Je me regarde
Dans les reflets
Du café corsé
Du petit matin brûlant
J'y vois
Mon visage qui se dissout
En vesou
Et ton sourire-poème qui apparaît
Dans les remous de la tasse
Et qui murmure du fond de sa mer noire:
"Dor, Dor, Dor !"
C'est un dor sonore
Doux et amer
Un dor comme un pélican
Qui plonge au ralenti
De son mancenillier en fleurs
Pour y gober une lame de mer mordorée.
"Dor Dor Dor !"
C'est une mitraillette de sept plumes de coqs de chine
Qui transperce ma dérive de ses plombs et hameçons
Veux-tu donc que je morde,
Scombridé anthropophage,
A l 'appât de houle
De tes vingt brasses de tresse verte ?
Veux-tu que j'amarre
Mes paupières lourdes
Aux crève-coeur de ton misainier
et que j 'ancre mes rêves
Dans les cales d'un port sans relâche ?
"Dor dor dor ! "
Et voilà le marc de café qui tangue
Embarde, cavale
Dans le roulis d'or de ta voile aurique
Dorlote mon gouvernail et me lit
Au fil de mes haut-le-coeur dans la caféière
Qui jouxte le cimetière joyeux
Où flânent les ombres des petites morts
Près du pont au-dessus de la rivière Saison.
"Dor dor dor ! "
.
Faut-il que j 'ouvre dans ton miroir la porte à la douleur ?
Faut-il que je chante joie, plaisir, contentement,
Jouissance et nostalgie, manque et absence ?
Faut-il que je mette dehors la petite cuillère
Et que je me rendorme en buvant comme du petit lait
Cette dor qui perle en riant de tes lèvres-nasses
Assoiffées de café anthracite de soleil noir,
D'ombre de soleil, de souvenir de soleil,
D'espoir de soleil d'or ?