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Paul d'Aubin Oct 2015
Adieu chère maison de mes ancêtres

Cette fois ci, le sort en est jeté,
Les acquéreurs improbables, les propriétaires chimériques,
ont consigne la somme convenue sur les fonds du notaire.
Et toi, chère maison, tu vas changer de famille et d'amours.
Désormais, nos enfances envolées, ne retrouveront plus le secours,
des vielles boiseries et des tapisseries centenaires,
de toutes ces armoire en châtaignier et ces commodes de noyer,
auxquels nous rattache encor comme un fil invisible,
tant de senteurs, d'images et souvenirs fanés.
Et le tic-tac mélodieux de la vieille horloge dans l'entrée du 19.
Et ces mansardes, chargées d'objets hétéroclites que nous aimons tant fouiller.
Quant au jardin qui aurait pu être un parc,
comment oublier ses massifs de groseilliers et ses fraises des bois ?
Et les plants de rhubarbe, la sauge aux grandes vertus, aux dires de grand-mère.
Ainsi que les allées de marguerites, attirant les abeilles,
plus ****, remplacées par des rosiers blancs, roses et rouges si odorants.
Cette maison de famille qui résista a tant de coups du sort,
a péri des impôts et des frais d'entretien du jardin,
du manque de modernisation aussi. Alors que tant de logements sans âme étaient construits.
Surtout de l'âge et du départ de sa chère maîtresse, ma mère, qui y avait trop froid et ne pouvait y vivre seule.
Et aussi un peu, ma franchise l'admet, du manque d'initiatives et de goût pour l'association de nous tous, de notre fratrie.
Certes l'on pourra trouver bien des excuses.
Les uns furent trop ****, les autres manquèrent de moyens.
Mais dans mon fors intérieur,
Je sais que cette maison manqua surtout de notre audace et de notre courage commun a la faire vivre.
Aussi notre maison de famille fut comme abandonnée a son sort par ses enfants disperses par la vie.
Pauvre maison, nous n'avons su te garder; puisses-tu tomber désormais dans des mains aimantes, artistes et vertes !

Paul Arrighi
Dans la paix triste et profonde
Où me plongeait ce séjour,
J'ignorais qu'au bruit du monde
On peut oublier l'amour :
Quelle est donc cette voix importune et cruelle
Qui déjà me détrompe avec un ris moqueur ?
Comme une flèche aiguë elle siffle autour d'elle,
Et le trait qu'elle porte a déchiré mon cœur.

Au bord de ma tombe ignorée,
Ciel ! par cette langue acérée,
Faut-il qu'un nom trop cher puisse m'atteindre encor,
Pour m'apprendre ( nouvelle affreuse ! )
Que j'étais seule malheureuse,
Et qu'on m'oublie avant ma mort !

Du plus sincère amour quel châtiment terrible !
Je n'étais pas aimée ! ... ô confidence horrible !
Il a parlé longtemps. Mes yeux, gonflés de pleurs,
Se détournaient en vain de ses lèvres légères,
Dont le souffle éteignait mes erreurs les plus chères,
Et dont le rire affreux outrageait mes malheurs.
Lui n'a vu mon effroi ni ma pâleur extrême ;
L'indiscret n'a point d'âme, il ne devine rien ;
Du bruit de sa parole il s'étourdit lui-même,
Il s'écoute, il s'admire, il se répond : c'est bien !
**** de moi... Mais sa voix ! elle me frappe encore ;
Son timbre me poursuit, et partout il m'attend :
Sait-il que je me meurs ? Sait-il que je l'abhorre ?
Il révèle un secret, il parle, il est content.

Ah ! j'aurais dû crier : c'est moi... je l'aime... arrête !
Par ton Dieu, par ta mère et tes premiers amours,
Dis qu'il n'est point parjure ; oh ! dis-le ! je suis prête
À t'entendre, à tout croire, à t'écouter toujours.
Mais non, il n'a pas vu ma main, faible et glacée,
Rassembler mes cheveux pour voiler mon affront ;
Il n'a pas vu la mort, par lui-même tracée,
Sous le bandeau de fleurs qui tremblaient sur mon front.
Aveugle ! il n'a pas vu se fermer et s'éteindre
Mon œil longtemps fermé !
Quand j'ai dit : Se peut-il ! ... ma voix n'a pu l'atteindre ;
Il n'a donc pas aimé ?

Peut-être qu'en naissant il a perdu sa mère,
Qu'il n'a jamais connu le baiser d'une sœur,
Et qu'à ses premiers cris, une dure étrangère
N'a jamais d'une sourire accordé la douceur.

Fuis, dépositaire infidèle
Des secrets imprudents confiés à ta foi !
Va ! qui trompe une amante au moins a pitié d'elle :
Tu trahis un méchant, mais il l'est moins que toi.
Sa pudeur, ses remords prenaient soin de ma vie ;
Lui-même il frémira du mal que tu me fais :
Il laissait l'espérance à mon âme asservie,
Il se taisait enfin ; et moi... que je le hais !

Pour tromper tant d'amour qu'il s'imposa de peine !
Quelle humiliante pitié !
Mais toi, toi qui pour lui m'inspires tant de haine,
Ah ! prends-en la moitié !
Qu'elle attache à mes pleurs une longue puissance ;
Qu'elle effraie à ton nom l'imprudente innocence ;
Que ton cœur s'intimide à mes cris douloureux ;
Qu'il devienne sensible, et qu'il soit malheureux !
Oui, puisses-tu brûler, et languir, et déplaire
Au jeune et froid objet qui sauva t'enflammer ;
Ou plutôt... tremble au vœu qu'inventé ma colère ,
Puisses-tu longtemps vivre, et ne jamais aimer !
Paul d'Aubin Jan 2016
Prolégomènes à un poème sur la disparition de notre Chienne cocker Laïka

Les Chiens et nous-mêmes
Je vous ferais parvenir le poème presque prémonitoire écrit, cet été à Letia en Corse , intitule «notre chien a onze ans»  (en fait elle en avait dix ans et demi).
Ayant déjà eu, un chien cocker de couleur noire; lors mon enfance passée en Kabylie, répondant au nom de «Bambi» (le Faon de la bande dessinée de Walt Disney) j'ai appris à adorer nos meilleurs compagnons avec les chevaux et compte désormais les temps de la vie humaine en durées moyennes de vie passée en compagnie avec ce merveilleux et surtout si fidèle compagnon et ami de l'homme.
C'est à dire que pour une durée de vie moyenne de soixante-quinze ans, au mieux, je considère qu'elle correspond à cinq temps possibles de compagnonnages et d'histoire d'amitié avec un chien (d'un âge maximal au mieux de 15 ans)
Par conséquent, cinq longs temps de bonheurs nous sont donnés par la Nature pour que nous puissions bénéficier des bienfaits et de la compagnie de cet «animal», souvent bien plus «humain» et «gentil» ;  hélas il faut bien l'avouer, que nombre de prétendus humains d'une cruauté inconnu dans la faune dite sauvage.
Nous allons demain et dans les jours qui viennent rechercher, un nouveau compagnon pour rester dans ce cycle de vie magique que je viens de vous révéler.

                                                          *
Notre chienne Cocker a déjà onze ans

Elle a parcouru onze ans de sa vie de Reine,
sans les soucis de l'étiquette et du labeur.
Notre chienne Laïka savoure sa quiétude,
mais se tient toujours près des valises et des sacs,
dès qu'elle observe un zéphyr de départ,
sa courte queue frétille devant sa laisse,
qu’elle prend dans sa gueule comme pour nous montrer le chemin,
car la « meute » doit se rendre ensemble sans jamais l'abandonner.
Ses deux pattes avec lesquelles elle se hisse sur les rebords de la table pour humer les plats.
Et son museau qu’elle love dans le coup de ta maîtresse pour lui signifier son amour.
Chère Laïka quand tes yeux attendrissants de cocker nous fixent je demande au Destin que tu puisses nous accompagner longtemps pour notre bonheur du présent et le demain de nos vies.
Seuls, ton museau blanchi et ta démarche moins vive, nous rappellent tes onze ans.

Paul Arrighi.
Mords-moi, ma Muse
Pince ton Musc
Crie ta rage
Cours **** de moi
Griffe-moi
Pleure, grogne, hurle
Débats-toi
Je suis là pour ça
Je suis là pour toi
Pour que tu puisses vivre ton monde
A ta guise
Pour que tu puisses danser comme une veuve joyeuse
Et rire aux éclats quand ça te chante
Je suis ton ombre thérapeutique
Ton ombre thérapeutique
Ton ombre thérapeutique

Gribouille sur mon corps
Tes rêves indescriptibles
Tes cauchemars imperceptibles
Prends la craie ou l'encre de Chine
Dessine-moi Pierrot et Colombine
Et barbouille-moi de Pinot blanc
Ou barbouille-toi de Pinot noir
Ou barbouille-nous de Cabernet Sauvignon
Qui coulent comme des fleuves où flottent
D'étranges gargouilles mélancoliques.
Je suis ton ombre thérapeutique
Tu fais rugir l'animal féroce et sauvage
Qui sommeille au fond de moi
Tu fais le musc monter en moi
Et il faut que je me domine
Quand le musc entre en rut
Au fond de la Muse.

Quand tu commences ton cirque
Quand ta tête tourne tourne tourne
Sous les pieds des otaries géantes
C'est moi qui bois du vin clairet
Du sylvaner ou du gewurtstraminer
Quand tu fais l 'éléphant et que tu barris
A la vue d'un sucre ou d'un café nu
Je me ressers un verre de prosecco italien
Et je me rince la gorge avec un dé d'eau de vie de mirabelle
Quand tu me lacères de ton fouet
Pour dompter les tigres de Bengale
Qui jonglent à travers les lacs de tes yeux
Je vide une bonne bouteille de Bologne
Et je suce la cuillère de sirop de batterie
Mélangé au citron vert
Quand ton regard se fige
Et qu'immobile comme une chatte tu restes à l'arrêt
Je me transforme en pelote de laine
Et je me balance sous tes yeux comme un pendule
A droite à gauche
A droite à gauche
Et je sais que tu attends que le coucou sorte à l'heure
Du fond de sa cage au fond de l'horloge
Et qu'il plonge dans tes eaux
Car je suis ton ombre thérapeutique
Ton ombre thérapeutique
Ton ombre thérapeutique
Jeune homme ! je te plains ; et cependant j'admire
Ton grand parc enchanté qui semble nous sourire,
Qui fait, vu de ton seuil, le tour de l'horizon,
Grave ou joyeux suivant le jour et la saison,  
Coupé d'herbe et d'eau vive, et remplissant huit lieues
De ses vagues massifs et de ses ombres bleues.
J'admire ton domaine, et pourtant je te plains !
Car dans ces bois touffus de tant de grandeur pleins,
Où le printemps épanche un faste sans mesure,
Quelle plus misérable et plus pauvre masure
Qu'un homme usé, flétri, mort pour l'illusion,
Riche et sans volupté, jeune et sans passion,  
Dont le coeur délabré, dans ses recoins livides,
N'a plus qu'un triste amas d'anciennes coupes vides,  
Vases brisés qui n'ont rien gardé que l'ennui,
Et d'où l'amour, la joie et la candeur ont fui !

Oui, tu me fais pitié, toi qui crois faire envie !
Ce splendide séjour sur ton coeur, sur ta vie,
Jette une ombre ironique, et rit en écrasant
Ton front terne et chétif d'un cadre éblouissant.

Dis-moi, crois-tu, vraiment posséder ce royaume
D'ombre et de fleurs, où l'arbre arrondi comme un dôme,
L'étang, lame d'argent que le couchant fait d'or,
L'allée entrant au bois comme un noir corridor,
Et là, sur la forêt, ce mont qu'une tour garde,
Font un groupe si beau pour l'âme qui regarde !
Lieu sacré pour qui sait dans l'immense univers,
Dans les prés, dans les eaux et dans les vallons verts,
Retrouver les profils de la face éternelle
Dont le visage humain n'est qu'une ombre charnelle !

Que fais-tu donc ici ? Jamais on ne te voit,
Quand le matin blanchit l'angle ardoisé du toit,
Sortir, songer, cueillir la fleur, coupe irisée
Que la plante à l'oiseau tend pleine de rosée,
Et parfois t'arrêter, laissant pendre à ta main
Un livre interrompu, debout sur le chemin,
Quand le bruit du vent coupe en strophes incertaines
Cette longue chanson qui coule des fontaines.

Jamais tu n'as suivi de sommets en sommets
La ligne des coteaux qui fait rêve ; jamais
Tu n'as joui de voir, sur l'eau qui reflète,
Quelque saule noueux tordu comme un athlète.
Jamais, sévère esprit au mystère attaché,
Tu n'as questionné le vieux orme penché
Qui regarde à ses pieds toute la pleine vivre
Comme un sage qui rêve attentif à son livre.

L'été, lorsque le jour est par midi frappé,
Lorsque la lassitude a tout enveloppé,
A l'heure où l'andalouse et l'oiseau font la sieste,
Jamais le faon peureux, tapi dans l'antre agreste,
Ne te vois, à pas lents, **** de l'homme importun,
Grave, et comme ayant peur de réveiller quelqu'un,
Errer dans les forêts ténébreuses et douces
Où le silence dort sur le velours des mousses.

Que te fais tout cela ? Les nuages des cieux,
La verdure et l'azur sont l'ennui de tes yeux.
Tu n'est pas de ces fous qui vont, et qui s'en vantent,
Tendant partout l'oreille aux voix qui partout chantent,
Rendant au Seigneur d'avoir fait le printemps,
Qui ramasse un nid, ou contemple longtemps
Quelque noir champignon, monstre étrange de l'herbe.
Toi, comme un sac d'argent, tu vois passer la gerbe.
Ta futaie, en avril, sous ses bras plus nombreux
A l'air de réclamer bien des pas amoureux,
Bien des coeurs soupirants, bien des têtes pensives ;

Toi qui jouis aussi sous ses branches massives,
Tu songes, calculant le taillis qui s'accroît,
Que Paris, ce vieillard qui, l'hiver, a si froid,
Attend, sous ses vieux quais percés de rampes neuves,
Ces longs serpents de bois qui descendent les fleuves !
Ton regard voit, tandis que ton oeil flotte au ****,
Les blés d'or en farine et la prairie en foin ;
Pour toi le laboureur est un rustre qu'on paie ;
Pour toi toute fumée ondulant, noire ou gaie,
Sur le clair paysage, est un foyer impur
Où l'on cuit quelque viande à l'angle d'un vieux mur.
Quand le soir tend le ciel de ses moires ardentes
Au dos d'un fort cheval assis, jambes pendantes,
Quand les bouviers hâlés, de leur bras vigoureux
Pique tes boeufs géants qui par le chemin creux
Se hâtent pêle-mêle et s'en vont à la crèche,
Toi, devant ce tableau tu rêves à la brèche
Qu'il faudra réparer, en vendant tes silos,
Dans ta rente qui tremble aux pas de don Carlos !

Au crépuscule, après un long jour monotone,
Tu t'enfermes chez toi. Les tièdes nuits d'automne
Versent leur chaste haleine aux coteaux veloutés.
Tu n'en sais rien. D'ailleurs, qu'importe ! A tes côtés,
Belles, leur bruns cheveux appliqués sur les tempes,
Fronts roses empourprés par le reflet des lampes,
Des femmes aux yeux purs sont assises, formant
Un cercle frais qui borde et cause doucement ;
Toutes, dans leurs discours où rien n'ose apparaître,
Cachant leurs voeux, leur âmes et leur coeur que peut-être
Embaume un vague amour, fleur qu'on ne cueille pas,
Parfum qu'on sentirait en se baissant tout bas.
Tu n'en sais rien. Tu fais, parmi ces élégies,
Tomber ton froid sourire, où, sous quatre bougies,
D'autres hommes et toi, dans un coin attablés
Autour d'un tapis vert, bruyants, vous querellez
Les caprices du whist, du brelan ou de l'hombre.
La fenêtre est pourtant pleine de lune et d'ombre !

Ô risible insensé ! vraiment, je te le dis,
Cette terre, ces prés, ces vallons arrondis,
Nids de feuilles et d'herbe où jasent les villages,
Ces blés où les moineaux ont leurs joyeux pillages,
Ces champs qui, l'hiver même, ont d'austères appas,
Ne t'appartiennent point : tu ne les comprends pas.

Vois-tu, tous les passants, les enfants, les poètes,
Sur qui ton bois répand ses ombres inquiètes,
Le pauvre jeune peintre épris de ciel et d'air,
L'amant plein d'un seul nom, le sage au coeur amer,
Qui viennent rafraîchir dans cette solitude,
Hélas ! l'un son amour et l'autre son étude,
Tous ceux qui, savourant la beauté de ce lieu,
Aiment, en quittant l'homme, à s'approcher de Dieu,
Et qui, laissant ici le bruit vague et morose
Des troubles de leur âme, y prennent quelque chose
De l'immense repos de la création,
Tous ces hommes, sans or et sans ambition,
Et dont le pied poudreux ou tout mouillé par l'herbe
Te fait rire emporté par ton landau superbe,
Sont dans ce parc touffu, que tu crois sous ta loi,
Plus riches, plus chez eux, plus les maîtres que toi,
Quoique de leur forêt que ta main grille et mure
Tu puisses couper l'ombre et vendre le murmure !

Pour eux rien n'est stérile en ces asiles frais.
Pour qui les sait cueillir tout a des dons secrets.
De partout sort un flot de sagesse abondante.
L'esprit qu'a déserté la passion grondante,
Médite à l'arbre mort, aux débris du vieux pont.
Tout objet dont le bois se compose répond
A quelque objet pareil dans la forêt de l'âme.
Un feu de pâtre éteint parle à l'amour en flamme.
Tout donne des conseils au penseur, jeune ou vieux.
On se pique aux chardons ainsi qu'aux envieux ;
La feuille invite à croître ; et l'onde, en coulant vite,
Avertit qu'on se hâte et que l'heure nous quitte.
Pour eux rien n'est muet, rien n'est froid, rien n'est mort.
Un peu de plume en sang leur éveille un remord ;
Les sources sont des pleurs ; la fleur qui boit aux fleuves,
Leur dit : Souvenez-vous, ô pauvres âmes veuves !

Pour eux l'antre profond cache un songe étoilé ;
Et la nuit, sous l'azur d'un beau ciel constellé,
L'arbre sur ses rameaux, comme à travers ses branches,
Leur montre l'astre d'or et les colombes blanches,
Choses douces aux coeurs par le malheur ployés,
Car l'oiseau dit : Aimez ! et l'étoile : Croyez !

Voilà ce que chez toi verse aux âmes souffrantes
La chaste obscurité des branches murmurantes !
Mais toi, qu'en fais tu ? dis. - Tous les ans, en flots d'or,
Ce murmure, cette ombre, ineffable trésor,
Ces bruits de vent qui joue et d'arbre qui tressaille,
Vont s'enfouir au fond de ton coffre qui bâille ;
Et tu changes ces bois où l'amour s'enivra,
Toute cette nature, en loge à l'opéra !

Encor si la musique arrivait à ton âme !
Mais entre l'art et toi l'or met son mur infâme.
L'esprit qui comprend l'art comprend le reste aussi.
Tu vas donc dormir là ! sans te douter qu'ainsi
Que tous ces verts trésors que dévore ta bourse,
Gluck est une forêt et Mozart une source.

Tu dors ; et quand parfois la mode, en souriant,
Te dit : Admire, riche ! alors, joyeux, criant,
Tu surgis, demandant comment l'auteur se nomme,
Pourvu que toutefois la muse soit un homme !
Car tu te roidiras dans ton étrange orgueil
Si l'on t'apporte, un soir, quelque musique en deuil,
Urne que la pensée a chauffée à sa flamme,
Beau vase où s'est versé tout le coeur d'une femme.

Ô seigneur malvenu de ce superbe lieu !
Caillou vil incrusté dans ces rubis en feu !
Maître pour qui ces champs sont pleins de sourdes haines !
Gui parasite enflé de la sève des chênes !
Pauvre riche ! - Vis donc, puisque cela pour toi
C'est vivre. Vis sans coeur, sans pensée et sans foi.
Vis pour l'or, chose vile, et l'orgueil, chose vaine.
Végète, toi qui n'as que du sang dans la veine,
Toi qui ne sens pas Dieu frémir dans le roseau,
Regarder dans l'aurore et chanter dans l'oiseau !

Car, - et bien que tu sois celui qui rit aux belles
Et, le soir, se récrie aux romances nouvelles, -
Dans les coteaux penchants où fument les hameaux,
Près des lacs, près des fleurs, sous les larges rameaux,
Dans tes propres jardins, tu vas aussi stupide,
Aussi peu clairvoyant dans ton instinct cupide,
Aussi sourd à la vie à l'harmonie, aux voix,
Qu'un loup sauvage errant au milieu des grands bois !

Le 22 mai 1837.
Sonnet.

Un ange furieux fond du ciel comme un aigle,
Du mécréant saisit à plein poing les cheveux,
Et dit, le secouant : " Tu connaîtras la règle !
(Car je suis ton bon Ange, entends-tu ?) Je le veux !

Sache qu'il faut aimer, sans faire la grimace,
Le pauvre, le méchant, le tortu, l'hébété,
Pour que tu puisses faire, à Jésus, quand il passe,
Un tapis triomphal avec ta charité.

Tel est l'Amour ! Avant que ton coeur ne se blase,
A la gloire de Dieu rallume ton extase ;
C'est la Volupté vraie aux durables appas !"

Et l'Ange, châtiant autant, ma foi ! qu'il aime,
De ses poings de géant torture l'anathème ;
Mais le damné répond toujours : " Je ne veux pas !"
Le ciel... prodigue en leur faveur les miracles.
La postérité de Joseph rentre dans la terre de Gessen ;
Et cette conquête, due aux larmes des vainqueurs,
Ne coûte pas une larme aux vaincus.
Chateaubriand, Martyrs.

I.

Savez-vous, voyageur, pourquoi, dissipant l'ombre,
D'innombrables clartés brillent dans la nuit sombre ?
Quelle immense vapeur rougit les cieux couverts ?
Et pourquoi mille cris, frappant la nue ardente,
Dans la ville, au **** rayonnante,
Comme un concert confus, s'élèvent dans les airs ?

II.

Ô joie ! ô triomphe ! ô mystère !
Il est né, l'enfant glorieux,
L'ange que promit à la terre
Un martyr partant pour les cieux :
L'avenir voilé se révèle.
Salut à la flamme nouvelle
Qui ranime l'ancien flambeau !
Honneur à ta première aurore,
Ô jeune lys qui viens d'éclore,
Tendre fleur qui sors d'un tombeau !

C'est Dieu qui l'a donné, le Dieu de la prière.
La cloche, balancée aux tours du sanctuaire,
Comme aux jours du repos, y rappelle nos pas.
C'est Dieu qui l'a donné, le Dieu de la victoire !
Chez les vieux martyrs de la gloire
Les canons ont tonné, comme au jour des combats.

Ce bruit, si cher à ton oreille,
Joint aux voix des temples bénis,
N'a-t-il donc rien qui te réveille,
Ô toi qui dors à Saint-Denis ?
Lève-toi ! Henri doit te plaire
Au sein du berceau populaire ;
Accours, ô père triomphant !
Enivre sa lèvre trompée,
Et viens voir si ta grande épée
Pèse aux mains du royal enfant.

Hélas ! il est absent, il est au sein des justes.
Sans doute, en ce moment, de ses aïeux augustes
Le cortège vers lui s'avance consolé :
Car il rendit, mourant sous des coups parricides,
Un héros à leurs tombes vides,
Une race de rois à leur trône isolé.

Parmi tous ces nobles fantômes,
Qu'il élève un front couronné,
Qu'il soit fier dans les saints royaumes,
Le père du roi nouveau-né !
Une race longue et sublime
Sort de l'immortelle victime ;
Tel un fleuve mystérieux,
Fils d'un mont frappé du tonnerre,
De son cours fécondant la terre,
Cache sa source dans les cieux.

Honneur au rejeton qui deviendra la tige !
Henri, nouveau Joas, sauvé par un prodige,
À l'ombre de l'autel croîtra vainqueur du sort ;
Un jour, de ses vertus notre France embellie,
À ses sœurs, comme Cornélie,
Dira : « Voilà mon fils, c'est mon plus beau trésor. »

III.

Ô toi, de ma pitié profonde
Reçois l'hommage solennel,
Humble objet des regards du monde
Privé du regard paternel !
Puisses-tu, né dans la souffrance,
Et de ta mère et de la France
Consoler la longue douleur !
Que le bras divin, t'environne,
Et puisse, ô Bourbon ! la couronne
Pour toi ne pas être un malheur !

Oui, souris, orphelin, aux larmes de ta mère !
Ecarte, en te jouant, ce crêpe funéraire
Qui voile ton berceau des couleurs du cercueil ;
Chasse le noir passé qui nous attriste encore ;
Sois à nos yeux comme une aurore !
Rends le jour et la joie à notre ciel en deuil !

Ivre d'espoir, ton roi lui-même,
Consacrant le jour où tu nais,
T'impose, avant le saint baptême,
Le baptême du Béarnais.
La veuve t'offre à l'orpheline ;
Vers toi, conduit par l'héroïne,
Vient ton aïeul en cheveux blancs ;
Et la foule, bruyante et fière,
Se presse à ce Louvre, où naguère,
Muette, elle entrait à pas lents.

Guerriers, peuple, chantez ; Bordeaux, lève ta tête,
Cité qui, la première, aux jours de la conquête,
Rendue aux fleurs de lys, as proclamé ta foi.
Et toi, que le martyr aux combats eût guidée,
Sors de ta douleur, ô Vendée !
Un roi naît pour la France, un solda naît pour toi.

IV.

Rattachez la nef à la rive :
La veuve reste parmi nous,
Et de sa patrie adoptive
Le ciel lui semble enfin plus doux.
L'espoir à la France l'enchaîne ;
Aux champs où fut frappé le chêne
Dieu fait croître un frêle roseau.
L'amour retient l'humble colombe ;
Il faut prier sur une tombe,
Il faut veiller sur un berceau.

Dis, qu'irais-tu chercher au lieu qui te vit naître,
Princesse ? Parthénope outrage son vieux maître :
L'étranger, qu'attiraient des bords exempts d'hivers
Voit Palerme en fureur, voit Messine en alarmes,
Et, plaignant la Sicile en armes,
De ce funèbre éden fuit les sanglantes mers.

Mais que les deux volcans s'éveillent !
Que le souffle du Dieu jaloux
Des sombres géants qui sommeillent
Rallume enfin l'ardent courroux ;
Devant les flots brûlants des laves
Que seront ces hautains esclaves,
Ces chefs d'un jour, ces grands soldats ?
Courage ! ô vous, vainqueurs sublimes !
Tandis que vous marchez aux crimes,
La terre tremble sous vos pas !

Reste au sein des français, ô fille de Sicile !
Ne fuis pas, pour des bords d'où le bonheur s'exile,
Une terre où le lys se relève immortel ;
Où du peuple et des rois l'union salutaire
N'est point cet ***** adultère
Du trône et des partis, des camps et de l'autel.

V.

Nous, ne craignons plus les tempêtes !
Bravons l'horizon menaçant !
Les forfaits qui chargeaient nos têtes
Sont rachetés par l'innocent !
Quand les nochers, dans la tourmente,
Jadis, voyaient l'onde écumante
Entr'ouvrir leurs frêle vaisseau,
Sûrs de la clémence éternelle,
Pour sauver la nef criminelle
Ils y suspendaient un berceau.

Octobre 1820.
Enfin échappé du danger
Où mon sort me voulut plonger,
L'expérience indubitable
Me fait tenir pour véritable
Que l'on commence d'être heureux
Quand on cesse d'être amoureux,
Lorsque notre âme s'est purgée
De cette sottise enragée,
Dont le fantasque mouvement
Bricole notre entendement.

Croîs-moi qu'un homme de ta sorte,
Libre des soucis qu'elle apporte,
Ne voit plus loger avec lui
Le soin, le chagrin, ni l'ennui.
Pour moi, qui dans un long servage
A mes dépens me suis fait sage,
Je ne veux point d'autres motifs,
Pour te servir de lénitifs,
Et ne sais point d'autre remède,
A la douleur qui te possède,
Qu'écrivant la félicité
Qu'on goûte dans la liberté
Te faire une si bonne envie
Des douceurs d'une telle vie,
Qu'enfin tu puisses à ton tour
Envoyer au diable l'amour.

Je meure, ami, c'est un grand charme
D'être insusceptible d'alarme,
De n'espérer ni craindre rien,
De se plaire en tout entretien,
D'être maître de ses pensées,
Sans les avoir toujours dressées
Vers une beauté qui souvent
Nous estime moins que du vent,
Et pense qu'il n'est point d'hommage
Que l'on ne doive à son visage.

Tu t'en peux bien fier à moi ;
J'ai passé par-là comme toi ;
J'ai fait autrefois de la bête,
J'avais des Philis à la tête :
J'épiais les occasions ;
J'épiloguais mes passions ;
Je paraphrasais un visage ;
Je me mettais à tout usage,
Debout, tête nue, à genoux,
Triste, gaillard, rêveur, jaloux ;
Je courais, je faisais la grue
Tout un jour au bout d'une rue ;
Soleils, flambeaux, attraits, appas,
Pleurs, désespoirs, tourments, trépas,
Tout ce petit meuble de bouche
Dont un amoureux s'escarmouche,
Je savais bien m'en escrimer.
Par-là, je m'appris à rimer,
Par-là, je fis sans autre chose
Un sot en vers d'un sot en prose ;
Et Dieu sait alors si les feux,
Les flammes, les soupirs, les vœux,
Et tout ce menu badinage,
Servaient de rime et de remplage.

Mais à la fin hors de mes fers,
Après beaucoup de maux soufferts,
Ce qu'à présent je te conseille
C'est de pratiquer la pareille,
Et de montrer à ce bel œil,
Qui n'a pour toi que de l'orgueil,
Qu'un cœur si généreux et brave
N'est pas né pour vivre en esclave.

Puis quand nous nous verrons un jour,
Sans soin tous deux, et sans amour,
Nous ferons de notre martyre
A commun frais une satire ;
Nous incaguerons les beautés ;
Nous rirons de leurs cruautés ;
A couvert de leurs artifices,
Nous pasquinerons leurs malices ;
Impénétrables à leurs traits,
Nous ferons nargue à leurs attraits ;
Et, toute tristesse bannie,
Sur une table bien garnie,
Entre les verres et les pots
Nous dirons le mot à propos ;
On nous orra conter merveilles
En préconisant les bouteilles ;
Nous rimerons au cabaret
En faveur du blanc, du clairet ;
Où, quand nous aurons fait ripaille,
Notre main contre la muraille
Avec un morceau de charbon
Paranymphera le jambon.

Ami, c'est ainsi qu'il faut vivre,
C'est le chemin qu'il nous faut suivre,
Pour goûter de notre printemps
Les véritables passe-temps.
Prends donc, comme moi, pour devise,
Que l'amour n'est qu'une sottise.
Dante Rocío Jun 2020
[Pour Marie C.]
Tu te souviens de cette fois
Quand tu m’as demandé
Si j’ai jamais pleuré de la douleur ?
Car je te réponds
profondément et tendrement
que oui.
« Oui » vrai de nouveau chaque jour.
De supporter un nom
Un sexe
Un âge
Des vêtements qui me donnent
des descriptions
et m’emprisonnent en plus.
De la longueur de ma maison.
Et ça fait mal comme un pur viol.
Voir, sur les genoux parmi des bêtes,
devant soi-même tout ce qui t’admire,
ce qui te laisse respirer,
t’aime,
te donne l’identité
et vit en tes soupirs des yeux
et des larmes,
juste à la distance de la main
pour ne pas être jamais rendu à toi
en publique
et te tuant ainsi dans un pays étrange.
« Oui » de souffrance inédite.

Quand j’t’entends,
te vois en mon esprit,
Je nous demande
Combien de nuits sourdes,
trop silencieuses,
du goût du sang et du métal
as-tu passé séparé, tout en eau,
Sans air, les mélodies
comme la seule compagnie ?
Combien des choses y a-t-il
auxquels tu ne donne jamais la voix ?
Combien de masques as-tu créés
et détruits ?
Combien des portes as-tu claqué
devant les personnes
qui s’appelaient ta famille ?
Combien d’êtres as-tu blessé
pour te protéger ?
La masque de pierre n’endurcira
plus un jour
Et la pierre se cassera en porcelaine sanglante.

Je désire te voir te romper,
Toucher une corde sensible de ton piano,
Pour que tu meurtes et naisses de nouveau.
Pour que tu puisses authentiquement respirer.
Pour que tu te laisse pleurer sans cesse.
Pour que je puisse te tenir dans mes bras.
Comme si tu étais la chose plus valeureuse
et fragile du monde,
Et pour qu’on puisse se regarder
dans nos yeux pour des heures,
Sans mots ni pensées se retrouver,
Devenir fragiles tous les deux.

« T’es trop lumineux », tu dis,
« pour moi »,
Eh ben, t’es pas trop sombre
pour moi.

Tu t’emportes des écouteurs,
Ta barrière et ta rédemption.
Seule distraction et chemin au ciel.

On se rend tous les deux aux étoiles,
On peut s’y rencontrer un jour
et entrelacer les mains.
Peut-être même s’appeler
de derrière de nos miroirs étroits
Avec des nouveaux sons pour nos noms.

Je t’embrasse, observe
Et écris de là,
Marie.
I know you might never see the note here, Mary, but I wish you all the truth,
eyesight beyond
and your life given to you back.
Wish I could delve into you like God does
To make you out and hold your state
Like that of a broken child.
Pozdrawiam cię z tego miejsca powyżej zrodzonego w francuskim,
tak dawno a jednak wciąż.
Choćbyśmy miały się już nie zmówić.
Zaprawdę nasza relacja specyficzną jest i była.
Parmi les marbres qu'on renomme
Sous le ciel d'Athène ou de Rome,
Je prends le plus pur, le plus blanc,
Je le taille et puis je l'étale
Dans ta pose d'Horizontale
Soulevée... un peu... sur le flanc...

Voici la tête qui se dresse,
Qu'une ample chevelure presse,
Le cou blanc, dont le pur contour
Rappelle à l'œil qui le contemple
Une colonne, au front d'un temple,
Le plus beau temple de l'Amour !

Voici la gorge féminine,
Le bout des seins sur la poitrine
Délicatement accusé,
Les épaules, le dos, le ventre
Où le nombril se renfle et rentre
Comme un tourbillon apaisé.

Voici le bras plein qui s'allonge ;
Voici, comme on les voit en songe,
Les deux petites mains d'Éros,
Le bassin immense, les hanches,
Et les adorablement blanches
Et fermes fesses de Paros.

Voici le mont au fond des cuisses
Les plus fortes pour que tu puisses
Porter les neuf mois de l'enfant ;
Et voici tes jambes parfaites...
Et, pour les sonnets des poètes,
Voici votre pied triomphant.

Pas plus grande que Cléopâtre
Pour qui deux peuples vont se battre,
Voici la Femme dont le corps
Fait sur les gestes et les signes
Courir la musique des lignes
En de magnifiques accords.

Je m'élance comme un barbare,
J'abats la tête, le pied rare,
Les mains... et puis... au bout d'un an...
Lorsque sa gloire est colossale,
Je la dispose en une salle,
La plus riche du Vatican.
Donc c'est fait. Dût rugir de honte le canon,
Te voilà, nain immonde, accroupi sur ce nom !
Cette gloire est ton trou, ta bauge, ta demeure !
Toi qui n'as jamais pris la fortune qu'à l'heure,
Te voilà presque assis sur ce hautain sommet !
Sur le chapeau d'Essling tu plantes ton plumet ;
Tu mets, petit Poucet, ces bottes de sept lieues ;
Tu prends Napoléon dans les régions bleues ;
Tu fais travailler l'oncle, et, perroquet ravi,
Grimper à ton perchoir l'aigle de Mondovi !
Thersite est le neveu d'Achille Péliade !
C'est pour toi qu'on a fait toute cette Iliade !
C'est pour toi qu'on livra ces combats inouïs !
C'est pour toi que Murat, aux russes éblouis,
Terrible, apparaissait, cravachant leur armée !
C'est pour toi qu'à travers la flamme et la fumée
Les grenadiers pensifs s'avançaient à pas lents !
C'est pour toi que mon père et mes oncles vaillants
Ont répandu leur sang dans ces guerres épiques !
Pour toi qu'ont fourmillé les sabres et les piques,
Que tout le continent trembla sous Attila,
Et que Londres frémit, et que Moscou brûla !
C'est pour toi, pour tes Deutz et pour tes Mascarilles,
Pour que tu puisses boire avec de belles filles,
Et, la nuit, t'attabler dans le Louvre à l'écart,
C'est pour monsieur Fialin et pour monsieur Mocquart,
Que Lannes d'un boulet eut la cuisse coupée,
Que le front des soldats, entrouvert par l'épée,
Saigna sous le shako, le casque et le colback,
Que Lasalle à Wagram, Duroc à Reichenbach,
Expirèrent frappés au milieu de leur route,
Que Caulaincourt tomba dans la grande redoute,
Et que la vieille garde est morte à Waterloo !
C'est pour toi qu'agitant le pin et le bouleau,
Le vent fait aujourd'hui, sous ses âpres haleines,
Blanchir tant d'ossements, hélas ! dans tant de plaines !
Faquin ! - Tu t'es soudé, chargé d'un vil butin,
Toi, l'homme du hasard, à l'homme du destin !
Tu fourres, impudent, ton front dans ses couronnes !
Nous entendons claquer dans tes mains fanfaronnes
Ce fouet prodigieux qui conduisait les rois
Et tranquille, attelant à ton numéro trois
Austerlitz, Marengo, Rivoli, Saint-Jean-d'Acre,
Aux chevaux du soleil tu fais traîner ton fiacre !

Jersey, le 31 mai 1853.
Virginie Oct 2017
Je ne fais que passer,
comme une feuille
emportée par le vent.

Aussi vite que le temps
te file entre tes doigts.

Je ne fais que passer,
comme l'oiseau qui
s'envole à coup d'ailes.

Tu peux à peine me voir
que je viens de filer sous ton nez.

Tellement vite que,
ta vie se déroule sans toi.
Sans que tu n'y puisses quoi que ce soit.

Comme le temps qui nous échappe,
s'éloignant au **** qui part et ne revient.

Puisque après tout,
Si l'on ne peux se rattraper :
Passons.
Oui, l'homme est responsable et rendra compte un jour.
Sur cette terre où l'ombre et l'aurore ont leur tour,
Sois l'intendant de Dieu, mais l'intendant honnête.
Tremble de tout abus de pouvoir sur la bête.
Te figures-tu donc être un tel but final
Que tu puisses sans peur devenir infernal,
Vorace, sensuel, voluptueux, féroce,
Échiner le baudet, exténuer la rosse,
En lui crevant les yeux engraisser l'ortolan,
Et massacrer les bois trois ou quatre fois l'an ?
Ce *** chasseur, armant son fusil ou son piège,
Confine à l'assassin et touche au sacrilège.
Penser, voilà ton but ; vivre, voilà ton droit.
Tuer pour jouir, non. Crois-tu donc que ce soit
Pour donner meilleur goût à la caille rôtie
Que le soleil ajoute une aigrette à l'ortie,
Peint la mûre, ou rougit la graine du sorbier ?

Dieu qui fait les oiseaux ne fait pas le gibier.
Jusqu'au jour, ô Pologne ! où tu nous montreras
Quelque désastre affreux, comme ceux de la Grèce,
Quelque Missolonghi d'une nouvelle espèce,
Quoi que tu puisses faire, on ne te croira pas.
Battez-vous et mourez, braves gens. - L'heure arrive.
Battez-vous ; la pitié de l'Europe est tardive ;
Il lui faut des levains qui ne soient point usés.
Battez-vous et mourez, car nous sommes blasés !
Les femmes, je le sais, ne doivent pas écrire ;
J'écris pourtant,
Afin que dans mon coeur au **** tu puisses lire
Comme en partant.

Je ne tracerai rien qui ne soit dans toi-même
Beaucoup plus beau :
Mais le mot cent fois dit, venant de ce qu'on aime,
Semble nouveau.

Qu'il te porte au bonheur ! Moi, je reste à l'attendre,
Bien que, là-bas,
Je sens que je m'en vais, pour voir et pour entendre
Errer tes pas.

Ne te détourne point s'il passe une hirondelle
Par le chemin,
Car je crois que c'est moi qui passerai, fidèle,
Toucher ta main.

Tu t'en vas, tout s'en va ! Tout se met en voyage,
Lumière et fleurs,
Le bel été te suit, me laissant à l'orage,
Lourde de pleurs.

Mais si l'on ne vit plus que d'espoir et d'alarmes,
Cessant de voir,
Partageons pour le mieux : moi, je retiens les larmes,
Garde l'espoir.

Non, je ne voudrais pas, tant je te suis unie,
Te voir souffrir :
Souhaiter la douleur à sa moitié bénie,
C'est se haïr.
Soulève ta paupière close
Qu'effleure un songe virginal ;
Je suis le spectre d'une rose
Que tu portais hier au bal.
Tu me pris encore emperlée
Des pleurs d'argent de l'arrosoir,
Et parmi la fête étoilée
Tu me promenas tout le soir.

Ô toi qui de ma mort fus cause,
Sans que tu puisses le chasser
Toute la nuit mon spectre rose
A ton chevet viendra danser.
Mais ne crains rien, je ne réclame
Ni messe, ni De Profundis ;
Ce léger parfum est mon âme
Et j'arrive du paradis.

Mon destin fut digne d'envie :
Pour avoir un trépas si beau,
Plus d'un aurait donné sa vie,
Car j'ai ta gorge pour tombeau,
Et sur l'albâtre où je repose
Un poète avec un baiser
Ecrivit : Ci-gît une rose
Que tous les rois vont jalouser.

— The End —