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John F McCullagh Oct 2015
Jeudi, 21 Février, 1788, NYC

Il a été dit que la science progresse un décès à la fois. Pour Jeune Docteur Richard Bayley, professeur aspirant des études anatomiques, ce fut littéralement le cas. Il avait besoin d'un approvisionnement constant de cadavres récemment décédés pour ses recherches, et ce fut la raison pour laquelle il était là, la négociation avec les trois voleurs de corps dans le sous-sol de l'hôpital de New York.
"Il ya une jeune femme, Margaret La Stella, décédé jeudi dernier, et qui repose dans le complot de sa famille dans le cimetière de l'église de la Trinité." Ceci est le corps, je dois, pour ma recherche, et je suis prêt à payer le taux en vigueur pour vos services. "
Quel improbable trio étaient ces hommes debout avec lui. Leur chef, James, était un géant d'un homme robuste, près de six pieds de haut, ses deux compagnons étaient des nains par comparaison, à peine cinq pieds chacun. "Rafe ici est un bon pour crocheter les serrures sur les portes de fer et Alfie est rapide avec une pelle en bois. Il les ressuscite dans une hâte: «Je vais pousser le corps dans une brouette et de vous rencontrer de retour ici pour livrer la marchandise et récupérer notre argent. Vous aurez à payer un peu plus que vous le feriez pour un pauvre ou un nègre ".
Il était une négociation rapide et le docteur assez rapidement convenu à son prix, laissant James à se demander si il aurait dû demander plus. Eh bien, une bonne affaire est une bonne affaire, et une médaille d'or chacun Guinée était bon salaire pour un travail obscur de la nuit.
Ils défilaient sur puis, laissant le jeune Richard à ses pensées. Bientôt, très bientôt, il serait de nouveau afficher Margaret. Bientôt son corps allait abandonner ses secrets pour lui et il serait apprendre la mort avait pris celle qui avait été si belle et si jeune. Il n'y avait rien à faire pour lui maintenant, sauf à attendre. Il est assis avec une tasse de thé et a tenté de se distraire avec le journal du soir.
Body Snatchers, ou Resurrectionists, comme ils préfèrent être appelés, sont en mauvaise réputation en cette année de notre Seigneur 1788. gens souhaitent en général tourner un oeil aveugle quand le corps de certains pauvre a fini sur la table de dissection. Un bien faire femme blanche avec une famille était généralement prévu pour se reposer tranquillement. Encore James et ses deux petits complices connaissaient leur entreprise et vous faire le travail rapide de celui-ci sur cette nuit.
James arrêta son cheval et le chariot bien en deçà de la Trinité, ne voulant pas porter trop d'attention à eux. Il serait monter la garde à la porte du cimetière avec une brouette tandis que ses deux complices petits glissa à l'intérieur et fixés au corps.
Trinity Church cimetière était à côté du site de l'ancienne église qui avait brûlé dans le grand incendie de New York du 76 '. Le doyen actuel de l'église avait accumulé des fonds destinés à la construction d'un second, plus grandiose église de la Trinité, mais encore la construction avait pas encore commencé. L'absence de l'église physique devrait signifier pas de gardien et un cimetière qui serait totalement déserte sur une nuit la mi-hiver froid. Avec seulement une lune décroissante pour l'éclairage, les trois hommes étaient dépendants de lanternes à main qui ont donné peu de lumière et à côté de pas de chaleur lorsque les vents du sud de Manhattan serraient à la gorge comme un spectre vengeur.
"Et c'est parti. Rafe se rendre au travail cueillette de la serrure, tandis que je l'aide avec Alfe la bêche et les couvertures. "
«Je vais avoir besoin d'une longueur de corde, trop mate, à nouer autour du corps et le faire glisser le long de la tombe."
Ils ont été surpris par le cri plaintif d'un grand corbeau noir qui a été perché sur la porte du cimetière de fer et qui semblait être en regardant leurs activités avec curiosité et méfiance.
«Je dois la porte ouverte, allez, Alfe, je ne veux pas être là plus longtemps que je le dois."
James regarda les deux hommes petits happés leurs lanternes et des outils et ont disparu dans les ombres du cimetière de Trinity.
Ils ont trouvé la tombe récemment fini de la fille La Stella rapidement, et Alfe commencé tout de suite avec sa pelle de bois pour creuser le cercueil de son lieu de repos temporaire. Il a travaillé tranquillement, mais ses travaux ne vont pas complètement inaperçu.
"Mate, Prêtez-moi un coup de main et nous allons la faire sortir d'ici. Jetez la corde ".
Rafe a fait comme il a été soumissionné. Il a également ouvert sa lanterne et l'agita en un signal à James que le travail était presque terminé. James n'a cependant pas été le seul qui a vu le signal.
Comme le corps a été exhumé une lueur d'or attira l'attention de Alfe. Je t avais un anneau sur les cadavres quitté l'annulaire.
Grave voler était considéré comme une infraction plus grave que trafic de cadavres, mais sûrement pas l'un allait remarquer petit anneau d'or disparu. Quoi qu'il en soit ce corps allait retrouver tell disséqué et articulé, il avait entendu on fait bouillir la chair de l'os de fournir un squelette complet pour l'étude. Personne ne les payait pas assez d'argent à son retour ici quand le bon docteur avait fini avec son travail.

Était-ce juste imagination- de Alfe ou fait froid main morte des cadavres lui semblent se battre pour l'anneau avant qu'il arracha libre. Immédiatement, cependant, toutes les pensées de l'or est devenu secondary- il y avait des problèmes en cours de réalisation
"Vous là, montrez-moi vos mains!" Il y avait un garde dans les motifs de la chancellerie, un peu de malchance qu'ils avaient pas compté sur. Rafe, pas un héros, sa réaction immédiate a été de tourner et courir. Il lâcha la corde et le corps de la jeune fille se laissa retomber dans le trou, près de piégeage Alfe dans une étreinte indésirables.
Alfe bondit de la tombe ouverte et renversé le grand mince tombe garde qui semblait un peu plus d'un squelette lui-même. Il a entendu le crieur public dans la distance la sonnette d'alarme. Alfe a abandonné toute idée de récupérer le corps de la jeune fille et avait l'intention d'évasion. Comme il sauta de la porte, il pouvait entendre la garde frénétiquement essayant de charger son fusil. Alfe besoin de plus de distance. Il a dû se rendre à James à la porte.

Un fusil à âme lisse est une arme la plus fiable et à beaucoup plus que 100 verges pour atteindre un succès était plus de chance que d'habileté. Alfe entendit à peine la décharge de l'arme, mais la douleur dans son dos était difficile à ignorer. James l'a attrapé avant qu'il ne tombe, mais il est vite devenu évident pour les deux que Alfe ne fallut pas longtemps pour ce monde.
James et Rafe ont travaillé rapidement pour obtenir Alfe dans la brouette et le roue de l'écart. Le gardien tentait de recharger mais la distance et l'obscurité devenait leur ami. Il ne serait pas obtenir un deuxième coup avant qu'ils ont fait à la voiture.
Pour le docteur Bayley il semblait que les Resurrectionists étaient de retour plus tôt que prévu il, mais le corps dans la couverture était pas le corps qu'il avait prévu de recevoir.

«Il y avait un garde posté à la chancellerie en face du cimetière. Il faut avoir vu l'un de nos lanternes et est sorti pour enquêter. Il descendit un coup à nous pauvres Alfe obtenu dans le dos. "
Richard regarda par-dessus le corps de Alfe, le nouveau sujet du Royaume des morts. «Combien voulez-vous pour ce corps?" Ils ont conclu rapidement leur affaire, James ne fait pas tout à fait aussi bien qu'il aurait pour le corps de la jeune femme, mais divisées deux façons il serait suffisant pour obtenir de lui un endroit pour dormir et nourriture et la boisson en plus. Alfe allait être un homme difficile à remplacer, mais il y avait beaucoup d'hommes durs bas près des docks qui feraient le travail et ne pas trop parler aux mauvaises personnes.
Il pensait qu'il ne serait pas bientôt d'accord pour ouvrir la tombe d'un dame. Les corps des pauvres ne sont pas si étroitement participé.

Bientôt Docteur Bayley avait le corps d'Alfe déshabillé et lavé et prêt sur la table. Dans sa vie relativement brève ce corps avait rarement eu assez à manger et trop de gin à boire. Les dents qui lui restaient étaient jauni et il y avait des signes de maladie des gencives. Richard était sur le point de faire la première incision dans la poitrine quand il a remarqué une lueur d'or dans la main droite crispée.

Il était un anneau; il était la même bague qu'il avait donné sa Margaret quelques semaines avant. Juste quelques semaines avant la mort l'avait prise de lui. Il ne savait pas qu'elle avait été enterré avec lui. Richard a tenu le petit anneau dans sa main et a commencé à pleurer amèrement, dans la connaissance cruelle qu'il ne reverrait jamais son visage, pas dans cette vie ou la prochaine.
A short story, in French, based on a grave robbery that took place on Thursday February 21, 1788 in Trinity graveyard in New York City.
I


J'ai toujours voulu voir du pays, et la vie

Que mène un voyageur m'a toujours fait envie.

Je me suis dit cent fois qu'un demi-siècle entier

Dans le même logis, dans le même quartier ;

Que dix ans de travail, dix ans de patience

A lire les docteurs et creuser leur science,

Ne valent pas six mois par voie et par chemin,

Six mois de vie errante, un bâton à la main.

- Eh bien ! me voici prêt, ma valise est remplie ;

Où vais-je ! - En Italie. - Ah, fi donc ! l'Italie !

Voyage de badauds, de beaux fils à gants blancs.

Qui vont là par ennui, par ton, comme à Coblentz,

En poste, au grand galop, traversant Rome entière,

Et regardent ton ciel, Naples, par la portière.

- Mais ce que je veux, moi, voir avant de mourir,

Où je veux à souhait rêver, chanter, courir.

C'est l'Espagne, ô mon cœur ! c'est l'hôtesse des Maures,

Avec ses orangers et ses frais sycomores,

Ses fleuves, ses rochers à pic, et ses sentiers

Où s'entendent, la nuit, les chants des muletiers ;

L'Espagne d'autrefois, seul débris qui surnage

Du colosse englouti qui fut le moyen âge ;

L'Espagne et ses couvents, et ses vieilles cités

Toutes ceintes de murs que l'âge a respectés ;

Madrid. Léon, Burgos, Grenade et cette ville

Si belle, qu'il n'en est qu'une au monde. Séville !

La ville des amants, la ville des jaloux,

Fière du beau printemps de son ciel andalou,

Qui, sous ses longs arceaux de blanches colonnades,

S'endort comme une vierge, au bruit des sérénades.

Jusqu'à tant que pour moi le jour se soit levé

Où je pourrai te voir et baiser ton pavé,

Séville ! c'est au sein de cette autre patrie

Que je veux, mes amis, mettre, ma rêverie ;

C'est là que j'enverrai mon âme et chercherai

De doux récits d'amour que je vous redirai.


II


A Séville autrefois (pour la date il n'importe),

Près du Guadalquivir, la chronique rapporte

Qu'une dame vivait, qui passait saintement

Ses jours dans la prière et le recueillement :

Ses charmes avaient su captiver la tendresse

De l'alcade, et c'était, comme on dit, sa maîtresse ;

Ce qui n'empêchait pas que son nom fût cité

Comme un exemple à tous d'austère piété.

Car elle méditait souvent les évangiles,

Jeûnait exactement quatre-temps et vigiles.

Communiait à Pâque, et croyait fermement

Que c'est péché mortel d'avoir plus d'un amant

A la fois. Ainsi donc, en personne discrète.

Elle vivait au fond d'une obscure retraite,

Toute seule et n'ayant de gens dans sa maison

Qu'une duègne au-delà de l'arrière-saison,

Qu'on disait avoir eu, quand elle était jolie.

Ses erreurs de jeunesse, et ses jours de folie.

Voyant venir les ans, et les amans partir,

En femme raisonnable elle avait cru sentir

Qu'en son âme, un beau jour, était soudain venue

Une vocation jusqu'alors inconnue ;

Au monde, qui fuyait, elle avait dit adieu,

Et pour ses vieux péchés s'était vouée à Dieu.


Une fois, au milieu d'une de ces soirées

Que prodigue le ciel à ces douces contrées,

Le bras nonchalamment jeté sur son chevet,

Paquita (c'est le nom de la dame) rêvait :

Son œil s'était voilé, silencieux et triste ;

Et tout près d'elle, au pied du lit, sa camariste

Disait dévotement, un rosaire à la main,

Ses prières du soir dans le rite romain.

Voici que dans la rue, au pied de la fenêtre,

Un bruit se fit entendre ; elle crut reconnaître

Un pas d'homme, prêta l'oreille ; en ce moment

Une voix s'éleva qui chantait doucement :


« Merveille de l'Andalousie.

Étoile qu'un ange a choisie

Entre celles du firmament,

Ne me fuis pas ainsi ; demeure,

Si tu ne veux pas que je meure

De désespoir, en te nommant !


J'ai visité les Asturies,

Aguilar aux plaines fleuries,

Tordesillas aux vieux manoirs :

J'ai parcouru les deux Castilles.

Et j'ai bien vu sous les mantilles

De grands yeux et des sourcils noirs :


Mais, ô lumière de ma vie,

Dans Barcelone ou Ségovie,

Dans Girone au ciel embaumé,

Dans la Navarre ou la Galice,

Je n'ai rien vu qui ne pâlisse

Devant les yeux qui m'ont charmé ! »


Quand la nuit est bien noire, et que toute la terre,

Comme de son manteau, se voile de mystère,

Vous est-il arrivé parfois, tout en rêvant,

D'ouïr des sons lointains apportés par le vent ?

Comme alors la musique est plus douce ! Il vous semble

Que le ciel a des voix qui se parlent ensemble,

Et que ce sont les saints qui commencent en chœur

Des chants qu'une autre voix achève dans le cœur.

- A ces sons imprévus, tout émue et saisie,

La dame osa lever un coin de jalousie

Avec précaution, et juste pour pouvoir

Découvrir qui c'était, mais sans se laisser voir.

En ce moment la lune éclatante et sereine

Parut au front des cieux comme une souveraine ;

A ses pâles rayons un regard avait lui,

Elle le reconnut, et dit : « C'est encor lui ! »

C'était don Gabriel, que par toute la ville

On disait le plus beau cavalier de Séville ;

Bien fait, de belle taille et de bonne façon ;

Intrépide écuyer et ferme sur l'arçon,

Guidant son andalou avec grâce et souplesse,

Et de plus gentilhomme et de haute noblesse ;

Ce que sachant très bien, et comme, en s'en allant,

Son bonhomme de père avait eu le talent

De lui laisser comptant ce qu'il faut de richesses

Pour payer la vertu de plus de cent duchesses,

Il allait tête haute, en homme intelligent

Du prix de la noblesse unie avec l'argent.

Mais quand le temps d'aimer, car enfin, quoi qu'on dit,

Il faut tous en passer par cette maladie,

Qui plus tôt, qui plus **** ; quand ce temps fut venu,

Et qu'un trouble arriva jusqu'alors inconnu,

Soudain il devint sombre : au fond de sa pensée

Une image de femme un jour était passée ;

Il la cherchait partout. Seul, il venait s'asseoir

Sous les arbres touffus d'Alaméda, le soir.

A cette heure d'amour où la terre embrasée

Voit son sein rafraîchir sous des pleurs de rosée.

Un jour qu'il était là, triste, allant sans savoir

Où se portaient ses pas, et regardant sans voir,

Une femme passa : vision imprévue.

Qu'il reconnut soudain sans l'avoir jamais vue !

C'était la Paquita : c'était elle ! elle avait

Ces yeux qu'il lui voyait, la nuit, quand il rêvait.

Le souris, la démarche et la taille inclinée

De l'apparition qu'il avait devinée.

Il est de ces moments qui décident des jours

D'un homme ! Depuis lors il la suivait toujours,

Partout, et c'était lui dont la voix douce et tendre

Avait trouvé les chants qu'elle venait d'entendre.


III


Comment don Gabriel se fit aimer, comment

Il entra dans ce cœur tout plein d'un autre amant,

Je n'en parlerai pas, lecteur, ne sachant guère,

Depuis qu'on fait l'amour, de chose plus vulgaire ;

Donc, je vous en fais grâce, et dirai seulement,

Pour vous faire arriver plus vite au dénouement.

Que la dame à son tour. - car il n'est pas possible

Que femme à tant d'amour garde une âme insensible,

- Après avoir en vain rappelé sa vertu.

Avoir prié longtemps, et longtemps combattu.

N'y pouvant plus tenir, sans doute, et dominée

Par ce pouvoir secret qu'on nomme destinée,

Ne se contraignit plus, et cessa d'écouter

Un reste de remords qui voulait l'arrêter :

Si bien qu'un beau matin, au détour d'une allée,

Gabriel vit venir une duègne voilée,

D'un air mystérieux l'aborder en chemin,

Regarder autour d'elle, et lui prendre la main

En disant : « Une sage et discrète personne,

Que l'on ne peut nommer ici, mais qu'on soupçonne

Vous être bien connue et vous toucher de près,

Mon noble cavalier, me charge tout exprès

De vous faire savoir que toute la soirée

Elle reste au logis, et serait honorée

De pouvoir vous apprendre, elle-même, combien

A votre seigneurie elle voudrait de bien. »


Banquiers, agents de change, épiciers et notaires,

Percepteurs, contrôleurs, sous-chefs de ministères

Boutiquiers, électeurs, vous tous, grands et petits.

Dans les soins d'ici-bas lourdement abrutis,

N'est-il pas vrai pourtant que, dans cette matière,

Où s'agite en tous sens votre existence entière.

Vous n'avez pu flétrir votre âme, et la fermer

Si bien, qu'il n'y demeure un souvenir d'aimer ?

Oh ! qui ne s'est, au moins une fois dans sa vie,

D'une extase d'amour senti l'âme ravie !

Quel cœur, si desséché qu'il soit, et si glacé,

Vers un monde nouveau ne s'est point élancé ?

Quel homme n'a pas vu s'élever dans les nues

Des chœurs mystérieux de vierges demi-nues ;

Et lorsqu'il a senti tressaillir une main,

Et qu'une voix aimée a dit tout bas : « Demain »,

Oh ! qui n'a pas connu cette fièvre brûlante,

Ces imprécations à l'aiguille trop lente,

Et cette impatience à ne pouvoir tenir

En place, et comme un jour a de mal à finir !

- Hélas ! pourquoi faut-il que le ciel nous envie

Ces instants de bonheur, si rares dans la vie,

Et qu'une heure d'amour, trop prompte à s'effacer,

Soit si longue à venir, et si courte à passer !


Après un jour, après un siècle entier d'attente,

Gabriel, l'œil en feu, la gorge haletante,

Arrive ; on l'attendait. Il la vit, - et pensa

Mourir dans le baiser dont elle l'embrassa.


IV


La nature parfois a d'étranges mystères !


V


Derrière le satin des rideaux solitaires

Que s'est-il donc passé d'inouï ? Je ne sais :

On entend des soupirs péniblement poussés.

Et soudain Paquita s'écriant : « Honte et rage !

Sainte mère de Dieu ! c'est ainsi qu'on m'outrage !

Quoi ! ces yeux, cette bouche et cette gorge-là,

N'ont de ce beau seigneur obtenu que cela !

Il vient dire qu'il m'aime ! et quand je m'abandonne

Aux serments qu'il me fait, grand Dieu ! que je me donne,

Que je risque pour lui mon âme, et je la mets

En passe d'être un jour damnée à tout jamais,

'Voilà ma récompense ! Ah ! pour que tu réveilles

Ce corps tout épuisé de luxure et de veilles,

Ma pauvre Paquita, tu n'es pas belle assez !

Car, ne m'abusez pas, maintenant je le sais.

Sorti d'un autre lit, vous venez dans le nôtre

Porter des bras meurtris sous les baisers d'une autre :

Elle doit s'estimer heureuse, Dieu merci.

De vous avoir pu mettre en l'état que voici.

Celle-là ! car sans doute elle est belle, et je pense

Qu'elle est femme à valoir qu'on se mette en dépense !

Je voudrais la connaître, et lui demanderais

De m'enseigner un peu ses merveilleux secrets.

Au moins, vous n'avez pas si peu d'intelligence

De croire que ceci restera sans vengeance.

Mon illustre seigneur ! Ah ! l'aimable roué !

Vous apprendrez à qui vous vous êtes joué !

Çà, vite en bas du lit, qu'on s'habille, et qu'on sorte !

Certes, j'espère bien vous traiter de la sorte

Que vous me connaissiez, et de quel châtiment

La Paquita punit l'outrage d'un amant ! »


Elle parlait ainsi lorsque, tout effarée,

La suivante accourut : « A la porte d'entrée,

L'alcade et trois amis, qu'il amenait souper,

Dit-elle, sont en bas qui viennent de frapper !

- Bien ! dit la Paquita ; c'est le ciel qui l'envoie !

- Ah ! señora ! pour vous, gardez que l'on me voie !

- Au contraire, dit l'autre. Allez ouvrir ! merci.

Mon Dieu ; je t'appelais, Vengeance ; te voici ! »

Et sitôt que la duègne en bas fut descendue,

La dame de crier : « A moi ! je suis perdue !

Au viol ! je me meurs ! au secours ! au secours !

Au meurtre ! à l'assassin ! Ah ! mon seigneur, accours ! »

Tout en disant cela, furieuse, éperdue,

Au cou de Gabriel elle s'était pendue.

Le serrait avec rage, et semblait repousser

Ses deux bras qu'elle avait contraints à l'embrasser ;

Et lui, troublé, la tête encor tout étourdie,

Se prêtait à ce jeu d'horrible comédie,

Sans deviner, hélas ! que, pour son châtiment,

C'était faire un prétexte et servir d'instrument !


L'alcade cependant, à ces cris de détresse,

Accourt en toute hâte auprès de sa maîtresse :

« Seigneur ! c'est le bon Dieu qui vous amène ici ;

Vengez-vous, vengez-moi ! Cet homme que voici,

Pour me déshonorer, ce soir, dans ma demeure...

- Femme, n'achevez pas, dit l'alcade ; qu'il meure !

- Qu'il meure ; reprit-elle. - Oui ; mais je ne veux pas

Lui taire de ma main un si noble trépas ;

Çà, messieurs, qu'on l'emmène, et que chacun pâlisse

En sachant à la fois le crime et le supplice ! »

Gabriel, cependant, s'étant un peu remis.

Tenta de résister ; mais pour quatre ennemis,

Hélas ! il était seul, et sa valeur trompée

Demanda vainement secours à son épée ;

Elle s'était brisée en sa main : il fallut

Se rendre, et se soumettre à tout ce qu'on voulut.


Devant la haute cour on instruisit l'affaire ;

Le procès alla vite, et quoi que pussent faire

Ses amis, ses parents et leur vaste crédit.

Qu'au promoteur fiscal don Gabriel eût dit :

« C'est un horrible piège où l'on veut me surprendre.

Un crime ! je suis noble, et je dois vous apprendre,

Seigneur, qu'on n'a jamais trouvé dans ma maison

De rouille sur l'épée ou de tache au blason !

Seigneur, c'est cette femme elle-même, j'en jure

Par ce Christ qui m'entend et punit le parjure.

Qui m'avait introduit dans son appartement ;

Et comment voulez-vous qu'à pareille heure ?... - Il ment !

Disait la Paquita ; d'ailleurs la chose est claire.

J'ai mes témoins : il faut une peine exemplaire.

Car je vous l'ai promis, et qu'un juste trépas

Me venge d'un affront que vous n'ignorez pas ! »


VI


Or, s'il faut maintenant, lecteur, qu'on vous apprenne -

La fin de tout ceci, par la cour souveraine

Il fut jugé coupable à l'unanimité ;

Et comme il était noble, il fut décapité.
I.

Hélas ! que j'en ai vu mourir de jeunes filles !
C'est le destin. Il faut une proie au trépas.
Il faut que l'herbe tombe au tranchant des faucilles ;
Il faut que dans le bal les folâtres quadrilles
Foulent des roses sous leurs pas.

Il faut que l'eau s'épuise à courir les vallées ;
Il faut que l'éclair brille, et brille peu d'instants,
Il faut qu'avril jaloux brûle de ses gelées
Le beau pommier, trop fier de ses fleurs étoilées,
Neige odorante du printemps.

Oui, c'est la vie. Après le jour, la nuit livide.
Après tout, le réveil, infernal ou divin.
Autour du grand banquet siège une foule avide ;
Mais bien des conviés laissent leur place vide.
Et se lèvent avant la fin.

II.

Que j'en ai vu mourir ! - L'une était rose et blanche ;
L'autre semblait ouïr de célestes accords ;
L'autre, faible, appuyait d'un bras son front qui penche,
Et, comme en s'envolant l'oiseau courbe la branche,
Son âme avait brisé son corps.

Une, pâle, égarée, en proie au noir délire,
Disait tout bas un nom dont nul ne se souvient ;
Une s'évanouit, comme un chant sur la lyre ;
Une autre en expirant avait le doux sourire
D'un jeune ange qui s'en revient.

Toutes fragiles fleurs, sitôt mortes que nées !
Alcyions engloutis avec leurs nids flottants !
Colombes, que le ciel au monde avait données !
Qui, de grâce, et d'enfance, et d'amour couronnées,
Comptaient leurs ans par les printemps !

Quoi, mortes ! quoi, déjà, sous la pierre couchées !
Quoi ! tant d'êtres charmants sans regard et sans voix !
Tant de flambeaux éteints ! tant de fleurs arrachées !...
Oh ! laissez-moi fouler les feuilles desséchées,
Et m'égarer au fond des bois !

Deux fantômes ! c'est là, quand je rêve dans l'ombre,
Qu'ils viennent tour à tour m'entendre et me parler.
Un jour douteux me montre et me cache leur nombre.
A travers les rameaux et le feuillage sombre
Je vois leurs yeux étinceler.

Mon âme est une sœur pour ces ombres si belles.
La vie et le tombeau pour nous n'ont plus de loi.
Tantôt j'aide leurs pas, tantôt je prends leurs ailes.
Vision ineffable où je suis mort comme elles,
Elles, vivantes comme moi !

Elles prêtent leur forme à toutes mes pensées.
Je les vois ! je les vois ! Elles me disent : Viens !
Puis autour d'un tombeau dansent entrelacées ;
Puis s'en vont lentement, par degrés éclipsées.
Alors je songe et me souviens...

III.

Une surtout. - Un ange, une jeune espagnole !
Blanches mains, sein gonflé de soupirs innocents,
Un œil noir, où luisaient des regards de créole,
Et ce charme inconnu, cette fraîche auréole
Qui couronne un front de quinze ans !

Non, ce n'est point d'amour qu'elle est morte : pour elle,
L'amour n'avait encor ni plaisirs ni combats ;
Rien ne faisait encor battre son cœur rebelle ;
Quand tous en la voyant s'écriaient : Qu'elle est belle !
Nul ne le lui disait tout bas.

Elle aimait trop le bal, c'est ce qui l'a tuée.
Le bal éblouissant ! le bal délicieux !
Sa cendre encor frémit, doucement remuée,
Quand, dans la nuit sereine, une blanche nuée
Danse autour du croissant des cieux.

Elle aimait trop le bal. - Quand venait une fête,
Elle y pensait trois jours, trois nuits elle en rêvait,
Et femmes, musiciens, danseurs que rien n'arrête,
Venaient, dans son sommeil, troublant sa jeune tête,
Rire et bruire à son chevet.

Puis c'étaient des bijoux, des colliers, des merveilles !
Des ceintures de moire aux ondoyants reflets ;
Des tissus plus légers que des ailes d'abeilles ;
Des festons, des rubans, à remplir des corbeilles ;
Des fleurs, à payer un palais !

La fête commencée, avec ses sœurs rieuses
Elle accourait, froissant l'éventail sous ses doigts,
Puis s'asseyait parmi les écharpes soyeuses,
Et son cœur éclatait en fanfares joyeuses,
Avec l'orchestre aux mille voix.

C'était plaisir de voir danser la jeune fille !
Sa basquine agitait ses paillettes d'azur ;
Ses grands yeux noirs brillaient sous la noire mantille.
Telle une double étoile au front des nuits scintille
Sous les plis d'un nuage obscur.

Tout en elle était danse, et rire, et folle joie.
Enfant ! - Nous l'admirions dans nos tristes loisirs ;
Car ce n'est point au bal que le cœur se déploie,
La centre y vole autour des tuniques de soie,
L'ennui sombre autour des plaisirs.

Mais elle, par la valse ou la ronde emportée,
Volait, et revenait, et ne respirait pas,
Et s'enivrait des sons de la flûte vantée,
Des fleurs, des lustres d'or, de la fête enchantée,
Du bruit des vois, du bruit des pas.

Quel bonheur de bondir, éperdue, en la foule,
De sentir par le bal ses sens multipliés,
Et de ne pas savoir si dans la nue on roule,
Si l'on chasse en fuyant la terre, ou si l'on foule
Un flot tournoyant sous ses pieds !

Mais hélas ! il fallait, quand l'aube était venue,
Partir, attendre au seuil le manteau de satin.
C'est alors que souvent la danseuse ingénue
Sentit en frissonnant sur son épaule nue
Glisser le souffle du matin.

Quels tristes lendemains laisse le bal folâtre !
Adieu parure, et danse, et rires enfantins !
Aux chansons succédait la toux opiniâtre,
Au plaisir rose et frais la fièvre au teint bleuâtre,
Aux yeux brillants les yeux éteints.

IV.

Elle est morte. - A quinze ans, belle, heureuse, adorée !
Morte au sortir d'un bal qui nous mit tous en deuil.
Morte, hélas ! et des bras d'une mère égarée
La mort aux froides mains la prit toute parée,
Pour l'endormir dans le cercueil.

Pour danser d'autres bals elle était encor prête,
Tant la mort fut pressée à prendre un corps si beau !
Et ces roses d'un jour qui couronnaient sa tête,
Qui s'épanouissaient la veille en une fête,
Se fanèrent dans un tombeau.

V.

Sa pauvre mère ! - hélas ! de son sort ignorante,
Avoir mis tant d'amour sur ce frêle roseau,
Et si longtemps veillé son enfance souffrante,
Et passé tant de nuits à l'endormir pleurante
Toute petite en son berceau !

A quoi bon ? - Maintenant la jeune trépassée,
Sous le plomb du cercueil, livide, en proie au ver,
Dort ; et si, dans la tombe où nous l'avons laissée,
Quelque fête des morts la réveille glacée,
Par une belle nuit d'hiver,

Un spectre au rire affreux à sa morne toilette
Préside au lieu de mère, et lui dit : Il est temps !
Et, glaçant d'un baiser sa lèvre violette,
Passe les doigts noueux de sa main de squelette
Sous ses cheveux longs et flottants.

Puis, tremblante, il la mène à la danse fatale,
Au chœur aérien dans l'ombre voltigeant ;
Et sur l'horizon gris la lune est large et pâle,
Et l'arc-en-ciel des nuits teint d'un reflet d'opale
Le nuage aux franges d'argent.

VI.

Vous toutes qu'à ses jeux le bal riant convie,
Pensez à l'espagnole éteinte sans retour,
Jeunes filles ! Joyeuse, et d'une main ravie,
Elle allait moissonnant les roses de la vie,
Beauté, plaisir, jeunesse, amour !

La pauvre enfant, de fête en fête promenée,
De ce bouquet charmant arrangeait les couleurs ;
Mais qu'elle a passé vite, hélas ! l'infortunée !
Ainsi qu'Ophélia par le fleuve entraînée,
Elle est morte en cueillant des fleurs !

Avril 1828.
S'il avait su quelle âme il a blessée,
Larmes du coeur, s'il avait pu vous voir,
Ah ! si ce coeur, trop plein de sa pensée,
De l'exprimer eût gardé le pouvoir,
Changer ainsi n'eût pas été possible ;
Fier de nourrir l'espoir qu'il a déçu :
A tant d'amour il eût été sensible,
S'il avait su.

S'il avait su tout ce qu'on peut attendre
D'une âme simple, ardente et sans détour,
Il eût voulu la mienne pour l'entendre,
Comme il l'inspire, il eût connu l'amour.
Mes yeux baissés recelaient cette flamme ;
Dans leur pudeur n'a-t-il rien aperçu ?
Un tel secret valait toute son âme,
S'il l'avait su.

Si j'avais su, moi-même, à quel empire
On s'abandonne en regardant ses yeux,
Sans le chercher comme l'air qu'on respire,
J'aurais porté mes jours sous d'autres cieux.
Il est trop **** pour renouer ma vie,
Ma vie était un doux espoir déçu.
Diras-tu pas, toi qui me l'as ravie,
Si j'avais su !
À Madame *.

Il est donc vrai, vous vous plaignez aussi,
Vous dont l'oeil noir, *** comme un jour de fête,
Du monde entier pourrait chasser l'ennui.
Combien donc pesait le souci
Qui vous a fait baisser la tête ?
C'est, j'imagine, un aussi lourd fardeau
Que le roitelet de la fable ;
Ce grand chagrin qui vous accable
Me fait souvenir du roseau.
Je suis bien **** d'être le chêne,
Mais, dites-moi, vous qu'en un autre temps
(Quand nos aïeux vivaient en bons enfants)
J'aurais nommée Iris, ou Philis, ou Climène,
Vous qui, dans ce siècle bourgeois,
Osez encor me permettre parfois
De vous appeler ma marraine,
Est-ce bien vous qui m'écrivez ainsi,
Et songiez-vous qu'il faut qu'on vous réponde ?
Savez-vous que, dans votre ennui,
Sans y penser, madame et chère blonde,
Vous me grondez comme un ami ?
Paresse et manque de courage,
Dites-vous ; s'il en est ainsi,
Je vais me remettre à l'ouvrage.
Hélas ! l'oiseau revient au nid,
Et quelquefois même à la cage.
Sur mes lauriers on me croit endormi ;
C'est trop d'honneur pour un instant d'oubli,
Et dans mon lit les lauriers n'ont que faire ;
Ce ne serait pas mon affaire.
Je sommeillais seulement à demi,
À côté d'un brin de verveine
Dont le parfum vivait à peine,
Et qu'en rêvant j'avais cueilli.
Je l'avouerai, ce coupable silence,
Ce long repos, si maltraité de vous,
Paresse, amour, folie ou nonchalance,
Tout ce temps perdu me fut doux.
Je dirai plus, il me fut profitable ;
Et, si jamais mon inconstant esprit
Sait revêtir de quelque fable
Ce que la vérité m'apprit,
Je vous paraîtrai moins coupable.
Le silence est un conseiller
Qui dévoile plus d'un mystère ;
Et qui veut un jour bien parler
Doit d'abord apprendre à se taire.
Et, quand on se tairait toujours,
Du moment qu'on vit et qu'on aime,
Qu'importe le reste ? et vous-même,
Quand avez-vous compté les jours ?
Et puisqu'il faut que tout s'évanouisse,
N'est-ce donc pas une folle avarice,
De conserver comme un trésor
Ce qu'un coup de vent nous enlève ?
Le meilleur de ma vie a passé comme un rêve
Si léger, qu'il m'est cher encor.
Mais revenons à vous, ma charmante marraine.
Vous croyez donc vous ennuyer ?
Et l'hiver qui s'en vient, rallumant le foyer,
A fait rêver la châtelaine.
Un roman, dites-vous, pourrait vous égayer ;
Triste chose à vous envoyer !
Que ne demandez-vous un conte à La Fontaine ?
C'est avec celui-là qu'il est bon de veiller ;
Ouvrez-le sur votre oreiller,
Vous verrez se lever l'aurore.
Molière l'a prédit, et j'en suis convaincu,
Bien des choses auront vécu
Quand nos enfants liront encore
Ce que le bonhomme a conté,
Fleur de sagesse et de gaieté.
Mais quoi ! la mode vient, et tue un vieil usage.
On n'en veut plus, du sobre et franc langage
Dont il enseignait la douceur,
Le seul français, et qui vienne du cœur ;
Car, n'en déplaise à l'Italie,
La Fontaine, sachez-le bien,
En prenant tout n'imita rien ;
Il est sorti du sol de la patrie,
Le vert laurier qui couvre son tombeau ;
Comme l'antique, il est nouveau.
Ma protectrice bien-aimée,
Quand votre lettre parfumée
Est arrivée à votre. enfant gâté,
Je venais de causer en toute liberté
Avec le grand ami Shakespeare.
Du sujet cependant Boccace était l'auteur ;
Car il féconde tout, ce charmant inventeur ;
Même après l'autre, il fallait le relire.
J'étais donc seul, ses Nouvelles en main,
Et de la nuit la lueur azurée,
Se jouant avec le matin,
Etincelait sur la tranche dorée
Du petit livre florentin ;
Et je songeais, quoi qu'on dise ou qu'on fasse,
Combien c'est vrai que les Muses sont sœurs ;
Qu'il eut raison, ce pinceau plein de grâce,
Qui nous les montre au sommet du Parnasse,
Comme une guirlande de fleurs !
La Fontaine a ri dans Boccace,
Où Shakespeare fondait en pleurs.
Sera-ce trop que d'enhardir ma muse
Jusqu'à tenter de traduire à mon tour
Dans ce livre amoureux une histoire d'amour ?
Mais tout est bon qui vous amuse.
Je n'oserais, si ce n'était pour vous,
Car c'est beaucoup que d'essayer ce style
Tant oublié, qui fut jadis si doux,
Et qu'aujourd'hui l'on croit facile.

Il fut donc, dans notre cité,
Selon ce qu'on nous a conté
(Boccace parle ainsi ; la cité, c'est Florence),
Un gros marchand, riche, homme d'importance,
Qui de sa femme eut un enfant ;
Après quoi, presque sur-le-champ,
Ayant mis ordre à ses affaires,
Il passa de ce monde ailleurs.
La mère survivait ; on nomma des tuteurs,
Gens loyaux, prudents et sévères ;
Capables de se faire honneur
En gardant les biens d'un mineur.
Le jouvenceau, courant le voisinage,
Sentit d'abord douceur de cœur
Pour une fille de son âge,
Qui pour père avait un tailleur ;
Et peu à peu l'enfant devenant homme,
Le temps changea l'habitude en amour,
De telle sorte que Jérôme
Sans voir Silvia ne pouvait vivre un jour.
À son voisin la fille accoutumée
Aima bientôt comme elle était aimée.
De ce danger la mère s'avisa,
Gronda son fils, longtemps moralisa,
Sans rien gagner par force ou par adresse.
Elle croyait que la richesse
En ce monde doit tout changer,
Et d'un buisson peut faire un oranger.
Ayant donc pris les tuteurs à partie,
La mère dit : « Cet enfant que voici,
Lequel n'a pas quatorze ans, Dieu merci !
Va désoler le reste de ma vie.
Il s'est si bien amouraché
De la fille d'un mercenaire,
Qu'un de ces jours, s'il n'en est empêché,
Je vais me réveiller grand'mère.
Soir ni matin, il ne la quitte pas.
C'est, je crois, Silvia qu'on l'appelle ;
Et, s'il doit voir quelque autre dans ses bras,
Il se consumera pour elle.
Il faudrait donc, avec votre agrément,
L'éloigner par quelque voyage ;
Il est jeune, la fille est sage,
Elle l'oubliera sûrement ;
Et nous le marierons à quelque honnête femme. »
Les tuteurs dirent que la dame
Avait parlé fort sagement.
« Te voilà grand, dirent-ils à Jérôme,
Il est bon de voir du pays.
Va-t'en passer quelques jours à Paris,
Voir ce que c'est qu'un gentilhomme,
Le bel usage, et comme on vit là-bas ;
Dans peu de temps tu reviendras. »
À ce conseil, le garçon, comme on pense,
Répondit qu'il n'en ferait rien,
Et qu'il pouvait voir aussi bien
Comment l'on vivait à Florence.
Là-dessus, la mère en fureur
Répond d'abord par une grosse injure ;
Puis elle prend l'enfant par la douceur ;
On le raisonne, on le conjure,
À ses tuteurs il lui faut obéir ;
On lui promet de ne le retenir
Qu'un an au plus. Tant et tant on le prie,
Qu'il cède enfin. Il quitte sa patrie ;
Il part, tout plein de ses amours,
Comptant les nuits, comptant les jours,
Laissant derrière lui la moitié de sa vie.
L'exil dura deux ans ; ce long terme passé,
Jérôme revint à Florence,
Du mal d'amour plus que jamais blessé,
Croyant sans doute être récompensé.
Mais. c'est un grand tort que l'absence.
Pendant qu'au **** courait le jouvenceau,
La fille s'était mariée.
En revoyant les rives de l'Arno,
Il n'y trouva que le tombeau
De son espérance oubliée.
D'abord il n'en murmura point,
Sachant que le monde, en ce point,
Agit rarement d'autre sorte.
De l'infidèle il connaissait la porte,
Et tous les jours il passait sur le seuil,
Espérant un signe, un coup d'oeil,
Un rien, comme on fait quand on aime.
Mais tous ses pas furent perdus
Silvia ne le connaissait plus,
Dont il sentit une douleur extrême.
Cependant, avant d'en mourir,
Il voulut de son souvenir
Essayer de parler lui-même.
Le mari n'était pas jaloux,
Ni la femme bien surveillée.
Un soir que les nouveaux époux
Chez un voisin étaient à la veillée,
Dans la maison, au tomber de la nuit,
Jérôme entra, se cacha près du lit,
Derrière une pièce de toile ;
Car l'époux était tisserand,
Et fabriquait cette espèce de voile
Qu'on met sur un balcon toscan.
Bientôt après les mariés rentrèrent,
Et presque aussitôt se couchèrent.
Dès qu'il entend dormir l'époux,
Dans l'ombre vers Silvia Jérôme s'achemine,
Et lui posant la main sur la poitrine,
Il lui dit doucement : « Mon âme, dormez-vous ?
La pauvre enfant, croyant voir un fantôme,
Voulut crier ; le jeune homme ajouta
« Ne criez pas, je suis votre Jérôme.
- Pour l'amour de Dieu, dit Silvia,
Allez-vous-en, je vous en prie.
Il est passé, ce temps de notre vie
Où notre enfance eut loisir de s'aimer,
Vous voyez, je suis mariée.
Dans les devoirs auxquels je suis liée,
Il ne me sied plus de penser
À vous revoir ni vous entendre.
Si mon mari venait à vous surprendre,
Songez que le moindre des maux
Serait pour moi d'en perdre le repos ;
Songez qu'il m'aime et que je suis sa femme. »
À ce discours, le malheureux amant
Fut navré jusqu'au fond de l'âme.
Ce fut en vain qu'il peignit son tourment,
Et sa constance et sa misère ;
Par promesse ni par prière,
Tout son chagrin ne put rien obtenir.
Alors, sentant la mort venir,
Il demanda que, pour grâce dernière,
Elle le laissât se coucher
Pendant un instant auprès d'elle,
Sans bouger et sans la toucher,
Seulement pour se réchauffer,
Ayant au cœur une glace mortelle,
Lui promettant de ne pas dire un mot,
Et qu'il partirait aussitôt,
Pour ne la revoir de sa vie.
La jeune femme, ayant quelque compassion,
Moyennant la condition,
Voulut contenter son envie.
Jérôme profita d'un moment de pitié ;
Il se coucha près de Silvie.
Considérant alors quelle longue amitié
Pour cette femme il avait eue,
Et quelle était sa cruauté,
Et l'espérance à tout jamais perdue,
Il résolut de cesser de souffrir,
Et rassemblant dans un dernier soupir
Toutes les forces de sa vie,
Il serra la main de sa mie,
Et rendit l'âme à son côté.
Silvia, non sans quelque surprise,
Admirant sa tranquillité,
Resta d'abord quelque temps indécise.
« Jérôme, il faut sortir d'ici,
Dit-elle enfin, l'heure s'avance. »
Et, comme il gardait le silence,
Elle pensa qu'il s'était endormi.
Se soulevant donc à demi,
Et doucement l'appelant à voix basse,
Elle étendit la main vers lui,
Et le trouva froid comme glace.
Elle s'en étonna d'abord ;
Bientôt, l'ayant touché plus fort,
Et voyant sa peine inutile,
Son ami restant immobile,
Elle comprit qu'il était mort.
Que faire ? il n'était pas facile
De le savoir en un moment pareil.
Elle avisa de demander conseil
À son mari, le tira de son somme,
Et lui conta l'histoire de Jérôme,
Comme un malheur advenu depuis peu,
Sans dire à qui ni dans quel lieu.
« En pareil cas, répondit le bonhomme,
Je crois que le meilleur serait
De porter le mort en secret
À son logis, l'y laisser sans rancune,
Car la femme n'a point failli,
Et le mal est à la fortune.
- C'est donc à nous de faire ainsi, »
Dit la femme ; et, prenant la main de son mari
Elle lui fit toucher près d'elle
Le corps sur son lit étendu.
Bien que troublé par ce coup imprévu,
L'époux se lève, allume sa chandelle ;
Et, sans entrer en plus de mots,
Sachant que sa femme est fidèle,
Il charge le corps sur son dos,
À sa maison secrètement l'emporte,
Le dépose devant la porte,
Et s'en revient sans avoir été vu.
Lorsqu'on trouva, le jour étant venu,
Le jeune homme couché par terre,
Ce fut une grande rumeur ;
Et le pire, dans ce malheur,
Fut le désespoir de la mère.
Le médecin aussitôt consulté,
Et le corps partout visité,
Comme on n'y vit point de blessure,
Chacun parlait à sa façon
De cette sinistre aventure.
La populaire opinion
Fut que l'amour de sa maîtresse
Avait jeté Jérôme en cette adversité,
Et qu'il était mort de tristesse,
Comme c'était la vérité.
Le corps fut donc à l'église porté,
Et là s'en vint la malheureuse mère,
Au milieu des amis en deuil,
Exhaler sa douleur amère.
Tandis qu'on menait le cercueil,
Le tisserand qui, dans le fond de l'âme,
Ne laissait pas d'être inquiet :
« Il est bon, dit-il à sa femme,
Que tu prennes ton mantelet,
Et t'en ailles à cette église
Où l'on enterre ce garçon
Qui mourut hier à la maison.
J'ai quelque peur qu'on ne médise
Sur cet inattendu trépas,
Et ce serait un mauvais pas,
Tout innocents que nous en sommes.
Je me tiendrai parmi les hommes,
Et prierai Dieu, tout en les écoutant.
De ton côté, prends soin d'en faire autant
À l'endroit qu'occupent les femmes.
Tu retiendras ce que ces bonnes âmes
Diront de nous, et nous ferons
Selon ce que nous entendrons. »
La pitié trop **** à Silvie
Etait venue, et ce discours lui plut.
Celui dont un baiser eût conservé la vie,
Le voulant voir encore, elle s'en fut.
Il est étrange, il est presque incroyable
Combien c'est chose inexplicable
Que la puissance de l'amour.
Ce cœur, si chaste et si sévère,
Qui semblait fermé sans retour
Quand la fortune était prospère,
Tout à coup s'ouvrit au malheur.
À peine dans l'église entrée,
De compassion et d'horreur
Silvia se sentit pénétrée ;
L'ancien amour s'éveilla tout entier.
Le front baissé, de son manteau voilée,
Traversant la triste assemblée,
Jusqu'à la bière il lui fallut aller ;
Et là, sous le drap mortuaire
Sitôt qu'elle vit son ami,
Défaillante et poussant un cri,
Comme une sœur embrasse un frère,
Sur le cercueil elle tomba ;
Et, comme la douleur avait tué Jérôme,
De sa douleur ainsi mourut Silvia.
Cette fois ce fut au jeune homme
A céder la moitié du lit :
L'un près de l'autre on les ensevelit.
Ainsi ces deux amants, séparés sur la terre,
Furent unis, et la mort fit
Ce que l'amour n'avait pu faire.
EM Jun 2014
les deux filles se tenaient maintenant debout face a face. elles avaient l'air plus calmées mais ça en était pas le cas. une atmosphère inconfortable régnait dans la chambre et rien ne se fessait entendre appart les gouttelettes de pluie qui frôlaient furieusement les vitres des fenêtres. plusieurs minutes se passaient lourdement en silence.
"je suis folle amoureuse de lui!" hurla enfin Neira
Esra garda le silence, elle ne préférait pas répondre et n'avait rien a dire en tout cas. elle étais mal à l'aise avec le fait qu'une autre était amoureuse de lui. lui. cet homme impardonnable. elle reçoit presque chaque semaine une histoire le concernant; une histoire qui lui fessait douter de leur relation de plus en plus, une histoire qui fessait diminuer son respect pour lui de plus en plus. cet homme qu'elle a cru être différent c'est avérait similaire aux autres cons si'il n'était pas encore pire. "je n'ai jamais su les choisir" se dit-elle. elle regarda Neira qui avais les yeux larmoyants avec pitié. "pauvre petite" pensa-elle. elle ressentait une certaine culpabilité pour cette situations. si elle n'avait pas bourrer son nez dans les affaires des autre, elle ne serait pas la en ce moment, elle n'aurait pas su cette histoire et elle n'aurait pas briser le cœur de cette fille. oui elle aurait préféré ne pas savoir. un proverbe anglais disait que ce que nous ne savons pas ne nous fait pas mal; et elle y croie forment. elle était sur qu'il y'avait encore plein de choses et de drame sur lui qu'elle ne savait pas et elle en était satisfaite, parce qu’elle savait qu'elle ne pourrais jamais s’éloigner de lui quelque soit ce qu'elle découvre sur lui et que savoir de nouvelle histoire pareils sur lui ne lui donnerait rien appart une autre déchirure au cœur sans avoir la force de le quitter. les paroles de neira la sorti de ses pensées "mon cœur est grand, disait cette dernière. plus grande que tu ne puisse imaginer, je ne veux causer des problèmes a personne et j'ai compris que tu l'aime alors je vais vous laisser tranquille." elle attendit une réaction ou une parole de la part d'Esra mais celle ci la regardait avec un détacher sans dire un mot, comme si elle n'avait rien dit. elle supporta son regard pour quelque moment puis sortis brusquement sans rien dire non plus. Esra resta toute seule. elle se posa nonchalamment sur le canapé le plus proche. elle était contente que l'autre soit partie. elle se rappela d'un film qu'elle a vu qui racontait l'histoire d'un garçon qui au qu'on croirait au début être la victime d'une fille sans pitié qui lui a briser le cœur mais qui s'est avérait a la fin être le contraire une histoire compliqué qui a montré a Esra comment les apparence sont trompeuse. au début elle voulait juste parler a cette fille pour lui dire de s’éloigne de lui parce qu'elle l’ennuyer, elle croyait que c'était une gamine qui se collait a lui comme les autres mais après toute une autre histoire a exploser.. mais elle aime encore autant. elle allume une cigarette et prends son portable pour composer son numéro, mais elle n'as pas eu le courage de l'appeler, tant pis. elle se leva et pris la bouteille de whisky mise sur la table  puis monta au toit et s'assis au bord du bâtiment. elle n'avait pas peur, elle ne sentait rien elle pensait juste qu'elle s'est trouver beaucoup trop de fois dans une situation pareils avec une douleur pareils a cause de lui et elle ne savait pas quoi en faire. elle resta ainsi un long temps assise sur le bord du toit le paquet de cigarettes a sa droite, la bouteille et le portable a sa gauche tanto elle buvait, tantot elle fumait en regardant le coucher du soleil et les larmes coulait a flots de ses yeux sans qu'elle ne rends même compte. soudainement elle entendis un voix qu'elle distinguerait entre mille.
"Esra." disait la voix d'un calme insupportable. c'était lui. sa présence la rendait heureuse et attristé en même temps elle se tourna vers lui sans répondre alors il ajouta "qu'est ce que tu fais? viens." elle se leva et allait vers  lui. il souria. elle fondut dans ses bras. "pourquoi me fais tu ça? pourquoi? je ne le mérite pas et tu le sais." il ne répondis pas. la nuit se passa trés douce pour Esra entre ses bras, il lui a tout fait oublier par une simple enlaçade et elle a su ce qu'elle allait faire, elle allait faire la même chose que toujours, elle allait le pardonner et continuer a l'aimer en attendant qu'il fasse de meme. parce que l'amour ne vous laisse pas de choix.
Adam était fort amoureux.
Maigre comme un clou, les yeux creux ;
Son Ève était donc bien heureuse
D'être sa belle Ève amoureuse,
Mais... fiez-vous donc à demain !
Un soir, en promenant sa main
Sur le moins beau torse du monde,
Ah !... sa surprise fut profonde !
Il manquait une côte... là.
Tiens ! Tiens ! que veut dire cela ?
Se dit Ève, en baissant la tête.
Mais comme Ève n'était pas bête,
Tout d'abord Ève ne fit rien
Que s'en assurer bel et bien.
« Vous, Madame, avec cette mine ?
Qu'avez-vous donc qui vous chagrine ? »
Lui dit Adam, le jour suivant.
« Moi, rien... dit Ève... c'est... le vent. »
Or, le vent donnait sous la plume,
Contrairement à sa coutume.
Un autre eût été dépité,
Mais comme il avait la gaieté
Inaltérable de son âge,
Il s'en fut à son jardinage
Tout comme si de rien n'était.

Cependant, Ève s'em...bêtait
Comme s'ennuie une Princesse.
« Il faut, nom de Dieu ! que ça cesse »,
Se dit Ève, d'un ton tranchant.
« Je veux le voir, oui, sur-le-champ »,
Je dirai : « Sire, il manque à l'homme
Une côte, c'est sûr ; en somme,
En général, ça ne fait rien,
Mais ce général, c'est le mien.
Il faut donc la lui donner vite.
Moi, j'ai mon compte, ça m'évite
De vous importuner ; mais lui,
N'a pas le sien, c'est un ennui.
Ce détail me gâte la fête.
Puisque je suis toute parfaite,
J'ai bien droit au mari parfait.
Il ne peut que dire : en effet »,
Ici la Femme devint... rose,

« Et s'il dit, prenant mal la chose :
« Ton Adam n'est donc plus tout nu !
Que lui-même il n'est pas venu ?
A-t-il sa langue dans sa poche ?
Sur la mèche où le cœur s'accroche,
La casquette à n'en plus finir ?
Est-il en train de devenir...
Soutenu ?... » Que répliquerai-je ?
La Femme ici devint... de neige.

Sitôt qu'Adam fut de retour
Ève passa ses bras autour
Du cou, le plus fort de son monde,
Et, renversant sa tête blonde,
Reçut deux grands baisers joyeux ;
Puis fermant à demi les yeux,
Pâmée au rire de sa bouche,
Elle l'attira vers sa couche,
Où, commençant à s'incliner,
L'on se mit à se lutiner.
Soudain : « Ah ! qu'as-tu là ? » fit Ève.
Adam parut sortir d'un rêve.
« Là... mais, rien... », dit-il. « Justement,
Tu n'as rien, comme c'est charmant !
Tu vois, il te manque une côte.
Après tout, ce n'est pas ta faute,
Tu ne dois pas te tourmenter ;
Mais sur l'heure, il faut tout quitter,
Aller voir le Prince, et lui dire
Ce qu'humblement ton cœur désire ;
Que tu veux ta côte, voilà.
Or, pour lui, qu'est-ce que cela ?
Moins que rien, une bagatelle. »
Et prenant sa voix d'Immortelle :
« Allons ! Monsieur... tout de ce pas. »
Ève changea de ritournelle,
Et lorsqu'Adam était... sur elle,
Elle répétait d'un ton las :
« Pourquoi, dis, que tu m'aimes pas ? »
« Mais puisque ça ne se voit pas »,
Dit Adam. « Ça se sent », dit Ève,
Avec sa voix sifflante et brève.

Adam partit à contrecœur,
Car dans le fond il avait peur
De dire, en cette conjoncture,
À l'Auteur de la créature :
Vous avez fait un pas de clerc
En ratant ma côte, c'est clair.
Sa démarche impliquait un blâme.
Mais il voulait plaire à sa femme.

Ève attendit une heure vingt
Bonnes minutes ; il revint
Souriant, la mine attendrie,
Et, baisant sa bouche fleurie,
L'étreignant de son bras musclé :
« Je ne l'ai pas, pourtant je l'ai.
Je la tiens bien puisque je t'aime,
Sans l'avoir, je l'ai tout de même. »

Ève, sentant que ça manquait
Toujours, pensa qu'il se moquait ;
Mais il lui raconta l'histoire
Qu'il venait d'apprendre, il faut croire,
De l'origine de son corps,
Qu'Ève était sa côte, et qu'alors...
La chose...

« Ah ! c'est donc ça..., dit-elle,
Que le jour, oui, je me rappelle,
Où nous nous sommes rencontrés
Dans les parterres diaprés,
Tu m'as, en tendant tes mains franches,
Dit : « Voici la fleur de mes branches,
Et voilà le fruit de ma chair ! »
« En effet, ma chère ! »

« Ah !... mon cher !
J'avais pris moi cette parole
Au figuré... Mais j'étais folle ! »

« Je t'avais prise au figuré
Moi-même », dit Adam, paré
De sa dignité fraîche éclose
Et qui lui prêtait quelque chose
Comme un ton de maître d'hôtel,
Déjà suffisamment mortel ;
« L'ayant dit un peu comme on tousse.
Vois, quand la vérité nous pousse,
Il faut la dire, malgré soi. »

« Je ne peux pas moi comme toi »,
Fut tout ce que répondit Ève.

La nuit s'en va, le jour se lève,
Adam saisit son arrosoir,
Et : « Ma belle enfant, à ce soir ! »
Sa belle enfant ! pauvre petite !
Elle, jadis sa... favorite,
Était son enfant, à présent.
Quoi ? Ce n'était pas suffisant
Qu'Adam n'eût toujours pas sa côte,
À présent c'était de sa faute !
Elle en avait les bras cassés !
Et ce n'était encore assez.
Il fallait cette côte absente
Qu'elle en parût reconnaissante !

Doux Jésus !
Tout fut bien changé.

Ève prit son air affligé,
Et lorsqu'Adam parmi les branches
Voyait bouder ses... formes blanches
Et que, ne pouvant s'en passer,
Il accourait, pour l'embrasser,
Tout rempli d'une envie affreuse :
« Ah ! que je suis donc malheureuse ! »
Disait Ève, qui s'affalait.

Enfin, un jour qu'Adam parlait
D'une voix trop brusque et trop haute :
« Pourquoi, dis, que t'as pas ta côte ? »

« Voyons ! vous vous... fichez de moi !
Tu le sais bien,... comment, c'est toi,
Toi, ma côte, qui se réclame ! »
« Ça n'empêche pas, dit la Femme,
À ta place, j'insisterais. »

« Si je faisais de nouveaux frais,
Dit Adam, j'aurais trop de honte.
Nous avons chacun notre compte,
Toi comme moi, tu le sais bien,
Et le Prince ne nous doit rien ;
Car nul en terme de boutique
Ne tient mieux son arithmétique. »
Ce raisonnement était fort,
Ève pourtant n'avait pas tort.

Sur ces entrefaites, la femme
S'en vint errer, le vague à l'âme,
Autour de l'arbre défendu.
Le serpent s'y trouvait pendu
Par la queue, il leva la tête.
« Ève, comme vous voilà faite ! »
Dit-il, en la voyant venir.

La pauvre Ève n'y put tenir ;
Elle lui raconta sa peine,
Et même fit voir... une veine.
Le bon Vieux en parut navré.
« Tiens ! Tiens ! dit-il ; c'est pourtant vrai.
Eh ! bien ! moi : j'ai votre remède ;
Et je veux vous venir en aide,
Car je sais où tout ça conduit.
Écoute-moi, prends de ce fruit. »
« Oh ! non ! » dit Ève « Et la défense ? »
« Ton prince est meilleur qu'il ne pense
Et ne peut vous faire mourir.
Prends cette pomme et va l'offrir
À ton mari, pour qu'il en mange,
Et, dit, entr'autres choses, l'Ange,
Parfaits alors, comme des Dieux,
En lui, plus de vide odieux !
Vois quelle épine je vous ôte.
Ce pauvre Adam aura sa côte. »
C'était tout ce qu'Ève voulait.
Le fruit était là qui parlait,
Ève étendît donc sa main blanche
Et le fit passer de la branche
Sous sa nuque, dans son chignon.

Ève trouva son compagnon
Qui dormait étendu sur l'herbe,
Dans une pose peu superbe,
Le front obscurci par l'ennui.

Ève s'assit auprès de lui,
Ève s'empara de la pomme,
Se tourna du côté de l'Homme
Et la plaçant bien sous son nez,
**** de ses regards étonnés :
« Tiens ! regarde ! la belle pêche ! »
- « Pomme », dit-il d'une voix sèche.
« Pêche ! Pêche ! » - « Pomme. » - « Comment ?
Ce fruit d'or, d'un rose charmant,
N'est pas une pomme bien ronde ?
Voyons !... demande à tout le monde ? »
- « Qui, tout le monde ? » Ève sourit :
« J'ai dit tout le monde ? » et reprit,
Lui prenant doucement la tête :
« Eh ! oui, c'est une pomme, bête,
Qui ne comprends pas qu'on voulait
T'attraper... Ah ! fi ! que c'est laid !
Pour me punir, mon petit homme,
Je vais t'en donner, de ma pomme. »
Et l'éclair de son ongle luit,
Qui se perd dans la peau du fruit.

On était au temps des cerises,
Et justement l'effort des brises,
Qui soufflait dans les cerisiers,
En fit tomber une à leurs pieds !

« Malheureuse ! que vas-tu faire ? »
Crie Adam, rouge de colère,
Qui soudain a tout deviné,
Veut se saisir du fruit damné,
Mais l'homme avait trouvé son maître.
« Je serai seule à la commettre »,
Dit Ève en éloignant ses bras,
Si hautaine... qu'il n'osa pas.

Puis très tranquillement, sans fièvres,
Ève met le fruit sur ses lèvres,
Ève le mange avec ses dents.

L'homme baissa ses yeux ardents
Et de ses mains voila sa face.

« Moi, que voulez-vous que j'y fasse ?
Dit Ève ; c'est mon bon plaisir ;
Je n'écoute que mon désir
Et je le contente sur l'heure.
Mieux que vous... qu'a-t-il donc ? il pleure !
En voulez-vous ?
Non, et pourquoi ?
Vous voyez, j'en mange bien, moi.
D'ailleurs, songez qu'après ma faute
Nous ne vivrons plus côte à côte,
On va nous séparer... c'est sûr,
On me l'a dit, par un grand mur.
En voulez-vous ? »
Lui, tout en larmes,
S'enfonçait, songeant à ses charmes,
Dans le royaume de Sa voix.
Enfin, pour la dernière fois
Prenant sa tête qu'Ève couche,
« En veux-tu, dis ? Ouvre ta bouche ! »

Et c'est ainsi qu'Adam mangea
À peu près tout, Ève déjà
N'en ayant pris qu'une bouchée ;
Mais Ève eût été bien fâchée
Du contraire, pour l'avenir.
Il a besoin de devenir
Dieu, bien plus que moi, pensait-Elle.

Quand l'homme nous l'eut baillé belle,
Tu sais ce qui lors arriva ;
Le pauvre Adam se retrouva
Plus bête qu'avant, par sa faute.
Car s'il eût su plaindre sa côte,
Son Ève alors n'eût point péché ;
De plus, s'il se fût attaché
À son Prince, du fond de l'âme,
S'il n'eût point écouté sa femme,
Ton cœur a déjà deviné
Que le Seigneur eût pardonné,
Le motif d'Ève, au fond valable,
N'ayant pas eu pour détestable
Suite la faute du mari.

Lequel plus **** fut bien chéri
Et bien dorloté par « sa chère »,
Mais quand, mécontent de la chère,
Il disait : « Je suis trop bon, moi !
- Sans doute, disait Ève, toi,
T'es-un-bon-bonhomme, sur terre,
Mais... tu n'as pas de caractère ! »
Paul d'Aubin Feb 2015
Pourrais-je un jour; réparer l'injustice
faite à mon père ?


Il fut à vingt ans caché par les bergers du village de Muna parmi de pauvres bergers qui vivaient aussi sainement que sobrement dans leur village parfumé de figuiers et sans route autre qu'un chemin à peine muletier quand l'ordre ****-fascistes tenait l'île sous sa coupe.  Puis mon père  fut mobilisé avec la jeunesse Corse apprit l'anglais sur le tas dans les forces françaises d'aviation formées alors aux Etats-Unis,
La guerre il fit l'école normale de «la Bouzareah» à  Alger puis nommé instituteur en Kabylie ou il rencontra et fut tout de suite Simone, amoureux de notre mère aussi institutrice mais native des Pyrénées,  nommée elle-aussi dans la vallée de la Soummam  ou débuta l'insurrection de la Toussaint 1954 (alors que j'avais sept mois et étais gardé par une nourrice Kabyle nommée Bahia). Mon père dont ses amis enseignants étaient pour la plupart  Corses ou Kabyles prit de sérieux risques en qualité de syndicaliste du SNI; «Libéral politique»   dans un temps porteur pour les  extrémismes et les surenchères   et donc à la fois cible potentielle des ultras des deux bords il n'hésita pas à  faire grève et m'amena manifester à Bougie/Bejaia, ou sur la route je vis une tête coupée qui me hante encore, lorsque sept inspecteurs d'Académie furent exécutés par l'O.A.S.

Nommé de l’hiver au grand froid de 1963, professeur de collège d'Anglais  dans le Comminges cher à son épouse, à Valentine, il n'avait pas encore le permis et sa fameuse  2 CV bleue qui devint légendaire et venait régulièrement nous voir Régis et moi,  qu'il pleuve et/ou  qu'il vente, sur une mobylette jaune.

Il perfectionna régulièrement son anglais tous les soirs en écoutant les programmes radios de la BBC et passa même à ses élèves  sur un magnétophone à banque qu’il avait acquis le succès des Beatles; "Yellow Submarine". Mais il ne comprit rien aux événements de 1968 qui heurtèrent sa vision structurée du Monde  et bouleversèrent tant ma propre vie. Qu'aurait-il pu comprendre, lui l'admirateur de l'homme du 18 juin à  cette  contestation anarchique et multiforme de l'institution scolaire  dans laquelle, il avait donné beaucoup de lui-même ?

Plus ****, ayant pris cette retraite, rare espace de Liberté personnelle, ce grand marcheur se mit enfin à parcourir de nouveau Maquis et Montagnes et ce n'est sur rentré **** le soir dans son humble demeure après avoir déjeuné d'une «bastelle» et d'un bout de fromage de "Giovan Andria «qu’il améliorait sa dans sa chambrette ayant sous les yeux le "dictionnaire de la Piève d'Evisa", pour redonner à la langue Corse sa beauté et sa dignité et restituer par ses propres mots choisis ce vrai temple de la nature et de la Beauté sauvage que forme cette île Méditerranéissime.

Paul Arrighi
Il s'agit d'un bref rappel entre prose , histoire et souvenirs poétiques d'enfance de mon pére André Arrighi ( Professeur d'Anflais) tel que je le perçois maintenant qu'il n'est plus .
jalalium Sep 2013
Jaques le fumeur aimait les rouler étroits
Et toujours en fumait deux a la fois
J'aime fumer disait il
Quelle excuse futile!
Le tabac et ce qu'il y ajoutait l'esclavagèrent
Depuis qu'il n'utilisait plus son briquet que pour les concerts
L'esclave jamais ne dort
Car même la nuit il en roulait encore
Dans sa chambre, à coté de la fenêtre
O marchand de sable, plongez moi dans le bien-être
repetait il quand il n'en pouvait plus
mais ce soir la quelque chose de nouveau l'avait déplu
la constatation d'un changement l'avait dégoûté
L'eau de la bouteille avait noircit et maintenant sentait
la bouteille qu'il prenait pour cendrier car il n'en avait pas un
Fixe sur la bouteille il était terrifie de ce que lui réservait son destin
Il tendit la main vers la bouteille pour alléger sa cigarette
Hélas il y fit tomber sa possession la plus précieuse
Il devait affronter son dégoût et chercher entre les cigarettes
sinon son existence ne serait plus jamais délicieuse
il coupa la bouteille en deux
il chercha, chercha et chercha encore
main dans le goudron
mains sur le nez
Maintenant Jacques pleure
Aucune trace de son espoir
hier, aujourd'hui et demain pour lui ont la même couleur
il mourut 60 ans avant ses dernières mémoires
car quand il ne pouvait plus espérer
il cessa de vivre
Data fata secutus.
DEVISE DES ST-JOHN.

Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l'empereur brisait le masque étroit.
Alors dans Besançon, vieille ville espagnole,
Jeté comme la graine au gré de l'air qui vole,
Naquit d'un sang breton et lorrain à la fois
Un enfant sans couleur, sans regard et sans voix ;
Si débile qu'il fut, ainsi qu'une chimère,
Abandonné de tous, excepté de sa mère,
Et que son cou ployé comme un frêle roseau
Fit faire en même temps sa bière et son berceau.
Cet enfant que la vie effaçait de son livre,
Et qui n'avait pas même un lendemain à vivre,
C'est moi. -

Je vous dirai peut-être quelque jour
Quel lait pur, que de soins, que de vœux, que d'amour,
Prodigués pour ma vie en naissant condamnée,
M'ont fait deux fois l'enfant de ma mère obstinée,
Ange qui sur trois fils attachés à ses pas
Épandait son amour et ne mesurait pas !

Ô l'amour d'une mère ! amour que nul n'oublie !
Pain merveilleux qu'un Dieu partage et multiplie !
Table toujours servie au paternel foyer !
Chacun en a sa part, et tous l'ont tout entier !

Je pourrai dire un jour, lorsque la nuit douteuse
Fera parler les soirs ma vieillesse conteuse,
Comment ce haut destin de gloire et de terreur
Qui remuait le monde aux pas de l'empereur,
Dans son souffle orageux m'emportant sans défense,
À tous les vents de l'air fit flotter mon enfance.
Car, lorsque l'aquilon bat ses flots palpitants,
L'océan convulsif tourmente en même temps
Le navire à trois ponts qui tonne avec l'orage,
Et la feuille échappée aux arbres du rivage !

Maintenant jeune encore et souvent éprouvé,
J'ai plus d'un souvenir profondément gravé,
Et l'on peut distinguer bien des choses passées
Dans ces plis de mon front que creusent mes pensées.
Certes, plus d'un vieillard sans flamme et sans cheveux,
Tombé de lassitude au bout de tous ses vœux,
Pâlirait s'il voyait, comme un gouffre dans l'onde,
Mon âme où ma pensée habite comme un monde,
Tout ce que j'ai souffert, tout ce que j'ai tenté,
Tout ce qui m'a menti comme un fruit avorté,
Mon plus beau temps passé sans espoir qu'il renaisse,
Les amours, les travaux, les deuils de ma jeunesse,
Et quoiqu'encore à l'âge où l'avenir sourit,
Le livre de mon cœur à toute page écrit !

Si parfois de mon sein s'envolent mes pensées,
Mes chansons par le monde en lambeaux dispersées ;
S'il me plaît de cacher l'amour et la douleur
Dans le coin d'un roman ironique et railleur ;
Si j'ébranle la scène avec ma fantaisie ;
Si j'entre-choque aux yeux d'une foule choisie
D'autres hommes comme eux, vivant tous à la fois
De mon souffle et parlant au peuple avec ma voix ;
Si ma tête, fournaise où mon esprit s'allume,
Jette le vers d'airain qui bouillonne et qui fume
Dans le rythme profond, moule mystérieux
D'où sort la strophe ouvrant ses ailes dans les cieux ;
C'est que l'amour, la tombe, et la gloire, et la vie,
L'onde qui fuit, par l'onde incessamment suivie,
Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal,
Fait reluire et vibrer mon âme de cristal,
Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j'adore
Mit au centre de tout comme un écho sonore !

D'ailleurs j'ai purement passé les jours mauvais,
Et je sais d'où je viens, si j'ignore où je vais.
L'orage des partis avec son vent de flamme
Sans en altérer l'onde a remué mon âme ;
Rien d'immonde en mon cœur, pas de limon impur
Qui n'attendît qu'un vent pour en troubler l'azur !

Après avoir chanté, j'écoute et je contemple,
À l'empereur tombé dressant dans l'ombre un temple,
Aimant la liberté pour ses fruits, pour ses fleurs,
Le trône pour son droit, le roi pour ses malheurs ;
Fidèle enfin au sang qu'ont versé dans ma veine
Mon père, vieux soldat, ma mère, vendéenne !

Juin 1830.
I


Que ces vallons déserts, que ces vastes prairies

Où j'allais promener mes tristes rêveries,

Que ces rivages frais, que ces bois, que ces champs,

Que tout prenne une voix et retrouve des chants

Et porte jusqu'au sein de Ta Toute Puissance

Un hymne de bonheur et de reconnaissance !

Celle, qui dans un chaste et pur embrassement,

A reçu mon amour et mon premier serment,

Celle à qui j'ai juré de consacrer ma vie

Par d'injustes parents m'avait été ravie ;

Ils avaient repoussé mes pleurs, et les ingrats

Avaient osé venir l'arracher de mes bras ;

Et jaloux de m'ôter la dernière espérance

Qui pût me soutenir et calmer ma souffrance,

Un message trompeur nous avait informés

Que sur un bord lointain ses yeux s'étaient fermés.

Celui qui fut aimé, celui qui put connaître

Ce bonheur enivrant de confondre son être,

De vivre dans un autre, et de ne plus avoir

Que son cœur pour sentir, et que ses yeux pour voir,

Celui-là pourra seul deviner et comprendre

Ce qu'une voix humaine est impuissante à rendre ;

Celui-là saura seul tout ce que peut souffrir

Un homme, et supporter de tourments sans mourir.

Mais la main qui sur moi s'était appesantie

Semble de mes malheurs s'être enfin repentie.

Leur cœur s'est attendri, soit qu'un pouvoir caché,

Que sais-je ? Ou que la voix du remords l'ait touché.

Celle que je pleurais, que je croyais perdue,

Elle vit ! elle vient ! et va m'être rendue !

Ne demandez donc plus, amis, pourquoi je veux

Qu'on mêle ces boutons de fleurs dans mes cheveux.

Non ! Je n'ai point souffert et mes douleurs passées

En cet heureux instant sont toutes effacées ;

Que sont tous mes malheurs, que sont tous mes ennuis.

Et ces rêves de deuil qui tourmentaient mes nuits ?

Et moi ! J'osais du ciel accuser la colère !

Je reconnais enfin sa bonté tutélaire.

Et je bénis ces maux d'un jour qui m'ont appris

Que mes yeux ne devaient la revoir qu'à ce prix !


II


Quel bonheur est le mien ! Pourtant - ces deux années

Changent bien des projets et bien des destinées ;

- Je ne puis me celer, à parler franchement,

Que ce retour me gêne un peu, dans ce moment.

Certes, le souvenir de notre amour passé

N'est pas un seul instant sorti de ma pensée ;

Mais enfin je ne sais comment cela s'est fait :

Invité cet hiver aux bals chez le préfet.

J'ai vu sa fille aînée, et par étourderie

Risqué de temps en temps quelque galanterie :

Je convins aux parents, et fus bientôt admis

Dans cette intimité qu'on réserve aux amis.

J'y venais tous les soirs, je faisais la lecture,

Je présentais la main pour monter en voiture ;

Dans nos réunions en petit comité,

Toujours près de la fille, assis à son côté.

Je me rendais utile à tout, j'étais son page.

Et quand elle chantait, je lui tournais la page.

Enfin, accoutumé chaque jour à la voir.

60 Que sais-je ? J'ai rendu, sans m'en apercevoir,

Et bien innocemment, des soins, que je soupçonne

N'être pas dédaignés de la jeune personne :

Si bien que je ne sais trop comment m'arranger :

On jase, et les parents pourront bien exiger

Que j'ôte ce prétexte à la rumeur publique,

Et, quelque beau matin, vouloir que je m'explique.

C'est ma faute, après tout, je me suis trop pressé,

Et, comme un débutant, je me suis avancé.

Mais, d'un autre côté, comment prévoir… ? N'importe,

Mes serments sont sacrés, et mon amour l'emporte,

J'irai demain trouver le père, et s'il vous plaît,-

Je lui raconterai la chose comme elle est.

- C'est bien ! - Mais que va-t-on penser, que va-t-on dire ?

Le monde est si méchant, et si prompt à médire !

- Je le brave ! et s'il faut, je verserai mon sang...

Oui : mais toujours est-il que c'est embarrassant.


III


Comme tout ici-bas se flétrit et s'altère,

Et comme les malheurs changent un caractère !

J'ai cherché vainement, et n'ai point retrouvé

Cette aimable candeur qui m'avait captivé.

Celle que j'avais vue autrefois si craintive.

Dont la voix résonnait si douce et si plaintive,

Hautaine, au parler bref, et parfois emporté,

A rejeté bien **** cette timidité.

A moi, qui n'ai vécu, n'ai souffert que pour elle.

Est-ce qu'elle n'a pas déjà cherché querelle ?

Jetant sur le passé des regards curieux,

Elle m'a demandé d'un air impérieux

Si, pendant tout ce temps que j'ai passé **** d'elle.

Mon cœur à sa mémoire était resté fidèle :

Et de quel droit, bon Dieu ? Nous n'étions point liés.

Et nous aurions très bien pu nous être oubliés !

J'avais juré, promis ! - Qu'est-ce que cela prouve ?

Tous les jours, en amour, on jure ; et lorsqu'on trouve

Quelque distraction, on laisse rarement

Perdre l'occasion de trahir son serment :

Il n'est pas défendu d'avoir un cœur sensible,

Et ce n'est point du "tout un crime irrémissible.

Et puis d'ailleurs, après ce que j'ai découvert.

Entre nous, soyons franc, parlons à cœur ouvert :

J'en avais fait mon deuil, et la pauvre exilée

S'est bien de son côté quelque peu consolée ;

Et si je persistais à demander sa main.

C'était par conscience, et par respect humain ;

Je m'étais étourdi. Mais elle a, la première.

Fait ouvrir, par bonheur, mes yeux à la lumière,

Et certes, j'aime mieux encore, à beaucoup près,

Qu'elle se soit ainsi montrée avant qu'après.

Car enfin, rien n'est fait, au moins, et le notaire

N'a point à nos serments prêté son ministère.

- Mais quels emportements ! quels pleurs ! car elle croit

Exiger une dette et réclamer un droit.

Or il faut en finir : quoi qu'elle dise ou fasse,

J'en ai pris mon parti ; j'irai lui dire en face,

- Quoi ? - Que son caractère est à n'y pas tenir.

- Elle avait bien besoin aussi de revenir !

Nous étions si bien tous, quand son humeur altière

Vint troubler le repos d'une famille entière !

On nous la disait morte ; et je croirais aussi

Qu'il vaudrait beaucoup mieux que cela fût ainsi.
Paul d'Aubin Dec 2013
Ulysse, la Méditerranée et ses rapports avec les  Femmes.

Parti à contre cœur, ayant même contrefait le fou, pour se soustraire à la guerre et élever ton fils Télémaque, tu dus partir à Troie, et sus t'y montrer brave, mais surtout fin stratège.
La guerre fut bien longue, pas du tout comme celle que chantait les Aèdes. L'ennemi ressemblait tant à nos guerriers Achéens, courageux et aussi sûrs de leur droit que nous l'étions du notre. Que de sang, que de peine ! Tu vis périr Patrocle, ne pus sauver Achille ; et les morts aux corps déchiquetés par les épées se substituèrent aux coupes de ce vin si enivrant qu'est la rhétorique guerrière et à la funeste illusion d'une victoire facile. Ulysse tu eus l'idée de bâtir ce grand vaisseau dont la proue figurait une tête de cheval. Ainsi les Achéens purent entrer dans le port forteresse si bien gardé. Mais quand la nuit noire et le vin mêlés ôtèrent aux courageux Troyens leur vigilance et leur garde, vous sortirent alors des flancs du bateau et vous précipitèrent pour ouvrir grands les portes aux guerriers Achéens. La suite fut un grand carnage de guerriers Troyens mais aussi de non combattants et même de femmes. Et Troie, la fière, la courageuse ne fut plus ville libre et les survivants de son Peuple connurent l'esclavage. Aussi quand Troie fut conquise et que ses rue coulèrent rouges du sang vermeil de ses défenseur, mais aussi de nombreux civils, tu songeas à retourner chez toi, car tu étais roi, et ton fils Télémaque aurait besoin de toi et Pénélope t'aimait. Les souvenirs d'émois et de tendres caresses faisaient encore frissonner la harpe de ton corps de souvenirs très doux. C'est alors que tu dus affronter la Déesse Athéna et ton double, tous deux vigilants, à tester ta sincérité et ta constance. Oh, toi Homme volage et point encore rassasié de voyages et de conquêtes. L'étendue de la mer te fut donnée comme le théâtre même de ta vérité profonde. Après bien des voyages et avoir perdu nombre de tes compagnons, tu fus poussé dans l'île de la nymphe Calypso. Cette immortelle à la chevelure, si joliment bouclée se trouvait dans son île d'arbustes odoriférants. Aussi fit-elle tout pour te garder. Toi-même, tu lui trouvas de l'ardeur et des charmes même si durant le jour tu te laissais aller à la nostalgie d'Ithaque. La belle immortelle te proposas, pour te garder, de te donner cet attribut si recherché qui empêche à jamais de sombrer dans le sommeil perpétuel. Mais toi, Ulysse, tu préféras garder ton destin d'homme mortel et ton inguérissable blessure pour Ithaque. Après sept années d’une prison si douce, l'intervention d'Athéna te rendit aux aventures de la Mer. Tu accostas, avec tes compagnons sur la côte d’une île malfaisante. C'était la demeure des Cyclopes. Parmi ce Peuple de géants, le cyclope Polyphème habitait une grotte profonde d'où il faisait rentrer chaque soir son troupeau. Ulysse quelle folie traversa ton esprit et celui de tes compagnons que de vouloir pénétrer dans cette antre maudite, mû à la fois par la curiosité et la volonté de faire quelques larcins de chèvres ? Vous payèrent bien cher cette offense par la cruelle dévoration que fit l'infâme Polyphème de plusieurs de tes compagnons dont vous entendîtes craquer les os sous la mâchoire du sauvage. Aussi votre courage fut renforcé par votre haine lorsque vous lui plantèrent l'épieu dans son œil unique alors que sa vigilance venait d'être endormie par le vin. Les barques ayant mouillés dans l'île d'Aiaé, tes compagnons imprudents furent transformés en pourceaux par la belle et cruelle Magicienne Circée. Doté d'un contre poison à ses filtres, tu ne restas cependant pas insensible aux charmes de la belle Magicienne mais tu lui fis prononcer le grand serment avant de répondre à tes avances. Elle accepta pour faire de toi son amant de redonner leur forme humaine à tes compagnons, Et vos nuits furent tendres, sensuelles et magiques car la Magicienne excellait dans les arts de l'amour et il en naquit un fils. Toi le rusé et courageux Ulysse, tu espérais enfin voguer avec délice sur une mer d'huile parcourue par les reflets d'argent des poissons volants et te réjouir des facéties des dauphins, Mais c'était oublier et compter pour peu la rancune de Poséidon, le maître des eaux, rendu furieux par le traitement subi par son fils Polyphème. C'est pour cela qu'une masse d'eau compacte, haute comme une haute tour avançant au grand galop ébranla et engloutit ton solide radeau. Seul ton réflexe prompt de t'accrocher au plus grand des troncs te permis de plonger longuement au fonds des eaux en retenant longtemps ton souffle avant d’émerger à nouveaux. La troisième des belles que ton voyage tumultueux te fit rencontrer fut la jeune Nausicaa, fille du roi des Phéaciens, Alcinoos. Celle-ci, dans la floraison de sa jeunesse, ardente et vive, ne cédait en rien à l'éclat des plus belles et subtiles fleurs. Guidée par la déesse Athéna, elle vint auprès du fleuve ou tu dormais laver les habits royaux avec ses suivantes. Les voix des jeunes filles t'éveillèrent. Dans ta détresse et ta nudité, tu jetas l'effroi parmi les jeunes filles. Seule Nausicaa eut le courage de ne pas fuir et d'écouter ta demande d'aide. Elle rappela ses suivantes et te fit vêtir après que ton corps ait été lavé par l'eau du fleuve et enduit d'huile fine. Tu retrouvas ta force et ta beauté. Aussi Nausicaa vit en toi l'époux qu'elle désirait. Mais, ta nostalgie d'Ithaque fut encore plus forte. Alors Nausicaa te pria seulement, en ravalant ses larmes, de ne point oublier qu'elle t'avait sauvé des flots. Amené tout ensommeillé dans le vaisseau mené par les rameurs Phéaciens si bien aguerris à leur tâche, tu étais comme bercé par le bruit régulier des rames et le mouvement profond d'une mer douce mais étincelante. C'était comme dans ces rêves très rares qui vous mènent sur l'Olympe. Jamais tu ne te sentis si bien avec ce goût d’embrun salé sur tes lèvres et ce bruit régulier et sec du claquement des rames sur les flots. Tu éprouvas la sensation de voguer vers un nouveau Monde. Ce fut, Ulysse, l'un des rares moments de félicité absolue dans une vie de combats, de feu et du malheur d'avoir vu périr tous tes valeureux compagnons. Ulysse revenu dans ton palais, déguisé en mendiants pour châtier les prétendants, tu triomphas au tir à l'arc. Mais l'heure de la vindicte avait sonné. La première de tes flèches perça la gorge d'Antinoos, buvant sa coupe. Nul ne put te fléchir Ulysse, pas même, l'éloquent Eurymaque qui t'offrait de t'apporter réparations pour tes provisions goulument mangés et tes biens dilapidés. Le pardon s'effaça en toi car l'offense faite à ta femme et à ton fils et à ton honneur était trop forte. Aussi tu n'eus pas la magnanimité de choisir la clémence et le sang coula dans ton palais comme le vin des outres. Pas un des prétendants ne fut épargné à l'exception du chanteur de Lyre, Phénios et du héraut Médon qui avait protégé Télémaque.
Mais Ulysse, tu ne fus pas grand en laissant condamner à la pendaison hideuse, douze servantes qui avaient outragé Pénélope et partagé leur couche avec les prétendants. Ulysse tu fus tant aimé des déesses, des nymphes et des femmes et souvent sauvé du pire par celles qui te donnèrent plaisir et descendance. Mais obsédé par tes roches d'Ithaque ne sus pas leur rendre l'amour qu'elles te portèrent. Tu ne fus pas non plus à la hauteur de la constance et de la fidélité de Pénélope. Mais Ulysse poursuivi par la fatalité de l'exil et de l'errance et la rancune de Poséidon, tu fus aussi le préféré de la déesse Athéna qui fit tant et plus pour te sauver maintes fois de ta perte. Cette déesse fut la vraie sauvegarde de ta vie aventureuse et les femmes qui te chérirent t'apportèrent maintes douceurs et consolations dans ta vie tumultueuse.

Paul Arrighi, Toulouse, (France) 2013.
Il me dit qu'il était très riche,
Mais qu'il craignait le choléra ;
- Que de son or il était chiche,
Mais qu'il goûtait fort l'Opéra ;

- Qu'il raffolait de la nature,
Ayant connu monsieur Corot ;
- Qu'il n'avait pas encor voiture,
Mais que cela viendrait bientôt ;

- Qu'il aimait le marbre et la brique,
Les bois noirs et les bois dorés ;
- Qu'il possédait dans sa fabrique
Trois contremaîtres décorés ;

- Qu'il avait, sans compter le reste,
Vingt mille actions sur le Nord ;
Qu'il avait trouvé, pour un zeste,
Des encadrements d'Oppenord ;

- Qu'il donnerait (fût-ce à Luzarches !)
Dans le bric-à-brac jusqu'au cou,
Et qu'au Marché des Patriarches
Il avait fait plus d'un bon coup ;

- Qu'il n'aimait pas beaucoup sa femme,
Ni sa mère ; - mais qu'il croyait  
À l'immortalité de l'âme,
Et qu'il avait lu Niboyet !

- Qu'il penchait pour l'amour physique,
Et qu'à Rome, séjour d'ennui,
Une femme, d'ailleurs phtisique,
Etait morte d'amour pour lui.

Pendant trois heures et demie,
Ce bavard, venu de Tournai,
M'a dégoisé toute sa vie ;
J'en ai le cerveau consterné.

S'il fallait décrire ma peine,
Ce serait à n'en plus finir ;
Je me disais, domptant ma haine :  
« Au moins, si je pouvais dormir ! »

Comme un qui n'est pas à son aise,
Et qui n'ose pas s'en aller,
Je frottais de mon cul ma chaise,
Rêvant de le faire empaler.

Ce monstre se nomme Bastogne ;
Il fuyait devant le fléau.
Moi, je fuirai jusqu'en Gascogne,
Ou j'irai me jeter à l'eau,

Si dans ce Paris, qu'il redoute,
Quand chacun sera retourné,
Je trouve encore sur ma route
Ce fléau, natif de Tournai.
Paul d'Aubin Dec 2016
Ce si long chemin des Mages

Ils se mirent en route juchés sur leurs chameaux,
pour accomplir les prophéties prolongées par leurs subtils calculs.
C'étaient de fameux astrologues et des savants emplis de bonté, de sagesse et de savoir.
Ils n'avaient pu dresser du Cosmos et du chemin à parcourir que des cartes incomplètes mais se mirent d’accord pour suivre cette étoile nouvellement apparue, déjà annoncée dans les écrits anciens.
Cette étoile se manifesta à leurs longues scrutations du cosmos en brillant avec une clarté particulière dans le ciel des comètes.
Deux Mages partirent de Chaldée, le troisième vint des hautes sources du Nil.
Ils se rejoignirent à Jérusalem dans le palais du roi Hérode.
Leur entretien fut marqué par des échanges de présents, de paroles, de miel et d'observations méfiantes  mutuelles.
Cependant, Hérode, s'enquit avec cautèles du motif d'un si long voyage et demanda s'il était en lien avec cette étrange prophétie annonçant la naissance d'un nouveau-né destiné à devenir un jour le probable roi des Juifs.
Puis il demanda qu'ils veuillent bien lui faire connaître l'endroit exact où était tenu ce nouveau futur roi pour l’honorer à son tour.
Les Mages hochèrent la tête avec gravité et évitèrent de se prononcer sur la demande pressante qui leur était faite.
Puis les Mages prirent congé du Tyran Hérode en l'incitant à préférer la pratique de la sagesse plus que de verser dans l' « hubris » que blâmaient tant les philosophes Grecs.
Dès qu'ils eurent repris leur étrange voyage, le roi cruel rongé, par la peur, ordonna à ses espions de suivre les Mages jusqu'à leur probable découverte.
Bien sûr, les Mages furent suivis par de nombreux espions à cheval mais ils dormaient rarement dans des auberges ou des caravansérails.
Pour éloigner leurs suiveurs, les Mages voyageaient souvent de nuit car les suivre devenait alors difficile.
Et, eux seuls, connaissaient l'étoile messagère.
Plusieurs fois, ils perdirent leur chemin s'égarant entre les monts et le fleuve Jourdain.
C'est ainsi qu'ils finirent par égarer les espions.
Avant de s'endormir ils discutaient des sujets inépuisables des science mais surtout de cet enfant à naître promis à tant d'espoirs, du moins l'interprétaient-ils ainsi.
Ils ne savaient pas exactement quel nourrisson, ils allaient trouver, et qui et ou, étaient et résidaient ses parents.
Puis ils pénétrèrent dans un pays d'éleveurs, de rochers et de grottes.
Certains ont dit que c'était le pays de Bethléem de la tribu de David, d'autres ont rapporté que c'était le hameau lui aussi nommé Bethléem mais proche de Nazareth ou Joseph avait son atelier.
Mais le doute est resté tant les témoignages sont souvent bien difficiles à interpréter.
Ce qui est sûr, c'est que l'étoile messagère devint soudain rouge feu et projeta sa clarté tombante sur la terrasse d'une modeste auberge emplie de voyageurs.
Ils se firent connaître de l'hôtelier et demandèrent que leur soit présenté un nouveau-né qui serait abrité ici.
Jésus, fils de Joseph et de Marie, avait été placé dans une mangeoire servant de berceau dans une chambrette bien chèrement louée.
Mais le nourrisson dormait, le plus souvent, et parfois tétait comme tous les bébés de son âge.
Les Mages furent éblouis par tant de simplicité et d'innocence pour celui qui avait été annoncé par tant de prophéties lui annonçant un si grand destin.
Les Mages se présentèrent aux parents, firent connaître la prophétie, leur donnèrent les présents variés; l'or, l'encens et la myrrhe et incitèrent vivement Joseph à se défier du perfide Hérode mais aussi d'un roi criminel de Cœlé-Syrie nommé Cheb Bachar el-Assad et de son complice, le Boyard au visage anguleux et aux yeux froids d'esturgeon, vêtu d'une Chapka et d'un Kaftan et leur commun admirateur et complice Celte, « Fourbix Fillonix » à la triste figure.
Avec l'or qu'ils leurs avaient donné les parents pourraient se rendre aussi discrètement, le plus tôt possible, dans « le pays des pharaons. »
Ils ne pourraient revenir que lorsque la froideur et la rigidité des membres auraient saisi le corps du Tyran qui avait déjà fait périr sa magnifique femme Mariamne, l’Hasmonéenne et deux de ses propres enfants.

Les Mages comprirent alors que le sens profond de leur voyage était de mettre, à l’ abri, pour le futur ; eux, les hommes de savoir, une famille dont le nouveau-né était déjà, en quelque sorte, déjà un « réfugié politique » avant que d'avoir pu marcher et parler.
Car de tout temps le vrai savoir fut souvent l'un des rares secours des Peuples opprimés par ces tyrans ne vivant qu'entre peur et crimes, selon la très ancienne malédiction de ceux qui usent de ce pouvoir immodérément.
Joseph et Marie, avertis par les Mages et de surcroît par un songe fuirent avec discrétion en Egypte dans le pays de Pharaon mettre Jésus à l’abri de la folie sanguinaire de celui qui transmutait sa propre peur en sang. Plus de deux mille ans après,  les questions presque insolubles de la tyrannie et de l’accaparement de l'argent, de la liberté des consciences et religieuses et du pouvoir ne sont toujours pas réglées.

Paul Arrighi
Je voyageais. Le paysage au milieu duquel j'étais placé était d'une grandeur et d'une noblesse irrésistibles. Il en passa sans doute en ce moment quelque chose dans mon âme. Mes pensées voltigeaient avec une légèreté égale à celle de l'atmosphère ; les passions vulgaires, telles que la haine et l'amour profane, m'apparaissaient maintenant aussi éloignées que les nuées qui défilaient au fond des abîmes sous mes pieds ; mon âme me semblait aussi vaste et aussi pure que la coupole du ciel dont j'étais enveloppé ; le souvenir des choses terrestres n'arrivait à mon cœur qu'affaibli et diminué, comme le son de la clochette des bestiaux imperceptibles qui paissaient ****, bien ****, sur le versant d'une autre montagne. Sur le petit lac immobile, noir de son immense profondeur, passait quelquefois l'ombre d'un nuage, comme le reflet du manteau d'un géant aérien volant à travers le ciel. Et je me souviens que cette sensation solennelle et rare, causée par un grand mouvement parfaitement silencieux, me remplissait d'une joie mêlée de peur. Bref, je me sentais, grâce à l'enthousiasmante beauté dont j'étais environné, en parfaite paix avec moi-même et avec l'univers ; je crois même que, dans ma parfaite béatitude et dans mon total oubli de tout le mal terrestre, j'en étais venu à ne plus trouver si ridicules les journaux qui prétendent que l'homme est né bon ; - quand la matière incurable renouvelant ses exigences, je songeai à réparer la fatigue et à soulager l'appétit causés par une si longue ascension. Je tirai de ma poche un gros morceau de pain, une tasse de cuir et un flacon d'un certain élixir que les pharmaciens vendaient dans ce temps-là aux touristes pour le mêler dans l'occasion avec de l'eau de neige.

Je découpais tranquillement mon pain, quand un bruit très-léger me fit lever les yeux. Devant moi se tenait un petit être déguenillé, noir, ébouriffé, dont les yeux creux, farouches et comme suppliants, dévoraient le morceau de pain. Et je l'entendis soupirer, d'une voix basse et rauque, le mot : gâteau ! Je ne pus m'empêcher de rire en entendant l'appellation dont il voulait bien honorer mon pain presque blanc, et j'en coupai pour lui une belle tranche que je lui offris. Lentement il se rapprocha, ne quittant pas des yeux l'objet de sa convoitise ; puis, happant le morceau avec sa main, se recula vivement, comme s'il eût craint que mon offre ne fût pas sincère ou que je m'en repentisse déjà.

Mais au même instant il fut culbuté par un autre petit sauvage, sorti je ne sais d'où, et si parfaitement semblable au premier qu'on aurait pu le prendre pour son frère jumeau. Ensemble ils roulèrent sur le sol, se disputant la précieuse proie, aucun n'en voulant sans doute sacrifier la moitié pour son frère. Le premier, exaspéré, empoigna le second par les cheveux ; celui-ci lui saisit l'oreille avec les dents, et en cracha un petit morceau sanglant avec un superbe juron patois. Le légitime propriétaire du gâteau essaya d'enfoncer ses petites griffes dans les yeux de l'usurpateur ; à son tour celui-ci appliqua toutes ses forces à étrangler son adversaire d'une main, pendant que de l'autre il tâchait de glisser dans sa poche le prix du combat. Mais, ravivé par le désespoir, le vaincu se redressa et fit rouler le vainqueur par terre d'un coup de tête dans l'estomac. À quoi bon décrire une lutte hideuse qui dura en vérité plus longtemps que leurs forces enfantines ne semblaient le promettre ? Le gâteau voyageait de main en main et changeait de poche à chaque instant ; mais, hélas ! il changeait aussi de volume ; et lorsque enfin, exténués, haletants, sanglants, ils s'arrêtèrent par impossibilité de continuer, il n'y avait plus, à vrai dire, aucun sujet de bataille ; le morceau de pain avait disparu, et il était éparpillé en miettes semblables aux grains de sable auxquels il était mêlé.

Ce spectacle m'avait embrumé le paysage, et la joie calme où s'ébaudissait mon âme avant d'avoir vu ces petits hommes avait totalement disparu ; j'en restai triste assez longtemps, me répétant sans cesse : « Il y a donc un pays superbe où le pain s'appelle du gâteau, friandise si rare qu'elle suffit pour engendrer une guerre parfaitement fratricide ! »
À Stéphane Mallarmé


Il parle italien avec un accent russe.

Il dit : « Chère, il serait précieux que je fusse

Riche, et seul, tout demain et tout après-demain.

Mais riche à paver d'or monnayé le chemin

De l'Enfer, et si seul qu'il vous va falloir prendre

Sur vous de m'oublier jusqu'à ne plus entendre

Parler de moi sans vous dire de bonne foi :

Qu'est-ce que ce monsieur Félice ? Il vend de quoi ? »


Cela s'adresse à la plus blanche des comtesses.


Hélas ! toute grandeurs, toutes délicatesses,

Cœur d'or, comme l'on dit, âme de diamant,

Riche, belle, un mari magnifique et charmant

Qui lui réalisait toute chose rêvée,

Adorée, adorable, une Heureuse, la Fée,

La Reine, aussi la Sainte, elle était tout cela,

Elle avait tout cela.

Cet homme vint, vola

Son cœur, son âme, en fit sa maîtresse et sa chose

Et ce que la voilà dans ce doux peignoir rose

Avec ses cheveux d'or épars comme du feu,

Assise, et ses grands yeux d'azur tristes un peu.


Ce fut une banale et terrible aventure

Elle quitta de nuit l'hôtel. Une voiture

Attendait. Lui dedans. Ils restèrent six mois

Sans que personne sût où ni comment. Parfois

On les disait partis à toujours. Le scandale

Fut affreux. Cette allure était par trop brutale

Aussi pour que le monde ainsi mis au défi

N'eût pas frémi d'une ire énorme et poursuivi

De ses langues les plus agiles l'insensée.

Elle, que lui faisait ? Toute à cette pensée,

Lui, rien que lui, longtemps avant qu'elle s'enfuît,

Ayant réalisé son avoir (sept ou huit

Millions en billets de mille qu'on liasse

Ne pèsent pas beaucoup et tiennent peu de place.)

Elle avait tassé tout dans un coffret mignon

Et le jour du départ, lorsque son compagnon

Dont du rhum bu de trop rendait la voix plus tendre

L'interrogea sur ce colis qu'il voyait pendre

À son bras qui se lasse, elle répondit : « Ça

C'est notre bourse. »

Ô tout ce qui se dépensa !

Il n'avait rien que sa beauté problématique

(D'autant pire) et que cet esprit dont il se pique

Et dont nous parlerons, comme de sa beauté,

Quand il faudra... Mais quel bourreau d'argent ! Prêté,

Gagné, volé ! Car il volait à sa manière,

Excessive, partant respectable en dernière

Analyse, et d'ailleurs respectée, et c'était

Prodigieux la vie énorme qu'il menait

Quand au bout de six mois ils revinrent.


Le coffre

Aux millions (dont plus que quatre) est là qui s'offre

À sa main. Et pourtant cette fois - une fois

N'est pas coutume - il a gargarisé sa voix

Et remplacé son geste ordinaire de prendre

Sans demander, par ce que nous venons d'entendre.

Elle s'étonne avec douceur et dit : « Prends tout

Si tu veux. »

Il prend tout et sort.


Un mauvais goût

Qui n'avait de pareil que sa désinvolture

Semblait pétrir le fond même de sa nature,

Et dans ses moindres mots, dans ses moindres clins d'yeux,

Faisait luire et vibrer comme un charme odieux.

Ses cheveux noirs étaient trop bouclés pour un homme,

Ses yeux très grands, tout verts, luisaient comme à Sodome.

Dans sa voix claire et lente un serpent s'avançait,

Et sa tenue était de celles que l'on sait :

Du vernis, du velours, trop de linge, et des bagues.

D'antécédents, il en avait de vraiment vagues

Ou pour mieux dire, pas. Il parut un beau soir,

L'autre hiver, à Paris, sans qu'aucun pût savoir

D'où venait ce petit monsieur, fort bien du reste

Dans son genre et dans son outrecuidance leste.

Il fit rage, eut des duels célèbres et causa

Des morts de femmes par amour dont on causa.

Comment il vint à bout de la chère comtesse,

Par quel philtre ce gnome insuffisant qui laisse

Une odeur de cheval et de femme après lui

A-t-il fait d'elle cette fille d'aujourd'hui ?

Ah, ça, c'est le secret perpétuel que berce

Le sang des dames dans son plus joli commerce,

À moins que ce ne soit celui du Diable aussi.

Toujours est-il que quand le tour eut réussi

Ce fut du propre !


Absent souvent trois jours sur quatre,

Il rentrait ivre, assez lâche et vil pour la battre,

Et quand il voulait bien rester près d'elle un peu,

Il la martyrisait, en manière de jeu,

Par l'étalage de doctrines impossibles.


· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·


Mia, je ne suis pas d'entre les irascibles,

Je suis le doux par excellence, mais, tenez,

Ça m'exaspère, et je le dis à votre nez,

Quand je vous vois l'œil blanc et la lèvre pincée,

Avec je ne sais quoi d'étroit dans la pensée

Parce que je reviens un peu soûl quelquefois.

Vraiment, en seriez-vous à croire que je bois

Pour boire, pour licher, comme vous autres chattes,

Avec vos vins sucrés dans vos verres à pattes

Et que l'Ivrogne est une forme du Gourmand ?

Alors l'instinct qui vous dit ça ment plaisamment

Et d'y prêter l'oreille un instant, quel dommage !

Dites, dans un bon Dieu de bois est-ce l'image

Que vous voyez et vers qui vos vœux vont monter ?

L'Eucharistie est-elle un pain à cacheter

Pur et simple, et l'amant d'une femme, si j'ose

Parler ainsi consiste-t-il en cette chose

Unique d'un monsieur qui n'est pas son mari

Et se voit de ce chef tout spécial chéri ?

Ah, si je bois c'est pour me soûler, non pour boire.

Être soûl, vous ne savez pas quelle victoire

C'est qu'on remporte sur la vie, et quel don c'est !

On oublie, on revoit, on ignore et l'on sait ;

C'est des mystères pleins d'aperçus, c'est du rêve

Qui n'a jamais eu de naissance et ne s'achève

Pas, et ne se meut pas dans l'essence d'ici ;

C'est une espèce d'autre vie en raccourci,

Un espoir actuel, un regret qui « rapplique »,

Que sais-je encore ? Et quant à la rumeur publique,

Au préjugé qui hue un homme dans ce cas,

C'est hideux, parce que bête, et je ne plains pas

Ceux ou celles qu'il bat à travers son extase,

Ô que nenni !


· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·


« Voyons, l'amour, c'est une phrase

Sous un mot, - avouez, un écoute-s'il-pleut,

Un calembour dont un chacun prend ce qu'il veut,

Un peu de plaisir fin, beaucoup de grosse joie

Selon le plus ou moins de moyens qu'il emploie,

Ou pour mieux dire, au gré de son tempérament,

Mais, entre nous, le temps qu'on y perd ! Et comment !

Vrai, c'est honteux que des personnes sérieuses

Comme nous deux, avec ces vertus précieuses

Que nous avons, du cœur, de l'esprit, - de l'argent,

Dans un siècle que l'on peut dire intelligent

Aillent !... »


· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·


Ainsi de suite, et sa fade ironie

N'épargnait rien de rien dans sa blague infinie.

Elle écoutait le tout avec les yeux baissés

Des cœurs aimants à qui tous torts sont effacés,

Hélas !

L'après-demain et le demain se passent.

Il rentre et dit : « Altro ! Que voulez-vous que fassent

Quatre pauvres petits millions contre un sort ?

Ruinés, ruinés, je vous dis ! C'est la mort

Dans l'âme que je vous le dis. »

Elle frissonne

Un peu, mais sait que c'est arrivé.

- « Ça, personne,

« Même vous, diletta, ne me croit assez sot

Pour demeurer ici dedans le temps d'un saut

De puce. »

Elle pâlit très fort et frémit presque,

Et dit : « Va, je sais tout. » - « Alors c'est trop grotesque

Et vous jouez là sans atouts avec le feu.

- « Qui dit non ? » - « Mais je suis spécial à ce jeu. »

- « Mais si je veux, exclame-t-elle, être damnée ? »

- « C'est différent, arrange ainsi ta destinée,

« Moi, je sors. » « Avec moi ! » - « Je ne puis aujourd'hui. »

Il a disparu sans autre trace de lui

Qu'une odeur de soufre et qu'un aigre éclat de rire.


Elle tire un petit couteau.

Le temps de luire

Et la lame est entrée à deux lignes du cœur.

Le temps de dire, en renfonçant l'acier vainqueur :

« À toi, je t'aime ! » et la justice la recense.


Elle ne savait pas que l'Enfer c'est l'absence.
EM Dec 2014
Il avait le regard le plus doux qu'elle n'aie jamais vu et un sourire a en mourir.. pour combien de temps celui ci va t'il durer? Ce demande -elle en le contemplant.. Elle adorait le regarder entrain d’étudier. elle trouvait un grand charme dans son côté travailleur. Les opposés s'attirent se dit elle avec un léger sourire.. Évidement ils étaient des opposés. Il était romantique, elle ne l'était pas. Il était sérieux, elle ne l'était pas du tout. Il aimait le chocolat blanc, elle le détestait. Il aimait le whisky, elle ne le supportait pas.. mais pourtant il a su la conquérir: ce qu'elle n'aimait pas admettre; elle a toujours essayer d'éviter l'amour qui, pour elle, était un synonyme de peine et misère, dieu sait que sa dernière -et d’ailleurs première- confrontation avec ce dernier n'as pas était des plus joyeuse et elle aurait préférer mourir mille fois avant de retomber dans ce tourbillon de pleurs et d'agonie amoureuse, mais pourtant maintenant plus que tout elle adorait sa présence, entendre sa respiration de bébé, son rire, ses mots doux, son tout, elle l'adorait finalement lui ,car, voyez vous, certains gens donnent valeur au choses, certains gens on devrait jamais les laisser partir, certains gens méritent tout l'amour qu'on leur donne, ils rendent les choses meilleur, ils sont tout simplement des anges, des cadeaux de dieu et lui faisait partie de ces gens ce qui fait qu'il a vite pris une place dans son cœur en dissipant ses doutes et ses peurs, prenant possession complète de celui ci et a fait de sa présence un élément indispensable chez elle, qui trouvait quelque chose de dévastateur, voir effrayant dans son absence.. tel faire face à sa plus grande peur.. un mélange de tristesse, de peur, de curiosité et en même temps un immense vide s'emparent d'elle a chaque fois qu'il s'en va..  elle ne sait pas, elle ne sait juste pas comment ce gars est devenu si important, si vital pour elle mais il l'est, peut être serait-il "le bon"? elle l’espérait anxieusement. elle avait hâte de se réveiller chaque matin a ses cotés, de passer ses jours avec lui ayant des fous rires, parlant de tout et de rien, jouant comme des gamins, construisant leurs rêves ensemble et de passer ses nuits a lui faire passionnément l'amour ou a se blottir dans ses bras en attendant que Morphée vienne l'emmener ****, **** dans un monde ou elle rêvera de lui, de ses lèvres parfaites, de sa douce barbe et  la chaleur de son enlacement. oui, elle avait hâte pour tout ça, elle avait hâte pour lui, mais quelque chose en elle, un monstre habitant les pénombres de son âme, lui disait de se méfier et de prendre ses distances avec lui, se monstre était sa raison. dans le monde fou, absurde, empirique, irrationnel, farfelue,fantaisiste, antilogique, et confus de l'amour la raison est un monstre désastreux, se trouvant alors déchirée entre son idiot de cœur et sa stricte raison elle se rappela de quelque chose qu'il lui a dit. "quand j'ai des doutes,quand des questions mal saines me tiennent, quand n'importe quel chose arrive, je ne donne a moi même qu'une seule repense, je me dit que je t'aime, et cela est toujours suffisant pour faire disparaître tout de mal, rien d'autre n'as d'importance" "je l'aime" se dit-elle alors écrasant le monstre de son jugement et en se rapprochant de lui avec un regard coquin qui en disait long sur ses intentions pour ce soir.
Paul d'Aubin Jul 2014
Ulysse adoré par les Femmes, les  Nymphes , protégé par Athéna et traqué par Poséidon.


Parti à contrecœur, ayant même contrefait le fou, pour se soustraire à la guerre et élever ton fils Télémaque, tu dus partir à Troie, et sus t'y montrer brave mais surtout fin stratège.
La guerre fut bien longue, pas du tout comme celle que chantaient les Aèdes. L'ennemi ressemblait tant à nos guerriers Achéens, courageux et aussi sûrs de leur droit que nous l'étions du notre.
Que de sang, que de peine ! Tu vis périr Patrocle, ne pus sauver Achille; et les morts aux corps déchiquetés par les épées se substituèrent aux coupes de ce vin si enivrant qu'est la rhétorique guerrière et à la funeste illusion d'une victoire facile.

Ulysse tu eus l'idée de bâtir ce grand vaisseau dont la proue figurait une tête de cheval. Ainsi les Achéens purent entrer dans le port forteresse si bien gardé. Mais quand la nuit noire et le vin mêlés ôtèrent aux courageux Troyens leur vigilance et leur garde, vous sortirent alors des flancs du bateau et vous précipitèrent pour ouvrir grands les portes aux guerriers Achéens.
La suite fut un grand carnage de guerriers Troyens mais aussi de non combattants et même de femmes. Et Troie, la fière, la courageuse ne fut plus ville libre et les survivants de son Peuple connurent l'esclavage.

Aussi quand Troie fut conquise et que ses rue coulèrent rouges du sang vermeil de ses défenseur, mais aussi de nombreux civils, tu songeas à retourner chez toi, car tu étais roi, et ton fils Télémaque aurait besoin de toi et Pénélope t'aimait. Les souvenirs d'émois et de tendres caresses faisaient encore frissonner la harpe de ton corps de souvenirs très doux.
C'est alors que tu dus affronter la Déesse Athéna et ton double, tous deux vigilants, a tester ta sincérité et ta constance. Oh, toi Homme volage et point encore rassasié de voyages et de conquêtes. L'étendue de la mer te fut donnée comme le théâtre même de ta vérité profonde.


Après bien des voyages et avoir perdu nombre de tes compagnons, tu fus poussé dans l'île de la nymphe Calypso.
Cette immortelle à la chevelure, si joliment bouclée se trouvait dans son île d'arbustes odoriférants. Aussi fit-elle tout pour te garder. Toi-même, tu lui trouvas de l'ardeur et des charmes même si durant le jour tu te laissais aller à la nostalgie d'Ithaque.
La belle immortelle te proposas, pour te garder, de te donner cet attribut si recherché qui empêche à jamais de sombrer dans le sommeil perpétuel.
Mais toi, Ulysse, tu préféras garder ton destin d'homme mortel et ton inguérissable blessure pour Ithaque.

Après sept années d’une prison si douce, l'intervention d'Athéna te rendit aux aventures de la Mer. Tu accostas, avec tes compagnons sur la côte d’une île malfaisante. C’était la demeure des Cyclopes. Parmi ce Peuple de géants, le cyclope Polyphème habitait une grotte profonde d'où il faisait rentrer chaque soir son troupeau.
Ulysse quelle folie traversa ton esprit et celui de tes compagnons que de vouloir pénétrer dans cette antre maudite, mû à la fois par la curiosité et la volonté de faire quelques larcins de chèvres ? Vous payèrent bien cher cette offense par la cruelle dévoration que fit l'infâme Polyphème de plusieurs de tes compagnons dont vous entendîtes craquer les os sous la mâchoire du sauvage. Aussi votre courage fut renforcé par votre haine lorsque vous lui plantèrent l'épieu dans son œil unique alors que sa vigilance venait d'être endormie par le vin.

Les barques ayant mouillés dans l'île d'Aiaé, tes compagnons imprudents furent transformés en pourceaux par la belle et cruelle Magicienne Circée.
Doté d'un contre poison à ses filtres, tu ne restas cependant pas insensible aux charmes de la belle Magicienne mais tu lui fis prononcer le grand serment avant de répondre à tes avances.
Elle accepta pour faire de toi son amant de redonner leur forme humaine à tes compagnons,
Et vos nuits furent tendres, sensuelles et magiques car la Magicienne excellait dans les arts de l'amour et il en naquit un fils.

Toi le rusé et courageux Ulysse, tu espérais enfin voguer avec délice sur une mer d'huile parcourue par les reflets d'argent des poissons volants et te réjouir des facéties des dauphins,
Mais c'était oublier et compter pour peu la rancune de Poséidon, le maître des eaux, rendu furieux par le traitement subi par son fils Polyphème.
C'est pour cela qu'une masse d'eau compacte, haute comme une haute tour avançant au grand galop ébranla et engloutit ton solide radeau.
Seul ton réflexe prompt de t'accrocher au plus grand des troncs te permis de plonger longuement au fonds des eaux en retenant longtemps ton souffle avant d’émerger à nouveaux.

La troisième des belles que ton voyage tumultueux te fit rencontrer fut la jeune Nausicaa, fille du roi des Phéaciens, Alcinoos.
Celle-ci, dans la floraison de sa jeunesse, ardente et vive, ne cédait en rien à l'éclat des plus belles et subtiles fleurs. Guidée par la déesse Athéna, elle vint auprès du fleuve ou tu dormais laver les habits royaux avec ses suivantes. Les voix des jeunes filles t'éveillèrent. Dans ta détresse et ta nudité, tu jetas l'effroi parmi les jeunes filles. Seule Nausicaa eut le courage de ne pas fuir et d'écouter ta demande d'aide. Elle rappela ses suivantes et te fit vêtir après que ton corps ait été lavé par l'eau du fleuve et enduit d'huile fine. Tu retrouvas ta force et ta beauté. Aussi Nausicaa vit en toi l'époux qu'elle désirait. Mais, ta nostalgie d'Ithaque fut encore plus forte. Alors Nausicaa te pria seulement, en ravalant ses larmes, de ne point oublier qu'elle t'avait sauvé des flots.

Amené tout ensommeillé dans le vaisseau mené par les rameurs Phéaciens si bien aguerris à leur tâche, tu étais comme bercé par le bruit régulier des rames et le mouvement profond d'une mer douce mais étincelante. C'était comme dans ces rêves très rares qui vous mènent sur l'Olympe. Jamais tu ne te sentis si bien avec ce goût d’embrun salé sur tes lèvres et ce bruit régulier et sec du claquement des rames sur les flots. Tu éprouvas la sensation de voguer vers un nouveau Monde. Ce fut, Ulysse, l'un des rares moments de félicité absolue dans une vie de combats, de feu et du malheur d'avoir vu périr tous tes valeureux compagnons.

Ulysse revenu dans ton palais, déguisé en mendiants pour châtier les prétendants, tu triomphas au tir à l'arc. Mais l'heure de la vindicte avait sonné. La première de tes flèches perça la gorge d'Antinoüs, buvant sa coupe. Nul ne put te fléchir Ulysse, pas même, l'éloquent Eurymaque qui t'offrait de t'apporter réparations pour tes provisions goulument mangés et tes biens dilapidés. Le pardon s'effaça en toi car l'offense faite à ta femme et à ton fils et à ton honneur était trop forte. Aussi tu n'eus pas la magnanimité de choisir la clémence et le sang coula dans ton palais comme le vin des outres. Pas un des prétendants ne fut épargné à l'exception du chanteur de Lyre, Phénios et du héraut Médon qui avait protégé Télémaque. Mais Ulysse, tu ne fus pas grand en laissant condamner à la pendaison hideuse, douze servantes qui avaient outragé Pénélope et partagé leur couche avec les prétendants.

Ulysse tu fus tant aimé des déesses, des nymphes et des femmes et souvent sauvé du pire par celles qui te donnèrent plaisir et descendance. Mais obsédé par tes roches d'Ithaque ne sus pas leur rendre l'amour qu'elles te portèrent. Tu ne fus pas non plus à la hauteur de la constance et de la fidélité de Pénélope.
Mais Ulysse poursuivi par la fatalité de l'exil et de l'errance et la rancune de Poséidon, tu fus aussi le préféré de la déesse Athéna qui fit tant et plus pour te sauver maintes fois de ta perte. Cette déesse fut la vraie sauvegarde de ta vie aventureuse et les femmes qui te chérirent t'apportèrent maintes douceurs et consolations dans ta vie tumultueuse.

Paul Arrighi
The adventures of Ulysses in the Odyssey as beloved by Women and Nymphs protected by Athena and pursue by Poseidon
Paul d'Aubin May 2016
Le manifestant

Il avait manifesté, tant et plus.
Dans l'après 68, casqué,
parmi tant de jeunes copines et copains.
Il courait vite alors et cela valait mieux.
Car la police n'était pas tendre.
Mais c'était comme un rituel
de courses, de lacrymos
et de chevelures dénouées.
L'époque semblait alors grand ouverte,
à la jeunesse, aux guitares et aux robes à fleurs.
Tandis que les posters du «Che» régnaient sur les murs des chambres d'adolescents.
Lorsque Franco, le cacochyme, l’infâme,
voulut, avant de mourir, accroître sa moisson de victimes.
Cela chauffa fort devant le consulat
Espagnol, à Toulouse.
Il fallait maîtriser la peur des détonations,
et se tenir bien droit dans la chaîne,
lorsque les hommes casqués qui
avaient aussi peur que nous,
reçurent l'ordre de charger.
Sales moments pour les services d'ordre,
Entre chocs de casques contre casques,
Tels des chevaliers des temps jadis,
avec leurs heaumes.
Puis les années passèrent, les copains s'égayèrent.
La venue de l'âge adulte déboulait dans nos vies,
avec sa part de réalisations et d'oublis des serments.
Certains tournèrent complètement casaque,
et commencèrent à se prendre au sérieux,
en jouant aux patrons branches ou aux conseilleurs officieux.
D'autres furent laissés pour compte.
et s'en prirent aux plus faibles qu'eux,
votèrent pour le borgne et sa fille
qui leur promettaient de rendre de
rebâtir la France en rendant la vie
plus dure a de pauvres hères basanés.
qu'ils suspectaient si sottement
de réduire leur part de droits sociaux.
C'était des temps bien médiocres à
l'haleine fétide.
Dans les cafés, les propos volaient bas,
Comme des projectiles
et les plus hargneux régnaient par leurs outrances,
comme le loup cervier sur la meute apeurée.
Et puis, fut élu, François Hollande, non par son charisme mais surtout par défaut.
Il avait l'air bonhomme paraissait bienveillant.
Et puis Sarko nous avait épuisés
et exaspères,
par son ego de montgolfière, son agitation incessante,
et sa manie de dresser les uns contre les autres,
et de courir sus aux boucs émissaires.
Nous n'attendions pas un Zorro, mais nous eûmes droit au sergent Garcia,
Et funeste erreur, ce Président apaisé, trop tranquille,
fit appel à Manuel Valls, ce querelleur, cet hidalgo ombrageux.
Alors s'instaura le temps des reniements et des provocations répétées,
ou il fallait battre sa coulpe et ne plus prononcer le mot «socialisme».
C’était l’éternelle fable du nouveau et des vieux !
Mais ce nouveau avait un air et un goût de ranci et de Finances aussi.
Comme comme une cerise bien amère sur le gâteau et ces goûts d'alcool frelaté,
surgit la «loi Travail» comme un pied de nez
fait à celles et ceux qui en manquaient
Et dont le cout baissait incessamment
Nous fumes beaucoup à nous réveiller hagards,
et à reprendre le chemin des manifs,
Ou nous virent des «robocops» super équipés,
nous serrer de trop près; ambiance détestable,
pendant que nos mandants, élus pour faire tout autre chose.
S'efforçaient de nous enfumer et de créer maintes diversions.
C'était moins marrant qu'en notre jeunesse.
Mais il fallait ne pas lâcher, pour transmettre l'Esprit et la Flamme.
Nous avions quand même, la gorge serrée,
de voir d'ancien amis raconter des salades,
et se battre désormais pour la préservation de leurs postes,
Et de quelques prébendes.
Mais comment était-ce arrive ?
Comment avaient-ils pu oublier ce qu'ils avaient été !
Et venir défendre ce qu'ils avaient combattu ?
L'histoire est bien cyclique et l'être fragile comme un roseau.
Ça ne fait rien, j'étais redevenu manifestant, opposant.
Je gardais comme l'oiseau bleu ma conscience pour moi.
Et je pourrais dire un Jour à mon enfant,
«Le plus beau diamant est ta vérité intérieure et ta conscience
Maintien ton Esprit pur avant que de prétendre changer le Monde.»

Paul Daubin
Qu'était-ce que l'enfant ? qu'était-ce que la mère ?
Je l'ignorais. C'était la saison éphémère
Qui nous enchante ; et n'a qu'un défaut, durer peu,
Avril. De ma mansarde, entr'ouverte au ciel bleu,
Je regardais, à l'heure où le jour vient de naître,
Une femme tournant le dos à la fenêtre,
Assise sur son lit, un enfant dans ses bras ;
Je devinais l'enfant, je ne le voyais pas,
Tant ils étaient tous deux serrés l'un contre l'autre.

Malheur au faible ! ô sombre horizon que le nôtre !
Cette femme était là seule, en ce bouge étroit.
Elle avait un enfant ; mais avait-elle un toit ?
Était-elle, humble plante et rose infortunée,
Livrée à ce vent noir qu'on nomme destinée,
Qui brise au haut des monts le cèdre et le sapin ?
Avait-elle du lait ? avait-elle du pain ?
De quoi manger ? de quoi nourrir ? poignant problème !
Nos lois sont les carcans de la misère blême.
Avait-elle un amant ? avait-elle un mari ?
Qu'un rameau soit flétri parce qu'il est fleuri,
C'est triste, et c'est, hélas, souvent le sort des femmes !
Ce vil monde punit l'éclosion des âmes.

Elle semblait rêver sous un nuage obscur ;
Elle ne parlait pas et regardait son mur ;
Moi j'étais dans l'aurore, elle dans les ténèbres ;
Et je ne distinguais, dans ces ombres funèbres,
De ce double destin entrevu vaguement,
Rien que deux petits bras pressant un cou charmant.

Le 9 mai 1877.
marriegegirl Jun 2014
Quand il s'agit de invitations .j'ai un petit faible grave .Ajoutez à la typographie ?Et je suis fait .Tel est le cas pour cette beauté éblouissante intemporel de Kimberly FitzSimons .Sa conception d'invitation parfaitement préparé le terrain pour ce classique .soirée élégante et je ne peut s'empêcher d'être en admiration .Continuez votre robe de soirée grande taille lecture pour entendre l'inspiration derrière l'invitation !

De Kimberly FitzSimons鈥J'ai conçu cette suite d'invitation pour la jeune mariée .Jessica .qui avait l'intention d'une réception de mariage classique et élégant à L' Hôtel Drake à Chicago .Elle était un client très mémorable pour moi parce que je n'ai pas seulement appris à s'asseoir avec elle.mais ses parents aussi!Ils ont chacun contribué entrée à ce qui est devenu un mariage magnifique suite d'invitation .Jessica avait une palette de couleurs très neutre ;blanc était une couleur focal avec des teintes subtiles .y compris une taupe de lumière crémeuse .Comme



vous pouvez le voir sur les photos de mariage de Jessica .ses couleurs fraîches robes demoiselles d honneur et neutres jumelés parfaitement avec son style poli .En fonction des préférences de Jessica pour les neutres et élégance classique .nous avons conçu cette invitation intemporel qui était typographie imprimée dans une encre de Cobblestone lumière sur le papier de coton blanc doux .\u003cp\u003e
Jessica a donné ses invités un aperçu de son beau jour de votre mariage à travers le papier .Son économie-le- dates (également imprimées en encre Cobblestone ) présentait robe de soirée grande taille un sens Frank Sinatra citation : " Le meilleur est encore à venir .viendra le jour Tu es à moi . "Elle a été suivie par un 7 " invitation typographique carré surdimensionné qui a été collée à un dossier de poche carrée qui avait un soupçon de lueur .Dans le dossier de poche .nous avons conçus à deux enceintes pour informer les clients de l'emplacement de réception et d'information de l'hébergement .Le dossier de poche a été scellé avec un carré de monogramme personnalisé avec les initiales du couple .\u003cp\u003e

Jessica et moi avons travaillé en étroite collaboration pour développer ce mariage suite d'invitation pour correspondre à son esthétique et couleurs .Nous avons commencé avec un design intemporel invitation et je conçu sur mesure toutes les pièces pour le reste de la suite .Les combinaisons de tailles.de couleurs d'encre .et des éléments du dossier de poche sont vastes .si Jessica a passé du temps sentir le papier .le tri à travers les couleurs de dossiers de poche et.finalement.faire des sélections qui reflètent sa vision .Jessica a choisi la typographie pour l'invitation .qui est ma spécialité .J'ai tout simplement adoré la façon dont l'ensemble du paquet est venu ensemble!Charmant.élégant .délicat et frais .
http://www.modedomicile.com/robe-demoiselle-dhonneur-c-60
planification de l'événement: Big City Bride | Invitations: Kimberly FitzSimons | Réception Lieu: Le Drake | Photographie d'invitation: Kimberly FitzSimons | Photographie de mariage : Lauren WakefieldKimberly FitzSimons est un membre de notre Little Black Book .Découvrez comment les membres sont choisis en visitant notre page de FAQ .Kimberly FitzSimons Letterpres ... voir le
Il n'avait pas vingt ans. Il avait abusé
De tout ce qui peut être aimé, souillé, brisé.
Il avait tout terni sous ses mains effrontées.
Les blêmes voluptés sur sa trace ameutées
Sortaient, pour l'appeler, de leur repaire impur
Quand son ombre passait à l'angle de leur mur.
Sa sève nuit et jour s'épuisait aux ******
Comme la cire ardente aux mèches des bougies
Chassant l'été, l'hiver il posait au hasard
Son coude à l'Opéra sur Gluck ou sur Mozart.
Jamais il ne trempait sa tête dans ces ondes
Qu'Homère et que Shakespeare épanchent si profondes.
Il ne croyait à rien ; jamais il ne rêvait ;
Le bâillement hideux siégeait à son chevet ;
Toujours son ironie, inféconde et morose,
Jappait sur les talons de quelque grande chose ;
Il se faisait de tout le centre et le milieu ;
Il achetait l'amour, il aurait vendu Dieu.
La nature, la mer, le ciel bleu, les étoiles,
Tous ces vents pour qui l'âme a toujours quelques voiles,
N'avaient rien dont son cœur fût dans l'ombre inquiet.
Il n'aimait pas les champs. Sa mère l'ennuyait.
Enfin, ivre, énervé, ne sachant plus que faire,
Sans haine, sans amour, et toujours, ô misère !
Avant la fin du jour blasé du lendemain,
Un soir qu'un pistolet se trouva sous sa main,
Il rejeta son âme au ciel, voûte fatale,
Comme le fond du verre au plafond de la salle !

Jeune homme, tu fus lâche, imbécile et méchant.
Nous ne te plaindrons pas. Lorsque le soc tranchant
A passé, donne-t-on une larme à l'ivraie ?
Mais ce que nous plaindrons une douleur bien vraie,
C'est celle sur laquelle un tel fils est tombé,
C'est ta mère, humble femme au dos lent et courbé,
Qui sent fléchir sans toi son front que l'âge plombe,
Et qui fit le berceau de qui lui fait sa tombe !

Nous ne te plaindrons pas, mais ce que nous plaindrons,
Ce qui nous est encor sacré sous les affronts,
C'est cette triste enfant qui jadis pure et tendre
Chantait à sa mansarde où ton or l'alla prendre,
Qui s'y laissa tenter comme au soleil levant,
Croyant la faim derrière et le bonheur devant ;
Qui voit son âme hélas, qu'on mutile et qu'on foule,
Eparse maintenant sous les pieds de la foule ;
Qui pleure son parfum par tout souffle enlevé ;
Pauvre vase de fleurs tombé sur le pavé !

Non, ce que nous plaindrons, ce n'est pas toi, vaine ombre,
Chiffre qu'on n'a jamais compté dans aucun nombre,
C'est ton nom jadis pur, maintenant avili,
C'est ton père expiré, ton père enseveli,
Vénérable soldat de notre armée ancienne,
Que ta tombe en s'ouvrant réveille dans la sienne !
Ce sont tes serviteurs, tes parents, tes amis,
Tous ceux qui t'entouraient, tous ceux qui s'étaient mis
Follement à ton ombre, et dont la destinée
Par malheur dans la tienne était enracinée ;
C'est tout ce qu'ont flétri tes caprices ingrats ;
C'est ton chien qui t'aimait et que tu n'aimais pas !

Pour toi, triste orgueilleux, riche au cœur infertile,
Qui vivais impuissant et qui meurs inutile,
Toi qui tranchas tes jours pour faire un peu de bruit,
Sans même être aperçu, retourne dans la nuit !
C'est bien. Sors du festin sans qu'un flambeau s'efface !
Tombe au torrent, sans même en troubler la surface !
Ce siècle a son idée, elle marche à grand pas,
Et toujours à son but ! Ton sépulcre n'est pas
De ceux qui le feront trébucher dans sa route.
Ta porte en se fermant ne vaut pas qu'on l'écoute.
Va donc ! Qu'as-tu trouvé, ton caprice accompli ?
Voluptueux, la tombe, et vaniteux, l'oubli !

Avril 1831.
Elle ne connaissait ni l'orgueil ni la haine ;
Elle aimait ; elle était pauvre, simple et sereine ;
Souvent le pain qui manque abrégeait son repas.
Elle avait trois enfants, ce qui n'empêchait pas
Qu'elle ne se sentît mère de ceux qui souffrent.
Les noirs événements qui dans la nuit s'engouffrent,
Les flux et les reflux, les abîmes béants,
Les nains, sapant sans bruit l'ouvrage des géants,
Et tous nos malfaiteurs inconnus ou célèbres,
Ne l'épouvantaient point ; derrière ces ténèbres,
Elle apercevait Dieu construisant l'avenir.
Elle sentait sa foi sans cesse rajeunir
De la liberté sainte elle attisait les flammes
Elle s'inquiétait des enfants et des femmes ;
Elle disait, tendant la main aux travailleurs :
La vie est dure ici, mais sera bonne ailleurs.
Avançons ! - Elle allait, portant de l'un à l'autre
L'espérance ; c'était une espèce d'apôtre
Que Dieu, sur cette terre où nous gémissons tous,
Avait fait mère et femme afin qu'il fût plus doux ;
L'esprit le plus farouche aimait sa voix sincère.
Tendre, elle visitait, sous leur toit de misère,
Tous ceux que la famine ou la douleur abat,
Les malades pensifs, gisant sur leur grabat,
La mansarde où languit l'indigence morose ;
Quand, par hasard moins pauvre, elle avait quelque chose,
Elle le partageait à tous comme une sœur ;
Quand elle n'avait rien, elle donnait son cœur.
Calme et grande, elle aimait comme le soleil brille.
Le genre humain pour elle était une famille
Comme ses trois enfants étaient l'humanité.
Elle criait : progrès ! amour ! fraternité !
Elle ouvrait aux souffrants des horizons sublimes.

Quand Pauline Roland eut commis tous ces crimes,
Le sauveur de l'église et de l'ordre la prit
Et la mit en prison. Tranquille, elle sourit,
Car l'éponge de fiel plaît à ces lèvres pures.
Cinq mois, elle subit le contact des souillures,
L'oubli, le rire affreux du vice, les bourreaux,
Et le pain noir qu'on jette à travers les barreaux,
Edifiant la geôle au mal habituée,
Enseignant la voleuse et la prostituée.
Ces cinq mois écoulés, un soldat, un bandit,
Dont le nom souillerait ces vers, vint et lui dit
- Soumettez-vous sur l'heure au règne qui commence,
Reniez votre foi ; sinon, pas de clémence,
Lambessa ! choisissez. - Elle dit : Lambessa.
Le lendemain la grille en frémissant grinça,
Et l'on vit arriver un fourgon cellulaire.
- Ah ! voici Lambessa, dit-elle sans colère.
Elles étaient plusieurs qui souffraient pour le droit
Dans la même prison. Le fourgon trop étroit
Ne put les recevoir dans ses cloisons infâmes
Et l'on fit traverser tout Paris à ces femmes
Bras dessus bras dessous avec les argousins.
Ainsi que des voleurs et que des assassins,
Les sbires les frappaient de paroles bourrues.
S'il arrivait parfois que les passants des rues,
Surpris de voir mener ces femmes en troupeau,
S'approchaient et mettaient la main à leur chapeau,
L'argousin leur jetait des sourires obliques,
Et les passants fuyaient, disant : filles publiques !
Et Pauline Roland disait : courage, sœurs !
L'océan au bruit rauque, aux sombres épaisseurs,
Les emporta. Durant la rude traversée,
L'horizon était noir, la bise était glacée,
Sans l'ami qui soutient, sans la voix qui répond,
Elles tremblaient. La nuit, il pleuvait sur le pont
Pas de lit pour dormir, pas d'abri sous l'orage,
Et Pauline Roland criait : mes soeurs, courage !
Et les durs matelots pleuraient en les voyant.
On atteignit l'Afrique au rivage effrayant,
Les sables, les déserts qu'un ciel d'airain calcine,
Les rocs sans une source et sans une racine ;
L'Afrique, lieu d'horreur pour les plus résolus,
Terre au visage étrange où l'on ne se sent plus
Regardé par les yeux de la douce patrie.
Et Pauline Roland, souriante et meurtrie,
Dit aux femmes en pleurs : courage, c'est ici.
Et quand elle était seule, elle pleurait aussi.
Ses trois enfants ! **** d'elle ! Oh ! quelle angoisse amère !
Un jour, un des geôliers dit à la pauvre mère
Dans la casbah de Bône aux cachots étouffants :
Voulez-vous être libre et revoir vos enfants ?
Demandez grâce au prince. - Et cette femme forte
Dit : - J'irai les revoir lorsque je serai morte.
Alors sur la martyre, humble cœur indompté,
On épuisa la haine et la férocité.
Bagnes d'Afrique ! enfers qu'a sondés Ribeyrolles !
Oh ! la pitié sanglote et manque de paroles.
Une femme, une mère, un esprit ! ce fut là
Que malade, accablée et seule, on l'exila.
Le lit de camp, le froid et le chaud, la famine,
Le jour l'affreux soleil et la nuit la vermine,
Les verrous, le travail sans repos, les affronts,
Rien ne plia son âme ; elle disait : - Souffrons.
Souffrons comme Jésus, souffrons comme Socrate. -
Captive, on la traîna sur cette terre ingrate ;
Et, lasse, et quoiqu'un ciel torride l'écrasât,
On la faisait marcher à pied comme un forçat.
La fièvre la rongeait ; sombre, pâle, amaigrie,
Le soir elle tombait sur la paille pourrie,
Et de la France aux fers murmurait le doux nom.
On jeta cette femme au fond d'un cabanon.
Le mal brisait sa vie et grandissait son âme.
Grave, elle répétait : « Il est bon qu'une femme,
Dans cette servitude et cette lâcheté,
Meure pour la justice et pour la liberté. »
Voyant qu'elle râlait, sachant qu'ils rendront compte,
Les bourreaux eurent peur, ne pouvant avoir honte
Et l'homme de décembre abrégea son exil.
« Puisque c'est pour mourir, qu'elle rentre ! » dit-il.
Elle ne savait plus ce que l'on faisait d'elle.
L'agonie à Lyon la saisit. Sa prunelle,
Comme la nuit se fait quand baisse le flambeau,
Devint obscure et vague, et l'ombre du tombeau
Se leva lentement sur son visage blême.
Son fils, pour recueillir à cette heure suprême
Du moins son dernier souffle et son dernier regard,
Accourut. Pauvre mère ! Il arriva trop ****.
Elle était morte ; morte à force de souffrance,
Morte sans avoir su qu'elle voyait la France
Et le doux ciel natal aux rayons réchauffants
Morte dans le délire en criant : mes enfants !
On n'a pas même osé pleurer à ses obsèques ;
Elle dort sous la terre. - Et maintenant, évêques,
Debout, la mitre au front, dans l'ombre du saint lieu,
Crachez vos Te Deum à la face de Dieu !

Jersey, le 12 mars 1853.
Booz s'était couché de fatigue accablé ;
Il avait tout le jour travaillé dans son aire ;
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire ;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.

Ce vieillard possédait des champs de blés et d'orge ;
Il était, quoique riche, à la justice enclin ;
Il n'avait pas de fange en l'eau de son moulin ;
Il n'avait pas d'enfer dans le feu de sa forge.

Sa barbe était d'argent comme un ruisseau d'avril.
Sa gerbe n'était point avare ni haineuse ;
Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse :
- Laissez tomber exprès des épis, disait-il.

Cet homme marchait pur **** des sentiers obliques,
Vêtu de probité candide et de lin blanc ;
Et, toujours du côté des pauvres ruisselant,
Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques.

Booz était bon maître et fidèle parent ;
Il était généreux, quoiqu'il fût économe ;
Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune homme,
Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.

Le vieillard, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants ;
Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,
Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière.

Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens ;
Près des meules, qu'on eût prises pour des décombres,
Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres ;
Et ceci se passait dans des temps très anciens.

Les tribus d'Israël avaient pour chef un juge ;
La terre, où l'homme errait sous la tente, inquiet
Des empreintes de pieds de géants qu'il voyait,
Etait mouillée encore et molle du déluge.

Comme dormait Jacob, comme dormait Judith,
Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée ;
Or, la porte du ciel s'étant entre-baillée
Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.

Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne
Qui, sorti de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu ;
Une race y montait comme une longue chaîne ;
Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu.

Et Booz murmurait avec la voix de l'âme :
" Comment se pourrait-il que de moi ceci vînt ?
Le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt,
Et je n'ai pas de fils, et je n'ai plus de femme.

" Voilà longtemps que celle avec qui j'ai dormi,
O Seigneur ! a quitté ma couche pour la vôtre ;
Et nous sommes encor tout mêlés l'un à l'autre,
Elle à demi vivante et moi mort à demi.

" Une race naîtrait de moi ! Comment le croire ?
Comment se pourrait-il que j'eusse des enfants ?
Quand on est jeune, on a des matins triomphants ;
Le jour sort de la nuit comme d'une victoire ;

Mais vieux, on tremble ainsi qu'à l'hiver le bouleau ;
Je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe,
Et je courbe, ô mon Dieu ! mon âme vers la tombe,
Comme un boeuf ayant soif penche son front vers l'eau. "

Ainsi parlait Booz dans le rêve et l'extase,
Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés ;
Le cèdre ne sent pas une rose à sa base,
Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.

Pendant qu'il sommeillait, Ruth, une moabite,
S'était couchée aux pieds de Booz, le sein nu,
Espérant on ne sait quel rayon inconnu,
Quand viendrait du réveil la lumière subite.

Booz ne savait point qu'une femme était là,
Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d'elle.
Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle ;
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.

L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle ;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.

La respiration de Booz qui dormait
Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse.
On était dans le mois où la nature est douce,
Les collines ayant des lys sur leur sommet.

Ruth songeait et Booz dormait ; l'herbe était noire ;
Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement ;
Une immense bonté tombait du firmament ;
C'était l'heure tranquille où les lions vont boire.

Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth ;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,

Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,
Avait, en s'en allant, négligemment jeté
Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.
Lorsque le grand Byron allait quitter Ravenne,
Et chercher sur les mers quelque plage lointaine
Où finir en héros son immortel ennui,
Comme il était assis aux pieds de sa maîtresse,
Pâle, et déjà tourné du côté de la Grèce,
Celle qu'il appelait alors sa Guiccioli
Ouvrit un soir un livre où l'on parlait de lui.

Avez-vous de ce temps conservé la mémoire,
Lamartine, et ces vers au prince des proscrits,
Vous souvient-il encor qui les avait écrits ?
Vous étiez jeune alors, vous, notre chère gloire.
Vous veniez d'essayer pour la première fois
Ce beau luth éploré qui vibre sous vos doigts.
La Muse que le ciel vous avait fiancée
Sur votre front rêveur cherchait votre pensée,
Vierge craintive encore, amante des lauriers.
Vous ne connaissiez pas, noble fils de la France,
Vous ne connaissiez pas, sinon par sa souffrance,
Ce sublime orgueilleux à qui vous écriviez.
De quel droit osiez-vous l'aborder et le plaindre ?
Quel aigle, Ganymède, à ce Dieu vous portait ?
Pressentiez-vous qu'un jour vous le pourriez atteindre,
Celui qui de si haut alors vous écoutait ?
Non, vous aviez vingt ans, et le coeur vous battait
Vous aviez lu Lara, Manfred et le Corsaire,
Et vous aviez écrit sans essuyer vos pleurs ;
Le souffle de Byron vous soulevait de terre,
Et vous alliez à lui, porté par ses douleurs.
Vous appeliez de **** cette âme désolée ;
Pour grand qu'il vous parût, vous le sentiez ami
Et, comme le torrent dans la verte vallée,
L'écho de son génie en vous avait gémi.
Et lui, lui dont l'Europe, encore toute armée,
Écoutait en tremblant les sauvages concerts ;
Lui qui depuis dix ans fuyait sa renommée,
Et de sa solitude emplissait l'univers ;
Lui, le grand inspiré de la Mélancolie,
Qui, las d'être envié, se changeait en martyr ;
Lui, le dernier amant de la pauvre Italie,
Pour son dernier exil s'apprêtant à partir ;
Lui qui, rassasié de la grandeur humaine,
Comme un cygne à son chant sentant sa mort prochaine,
Sur terre autour de lui cherchait pour qui mourir...
Il écouta ces vers que lisait sa maîtresse,
Ce doux salut lointain d'un jeune homme inconnu.
Je ne sais si du style il comprit la richesse ;
Il laissa dans ses yeux sourire sa tristesse :
Ce qui venait du coeur lui fut le bienvenu.

Poète, maintenant que ta muse fidèle,
Par ton pudique amour sûre d'être immortelle,
De la verveine en fleur t'a couronné le front,
À ton tour, reçois-moi comme le grand Byron.
De t'égaler jamais je n'ai pas l'espérance ;
Ce que tu tiens du ciel, nul ne me l'a promis,
Mais de ton sort au mien plus grande est la distance,
Meilleur en sera Dieu qui peut nous rendre amis.
Je ne t'adresse pas d'inutiles louanges,
Et je ne songe point que tu me répondras ;
Pour être proposés, ces illustres échanges
Veulent être signés d'un nom que je n'ai pas.
J'ai cru pendant longtemps que j'étais las du monde ;
J'ai dit que je niais, croyant avoir douté,
Et j'ai pris, devant moi, pour une nuit profonde
Mon ombre qui passait pleine de vanité.
Poète, je t'écris pour te dire que j'aime,
Qu'un rayon du soleil est tombé jusqu'à moi,
Et qu'en un jour de deuil et de douleur suprême
Les pleurs que je versais m'ont fait penser à toi.

Qui de nous, Lamartine, et de notre jeunesse,
Ne sait par coeur ce chant, des amants adoré,
Qu'un soir, au bord d'un lac, tu nous as soupiré ?
Qui n'a lu mille fois, qui ne relit sans cesse
Ces vers mystérieux où parle ta maîtresse,
Et qui n'a sangloté sur ces divins sanglots,
Profonds comme le ciel et purs comme les flots ?
Hélas ! ces longs regrets des amours mensongères,
Ces ruines du temps qu'on trouve à chaque pas,
Ces sillons infinis de lueurs éphémères,
Qui peut se dire un homme et ne les connaît pas ?
Quiconque aima jamais porte une cicatrice ;
Chacun l'a dans le sein, toujours prête à s'ouvrir ;
Chacun la garde en soi, cher et secret supplice,
Et mieux il est frappé, moins il en veut guérir.
Te le dirai-je, à toi, chantre de la souffrance,
Que ton glorieux mal, je l'ai souffert aussi ?
Qu'un instant, comme toi, devant ce ciel immense,
J'ai serré dans mes bras la vie et l'espérance,
Et qu'ainsi que le tien, mon rêve s'est enfui ?
Te dirai-je qu'un soir, dans la brise embaumée,
Endormi, comme toi, dans la paix du bonheur,
Aux célestes accents d'une voix bien-aimée,
J'ai cru sentir le temps s'arrêter dans mon coeur ?
Te dirai-je qu'un soir, resté seul sur la terre,
Dévoré, comme toi, d'un affreux souvenir,
Je me suis étonné de ma propre misère,
Et de ce qu'un enfant peut souffrir sans mourir ?
Ah ! ce que j'ai senti dans cet instant terrible,
Oserai-je m'en plaindre et te le raconter ?
Comment exprimerai-je une peine indicible ?
Après toi, devant toi, puis-je encor le tenter ?
Oui, de ce jour fatal, plein d'horreur et de charmes,
Je veux fidèlement te faire le récit ;
Ce ne sont pas des chants, ce ne sont pas des larmes,
Et je ne te dirai que ce que Dieu m'a dit.

Lorsque le laboureur, regagnant sa chaumière,
Trouve le soir son champ rasé par le tonnerre,
Il croit d'abord qu'un rêve a fasciné ses yeux,
Et, doutant de lui-même, interroge les cieux.
Partout la nuit est sombre, et la terre enflammée.
Il cherche autour de lui la place accoutumée
Où sa femme l'attend sur le seuil entr'ouvert ;
Il voit un peu de cendre au milieu d'un désert.
Ses enfants demi-nus sortent de la bruyère,
Et viennent lui conter comme leur pauvre mère
Est morte sous le chaume avec des cris affreux ;
Mais maintenant au **** tout est silencieux.
Le misérable écoute et comprend sa ruine.
Il serre, désolé, ses fils sur sa poitrine ;
Il ne lui reste plus, s'il ne tend pas la main,
Que la faim pour ce soir et la mort pour demain.
Pas un sanglot ne sort de sa gorge oppressée ;
Muet et chancelant, sans force et sans pensée,
Il s'assoit à l'écart, les yeux sur l'horizon,
Et regardant s'enfuir sa moisson consumée,
Dans les noirs tourbillons de l'épaisse fumée
L'ivresse du malheur emporte sa raison.

Tel, lorsque abandonné d'une infidèle amante,
Pour la première fois j'ai connu la douleur,
Transpercé tout à coup d'une flèche sanglante,
Seul je me suis assis dans la nuit de mon coeur.
Ce n'était pas au bord d'un lac au flot limpide,
Ni sur l'herbe fleurie au penchant des coteaux ;
Mes yeux noyés de pleurs ne voyaient que le vide,
Mes sanglots étouffés n'éveillaient point d'échos.
C'était dans une rue obscure et tortueuse
De cet immense égout qu'on appelle Paris :
Autour de moi criait cette foule railleuse
Qui des infortunés n'entend jamais les cris.
Sur le pavé noirci les blafardes lanternes
Versaient un jour douteux plus triste que la nuit,
Et, suivant au hasard ces feux vagues et ternes,
L'homme passait dans l'ombre, allant où va le bruit.
Partout retentissait comme une joie étrange ;
C'était en février, au temps du carnaval.
Les masques avinés, se croisant dans la fange,
S'accostaient d'une injure ou d'un refrain banal.
Dans un carrosse ouvert une troupe entassée
Paraissait par moments sous le ciel pluvieux,
Puis se perdait au **** dans la ville insensée,
Hurlant un hymne impur sous la résine en feux.
Cependant des vieillards, des enfants et des femmes
Se barbouillaient de lie au fond des cabarets,
Tandis que de la nuit les prêtresses infâmes
Promenaient çà et là leurs spectres inquiets.
On eût dit un portrait de la débauche antique,
Un de ces soirs fameux, chers au peuple romain,
Où des temples secrets la Vénus impudique
Sortait échevelée, une torche à la main.
Dieu juste ! pleurer seul par une nuit pareille !
Ô mon unique amour ! que vous avais-je fait ?
Vous m'aviez pu quitter, vous qui juriez la veille
Que vous étiez ma vie et que Dieu le savait ?
Ah ! toi, le savais-tu, froide et cruelle amie,
Qu'à travers cette honte et cette obscurité
J'étais là, regardant de ta lampe chérie,
Comme une étoile au ciel, la tremblante clarté ?
Non, tu n'en savais rien, je n'ai pas vu ton ombre,
Ta main n'est pas venue entr'ouvrir ton rideau.
Tu n'as pas regardé si le ciel était sombre ;
Tu ne m'as pas cherché dans cet affreux tombeau !

Lamartine, c'est là, dans cette rue obscure,
Assis sur une borne, au fond d'un carrefour,
Les deux mains sur mon coeur, et serrant ma blessure,
Et sentant y saigner un invincible amour ;
C'est là, dans cette nuit d'horreur et de détresse,
Au milieu des transports d'un peuple furieux
Qui semblait en passant crier à ma jeunesse,
« Toi qui pleures ce soir, n'as-tu pas ri comme eux ? »
C'est là, devant ce mur, où j'ai frappé ma tête,
Où j'ai posé deux fois le fer sur mon sein nu ;
C'est là, le croiras-tu ? chaste et noble poète,
Que de tes chants divins je me suis souvenu.
Ô toi qui sais aimer, réponds, amant d'Elvire,
Comprends-tu que l'on parte et qu'on se dise adieu ?
Comprends-tu que ce mot la main puisse l'écrire,
Et le coeur le signer, et les lèvres le dire,
Les lèvres, qu'un baiser vient d'unir devant Dieu ?
Comprends-tu qu'un lien qui, dans l'âme immortelle,
Chaque jour plus profond, se forme à notre insu ;
Qui déracine en nous la volonté rebelle,
Et nous attache au coeur son merveilleux tissu ;
Un lien tout-puissant dont les noeuds et la trame
Sont plus durs que la roche et que les diamants ;
Qui ne craint ni le temps, ni le fer, ni la flamme,
Ni la mort elle-même, et qui fait des amants
Jusque dans le tombeau s'aimer les ossements ;
Comprends-tu que dix ans ce lien nous enlace,
Qu'il ne fasse dix ans qu'un seul être de deux,
Puis tout à coup se brise, et, perdu dans l'espace,
Nous laisse épouvantés d'avoir cru vivre heureux ?
Ô poète ! il est dur que la nature humaine,
Qui marche à pas comptés vers une fin certaine,
Doive encor s'y traîner en portant une croix,
Et qu'il faille ici-bas mourir plus d'une fois.
Car de quel autre nom peut s'appeler sur terre
Cette nécessité de changer de misère,
Qui nous fait, jour et nuit, tout prendre et tout quitter.
Si bien que notre temps se passe à convoiter ?
Ne sont-ce pas des morts, et des morts effroyables,
Que tant de changements d'êtres si variables,
Qui se disent toujours fatigués d'espérer,
Et qui sont toujours prêts à se transfigurer ?
Quel tombeau que le coeur, et quelle solitude !
Comment la passion devient-elle habitude,
Et comment se fait-il que, sans y trébucher,
Sur ses propres débris l'homme puisse marcher ?
Il y marche pourtant ; c'est Dieu qui l'y convie.
Il va semant partout et prodiguant sa vie :
Désir, crainte, colère, inquiétude, ennui,
Tout passe et disparaît, tout est fantôme en lui.
Son misérable coeur est fait de telle sorte
Qu'il fuit incessamment qu'une ruine en sorte ;
Que la mort soit son terme, il ne l'ignore pas,
Et, marchant à la mort, il meurt à chaque pas.
Il meurt dans ses amis, dans son fils, dans son père,
Il meurt dans ce qu'il pleure et dans ce qu'il espère ;
Et, sans parler des corps qu'il faut ensevelir,
Qu'est-ce donc qu'oublier, si ce n'est pas mourir ?
Ah ! c'est plus que mourir, c'est survivre à soi-même.
L'âme remonte au ciel quand on perd ce qu'on aime.
Il ne reste de nous qu'un cadavre vivant ;
Le désespoir l'habite, et le néant l'attend.

Eh bien ! bon ou mauvais, inflexible ou fragile,
Humble ou fier, triste ou ***, mais toujours gémissant,
Cet homme, tel qu'il est, cet être fait d'argile,
Tu l'as vu, Lamartine, et son sang est ton sang.
Son bonheur est le tien, sa douleur est la tienne ;
Et des maux qu'ici-bas il lui faut endurer
Pas un qui ne te touche et qui ne t'appartienne ;
Puisque tu sais chanter, ami, tu sais pleurer.
Dis-moi, qu'en penses-tu dans tes jours de tristesse ?
Que t'a dit le malheur, quand tu l'as consulté ?
Trompé par tes amis, trahi par ta maîtresse,
Du ciel et de toi-même as-tu jamais douté ?

Non, Alphonse, jamais. La triste expérience
Nous apporte la cendre, et n'éteint pas le feu.
Tu respectes le mal fait par la Providence,
Tu le laisses passer, et tu crois à ton Dieu.
Quel qu'il soit, c'est le mien ; il n'est pas deux croyances
Je ne sais pas son nom, j'ai regardé les cieux ;
Je sais qu'ils sont à Lui, je sais qu'ils sont immenses,
Et que l'immensité ne peut pas être à deux.
J'ai connu, jeune encore, de sévères souffrances,
J'ai vu verdir les bois, et j'ai tenté d'aimer.
Je sais ce que la terre engloutit d'espérances,
Et, pour y recueillir, ce qu'il y faut semer.
Mais ce que j'ai senti, ce que je veux t'écrire,
C'est ce que m'ont appris les anges de douleur ;
Je le sais mieux encore et puis mieux te le dire,
Car leur glaive, en entrant, l'a gravé dans mon coeur :

Créature d'un jour qui t'agites une heure,
De quoi viens-tu te plaindre et qui te fait gémir ?
Ton âme t'inquiète, et tu crois qu'elle pleure :
Ton âme est immortelle, et tes pleurs vont tarir.

Tu te sens le coeur pris d'un caprice de femme,
Et tu dis qu'il se brise à force de souffrir.
Tu demandes à Dieu de soulager ton âme :
Ton âme est immortelle, et ton coeur va guérir.

Le regret d'un instant te trouble et te dévore ;
Tu dis que le passé te voile l'avenir.
Ne te plains pas d'hier ; laisse venir l'aurore :
Ton âme est immortelle, et le temps va s'enfuir

Ton corps est abattu du mal de ta pensée ;
Tu sens ton front peser et tes genoux fléchir.
Tombe, agenouille-toi, créature insensée :
Ton âme est immortelle, et la mort va venir.

Tes os dans le cercueil vont tomber en poussière
Ta mémoire, ton nom, ta gloire vont périr,
Mais non pas ton amour, si ton amour t'est chère :
Ton âme est immortelle, et va s'en souvenir.
Partout s'étalait, se répandait, s'ébaudissait le peuple en vacances. C'était une de ces solennités sur lesquelles, pendant un long temps, comptent les saltimbanques, les faiseurs de tours, les montreurs d'animaux et les boutiquiers ambulants, pour compenser les mauvais temps de l'année.

En ces jours-là il me semble que le peuple oublie tout, la douleur et le travail ; il devient pareil aux enfants. Pour les petits c'est un jour de congé, c'est l'horreur de l'école renvoyée à vingt-quatre heures. Pour les grands c'est un armistice conclu avec les puissances malfaisantes de la vie, un répit dans la contention et la lutte universelles.

L'homme du monde lui-même et l'homme occupé de travaux spirituels échappent difficilement à l'influence de ce jubilé populaire. Ils absorbent, sans le vouloir, leur part de cette atmosphère d'insouciance. Pour moi, je ne manque jamais, en vrai Parisien, de passer la ***** de toutes les baraques qui se pavanent à ces époques solennelles.

Elles se faisaient, en vérité, une concurrence formidable : elles piaillaient, beuglaient, hurlaient. C'était un mélange de cris, de détonations de cuivre et d'explosions de fusées. Les queues-rouges et les Jocrisses convulsaient les traits de leurs visages basanés, racornis par le vent, la pluie et le soleil ; ils lançaient, avec l'aplomb des comédiens sûrs de leurs effets, des bons mots et des plaisanteries d'un comique solide et lourd comme celui de Molière. Les Hercules, fiers de l'énormité de leurs membres, sans front et sans crâne, comme les orang-outangs, se prélassaient majestueusement sous les maillots lavés la veille pour la circonstance. Les danseuses, belles comme des fées ou des princesses, sautaient et cabriolaient sous le feu des lanternes qui remplissaient leurs jupes d'étincelles.

Tout n'était que lumière, poussière, cris, joie, tumulte ; les uns dépensaient, les autres gagnaient, les uns et les autres également joyeux. Les enfants se suspendaient aux jupons de leurs mères pour obtenir quelque bâton de sucre, ou montaient sur les épaules de leurs pères pour mieux voir un escamoteur éblouissant comme un dieu. Et partout circulait, dominant tous les parfums, une odeur de friture qui était comme l'encens de cette fête.

Au bout, à l'extrême bout de la rangée de baraques, comme si, honteux, il s'était exilé lui-même de toutes ces splendeurs, je vis un pauvre saltimbanque, voûté, caduc, décrépit, une ruine d'homme, adossé contre un des poteaux de sa cahute ; une cahute plus misérable que celle du sauvage le plus abruti, et dont deux bouts de chandelles, coulants et fumants, éclairaient trop bien encore la détresse.

Partout la joie, le gain, la débauche ; partout la certitude du pain pour les lendemains ; partout l'explosion frénétique de la vitalité. Ici la misère absolue, la misère affublée, pour comble d'horreur, de haillons comiques, où la nécessité, bien plus que l'art, avait introduit le contraste. Il ne riait pas, le misérable ! Il ne pleurait pas, il ne dansait pas, il ne gesticulait pas, il ne criait pas ; il ne chantait aucune chanson, ni gaie ni lamentable, il n'implorait pas. Il était muet et immobile. Il avait renoncé, il avait abdiqué. Sa destinée était faite.

Mais quel regard profond, inoubliable, il promenait sur la foule et les lumières, dont le flot mouvant s'arrêtait à quelques pas de sa répulsive misère ! Je sentis ma gorge serrée par la main terrible de l'hystérie, et il me sembla que mes regards étaient offusqués par ces larmes rebelles qui ne veulent pas tomber.

Que faire ? À quoi bon demander à l'infortuné quelle curiosité, quelle merveille il avait à montrer dans ces ténèbres puantes, derrière son rideau déchiqueté ? En vérité, je n'osais ; et, dût la raison de ma timidité vous faire rire, j'avouerai que je craignais de l'humilier. Enfin, je venais de me résoudre à déposer en passant quelque argent sur une de ses planches, espérant qu'il devinerait mon intention, quand un grand reflux de peuple, causé par je ne sais quel trouble, m'entraîna **** de lui.

Et, m'en retournant, obsédé par cette vision, je cherchai à analyser ma soudaine douleur, et je me dis : Je viens de voir l'image du vieil homme de lettres qui a survécu à la génération dont il fut le brillant amuseur ; du vieux poëte sans amis, sans famille, sans enfants, dégradé par sa misère et par l'ingratitude publique, et dans la baraque de qui le monde oublieux ne veut plus entrer !
Le Père Labat était grand amateur de pastis
Qu 'il coupait de son rhum guêpes
Bien agricole à 55 degrés
Comme décollage
Avant d'ingurgiter coup sur coup
Un ou deux diablotins de Marie-Galante
Rôtis à point au boucan
Dans les hauts du volcan
De Dame Soufrière.
Le Père Labat pour compléter  aimait sa purée d'avocat et banane jaune bien écrasée à la fourchette.

Or il advint qu'un jour à Pâques le Révérend Père
Plus vorace qu'à son habitude, comme illuminé,
Engloutit douze diablotines afin de rompre le jeûne du Carème.
Vous imaginez  l 'indigestion que dut subir le saint homme.
Cette overdose charnelle se manifesta par une érection phénoménale
Qui prit possession du quidam qui entra en transe perpétuelle.

Il y avait là fort heureusement un docteur feuilles qui habitait dans les parages
Un maître quimboiseur
Fort connaisseur en herbes et onguents
Qui lui fit prescrire une bonne soupe de gombo bien pimentée pour lui éclaircir la bile.
Mais cela ne fit aucun effet. L'homme apparemment était dévôt de Priape.
L'urgence était urgentissime. Il s'agissait d'un cas de vie ou de mort.
Il y avait sur une  goélette qui arrivait de la métropole
Un médicament miracle du nom de képone.
Un médicament miracle qui allait résoudre tous les problèmes
Le bois bandé ecclésiastique qui avait comme effet
Non pas de produire d'intenses érections mais d'avoir des bananes fruits et légumes de haute tenue.
C'était un nouveau médicament du nom français de chlordécone
Non remboursé par la Sécurité Sociale du Roi et du bon Colbert
Mais qui avait été testé sur d'autres cas terminaux comme celui du prélat.
Le saint homme dut suivre un régime de quarante jours et quarante nuits
Qui consistait à gober à longueur de journée des bananes jaunes
Trempées dans du jus de canne arrosé de moitié de chlordécone.
On ne sait par quel miracle mais le Père Labat fut sauvé et rentra illico au pays de ses ancêtres se consacrer à l'étude et à la méditation.
Mais jusqu 'à aujourd'hui encore les terres de la Soufrière et d'ailleurs  sont contaminées.
Les bananes antillaises hantent de leur Chlordécone invisible et inodore les prostates cancéreuses de ces messieurs !
solenn fresnay Nov 2012
A six heures trente- neuf ce matin le grand sourire et un peu trop de blush sur la joue gauche
J'ai senti qu'entre nous deux un léger décalage dans les pratiques professionnelles il y avait
Je n'ai pas su déterminer quel nombre exact de cuillères à café je devais mettre pour l'équivalent d'une cafetière pleine
J'en ai mis six
Il n'en fallait que deux
A midi moins deux minutes nous n'avions toujours pas fini nos toilettes
Il ne restait plus une goutte d'eau, juste des amas de mousse anti-cancer qui s'entassaient là à même le sol, noyés par des milliards de fourmis portant sur leurs dos trop courts des litres de caillots de sang
Le pire c'est le cancer de la vessie, on dirait de la porcelaine, j'osais à peine vous toucher, vous m'excusez?
En attendant le prochain voyage pour la planète cancer j'ai tartiné mon pain de confiture de groseilles, ou était-ce de la prune ?
Peu importe, je ne me sentais pas très bien et je voulais boire le sang de ma propre mère en prenant soin de m'étouffer avec ses quelques caillots restants, en hommage à ses quelques non-dits d'une vie plus que passée et depuis longtemps oubliée
Comme dans la cour d'école, vous ne m'avez pas choisi et j'ai senti que mes jambes me lâchaient
NE FAIRE QUE COMME VOUS ET ÉLIRE DOMICILE DANS VOTRE CAGE D'ESCALIER
J'ai dit "encombré", vous m'avez corrigée et ouvrez les guillemets, je cite: "Pas encombré, mais dyspnéique, cela s'appelle de la dyspnée"
CONN-ASSE
Je me suis appuyée contre le mur, vous ai simplement souri et tout n'allait pas trop bien avec mon blush en surdosage
Les mots étaient là coincés au travers de ma glotte, impossibles à sortir, je ne vous trouvais plus, vous ai simplement servi un café dans une petite tasse en ayant au préalable pensé y cracher toute ma morve dedans
CONNASSE, ON DIT PEUT ETRE DYSPNEIQUE ET PAS ENCOMBRE MAIS QUI DIT QUE TEL PATIENT EST P-SSSY A TOUT BOUT DE CHAMP CA VEUT DIRE QUOI D'AILLEURS ETRE P-SSSY SURTOUT QUAND ON VA CREVER?
Putain, j'ai rien pu dire du tout jusqu'au yaourt aux fruits rouges
Mes seules paroles formulées ne furent pas prises au sérieux et mon salaire ne fut plus qu’une avalanche de vers de terre en pente descendante
Comme un tel visage dépoussiéré et quelques centimètres d'un seul poumon à la surface de vos quatre-vingt trois printemps
Mais que nous reste-t-il donc à vivre ?
La tumeur est là bien visible et vous empêche de parler, presque, de respirer
Vous perdez la tête
Nous perdons la tête
Mais qu'avez-vous donc fait pour mériter telle souffrance?
Chaque nuit le même rêve d'un père que je tue de mes propres mains bouffées par la vermine
De là je l'entends geindre et ses draps sont tachés de sang mais je continue de courir
Je cours encore
Je cours toujours
Je ne sais faire que ça, courir
Je vais m'évanouir
Bon Dieu que je déteste les gens.

Mes cheveux me démangeaient alors dès la sortie des classes je suis allée m'acheter de la compote à la cerise et sur le chemin du retour mes cheveux continuaient à me démanger je les ai donc déposés bien délicatement au fond du caniveau de la rue Edgar Quinet
Je suis nulle, je suis nouille et je travaille à Convention
Et à Convention, vous faites quoi?
Dans le théâtre, je travaille dans le théâtre
Il s'appelle Boris et en fait c'est pas ça du tout
Il n'y avait pas de chauffage chez moi et la femme n'était pas enceinte
Je n'ai jamais rien compris au fonctionnement propre d'un miroir et j'ai mes derniers textes qui attendent d'être classés ainsi que la syntaxe à rafraîchir
Appelez-moi comme vous voulez et arrachez moi toutes mes dents, peu m’importe
J'ai le poste de télévision qui dérive sur la droite
Laissez-moi finir mon chapitre et surtout ne dites à personne ce que je vous ai dit
Oubliez l’écrivaine qui écrit comme elle respire
Je ne fais que torcher des culs comme on emballe des endives, le monde tourne à l'envers, le bateau coule, c'est la crise, non l'escroquerie pardon, te souviens-tu du jour où tu as rêvé...
Prendre un paquebot à l'amiante et t'envoler pour la planète Néant
N'oubliez jamais que peut-être demain matin de votre lit vous ne pourrez plus parler car durant une nuit sans fin votre tête rongée par la culpabilité aura été tranchée
Je sens je pisse encore du sang et ma vie n'est plus qu'un cargo à la dérive
Baissez donc le rideau et laissez-moi, vous m'avez assez emmerdé pour aujourd'hui.

.../...

Je l'ai vraiment tué ?

.../...

Je ne sais plus
Alors j'ai avalé les derniers débris de glace
Il respirait encore quand je suis partie
J'ai chié dans mon jean troué aux deux genoux et j'ai simplement continué de courir.
Wonders Mar 2015
Il avait de très beaux yeux
Il était haut
Il avait un joli sourire
Il s’est assis sur une chaise dans la classe vide.

Il a été prés de moi
Nous avons parlé un peu
Il m’a dit quelque chose
Il était si mignon
Que je n’ai pas prêté attention.

Je n’ai pas su son prénom
Il ne m’a pas regardé de la même manière que je l’ai vu
Il est parti
Je voulais le revoir
J‘ai pensé à lui tous les jours

Je l'ai revu un jour
J‘étais très heureuse
Il est resté la même personne
Il avait les mêmes yeux
Mais ils ne m’ont pas regardé.
Poème de l'absence d'amour.
O altitudo !

Avez-vous quelquefois, calme et silencieux,
Monté sur la montagne, en présence des cieux ?
Était-ce aux bords du Sund ? aux côtes de Bretagne ?
Aviez-vous l'océan au pied de la montagne ?
Et là, penché sur l'onde et sur l'immensité,
Calme et silencieux, avez-vous écouté ?

Voici ce qu'on entend : - du moins un jour qu'en rêve
Ma pensée abattit son vol sur une grève,
Et, du sommet d'un mont plongeant au gouffre amer,
Vit d'un côté la terre et de l'autre la mer,
J'écoutai, j'entendis, et jamais voix pareille
Ne sortit d'une bouche et n'émut une oreille.

Ce fut d'abord un bruit large, immense, confus,
Plus vague que le vent dans les arbres touffus,
Plein d'accords éclatants, de suaves murmures,
Doux comme un chant du soir, fort comme un choc d'armures
Quand la sourde mêlée étreint les escadrons
Et souffle, furieuse, aux bouches des clairons.
C'était une musique ineffable et profonde,
Qui, fluide, oscillait sans cesse autour du monde,
Et dans les vastes cieux, par ses flots rajeunis,
Roulait élargissant ses orbes infinis
Jusqu'au fond où son flux s'allait perdre dans l'ombre
Avec le temps, l'espace et la forme et le nombre !
Comme une autre atmosphère épars et débordé,
L'hymne éternel couvrait tout le globe inondé.
Le monde, enveloppé dans cette symphonie,
Comme il vogue dans l'air, voguait dans l'harmonie.

Et pensif, j'écoutais ces harpes de l'éther,
Perdu dans cette voix comme dans une mer.

Bientôt je distinguai, confuses et voilées,
Deux voix dans cette voix l'une à l'autre mêlées,
De la terre et des mers s'épanchant jusqu'au ciel,
Qui chantaient à la fois le chant universel ;
Et je les distinguai dans la rumeur profonde,
Comme on voit deux courants qui se croisent sous l'onde.

L'une venait des mers ; chant de gloire ! hymne heureux !
C'était la voix des flots qui se parlaient entre eux ;
L'autre, qui s'élevait de la terre où nous sommes,
Était triste : c'était le murmure des hommes ;
Et dans ce grand concert, qui chantait jour et nuit,
Chaque onde avait sa voix et chaque homme son bruit.

Or, comme je l'ai dit, l'océan magnifique
Épandait une voix joyeuse et pacifique,
Chantait comme la harpe aux temples de Sion,
Et louait la beauté de la création.
Sa clameur, qu'emportaient la brise et la rafale,
Incessamment vers Dieu montait plus triomphale,
Et chacun de ses flots, que Dieu seul peut dompter,
Quand l'autre avait fini, se levait pour chanter.
Comme ce grand lion dont Daniel fut l'hôte,
L'océan par moments abaissait sa voix haute ;
Et moi je croyais voir, vers le couchant en feu,
Sous sa crinière d'or passer la main de Dieu.

Cependant, à côté de l'auguste fanfare,
L'autre voix, comme un cri de coursier qui s'effare,
Comme le gond rouillé d'une porte d'enfer,
Comme l'archet d'airain sur la lyre de fer,
Grinçait ; et pleurs, et cris, l'injure, l'anathème,
Refus du viatique et refus du baptême,
Et malédiction, et blasphème, et clameur,
Dans le flot tournoyant de l'humaine rumeur
Passaient, comme le soir on voit dans les vallées
De noirs oiseaux de nuit qui s'en vont par volées.
Qu'était-ce que ce bruit dont mille échos vibraient ?
Hélas ! c'était la terre et l'homme qui pleuraient.

Frères ! de ces deux voix étranges, inouïes,
Sans cesse renaissant, sans cesse évanouies,
Qu'écoute l'Eternel durant l'éternité,
L'une disait : NATURE ! et l'autre : HUMANITÉ !

Alors je méditai ; car mon esprit fidèle,
Hélas ! n'avait jamais déployé plus grande aile ;
Dans mon ombre jamais n'avait lui tant de jour ;
Et je rêvai longtemps, contemplant tour à tour,
Après l'abîme obscur que me cachait la lame,
L'autre abîme sans fond qui s'ouvrait dans mon âme.
Et je me demandai pourquoi l'on est ici,
Quel peut être après tout le but de tout ceci,
Que fait l'âme, lequel vaut mieux d'être ou de vivre,
Et pourquoi le Seigneur, qui seul lit à son livre,
Mêle éternellement dans un fatal *****
Le chant de la nature au cri du genre humain ?

Juillet 1829.
Une minute encore, madame, et cette année,

Commencée avec vous, avec vous terminée,

Ne sera plus qu'un souvenir.

Minuit ! Voilà son glas que la pendule sonne,

Elle s'en est allée en un lieu d'où personne

Ne peut la faire revenir.


Quelque part, ****, bien ****, par-delà les étoiles,

Dans un pays sans nom, ombreux et plein de voiles,

Sur le bord du néant jeté ;

Limbes de l'impalpable, invisible royaume

Où va ce qui n'a pas de corps ni de fantôme,

Ce qui n'est rien, ayant été ;


Où va le son, où va le souffle ; où va la flamme,

La vision qu'en rêve on perçoit avec l'âme,

L'amour de notre cœur chassé ;

La pensée inconnue éclose en notre tête ;

L'ombre qu'en s'y mirant dans la glace on projette ;

Le présent qui se fait passé ;


Un acompte d'un an pris sur les ans qu'à vivre

Dieu veut bien nous prêter ; une feuille du livre

Tournée avec le doigt du temps ;

Une scène nouvelle à rajouter au drame,

Un chapitre de plus au roman dont la trame

S'embrouille d'instants en instants ;


Un autre pas de fait dans cette route morne

De la vie et du temps, dont la dernière borne,

Proche ou lointaine, est un tombeau ;

Où l'on ne peut poser le pied qu'il ne s'enfonce,

Où de votre bonheur toujours à chaque ronce

Derrière vous reste un lambeau.


Du haut de cette année avec labeur gravie,

Me tournant vers ce moi qui n'est plus dans ma vie

Qu'un souvenir presque effacé,

Avant qu'il ne se plonge au sein de l'ombre noire,

Je contemple un moment, des yeux de la mémoire,

Le vaste horizon du passé.


Ainsi le voyageur, du haut de la colline,

Avant que tout à fait le versant qui s'incline

Ne les dérobe à son regard,

Jette un dernier coup d'œil sur les campagnes bleues

Qu'il vient de parcourir, comptant combien de lieues

Il a fait depuis son départ.


Mes ans évanouis à mes pieds se déploient

Comme une plaine obscure où quelques points chatoient

D'un rayon de soleil frappés :

Sur les plans éloignés qu'un brouillard d'oubli cache,

Une époque, un détail nettement se détache

Et revit à mes yeux trompés.


Ce qui fut moi jadis m'apparaît : silhouette

Qui ne ressemble plus au moi qu'elle répète ;

Portrait sans modèle aujourd'hui ;

Spectre dont le cadavre est vivant ; ombre morte

Que le passé ravit au présent qu'il emporte ;

Reflet dont le corps s'est enfui.


J'hésite en me voyant devant moi reparaître,

Hélas ! Et j'ai souvent peine à me reconnaître

Sous ma figure d'autrefois,

Comme un homme qu'on met tout à coup en présence

De quelque ancien ami dont l'âge et dont l'absence

Ont changé les traits et la voix.


Tant de choses depuis, par cette pauvre tête,

Ont passé ! Dans cette âme et ce cœur de poète,

Comme dans l'aire des aiglons,

Tant d'œuvres que couva l'aile de ma pensée

Se débattent, heurtant leur coquille brisée

Avec leurs ongles déjà longs !


Je ne suis plus le même : âme et corps, tout diffère,

Hors le nom, rien de moi n'est resté ; mais qu'y faire ?

Marcher en avant, oublier.

On ne peut sur le temps reprendre une minute,

Ni faire remonter un grain après sa chute

Au fond du fatal sablier.


La tête de l'enfant n'est plus dans cette tête

Maigre, décolorée, ainsi que me l'ont faite

L'étude austère et les soucis.

Vous n'en trouveriez rien sur ce front qui médite

Et dont quelque tourmente intérieure agite

Comme deux serpents les sourcils.


Ma joue était sans plis, toute rose, et ma lèvre

Aux coins toujours arqués riait ; jamais la fièvre

N'en avait noirci le corail.

Mes yeux, vierges de pleurs, avaient des étincelles

Qu'ils n'ont plus maintenant, et leurs claires prunelles

Doublaient le ciel dans leur émail.


Mon cœur avait mon âge, il ignorait la vie,

Aucune illusion, amèrement ravie,

Jeune, ne l'avait rendu vieux ;

Il s'épanouissait à toute chose belle,

Et dans cette existence encore pour lui nouvelle,

Le mal était bien, le bien, mieux.


Ma poésie, enfant à la grâce ingénue,

Les cheveux dénoués, sans corset, jambe nue,

Un brin de folle avoine en main,

Avec son collier fait de perles de rosée,

Sa robe prismatique au soleil irisée,

Allait chantant par le chemin.


Et puis l'âge est venu qui donne la science :

J'ai lu Werther, René, son frère d'alliance,

Ces livres, vrais poisons du cœur,

Qui déflorent la vie et nous dégoûtent d'elle,

Dont chaque mot vous porte une atteinte mortelle ;

Byron et son don Juan moqueur.


Ce fut un dur réveil : ayant vu que les songes

Dont je m'étais bercé n'étaient que des mensonges,

Les croyances, des hochets creux,

Je cherchai la gangrène au fond de tout, et, comme

Je la trouvai toujours, je pris en haine l'homme,

Et je devins bien malheureux.


La pensée et la forme ont passé comme un rêve.

Mais que fait donc le temps de ce qu'il nous enlève ?

Dans quel coin du chaos met-il

Ces aspects oubliés comme l'habit qu'on change,

Tous ces moi du même homme ? Et quel royaume étrange

Leur sert de patrie ou d'exil ?


Dieu seul peut le savoir, c'est un profond mystère ;

Nous le saurons peut-être à la fin, car la terre

Que la pioche jette au cercueil

Avec sa sombre voix explique bien des choses ;

Des effets, dans la tombe, on comprend mieux les causes.

L'éternité commence au seuil.


L'on voit... Mais veuillez bien me pardonner, madame,

De vous entretenir de tout cela. Mon âme,

Ainsi qu'un vase trop rempli,

Déborde, laissant choir mille vagues pensées,

Et ces ressouvenirs d'illusions passées

Rembrunissent mon front pâli.


« Eh ! Que vous fait cela, dites-vous, tête folle,

De vous inquiéter d'une ombre qui s'envole ?

Pourquoi donc vouloir retenir

Comme un enfant mutin sa mère par la robe,

Ce passé qui s'en va ? De ce qu'il vous dérobe

Consolez-vous par l'avenir.


« Regardez ; devant vous l'horizon est immense ;

C'est l'aube de la vie et votre jour commence ;

Le ciel est bleu, le soleil luit ;

La route de ce monde est pour vous une allée,

Comme celle d'un parc, pleine d'ombre et sablée ;

Marchez où le temps vous conduit.


« Que voulez-vous de plus ? Tout vous rit, l'on vous aime.

- Oh ! Vous avez raison, je me le dis moi-même,

L'avenir devrait m'être cher ;

Mais c'est en vain, hélas ! Que votre voix m'exhorte ;

Je rêve, et mon baiser à votre front avorte,

Et je me sens le cœur amer. »
Bierstube Magie allemande
Et douces comme un lait d'amandes
Mina Linda lèvres gourmandes
Qui tant souhaitent d'être crues
A fredonner tout bas s'obstinent
L'air Ach du lieber Augustin
Qu'un passant siffle dans la rue

Sofienstrasse Ma mémoire
Retrouve la chambre et l'armoire
L'eau qui chante dans la bouilloire
Les phrases des coussins brodés
L'abat-jour de fausse opaline
Le Toteninsel de Boecklin
Et le peignoir de mousseline
Qui s'ouvre en donnant des idées

Au plaisir prise et toujours prête
Ô Gaense-Liesel des défaites
Tout à coup tu tournais la tête
Et tu m'offrais comme cela
La tentation de ta nuque
Demoiselle de Sarrebrück
Qui descendais faire le truc
Pour un morceau de chocolat

Et moi pour la juger que suis-je
Pauvres bonheurs pauvres vertiges
Il s'est tant perdu de prodiges
Que je ne m'y reconnais plus
Rencontres Partances hâtives
Est-ce ainsi que les hommes vivent
Et leurs baisers au **** les suivent
Comme des soleils révolus

Tout est affaire de décors
Changer de lit changer de corps
À quoi bon puisque c'est encore
Moi qui moi-même me trahis
Moi qui me traîne et m'éparpille
Et mon ombre se déshabille
Dans les bras semblables des filles
Où j'ai cru trouver un pays

Coeur léger coeur changeant coeur lourd
Le temps de rêver est bien court
Que faut-il faire de mes jours
Que faut-il faire de mes nuits
Je n'avais amour ni demeure
Nulle part où je vive ou meure
Je passais comme la rumeur
Je m'endormais comme le bruit

C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On faisait des châteaux de sable
On prenait les loups pour des chiens
Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle
Moi si j'y tenait mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien

Dans le quartier Hohenzollern
Entre la Sarre et les casernes
Comme les fleurs de la luzerne
Fleurissaient les seins de Lola
Elle avait un coeur d'hirondelle
Sur le canapé du bordel
Je venais m'allonger près d'elle
Dans les hoquets du pianola

Elle était brune et pourtant blanche
Ses cheveux tombaient sur ses hanches
Et la semaine et le dimanche
Elle ouvrait à tous ses bras nus
Elle avait des yeux de faïence
Et travaillait avec vaillance
Pour un artilleur de Mayence
Qui n'en est jamais revenu

Il est d'autres soldats en ville
Et la nuit montent les civils
Remets du rimmel à tes cils
Lola qui t'en iras bientôt
Encore un verre de liqueur
Ce fut en avril à cinq heures
Au petit jour que dans ton coeur
Un dragon plongea son couteau

Le ciel était gris de nuages
Il y volait des oies sauvages
Qui criaient la mort au passage
Au-dessus des maisons des quais
Je les voyais par la fenêtre
Leur chant triste entrait dans mon être
Et je croyais y reconnaître
Du Rainer Maria Rilke.
Paul d'Aubin Mar 2017
« Des Hommes prophétiques en face de leurs époques face à la souffrance causée par les périodes de réaction et de reflux »

(Relation d’une conférence donnée le 13 janvier 1940 à Toulouse par Silvio Trentin sur le principal Poète romantique Italien Giacomo Leopardi)

Prélude à une commémoration

C'est à la bibliothèque interuniversitaire de l’Université de Toulouse-Capitole alors que je me plongeais avec ferveur dans la lecture des ouvrages sur les « fuorusciti » (appellation donnée aux exilés politiques Italiens) que je découvris un opuscule de 118 pages, issue d'une conférence prononcée à Toulouse, le 13 janvier 1940 devant le « Cercle des intellectuels Républicains espagnols » par Silvio Trentin. Cette conférence fut prononcée avec la gorge nouée, devant un public d'intellectuels espagnols et catalans, la plupart exilés depuis 1939, et quelques-uns de leurs amis toulousains non mobilisés.
L'intense gravité du moment ne les empêchait pas de partager une ferveur commune ce haut moment de culture la culture Européenne intitulée par Silvio Trentin : « D’un poète qui nous permettra de retrouver l'Italie Giacomo Leopardi »
L'émotion fut grande pour moi car cet ouvrage me parut comme le frêle esquif rescapé d'un temps de défaites, de souffrances, rendu perceptible par le crépitement des balles de mitrailleuses, des explosions d’obus s'abattant sur des soldats républicains écrasés par la supériorité des armes et condamnés à la défaite par le mol et lâche abandon des diplomaties. Silvio Trentin avait gravé dans sa mémoire des images récentes qui n'avaient rien à envier aux tableaux grimaçants de nouveaux Goya. Il avait tant vu d'images d'avions larguant leurs bombes sur les populations terrifiées et embraser les charniers de Guernica. Il venait de voir passer les longues files de civils, toujours harassés, souvent blessés, emportant leurs rares biens ainsi que les soldats vaincus mais fiers de «la Retirada ». Il venait de visiter ces soldats dont parmi eux bon nombre de ses amis de combat, parqués sommairement dans des camps d'infortune.
Ces Catalans et Espagnols, qui s'étaient battus jusqu'au bout des privations et des souffrances endurées, étaient comme écrasés par le sentiment d'avoir été laissés presque seuls à lutter contre les fascismes, unis et comme pétrifiés par un destin d'injustice et d'amertume.
Mais ces premiers déchainements impunis d'injustices et de violences avaient comme ouverts la porte aux «trois furies» de la mythologie grecque et une semaine exactement après la conclusion du pacte de non-agression germano-soviétique, signé le 23 août 1939, par Molotov et Ribbentrop, les troupes allemandes se jetaient, dès le 1er septembre, sur la Pologne qu'elles écrasaient sous le nombre des stukas et des chars, en raison ce que le Général de Gaulle nomma ultérieurement « une force mécanique supérieure».
Une armée héroïque, mais bien moins puissante, était défaite. Et il ne nous en reste en guise de témoignage dérisoire que les images du cinéaste Andrei Wajda, nous montrant de jeunes cavaliers munis de lances se rendant au combat, à cheval, à la fin de cet été 1939, images d'une fallacieuse et vénéneuse beauté. Staline rendu avide par ce festin de peuples attaqua la Finlande, un mois après, le 30 septembre 1940, après s'être partagé, avec l'Allemagne hitlérienne, une partie de la Pologne. Depuis lors la « drôle de guerre » semblait en suspension, attendant pétrifiée dans rien faire les actes suivants de la tragédie européenne.

- Qu'est ce qui pouvait amener Silvio Trentin en ces jours de tragédie, à sacrifier à l'exercice d'une conférence donnée sur un poète italien né en 1798, plus d'un siècle avant ce nouvel embrasement de l'Europe qui mourut, si jeune, à trente-neuf ans ?
- Comment se fait-il que le juriste antifasciste exilé et le libraire militant devenu toulousain d'adoption, plus habitué à porter son éloquence reconnue dans les meetings organisés à Toulouse en soutien au Front à s'exprimer devant un cercle prestigieux de lettrés, comme pour magnifier la poésie même parmi ses sœurs et frères d'armes et de malheurs partagés ?
I °) L’opposition de tempéraments de Silvio Trentin et Giacomo Leopardi
L'intérêt porté par Silvio Trentin aux textes de Percy Shelley et au geste héroïco-romantique du poète Lauro de Bosis qui dépeignit dans son dernier texte le choix de sa mort héroïque pourrait nous laisser penser que le choix, en 1940, de Giacomo Leopardi comme sujet de médiation, s'inscrivait aussi dans une filiation romantique. Certes il y a bien entre ces deux personnalités si différentes que sont Giacomo Leopardi et Silvio Trentin une même imprégnation romantique. Le critique littéraire hors pair que fut Sainte-Beuve ne s'y est pourtant pas trompé. Dans l'un des premiers portraits faits en France de Leopardi, en 1844, dans la ***** des deux Mondes, Sainte-Beuve considère comme Leopardi comme un « Ancien » : (...) Brutus comme le dernier des anciens, mais c'est bien lui qui l'est. Il est triste comme un Ancien venu trop **** (...) Leopardi était né pour être positivement un Ancien, un homme de la Grèce héroïque ou de la Rome libre. »
Giacomo Leopardi vit au moment du plein essor du romantisme qui apparaît comme une réaction contre le formalisme de la pâle copie de l'Antique, de la sécheresse de la seule raison et de l'occultation de la sensibilité frémissante de la nature et des êtres. Mais s'il partage pleinement les obsessions des écrivains et poètes contemporains romantiques pour les héros solitaires, les lieux déserts, les femmes inaccessibles et la mort, Leopardi, rejette l'idée du salut par la religion et tout ce qui lui apparaît comme lié à l'esprit de réaction en se plaignant amèrement du caractère étroitement provincial et borné de ce qu'il nomme « l’aborrito e inabitabile Recanati ». En fait, la synthèse de Giacomo Leopardi est bien différente des conceptions d'un moyen âge idéalisé des romantiques. Elle s'efforce de dépasser le simple rationalisme à l'optimisme naïf, mais ne renie jamais l'aspiration aux « Lumières » qui correspond pour lui à sa passion tumultueuse pour les sciences. Il s'efforce, toutefois, comme par deux ponts dressés au travers de l'abime qui séparent les cultures et les passions de siècles si différents, de relier les idéaux des Antiques que sont le courage civique et la vertu avec les feux de la connaissance que viennent d'attiser les encyclopédistes. A cet effort de confluence des vertus des langues antiques et des sciences nouvelles se mêle une recherche constante de la lucidité qui le tient toujours comme oscillant sur les chemins escarpés de désillusions et aussi du rejet des espoirs fallacieux dans de nouvelles espérances d'un salut terrestre.
De même Silvio Trentin, de par sa haute formation juridique et son engagement constant dans les tragédies et péripéties quotidienne du militantisme, est **** du secours de la religion et de toute forme d'idéalisation du passé. Silvio Trentin reste pleinement un homme de progrès et d'idéal socialiste fortement teinté d'esprit libertaire pris à revers par la barbarie d'un siècle qui s'ouvre par la première guerre mondiale et la lutte inexpiable engagée entre la réaction des fascismes contre l'esprit des Lumières.
Mais, au-delà d'un parcours de vie très éloigné et d'un pessimisme historique premier et presque fondateur chez Leopardi qui l'oppose à l'obstination civique et démocratique de Silvio Trentin qui va jusqu'à prôner une utopie sociétale fondée sur l'autonomie, deux sentiments forts et des aspirations communes les font se rejoindre.

II °) Le même partage des désillusions et de la douleur :
Ce qui relie les existences si différentes de Giacomo Leopardi et de Silvio Trentin c'est une même expérience existentielle de la désillusion et de la douleur. Elle plonge ses racines chez Giacomo Leopardi dans une vie tronquée et comme recroquevillée par la maladie et un sentiment d'enfermement. Chez Silvio Trentin, c'est l'expérience historique même de la première moitié du vingtième siècle dont il est un des acteurs engagés qui provoque, non pas la désillusion, mais le constat lucide d'un terrible reflux historique qui culmine jusqu'à la chute de Mussolini et d'Hilter. A partir de retour dans sa patrie, le 4 septembre 1943, Silvio Trentin débute une période de cinq jours de vie intense et fiévreuse emplie de liberté et de bonheur, avant de devoir replonger dans la clandestinité, en raison de la prise de contrôle du Nord et du centre de l'Italie par l'armée allemande et ses alliés fascistes. Bien entendu il n'y a rien de comparable en horreur entre le sentiment d'un reflux des illusions causé par l'échec historique de la Révolution française et de son héritier infidèle l'Empire et le climat de réaction qui suit le congrès de Vienne et la violence implacable qui se déchaine en Europe en réaction à la tragédie de la première mondiale et à la Révolution bolchevique.


III °) Le partage de la souffrance par deux Esprits dissemblables :
Silvio Trentin retrace bien le climat commun des deux périodes : « Son œuvre se situe bien (...) dans cette Europe de la deuxième décade du XIXe siècle qui voit s'éteindre les dernières flammèches de la Grand Révolution et s'écrouler, dans un fracas de ruines, la folle aventure tentée par Bonaparte et se dresser impitoyablement sur son corps, à l'aide des baïonnettes et des potences, les solides piliers que la Sainte Alliance vient d'établir à Vienne. »
C'est donc durant deux périodes de reflux qu'ont vécu Giacomo Leopardi et Silvio Trentin avec pour effet d'entrainer la diffusion d'un grand pessimisme historique surtout parmi celles et ceux dont le tempérament et le métier est de penser et de décrire leur époque. Silvio Trentin a vu démocratie être progressivement étouffée, de 1922 à 1924, puis à partir de 1926, être brutalement écrasée en Italie. En 1933, il assisté à l'accession au gouvernement d'****** et à l'installation rapide d'un pouvoir impitoyable ouvrant des camps de concentration pour ses opposants et mettant en œuvre un antisémitisme d'Etat qui va basculer dans l'horreur. Il a personnellement observé, puis secouru, les républicains espagnols et catalans si peu aidés qu'ils ont fini par ployer sous les armes des dictatures fascistes, lesquelles ne ménagèrent jamais leurs appuis, argent, et armes et à leur allié Franco et à la « vieille Espagne ». Il a dû assurer personnellement la pénible tâche d'honorer ses amis tués, comme l'avocat républicain, Mario Angeloni, le socialiste Fernando de Rosa, son camarade de « Giustizia e Libertà », Libero Battistelli. Il a assisté à l'assassinat en France même de l'économiste Carlo Rosselli qui était son ami et qu'il estimait entre tous.

IV °) Sur le caractère de refuge ultime de la Poésie :
Silvio Trentin laisse percer la sensibilité et l'esprit d'un être sensible face aux inévitables limites des arts et techniques mises au service de l'émancipation humaine. A chaque époque pèsent sur les êtres humains les plus généreux les limites inévitables de toute création bridée par les préjugés, les égoïsmes et les peurs. Alors la poésie vient offrir à celles et ceux qui en souffrent le plus, une consolation et leur offre un univers largement ouvert à la magie créatrice des mots ou il n'est d'autres bornes que celles de la liberté et la créativité. C'est ce qui nous permet de comprendre qu'au temps où l'Espagne brulait et ou l'Europe se préparait à vivre l'une des époques les plus sombres de l'humanité, la fragile cohorte des poètes, tels Rafael Alberti, Juan Ramon Jiménez, Federico Garcia Lorca et Antonio Machado s'engagea comme les ruisseaux vont à la mer, aux côtés des peuples et des classes opprimées. Parmi les plus nobles et les plus valeureux des politiques, ceux qui ne se satisfont pas des effets de tribune ou des honneurs précaires, la poésie leur devient parfois indispensable ainsi que formule Silvio Trentin :
« [...] si la poésie est utile aux peuples libres, [...] elle est, en quelque sorte, indispensable — ainsi que l'oxygène aux êtres que menace l'asphyxie — aux peuples pour qui la liberté est encore un bien à conquérir] « [...] La poésie s'adresse aussi "à ceux parmi les hommes [...] qui ont fait l'expérience cruelle de la déception et de la douleur».
Le 16 03 2017 écrit par Paul Arrighi
Quand nous habitions tous ensemble
Sur nos collines d'autrefois,
Où l'eau court, où le buisson tremble,
Dans la maison qui touche aux bois,

Elle avait dix ans, et moi trente ;
J'étais pour elle l'univers.
Oh ! comme l'herbe est odorante
Sous les arbres profonds et verts !

Elle faisait mon sort prospère,
Mon travail léger, mon ciel bleu.
Lorsqu'elle me disait : Mon père,
Tout mon coeur s'écriait : Mon Dieu !

À travers mes songes sans nombre,
J'écoutais son parler joyeux,
Et mon front s'éclairait dans l'ombre
À la lumière de ses yeux.

Elle avait l'air d'une princesse
Quand je la tenais par la main.
Elle cherchait des fleurs sans cesse
Et des pauvres dans le chemin.

Elle donnait comme on dérobe,
En se cachant aux yeux de tous.
Oh ! la belle petite robe
Qu'elle avait, vous rappelez-vous ?

Le soir, auprès de ma bougie,
Elle jasait à petit bruit,
Tandis qu'à la vitre rougie
Heurtaient les papillons de nuit.

Les anges se miraient en elle.
Que son bonjour était charmant !
Le ciel mettait dans sa prunelle
Ce regard qui jamais ne ment.

Oh ! je l'avais, si jeune encore,
Vue apparaître en mon destin !
C'était l'enfant de mon aurore,
Et mon étoile du matin !

Quand la lune claire et sereine
Brillait aux cieux, dans ces beaux mois,
Comme nous allions dans la plaine !
Comme nous courions dans les bois !

Puis, vers la lumière isolée
Étoilant le logis obscur,
Nous revenions par la vallée
En tournant le coin du vieux mur ;

Nous revenions, coeurs pleins de flamme,
En parlant des splendeurs du ciel.
Je composais cette jeune âme
Comme l'abeille fait son miel.

Doux ange aux candides pensées,
Elle était gaie en arrivant... -
Toutes ces choses sont passées
Comme l'ombre et comme le vent !

À Villequier, le 4 septembre 1844.
Le poète

Le mal dont j'ai souffert s'est enfui comme un rêve.
Je n'en puis comparer le lointain souvenir
Qu'à ces brouillards légers que l'aurore soulève,
Et qu'avec la rosée on voit s'évanouir.

La muse

Qu'aviez-vous donc, ô mon poète !
Et quelle est la peine secrète
Qui de moi vous a séparé ?
Hélas ! je m'en ressens encore.
Quel est donc ce mal que j'ignore
Et dont j'ai si longtemps pleuré ?

Le poète

C'était un mal vulgaire et bien connu des hommes ;
Mais, lorsque nous avons quelque ennui dans le coeur,
Nous nous imaginons, pauvres fous que nous sommes,
Que personne avant nous n'a senti la douleur.

La muse

Il n'est de vulgaire chagrin
Que celui d'une âme vulgaire.
Ami, que ce triste mystère
S'échappe aujourd'hui de ton sein.
Crois-moi, parle avec confiance ;
Le sévère dieu du silence
Est un des frères de la Mort ;
En se plaignant on se console,
Et quelquefois une parole
Nous a délivrés d'un remord.

Le poète

S'il fallait maintenant parler de ma souffrance,
Je ne sais trop quel nom elle devrait porter,
Si c'est amour, folie, orgueil, expérience,
Ni si personne au monde en pourrait profiter.
Je veux bien toutefois t'en raconter l'histoire,
Puisque nous voilà seuls, assis près du foyer.
Prends cette lyre, approche, et laisse ma mémoire
Au son de tes accords doucement s'éveiller.

La muse

Avant de me dire ta peine,
Ô poète ! en es-tu guéri ?
Songe qu'il t'en faut aujourd'hui
Parler sans amour et sans haine.
S'il te souvient que j'ai reçu
Le doux nom de consolatrice,
Ne fais pas de moi la complice
Des passions qui t'ont perdu,

Le poète

Je suis si bien guéri de cette maladie,
Que j'en doute parfois lorsque j'y veux songer ;
Et quand je pense aux lieux où j'ai risqué ma vie,
J'y crois voir à ma place un visage étranger.
Muse, sois donc sans crainte ; au souffle qui t'inspire
Nous pouvons sans péril tous deux nous confier.
Il est doux de pleurer, il est doux de sourire
Au souvenir des maux qu'on pourrait oublier.

La muse

Comme une mère vigilante
Au berceau d'un fils bien-aimé,
Ainsi je me penche tremblante
Sur ce coeur qui m'était fermé.
Parle, ami, - ma lyre attentive
D'une note faible et plaintive
Suit déjà l'accent de ta voix,
Et dans un rayon de lumière,
Comme une vision légère,
Passent les ombres d'autrefois.

Le poète

Jours de travail ! seuls jours où j'ai vécu !
Ô trois fois chère solitude !
Dieu soit loué, j'y suis donc revenu,
À ce vieux cabinet d'étude !
Pauvre réduit, murs tant de fois déserts,
Fauteuils poudreux, lampe fidèle,
Ô mon palais, mon petit univers,
Et toi, Muse, ô jeune immortelle,
Dieu soit loué, nous allons donc chanter !
Oui, je veux vous ouvrir mon âme,
Vous saurez tout, et je vais vous conter
Le mal que peut faire une femme ;
Car c'en est une, ô mes pauvres amis
(Hélas ! vous le saviez peut-être),
C'est une femme à qui je fus soumis,
Comme le serf l'est à son maître.
Joug détesté ! c'est par là que mon coeur
Perdit sa force et sa jeunesse ;
Et cependant, auprès de ma maîtresse,
J'avais entrevu le bonheur.
Près du ruisseau, quand nous marchions ensemble,
Le soir, sur le sable argentin,
Quand devant nous le blanc spectre du tremble
De **** nous montrait le chemin ;
Je vois encore, aux rayons de la lune,
Ce beau corps plier dans mes bras...
N'en parlons plus... - je ne prévoyais pas
Où me conduirait la Fortune.
Sans doute alors la colère des dieux
Avait besoin d'une victime ;
Car elle m'a puni comme d'un crime
D'avoir essayé d'être heureux.

La muse

L'image d'un doux souvenir
Vient de s'offrir à ta pensée.
Sur la trace qu'il a laissée
Pourquoi crains-tu de revenir ?
Est-ce faire un récit fidèle
Que de renier ses beaux jours ?
Si ta fortune fut cruelle,
Jeune homme, fais du moins comme elle,
Souris à tes premiers amours.

Le poète

Non, - c'est à mes malheurs que je prétends sourire.  
Muse, je te l'ai dit : je veux, sans passion,
Te conter mes ennuis, mes rêves, mon délire,
Et t'en dire le temps, l'heure et l'occasion.
C'était, il m'en souvient, par une nuit d'automne,
Triste et froide, à peu près semblable à celle-ci ;
Le murmure du vent, de son bruit monotone,
Dans mon cerveau lassé berçait mon noir souci.
J'étais à la fenêtre, attendant ma maîtresse ;
Et, tout en écoutant dans cette obscurité,
Je me sentais dans l'âme une telle détresse
Qu'il me vint le soupçon d'une infidélité.
La rue où je logeais était sombre et déserte ;
Quelques ombres passaient, un falot à la main ;
Quand la bise sifflait dans la porte entr'ouverte,
On entendait de **** comme un soupir humain.
Je ne sais, à vrai dire, à quel fâcheux présage
Mon esprit inquiet alors s'abandonna.
Je rappelais en vain un reste de courage,
Et me sentis frémir lorsque l'heure sonna.
Elle ne venait pas. Seul, la tête baissée,
Je regardai longtemps les murs et le chemin,
Et je ne t'ai pas dit quelle ardeur insensée
Cette inconstante femme allumait en mon sein ;
Je n'aimais qu'elle au monde, et vivre un jour sans elle
Me semblait un destin plus affreux que la mort.
Je me souviens pourtant qu'en cette nuit cruelle
Pour briser mon lien je fis un long effort.
Je la nommai cent fois perfide et déloyale,
Je comptai tous les maux qu'elle m'avait causés.
Hélas ! au souvenir de sa beauté fatale,
Quels maux et quels chagrins n'étaient pas apaisés !
Le jour parut enfin. - Las d'une vaine attente,
Sur le bord du balcon je m'étais assoupi ;
Je rouvris la paupière à l'aurore naissante,
Et je laissai flotter mon regard ébloui.
Tout à coup, au détour de l'étroite ruelle,
J'entends sur le gravier marcher à petit bruit...
Grand Dieu ! préservez-moi ! je l'aperçois, c'est elle ;
Elle entre. - D'où viens-tu ? Qu'as-tu fait cette nuit ?
Réponds, que me veux-tu ? qui t'amène à cette heure ?
Ce beau corps, jusqu'au jour, où s'est-il étendu ?
Tandis qu'à ce balcon, seul, je veille et je pleure,
En quel lieu, dans quel lit, à qui souriais-tu ?
Perfide ! audacieuse ! est-il encor possible
Que tu viennes offrir ta bouche à mes baisers ?
Que demandes-tu donc ? par quelle soif horrible
Oses-tu m'attirer dans tes bras épuisés ?
Va-t'en, retire-toi, spectre de ma maîtresse !
Rentre dans ton tombeau, si tu t'en es levé ;
Laisse-moi pour toujours oublier ma jeunesse,
Et, quand je pense à toi, croire que j'ai rêvé !

La muse

Apaise-toi, je t'en conjure ;
Tes paroles m'ont fait frémir.
Ô mon bien-aimé ! ta blessure
Est encor prête à se rouvrir.
Hélas ! elle est donc bien profonde ?
Et les misères de ce monde
Sont si lentes à s'effacer !
Oublie, enfant, et de ton âme
Chasse le nom de cette femme,
Que je ne veux pas prononcer.

Le poète

Honte à toi qui la première
M'as appris la trahison,
Et d'horreur et de colère
M'as fait perdre la raison !
Honte à toi, femme à l'oeil sombre,
Dont les funestes amours
Ont enseveli dans l'ombre
Mon printemps et mes beaux jours !
C'est ta voix, c'est ton sourire,
C'est ton regard corrupteur,
Qui m'ont appris à maudire
Jusqu'au semblant du bonheur ;
C'est ta jeunesse et tes charmes
Qui m'ont fait désespérer,
Et si je doute des larmes,
C'est que je t'ai vu pleurer.
Honte à toi, j'étais encore
Aussi simple qu'un enfant ;
Comme une fleur à l'aurore,
Mon coeur s'ouvrait en t'aimant.
Certes, ce coeur sans défense
Put sans peine être abusé ;
Mais lui laisser l'innocence
Était encor plus aisé.
Honte à toi ! tu fus la mère
De mes premières douleurs,
Et tu fis de ma paupière
Jaillir la source des pleurs !
Elle coule, sois-en sûre,
Et rien ne la tarira ;
Elle sort d'une blessure
Qui jamais ne guérira ;
Mais dans cette source amère
Du moins je me laverai,
Et j'y laisserai, j'espère,
Ton souvenir abhorré !

La muse

Poète, c'est assez. Auprès d'une infidèle,
Quand ton illusion n'aurait duré qu'un jour,
N'outrage pas ce jour lorsque tu parles d'elle ;
Si tu veux être aimé, respecte ton amour.
Si l'effort est trop grand pour la faiblesse humaine
De pardonner les maux qui nous viennent d'autrui,
Épargne-toi du moins le tourment de la haine ;
À défaut du pardon, laisse venir l'oubli.
Les morts dorment en paix dans le sein de la terre :
Ainsi doivent dormir nos sentiments éteints.
Ces reliques du coeur ont aussi leur poussière ;
Sur leurs restes sacrés ne portons pas les mains.
Pourquoi, dans ce récit d'une vive souffrance,
Ne veux-tu voir qu'un rêve et qu'un amour trompé ?
Est-ce donc sans motif qu'agit la Providence
Et crois-tu donc distrait le Dieu qui t'a frappé ?
Le coup dont tu te plains t'a préservé peut-être,
Enfant ; car c'est par là que ton coeur s'est ouvert.
L'homme est un apprenti, la douleur est son maître,
Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert.
C'est une dure loi, mais une loi suprême,
Vieille comme le monde et la fatalité,
Qu'il nous faut du malheur recevoir le baptême,
Et qu'à ce triste prix tout doit être acheté.
Les moissons pour mûrir ont besoin de rosée ;
Pour vivre et pour sentir l'homme a besoin des pleurs ;
La joie a pour symbole une plante brisée,
Humide encor de pluie et couverte de fleurs.
Ne te disais-tu pas guéri de ta folie ?
N'es-tu pas jeune, heureux, partout le bienvenu ?
Et ces plaisirs légers qui font aimer la vie,
Si tu n'avais pleuré, quel cas en ferais-tu ?
Lorsqu'au déclin du jour, assis sur la bruyère,
Avec un vieil ami tu bois en liberté,
Dis-moi, d'aussi bon coeur lèverais-tu ton verre,
Si tu n'avais senti le prix de la gaîté ?
Aimerais-tu les fleurs, les prés et la verdure,
Les sonnets de Pétrarque et le chant des oiseaux,
Michel-Ange et les arts, Shakspeare et la nature,
Si tu n'y retrouvais quelques anciens sanglots ?
Comprendrais-tu des cieux l'ineffable harmonie,
Le silence des nuits, le murmure des flots,
Si quelque part là-bas la fièvre et l'insomnie
Ne t'avaient fait songer à l'éternel repos ?
N'as-tu pas maintenant une belle maîtresse ?
Et, lorsqu'en t'endormant tu lui serres la main,
Le lointain souvenir des maux de ta jeunesse
Ne rend-il pas plus doux son sourire divin ?
N'allez-vous pas aussi vous promener ensemble
Au fond des bois fleuris, sur le sable argentin ?
Et, dans ce vert palais, le blanc spectre du tremble
Ne sait-il plus, le soir, vous montrer le chemin ?
Ne vois-tu pas alors, aux rayons de la lune,
Plier comme autrefois un beau corps dans tes bras,
Et si dans le sentier tu trouvais la Fortune,
Derrière elle, en chantant, ne marcherais-tu pas ?
De quoi te plains-tu donc ? L'immortelle espérance
S'est retrempée en toi sous la main du malheur.
Pourquoi veux-tu haïr ta jeune expérience,
Et détester un mal qui t'a rendu meilleur ?
Ô mon enfant ! plains-la, cette belle infidèle,
Qui fit couler jadis les larmes de tes yeux ;
Plains-la ! c'est une femme, et Dieu t'a fait, près d'elle,
Deviner, en souffrant, le secret des heureux.
Sa tâche fut pénible ; elle t'aimait peut-être ;
Mais le destin voulait qu'elle brisât ton coeur.
Elle savait la vie, et te l'a fait connaître ;
Une autre a recueilli le fruit de ta douleur.
Plains-la ! son triste amour a passé comme un songe ;
Elle a vu ta blessure et n'a pu la fermer.
Dans ses larmes, crois-moi, tout n'était pas mensonge.
Quand tout l'aurait été, plains-la ! tu sais aimer.

Le poète

Tu dis vrai : la haine est impie,
Et c'est un frisson plein d'horreur
Quand cette vipère assoupie
Se déroule dans notre coeur.
Écoute-moi donc, ô déesse !
Et sois témoin de mon serment :
Par les yeux bleus de ma maîtresse,
Et par l'azur du firmament ;
Par cette étincelle brillante
Qui de Vénus porte le nom,
Et, comme une perle tremblante,
Scintille au **** sur l'horizon ;
Par la grandeur de la nature,
Par la bonté du Créateur,
Par la clarté tranquille et pure
De l'astre cher au voyageur.
Par les herbes de la prairie,
Par les forêts, par les prés verts,
Par la puissance de la vie,
Par la sève de l'univers,
Je te bannis de ma mémoire,
Reste d'un amour insensé,
Mystérieuse et sombre histoire
Qui dormiras dans le passé !
Et toi qui, jadis, d'une amie
Portas la forme et le doux nom,
L'instant suprême où je t'oublie
Doit être celui du pardon.
Pardonnons-nous ; - je romps le charme
Qui nous unissait devant Dieu.
Avec une dernière larme
Reçois un éternel adieu.
- Et maintenant, blonde rêveuse,
Maintenant, Muse, à nos amours !
Dis-moi quelque chanson joyeuse,
Comme au premier temps des beaux jours.
Déjà la pelouse embaumée
Sent les approches du matin ;
Viens éveiller ma bien-aimée,
Et cueillir les fleurs du jardin.
Viens voir la nature immortelle
Sortir des voiles du sommeil ;
Nous allons renaître avec elle
Au premier rayon du soleil !
Elle passa, je crois qu'elle m'avait souri.
C'était une grisette ou bien une houri.
Je ne sais si l'effet fut moral ou physique,
Mais son pas en marchant faisait une musique.
Quoi ! Ton pavé bruyant et fangeux, ô Paris,
A de ces visions ineffables ! Je pris
Ses yeux fixés sur moi pour deux étoiles bleues.
Fraîche et joyeuse enfant ! Moineaux et hochequeues
Ont moins de gaîté folle et de vivacité.
Elle avait une robe en taffetas d'été,
De petits brodequins couleur de scarabée,
L'air d'une ombre qui passe avant la nuit tombée,
Je ne sais quoi de fier qui permettait l'espoir.

Pendant que je songeais, croyant encor la voir
Même après qu'elle était enfuie et disparue,
Et que debout, pensif au milieu de la rue,
Contemplant, ébloui, cet être gracieux,
J'avais l'œil dans l'espace et l'âme dans les cieux,
Une vieille, moitié chatte et moitié harpie,
Au menton hérissé d'une barbe en charpie,
Vêtue affreusement d'un sinistre haillon,
Effroyable, et parlant comme avec un bâillon,
Me dit tout bas : - Monsieur veut-il de cette fille ?

Ô pauvre colibri que vend une chenille !
Sage King Nov 2011
Les jours passent si rapidement quand la vie est à l'arrêt
Un flou de gris et de bruns
Créer un fanées bouquet incomplète
Une fois qu'ils ont donné la beauté lys blancs et des violettes magnifiques
Puis il y avait une rose
Puis il n'y avait rien
Arpenter rythme rythme rythme
Fleurs sur le plancher de la chambre
Couleur dans la poussière, les pétales en gris
Fondu la décoloration à la décoloration à la cendre
Coincé dans les images
Se cacher dans les rêves
Nuits passent si lentement quand la vie est la fugue
Courir courir courir
Laissant mon bouquet fané.

Days pass so quickly when life is standing still
A blur of grays and browns
Creating a withered, incomplete bouquet
Once they gave beauty,  white lilies and magnificent violets
Then there was a rose
Then there was nothing
Pacing, pacing, pacing, pacing
Flowers on the bedroom floor
Color into dust, petals into gray
Fading, fading, fading  to ash
Lingering in  pictures
Hiding in dreams
Nights pass so slowly when life is running away
Running, running, running,
Leaving my withered bouquet.
On lit dans les Annales de la propagation de la Foi :
« Une lettre de Hong-Kong (Chine), en date du 24 juillet
1832, nous annonce que M. Bonnard, missionnaire du
Tong-King, a été décapité pour la foi, le 1er mai dernier. »
Ce nouveau martyr était né dans le diocèse de Lyon et
appartenait à la Société des Missions étrangères. Il était
parti pour le Tong-King en 1849. »

I.

Ô saint prêtre ! grande âme ! oh ! je tombe à genoux !
Jeune, il avait encor de longs jours parmi nous,
Il n'en a pas compté le nombre ;
Il était à cet âge où le bonheur fleurit ;
Il a considéré la croix de Jésus-Christ
Toute rayonnante dans l'ombre.

Il a dit : - « C'est le Dieu de progrès et d'amour.
Jésus, qui voit ton front croit voir le front du jour.
Christ sourit à qui le repousse.
Puisqu'il est mort pour nous, je veux mourir pour lui ;
Dans son tombeau, dont j'ai la pierre pour appui,
Il m'appelle d'une voix douce.

« Sa doctrine est le ciel entr'ouvert ; par la main,
Comme un père l'enfant, il tient le genre humain ;
Par lui nous vivons et nous sommes ;
Au chevet des geôliers dormant dans leurs maisons,
Il dérobe les clefs de toutes les prisons
Et met en liberté les hommes.

« Or il est, **** de nous, une autre humanité
Qui ne le connaît point, et dans l'iniquité
Rampe enchaînée, et souffre et tombe ;
Ils font pour trouver Dieu de ténébreux efforts ;
Ils s'agitent en vain ; ils sont comme des morts
Qui tâtent le mur de leur tombe.

« Sans loi, sans but, sans guide, ils errent ici-bas.
Ils sont méchants, étant ignorants ; ils n'ont pas
Leur part de la grande conquête.
J'irai. Pour les sauver je quitte le saint lieu.
Ô mes frères, je viens vous apporter mon Dieu,
Je viens vous apporter ma tête ! » -

Prêtre, il s'est souvenu, calme en nos jours troublés,
De la parole dite aux apôtres : - Allez,  
Bravez les bûchers et les claies ! -
Et de l'adieu du Christ au suprême moment :
- Ô vivant, aimez-vous ! aimez. En vous aimant,
Frères, vous fermerez mes plaies. -

Il s'est dit qu'il est bon d'éclairer dans leur nuit
Ces peuples égarés **** du progrès qui luit,
Dont l'âme est couverte de voiles ;
Puis il s'en est allé, dans les vents, dans les flots,
Vers les noirs chevalets et les sanglants billots,
Les yeux fixés sur les étoiles.

II.

Ceux vers qui cet apôtre allait, l'ont égorgé.

III.

Oh ! tandis que là-bas, hélas ! chez ces barbares,
S'étale l'échafaud de tes membres chargé,
Que le bourreau, rangeant ses glaives et ses barres,
Frotte au gibet son ongle où ton sang s'est figé ;

Ciel ! tandis que les chiens dans ce sang viennent boire,
Et que la mouche horrible, essaim au vol joyeux,
Comme dans une ruche entre en ta bouche noire
Et bourdonne au soleil dans les trous de tes yeux ;

Tandis qu'échevelée, et sans voix, sans paupières,
Ta tête blême est là sur un infâme pieu,
Livrée aux vils affronts, meurtrie à coups de pierres,
Ici, derrière toi, martyr, on vend ton Dieu !

Ce Dieu qui n'est qu'à toi, martyr, on te le vole !
On le livre à Mandrin, ce Dieu pour qui tu meurs !
Des hommes, comme toi revêtus de l'étole,
Pour être cardinaux, pour être sénateurs,

Des prêtres, pour avoir des palais, des carrosses,
Et des jardins l'été riant sous le ciel bleu,
Pour argenter leur mitre et pour dorer leurs crosses,
Pour boire de bon vin, assis près d'un bon feu,

Au forban dont la main dans le meurtre est trempée,
Au larron chargé d'or qui paye et qui sourit,
Grand Dieu ! retourne-toi vers nous, tête coupée !
Ils vendent Jésus-Christ ! ils vendent Jésus-Christ !

Ils livrent au bandit, pour quelques sacs sordides,
L'évangile, la loi, l'autel épouvanté,
Et la justice aux yeux sévères et candides,
Et l'étoile du coeur humain, la vérité !

Les bons jetés, vivants, au bagne, ou morts, aux fleuves,
L'homme juste proscrit par Cartouche Sylla,
L'innocent égorgé, le deuil sacré des veuves,
Les pleurs de l'orphelin, ils vendent tout cela !

Tout ! la foi, le serment que Dieu tient sous sa garde,
Le saint temple où, mourant, tu dis :Introïbo,
Ils livrent tout ! pudeur, vertu ! - martyr, regarde,
Rouvre tes yeux qu'emplit la lueur du tombeau ; -

Ils vendent l'arche auguste où l'hostie étincelle !
Ils vendent Christ, te dis-je ! et ses membres liés !
Ils vendent la sueur qui sur son front ruisselle,
Et les clous de ses mains, et les clous de ses pieds !

Ils vendent au brigand qui chez lui les attire
Le grand crucifié sur les hommes penché ;
Ils vendent sa parole, ils vendent son martyre,
Et ton martyre à toi par-dessus le marché !

Tant pour les coups de fouet qu'il reçut à la porte !
César ! tant pour l'amen, tant pour l'alléluia !
Tant pour la pierre où vint heurter sa tête morte !
Tant pour le drap rougi que sa barbe essuya !

Ils vendent ses genoux meurtris, sa palme verte,
Sa plaie au flanc, son oeil tout baigné d'infini,
Ses pleurs, son agonie, et sa bouche entrouverte,
Et le cri qu'il poussa : Lamma Sabacthani !

Ils vendent le sépulcre ! ils vendent les ténèbres !
Les séraphins chantant au seuil profond des cieux,
Et la mère debout sous l'arbre aux bras funèbres,
Qui, sentant là son fils, ne levait pas les yeux !

Oui, ces évêques, oui, ces marchands, oui, ces prêtres
A l'histrion du crime, assouvi, couronné,
A ce Néron repu qui rit parmi les traîtres,
Un pied sur Thraséas, un coude sur Phryné,

Au voleur qui tua les lois à coups de crosse,
Au pirate empereur Napoléon dernier,
Ivre deux fois, immonde encor plus que féroce,
Pourceau dans le cloaque et loup dans le charnier,

Ils vendent, ô martyr, le Dieu pensif et pâle
Qui, debout sur la terre et sous le firmament,
Triste et nous souriant dans notre nuit fatale,
Sur le noir Golgotha saigne éternellement !

Du 5 au 8 novembre 1852, à Jersey
solenn fresnay Sep 2012
Il la traîna de force jusqu’à sa chambre
Lui tira les cheveux et lui fracassa la cervelle plusieurs fois contre le carrelage froid du couloir
- Carrelage de couleur marron jaune -
Au passage une de ses dents du haut s’est cassée, pas grave, on dira lundi à l’école qu’elle a mangé des cailloux tout le week-end avec ses cousines
Ses cousines qui par ailleurs l’ont laissée toute l’après-midi sur le toit de la voiture familiale
Juste pour une histoire de garçon
Et puis après tout, tu as assez bien finie, tu aurais pu atterrir dans la porcherie
Pour une simple histoire de choux de Bruxelles
Juste pour une histoire de choux de Bruxelles.

Maman ne m’a jamais dit comment on faisait l’amour
Mais maman tous les soirs me faisait l’amour
(Un cri)
Pour une simple histoire de choux de Bruxelles
Chaque jour de la semaine maintenant je suis défoncée
TOTALEMENT DEFONCEE.

Mais ne t’inquiète pas, lui dit-il en la serrant encore plus fort, maman rentrera bientôt
Et la petite fille qui pleurait et pleurait
Sentant cette chose immonde venir s’écraser contre sa poitrine
Ne t’inquiète donc pas, maman rentera bientôt
Et la petite fille qui pleurait chaque minute encore plus
Sentant cette chose immonde se balader contre son tout petit corps
Maman rentrera bientôt ?
JE N’AVAIS QUE CINQ ANS.

Maman ne m’a jamais dit comment on faisait l’amour
Mais maman tous les soirs me faisait l’amour
(Un cri)
Pour une simple histoire de choux de Bruxelles
Chaque jour de la semaine maintenant je suis défoncée
TOTALEMENT DEFONCEE.

Elle entra à l’hôpital une nuit d’hiver
Dans la voiture toute blanche il y avait de jolies lumières au-dessus de sa tête et puis aussi une jolie musique
Tout allait un peu vite mais les messieurs étaient si gentils
Et puis elle avait encore vomi un peu partout mais les infirmières étaient si belles et avaient les dents si blanches
Elle resta une dizaine de jours dans cette chambre rose bonbon, le bras accroché à un drôle de pied en acier caillé, sa gentille maman qui continuait chaque nuit à lui faire l’amour en cachette
Elle se souvient avoir failli mourir
Mais après tout, tu as assez bien fini, tu aurais pu atterrir dans la porcherie
Pour une simple histoire de choux de Bruxelles
Juste pour une histoire de choux de Bruxelles.

Maman ne m’a jamais dit comment on faisait l’amour
Mais maman tous les soirs me faisait l’amour
(Un cri)
Pour une simple histoire de choux de Bruxelles
Chaque jour de la semaine maintenant je suis défoncée
TOTALEMENT DEFONCEE.

A l’école elle faisait tout le temps pipi sur elle
Puis elle s’est mise à se raconter des histoires, juste pour atteindre plus facilement le paradis artificiel
C’était toujours mieux quand c’était maman
Enfin elle ne se rappelle plus très bien
Elle a tout mélangé
Dans sa tête tout s’est mélangé
Elle est très malheureuse encore aujourd’hui
Mais après tout, elle a assez bien fini, elle aurait pu atterrir dans la porcherie
Pour une simple histoire de choux de Bruxelles
Juste pour une histoire de choux de Bruxelles.
Simplement, comme on verse un parfum sur une flamme

Et comme un soldat répand son sang pour la patrie,

Je voudrais pouvoir mettre mon cœur avec mon âme

Dans un beau cantique à la sainte Vierge Marie.


Mais je suis, hélas ! un pauvre pécheur trop indigne,

Ma voix hurlerait parmi le chœur des voix des justes :

Ivre encor du vin amer de la terrestre vigne,

Elle pourrait offenser des oreilles augustes.


Il faut un cœur pur comme l'eau qui jaillit des roches,

Il faut qu'un enfant vêtu de lin soit notre emblème,

Qu'un agneau bêlant n'éveille en nous aucuns reproches,

Que l'innocence nous ceigne un brûlant diadème,


Il faut tout cela pour oser dire vos louanges,

Ô vous Vierge Mère, ô vous Marie Immaculée,

Vous blanche à travers les battements d'ailes des anges,

Qui posez vos pieds sur notre terre consolée.


Du moins je ferai savoir à qui voudra l'entendre

Comment il advint qu'une âme des plus égarées,

Grâce à ces regards cléments de votre gloire tendre,

Revint au bercail des Innocences ignorées.


Innocence, ô belle après l'Ignorance inouïe,

Eau claire du cœur après le feu vierge de l'âme,

Paupière de grâce sur la prunelle éblouie,

Désaltèrement du cerf rompu d'amour qui brame !


Ce fut un amant dans toute la force du terme :

Il avait connu toute la chair, infâme ou vierge,

Et la profondeur monstrueuse d'un épiderme,

Et le sang d'un cœur, cire vermeille pour son cierge !


Ce fut un athée, et qui poussait **** sa logique

Tout en méprisant les fadaises qu'elle autorise,

Et comme un forçat qui remâche une vieille chique

Il aimait le jus flasque de la mécréantise.


Ce fut un brutal, ce fut un ivrogne des rues,

Ce fut un mari comme on en rencontre aux barrières ;

Bon que les amours premières fussent disparues,

Mais cela n'excuse en rien l'excès de ses manières.


Ce fut, et quel préjudice ! un Parisien fade,

Vous savez, de ces provinciaux cent fois plus pires

Qui prennent au sérieux la plus sotte cascade,

Sans s'apercevoir, ô leur âme, que tu respires ;


Race de théâtre et de boutique dont les vices

Eux-mêmes, avec leur odeur rance et renfermée,

Lèveraient le cœur à des sauvages leurs complices,

Race de trottoir, race d'égout et de fumée !


Enfin un sot, un infatué de ce temps bête

(Dont l'esprit au fond consiste à boire de la bière)

Et par-dessus tout une folle tête inquiète,

Un cœur à tous vents, vraiment mais vilement sincère.


Mais sans doute, et moi j'inclinerais fort à le croire,

Dans quelque coin bien discret et sûr de ce cœur même,

Il avait gardé comme qui dirait la mémoire

D'avoir été ces petits enfants que Jésus aime.


Avait-il, - et c'est vraiment plus vrai que vraisemblable,

Conservé dans le sanctuaire de sa cervelle

Votre nom, Marie, et votre titre vénérable,

Comme un mauvais prêtre ornerait encor sa chapelle ?


Ou tout bonnement peut-être qu'il était encore,

Malgré tout son vice et tout son crime et tout le reste,

Cet homme très simple qu'au moins sa candeur décore

En comparaison d'un monde autour que Dieu déteste.


Toujours est-il que ce grand pécheur eut des conduites

Folles à ce point d'en devenir trop maladroites

Si bien que les tribunaux s'en mirent, - et les suites !

Et le voyez-vous dans la plus étroite des boîtes ?


Cellules ! Prisons humanitaires ! Il faut taire

Votre horreur fadasse et ce progrès d'hypocrisie...

Puis il s'attendrit, il réfléchit. Par quel mystère,

Ô Marie, ô vous, de toute éternité choisie ?


Puis il se tourna vers votre Fils et vers Sa Mère,

Ô qu'il fut heureux, mais, là, promptement, tout de suite !

Que de larmes, quelle joie, ô Mère ! et pour vous plaire,

Tout de suite aussi le voilà qui bien vite quitte


Tout cet appareil d'orgueil et de pauvres malices,

Ce qu'on nomme esprit et ce qu'on nomme la Science,

Et les rires et les sourires où tu te plisses,

Lèvre des petits exégètes de l'incroyance !


Et le voilà qui s'agenouille et, bien humble, égrène

Entre ses doigts fiers les grains enflammés du Rosaire,

Implorant de Vous, la Mère, et la Sainte, et la Reine,

L'affranchissement d'être ce charnel, ô misère !


Ô qu'il voudrait bien ne plus savoir plus rien du monde

Q'adorer obscurément la mystique sagesse,

Qu'aimer le cœur de Jésus dans l'extase profonde

De penser à vous en même temps pendant la Messe.


Ô faites cela, faites cette grâce à cette âme,

Ô vous, Vierge Mère, ô vous, Marie Immaculée,

Toute en argent parmi l'argent de l'épithalame,

Qui posez vos pieds sur notre terre consolée.

— The End —