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Marian Jan 2014
~-English-~

The Beauty Of Flowers (Multiple Tankas I)

A field of tulips
Is where I laid down to sleep
And dream a sweet dream
Dew sparkled on the tulips
And fell upon my fair cheeks

In the shady woods
Ladyslipper Orchids grow
Near a babbling brook.
Yellows and Pinks standing tall
With ferns spreading all around.

Beside the ocean
The hibiscus are blooming
Such a sweet perfume
Lingers on the salty breeze
Such beautiful rainbow hues

Snowdrops are the first
To appear blooming in frost
Pure white heads nodding.
Cold hardy and full of life,
They offer a hope of Spring.

Beside the farmhouse
Gardenias are blooming
White satin blossoms
Their perfume is breathtaking
Rain-washed petals of fragrance

~Timothy & Marian~


~-French-~

La beauté des fleurs (plusieurs Tankas je)

Un champ de tulipes
Est où j'ai prévue de dormir
Et un doux rêve
Rosée brillait sur les tulipes
Et tomba sur mes joues justes

Dans les bois ombragés
Ladyslipper orchidées poussent
Près d'un petit ruisseau.
Jaunes et roses debout
Avec fougères répand tout autour.

À côté de l'océan
L'hibiscus sont en fleurs
Tel un doux parfum
S'attarde sur la brise salée
Ces teintes belle arc-en-ciel

Perce-neige est les premiers
À comparaître fleurissant en gel
Têtes blanches pures hochant la tête.
Résistantes au froid et pleine de vie,
Ils offrent un espoir de printemps.

À côté de la ferme
Gardénias sont en fleurs
Fleurs de satin blancs
Leur parfum est à couper le souffle
Pétales restés du parfum

*~ Timothy et Marian ~
Another Dad and Daughter collaboration.
Hope you enjoy! :)
© Timothy 10 January, 2014.
© Marian 10 January, 2014.
Batool Aug 2015
Once
A man with broad vision
dreamt...
About the land of pures
Then
a man with excellent leadership skills
stood up to fulfill
the first man's dream
he gathered the scattered people
he fought for what was
righyfully ours
he turned the rouges into NATION
Togather they
suffered
sacrificed
bled
but yet the remained strong
holding each others back
against the cunning enemy
they were pure by heart
they had the golden soules
faith was running in their veins
thus they were granted
after years of hardship
with the most beautiful gift
the first man's dream was now a reality...!!

the man who dreamt IQBAL
the man who lead JINNAH
the land of pure PAKISTAN
the nation created PAKISTANIS
and this is OUR story !!

Independence Day !!
PROUD TO BE A PAKISTANI !!
14 August Our Independence Day .. Dont hate us for what we are not -terrorist .. Love us for what we are - Jinnah's Pakistan
Le prêtre portera l'étole blanche et noire
Lorsque les saints flambeaux pour vous s'allumeront.
Et de leurs longs cheveux voilant leurs fronts d'ivoire
Les jeunes filles pleureront.
A. Guiraud.

I.

Pourquoi m'apportez-vous ma lyre,
Spectres légers ? - que voulez-vous ?
Fantastiques beautés, ce lugubre sourire
M'annonce-t-il votre courroux ?
Sur vos écharpes éclatantes
Pourquoi flotte à longs plis ce crêpe menaçant ?
Pourquoi sur des festons ces chaînes insultantes,
Et ces roses, teintes de sang ?

Retirez-vous : rentrez dans les sombres abîmes...
Ah ! que me montrez-vous ?... quels sont ces trois tombeaux ?
Quel est ce char affreux, surchargé de victimes ?
Quels sont ces meurtriers, couverts d'impurs lambeaux ?
J'entends des chants de mort, j'entends des cris de fête.
Cachez-moi le char qui s'arrête !...
Un fer lentement tombe à mes regards troublés ; -
J'ai vu couler du sang... Est-il bien vrai, parlez,
Qu'il ait rejailli sur ma tête ?

Venez-vous dans mon âme éveiller le remord ?
Ce sang... je n'en suis point coupable !
Fuyez, vierges ; fuyez, famille déplorable :
Lorsque vous n'étiez plus, je n'étais pas encor.
Qu'exigez-vous de moi ? J'ai pleuré vos misères ;
Dois-je donc expier les crimes de mes pères ?
Pourquoi troublez-vous mon repos ?
Pourquoi m'apportez-vous ma lyre frémissante ?
Et des remords à vos bourreaux ?

II.

Sous les murs entourés de cohortes sanglantes,
Siège le sombre tribunal.
L'accusateur se lève, et ses lèvres tremblante
S'agitent d'un rire infernal.
C'est Tainville : on le voit, au nom de la patrie,
Convier aux forfaits cette horde flétrie
D'assassins, juges à leur tour ;
Le besoin du sang le tourmente ;
Et sa voix homicide à la hache fumante
Désigne les têtes du jour.

Il parle : ses licteurs vers l'enceinte fatale
Traînent les malheureux que sa fureur signale ;
Les portes devant eux s'ouvrent avec fracas ;
Et trois vierges, de grâce et de pudeur parées,
De leurs compagnes entourées,
Paraissent parmi les soldats.
Le peuple, qui se tait, frémit de son silence ;
Il plaint son esclavage en plaignant leurs malheurs,
Et repose sur l'innocence
Ses regards las du crime et troublés par ses pleurs.

Eh quoi ! quand ces beautés, lâchement accusées,
Vers ces juges de mort s'avançaient dans les fers,
Ces murs n'ont pas, croulant sous leurs voûtes brisées,
Rendu les monstres aux enfers !
Que faisaient nos guerriers ?... Leur vaillance trompée
Prêtait au vil couteau le secours de l'épée ;
Ils sauvaient ces bourreaux qui souillaient leurs combats.
Hélas ! un même jour, jour d'opprobre et de gloire,
Voyait Moreau monter au char de la victoire.
Et son père au char du trépas !

Quand nos chefs, entourés des armes étrangères,
Couvrant nos cyprès de lauriers,
Vers Paris lentement reportaient leurs bannières,
Frédéric sur Verdun dirigeait ses guerriers.
Verdun, premier rempart de la France opprimée,
D'un roi libérateur crut saluer l'armée.
En vain tonnaient d'horribles lois ;
Verdun se revêtit de sa robe de fête,
Et, libre de ses fers, vint offrir sa conquête
Au monarque vengeur des rois.

Alors, vierges, vos mains (ce fut là votre crime !)
Des festons de la joie ornèrent les vainqueurs.
Ah ! pareilles à la victime,
La hache à vos regards se cachait sous des fleurs.
Ce n'est pas tout ; hélas ! sans chercher la vengeance,
Quand nos bannis, bravant la mort et l'indigence,
Combattaient nos tyrans encor mal affermis,
Vos nobles cœurs ont plaint de si nobles misères ;
Votre or a secouru ceux qui furent nos frères
Et n'étaient pas nos ennemis.

Quoi ! ce trait glorieux, qui trahit leur belle âme,
Sera donc l'arrêt de leur mort !
Mais non, l'accusateur, que leur aspect enflamme,
Tressaille d'un honteux transport.
Il veut, vierges, au prix d'un affreux sacrifice,
En taisant vos bienfaits, vous ravir au supplice ;
Il croit vos chastes cœurs par la crainte abattus.
Du mépris qui le couvre acceptez le partage,
Souillez-vous d'un forfait, l'infâme aréopage
Vous absoudra de vos vertus.

Répondez-moi, vierges timides ;
Qui, d'un si noble orgueil arma ces yeux si doux ?
Dites, qui fit rouler dans vos regards humides
Les pleurs généreux du courroux ?
Je le vois à votre courage :
Quand l'oppresseur qui vous outrage
N'eût pas offert la honte en offrant son bienfait,
Coupables de pitié pour des français fidèles,
Vous n'auriez pas voulu, devant des lois cruelles,
Nier un si noble forfait !

C'en est donc fait ; déjà sous la lugubre enceinte
A retenti l'arrêt dicté par la fureur.
Dans un muet murmure, étouffé par la crainte,
Le peuple, qui l'écoute, exhale son horreur.
Regagnez des cachots les sinistres demeures,
O vierges ! encor quelques heures...
Ah ! priez sans effroi, votre âme est sans remord.
Coupez ces longues chevelures,
Où la main d'une mère enlaçait des fleurs pures,
Sans voir qu'elle y mêlait les pavots de la mort !

Bientôt ces fleurs encor pareront votre tête ;
Les anges vous rendront ces symboles touchants ;
Votre hymne de trépas sera l'hymne de fête
Que les vierges du ciel rediront dans leurs chants.
Vous verrez près de vous, dans ces chœurs d'innocence,
Charlotte, autre Judith, qui vous vengea d'avance ;
Cazotte ; Elisabeth, si malheureuse en vain ;
Et Sombreuil, qui trahit par ses pâleurs soudaines
Le sang glacé des morts circulant dans ses veines ;
Martyres, dont l'encens plaît au Martyr divin !

III.

Ici, devant mes yeux erraient des lueurs sombres ;
Des visions troublaient mes sens épouvantés ;
Les spectres sur mon front balançaient dans les ombres
De longs linceuls ensanglantés.
Les trois tombeaux, le char, les échafauds funèbres,
M'apparurent dans les ténèbres ;
Tout rentra dans la nuit des siècles révolus ;
Les vierges avaient fui vers la naissante aurore ;
Je me retrouvai seul, et je pleurais encor
Quand ma lyre ne chantait plus !

Octobre 1818.
(À M. de la Mennais)

Oui, mon âme se plaît à secouer ses chaînes :
Déposant le fardeau des misères humaines,
Laissant errer mes sens dans ce monde des corps,
Au monde des esprits je monte sans efforts.
Là, foulant à mes pieds cet univers visible,
Je plane en liberté dans les champs du possible,
Mon âme est à l'étroit dans sa vaste prison :

Il me faut un séjour qui n'ait pas d'horizon.
Comme une goutte d'eau dans l'Océan versée,
L'infini dans son sein absorbe ma pensée ;
Là, reine de l'espace et de l'éternité,
Elle ose mesurer le temps, l'immensité,
Aborder le néant, parcourir l'existence,
Et concevoir de Dieu l'inconcevable essence.
Mais sitôt que je veux peindre ce que je sens,
Toute parole expire en efforts impuissants.
Mon âme croit parler, ma langue embarrassée
Frappe l'air de vingt sons, ombre de ma pensée.
Dieu fit pour les esprits deux langages divers :
En sons articulés l'un vole dans les airs ;
Ce langage borné s'apprend parmi les hommes,
Il suffit aux besoins de l'exil où nous sommes,
Et, suivant des mortels les destins inconstants
Change avec les climats ou passe avec les temps.
L'autre, éternel, sublime, universel, immense,
Est le langage inné de toute intelligence :
Ce n'est point un son mort dans les airs répandu,
C'est un verbe vivant dans le coeur entendu ;
On l'entend, on l'explique, on le parle avec l'âme ;
Ce langage senti touche, illumine, enflamme ;
De ce que l'âme éprouve interprètes brûlants,
Il n'a que des soupirs, des ardeurs, des élans ;
C'est la langue du ciel que parle la prière,
Et que le tendre amour comprend seul sur la terre.
Aux pures régions où j'aime à m'envoler,
L'enthousiasme aussi vient me la révéler.
Lui seul est mon flambeau dans cette nuit profonde,
Et mieux que la raison il m'explique le monde.
Viens donc ! Il est mon guide, et je veux t'en servir.
A ses ailes de feu, viens, laisse-toi ravir !
Déjà l'ombre du monde à nos regards s'efface,
Nous échappons au temps, nous franchissons l'espace.
Et dans l'ordre éternel de la réalité,
Nous voilà face à face avec la vérité !
Cet astre universel, sans déclin, sans aurore,
C'est Dieu, c'est ce grand tout, qui soi-même s'adore !
Il est ; tout est en lui : l'immensité, les temps,
De son être infini sont les purs éléments ;
L'espace est son séjour, l'éternité son âge ;
Le jour est son regard, le monde est son image ;
Tout l'univers subsiste à l'ombre de sa main ;
L'être à flots éternels découlant de son sein,
Comme un fleuve nourri par cette source immense,
S'en échappe, et revient finir où tout commence.
Sans bornes comme lui ses ouvrages parfaits
Bénissent en naissant la main qui les a faits !
Il peuple l'infini chaque fois qu'il respire ;
Pour lui, vouloir c'est faire, exister c'est produire !
Tirant tout de soi seul, rapportant tout à soi,
Sa volonté suprême est sa suprême loi !
Mais cette volonté, sans ombre et sans faiblesse,
Est à la fois puissance, ordre, équité, sagesse.
Sur tout ce qui peut être il l'exerce à son gré ;
Le néant jusqu'à lui s'élève par degré :
Intelligence, amour, force, beauté, jeunesse,
Sans s'épuiser jamais, il peut donner sans cesse,
Et comblant le néant de ses dons précieux,
Des derniers rangs de l'être il peut tirer des dieux !
Mais ces dieux de sa main, ces fils de sa puissance,
Mesurent d'eux à lui l'éternelle distance,
Tendant par leur nature à l'être qui les fit ;
Il est leur fin à tous, et lui seul se suffit !
Voilà, voilà le Dieu que tout esprit adore,
Qu'Abraham a servi, que rêvait Pythagore,
Que Socrate annonçait, qu'entrevoyait Platon ;
Ce Dieu que l'univers révèle à la raison,
Que la justice attend, que l'infortune espère,
Et que le Christ enfin vint montrer à la terre !
Ce n'est plus là ce Dieu par l'homme fabriqué,
Ce Dieu par l'imposture à l'erreur expliqué,
Ce Dieu défiguré par la main des faux prêtres,
Qu'adoraient en tremblant nos crédules ancêtres.
Il est seul, il est un, il est juste, il est bon ;
La terre voit son oeuvre, et le ciel sait son nom !
Heureux qui le connaît ! plus heureux qui l'adore !
Qui, tandis que le monde ou l'outrage ou l'ignore,
Seul, aux rayons pieux des lampes de la nuit,
S'élève au sanctuaire où la foi l'introduit
Et, consumé d'amour et de reconnaissance,
Brûle comme l'encens son âme en sa présence !
Mais pour monter à lui notre esprit abattu
Doit emprunter d'en haut sa force et sa vertu.
Il faut voler au ciel sur des ailes de flamme :
Le désir et l'amour sont les ailes de l'âme.
Ah ! que ne suis-je né dans l'âge où les humains,
Jeunes, à peine encore échappés de ses mains,
Près de Dieu par le temps, plus près par l'innocence,
Conversaient avec lui, marchaient en sa présence ?
Que n'ai-je vu le monde à son premier soleil ?
Que n'ai-je entendu l'homme à son premier réveil ?
Tout lui parlait de toi, tu lui parlais toi-même ;
L'univers respirait ta majesté suprême ;
La nature, sortant des mains du Créateur,
Etalait en tous sens le nom de son auteur ;
Ce nom, caché depuis sous la rouille des âges,
En traits plus éclatants brillait sur tes Ouvrages ;
L'homme dans le passé ne remontait qu'à toi ;
Il invoquait son père, et tu disais : C'est moi.
Longtemps comme un enfant ta voix daigna l'instruire,
Et par la main longtemps tu voulus le conduire.
Que de fois dans ta gloire à lui tu t'es montré,
Aux vallons de Sennar, aux chênes de Membré,
Dans le buisson d'Horeb, ou sur l'auguste cime
Où Moïse aux Hébreux dictait sa loi sublime !
Ces enfants de Jacob, premiers-nés des humains,
Reçurent quarante ans la manne de tes mains
Tu frappais leur esprit par tes vivants oracles !
Tu parlais à leurs yeux par la voix des miracles !
Et lorsqu'ils t'oubliaient, tes anges descendus
Rappelaient ta mémoire à leurs coeurs éperdus !
Mais enfin, comme un fleuve éloigné de sa source,
Ce souvenir si pur s'altéra dans sa course !
De cet astre vieilli la sombre nuit des temps
Eclipsa par degrés les rayons éclatants ;
Tu cessas de parler ; l'oubli, la main des âges,
Usèrent ce grand nom empreint dans tes ouvrages ;
Les siècles en passant firent pâlir la foi ;
L'homme plaça le doute entre le monde et toi.
Oui, ce monde, Seigneur, est vieilli pour ta gloire ;
Il a perdu ton nom, ta trace et ta mémoire
Et pour les retrouver il nous faut, dans son cours,
Remonter flots à flots le long fleuve des jours !
Nature ! firmament ! l'oeil en vain vous contemple ;
Hélas ! sans voir le Dieu, l'homme admire le temple,
Il voit, il suit en vain, dans les déserts des cieux,
De leurs mille soleils le cours mystérieux !
Il ne reconnaît plus la main qui les dirige !
Un prodige éternel cesse d'être un prodige !
Comme ils brillaient hier, ils brilleront demain !
Qui sait où commença leur glorieux chemin ?
Qui sait si ce flambeau, qui luit et qui féconde,
Une première fois s'est levé sur le monde ?
Nos pères n'ont point vu briller son premier tour
Et les jours éternels n'ont point de premier jour.
Sur le monde moral, en vain ta providence,
Dans ces grands changements révèle ta présence !
C'est en vain qu'en tes jeux l'empire des humains
Passe d'un sceptre à l'autre, errant de mains en mains ;
Nos yeux accoutumés à sa vicissitude
Se sont fait de ta gloire une froide habitude ;
Les siècles ont tant vu de ces grands coups du sort :
Le spectacle est usé, l'homme engourdi s'endort.
Réveille-nous, grand Dieu ! parle et change le monde ;
Fais entendre au néant ta parole féconde.
Il est temps ! lève-toi ! sors de ce long repos ;
Tire un autre univers de cet autre chaos.
A nos yeux assoupis il faut d'autres spectacles !
A nos esprits flottants il faut d'autres miracles !
Change l'ordre des cieux qui ne nous parle plus !
Lance un nouveau soleil à nos yeux éperdus !
Détruis ce vieux palais, indigne de ta gloire ;
Viens ! montre-toi toi-même et force-nous de croire !
Mais peut-être, avant l'heure où dans les cieux déserts
Le soleil cessera d'éclairer l'univers,
De ce soleil moral la lumière éclipsée
Cessera par degrés d'éclairer la pensée ;
Et le jour qui verra ce grand flambeau détruit
Plongera l'univers dans l'éternelle nuit.
Alors tu briseras ton inutile ouvrage :
Ses débris foudroyés rediront d'âge en âge :
Seul je suis ! hors de moi rien ne peut subsister !
L'homme cessa de croire, il cessa d'exister !
Lorsque l'on veut monter aux tours des cathédrales,

On prend l'escalier noir qui roule ses spirales,

Comme un serpent de pierre au ventre d'un clocher.


L'on chemine d'abord dans une nuit profonde,

Sans trèfle de soleil et de lumière blonde,

Tâtant le mur des mains, de peur de trébucher ;


Car les hautes maisons voisines de l'église

Vers le pied de la tour versent leur ombre grise,

Qu'un rayon lumineux ne vient jamais trancher.


S'envolant tout à coup, les chouettes peureuses

Vous flagellent le front de leurs ailes poudreuses,

Et les chauves-souris s'abattent sur vos bras ;


Les spectres, les terreurs qui hantent les ténèbres,

Vous frôlent en passant de leurs crêpes funèbres ;

Vous les entendez geindre et chuchoter tout bas.


À travers l'ombre on voit la chimère accroupie

Remuer, et l'écho de la voûte assoupie

Derrière votre pas suscite un autre pas.


Vous sentez à l'épaule une pénible haleine,

Un souffle intermittent, comme d'une âme en peine

Qu'on aurait éveillée et qui vous poursuivrait.


Et si l'humidité fait des yeux de la voûte,

Larmes du monument, tomber l'eau goutte à goutte,

Il semble qu'on dérange une ombre qui pleurait.


Chaque fois que la vis, en tournant, se dérobe,

Sur la dernière marche un dernier pli de robe,

Irritante terreur, brusquement disparaît.


Bientôt le jour, filtrant par les fentes étroites,

Sur le mur opposé trace des lignes droites,

Comme une barre d'or sur un écusson noir.


L'on est déjà plus haut que les toits de la ville,

Édifices sans nom, masse confuse et vile,

Et par les arceaux gris le ciel bleu se fait voir.


Les hiboux disparus font place aux tourterelles,

Qui lustrent au soleil le satin de leurs ailes

Et semblent roucouler des promesses d'espoir.


Des essaims familiers perchent sur les tarasques,

Et, sans se rebuter de la laideur des masques,

Dans chaque bouche ouverte un oiseau fait son nid.


Les guivres, les dragons et les formes étranges

Ne sont plus maintenant que des figures d'anges,

Séraphiques gardiens taillés dans le granit,


Qui depuis huit cents ans, pensives sentinelles,

Dans leurs niches de pierre, appuyés sur leurs ailes,

Montent leur faction qui jamais ne finit.


Vous débouchez enfin sur une plate-forme,

Et vous apercevez, ainsi qu'un monstre énorme,

La Cité grommelante, accroupie alentour.


Comme un requin, ouvrant ses immenses mâchoires,

Elle mord l'horizon de ses mille dents noires,

Dont chacune est un dôme, un clocher, une tour.


À travers le brouillard, de ses naseaux de plâtre

Elle souffle dans l'air son haleine bleuâtre,

Que dore par flocons un chaud reflet de jour.


Comme sur l'eau qui bout monte et chante l'écume,

Sur la ville toujours plane une ardente brume,

Un bourdonnement sourd fait de cent bruits confus :


Ce sont les tintements et les grêles volées

Des cloches, de leurs voix sonores ou fêlées,

Chantant à plein gosier dans leurs beffrois touffus ;


C'est le vent dans le ciel et l'homme sur la terre ;

C'est le bruit des tambours et des clairons de guerre,

Ou des canons grondeurs sonnant sur leurs affûts ;


C'est la rumeur des chars, dont la prompte lanterne

File comme une étoile à travers l'ombre terne,

Emportant un heureux aux bras de son désir ;


Le soupir de la vierge au balcon accoudée,

Le marteau sur l'enclume et le fait sur l'idée,

Le cri de la douleur ou le chant du plaisir.


Dans cette symphonie au colossal orchestre,

Que n'écrira jamais musicien terrestre,

Chaque objet fait sa note impossible à saisir.


Vous pensiez être en haut ; mais voici qu'une aiguille,

Où le ciel découpé par dentelles scintille,

Se présente soudain devant vos pieds lassés.


Il faut monter encore dans la mince tourelle,

L'escalier qui serpente en spirale plus frêle,

Se pendant aux crampons de **** en **** placés.


Le vent, d'un air moqueur, à vos oreilles siffle,

La goule étend sa griffe et la guivre renifle,

Le vertige alourdit vos pas embarrassés.


Vous voyez **** de vous, comme dans des abîmes,

S'aplanir les clochers et les plus hautes cimes ;

Des aigles les plus fiers vous dominez l'essor.


Votre sueur se fige à votre front en nage ;

L'air trop vif vous étouffe : allons, enfant, courage !

Vous êtes près des cieux ; allons, un pas encore !


Et vous pourrez toucher, de votre main surprise,

L'archange colossal que fait tourner la brise,

Le saint Michel géant qui tient un glaive d'or ;


Et si, vous accoudant sur la rampe de marbre,

Qui palpite au grand vent, comme une branche d'arbre,

Vous dirigez en bas un œil moins effrayé,


Vous verrez la campagne à plus de trente lieues,

Un immense horizon, bordé de franges bleues,

Se déroulant sous vous comme un tapis rayé ;


Les carrés de blé d'or, les cultures zébrées,

Les plaques de gazon de troupeaux noirs tigrées ;

Et, dans le sainfoin rouge, un chemin blanc frayé ;


Les cités, les hameaux, nids semés dans la plaine,

Et partout, où se groupe une famille humaine,

Un clocher vers le ciel, comme un doigt s'allongeant.


Vous verrez dans le golfe, aux bras des promontoires,

La mer se diaprer et se gaufrer de moires,

Comme un kandjiar turc damasquiné d'argent ;


Les vaisseaux, alcyons balancés sur leurs ailes,

Piquer l'azur lointain de blanches étincelles

Et croiser en tous sens leur vol intelligent.


Comme un sein plein de lait gonflant leurs voiles ronde,

Sur la foi de l'aimant ils vont chercher des mondes,

Des rivages nouveaux sur de nouvelles mers :


Dans l'Inde, de parfums, d'or et de soleil pleine,

Dans la Chine bizarre, aux tours de porcelaine,

Chimérique pays peuplé de dragons verts ;


Ou vers Otaïti, la belle fleur des ondes,

De ses longs cheveux noirs tordant les perles blondes,

Comme une autre Vénus, fille des flots amers ;


À Ceylan, à Java, plus **** encore peut-être,

Dans quelque île déserte et dont on se rend maître,

Vers une autre Amérique échappée à Colomb.


Hélas ! Et vous aussi, sans crainte, ô mes pensées,

Livrant aux vents du ciel vos ailes empressées,

Vous tentez un voyage aventureux et long.


Si la foudre et le nord respectent vos antennes,

Des pays inconnus et des îles lointaines

Que rapporterez-vous ? De l'or, ou bien du plomb ?...


La spirale soudain s'interrompt et se brise.

Comme celui qui monte au clocher de l'église,

Me voici maintenant au sommet de ma tour.


J'ai planté le drapeau tout au haut de mon œuvre.

Ah ! Que depuis longtemps, pauvre et rude manœuvre,

Insensible à la joie, à la vie, à l'amour,


Pour garder mon dessin avec ses lignes pures,

J'émousse mon ciseau contre des pierres dures,

Élevant à grande peine une assise par jour !


Pendant combien de mois suis-je resté sous terre,

Creusant comme un mineur ma fouille solitaire,

Et cherchant le roc vif pour mes fondations !


Et pourtant le soleil riait sur la nature ;

Les fleurs faisaient l'amour, et toute créature

Livrait sa fantaisie au vent des passions ;


Le printemps dans les bois faisait courir la sève,

Et le flot, en chantant, venait baiser la grève ;

Tout n'était que parfum, plaisir, joie et rayons !


Patient architecte, avec mes mains pensives

Sur mes piliers trapus inclinant mes ogives,

Je fouillais sous l'église un temple souterrain ;


Puis l'église elle-même, avec ses colonnettes,

Qui semble, tant elle a d'aiguilles et d'arêtes,

Un madrépore immense, un polypier marin ;


Et le clocher hardi, grand peuplier de pierre,

Où gazouillent, quand vient l'heure de la prière,

Avec les blancs ramiers, des nids d'oiseaux d'airain.


Du haut de cette tour à grande peine achevée,

Pourrais-je t'entrevoir, perspective rêvée,

Terre de Chanaan où tendait mon effort ?


Pourrai-je apercevoir la figure du monde,

Les astres dans le ciel accomplissant leur ronde,

Et les vaisseaux quittant et regagnant le port ?


Si mon clocher passait seulement de la tête

Les toits ou les tuyaux de la ville, ou le faîte

De ce donjon aigu qui du brouillard ressort ;


S'il était assez haut pour découvrir l'étoile

Que la colline bleue avec son dos me voile,

Le croissant qui s'écorne au toit de la maison ;


Pour voir, au ciel de smalt, les flottantes nuées,

Par le vent du matin mollement remuées,

Comme un troupeau de l'air secouer leur toison ;


Et la gloire, la gloire, astre et soleil de l'âme,

Dans un océan d'or, avec le globe en flamme,

Majestueusement monter à l'horizon !
Exténué de nuit
Rompu par le sommeil
Comment ouvrir les yeux
Réveil-matin.
Le corps fuit dans les draps mystérieux du rêve
Toute la fatigue du monde
Le regret du roman de l'ombre
Le songe
où je mordais Pastèque interrompue
Mille raisons de faire le sourd
La pendule annonce le jour d'une voix blanche
Deuil d'enfant paresser encore
Lycéen j'avais le dimanche
comme un ballon dans les deux mains
Le jour du cirque et des amis
Les amis
Des pommes des pêches
sous leurs casquettes genre anglais
Mollets nus et nos lavalières
Au printemps
On voit des lavoirs sur la Seine
des baleines couleur de nuée
L'hiver
On souffle en l'air Buée
À qui en fera le plus
Pivoine de Mars Camarades
Vos cache-nez volent au vent
par élégance
L'âge ingrat sortes de mascarades
Drôles de voix hors des faux-cols
On rit trop fort pour être gais
Je me sens gauche rouge Craintes
Mes manches courtes
Toutes les femmes sont trop peintes
et portent des jupons trop propres
CHAMBRES GARNIES

Quand y va-t-on

HOTEL MEUBLÉ
Boutonné jusqu'au menton
J'essaierai à la mi-carême
Aux vacances de Pâques
on balance encore
Les jours semblent longs et si pâles
Il vaut mieux attendre l'été
les grandes chaleurs
la paille des granges
le pré libre et large
au bout de l'année scolaire
la campagne en marge du temps
les costumes de toile clairs
On me donnerait dix-sept ans
Avec mon canotier
mon auréole
Elle tombe et roule
sur le plancher des stations balnéaires
Le sable qu'on boit dans la brise
Eau-de-vie à paillettes d'or
La saison me grise.
Mais surtout
Ce qui va droit au cœur
Ce qui parle.
La mer
La perfidie amère des marées
Les cheveux longs du flot
Les algues s'enroulent au bras du nageur
Parfois la vague
Musique du sol et de l'eau
me soulève comme une plume
En haut
L'écume danse le soleil
Alors
l'émoi me prend par la taille
Descente à pic
Jusqu'à l'orteil
un frisson court Oiseau des îles
Le désir me perd par les membres
Tout retourne à son élément
Mensonge
Ici le dormeur fait gémir le sommier
Les cartes brouillées
Les cartes d'images

Dans le Hall de la galerie des Machines les mains
fardées pour l'amour les mannequins passent d'un air
prétentieux comme pendant un steeple-chase Les
pianos de l'Æolian Company assurent le succès de la
fête Les mendiants apportent tout leur or pour assister
au spectacle On a dépensé sans compter et personne
ne songe plus au lendemain Personne excepté l'ibis
lumineux suspendu par erreur au plafond en guise de
lustre

La lumière tombe d'aplomb sur les paupières
Dans la chambre nue à dessein
DEBOUT
L'ombre recule et le dessin du papier
sur les murs
se met à grimacer des visages bourgeois
La vie
le repas froid commence
Le plus dur  les pieds sur les planches
et la glace renvoie une figure longue

Un miracle d'éponge et de bleu de lessive
La cuvette et le jour
Ellipse
qu'on ferme d'une main malhabile
Les objets de toilette
Je ne sais plus leur noms
trop tendres à mes lèvres
Le *** à eau si lourd
La houppe charmante
Le prestige inouï de l'alcool de menthe
Le souffle odorant de l'amour
Le miroir ce matin me résume le monde
Pièce ébauchée
Le regard monte
et suit le geste des bras qui s'achève en linge
en pitié
Mon portrait me fixe et dit Songe
sans en mourir au gagne-pain
au travail tout le long du jour
L'habitude
Le pli pris
L'habit gris
Servitude
Une fois par hasard
regarde le soleil en face
Fais crouler les murs les devoirs
Que sais-tu si j'envie être libre et sans place
simple reflet peint sur le verre
Donc écris
À l'étude
Faux Latude
Et souris

que les châles
les yeux morts
les fards pâles
et les corps
n'appartiennent
qu'aux riches
Le tapis déchiré par endroits
Le plafond trop voisin
Que la vie est étroite
Tout de même j'en ai assez
Sortira-t-on  Je suis à bout
Casser cet univers sur le genou ployé
Bois sec dont on ferait des flammes singulières
Ah taper sur la table à midi
que le vin se renverse
qu'il submerge
les hommes à la mâchoire carrée
marteaux pilons
Alors se lèveront les poneys
les jeunes gens
en bande par la main par les villes
en promenade
pour chanter
à bride abattue à gorge déployée
comme un drapeau
la beauté la seule vertu
qui tende encore ses mains pures.
I.

C'était une humble église au cintre surbaissé,
L'église où nous entrâmes,
Où depuis trois cents ans avaient déjà passé
Et pleuré bien des âmes.

Elle était triste et calme à la chute du jour,
L'église où nous entrâmes ;
L'autel sans serviteur, comme un cœur sans amour,
Avait éteint ses flammes.

Les antiennes du soir, dont autrefois saint Paul
Réglait les chants fidèles,
Sur les stalles du chœur d'où s'élance leur vol
Avaient ployé leurs ailes.

L'ardent musicien qui sur tous à pleins bords
Verse la sympathie,
L'homme-esprit n'était plus dans l'orgue, vaste corps
Dont l'âme était partie.

La main n'était plus là, qui, vivante et jetant
Le bruit par tous les pores,
Tout à l'heure pressait le clavier palpitant,
Plein de notes sonores,

Et les faisait jaillir sous son doigt souverain
Qui se crispe et s'allonge,
Et ruisseler le long des grands tubes d'airain
Comme l'eau d'une éponge.

L'orgue majestueux se taisait gravement
Dans la nef solitaire ;
L'orgue, le seul concert, le seul gémissement
Qui mêle aux cieux la terre !

La seule voix qui puisse, avec le flot dormant
Et les forêts bénies,
Murmurer ici-bas quelque commencement
Des choses infinies !

L'église s'endormait à l'heure où tu t'endors,
Ô sereine nature !
À peine, quelque lampe au fond des corridors
Étoilait l'ombre obscure.

À peine on entendait flotter quelque soupir,
Quelque basse parole,
Comme en une forêt qui vient de s'assoupir
Un dernier oiseau vole ;

Hélas ! et l'on sentait, de moment en moment,
Sous cette voûte sombre,
Quelque chose de grand, de saint et de charmant
S'évanouir dans l'ombre !

Elle était triste et calme à la chute du jour
L'église où nous entrâmes ;
L'autel sans serviteur, comme un cœur sans amour,
Avait éteint ses flammes.

Votre front se pencha, morne et tremblant alors,
Comme une nef qui sombre,
Tandis qu'on entendait dans la ville au dehors
Passer des voix sans nombre.

II.

Et ces voix qui passaient disaient joyeusement
« Bonheur ! gaîté ! délices !
À nous les coupes d'or pleines d'un vin charmant !
À d'autres les calices !

Jouissons ! l'heure est courte et tout fuit promptement
L'urne est vite remplie !
Le nœud de l'âme au corps, hélas ! à tout moment
Dans l'ombre se délie !

Tirons de chaque objet ce qu'il a de meilleur,
La chaleur de la flamme,
Le vin du raisin mûr, le parfum de la fleur,
Et l'amour de la femme !

Épuisons tout ! Usons du printemps enchanté
Jusqu'au dernier zéphire,
Du jour jusqu'au dernier rayon, de la beauté
Jusqu'au dernier sourire !

Allons jusqu'à la fin de tout, en bien vivant,
D'ivresses en ivresses,
Une chose qui meurt, mes amis, a souvent
De charmantes caresses !

Dans le vin que je bois, ce que j'aime le mieux
C'est la dernière goutte.
L'enivrante saveur du breuvage joyeux
Souvent s'y cache toute !

Sur chaque volupté pourquoi nous hâter tous,
Sans plonger dans son onde,
Pour voir si quelque perle ignorée avant nous
N'est pas sous l'eau profonde ?

Que sert de n'effleurer qu'à peine ce qu'on tient,
Quand on a les mains pleines,
Et de vivre essoufflé comme un enfant qui vient
De courir dans les plaines ?

Jouissons à loisir ! Du loisir tout renaît !
Le bonheur nous convie !
Faisons, comme un tison qu'on heurte au dur chenet,
Étinceler la vie !

N'imitons pas ce fou que l'ennui tient aux fers,
Qui pleure et qui s'admire.
Toujours les plus beaux fruits d'ici-bas sont offerts
Aux belles dents du rire !

Les plus tristes d'ailleurs, comme nous qui rions,
Souillent parfois leur âme.
Pour fondre ces grands cœurs il suffit des rayons
De l'or ou de la femme.

Ils tombent comme nous, malgré leur fol orgueil
Et leur vaine amertume ;
Les flots les plus hautains, dès que vient un écueil,
S'écroulent en écume !

Vivons donc ! et buvons, du soir jusqu'au matin,
Pour l'oubli de nous-même,
Et déployons gaîment la nappe du festin,
Linceul du chagrin blême !

L'ombre attachée aux pas du beau plaisir vermeil,
C'est la tristesse sombre.
Marchons les yeux toujours tournés vers le soleil ;
Nous ne verrons pas l'ombre !

Qu'importe le malheur, le deuil, le désespoir,
Que projettent nos joies,
Et que derrière nous quelque chose de noir
Se traîne sur nos voies !

Nous ne le savons pas. - Arrière les douleurs,
Et les regrets moroses !
Faut-il donc, en fanant des couronnes de fleurs,
Avoir pitié des roses ?

Les vrais biens dans ce monde, - et l'autre est importun !
C'est tout ce qui nous fête,
Tout ce qui met un chant, un rayon, un parfum,
Autour de notre tête !

Ce n'est jamais demain, c'est toujours aujourd'hui !
C'est la joie et le rire !
C'est un sein éclatant peut-être plein d'ennui,
Qu'on baise et qui soupire !

C'est l'orgie opulente, enviée au-dehors,
Contente, épanouie,
Qui rit, et qui chancelle, et qui boit à pleins bords,
De flambeaux éblouie ! »

III.

Et tandis que ces voix, que tout semblait grossir,
Voix d'une ville entière,
Disaient : Santé, bonheur, joie, orgueil et plaisir !
Votre œil disait : Prière !

IV.

Elles parlaient tout haut et vous parliez tout bas
- « Dieu qui m'avez fait naître,
Vous m'avez réservée ici pour des combats
Dont je tremble, ô mon maître !

Ayez pitié ! - L'esquif où chancellent mes pas
Est sans voile et sans rames.
Comme pour les enfants, pourquoi n'avez-vous pas
Des anges pour les femmes ?

Je sais que tous nos jours ne sont rien, Dieu tonnant,
Devant vos jours sans nombre.
Vous seul êtes réel, palpable et rayonnant ;
Tout le reste est de l'ombre.

Je le sais. Mais cette ombre où nos cœurs sont flottants,
J'y demande ma route.
Quelqu'un répondra-t-il ? Je prie, et puis j'attends !
J'appelle, et puis j'écoute !

Nul ne vient. Seulement par instants, sous mes pas,
Je sens d'affreuses trames.
Comme pour les enfants, pourquoi n'avez-vous pas
Des anges pour les femmes ?

Seigneur ! autour de moi, ni le foyer joyeux,
Ni la famille douce,
Ni l'orgueilleux palais qui touche presque aux cieux,
Ni le nid dans la mousse,

Ni le fanal pieux qui montre le chemin,
Ni pitié, ni tendresse,
Hélas ! ni l'amitié qui nous serre la main,
Ni l'amour qui la presse,

Seigneur, autour de moi rien n'est resté debout !
Je pleure et je végète,
Oubliée au milieu des ruines de tout,
Comme ce qu'on rejette !

Pourtant je n'ai rien fait à ce monde d'airain,
Vous le savez vous-même.
Toutes mes actions passent le front serein
Devant votre œil suprême.

Jusqu'à ce que le pauvre en ait pris la moitié,
Tout ce que j'ai me pèse.
Personne ne me plaint. Moi, de tous j'ai pitié.
Moi, je souffre et j'apaise !

Jamais de votre haine ou de votre faveur
Je n'ai dit : Que m'importe !
J'ai toujours au passant que je voyais rêveur
Enseigné votre porte.

Vous le savez. - Pourtant mes pleurs que vous voyez,
Seigneur, qui les essuie ?
Tout se rompt sous ma main, tout tremble sous mes pieds,
Tout coule où je m'appuie.

Ma vie est sans bonheur, mon berceau fut sans jeux.
Cette loi, c'est la vôtre !
Tous les rayons de jour de mon ciel orageux
S'en vont l'un après l'autre.

Je n'ai plus même, hélas ! le flux et le reflux
Des clartés et des ombres.
Mon esprit chaque jour descend de plus en plus
Parmi les rêves sombres.

On dit que sur les cœurs, pleins de trouble et d'effroi,
Votre grâce s'épanche.
Soutenez-moi, Seigneur ! Seigneur, soutenez-moi,
Car je sens que tout penche ! »

V.

Et moi, je contemplais celle qui priait Dieu
Dans l'enceinte sacrée,
La trouvant grave et douce et digne du saint lieu,
Cette belle éplorée.

Et je lui dis, tâchant de ne pas la troubler,
La pauvre enfant qui pleure,
Si par hasard dans l'ombre elle entendait parler
Quelque autre voix meilleure,

Car au déclin des ans comme au matin des jours,
Joie, extase ou martyre,
Un autel que rencontre une femme a toujours
Quelque chose à lui dire !

VI.

« Ô madame ! pourquoi ce chagrin qui vous suit,
Pourquoi pleurer encore,
Vous, femme au cœur charmant, sombre comme la nuit,
Douce comme l'aurore ?

Qu'importe que la vie, inégale ici-bas
Pour l'homme et pour la femme,
Se dérobe et soit prête à rompre sous vos pas ?
N'avez-vous pas votre âme ?

Votre âme qui bientôt fuira peut-être ailleurs
Vers les régions pures,
Et vous emportera plus **** que nos douleurs,
Plus **** que nos murmures !

Soyez comme l'oiseau, posé pour un instant
Sur des rameaux trop frêles,
Qui sent ployer la branche et qui chante pourtant,
Sachant qu'il a des ailes ! »

Octobre 18...
Elle ne connaissait ni l'orgueil ni la haine ;
Elle aimait ; elle était pauvre, simple et sereine ;
Souvent le pain qui manque abrégeait son repas.
Elle avait trois enfants, ce qui n'empêchait pas
Qu'elle ne se sentît mère de ceux qui souffrent.
Les noirs événements qui dans la nuit s'engouffrent,
Les flux et les reflux, les abîmes béants,
Les nains, sapant sans bruit l'ouvrage des géants,
Et tous nos malfaiteurs inconnus ou célèbres,
Ne l'épouvantaient point ; derrière ces ténèbres,
Elle apercevait Dieu construisant l'avenir.
Elle sentait sa foi sans cesse rajeunir
De la liberté sainte elle attisait les flammes
Elle s'inquiétait des enfants et des femmes ;
Elle disait, tendant la main aux travailleurs :
La vie est dure ici, mais sera bonne ailleurs.
Avançons ! - Elle allait, portant de l'un à l'autre
L'espérance ; c'était une espèce d'apôtre
Que Dieu, sur cette terre où nous gémissons tous,
Avait fait mère et femme afin qu'il fût plus doux ;
L'esprit le plus farouche aimait sa voix sincère.
Tendre, elle visitait, sous leur toit de misère,
Tous ceux que la famine ou la douleur abat,
Les malades pensifs, gisant sur leur grabat,
La mansarde où languit l'indigence morose ;
Quand, par hasard moins pauvre, elle avait quelque chose,
Elle le partageait à tous comme une sœur ;
Quand elle n'avait rien, elle donnait son cœur.
Calme et grande, elle aimait comme le soleil brille.
Le genre humain pour elle était une famille
Comme ses trois enfants étaient l'humanité.
Elle criait : progrès ! amour ! fraternité !
Elle ouvrait aux souffrants des horizons sublimes.

Quand Pauline Roland eut commis tous ces crimes,
Le sauveur de l'église et de l'ordre la prit
Et la mit en prison. Tranquille, elle sourit,
Car l'éponge de fiel plaît à ces lèvres pures.
Cinq mois, elle subit le contact des souillures,
L'oubli, le rire affreux du vice, les bourreaux,
Et le pain noir qu'on jette à travers les barreaux,
Edifiant la geôle au mal habituée,
Enseignant la voleuse et la prostituée.
Ces cinq mois écoulés, un soldat, un bandit,
Dont le nom souillerait ces vers, vint et lui dit
- Soumettez-vous sur l'heure au règne qui commence,
Reniez votre foi ; sinon, pas de clémence,
Lambessa ! choisissez. - Elle dit : Lambessa.
Le lendemain la grille en frémissant grinça,
Et l'on vit arriver un fourgon cellulaire.
- Ah ! voici Lambessa, dit-elle sans colère.
Elles étaient plusieurs qui souffraient pour le droit
Dans la même prison. Le fourgon trop étroit
Ne put les recevoir dans ses cloisons infâmes
Et l'on fit traverser tout Paris à ces femmes
Bras dessus bras dessous avec les argousins.
Ainsi que des voleurs et que des assassins,
Les sbires les frappaient de paroles bourrues.
S'il arrivait parfois que les passants des rues,
Surpris de voir mener ces femmes en troupeau,
S'approchaient et mettaient la main à leur chapeau,
L'argousin leur jetait des sourires obliques,
Et les passants fuyaient, disant : filles publiques !
Et Pauline Roland disait : courage, sœurs !
L'océan au bruit rauque, aux sombres épaisseurs,
Les emporta. Durant la rude traversée,
L'horizon était noir, la bise était glacée,
Sans l'ami qui soutient, sans la voix qui répond,
Elles tremblaient. La nuit, il pleuvait sur le pont
Pas de lit pour dormir, pas d'abri sous l'orage,
Et Pauline Roland criait : mes soeurs, courage !
Et les durs matelots pleuraient en les voyant.
On atteignit l'Afrique au rivage effrayant,
Les sables, les déserts qu'un ciel d'airain calcine,
Les rocs sans une source et sans une racine ;
L'Afrique, lieu d'horreur pour les plus résolus,
Terre au visage étrange où l'on ne se sent plus
Regardé par les yeux de la douce patrie.
Et Pauline Roland, souriante et meurtrie,
Dit aux femmes en pleurs : courage, c'est ici.
Et quand elle était seule, elle pleurait aussi.
Ses trois enfants ! **** d'elle ! Oh ! quelle angoisse amère !
Un jour, un des geôliers dit à la pauvre mère
Dans la casbah de Bône aux cachots étouffants :
Voulez-vous être libre et revoir vos enfants ?
Demandez grâce au prince. - Et cette femme forte
Dit : - J'irai les revoir lorsque je serai morte.
Alors sur la martyre, humble cœur indompté,
On épuisa la haine et la férocité.
Bagnes d'Afrique ! enfers qu'a sondés Ribeyrolles !
Oh ! la pitié sanglote et manque de paroles.
Une femme, une mère, un esprit ! ce fut là
Que malade, accablée et seule, on l'exila.
Le lit de camp, le froid et le chaud, la famine,
Le jour l'affreux soleil et la nuit la vermine,
Les verrous, le travail sans repos, les affronts,
Rien ne plia son âme ; elle disait : - Souffrons.
Souffrons comme Jésus, souffrons comme Socrate. -
Captive, on la traîna sur cette terre ingrate ;
Et, lasse, et quoiqu'un ciel torride l'écrasât,
On la faisait marcher à pied comme un forçat.
La fièvre la rongeait ; sombre, pâle, amaigrie,
Le soir elle tombait sur la paille pourrie,
Et de la France aux fers murmurait le doux nom.
On jeta cette femme au fond d'un cabanon.
Le mal brisait sa vie et grandissait son âme.
Grave, elle répétait : « Il est bon qu'une femme,
Dans cette servitude et cette lâcheté,
Meure pour la justice et pour la liberté. »
Voyant qu'elle râlait, sachant qu'ils rendront compte,
Les bourreaux eurent peur, ne pouvant avoir honte
Et l'homme de décembre abrégea son exil.
« Puisque c'est pour mourir, qu'elle rentre ! » dit-il.
Elle ne savait plus ce que l'on faisait d'elle.
L'agonie à Lyon la saisit. Sa prunelle,
Comme la nuit se fait quand baisse le flambeau,
Devint obscure et vague, et l'ombre du tombeau
Se leva lentement sur son visage blême.
Son fils, pour recueillir à cette heure suprême
Du moins son dernier souffle et son dernier regard,
Accourut. Pauvre mère ! Il arriva trop ****.
Elle était morte ; morte à force de souffrance,
Morte sans avoir su qu'elle voyait la France
Et le doux ciel natal aux rayons réchauffants
Morte dans le délire en criant : mes enfants !
On n'a pas même osé pleurer à ses obsèques ;
Elle dort sous la terre. - Et maintenant, évêques,
Debout, la mitre au front, dans l'ombre du saint lieu,
Crachez vos Te Deum à la face de Dieu !

Jersey, le 12 mars 1853.
À L. De V*.

Le feu divin qui nous consume
Ressemble à ces feux indiscrets
Qu'un pasteur imprudent allume
Aux bord de profondes forêts ;
Tant qu'aucun souffle ne l'éveille,
L'humble foyer couve et sommeille ;
Mais s'il respire l'aquilon,
Tout à coup la flamme engourdie
S'enfle, déborde ; et l'incendie
Embrase un immense horizon !

Ô mon âme, de quels rivages
Viendra ce souffle inattendu ?
Serait-ce un enfant des orages ?
Un soupir à peine entendu ?
Viendra-t-il, comme un doux zéphyre,
Mollement caresser ma lyre,
Ainsi qu'il caresse une fleur ?
Ou sous ses ailes frémissantes,
Briser ses cordes gémissantes
Du cri perçant de la douleur ?

Viens du couchant ou de l'aurore !
Doux ou terrible au gré du sort,
Le sein généreux qui t'implore
Brave la souffrance ou la mort !
Aux coeurs altérés d'harmonie
Qu'importe le prix du génie ?
Si c'est la mort, il faut mourir !...
On dit que la bouche d'Orphée,
Par les flots de l'Ebre étouffée,
Rendit un immortel soupir !

Mais soit qu'un mortel vive ou meurt,
Toujours rebelle à nos souhaits,
L'esprit ne souffle qu'à son heure,
Et ne se repose jamais !
Préparons-lui des lèvres pures,
Un oeil chaste, un front sans souillures,
Comme, aux approches du saint lieu,
Des enfants, des vierges voilées,
Jonchent de roses effeuillées
La route où va passer un Dieu !

Fuyant des bords qui l'ont vu naître,
De Jéthro l'antique berger
Un jour devant lui vit paraître
Un mystérieux étranger ;
Dans l'ombre, ses larges prunelles
Lançaient de pâles étincelles,
Ses pas ébranlaient le vallon ;
Le courroux gonflait sa poitrine,
Et le souffle de sa narine
Résonnait comme l'aquilon !

Dans un formidable silence
Ils se mesurent un moment ;
Soudain l'un sur l'autre s'élance,
Saisi d'un même emportement :
Leurs bras menaçants se replient,
Leurs fronts luttent, leurs membres crient,
Leurs flancs pressent leurs flancs pressés ;
Comme un chêne qu'on déracine
Leur tronc se balance et s'incline
Sur leurs genoux entrelacés !

Tous deux ils glissent dans la lutte,
Et Jacob enfin terrassé
Chancelle, tombe, et dans sa chute
Entraîne l'ange renversé :
Palpitant de crainte et de rage,
Soudain le pasteur se dégage
Des bras du combattant des cieux,
L'abat, le presse, le surmonte,
Et sur son sein gonflé de honte
Pose un genou victorieux !

Mais, sur le lutteur qu'il domine,
Jacob encor mal affermi,
Sent à son tour sur sa poitrine
Le poids du céleste ennemi !...
Enfin, depuis les heures sombres
Où le soir lutte avec les ombres,
Tantôt vaincu, tantôt vainqueur,
Contre ce rival qu'il ignore
Il combattit jusqu'à l'aurore...
Et c'était l'esprit du Seigneur !

Ainsi dans les ombres du doute
L'homme, hélas! égaré souvent,
Se trace à soi-même sa route,
Et veut voguer contre le vent ;
Mais dans cette lutte insensée,
Bientôt notre aile terrassée
Par le souffle qui la combat,
Sur la terre tombe essoufflée
Comme la voile désenflée
Qui tombe et dort le long du mât.

Attendons le souffle suprême ;
Dans un repos silencieux ;
Nous ne sommes rien de nous-même
Qu'un instrument mélodieux !
Quand le doigt d'en haut se retire,
Restons muets comme la lyre
Qui recueille ses saints transports
Jusqu'à ce que la main puissante
Touche la corde frémissante
Où dorment les divins accords !
I


Souffle, bise ! Tombe à flots, pluie !

Dans mon palais, tout noir de suie,

Je ris de la pluie et du vent ;

En attendant que l'hiver fuie,

Je reste au coin du feu, rêvant.


C'est moi qui suis l'esprit de l'âtre !

Le gaz, de sa langue bleuâtre,

Lèche plus doucement le bois ;

La fumée, en filet d'albâtre,

Monte et se contourne à ma voix.


La bouilloire rit et babille ;

La flamme aux pieds d'argent sautille

En accompagnant ma chanson ;

La bûche de duvet s'habille ;

La sève bout dans le tison.


Le soufflet au râle asthmatique,

Me fait entendre sa musique ;

Le tournebroche aux dents d'acier

Mêle au concerto domestique

Le tic-tac de son balancier.


Les étincelles réjouies,

En étoiles épanouies,

vont et viennent, croisant dans l'air,

Les salamandres éblouies,

Au ricanement grêle et clair.


Du fond de ma cellule noire,

Quand Berthe vous conte une histoire,

Le Chaperon ou l'Oiseau bleu,

C'est moi qui soutiens sa mémoire,

C'est moi qui fais taire le feu.


J'étouffe le bruit monotone

du rouet qui grince et bourdonne ;

J'impose silence au matou ;

Les heures s'en vont, et personne

N'entend le timbre du coucou.


Pendant la nuit et la journée,

Je chante sous la cheminée ;

Dans mon langage de grillon,

J'ai, des rebuts de son aînée,

Souvent consolé Cendrillon.


Le renard glapit dans le piège ;

Le loup, hurlant de faim, assiège

La ferme au milieu des grands bois ;

Décembre met, avec sa neige,

Des chemises blanches aux toits.


Allons, *****, pétille et flambe ;

Courage, farfadet ingambe,

Saute, bondis plus haut encore ;

Salamandre, montre ta jambe,

Lève, en dansant, ton jupon d'or.


Quel plaisir ! Prolonger sa veille,

Regarder la flamme vermeille

Prenant à deux bras le tison ;

A tous les bruits prêter l'oreille ;

Entendre vivre la maison !


Tapi dans sa niche bien chaude,

Sentir l'hiver qui pleure et rôde,

Tout blême et le nez violet,

Tâchant de s'introduire en fraude

Par quelque fente du volet.


Souffle, bise ! Tombe à flots, pluie !

Dans mon palais, tout noir de suie,

Je ris de la pluie et du vent ;

En attendant que l'hiver fuie

Je reste au coin du feu, rêvant.


II


Regardez les branches,

Comme elles sont blanches ;

Il neige des fleurs !

Riant dans la pluie,

Le soleil essuie

Les saules en pleurs,

Et le ciel reflète

Dans la violette,

Ses pures couleurs.


La nature en joie

Se pare et déploie

Son manteau vermeil.

Le paon qui se joue,

Fait tourner en roue,

Sa queue au soleil.

Tout court, tout s'agite,

Pas un lièvre au gîte ;

L'ours sort du sommeil.


La mouche ouvre l'aile,

Et la demoiselle

Aux prunelles d'or,

Au corset de guêpe,

Dépliant son crêpe,

A repris l'essor.

L'eau gaîment babille,

Le goujon frétille,

Un printemps encore !


Tout se cherche et s'aime ;

Le crapaud lui-même,

Les aspics méchants ;

Toute créature,

Selon sa nature :

La feuille a des chants ;

Les herbes résonnent,

Les buissons bourdonnent ;

C'est concert aux champs.


Moi seul je suis triste ;

Qui sait si j'existe,

Dans mon palais noir ?

Sous la cheminée,

Ma vie enchaînée,

Coule sans espoir.

Je ne puis, malade,

Chanter ma ballade

Aux hôtes du soir.


Si la brise tiède

Au vent froid succède ;

Si le ciel est clair,

Moi, ma cheminée

N'est illuminée

Que d'un pâle éclair ;

Le cercle folâtre

Abandonne l'âtre :

Pour moi c'est l'hiver.


Sur la cendre grise,

La pincette brise

Un charbon sans feu.

Adieu les paillettes,

Les blondes aigrettes ;

Pour six mois adieu

La maîtresse bûche,

Où sous la peluche,

Sifflait le gaz bleu.


Dans ma niche creuse,

Ma natte boiteuse

Me tient en prison.

Quand l'insecte rôde,

Comme une émeraude,

Sous le vert gazon,

Moi seul je m'ennuie ;

Un mur, noir de suie,

Est mon horizon.
Alex Belovich Apr 2014
To every song there is a start,
a spark of life within the heart
which flickers, and begins to grow,
and smoother it begins to flow,
Weaving words of wholesome hope
that in grave times do help us cope.
Our sweet solemnity does intertwine,
and with our God's great Love divine
parts the sea of our own pain,
and pures our heart in celestial rain,
Soaked into the heavens above;
all our sorrows transformed to Love.
And nearer comes the melodic end,
when to our Maker we must ascend,
For every song must come to cease
in order that we may find our peace.
I wrote this for the family of a girl who took her life at my highschool.
Rest in Peace <3
Hier, la nuit d'été, qui nous prêtait ses voiles,
Etait digne de toi, tant elle avait d'étoiles !
Tant son calme était frais ! tant son souffle était doux !
Tant elle éteignait bien ses rumeurs apaisées !
Tant elle répandait d'amoureuses rosées
Sur les fleurs et sur nous !

Moi, j'étais devant toi, plein de joie et de flamme,
Car tu me regardais avec toute ton âme !
J'admirais la beauté dont ton front se revêt.
Et sans même qu'un mot révélât ta pensée,
La tendre rêverie en ton cœur commencée
Dans mon cœur s'achevait !

Et je bénissais Dieu, dont la grâce infinie
Sur la nuit et sur toi jeta tant d'harmonie,
Qui, pour me rendre calme et pour me rendre heureux,
Vous fit, la nuit et toi, si belles et si pures,
Si pleines de rayons, de parfums, de murmures,
Si douces toutes deux !

Oh oui, bénissons Dieu dans notre foi profonde !
C'est lui qui fit ton âme et qui créa le monde !
Lui qui charme mon cœur ! lui qui ravit mes yeux !
C'est lui que je retrouve au fond de tout mystère !
C'est lui qui fait briller ton regard sur la terre
Comme l'étoile aux cieux !

C'est Dieu qui mit l'amour au bout de toute chose,
L'amour en qui tout vit, l'amour sur qui tout pose !
C'est Dieu qui fait la nuit plus belle que le jour.
C'est Dieu qui sur ton corps, ma jeune souveraine,
A versé la beauté, comme une coupe pleine,
Et dans mon cœur l'amour !

Laisse-toi donc aimer ! - Oh ! l'amour, c'est la vie.
C'est tout ce qu'on regrette et tout ce qu'on envie
Quand on voit sa jeunesse au couchant décliner.
Sans lui rien n'est complet, sans lui rien ne rayonne.
La beauté c'est le front, l'amour c'est la couronne :
Laisse-toi couronner !

Ce qui remplit une âme, hélas ! tu peux m'en croire,
Ce n'est pas un peu d'or, ni même un peu de gloire,
Poussière que l'orgueil rapporte des combats,
Ni l'ambition folle, occupée aux chimères,
Qui ronge tristement les écorces amères
Des choses d'ici-bas ;

Non, il lui faut, vois-tu, l'***** de deux pensées,
Les soupirs étouffés, les mains longtemps pressées,
Le baiser, parfum pur, enivrante liqueur,
Et tout ce qu'un regard dans un regard peut lire,
Et toutes les chansons de cette douce lyre
Qu'on appelle le cœur !

Il n'est rien sous le ciel qui n'ait sa loi secrète,
Son lieu cher et choisi, son abri, sa retraite,
Où mille instincts profonds nous fixent nuit et jour ;
Le pêcheur a la barque où l'espoir l'accompagne,
Les cygnes ont le lac, les aigles la montagne,
Les âmes ont l'amour !

Le 21 mai 1833.
xÀ Maurice de Foucault.


Le soleil fut avant les yeux,
La terre fut avant les roses,
Le chaos avant toutes choses.
Ah ! que les éléments sont vieux
Sous leurs jeunes métamorphoses !

Toute jeunesse vient des morts :
C'est dans une funèbre pâte
Que, toujours, sans lenteur ni hâte,
Une main pétrit les beaux corps
Tandis qu'une autre main les gâte ;

Et le fond demeure pareil :
Que l'univers s'agite ou dorme,
Rien n'altère sa masse énorme ;
Ce qui périt, fleur ou soleil,
N'en est que la changeante forme.

Mais la forme, c'est le printemps :
Seule mouvante et seule belle,
Il n'est de nouveauté qu'en elle ;
C'est par les formes de vingt ans
Que rit la matière éternelle !

Ô vous, qui tenez enlacés
Les amoureux aux amoureuses,
Bras lisses, lèvres savoureuses,
Formes divines qui passez,
Désirables et douloureuses !

Vous ne laissez qu'un souvenir,
Un songe, une impalpable trace !
Si fortement qu'il vous embrasse,
L'Amour ne peut vous retenir :
Vous émigrez de race en race.

Époux des âmes, corps chéris,
Vous vous poussez, pareils aux fleuves ;
Vos grâces ne sont qu'un jour neuves,
Et les âmes sur vos débris
Gémissent, immortelles veuves.

Mais pourquoi vous donner ces pleurs ?
Les tombes, les saisons chagrines,
Entassent en vain des ruines
Sans briser le moule des fleurs,
Des fruits et des jeunes poitrines.

Pourquoi vous faire des adieux ?
Le même sang change d'artères,
Les filles ont les yeux des mères,
Et les fils le front des aïeux.
Non, vous n'êtes pas éphémères !

Vos modèles sont quelque part,
Ô formes que le temps dévore !
Plus pures vous brillez encore
Au paradis profond de l'art,
Où Platon pense et vous adore !
I'm still alive

Just to fly , above the skies.

Don't wanna trapped in this truth and lies .

This world is chained by chains of hate .

Which can e broken by only hope and faith .

I want to wander under this thunder.

In this world of outlandish.

Cause I'm a solivagant

Trap me in this second.

I wanna live this moment

forever.

This beautiful butterfly

Flying under the sky

Give a hope that i can fly .

This magical angelic rain.

Pures the blood in my veins

I can't live in this world smithereened.

Where memories are congeries.

A bus or a train

Take a tour if this world once again.

Cause I'm a solivagant.

Trap me in this second.

I wanna live this moment .

Forever.
Trying to be free
L'âme triste est pareille
Au doux ciel de la nuit,
Quand l'astre qui sommeille
De la voûte vermeille
A fait tomber le bruit ;

Plus pure et plus sonore,
On y voit sur ses pas
Mille étoiles éclore,
Qu'à l'éclatante aurore
On n'y soupçonnait pas !

Des îles de lumière
Plus brillante qu'ici,
Et des mondes derrière,
Et des flots de poussière
Qui sont mondes aussi !

On entend dans l'espace
Les choeurs mystérieux
Ou du ciel qui rend grâce,
Ou de l'ange qui passe,
Ou de l'homme pieux !

Et pures étincelles
De nos âmes de feu,
Les prières mortelles
Sur leurs brûlantes ailes
Nous soulèvent un peu !

Tristesse qui m'inonde,
Coule donc de mes yeux,
Coule comme cette onde
Où la terre féconde
Voit un présent des cieux !

Et n'accuse point l'heure
Qui te ramène à Dieu !
Soit qu'il naisse ou qu'il meure,
Il faut que l'homme pleure
Ou l'exil, ou l'adieu !
wordvango Dec 2017
never sure the water from dribbles   pure
from ever flows might maybe iron   rust
taint the clearest water pures    with
lust with calcium with ores
until
one day the fountain stood and shined
like raindrops from the crystal sky and spoke
dear sir you are mine
and kissed my brow my mouth with dreams
and washed my feet and called my name
and  made my life all seem
crystalline
stood in mists from evermore
and took my hand in hers
and shined
LES PARENTS

Nous sommes tes Grands-Parents,
Les Grands !
Couverts des froides sueurs
De la lune et des verdures.
Nos vins secs avaient du coeur !
Au soleil sans imposture
Que faut-il à l'homme ? boire.

Moi. - Mourir aux fleuves barbares.

Nous sommes tes Grands-Parents
Des champs.
L'eau est au fond des osiers :
Vois le courant du fossé
Autour du château mouillé.
Descendons en nos celliers ;
Après, le cidre et le lait.

MOI. - Aller où boivent les vaches.

Nous sommes tes Grands-Parents ;
Tiens, prends
Les liqueurs dans nos armoires ;
Le Thé, le Café, si rares,
Frémissent dans les bouilloires.

- Vois les images, les fleurs.
Nous rentrons du cimetière.

MOI. - Ah ! tarir toutes les urnes !

2. L'ESPRIT

Éternelles Ondines
Divisez l'eau fine.
Vénus, soeur de l'azur,
Émeus le flot pur.

Juifs errants de Norwège
Dites-moi la neige.
Anciens exilés chers,
Dites-moi la mer.

MOI. - Non, plus ces boissons pures,
Ces fleurs d'eau pour verres ;
Légendes ni figures
Ne me désaltèrent ;

Chansonnier, ta filleule
C'est ma soif si folle
Hydre intime sans gueules
Qui mine et désole.

3. LES AMIS

Viens, les vins vont aux plages,
Et les flots par millions !
Vois le Bitter sauvage
Rouler du haut des monts !

Gagnons, pèlerins sages,
L'absinthe aux verts piliers...

MOI. - Plus ces paysages.
Qu'est l'ivresse, Amis ?

J'aime autant, mieux, même,
Pourrir dans l'étang,
Sous l'affreuse crème,
Près des bois flottants.

4. LE PAUVRE SONGE

Peut-être un Soir m'attend
Où je boirai tranquille
En quelque vieille Ville,
Et mourrai plus content :
Puisque je suis patient !

Si mon mal se résigne,
Si j'ai jamais quelque or
Choisirai-je le Nord
Ou le Pays des Vignes ?...
- Ah ! songer est indigne

Puisque c'est pure perte !
Et si je redeviens
Le voyageur ancien,
Jamais l'auberge verte
Ne peut bien m'être ouverte.

5. CONCLUSION

Les pigeons qui tremblent dans la prairie,
Le gibier qui court et qui voit la nuit,
Les bêtes des eaux, la bête asservie,
Les derniers papillons !... ont soif aussi.

Mais fondre où fond ce nuage sans guide,
- Oh ! favorisé de ce qui est frais !
Expirer en ces violettes humides
Dont les aurores chargent ces forêts ?
Sonnet.


Le Phédon jette en l'âme un céleste reflet,
Mais rien n'est plus suave au cœur que l'Évangile.
Délicat embaumeur de la raison fragile,
Il sent la myrrhe, il coule aussi doux que le lait.

Dans ses pures leçons rien n'est prouvé ; tout plaît :
Le bon Samaritain qui prodigue son huile,
L'héroïsme indulgent pour la plèbe servile
L'âme offerte à l'épreuve et la joue au soufflet.

On dit que les mourants ont foi dans ce beau-livre :
Quand la raison fléchit, il apaise, il enivre,
Et l'agonie y trouve un généreux soutien.

Prêtre, tu mouilleras mon front qui te résiste ;
Trop faible pour douter, je m'en irai moins triste
Dans le néant peut-être, avec l'espoir chrétien.
Ô poète ! pourquoi tes stances favorites
Marchent-elles toujours cueillant des marguerites,
Toujours des liserons et toujours des bleuets,
Et vont-elles s'asseoir au fond des bois muets
Laissant sur leurs pieds nus, lavés par les eaux pures,
Ruisseler les cressons comme des chevelures ?
Pourquoi toujours les champs et jamais les jardins ?
D'où te viennent, rêveur, ces étranges dédains ?
**** des buis rehaussant le sable des allées,
**** du riant parterre aux touffes étoilées,
Bordé d'oeillets en foule empressés à s'ouvrir,
Pourquoi fuir, et pourquoi ne pas faire fleurir
Dans tes vers, où sourit l'heureux printemps qui t'aime,
Le blanc camélia, le jaune chrysanthème ?

Et le poète dit : « Nous y viendrons un jour.
Versez dans vos jardins plus de joie et d'amour.
La rêverie a peur des portes et des grilles.
La Liberté, parmi les socs et les faucilles,
Chante dans les prés-verts et rit sous le ciel bleu.
L'homme fait le jardin, les champs sont faits par Dieu. »

Le 19 juin 1839.
Saïda Boūzazy Oct 2019
Feelings are nothing but a suffer
Emotions are nothing but a  bitterness
I like winter
Yet, not the  wintry feelings
Rain  for me is a sign of salvation
It pures  our bodies from the bitterness of emotions
yet, it becomes emotionless
Let the wintry weather disappear
May my beloved comes here
LES PARENTS

Nous sommes tes Grands-Parents,
Les Grands !
Couverts des froides sueurs
De la lune et des verdures.
Nos vins secs avaient du coeur !
Au soleil sans imposture
Que faut-il à l'homme ? boire.

Moi. - Mourir aux fleuves barbares.

Nous sommes tes Grands-Parents
Des champs.
L'eau est au fond des osiers :
Vois le courant du fossé
Autour du château mouillé.
Descendons en nos celliers ;
Après, le cidre et le lait.

MOI. - Aller où boivent les vaches.

Nous sommes tes Grands-Parents ;
Tiens, prends
Les liqueurs dans nos armoires ;
Le Thé, le Café, si rares,
Frémissent dans les bouilloires.

- Vois les images, les fleurs.
Nous rentrons du cimetière.

MOI. - Ah ! tarir toutes les urnes !

2. L'ESPRIT

Éternelles Ondines
Divisez l'eau fine.
Vénus, soeur de l'azur,
Émeus le flot pur.

Juifs errants de Norwège
Dites-moi la neige.
Anciens exilés chers,
Dites-moi la mer.

MOI. - Non, plus ces boissons pures,
Ces fleurs d'eau pour verres ;
Légendes ni figures
Ne me désaltèrent ;

Chansonnier, ta filleule
C'est ma soif si folle
Hydre intime sans gueules
Qui mine et désole.

3. LES AMIS

Viens, les vins vont aux plages,
Et les flots par millions !
Vois le Bitter sauvage
Rouler du haut des monts !

Gagnons, pèlerins sages,
L'absinthe aux verts piliers...

MOI. - Plus ces paysages.
Qu'est l'ivresse, Amis ?

J'aime autant, mieux, même,
Pourrir dans l'étang,
Sous l'affreuse crème,
Près des bois flottants.

4. LE PAUVRE SONGE

Peut-être un Soir m'attend
Où je boirai tranquille
En quelque vieille Ville,
Et mourrai plus content :
Puisque je suis patient !

Si mon mal se résigne,
Si j'ai jamais quelque or
Choisirai-je le Nord
Ou le Pays des Vignes ?...
- Ah ! songer est indigne

Puisque c'est pure perte !
Et si je redeviens
Le voyageur ancien,
Jamais l'auberge verte
Ne peut bien m'être ouverte.

5. CONCLUSION

Les pigeons qui tremblent dans la prairie,
Le gibier qui court et qui voit la nuit,
Les bêtes des eaux, la bête asservie,
Les derniers papillons !... ont soif aussi.

Mais fondre où fond ce nuage sans guide,
- Oh ! favorisé de ce qui est frais !
Expirer en ces violettes humides
Dont les aurores chargent ces forêts ?
Beau fantôme de l'innocence,
Vêtu de fleurs,
Toi qui gardes sous ta puissance
Une âme en pleurs !

Ô toi qui devanças nos hontes
Et nos revers,
Es-tu si grand que tu surmontes
Tout l'univers !

Le reste, comme la poussière,
S'est envolé,
Devant le feu de ma paupière
Tout s'est voilé,

Tout s'est enfui, flamme et fumée,
Tout est au vent ;
Toi seul sur mon âme enfermée
Planes souvent.

Pour courir à ta voix qui crie :
« Éternité ! »
Pour monter à Dieu que je prie,
J'ai tout jeté.

La nuit, pour chasser un mensonge
Qui me fait peur,
Ta main, plus forte que le songe,
Étreint mon coeur.

Quelle absence est assez profonde
Pour te braver,
Quand ton regard perce le monde
Pour nous trouver ?

De mon âme ont jailli des âmes
Dignes de toi :
Au milieu de ces pures flammes,
Ressaisis-moi !

Beau fantôme de l'innocence
Vêtu de fleurs,
Oh ! Garde bien en ta puissance
Notre âme en pleurs.
Saïda Boūzazy Nov 2019
Poetry is our salvation
It pures our bodies from the negative emotions
Poetry is a  doze that will save us from sadness and  depression
Poetry  is our hero in  the tragedy of life
#Poerty #Hello_poerty
On a peur, tant elle est belle !
Fût-on don Juan ou Caton.
On la redoute rebelle ;
Tendre, que deviendrait-on ?

Elle est joyeuse et céleste !
Elle vient de ce Brésil
Si doré qu'il fait du reste
De l'univers un exil.

À quatorze ans épousée,
Et veuve au bout de dix mois.
Elle a toute la rosée
De l'aurore au fond des bois.

Elle est vierge ; à peine née.
Son mari fut un vieillard ;
Dieu brisa cet hyménée
De Trop tôt avec Trop ****.

Apprenez qu'elle se nomme
Doña Rosita Rosa ;
Dieu, la destinant à l'homme,
Aux anges la refusa.

Elle est ignorante et libre,
Et sa candeur la défend.
Elle a tout, accent qui vibre,
Chanson triste et rire enfant,

Tout, le caquet, le silence,
Ces petits pieds familiers
Créés pour l'invraisemblance
Des romans et des souliers,

Et cet air des jeunes Èves
Qu'on nommait jadis fripon,
Et le tourbillon des rêves
Dans les plis de son jupon.

Cet être qui nous attire,
Agnès cousine d'Hébé,
Enivrerait un satyre,
Et griserait un abbé.

Devant tant de beautés pures,
Devant tant de frais rayons,
La chair fait des conjectures
Et l'âme des visions.

Au temps présent l'eau saline,
La blanche écume des mers
S'appelle la mousseline ;
On voit Vénus à travers.

Le réel fait notre extase ;
Et nous serions plus épris
De voir Ninon sous la gaze
Que sous la vague Cypris.

Nous préférons la dentelle
Au flot diaphane et frais ;
Vénus n'est qu'une immortelle ;
Une femme, c'est plus près.

Celle-ci, vers nous conduite
Comme un ange retrouvé,
Semble à tous les coeurs la suite
De leur songe inachevé.

L'âme admire, enchantée
Par tout ce qu'a de charmant
La rêverie ajoutée
Au vague éblouissement.

Quel danger ! on la devine.
Un nimbe à ce front vermeil !
Belle, on la rêve divine,
Fleur, on la rêve soleil.

Elle est lumière, elle est onde,
On la contemple. On la croit
Reine et fée, et mer profonde
Pour les perles qu'on y voit.

Gare, Arthur ! gare, Clitandre !
Malheur à qui se mettait
À regarder d'un air tendre
Ce mystérieux attrait !

L'amour, où glissent les âmes,
Est un précipice ; on a
Le vertige au bord des femmes
Comme au penchant de l'Etna.

On rit d'abord. Quel doux rire !
Un jour, dans ce jeu charmant,
On s'aperçoit qu'on respire
Un peu moins facilement.

Ces feux-là troublent la tête.
L'imprudent qui s'y chauffait
S'éveille à moitié poète
Et stupide tout à fait.

Plus de joie. On est la chose
Des tourments et des amours.
Quoique le tyran soit rose,
L'esclavage est noir toujours.

On est jaloux ; travail rude !
On n'est plus libre et vivant,
Et l'on a l'inquiétude
D'une feuille dans le vent.

On la suit, pauvre jeune homme !
Sous prétexte qu'il faut bien
Qu'un astre ait un astronome
Et qu'une femme ait un chien.

On se pose en loup fidèle ;
On est bête, on s'en aigrit,
Tandis qu'un autre, auprès d'elle,
Aimant moins, a plus d'esprit.

Même aux bals et dans les fêtes,
On souffre, fût-on vainqueur ;
Et voilà comment sont faites
Les aventures du coeur.

Cette adolescente est sombre
À cause de ses quinze ans
Et de tout ce qu'on voit d'ombre
Dans ses beaux yeux innocents.

On donnerait un empire
Pour tous ces chastes appas ;
Elle est terrible ; et le pire,
C'est qu'elle n'y pense pas.

— The End —