puis ta gloire ; et puis pas un regret.
Moi, si je n'ai plus d'heure à cette heure pareille,
Que son doux souvenir, penché vers mon oreille,
Jusqu'à mon dernier jour m'en reparle en secret !

Me voilà seule : il marche au pied de ma croisée ;
Comme un flambeau, sur lui, la lune s'est posée ;
Elle éclaire ses pas qu'il poursuit lentement :
Les bras tendus vers moi j'ai vu glisser son ombre.
Quelle nuit ! l'amour même enchante l'hiver sombre ;
Et l'heure qui s'oublie escorte mon amant !

Jeune Année ! aujourd'hui ne lui dis rien d'austère ;
Flatte-le de ma vie : il craint la mort pour moi,
Dis que pas un roseau ne tombera sous toi ;
Promets-lui... tous les biens qu'il souhaite à la terre,
Dis qu'un timbre éclatant, sur notre âge arrêté,
Frappera dans ton cours son âme généreuse ;
Dis que ton sein, fécond pour sa jeunesse heureuse,
Enfantera la liberté !

Je suis seule... et c'est Dieu qui juge la prière !
L'ingrat ! il n'a pensé qu'à moi seule aujourd'hui !
Dieu ! je voudrais vers vous remonter la première,
Pour vous la demander, et l'envoyer vers lui !
De tant de jours de deuil, de crainte et d'espérance,
De tant d'efforts perdus, de tant de maux soufferts,
En es-tu lasse enfin, pauvre terre de France,
Et de tes vieux enfants l'éternelle inconstance
Laissera-telle un jour le calme à l'univers ?

Comprends-tu tes destins et sais-tu ton histoire ?
Depuis un demi-siècle as-tu compté tes pas ?
Est-ce assez de grandeur, de misère et de gloire,
Et, sinon par pitié, pour ta propre mémoire,
Par fatigue du moins t'arrêteras-tu pas ?

Ne te souvient-il plus de ces temps d'épouvante
Où de quatre-vingt-neuf résonna le tocsin ?
N'était-ce pas hier, et la source sanglante
Où Paris baptisa sa liberté naissante,
La sens-tu pas encor qui coule de ton sein ?

A-t-il rassasié ta fierté vagabonde,
A-t-il pour les combats assouvi ton penchant,
Cet homme audacieux qui traversa le monde,
Pareil au laboureur qui traverse son champ,
Armé du soc de fer qui déchire et féconde ?

S'il te fallait alors des spectacles guerriers,
Est-ce assez d'avoir vu l'Europe dévastée,
De Memphis à Moscou la terre disputée,
Et l'étranger deux fois assis à nos foyers,
Secouant de ses pieds la neige ensanglantée ?

S'il te faut aujourd'hui des éléments nouveaux,
En est-ce assez pour toi d'avoir mis en lambeaux
Tout ce qui porte un nom, gloire, philosophie,
Religion, amour, liberté, tyrannie,
D'avoir fouillé partout, jusque dans les tombeaux ?

En est-ce assez pour toi des vaines théories,
Sophismes monstrueux dont on nous a bercés,
Spectres républicains sortis des temps passés,
Abus de tous les droits, honteuses rêveries
D'assassins en délire ou d'enfants insensés ?

En est-ce assez pour toi d'avoir, en cinquante ans,
Vu tomber Robespierre et passer Bonaparte,
Charles dix pour l'exil partir en cheveux blancs,
D'avoir imité Londres, Athènes, Rome et Sparte ;
Et d'être enfin Français n'est-il pas bientôt temps ?

Si ce n'est pas assez, prends ton glaive et ta lance.
Réveille tes soldats, dresse tes échafauds ;
En guerre ! et que demain le siècle recommence,
Afin qu'un jour du moins le meurtre et la licence
Repus de notre sang, nous laissent le repos !

Mais, si Dieu n'a pas fait la souffrance inutile,
Si des maux d'ici-bas quelque bien peut venir,
Si l'orage apaisé rend le ciel plus tranquille,
S'il est vrai qu'en tombant sur un terrain fertile
Les larmes du passé fécondent l'avenir ;

Sache donc profiter de ton expérience,
Toi qu'une jeune reine, en ses touchants adieux,
Appelait autrefois plaisant pays de France !
Connais-toi donc toi-même, ose donc être heureux,
Ose donc franchement bénir la Providence !

Laisse dire à qui veut que ton grand cœur s'abat,
Que la paix t'affaiblit, que tes forces s'épuisent :
Ceux qui le croient le moins sont ceux qui te le disent.
Ils te savent debout, ferme, et prête au combat ;
Et, ne pouvant briser ta force, ils la divisent.

Laisse-les s'agiter, ces gens à passion,
De nos vieux harangueurs modernes parodies ;
Laisse-les étaler leurs froides comédies,
Et, les deux bras croisés, te prêcher l'action.
Leur seule vérité, c'est leur ambition.

Que t'importent des mots, des phrases ajustées ?
As-tu vendu ton blé, ton bétail et ton vin ?
Es-tu libre ? Les lois sont-elles respectées ?
Crains-tu de voir ton champ pillé par le voisin ?
Le maître a-t-il son toit, et l'ouvrier son pain ?

Si nous avons cela, le reste est peu de chose.
Il en faut plus pourtant ; à travers nos remparts,
De l'univers jaloux pénètrent les regards.
Paris remplit le monde, et, lorsqu'il se repose,
Pour que sa gloire veille, il a besoin des arts.

Où les vit-on fleurir mieux qu'au siècle où nous sommes ?
Quand vit-on au travail plus de mains s'exercer ?
Quand fûmes-nous jamais plus libres de penser ?
On veut nier en vain les choses et les hommes :
Nous aurons à nos fils une page à laisser.

Le bruit de nos canons retentit aujourd'hui ;
Que l'Europe l'écoute, elle doit le connaître !
France, au milieu de nous un enfant vient de naître,
Et, si ma faible voix se fait entendre ici,
C'est devant son berceau que je te parle ainsi.

Son courageux aïeul est ce roi populaire
Qu'on voit depuis huit ans, sans crainte et sans colère,
En pilote hardi nous montrer le chemin.
Son père est près du trône, une épée à la main ;
Tous les infortunés savent quelle est sa mère.

Ce n'est qu'un fils de plus que le ciel t'a donné,
France, ouvre-lui tes bras sans peur, sans flatterie ;
Soulève doucement ta mamelle meurtrie,
Et verse en souriant, vieille mère patrie,
Une goutte de lait à l'enfant nouveau-né.
À M. A. de V*.

Arrêtons-nous sur la colline
A l'heure où, partageant les jours,
L'astre du matin qui décline
Semble précipiter son cours !
En avançant dans sa carrière,
Plus faible il rejette en arrière
L'ombre terrestre qui le suit,
Et de l'horizon qu'il colore
Une moitié le voit encore,
C'est l'heure où, sous l'ombre inclinée,
Le laboureur dans le vallon
Suspend un moment sa journée,
Et s'assied au bord du sillon !
C'est l'heure où, près de la fontaine,
Le voyageur reprend haleine
Après sa course du matin
Et c'est l'heure où l'âme qui pense
Qui l'abandonne en son chemin !

Ainsi notre étoile pâlie,
Jetant de mourantes lueurs
Sur le midi de notre vie,
De notre rapide existence
L'ombre de la mort qui s'avance
Obscurcit déjà la moitié !
Et, près de ce terme funeste,
Comme à l'aurore, il ne nous reste
Que l'espérance et l'amitié !

Ami qu'un même jour vit naître,
Compagnon depuis le berceau,
Et qu'un même jour doit peut-être
Endormir au même tombeau !
Voici la borne qui partage

Qu'un même sort nous a tracé !
De ce sommet qui nous rassemble,
Viens, jetons un regard ensemble
Sur l'avenir et le passé !

Repassons nos jours, si tu l'oses !
Jamais l'espoir des matelots
Le navire qu'on lance aux flots ?
Jamais d'une teinte plus belle
L'aube en riant colora-t-elle
Le front rayonnant du matin ?
Jamais, d'un oeil perçant d'audace,
L'aigle embrassa-t-il plus d'espace
Que nous en ouvrait le destin ?

En vain sur la route fatale,
Dont les cyprès tracent le bord,
Quelques tombeaux par intervalle
Nous avertissaient de la mort !
Ces monuments mélancoliques
Nous semblaient, comme aux jours antiques,
Un vain ornement du chemin !
Nous nous asseyions sous leur ombre,
Et nous rêvions des jours sans nombre,
Hélas ! entre hier et demain !

Combien de fois, près du rivage
Où Nisida dort sur les mers,
La beauté crédule ou volage
Accourut à nos doux concerts !
Combien de fois la barque errante
Berça sur l'onde transparente
Deux couples par l'Amour conduits !
Tandis qu'une déesse amie
Jetait sur la vague endormie
Le voile parfumé des nuits !

Combien de fois, dans le délire
Qui succédait à nos festins,
Aux sons antiques de la lyre,
J'évoquai des songes divins !
Aux parfums des roses mourantes,
Aux vapeurs des coupes fumantes,
Ils volaient à nous tour à tour !
Et sur leurs ailes nuancées,
Dans les dédales de l'Amour !

Mais dans leur insensible pente,
Les jours qui succédaient aux jours
Entraînaient comme une eau courante
Et nos songes et nos amours ;
Pareil à la fleur fugitive
Qui du front joyeux d'un convive
Tombe avant l'heure du festin,
Ce bonheur que l'ivresse cueille,
De nos fronts tombant feuille à feuille,

Et maintenant, sur cet espace
Que nos pas ont déjà quitté,
Retourne-toi ! cherchons la trace
De l'amour, de la volupté !
En foulant leurs rives fanées,
Remontons le cours des années,
Tandis qu'un souvenir glacé,
Comme l'astre adouci des ombres,
Eclaire encor de teintes sombres
La scène vide du passé !

Ici, sur la scène du monde,
Se leva ton premier soleil !
Regarde ! quelle nuit profonde
A remplacé ce jour vermeil !
Tout sous les cieux semblait sourire,
La feuille, l'onde, le zéphire
Murmuraient des accords charmants !
Ecoute ! la feuille est flétrie !
Et les vents sur l'onde tarie
Rendent de sourds gémissements !

Cette mer aux flots argentés,
Qui ne fait que bercer l'image
Des bords dans son sein répétés ?
Un nom chéri vole sur l'onde !...
Mais pas une voix qui réponde,
Que le flot grondant sur l'écueil !
Malheureux ! quel nom tu prononces !
Ne vois-tu pas parmi ces ronces
Ce nom gravé sur un cercueil ?...

Plus **** sur la rive où s'épanche
Vois-tu ce palais qui se penche
Et jette une ombre au sein des eaux ?
Là, sous une forme étrangère,
Un ange exilé de sa sphère
D'un céleste amour t'enflamma !
Pourquoi trembler ? quel bruit t'étonne ?
Ce n'est qu'une ombre qui frissonne
Aux pas du mortel qu'elle aima !

Hélas ! partout où tu repasses,
C'est le deuil, le vide ou la mort,
Et rien n'a germé sur nos traces
Que la douleur ou le remord !
Voilà ce coeur où ta tendresse
Sema des fruits que ta vieillesse,
Hélas ! ne recueillera pas :
Là, l'oubli perdit ta mémoire !
Là, l'envie étouffa ta gloire !
Là, ta vertu fit des ingrats !

Là, l'illusion éclipsée
S'enfuit sous un nuage obscur !
Ici, l'espérance lassée
Replia ses ailes d'azur !
Là, sous la douleur qui le glace,
Ton sourire perdit sa grâce,
Ta voix oublia ses concerts !
Tes sens épuisés se plaignirent,
Et tes blonds cheveux se teignirent
Au souffle argenté des hivers !

Ainsi des rives étrangères,
Quand l'homme, à l'insu des tyrans,
Vers la demeure de ses pères
Porte en secret ses pas errants,
L'ivraie a couvert ses collines,
Son toit sacré pend en ruines,
Dans ses jardins l'onde a tari ;
Et sur le seuil qui fut sa joie,
Dans l'ombre un chien féroce aboie
Contre les mains qui l'ont nourri !

Mais ces sens qui s'appesantissent
Et du temps subissent la loi,
Ces yeux, ce coeur qui se ternissent,
Cette ombre enfin, ce n'est pas toi !
Sans regret, au flot des années,
Livre ces dépouilles fanées
Qu'enlève le souffle des jours,
La feuille aride et vagabonde
Que l'onde entraîne dans son cours !

Ce n'est plus le temps de sourire
A ces roses de peu de jours !
De mêler aux sons de la lyre
Les tendres soupirs des amours !
De semer sur des fonds stériles
Ces voeux, ces projets inutiles,
Par les vents du ciel emportés,
A qui le temps qui nous dévore
Ne donne pas l'heure d'éclore
Pendant nos rapides étés !

Levons les yeux vers la colline
Où luit l'étoile du matin !
Saluons la splendeur divine
Qui se lève dans le lointain !
Cette clarté pure et féconde
Aux yeux de l'âme éclaire un monde
Où la foi monte sans effort !
D'un saint espoir ton coeur palpite ;
Ami ! pour y voler plus vite,
Prenons les ailes de la mort !

En vain, dans ce désert aride,
Sous nos pas tout s'est effacé !
Viens ! où l'éternité réside,
On retrouve jusqu'au passé !
Là, sont nos rêves pleins de charmes,
Et nos adieux trempés de larmes,
Nos voeux et nos espoirs perdus !
Là, refleuriront nos jeunesses ;
Et les objets de nos tristesses
A nos regrets seront rendus !

Ainsi, quand les vents de l'automne
Ont balayé l'ombre des bois,
L'hirondelle agile abandonne
Le faîte du palais des rois !
Suivant le soleil dans sa course,
Elle remonte vers la source
D'où l'astre nous répand les jours ;
Et sur ses pas retrouve encore
Un autre ciel, une autre aurore,
Un autre nid pour ses amours !

Ce roi, dont la sainte tristesse
Immortalisa les douleurs,
Vit ainsi sa verte jeunesse
Se renouveler sous ses pleurs !
Sa harpe, à l'ombre de la tombe,
Soupirait comme la colombe
Sous les verts cyprès du Carmel !
Et son coeur, qu'une lampe éclaire,
Résonnait comme un sanctuaire
Où retentit l'hymne éternel !
C'est une grande allée à deux rangs de tilleuls.
Les enfants, en plein jour, n'osent y marcher seuls,
Tant elle est haute, large et sombre.
Il y fait froid l'été presque autant que l'hiver ;
On ne sait quel sommeil en appesantit l'air,
Ni quel deuil en épaissit l'ombre.

Les tilleuls sont anciens ; leurs feuillages pendants
Font muraille au dehors et font voûte au dedans,
Taillés selon leurs vieilles formes ;
L'écorce en noirs lambeaux quitte leurs troncs fendus ;
Ils ressemblent, les bras l'un vers l'autre tendus,
À des candélabres énormes ;

Mais en haut, feuille à feuille, ils composent leur nuit :
Par les jours de soleil pas un caillou ne luit
Dans le sable dur de l'allée,
Et par les jours de pluie à peine l'on entend
Le dôme vert bruire, et, d'instant en instant,
Tomber une goutte isolée.

Tout au fond, dans un temple en treillis dont le bois,
Par la mousse pourri, plie et rompt sous le poids
De la vigne vierge et du lierre,
Un amour malin rit, et de son doigt cassé
Désigne encore au **** les cœurs du temps passé
Qu'ont meurtris ses flèches de pierre.

À toute heure on sent là les mystères du soir :
Autour de la statue impassible on croit voir
Deux à deux voltiger des flammes.
L'esprit du souvenir pleure en paix dans ces lieux ;
C'est là que, malgré l'âge et les derniers adieux,
Se donnent rendez-vous les âmes,

Les âmes de tous ceux qui se sont aimés là,
De tous ceux qu'en avril le dieu jeune appela
Sous les roses de sa tonnelle ;
Et sans cesse vers lui montent ces pauvres morts ;
Ils viennent, n'ayant plus de lèvres comme alors,
S'unir sur sa bouche éternelle.
Andrew Guzaldo c Nov 2019
“As arrant squall enters from all corners,
As our daily rituals must procure to dormant,
Lacking warmth of suns touch upon our skin,
As the winter winds ere upon our ambience,  

As our once daily formality would bring us,
Alongside a cool pool a beach or just quirks,
A spathe of skin an apprise bronze from the sun,
As dangling brown leaves parched fall to terrain,

As a sunken suns down in early afternoons,
The winter bellowing of moons as they procure,
Branches of once fruits and such now withered,
Now lay along the cold grown fallen as chill beckons,
The winter sings of creeping crows,

Beneath the blaze of summer hung the beauty foliage,
Flowers to be inherent upon a warming spring,  
Graciously arranged to fade beneath a winters squall,
Once bright green leaves dying and sizzling on the trees,
As lonely fledgling birds pay respect as they fly west,
As they seem to say Adieux Summer once again”

By Andrew Guzaldo © 10/30/2019 #170
By Andrew Guzaldo © 10/30/2019 Poem#170 Hello Poetry
Arke Feb 2019
surrounded in a field of weeds
you pretend to plant your seeds
water something that won't grow
we both know it's just for show

loved it when our fingers laced
miss the way you used to taste
still have you between my teeth
now you're just out of reach

so raise your glass always half full
appreciate what I'd call dull
enjoy all your time away
because alone is how we'll stay

take a sip, give me no heed
find someone else in my stead
know I only drink to you
forget, remember, bid adieux
(Le soir de la première représentation de Bettine.)


Ma pièce est jeune, et je suis vieux ;
Enfants, je n'en suis pas la cause.
Vous nous jouerez bien autre chose,
Et tout aussi bien, mais pas mieux.
Ne prenez pas, je vous en prie,
Ces mots pour de la flatterie,
Et mes regrets pour des adieux.
Sonnet.

Il faut, dans ce bas monde, aimer beaucoup de choses,
Pour savoir, après tout, ce qu'on aime le mieux,
Les bonbons, l'Océan, le jeu, l'azur des cieux,
Les femmes, les chevaux, les lauriers et les roses.

Il faut fouler aux pieds des fleurs à peine écloses ;
Il faut beaucoup pleurer, dire beaucoup d'adieux.
Puis le coeur s'aperçoit qu'il est devenu vieux,
Et l'effet qui s'en va nous découvre les causes.

De ces biens passagers que l'on goûte à demi,
Le meilleur qui nous reste est un ancien ami.
On se brouille, on se fuit. Qu'un hasard nous rassemble,

On s'approche, on sourit, la main touche la main,
Et nous nous souvenons que nous marchions ensemble,
Que l'âme est immortelle, et qu'hier c'est demain.
Halfway up the stairs to the bone-white, beehive Basilica of Sacre-Coeur, I lost count of my climb. My legs remembered every trembling step, but they could no longer do the math  On the vast portico, swarming with earnest worker bees, guidebooks in hand, I turned to take in the triumphalist, panoramic view of smog-shrouded Paris -- a vision marred by the massive carbon boot print of 11 million Parisians. As my stomach snarled from my meager morning meal, I searched for a place to eat my equally meager lunch.Soon, I spied a bench wide enough for three people, but with only one occupant, an old Frenchman, blind from childhood. As I watched the tourist crowds run amok, careering into one another, I  asked if I could sit down beside him, and we struck up a conversation in French. Affable, intelligent, alert as a bird among cats, he was reading a braille biography of Marie Antoinette. I was impressed. He then told me how as a result of an untreatable eye disease, he had had his optic nerves cut as a boy. It was a drastic treatment,  to be sure, but common at the time. Now, he said, his life nearly over, he seriously contemplated suicide, plagued by the meaningless daily routine of a visit to Sacre Coeur, where he rested, a fixture unseen by the unsettling crowds. He could find no other purpose. So, thinking myself a therapist to the world, I leaned in close and remarked, "There is always hope." "Why do you say this?" "Because God exists." "Ah, God exists," he retorted in a half question, half scoff. Below, the carousel's calliope played a delightful, dancing tune. He listened intently. After that, we sat silently side by side for several minutes, he hearing the shuffling feet, I watching the mobs of visitors overrun the balcony. We never spoke again, until it was time for me to enter the basilica. We  exchanged "adieux," and I walked away. To this day, I  wonder what the blind man heard, among the noisome crowds, on his lonely bench at the base of the beehive Sacre-Coeur.

— The End —