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Voici le trou, voici l'échelle. Descendez.
Tandis qu'au corps de garde en face on joue aux dés
En riant sous le nez des matrones bourrues,
Laissez le crieur rauque, assourdissant les rues,
Proclamer le numide ou le dace aux abois,
Et, groupés sous l'auvent des échoppes de bois,
Les savetiers romains et les marchandes d'herbes
De la Minerve étrusque échanger les proverbes ;
Descendez.

Vous voilà dans un lieu monstrueux.
Enfer d'ombre et de boue aux porches tortueux,
Où les murs ont la lèpre, où, parmi les pustules,
Glissent les scorpions mêlés aux tarentules.
Morne abîme !

Au-dessus de ce plafond fangeux,
Dans les cieux, dans le cirque immense et plein de jeux,
Sur les pavés sabins, dallages centenaires,
Roulent les chars, les bruits, les vents et les tonnerres ;
Le peuple gronde ou rit dans le forum sacré ;
Le navire d'Ostie au port est amarré,
L'arc triomphal rayonne, et sur la borne agraire
Tettent, nus et divins, Rémus avec son frère
Romulus, louveteaux de la louve d'airain ;
Non ****, le fleuve Tibre épand son flot serein,
Et la vache au flanc roux y vient boire, et les buffles
Laissent en fils d'argent l'eau tomber de leurs mufles.

Le hideux souterrain s'étend dans tous les sens ;
Il ouvre par endroits sous les pieds des passants
Ses soupiraux infects et flairés par les truies ;
Cette cave se change en fleuve au temps des pluies
Vers midi, tout au bord du soupirail vermeil,
Les durs barreaux de fer découpent le soleil,
Et le mur apparaît semblable au dos des zèbres
Tout le reste est miasme, obscurité, ténèbres
Par places le pavé, comme chez les tueurs,
Paraît sanglant ; la pierre a d'affreuses sueurs
Ici l'oubli, la peste et la nuit font leurs œuvres
Le rat heurte en courant la taupe ; les couleuvres
Serpentent sur le mur comme de noirs éclairs ;
Les tessons, les haillons, les piliers aux pieds verts,
Les reptiles laissant des traces de salives,
La toile d'araignée accrochée aux solives,
Des mares dans les coins, effroyables miroirs,
Où nagent on ne sait quels êtres lents et noirs,
Font un fourmillement horrible dans ces ombres.
La vieille hydre chaos rampe sous ces décombres.
On voit des animaux accroupis et mangeant ;
La moisissure rose aux écailles d'argent
Fait sur l'obscur bourbier luire ses mosaïques
L'odeur du lieu mettrait en fuite des stoïques
Le sol partout se creuse en gouffres empestés
Et les chauves-souris volent de tous côtés
Comme au milieu des fleurs s'ébattent les colombes.
On croit, dans cette brume et dans ces catacombes,
Entendre bougonner la mégère Atropos ;
Le pied sent dans la nuit le dos mou des crapauds ;
L'eau pleure ; par moments quelque escalier livide
Plonge lugubrement ses marches dans le vide.
Tout est fétide, informe, abject, terrible à voir.
Le charnier, le gibet, le ruisseau, le lavoir,
Les vieux parfums rancis dans les fioles persanes,
Le lavabo vidé des pâles courtisanes,
L'eau lustrale épandue aux pieds des dieux menteurs,
Le sang des confesseurs et des gladiateurs,
Les meurtres, les festins, les luxures hardies,
Le chaudron renversé des noires Canidies,
Ce que Trimalcion ***** sur le chemin,
Tous les vices de Rome, égout du genre humain,
Suintent, comme en un crible, à travers cette voûte,
Et l'immonde univers y filtre goutte à goutte.
Là-haut, on vit, on teint ses lèvres de carmin,
On a le lierre au front et la coupe à la main,
Le peuple sous les fleurs cache sa plaie impure
Et chante ; et c'est ici que l'ulcère suppure.
Ceci, c'est le cloaque, effrayant, vil, glacé.
Et Rome tout entière avec tout son passé,
Joyeuse, souveraine, esclave, criminelle,
Dans ce marais sans fond croupit, fange éternelle.
C'est le noir rendez-vous de l'immense néant ;
Toute ordure aboutit à ce gouffre béant ;
La vieille au chef branlant qui gronde et qui soupire
Y vide son panier, et le monde l'empire.
L'horreur emplit cet antre, infâme vision.
Toute l'impureté de la création
Tombe et vient échouer sur cette sombre rive.
Au fond, on entrevoit, dans une ombre où n'arrive
Pas un reflet de jour, pas un souffle de vent,
Quelque chose d'affreux qui fut jadis vivant,
Des mâchoires, des yeux, des ventres, des entrailles,
Des carcasses qui font des taches aux murailles
On approche, et longtemps on reste l'œil fixé
Sur ce tas monstrueux, dans la bourbe enfoncé,
Jeté là par un trou redouté des ivrognes,
Sans pouvoir distinguer si ces mornes charognes
Ont une forme encor visible en leurs débris,
Et sont des chiens crevés ou des césars pourris.

Jersey, le 30 avril 1853.
Paul d'Aubin Mar 2016
Radio Matin, mars 2016

Radio Matin, mars 2016 ; Tu écoutes la radio du matin ne pouvant te replonger dans l’oubli Et les nouvelles ne vont pas vont pas bien Il paraît que les Grecs auraient abusé, Des subventions de l'Europe se seraient gavés. Et, qu’horrible angoisse, Picsou craint de ne point être remboursé. Mais où va-t-on, si les créanciers rechignent à payer leur dus ? Tu écoutes la radio du matin Et les nouvelles ne vont pas bien. Les banques aussitôt sortis du coma, ont refilé en douce leurs pertes sur le déficit des Etats et ainsi créés un grand branle-bas Et se sont mises comme l’usurier Shylock A provoquer de grands entrechocs. Tu écoutes la radio du matin Il parait que les «marchés» ont le bourdon Car les européens du sud auraient croqué tout le pognon. Les marchés en perdent leur latin De voir la « dolce Vita de tous ces profiteurs. Quant à l’Espagne n’en parlons même pas ! C’est certainement la faute de la sangria. Tu écoutes la radio du matin Et les nouvelles ne vont pas bien. Il va falloir travailler plus longtemps, et du code du travail si ventripotent décréter la grande disette, d’ailleurs Manuel l’a dit, l’ « ancien socialisme » n’est pas « moderne » car il ne se plie pas aux contraintes de ce que nos gourous savants, nous dictent comme étant « la Modernité », d'ailleurs la barbe de Jean  Jaurès ne fait pas assez jeune cadre dynamique ! Et puis il paraît que nous vivons trop longtemps et pour les fonds de pension cela est certes démoralisant. Pourtant ne souhaitons guère tous atteindre cent-ans, Et préférerions disposer librement de notre temps. Tu écoutes encore la radio du matin Et les nouvelles ne vont pas bien. Un tanker s’est est échoué Laissant le pétrole s'écouler, qui sera difficilement colmaté et tue mouettes et cormorans. Les centaines de milliers de réfugiés, souvent par nos propres bombes déplacés ont le toupet de vouloir partager l’espoir de vivre dans un oasis de Paix ; mais pour combien de temps encor, cette paix des cimetières peut-elle durer, et bous laisser consommer seuls dans nos lits pas toujours si douillets ?
Tu n'écoutes plus désormais la radio du matin et la télévision encore moins. Car toutes ces nouvelles te rendaient zinzin. Tu n’es plus sûr, du tout, de la vérité apportée dans cette Babel sonore et tu es consterné par une vision si étriquée de l’humain.
Comment pouvons-nous tant ingurgiter d’insignifiances où se noie la lucidité ? Comment pouvons-nous partager les vrais progrès des sciences et du creuset Mondial des pensées ? Sans jamais nous interroger et garder le nez au raz de cette marée d’informations non triées ? Comment avoir un bon usage d'un village planétaire si divisé ? Et comment redonner le goût de l’Humain pour le plus grand nombre à la participation aux choix dont nous sommes si souvent exclus bien que surinformés ?

Paul Arrighi (Toulouse le vendredi 18 mars 2016)
Under the family banner
talking about my nana
who was not fat,
I would say more rounded than that and
a Victorian lass
pince nez on her nose and a tin of *****,a pinch of
which went.. but that enough..
Did I say,she was not fat?
she was grounded in the roots of
cotton mills and rolling hills
and hobnailed clogs and miners boots,she's now long gone but fair play to her, she lived a good few years after reaching ninety one,I guess it was the Mackeson that helped her to live so very long.
Grandad,dad of my dad fought in the great war which brought him ****** all except a medal from the military for being outstanding in the fields of bravery,he battled Passchendaele each and every day until like all good men and soldiers he faded,faded slowly,slowly,slowly and marched quite vaguely somewhere far away.
My dad was a great dad a wait and then we'll see dad,a make your Sunday tea dad,but you never see the greatness when you're stood upon its shoulder,that only happens if you're lucky when you get a little older and I'm older now,able to look back and see how this family handed down to me,that look back into history.....
Donc, c'est moi qui suis l'ogre et le bouc émissaire.
Dans ce chaos du siècle où votre coeur se serre,
J'ai foulé le bon goût et l'ancien vers françois
Sous mes pieds, et, hideux, j'ai dit à l'ombre : « Sois ! »
Et l'ombre fut. -- Voilà votre réquisitoire.
Langue, tragédie, art, dogmes, conservatoire,
Toute cette clarté s'est éteinte, et je suis
Le responsable, et j'ai vidé l'urne des nuits.
De la chute de tout je suis la pioche inepte ;
C'est votre point de vue. Eh bien, soit, je l'accepte ;
C'est moi que votre prose en colère a choisi ;
Vous me criez : « Racca » ; moi je vous dis : « Merci ! »
Cette marche du temps, qui ne sort d'une église
Que pour entrer dans l'autre, et qui se civilise ;
Ces grandes questions d'art et de liberté,
Voyons-les, j'y consens, par le moindre côté,
Et par le petit bout de la lorgnette. En somme,
J'en conviens, oui, je suis cet abominable homme ;
Et, quoique, en vérité, je pense avoir commis,
D'autres crimes encor que vous avez omis.
Avoir un peu touché les questions obscures,
Avoir sondé les maux, avoir cherché les cures,
De la vieille ânerie insulté les vieux bâts,
Secoué le passé du haut jusques en bas,
Et saccagé le fond tout autant que la forme.
Je me borne à ceci : je suis ce monstre énorme,
Je suis le démagogue horrible et débordé,
Et le dévastateur du vieil A B C D ;
Causons.

Quand je sortis du collège, du thème,
Des vers latins, farouche, espèce d'enfant blême
Et grave, au front penchant, aux membres appauvris ;
Quand, tâchant de comprendre et de juger, j'ouvris
Les yeux sur la nature et sur l'art, l'idiome,
Peuple et noblesse, était l'image du royaume ;
La poésie était la monarchie ; un mot
Était un duc et pair, ou n'était qu'un grimaud ;
Les syllabes, pas plus que Paris et que Londres,
Ne se mêlaient ; ainsi marchent sans se confondre
Piétons et cavaliers traversant le pont Neuf ;
La langue était l'état avant quatre-vingt-neuf ;
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes :
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versailles aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l'argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l'ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqué d'une F ;
N'exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : « Qu'il s'en aille ;  »
Et Voltaire criait :  « Corneille s'encanaille ! »
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins ; je m'écriai :  « Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ? »
Et sur l'Académie, aïeule et douairière,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d'alexandrins carrés,

Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l'encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées ;
Et je dis :  « Pas de mot où l'idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d'azur ! »
Discours affreux ! -- Syllepse, hypallage, litote,
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les Huns les Scythes et les Daces,
N'étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
Guichardin a nommé le Borgia ! Tacite
Le Vitellius ! Fauve, implacable, explicite,
J'ôtai du cou du chien stupéfait son collier
D'épithètes ; dans l'herbe, à l'ombre du hallier,
Je fis fraterniser la vache et la génisse,
L'une étant Margoton et l'autre Bérénice.
Alors, l'ode, embrassant Rabelais, s'enivra ;
Sur le sommet du Pinde on dansait Ça ira ;
Les neuf muses, seins nus, chantaient la Carmagnole ;
L'emphase frissonna dans sa fraise espagnole ;
Jean, l'ânier, épousa la bergère Myrtil.
On entendit un roi dire : « Quelle heure est-il ? »
Je massacrais l'albâtre, et la neige, et l'ivoire,
Je retirai le jais de la prunelle noire,
Et j'osai dire au bras : « Sois blanc, tout simplement. »
Je violai du vers le cadavre fumant ;
J'y fis entrer le chiffre ; ô terreur! Mithridate
Du siège de Cyzique eût pu citer la date.
Jours d'effroi ! les Laïs devinrent des catins.
Force mots, par Restaut peignés tous les matins,

Et de Louis-Quatorze ayant gardé l'allure,
Portaient encor perruque ; à cette chevelure
La Révolution, du haut de son beffroi,
Cria : « Transforme-toi ! c'est l'heure. Remplis-toi
- De l'âme de ces mots que tu tiens prisonnière ! »
Et la perruque alors rugit, et fut crinière.
Liberté ! c'est ainsi qu'en nos rébellions,
Avec des épagneuls nous fîmes des lions,
Et que, sous l'ouragan maudit que nous soufflâmes,
Toutes sortes de mots se couvrirent de flammes.
J'affichai sur Lhomond des proclamations.
On y lisait : « Il faut que nous en finissions !
- Au panier les Bouhours, les Batteux, les Brossettes
- A la pensée humaine ils ont mis les poucettes.
- Aux armes, prose et vers ! formez vos bataillons !
- Voyez où l'on en est : la strophe a des bâillons !
- L'ode a des fers aux pieds, le drame est en cellule.
- Sur le Racine mort le Campistron pullule ! »
Boileau grinça des dents ; je lui dis :  « Ci-devant,
Silence ! » et je criai dans la foudre et le vent :
« Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe ! »
Et tout quatre-vingt-treize éclata. Sur leur axe,
On vit trembler l'athos, l'ithos et le pathos.
Les matassins, lâchant Pourceaugnac et Cathos,
Poursuivant Dumarsais dans leur hideux bastringue,
Des ondes du Permesse emplirent leur seringue.
La syllabe, enjambant la loi qui la tria,
Le substantif manant, le verbe paria,
Accoururent. On but l'horreur jusqu'à la lie.
On les vit déterrer le songe d'Athalie ;
Ils jetèrent au vent les cendres du récit
De Théramène ; et l'astre Institut s'obscurcit.
Oui, de l'ancien régime ils ont fait tables rases,
Et j'ai battu des mains, buveur du sang des phrases,
Quand j'ai vu par la strophe écumante et disant
Les choses dans un style énorme et rugissant,
L'Art poétique pris au collet dans la rue,
Et quand j'ai vu, parmi la foule qui se rue,
Pendre, par tous les mots que le bon goût proscrit,
La lettre aristocrate à la lanterne esprit.
Oui, je suis ce Danton ! je suis ce Robespierre !
J'ai, contre le mot noble à la longue rapière,
Insurgé le vocable ignoble, son valet,
Et j'ai, sur Dangeau mort, égorgé Richelet.
Oui, c'est vrai, ce sont là quelques-uns de mes crimes.
J'ai pris et démoli la bastille des rimes.
J'ai fait plus : j'ai brisé tous les carcans de fer
Qui liaient le mot peuple, et tiré de l'enfer
Tous les vieux mots damnés, légions sépulcrales ;
J'ai de la périphrase écrasé les spirales,
Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel
L'alphabet, sombre tour qui naquit de Babel ;
Et je n'ignorais pas que la main courroucée
Qui délivre le mot, délivre la pensée.

L'unité, des efforts de l'homme est l'attribut.
Tout est la même flèche et frappe au même but.

Donc, j'en conviens, voilà, déduits en style honnête,
Plusieurs de mes forfaits, et j'apporte ma tête.
Vous devez être vieux, par conséquent, papa,
Pour la dixième fois j'en fais meâ culpâ.
Oui, si Beauzée est dieu, c'est vrai, je suis athée.
La langue était en ordre, auguste, époussetée,
Fleur-de-lys d'or, Tristan et Boileau, plafond bleu,
Les quarante fauteuils et le trône au milieu ;
Je l'ai troublée, et j'ai, dans ce salon illustre,
Même un peu cassé tout ; le mot propre, ce rustre,
N'était que caporal : je l'ai fait colonel ;
J'ai fait un jacobin du pronom personnel ;
Dur participe, esclave à la tête blanchie,
Une hyène, et du verbe une hydre d'anarchie.

Vous tenez le reum confitentem. Tonnez !
J'ai dit à la narine : « Eh mais ! tu n'es qu'un nez !  »
J'ai dit au long fruit d'or : « Mais tu n'es qu'une poire !  »
J'ai dit à Vaugelas : « Tu n'es qu'une mâchoire ! »
J'ai dit aux mots : « Soyez république ! soyez
La fourmilière immense, et travaillez ! Croyez,
Aimez, vivez ! » -- J'ai mis tout en branle, et, morose,
J'ai jeté le vers noble aux chiens noirs de la prose.

Et, ce que je faisais, d'autres l'ont fait aussi ;
Mieux que moi. Calliope, Euterpe au ton transi,
Polymnie, ont perdu leur gravité postiche.
Nous faisons basculer la balance hémistiche.
C'est vrai, maudissez-nous. Le vers, qui, sur son front
Jadis portait toujours douze plumes en rond,
Et sans cesse sautait sur la double raquette
Qu'on nomme prosodie et qu'on nomme étiquette,
Rompt désormais la règle et trompe le ciseau,
Et s'échappe, volant qui se change en oiseau,
De la cage césure, et fuit vers la ravine,
Et vole dans les cieux, alouette divine.

Tous les mots à présent planent dans la clarté.
Les écrivains ont mis la langue en liberté.
Et, grâce à ces bandits, grâce à ces terroristes,
Le vrai, chassant l'essaim des pédagogues tristes,
L'imagination, tapageuse aux cent voix,
Qui casse des carreaux dans l'esprit des bourgeois ;
La poésie au front triple, qui rit, soupire
Et chante, raille et croit ; que Plaute et Shakspeare
Semaient, l'un sur la plebs, et l'autre sur le mob ;
Qui verse aux nations la sagesse de Job
Et la raison d'Horace à travers sa démence ;
Qu'enivre de l'azur la frénésie immense,
Et qui, folle sacrée aux regards éclatants,
Monte à l'éternité par les degrés du temps,

La muse reparaît, nous reprend, nous ramène,
Se remet à pleurer sur la misère humaine,
Frappe et console, va du zénith au nadir,
Et fait sur tous les fronts reluire et resplendir
Son vol, tourbillon, lyre, ouragan d'étincelles,
Et ses millions d'yeux sur ses millions d'ailes.

Le mouvement complète ainsi son action.
Grâce à toi, progrès saint, la Révolution
Vibre aujourd'hui dans l'air, dans la voix, dans le livre ;
Dans le mot palpitant le lecteur la sent vivre ;
Elle crie, elle chante, elle enseigne, elle rit,
Sa langue est déliée ainsi que son esprit.
Elle est dans le roman, parlant tout bas aux femmes.
Elle ouvre maintenant deux yeux où sont deux flammes,
L'un sur le citoyen, l'autre sur le penseur.
Elle prend par la main la Liberté, sa soeur,
Et la fait dans tout homme entrer par tous les pores.
Les préjugés, formés, comme les madrépores,
Du sombre entassement des abus sous les temps,
Se dissolvent au choc de tous les mots flottants,
Pleins de sa volonté, de son but, de son âme.
Elle est la prose, elle est le vers, elle est le drame ;
Elle est l'expression, elle est le sentiment,
Lanterne dans la rue, étoile au firmament.
Elle entre aux profondeurs du langage insondable ;
Elle souffle dans l'art, porte-voix formidable ;
Et, c'est Dieu qui le veut, après avoir rempli
De ses fiertés le peuple, effacé le vieux pli
Des fronts, et relevé la foule dégradée,
Et s'être faite droit, elle se fait idée !

Paris, janvier 1834.
Muse Reine
Tu veux et tu exiges que je me retienne
Que je ne m'exhibe pas au tout venant
Et que je ne bande que sur ordre exprès de toi
Le cachet de la poste faisant foi
A la minute heure seconde que tu t'es choisie
Pour me déguster à distance.
Tu dis que c'est la présence et non l'absence qui te stimule
Et tu me dis que je te manque
et que ma présence volcanique
Te couvre de toutes parts
en dépit de la distance.
Moi je m'interroge
Et je pense que c'est cette absence qui te met en transe
Et je veux t'aimer profondément dans cette distance
Comme tu n'as jamais été aimée. désirée, choyée, goûtée, savourée
Léchée, embrassée, pénétrée, visitée, hantée, caressée, avalée, touchée
Consommée, étreinte, engrossée, jouie, priée, chantée, dénudée
Comblée, tétée, mordillée, mouillées, aspergé, respectée
Mais pour cela il faut que ton âme et chair soient à nu
Et la nudité dans la distance passe par la photographie ou la vidéo
Et si tu veux que l'oiseau te respecte
Il faut que tu le fasses voler et siffler d'aise à ta vue
Car il n'aspire qu'à cela soir et matin :
Voler au-dessus de tes collines et tes plaines
Plonger dans tes lacs et rivières
Nager dans tes eaux poissonneuses
Plonger son bec dans ta chair ouverte et complice
Et en tirer des petits poissons multicolores et chanteurs
Chuchoter à ton oreille
Les mots qui te font fondre de rires et de désir
Ma muse précieuse et généreuse...
Alors pour t'être agréable ma bien-aimée
C 'est promis juré craché
Désormais je ne banderai plus que des yeux
Je ne banderai plus que des lèvres
Tu pourras me bander les yeux et me bâillonner les lèvres
Tant que tu voudras
Je banderai encore
Et si cela ne suffit pas
Pour te prouver mon amour
Je banderai aussi des oreilles et du nez
Je banderai des mains et des doigts de pieds
Je banderai de ma langue
Mi pangolin mi orphie
Je banderai de mon ombre
Une fois deux fois trois fois
Autant de fois qu'il le faudra
Ce ne sera jamais dans le vide
Car je banderai en toi
Et même l'air qui t'environne
Le soleil et la lune banderont de concert
Jusqu'à ce que nous soyons orphies nues, chair et arêtes en rut,
Sublimement réunis pour notre danse farandole et tantrique
Enfin retrouvée.
Quand je mourrai, ce soir peut-être,
Je n'ai pas de jour préféré,
Si je voulais, je suis le maître,
Mais... ce serait mal me connaître,
N'importe, enfin, quand je mourrai.

Mes chers amis, qu'on me promette
De laisser le bois... au lapin,
Et, s'il vous plaît, qu'on ne me mette
Pas, comme une simple allumette,
Dans une boîte de sapin ;

Ni, comme un hareng, dans sa tonne ;
Ne me couchez pas tout du long,
Pour le coup de fusil qui tonne,
Dans la bière qu'on capitonne
Sous sa couverture de plomb.

Car, je ne veux rien, je vous jure ;
Pas de cercueil ; quant au tombeau,
J'y ferais mauvaise figure,
Je suis peu fait pour la sculpture,
Je le refuse, fût-il beau.

Mon vœu jusque-là ne se hausse ;
Ça me laisserait des remords,
Je vous dis (ma voix n'est pas fausse) :
Je ne veux pas même la fosse,
Où sont les lions et les morts.

Je ne suis ni puissant ni riche,
Je ne suis rien que le toutou,
Que le toutou de ma Niniche ;
Je ne suis que le vieux caniche
De tous les gens de n'importe où.

Je ne veux pas que l'on m'enferre
Ni qu'on m'enmarbre, non, je veux
Tout simplement que l'on m'enterre,
En faisant un trou... dans ma Mère,
C'est le plus ardent de mes vœux.

Moi, l'enterrement qui m'enlève,
C'est un enterrement d'un sou,
Je trouve ça chic ! Oui, mon rêve,
C'est de pourrir, comme une fève ;
Et, maintenant, je vais dire où.

Eh ! pardieu ! c'est au cimetière
Près d'un ruisseau (prononcez l'Ar),
Du beau village de Pourrière
De qui j'implore une prière,
Oui, c'est bien à Pourrières, Var.

Croisez-moi les mains sous la tête,
Qu'on laisse mon œil gauche ouvert ;
Alors ma paix sera complète,
Vraiment je me fais une fête
D'être enfoui comme un pois vert.

Creusez-moi mon trou dans la terre,
Sous la bière, au fond du caveau,
Où tout à côté de son père,
Dort déjà ma petite mère,
Madame Augustine Nouveau.

Puis... comblez-moi de terre... fine,
Sur moi, replacez le cercueil ;
Que comme avant dorme Augustine !
Nous dormirons bien, j'imagine,
Fût-ce en ne dormant... que d'un œil.

Et... retournez-la sur le ventre,
Car, il ne faut oublier rien,
Pour qu'en son regard le mien entre,
Nous serons deux tigres dans l'antre
Mais deux tigres qui s'aiment bien.

Je serai donc avec les Femmes
Qui m'ont fait et qui m'ont reçu,
Bonnes et respectables Dames,
Dont l'une sans cœur et sans flammes
Pour le fruit qu'elles ont conçu.

Ah ! comme je vais bien m'étendre,
Avec ma mère sur mon nez.
Comme je vais pouvoir lui rendre
Les baisers qu'en mon âge tendre
Elle ne m'a jamais donnés.

Paix au caveau ! Murez la porte !
Je ressuscite, au dernier jour.
Entre mes bras je prends la Morte,
Je m'élève d'une aile forte,
Nous montons au ciel dans l'Amour.

Un point... important... qui m'importe,
Pour vous ça doit vous être égal,
Je ne veux pas que l'on m'emporte
Dans des habits d'aucune sorte,
Fût-ce un habit de carnaval.

Pas de suaire en toile bise...
Tiens ! c'est presque un vers de Gautier ;
Pas de linceul, pas de chemise ;
Puisqu'il faut que je vous le dise,
Nu, tout nu, mais nu tout entier.

Comme sans fourreau la rapière,
Comme sans gant du tout la main,
Nu comme un ver sous ma paupière,
Et qu'on ne grave sur leur pierre,
Qu'un nom, un mot, un seul, GERMAIN.

Fou de corps, fou d'esprit, fou d'âme,
De cœur, si l'on veut de cerveau,
J'ai fait mon testament, Madame ;
Qu'il reste entre vos mains de femme,
Dûment signé : GERMAIN NOUVEAU.
Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant
D'ivresse et de grandeur, le front vaste, riant
Comme un clairon d'airain, avec toute sa bouche,
Et prenant ce gros-là dans son regard farouche,
Le Forgeron parlait à Louis Seize, un jour
Que le Peuple était là, se tordant tout autour,
Et sur les lambris d'or traînant sa veste sale.
Or le bon roi, debout sur son ventre, était pâle,
Pâle comme un vaincu qu'on prend pour le gibet,
Et, soumis comme un chien, jamais ne regimbait,
Car ce maraud de forge aux énormes épaules
Lui disait de vieux mots et des choses si drôles,
Que cela l'empoignait au front, comme cela !
" Or tu sais bien, Monsieur, nous chantions tra la la
Et nous piquions les boeufs vers les sillons des autres :
Le Chanoine au soleil filait des patenôtres
Sur des chapelets clairs grenés de pièces d'or
Le Seigneur, à cheval, passait, sonnant du cor
Et l'un avec la hart, l'autre avec la cravache
Nous fouaillaient. - Hébétés comme des yeux de vache,
Nos yeux ne pleuraient plus ; nous allions, nous allions,
Et quand nous avions mis le pays en sillons,
Quand nous avions laissé dans cette terre noire
Un peu de notre chair.., nous avions un pourboire :
On nous faisait flamber nos taudis dans la nuit ;
Nos petits y faisaient un gâteau fort bien cuit. ...
" Oh ! je ne me plains pas. Je te dis mes bêtises,
C'est entre nous. J'admets que tu me contredises.
Or n'est-ce pas joyeux de voir au mois de juin
Dans les granges entrer des voitures de foin
Énormes ? De sentir l'odeur de ce qui pousse,
Des vergers quand il pleut un peu, de l'herbe rousse ?
De voir des blés, des blés, des épis pleins de grain,
De penser que cela prépare bien du pain ?...
Oh ! plus fort, on irait, au fourneau qui s'allume,
Chanter joyeusement en martelant l'enclume,
Si l'on était certain de pouvoir prendre un peu,
Étant homme, à la fin ! de ce que donne Dieu !
- Mais voilà, c'est toujours la même vieille histoire !

" Mais je sais, maintenant ! Moi, je ne peux plus croire,
Quand j'ai deux bonnes mains, mon front et mon marteau,
Qu'un homme vienne là, dague sur le manteau,
Et me dise : Mon gars, ensemence ma terre ;
Que l'on arrive encor quand ce serait la guerre,
Me prendre mon garçon comme cela, chez moi !
- Moi, je serais un homme, et toi, tu serais roi,
Tu me dirais : Je veux !... - Tu vois bien, c'est stupide.
Tu crois que j'aime voir ta baraque splendide,
Tes officiers dorés, tes mille chenapans,
Tes palsembleu bâtards tournant comme des paons :
Ils ont rempli ton nid de l'odeur de nos filles
Et de petits billets pour nous mettre aux Bastilles,
Et nous dirons : C'est bien : les pauvres à genoux !
Nous dorerons ton Louvre en donnant nos gros sous !
Et tu te soûleras, tu feras belle fête.
- Et ces Messieurs riront, les reins sur notre tête !

" Non. Ces saletés-là datent de nos papas !
Oh ! Le Peuple n'est plus une putain. Trois pas
Et, tous, nous avons mis ta Bastille en poussière.
Cette bête suait du sang à chaque pierre
Et c'était dégoûtant, la Bastille debout
Avec ses murs lépreux qui nous racontaient tout
Et, toujours, nous tenaient enfermés dans leur ombre !

- Citoyen ! citoyen ! c'était le passé sombre
Qui croulait, qui râlait, quand nous prîmes la tour !
Nous avions quelque chose au coeur comme l'amour.
Nous avions embrassé nos fils sur nos poitrines.
Et, comme des chevaux, en soufflant des narines
Nous allions, fiers et forts, et ça nous battait là...
Nous marchions au soleil, front haut, - comme cela, -
Dans Paris ! On venait devant nos vestes sales.
Enfin ! Nous nous sentions Hommes ! Nous étions pâles,
Sire, nous étions soûls de terribles espoirs :
Et quand nous fûmes là, devant les donjons noirs,
Agitant nos clairons et nos feuilles de chêne,
Les piques à la main ; nous n'eûmes pas de haine,
- Nous nous sentions si forts, nous voulions être doux !

" Et depuis ce jour-là, nous sommes comme fous !
Le tas des ouvriers a monté dans la rue,
Et ces maudits s'en vont, foule toujours accrue
De sombres revenants, aux portes des richards.
Moi, je cours avec eux assommer les mouchards :
Et je vais dans Paris, noir marteau sur l'épaule,
Farouche, à chaque coin balayant quelque drôle,
Et, si tu me riais au nez, je te tuerais !
- Puis, tu peux y compter tu te feras des frais
Avec tes hommes noirs, qui prennent nos requêtes
Pour se les renvoyer comme sur des raquettes
Et, tout bas, les malins ! se disent : " Qu'ils sont sots ! "
Pour mitonner des lois, coller de petits pots
Pleins de jolis décrets roses et de droguailles,
S'amuser à couper proprement quelques tailles.
Puis se boucher le nez quand nous marchons près d'eux,
- Nos doux représentants qui nous trouvent crasseux ! -
Pour ne rien redouter, rien, que les baïonnettes...,
C'est très bien. Foin de leur tabatière à sornettes !
Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats
Et de ces ventres-dieux. Ah ! ce sont là les plats
Que tu nous sers, bourgeois, quand nous sommes féroces,
Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses !... "
Il le prend par le bras, arrache le velours
Des rideaux, et lui montre en bas les larges cours
Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule,
La foule épouvantable avec des bruits de houle,
Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer,
Avec ses bâtons forts et ses piques de fer
Ses tambours, ses grands cris de halles et de bouges,
Tas sombre de haillons saignant de bonnets rouges :
L'Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout
Au roi pâle et suant qui chancelle debout,
Malade à regarder cela !
" C'est la Crapule,
Sire. Ça bave aux murs, ça monte, ça pullule :
- Puisqu'ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux !
Je suis un forgeron : ma femme est avec eux,
Folle ! Elle croit trouver du pain aux Tuileries !
- On ne veut pas de nous dans les boulangeries.
J'ai trois petits. Je suis crapule. - Je connais
Des vieilles qui s'en vont pleurant sous leurs bonnets
Parce qu'on leur a pris leur garçon ou leur fille :
C'est la crapule. - Un homme était à la Bastille,
Un autre était forçat : et tous deux, citoyens
Honnêtes. Libérés, ils sont comme des chiens :
On les insulte ! Alors, ils ont là quelque chose
Qui leur l'ait mal, allez ! C'est terrible, et c'est cause
Que se sentant brisés, que, se sentant damnés,
Ils sont là, maintenant, hurlant sous votre nez !
Crapule. - Là-dedans sont des filles, infâmes ,
Parce que, - vous saviez que c'est faible, les femmes, -
Messeigneurs de la cour, - que ça veut toujours bien, -
Vous avez craché sur l'âme, comme rien !
Vos belles, aujourd'hui, sont là. C'est la crapule.

" Oh ! tous les Malheureux, tous ceux dont le dos brûle
Sous le soleil féroce, et qui vont, et qui vont,
Qui dans ce travail-là sentent crever leur front...
Chapeau bas, mes bourgeois ! Oh ! ceux-là, sont les Hommes !
Nous sommes Ouvriers, Sire ! Ouvriers ! Nous sommes
Pour les grands temps nouveaux où l'on voudra savoir,
Où l'Homme forgera du matin jusqu'au soir
Chasseur des grands effets, chasseur des grandes causes,
Où, lentement vainqueur il domptera les choses
Et montera sur Tout, comme sur un cheval !
Oh ! splendides lueurs des forges ! Plus de mal,
Plus ! - Ce qu'on ne sait pas, c'est peut-être terrible :
Nous saurons ! - Nos marteaux en main, passons au crible
Tout ce que nous savons : puis, Frères, en avant !
Nous faisons quelquefois ce grand rêve émouvant
De vivre simplement, ardemment, sans rien dire
De mauvais, travaillant sous l'auguste sourire
D'une femme qu'on aime avec un noble amour :
Et l'on travaillerait fièrement tout le jour
Écoutant le devoir comme un clairon qui sonne :
Et l'on se sentirait très heureux ; et personne,
Oh ! personne, surtout, ne vous ferait ployer !
On aurait un fusil au-dessus du foyer...

" Oh ! mais l'air est tout plein d'une odeur de bataille !
Que te disais-je donc ? Je suis de la canaille !
Il reste des mouchards et des accapareurs.
Nous sommes libres, nous ! Nous avons des terreurs
Où nous nous sentons grands, oh ! si grands ! Tout à l'heure
Je parlais de devoir calme, d'une demeure...
Regarde donc le ciel ! - C'est trop petit pour nous,
Nous crèverions de chaud, nous serions à genoux !
Regarde donc le ciel ! - Je rentre dans la foule,
Dans la grande canaille effroyable, qui roule,
Sire, tes vieux canons sur les sales pavés :
- Oh ! quand nous serons morts, nous les aurons lavés
- Et si, devant nos cris, devant notre vengeance,
Les pattes des vieux rois mordorés, sur la France
Poussent leurs régiments en habits de gala,
Eh bien, n'est-ce pas, vous tous ? - Merde à ces chiens-là ! "

- Il reprit son marteau sur l'épaule.
La foule
Près de cet homme-là se sentait l'âme soûle,
Et, dans la grande cour dans les appartements,
Où Paris haletait avec des hurlements,
Un frisson secoua l'immense populace.
Alors, de sa main large et superbe de crasse,
Bien que le roi ventru suât, le Forgeron,
Terrible, lui jeta le bonnet rouge au front !
Paul d'Aubin Nov 2013
Les être, le cosmos, la terre et le vin
(Dédié à l’incomparable génie Charles Baudelaire)

Les ceps murissent longuement sous l’énigmatique lueur des cieux,
irisés par les ondes astrales du Cosmos et ses grands vents de feu.  
Des gelées de janvier aux averses d’avril, le vigneron soigne ses vignes.  
qui souffrent des fournaises de l’été jusqu’à la bouilloire dorée de l’automne.
Le vin est d’abord fruit des astres et des cieux, mais aussi de la patience et de l’art du vigneron.

Il y a une magie du vin qui vient sceller les noces mystiques de l’azur, de la terre, du cosmos et des graves.
Il existe dans le vin comme une consécration des noces d’or de la terre, des pierres et de l’azur,
Qui lui donne son caractère âpre ou velouté, son goût inimitable, sa vraie signature, son héraldique.
Un palais exercé saura toujours en déceler l’empreinte pour y trouver sa genèse et gouter ses merveilles.
Mais c’est le vigneron qui consacre ces noces avec son savoir, son doigté, sa manière d’opérer le grand œuvre des vendanges.


Le choix de la date des vendanges dépend de l’intuition humaine et correspond au sacre de l’automne.
Au moment où les grappes pèsent et ou les raisins sont gonflés comme de lourds pendentifs,
alors que les raisins mûrs sont prêts à sortir de leur enveloppe dorée pour se transformer en élixir.
Le vigneron prend la décision sacrale de celle dont dépend la qualité du vin à naître.
Et les vendanges vont se mener dans une atmosphère d’excitation et de sentiment de franchissement du danger.

Désormais le vin sorti du pressoir va murir dans des barriques de chêne
Le bois peut apporter sa chauffe méthodique afin que se mêlent au jus   des arômes de bois et de forêts,
C’est sûr, cette année, les forces de la nature et de l’Homme nous préparent un grand vin.
Aussi quel honneur et quel rite magique que d’en boire les premières gorgées dans des coupes d’argent ou des verres de cristal,
avant même que le vin ne soit fait et tiré pour en détecter les grands traits et les failles.

Enfin, vient le moment de boire, comme une élévation des cœurs et des esprits.
L’on ne boit bien qu’en groupe, qu’avec de vrais amis, sa chérie ou des belles.
Boire c’est d’abord humer et découvrir par le nez les secrets d’un terroir et des pampres,
puis humecter ses lèvres afin de s’imprégner des sucs et des saveurs,  
et puis boire surtout, c’est œuvre de finesse, d’expression de l’Esprit et de bonne humeur; qu’il y ait de l’ivresse, fort bien, mais jamais d’ivrognerie

Paul Arrighi ; Toulouse(France), le 3 novembre 2013
Adam était fort amoureux.
Maigre comme un clou, les yeux creux ;
Son Ève était donc bien heureuse
D'être sa belle Ève amoureuse,
Mais... fiez-vous donc à demain !
Un soir, en promenant sa main
Sur le moins beau torse du monde,
Ah !... sa surprise fut profonde !
Il manquait une côte... là.
Tiens ! Tiens ! que veut dire cela ?
Se dit Ève, en baissant la tête.
Mais comme Ève n'était pas bête,
Tout d'abord Ève ne fit rien
Que s'en assurer bel et bien.
« Vous, Madame, avec cette mine ?
Qu'avez-vous donc qui vous chagrine ? »
Lui dit Adam, le jour suivant.
« Moi, rien... dit Ève... c'est... le vent. »
Or, le vent donnait sous la plume,
Contrairement à sa coutume.
Un autre eût été dépité,
Mais comme il avait la gaieté
Inaltérable de son âge,
Il s'en fut à son jardinage
Tout comme si de rien n'était.

Cependant, Ève s'em...bêtait
Comme s'ennuie une Princesse.
« Il faut, nom de Dieu ! que ça cesse »,
Se dit Ève, d'un ton tranchant.
« Je veux le voir, oui, sur-le-champ »,
Je dirai : « Sire, il manque à l'homme
Une côte, c'est sûr ; en somme,
En général, ça ne fait rien,
Mais ce général, c'est le mien.
Il faut donc la lui donner vite.
Moi, j'ai mon compte, ça m'évite
De vous importuner ; mais lui,
N'a pas le sien, c'est un ennui.
Ce détail me gâte la fête.
Puisque je suis toute parfaite,
J'ai bien droit au mari parfait.
Il ne peut que dire : en effet »,
Ici la Femme devint... rose,

« Et s'il dit, prenant mal la chose :
« Ton Adam n'est donc plus tout nu !
Que lui-même il n'est pas venu ?
A-t-il sa langue dans sa poche ?
Sur la mèche où le cœur s'accroche,
La casquette à n'en plus finir ?
Est-il en train de devenir...
Soutenu ?... » Que répliquerai-je ?
La Femme ici devint... de neige.

Sitôt qu'Adam fut de retour
Ève passa ses bras autour
Du cou, le plus fort de son monde,
Et, renversant sa tête blonde,
Reçut deux grands baisers joyeux ;
Puis fermant à demi les yeux,
Pâmée au rire de sa bouche,
Elle l'attira vers sa couche,
Où, commençant à s'incliner,
L'on se mit à se lutiner.
Soudain : « Ah ! qu'as-tu là ? » fit Ève.
Adam parut sortir d'un rêve.
« Là... mais, rien... », dit-il. « Justement,
Tu n'as rien, comme c'est charmant !
Tu vois, il te manque une côte.
Après tout, ce n'est pas ta faute,
Tu ne dois pas te tourmenter ;
Mais sur l'heure, il faut tout quitter,
Aller voir le Prince, et lui dire
Ce qu'humblement ton cœur désire ;
Que tu veux ta côte, voilà.
Or, pour lui, qu'est-ce que cela ?
Moins que rien, une bagatelle. »
Et prenant sa voix d'Immortelle :
« Allons ! Monsieur... tout de ce pas. »
Ève changea de ritournelle,
Et lorsqu'Adam était... sur elle,
Elle répétait d'un ton las :
« Pourquoi, dis, que tu m'aimes pas ? »
« Mais puisque ça ne se voit pas »,
Dit Adam. « Ça se sent », dit Ève,
Avec sa voix sifflante et brève.

Adam partit à contrecœur,
Car dans le fond il avait peur
De dire, en cette conjoncture,
À l'Auteur de la créature :
Vous avez fait un pas de clerc
En ratant ma côte, c'est clair.
Sa démarche impliquait un blâme.
Mais il voulait plaire à sa femme.

Ève attendit une heure vingt
Bonnes minutes ; il revint
Souriant, la mine attendrie,
Et, baisant sa bouche fleurie,
L'étreignant de son bras musclé :
« Je ne l'ai pas, pourtant je l'ai.
Je la tiens bien puisque je t'aime,
Sans l'avoir, je l'ai tout de même. »

Ève, sentant que ça manquait
Toujours, pensa qu'il se moquait ;
Mais il lui raconta l'histoire
Qu'il venait d'apprendre, il faut croire,
De l'origine de son corps,
Qu'Ève était sa côte, et qu'alors...
La chose...

« Ah ! c'est donc ça..., dit-elle,
Que le jour, oui, je me rappelle,
Où nous nous sommes rencontrés
Dans les parterres diaprés,
Tu m'as, en tendant tes mains franches,
Dit : « Voici la fleur de mes branches,
Et voilà le fruit de ma chair ! »
« En effet, ma chère ! »

« Ah !... mon cher !
J'avais pris moi cette parole
Au figuré... Mais j'étais folle ! »

« Je t'avais prise au figuré
Moi-même », dit Adam, paré
De sa dignité fraîche éclose
Et qui lui prêtait quelque chose
Comme un ton de maître d'hôtel,
Déjà suffisamment mortel ;
« L'ayant dit un peu comme on tousse.
Vois, quand la vérité nous pousse,
Il faut la dire, malgré soi. »

« Je ne peux pas moi comme toi »,
Fut tout ce que répondit Ève.

La nuit s'en va, le jour se lève,
Adam saisit son arrosoir,
Et : « Ma belle enfant, à ce soir ! »
Sa belle enfant ! pauvre petite !
Elle, jadis sa... favorite,
Était son enfant, à présent.
Quoi ? Ce n'était pas suffisant
Qu'Adam n'eût toujours pas sa côte,
À présent c'était de sa faute !
Elle en avait les bras cassés !
Et ce n'était encore assez.
Il fallait cette côte absente
Qu'elle en parût reconnaissante !

Doux Jésus !
Tout fut bien changé.

Ève prit son air affligé,
Et lorsqu'Adam parmi les branches
Voyait bouder ses... formes blanches
Et que, ne pouvant s'en passer,
Il accourait, pour l'embrasser,
Tout rempli d'une envie affreuse :
« Ah ! que je suis donc malheureuse ! »
Disait Ève, qui s'affalait.

Enfin, un jour qu'Adam parlait
D'une voix trop brusque et trop haute :
« Pourquoi, dis, que t'as pas ta côte ? »

« Voyons ! vous vous... fichez de moi !
Tu le sais bien,... comment, c'est toi,
Toi, ma côte, qui se réclame ! »
« Ça n'empêche pas, dit la Femme,
À ta place, j'insisterais. »

« Si je faisais de nouveaux frais,
Dit Adam, j'aurais trop de honte.
Nous avons chacun notre compte,
Toi comme moi, tu le sais bien,
Et le Prince ne nous doit rien ;
Car nul en terme de boutique
Ne tient mieux son arithmétique. »
Ce raisonnement était fort,
Ève pourtant n'avait pas tort.

Sur ces entrefaites, la femme
S'en vint errer, le vague à l'âme,
Autour de l'arbre défendu.
Le serpent s'y trouvait pendu
Par la queue, il leva la tête.
« Ève, comme vous voilà faite ! »
Dit-il, en la voyant venir.

La pauvre Ève n'y put tenir ;
Elle lui raconta sa peine,
Et même fit voir... une veine.
Le bon Vieux en parut navré.
« Tiens ! Tiens ! dit-il ; c'est pourtant vrai.
Eh ! bien ! moi : j'ai votre remède ;
Et je veux vous venir en aide,
Car je sais où tout ça conduit.
Écoute-moi, prends de ce fruit. »
« Oh ! non ! » dit Ève « Et la défense ? »
« Ton prince est meilleur qu'il ne pense
Et ne peut vous faire mourir.
Prends cette pomme et va l'offrir
À ton mari, pour qu'il en mange,
Et, dit, entr'autres choses, l'Ange,
Parfaits alors, comme des Dieux,
En lui, plus de vide odieux !
Vois quelle épine je vous ôte.
Ce pauvre Adam aura sa côte. »
C'était tout ce qu'Ève voulait.
Le fruit était là qui parlait,
Ève étendît donc sa main blanche
Et le fit passer de la branche
Sous sa nuque, dans son chignon.

Ève trouva son compagnon
Qui dormait étendu sur l'herbe,
Dans une pose peu superbe,
Le front obscurci par l'ennui.

Ève s'assit auprès de lui,
Ève s'empara de la pomme,
Se tourna du côté de l'Homme
Et la plaçant bien sous son nez,
**** de ses regards étonnés :
« Tiens ! regarde ! la belle pêche ! »
- « Pomme », dit-il d'une voix sèche.
« Pêche ! Pêche ! » - « Pomme. » - « Comment ?
Ce fruit d'or, d'un rose charmant,
N'est pas une pomme bien ronde ?
Voyons !... demande à tout le monde ? »
- « Qui, tout le monde ? » Ève sourit :
« J'ai dit tout le monde ? » et reprit,
Lui prenant doucement la tête :
« Eh ! oui, c'est une pomme, bête,
Qui ne comprends pas qu'on voulait
T'attraper... Ah ! fi ! que c'est laid !
Pour me punir, mon petit homme,
Je vais t'en donner, de ma pomme. »
Et l'éclair de son ongle luit,
Qui se perd dans la peau du fruit.

On était au temps des cerises,
Et justement l'effort des brises,
Qui soufflait dans les cerisiers,
En fit tomber une à leurs pieds !

« Malheureuse ! que vas-tu faire ? »
Crie Adam, rouge de colère,
Qui soudain a tout deviné,
Veut se saisir du fruit damné,
Mais l'homme avait trouvé son maître.
« Je serai seule à la commettre »,
Dit Ève en éloignant ses bras,
Si hautaine... qu'il n'osa pas.

Puis très tranquillement, sans fièvres,
Ève met le fruit sur ses lèvres,
Ève le mange avec ses dents.

L'homme baissa ses yeux ardents
Et de ses mains voila sa face.

« Moi, que voulez-vous que j'y fasse ?
Dit Ève ; c'est mon bon plaisir ;
Je n'écoute que mon désir
Et je le contente sur l'heure.
Mieux que vous... qu'a-t-il donc ? il pleure !
En voulez-vous ?
Non, et pourquoi ?
Vous voyez, j'en mange bien, moi.
D'ailleurs, songez qu'après ma faute
Nous ne vivrons plus côte à côte,
On va nous séparer... c'est sûr,
On me l'a dit, par un grand mur.
En voulez-vous ? »
Lui, tout en larmes,
S'enfonçait, songeant à ses charmes,
Dans le royaume de Sa voix.
Enfin, pour la dernière fois
Prenant sa tête qu'Ève couche,
« En veux-tu, dis ? Ouvre ta bouche ! »

Et c'est ainsi qu'Adam mangea
À peu près tout, Ève déjà
N'en ayant pris qu'une bouchée ;
Mais Ève eût été bien fâchée
Du contraire, pour l'avenir.
Il a besoin de devenir
Dieu, bien plus que moi, pensait-Elle.

Quand l'homme nous l'eut baillé belle,
Tu sais ce qui lors arriva ;
Le pauvre Adam se retrouva
Plus bête qu'avant, par sa faute.
Car s'il eût su plaindre sa côte,
Son Ève alors n'eût point péché ;
De plus, s'il se fût attaché
À son Prince, du fond de l'âme,
S'il n'eût point écouté sa femme,
Ton cœur a déjà deviné
Que le Seigneur eût pardonné,
Le motif d'Ève, au fond valable,
N'ayant pas eu pour détestable
Suite la faute du mari.

Lequel plus **** fut bien chéri
Et bien dorloté par « sa chère »,
Mais quand, mécontent de la chère,
Il disait : « Je suis trop bon, moi !
- Sans doute, disait Ève, toi,
T'es-un-bon-bonhomme, sur terre,
Mais... tu n'as pas de caractère ! »
AP May 2017
Rentrez sortez discorde.
Je saigne du nez.
Et mes globules meurent en paix.
La fenêtre illumine ma corde.

Ma vie marginale.
Couleur rose de pastel.
Douleur du cœur mal réelle.
Lit pour faire du sale.

Je sais qu'on ne se connaît pas.
Sortez de ce salon.
Mon image mon rond.
Spam de panique je ne suis plus là.

L'ambulance arrive.
Je n'ai plus de vie.
Tout le monde crie.
Couleur vive.

Discorde rentrez sortez.
Discorde mort reporté.
Fable V, Livre IV.


Don pourceau, lâché dans la plaine,
S'émancipait à travers choux,
Flairant, fouillant dans tous les trous,
Et, dans l'espoir de quelque aubaine,
Mettant tout sens dessus dessous.
Du fait sa noble espèce est assez coutumière.
Or donc, après avoir ravagé maint terrier,
Saccagé mainte fourmilière,
Ecrasé mainte taupinière,
Mon galant va dans un guêpier
Donner la tête la première.
Vous devinez comment il y fut accueilli.
En un clin d'œil son nez immonde,
Par la peuplade furibonde,
De toutes parts est assailli.
Malgré l'épais abri du lard qui l'environne,
Ce pauvre nez paya pour toute la personne,
Et fut par l'aiguillon chatouillé jusqu'au bout.
Étourdis, prenez-y donc garde !
Vous voyez que l'on se hasarde
À mettre ainsi le nez partout.
Fou
Que je sois un fou, qu'on le dise,
Je trouve ça tout naturel,
Ayant eu ma part de bêtise
Et commis plus d'une sottise,
Depuis que je suis... temporel.

Je suis un fou, quel avantage,
Madame ! un fou, songez-y bien,
Peut crier... se tromper d'étage,
Vous proposer... le mariage,
On ne lui dira jamais rien,

C'est un fou ; mais lui peut tout dire,
Lâcher parfois un terme vil,
Dans ce cas le mieux c'est d'en rire,
Se fâcher serait du délire,
À quoi cela servirait-il ?

C'est un fou. Si c'est un bonhomme
Laissant les gens à leurs métiers,
Peu contrariant, calme... en somme,
Distinguant un nez d'une pomme,
On lui pardonne volontiers.

Donc, je suis fou, je le révèle.
Nous l'avons, Madame, en dormant,
Comme dit l'autre, échappé belle ;
J'aime mieux être un sans cervelle
Que d'être un sage, assurément.

Songez donc ! si j'étais un sage,
Je fuirais les joyeux dîners ;
Je n'oserais voir ton corsage ;
J'aurais un triste et long visage
Et des lunettes sur le nez ;

Mais, je ne suis qu'un fou, je danse,
Je tambourine avec mes doigts
Sur la vitre de l'existence.
Qu'on excuse mon insistance,
C'est un fou qu'il faut que je sois !

C'est trop fort, me dit tout le monde,
Qu'est-ce que vous nous chantez là ?
Pourquoi donc, partout à la ronde,
À la brune comme à la blonde,
Parler de la sorte ? - Ah ! voilà !

Je vais même plus ****, personne
Ne pourra jamais me guérir,
Ni la sagesse qui sermonne,
Ni le bon Dieu, ni la Sorbonne,
Et c'est fou que je veux mourir.

C'est fou que je mourrai du reste,
Mais oui, Madame, j'en suis sûr,
Et d'abord... de ton moindre geste,
Fou... de ton passage céleste
Qui laisse un parfum de fruit mûr,

De ton allure alerte et franche,
Oui, fou d'amour, oui, fou d'amour,
Fou de ton sacré... coup de hanche,
Qui vous fiche au cœur la peur... blanche,
Mieux... qu'un roulement de tambour ;

Fou de ton petit pied qui vole
Et que je suivrais n'importe où,
Je veux dire... au Ciel ;... ma parole !
J'admire qu'on ne soit pas folle,
Je plains celui qui n'est pas fou.
Parqués entre des bancs de chêne, aux coins d'église
Qu'attiédit puamment leur souffle, tous leurs yeux
Vers le choeur ruisselant d'orrie et la maîtrise
Aux vingt gueules gueulant les cantiques pieux ;

Comme un parfum de pain humant l'odeur de cire,
Heureux, humiliés comme des chiens battus,
Les Pauvres au bon Dieu, le patron et le sire,
Tendent leurs oremus risibles et têtus.

Aux femmes, c'est bien bon de faire des bancs lisses,
Après les six jours noirs ou Dieu les fait souffrir !
Elles bercent, tordus dans d'étranges pelisses,
Des espèces d'enfants qui pleurent à mourir.

Leurs seins crasseux dehors, ces mangeuses de soupe,
Une prière aux yeux et ne priant jamais,
Regardent parader mauvaisement un groupe
De gamines avec leurs chapeaux déformés.

Dehors, le froid, la faim, l'homme en ribote :
C'est bon. Encore une heure ; après, les maux sans noms !
- Cependant, alentour, geint, nasille, chuchote
Une collection de vieilles à fanons :

Ces effarés y sont et ces épileptiques
Dont on se détournait hier aux carrefours ;
Et, fringalant du nez dans des missels antiques,
Ces aveugles qu'un chien introduit dans les cours.

Et tous, bavant la foi mendiante et stupide,
Récitent la complainte infinie à Jésus,
Qui rêve en haut, jauni par le vitrail livide,
**** des maigres mauvais et des méchants pansus,

**** des senteurs de viande et d'étoffes moisies,
Farce prostrée et sombre aux gestes repoussants ;
- Et l'oraison fleurit d'expressions choisies,
Et les mysticités prennent des tons pressants,

Quand, des nefs où périt le soleil, plis de soie
Banals, sourires verts, les Dames des quartiers
Distingués, - ô Jésus ! - les malades du foie
Font baiser leurs longs doigts jaunes aux bénitiers.
Ô temps miraculeux ! ô gaîtés homériques !
Ô rires de l'Europe et des deux Amériques !
Croûtes qui larmoyez ! bons dieux mal accrochés
Qui saignez dans vos coins ! madones qui louchez !
Phénomènes vivants ! ô choses inouïes !
Candeurs ! énormités au jour épanouies !
Le goudron déclaré fétide par le suif,
Judas flairant Shylock et criant : c'est un juif !
L'arsenic indigné dénonçant la morphine,
La hotte injuriant la borne, Messaline
Reprochant à Goton son regard effronté,
Et Dupin accusant Sauzet de lâcheté !

Oui, le vide-gousset flétrit le tire-laine,
Falstaff montre du doigt le ventre de Silène,
Lacenaire, pudique et de rougeur atteint,
Dit en baissant les yeux : J'ai vu passer Castaing !

Je contemple nos temps. J'en ai le droit, je pense.
Souffrir étant mon lot, rire est ma récompense.
Je ne sais pas comment cette pauvre Clio
Fera pour se tirer de cet imbroglio.
Ma rêverie au fond de ce règne pénètre,
Quand, ne pouvant dormir, la nuit, à ma fenêtre,
Je songe, et que là-bas, dans l'ombre, à travers l'eau,
Je vois briller le phare auprès de Saint-Malo.

Donc ce moment existe ! il est ! Stupeur risible !
On le voit ; c'est réel, et ce n'est pas possible.
L'empire est là, refait par quelques sacripants.
Bonaparte le Grand dormait. Quel guet-apens !
Il dormait dans sa tombe, absous par la patrie.
Tout à coup des brigands firent une tuerie
Qui dura tout un jour et du soir au matin ;
Napoléon le Nain en sortit. Le destin,
De l'expiation implacable ministre,
Dans tout ce sang versé trempa son doigt sinistre
Pour barbouiller, affront à la gloire en lambeau,
Cette caricature au mur de ce tombeau.

Ce monde-là prospère. Il prospère, vous dis-je !
Embonpoint de la honte ! époque callipyge !
Il trône, ce cokney d'Eglinton et d'Epsom,
Qui, la main sur son cœur, dit : Je mens, ergo sum.
Les jours, les mois, les ans passent ; ce flegmatique,
Ce somnambule obscur, brusquement frénétique,
Que Schœlcher a nommé le président Obus,
Règne, continuant ses crimes en abus.
Ô spectacle ! en plein jour, il marche et se promène,
Cet être horrible, insulte à la figure humaine !
Il s'étale effroyable, ayant tout un troupeau
De Suins et de Fortouls qui vivent sur sa peau,
Montrant ses nudités, cynique, infâme, indigne,
Sans mettre à son Baroche une feuille de vigne !
Il rit de voir à terre et montre à Machiavel
Sa parole d'honneur qu'il a tuée en duel.
Il sème l'or ; - venez ! - et sa largesse éclate.
Magnan ouvre sa griffe et Troplong tend sa patte.
Tout va. Les sous-coquins aident le drôle en chef.
Tout est beau, tout est bon, et tout est juste ; bref,
L'église le soutient, l'opéra le constate.
Il vola ! Te Deum. Il égorgea ! cantate.

Lois, mœurs, maître, valets, tout est à l'avenant.
C'est un bivouac de gueux, splendide et rayonnant.
Le mépris bat des mains, admire, et dit : courage !
C'est hideux. L'entouré ressemble à l'entourage.
Quelle collection ! quel choix ! quel Œil-de-boeuf !
L'un vient de Loyola, l'autre vient de Babeuf !
Jamais vénitiens, romains et bergamasques
N'ont sous plus de sifflets vu passer plus de masques.
La société va sans but, sans jour, sans droit,
Et l'envers de l'habit est devenu l'endroit.
L'immondice au sommet de l'état se déploie.
Les chiffonniers, la nuit, courbés, flairant leur proie,
Allongent leurs crochets du côté du sénat.
Voyez-moi ce coquin, normand, corse, auvergnat :
C'était fait pour vieillir bélître et mourir cuistre ;
C'est premier président, c'est préfet, c'est ministre.
Ce truand catholique au temps jadis vivait
Maigre, chez Flicoteaux plutôt que chez Chevet ;
Il habitait au fond d'un bouge à tabatière
Un lit fait et défait, hélas, par sa portière,
Et griffonnait dès l'aube, amer, affreux, souillé,
Exhalant dans son trou l'odeur d'un chien mouillé.
Il conseille l'état pour ving-cinq mille livres
Par an. Ce petit homme, étant teneur de livres
Dans la blonde Marseille, au pays du mistral,
Fit des faux. Le voici procureur général.
Celui-là, qui courait la foire avec un singe,
Est député ; cet autre, ayant fort peu de linge,
Sur la pointe du pied entrait dans les logis
Où bâillait quelque armoire aux tiroirs élargis,
Et du bourgeois absent empruntait la tunique
Nul mortel n'a jamais, de façon plus cynique,
Assouvi le désir des chemises d'autrui ;
Il était grinche hier, il est juge aujourd'hui.
Ceux-ci, quand il leur plaît, chapelains de la clique,
Au saint-père accroupi font pondre une encyclique ;
Ce sont des gazetiers fort puissants en haut lieu,
Car ils sont les amis particuliers de Dieu
Sachez que ces béats, quand ils parlent du temple
Comme de leur maison, n'ont pas tort ; par exemple,
J'ai toujours applaudi quand ils ont affecté
Avec les saints du ciel des airs d'intimité ;
Veuillot, certe, aurait pu vivre avec Saint-Antoine.
Cet autre est général comme on serait chanoine,
Parce qu'il est très gras et qu'il a trois mentons.
Cet autre fut escroc. Cet autre eut vingt bâtons
Cassés sur lui. Cet autre, admirable canaille,
Quand la bise, en janvier, nous pince et nous tenaille,
D'une savate oblique écrasant les talons,
Pour se garer du froid mettait deux pantalons
Dont les trous par bonheur n'étaient pas l'un sur l'autre.
Aujourd'hui, sénateur, dans l'empire il se vautre.
Je regrette le temps que c'était dans l'égout.
Ce ventre a nom d'Hautpoul, ce nez a nom d'Argout.
Ce prêtre, c'est la honte à l'état de prodige.
Passons vite. L'histoire abrège, elle rédige
Royer d'un coup de fouet, Mongis d'un coup de pied,
Et fuit. Royer se frotte et Mongis se rassied ;
Tout est dit. Que leur fait l'affront ? l'opprobre engraissé.
Quant au maître qui hait les curieux, la presse,
La tribune, et ne veut pour son règne éclatant
Ni regards, ni témoins, il doit être content
Il a plus de succès encor qu'il n'en exige ;
César, devant sa cour, son pouvoir, son quadrige,
Ses lois, ses serviteurs brodés et galonnés,
Veut qu'on ferme les veux : on se bouche le nez.

Prenez ce Beauharnais et prenez une loupe ;
Penchez-vous, regardez l'homme et scrutez la troupe.
Vous n'y trouverez pas l'ombre d'un bon instinct.
C'est vil et c'est féroce. En eux l'homme est éteint
Et ce qui plonge l'âme en des stupeurs profondes,
C'est la perfection de ces gredins immondes.

À ce ramas se joint un tas d'affreux poussahs,
Un tas de Triboulets et de Sancho Panças.
Sous vingt gouvernements ils ont palpé des sommes.
Aucune indignité ne manque à ces bonshommes ;
Rufins poussifs, Verrès goutteux, Séjans fourbus,
Selles à tout tyran, sénateurs omnibus.
On est l'ancien soudard, on est l'ancien bourgmestre ;
On tua Louis seize, on vote avec de Maistre ;
Ils ont eu leur fauteuil dans tous les Luxembourgs ;
Ayant vu les Maurys, ils sont faits aux Sibours ;
Ils sont gais, et, contant leurs antiques bamboches,
Branlent leurs vieux gazons sur leurs vieilles caboches.
Ayant été, du temps qu'ils avaient un cheveu,
Lâches sous l'oncle, ils sont abjects sous le neveu.
Gros mandarins chinois adorant le tartare,
Ils apportent leur cœur, leur vertu, leur catarrhe,
Et prosternent, cagneux, devant sa majesté
Leur bassesse avachie en imbécillité.

Cette bande s'embrasse et se livre à des joies.
Bon ménage touchant des vautours et des oies !

Noirs empereurs romains couchés dans les tombeaux,
Qui faisiez aux sénats discuter les turbots,
Toi, dernière Lagide, ô reine au cou de cygne,
Prêtre Alexandre six qui rêves dans ta vigne,
Despotes d'Allemagne éclos dans le Rœmer,
Nemrod qui hais le ciel, Xercès qui bats la mer,
Caïphe qui tressas la couronne d'épine,
Claude après Messaline épousant Agrippine,
Caïus qu'on fit césar, Commode qu'on fit dieu,
Iturbide, Rosas, Mazarin, Richelieu,
Moines qui chassez Dante et brisez Galilée,
Saint-office, conseil des dix, chambre étoilée,
Parlements tout noircis de décrets et d'olims,
Vous sultans, les Mourads, les Achmets, les Sélims,
Rois qu'on montre aux enfants dans tous les syllabaires,
Papes, ducs, empereurs, princes, tas de Tibères !
Bourreaux toujours sanglants, toujours divinisés,
Tyrans ! enseignez-moi, si vous le connaissez,
Enseignez-moi le lieu, le point, la borne où cesse
La lâcheté publique et l'humaine bassesse !

Et l'archet frémissant fait bondir tout cela !
Bal à l'hôtel de ville, au Luxembourg gala.
Allons, juges, dansez la danse de l'épée !
Gambade, ô Dombidau, pour l'onomatopée !
Polkez, Fould et Maupas, avec votre écriteau,
Toi, Persil-Guillotine, au profil de couteau !

Ours que Boustrapa montre et qu'il tient par la sangle,
Valsez, Billault, Parieu, Drouyn, Lebœuf, Delangle !
Danse, Dupin ! dansez, l'horrible et le bouffon !
Hyènes, loups, chacals, non prévus par Buffon,
Leroy, Forey, tueurs au fer rongé de rouilles,
Dansez ! dansez, Berger, d'Hautpoul, Murat, citrouilles !

Et l'on râle en exil, à Cayenne, à Blidah !
Et sur le Duguesclin, et sur le Canada,
Des enfants de dix ans, brigands qu'on extermine,
Agonisent, brûlés de fièvre et de vermine !
Et les mères, pleurant sous l'homme triomphant,
Ne savent même pas où se meurt leur enfant !
Et Samson reparaît, et sort de ses retraites !
Et, le soir, on entend, sur d'horribles charrettes
Qui traversent la ville et qu'on suit à pas lents,
Quelque chose sauter dans des paniers sanglants !
Oh ! laissez ! laissez-moi m'enfuir sur le rivage !
Laissez-moi respirer l'odeur du flot sauvage !
Jersey rit, terre libre, au sein des sombres mers ;
Les genêts sont en fleur, l'agneau paît les prés verts ;
L'écume jette aux rocs ses blanches mousselines ;
Par moments apparaît, au sommet des collines,
Livrant ses crins épars au vent âpre et joyeux,
Un cheval effaré qui hennit dans les cieux !

Jersey, le 24 mai 1853.
Sur la corde tendue un jeune voltigeur
Apprenait à danser ; et déjà son adresse,
Ses tours de force, de souplesse,
Faisaient venir maint spectateur.
Sur son étroit chemin on le voit qui s'avance,
Le balancier en main, l'air libre, le corps droit,
Hardi, léger autant qu'adroit ;
Il s'élève, descend, va, vient, plus haut s'élance,
Retombe, remonte en cadence,
Et, semblable à certains oiseaux
Qui rasent en volant la surface des eaux,
Son pied touche, sans qu'on le voie,
À la corde qui plie et dans l'air le renvoie.
Notre jeune danseur, tout fier de son talent,
Dit un jour : à quoi bon ce balancier pesant
Qui me fatigue et m'embarrasse ?
Si je dansais sans lui, j'aurais bien plus de grâce,
De force et de légèreté.
Aussitôt fait que dit. Le balancier jeté,
Notre étourdi chancelle, étend les bras, et tombe.
Il se cassa le nez, et tout le monde en rit.
Jeunes gens, jeunes gens, ne vous a-t-on pas dit
Que sans règle et sans frein tôt ou **** on succombe ?
La vertu, la raison, les lois, l'autorité,
Dans vos désirs fougueux vous causent quelque peine ;
C'est le balancier qui vous gêne,
Mais qui fait votre sûreté.
Fable XI, Livre I.


Un bon chien de berger, au coin d'une forêt,
Rencontre un jour un chien d'arrêt.
On a bientôt fait connaissance.
À quelques pas, d'abord, on s'est considéré,
L'oreille en l'air ; puis on s'avance ;
Puis, en virant la queue, on flaire, on est flairé ;
Puis enfin l'entretien commence.
Vous, ici ! dit avec un ris des plus malins,
Au gardeur de brebis, le coureur de lapins ;
Qui vous amène au bois ? Si j'en crois votre race,
Mon ami, ce n'est pas la chasse.
Tant pis ! c'est un métier si noble pour un chien !
Il exige, il est vrai, l'esprit et le courage,
Un nez aussi fin que le mien,
Et quelques mois d'apprentissage.
S'il est ainsi, répond, d'un ton simple et soumis,
Au coureur de lapins, le gardeur de brebis,
Je bénis d'autant plus le sort qui nous rassemble.
Un loup, la terreur du canton,
Vient de nous voler un mouton ;
Son fort est près d'ici, donnons-lui chasse ensemble.
Si vous avez quelque loisir,
Je vous promets gloire et plaisir,
Les loups se battent à merveille ;
Vingt fois par eux au cou je me suis vu saisir ;
Mais on peut au fermier rapporter leurs oreilles ;
Notre porte en fait foi. Marchons donc. Qui fut pris ?
Ce fut le chien d'arrêt. Moins courageux que traître,
Comme aux lapins, parfois il chassait aux perdrix ;
Mais encor fallait-il qu'il fût avec son maître.
« Serviteur ; à ce jeu je n'entends rien du tout.
J'aime la chasse et non la guerre :
Tu cours sur l'ennemi debout,
Et moi j'attends qu'il soit par terre. »
I.

Le nez rouge, la face blême,
Sur un pupitre de glaçons,
L'Hiver exécute son thème
Dans le quatuor des saisons.

Il chante d'une voix peu sûre
Des airs vieillots et chevrotants ;
Son pied glacé bat la mesure
Et la semelle en même temps ;

Et comme Haendel, dont la perruque
Perdait sa farine en tremblant,
Il fait envoler de sa nuque
La neige qui la poudre à blanc.

II.

Dans le bassin des Tuileries,
Le cygne s'est pris en nageant,
Et les arbres, comme aux féeries,
Sont en filigrane d'argent.

Les vases ont des fleurs de givre,
Sous la charmille aux blancs réseaux ;
Et sur la neige on voit se suivre
Les pas étoilés des oiseaux.

Au piédestal où, court-vêtue,
Vénus coudoyait Phocion,
L'Hiver a posé pour statue
La Frileuse de Clodion.

III.

Les femmes passent sous les arbres
En martre, hermine et menu-vair,
Et les déesses, frileux marbres,
Ont pris aussi l'habit d'hiver.

La Vénus Anadyomène
Est en pelisse à capuchon ;
Flore, que la brise malmène,
Plonge ses mains dans son manchon.

Et pour la saison, les bergères
De Coysevox et de Coustou,
Trouvant leurs écharpes légères,
Ont des boas autour du cou.

IV.

Sur la mode Parisienne
Le Nord pose ses manteaux lourds,
Comme sur une Athénienne
Un Scythe étendrait sa peau d'ours.

Partout se mélange aux parures
Dont Palmyre habille l'Hiver,
Le faste russe des fourrures
Que parfume le vétyver.

Et le Plaisir rit dans l'alcôve
Quand, au milieu des Amours nus,
Des poils roux d'une bête fauve
Sort le torse blanc de Vénus.

V.

Sous le voile qui vous protège,
Défiant les regards jaloux,
Si vous sortez par cette neige,
Redoutez vos pieds andalous ;

La neige saisit comme un moule
L'empreinte de ce pied mignon
Qui, sur le tapis blanc qu'il foule,
Signe, à chaque pas, votre nom.

Ainsi guidé, l'époux morose
Peut parvenir au nid caché
Où, de froid la joue encor rose,
A l'Amour s'enlace Psyché.
Ô toi qui dans mon âme vibres,
Ô mon cher esprit familier,
Les espaces sont clairs et libres ;
J'y consens, défais ton collier,

Mêle les dieux, confonds les styles,
Accouple au poean les agnus ;
Fais dans les grands cloîtres hostiles
Danser les nymphes aux seins nus.

Sois de France, sois de Corinthe,
Réveille au bruit de ton clairon
Pégase fourbu qu'on éreinte
Au vieux coche de Campistron.

Tresse l'acanthe et la liane ;
Grise l'augure avec l'abbé ;
Que David contemple Diane,
Qu'Actéon guette Bethsabé.

Du nez de Minerve indignée
Au crâne chauve de saint Paul
Suspends la toile d'araignée
Qui prendra les rimes au vol.

Fais rire Marion courbée
Sur les oegipans ahuris.
Cours, saute, emmène Alphésibée
Souper au Café de Paris.

Sois ***, hardi, glouton, vorace ;
Flâne, aime ; sois assez coquin
Pour rencontrer parfois Horace
Et toujours éviter Berquin.

Peins le nu d'après l'Homme antique,
Païen et biblique à la fois,
Constate la pose plastique
D'Ève ou de Rhée au fond des bois.

Des amours observe la mue.
Défais ce que les pédants font,
Et, penché sur l'étang, remue
L'art poétique jusqu'au fond.

Trouble La Harpe, ce coq d'Inde,
Et Boileau, dans leurs sanhédrins ;
Saccage tout ; jonche le Pinde
De césures d'alexandrins.

Prends l'abeille pour soeur jumelle ;
Aie, ô rôdeur du frais vallon,
Un alvéole à miel, comme elle,
Et, comme elle, un brave aiguillon.

Plante là toute rhétorique,
Mais au vieux bon sens fais écho ;
Monte en croupe sur la bourrique,
Si l'ânier s'appelle Sancho.

Qu'Argenteuil soit ton Pausilippe.
Sois un peu diable, et point démon,
Joue, et pour Fanfan la Tulipe
Quitte Ajax fils de Télamon.

Invente une églogue lyrique
Prenant terre au bois de Meudon,
Où le vers danse une pyrrhique
Qui dégénère en rigodon.

Si Loque, Coche, Graille et Chiffe
Dans Versailles viennent à toi,
Présente galamment la griffe
À ces quatre filles de roi.

Si Junon s'offre, fais ta tâche ;
Fête Aspasie, admets Ninon ;
Si Goton vient, sois assez lâche
Pour rire et ne pas dire : Non.

Sois le chérubin et l'éphèbe.
Que ton chant libre et disant tout
Vole, et de la lyre de Thèbe
Aille au mirliton de Saint-Cloud.

Qu'en ton livre, comme au bocage,
On entende un hymne, et jamais
Un bruit d'ailes dans une cage !
Rien des bas-fonds, tout des sommets !

Fais ce que tu voudras, qu'importe !
Pourvu que le vrai soit content ;
Pourvu que l'alouette sorte
Parfois de ta strophe en chantant ;

Pourvu que Paris où tu soupes
N'ôte rien à ton naturel ;
Que les déesses dans tes groupes
Gardent une lueur du ciel ;

Pourvu que la luzerne pousse
Dans ton idylle, et que Vénus
Y trouve une épaisseur de mousse
Suffisante pour ses pieds nus ;

Pourvu que Grimod la Reynière
Signale à Brillat-Savarin
Une senteur de cressonnière
Mêlée à ton hymne serein ;

Pourvu qu'en ton poème tremble
L'azur réel des claires eaux ;
Pourvu que le brin d'herbe semble
Bon au nid des petits oiseaux ;

Pourvu que Psyché soit baisée
Par ton souffle aux cieux réchauffé ;
Pourvu qu'on sente la rosée
Dans ton vers qui boit du café.
Au premier regard
Une photo noir et blanc
Révélée d'une pellicule Kodak Ilford Agfa Fuji 50 asa
Qui flotte dans un bain d'arrêt entre alcalin et câlin.
Au deuxième regard
Un sourire mutin tatin
Mâtin lutin satin
Qui dévoile des fossettes sans retouches.
Au troisième regard
Un film ancien
Hitchkock, Preminguer
Une héroïne, une sainte
Jeanne d'Arc .
Au quatrième regard
Le désir d'en savoir plus
Sur cette Jean Seberg ressuscitée,
Reine de Saba virtuelle.
Regard sur le texte court et concis :
"Cherche homme vrai et honnête
A vingt kilomètres maximum."
Au sixième regard
Regard sur moi même dans le miroir
Vrai? Honnête?
En tout cas pas faux ni malhonnête.
Ni faux nez ni faux profil.
Et une interrogation.
Vrai et honnête égale nu et sincère ?
Au septième regard j'ai eu envie de vous dire
Que j'existais à 20 kilomètres de vous
Et je me suis présenté sur papuer glacé
Et vous m'avez dit tout simplement
A bientôt.
Deux petits mots si simples
Une préposition et un adverbe
Porteurs de tant de sens propres
et figurés.
Ainsi commence notre aventure
Et je nous souhaite bon vent
Mutin satin mâtin lutin tatin
Et des milliers d'autres regards
Nus et sincères
Ou pour utiliser votre syntaxe
Vrais et honnêtes.
I


Souffle, bise ! Tombe à flots, pluie !

Dans mon palais, tout noir de suie,

Je ris de la pluie et du vent ;

En attendant que l'hiver fuie,

Je reste au coin du feu, rêvant.


C'est moi qui suis l'esprit de l'âtre !

Le gaz, de sa langue bleuâtre,

Lèche plus doucement le bois ;

La fumée, en filet d'albâtre,

Monte et se contourne à ma voix.


La bouilloire rit et babille ;

La flamme aux pieds d'argent sautille

En accompagnant ma chanson ;

La bûche de duvet s'habille ;

La sève bout dans le tison.


Le soufflet au râle asthmatique,

Me fait entendre sa musique ;

Le tournebroche aux dents d'acier

Mêle au concerto domestique

Le tic-tac de son balancier.


Les étincelles réjouies,

En étoiles épanouies,

vont et viennent, croisant dans l'air,

Les salamandres éblouies,

Au ricanement grêle et clair.


Du fond de ma cellule noire,

Quand Berthe vous conte une histoire,

Le Chaperon ou l'Oiseau bleu,

C'est moi qui soutiens sa mémoire,

C'est moi qui fais taire le feu.


J'étouffe le bruit monotone

du rouet qui grince et bourdonne ;

J'impose silence au matou ;

Les heures s'en vont, et personne

N'entend le timbre du coucou.


Pendant la nuit et la journée,

Je chante sous la cheminée ;

Dans mon langage de grillon,

J'ai, des rebuts de son aînée,

Souvent consolé Cendrillon.


Le renard glapit dans le piège ;

Le loup, hurlant de faim, assiège

La ferme au milieu des grands bois ;

Décembre met, avec sa neige,

Des chemises blanches aux toits.


Allons, *****, pétille et flambe ;

Courage, farfadet ingambe,

Saute, bondis plus haut encore ;

Salamandre, montre ta jambe,

Lève, en dansant, ton jupon d'or.


Quel plaisir ! Prolonger sa veille,

Regarder la flamme vermeille

Prenant à deux bras le tison ;

A tous les bruits prêter l'oreille ;

Entendre vivre la maison !


Tapi dans sa niche bien chaude,

Sentir l'hiver qui pleure et rôde,

Tout blême et le nez violet,

Tâchant de s'introduire en fraude

Par quelque fente du volet.


Souffle, bise ! Tombe à flots, pluie !

Dans mon palais, tout noir de suie,

Je ris de la pluie et du vent ;

En attendant que l'hiver fuie

Je reste au coin du feu, rêvant.


II


Regardez les branches,

Comme elles sont blanches ;

Il neige des fleurs !

Riant dans la pluie,

Le soleil essuie

Les saules en pleurs,

Et le ciel reflète

Dans la violette,

Ses pures couleurs.


La nature en joie

Se pare et déploie

Son manteau vermeil.

Le paon qui se joue,

Fait tourner en roue,

Sa queue au soleil.

Tout court, tout s'agite,

Pas un lièvre au gîte ;

L'ours sort du sommeil.


La mouche ouvre l'aile,

Et la demoiselle

Aux prunelles d'or,

Au corset de guêpe,

Dépliant son crêpe,

A repris l'essor.

L'eau gaîment babille,

Le goujon frétille,

Un printemps encore !


Tout se cherche et s'aime ;

Le crapaud lui-même,

Les aspics méchants ;

Toute créature,

Selon sa nature :

La feuille a des chants ;

Les herbes résonnent,

Les buissons bourdonnent ;

C'est concert aux champs.


Moi seul je suis triste ;

Qui sait si j'existe,

Dans mon palais noir ?

Sous la cheminée,

Ma vie enchaînée,

Coule sans espoir.

Je ne puis, malade,

Chanter ma ballade

Aux hôtes du soir.


Si la brise tiède

Au vent froid succède ;

Si le ciel est clair,

Moi, ma cheminée

N'est illuminée

Que d'un pâle éclair ;

Le cercle folâtre

Abandonne l'âtre :

Pour moi c'est l'hiver.


Sur la cendre grise,

La pincette brise

Un charbon sans feu.

Adieu les paillettes,

Les blondes aigrettes ;

Pour six mois adieu

La maîtresse bûche,

Où sous la peluche,

Sifflait le gaz bleu.


Dans ma niche creuse,

Ma natte boiteuse

Me tient en prison.

Quand l'insecte rôde,

Comme une émeraude,

Sous le vert gazon,

Moi seul je m'ennuie ;

Un mur, noir de suie,

Est mon horizon.
Fable XVII, Livre II.


À qui diable en veut cet Anglais ?
Il sort du lit avant l'aurore,
Laisse dormir sa femme, éveille ses valets,
Et court déjà les champs qu'il n'est pas jour encore.
Le silence a fui **** des bois ;
Comme ceux des murs où nous sommes,
Leur écho redit à la fois
Les jurements, les cris, les voix
Des chiens, des chevaux et des hommes.
Mais quoi ! le limier est lâché ;
Sur ses pas, en hurlant, le chien courant détale :
La queue en l'air, le nez à la terre attaché,
Des bassets suit la meute intrépide et bancale.
Un commun espoir les soutient.
On trotte, on court, on va, l'on vient ;
On se rejoint, on se sépare ;
On presse, on retient son essor,
Au gré des sons bruyants du cor,
Au caprice de la fanfare.
Point de repos : bêtes et gens,
À qui mieux mieux chacun s'excite.
Mais tombe enfin qui va si vite ;
Tout l'équipage est sur les dents.
Couvert d'écume et de fumée,
Le coursier du maître est rendu ;
Plus d'un chien haletant sur l'herbe est étendu,
Et de sa gueule en feu pend sa langue enflammée.
Milord, qui de chemise a besoin de changer,
Et lentement chez soi retourne à la nuit noire,
À passé le jour sans manger,
Et, qui pis est pour lui, sans boire !
Et pourquoi tant de bruit, tant de soins, tant de mal ?
Pour forcer un triste animal
Qui perd, aussitôt qu'on l'attrape,
Le prix qu'il semble avoir alors qu'il nous échappe ;
Et, **** de nous valoir ce qu'il nous a coûté,
N'offre à l'heureux vainqueur de tous ses stratagèmes,
Qu'un mets auquel deux fois on n'a jamais goûté,
Et dont les chiens à jeun ne veulent pas eux-mêmes !

Toi qui possèdes la grandeur,
Et t'es éreinté sur sa trace,
S'il se peut, parle avec candeur ;
As-tu fait plus heureuse chasse ?
Paul d'Aubin May 2016
Le manifestant

Il avait manifesté, tant et plus.
Dans l'après 68, casqué,
parmi tant de jeunes copines et copains.
Il courait vite alors et cela valait mieux.
Car la police n'était pas tendre.
Mais c'était comme un rituel
de courses, de lacrymos
et de chevelures dénouées.
L'époque semblait alors grand ouverte,
à la jeunesse, aux guitares et aux robes à fleurs.
Tandis que les posters du «Che» régnaient sur les murs des chambres d'adolescents.
Lorsque Franco, le cacochyme, l’infâme,
voulut, avant de mourir, accroître sa moisson de victimes.
Cela chauffa fort devant le consulat
Espagnol, à Toulouse.
Il fallait maîtriser la peur des détonations,
et se tenir bien droit dans la chaîne,
lorsque les hommes casqués qui
avaient aussi peur que nous,
reçurent l'ordre de charger.
Sales moments pour les services d'ordre,
Entre chocs de casques contre casques,
Tels des chevaliers des temps jadis,
avec leurs heaumes.
Puis les années passèrent, les copains s'égayèrent.
La venue de l'âge adulte déboulait dans nos vies,
avec sa part de réalisations et d'oublis des serments.
Certains tournèrent complètement casaque,
et commencèrent à se prendre au sérieux,
en jouant aux patrons branches ou aux conseilleurs officieux.
D'autres furent laissés pour compte.
et s'en prirent aux plus faibles qu'eux,
votèrent pour le borgne et sa fille
qui leur promettaient de rendre de
rebâtir la France en rendant la vie
plus dure a de pauvres hères basanés.
qu'ils suspectaient si sottement
de réduire leur part de droits sociaux.
C'était des temps bien médiocres à
l'haleine fétide.
Dans les cafés, les propos volaient bas,
Comme des projectiles
et les plus hargneux régnaient par leurs outrances,
comme le loup cervier sur la meute apeurée.
Et puis, fut élu, François Hollande, non par son charisme mais surtout par défaut.
Il avait l'air bonhomme paraissait bienveillant.
Et puis Sarko nous avait épuisés
et exaspères,
par son ego de montgolfière, son agitation incessante,
et sa manie de dresser les uns contre les autres,
et de courir sus aux boucs émissaires.
Nous n'attendions pas un Zorro, mais nous eûmes droit au sergent Garcia,
Et funeste erreur, ce Président apaisé, trop tranquille,
fit appel à Manuel Valls, ce querelleur, cet hidalgo ombrageux.
Alors s'instaura le temps des reniements et des provocations répétées,
ou il fallait battre sa coulpe et ne plus prononcer le mot «socialisme».
C’était l’éternelle fable du nouveau et des vieux !
Mais ce nouveau avait un air et un goût de ranci et de Finances aussi.
Comme comme une cerise bien amère sur le gâteau et ces goûts d'alcool frelaté,
surgit la «loi Travail» comme un pied de nez
fait à celles et ceux qui en manquaient
Et dont le cout baissait incessamment
Nous fumes beaucoup à nous réveiller hagards,
et à reprendre le chemin des manifs,
Ou nous virent des «robocops» super équipés,
nous serrer de trop près; ambiance détestable,
pendant que nos mandants, élus pour faire tout autre chose.
S'efforçaient de nous enfumer et de créer maintes diversions.
C'était moins marrant qu'en notre jeunesse.
Mais il fallait ne pas lâcher, pour transmettre l'Esprit et la Flamme.
Nous avions quand même, la gorge serrée,
de voir d'ancien amis raconter des salades,
et se battre désormais pour la préservation de leurs postes,
Et de quelques prébendes.
Mais comment était-ce arrive ?
Comment avaient-ils pu oublier ce qu'ils avaient été !
Et venir défendre ce qu'ils avaient combattu ?
L'histoire est bien cyclique et l'être fragile comme un roseau.
Ça ne fait rien, j'étais redevenu manifestant, opposant.
Je gardais comme l'oiseau bleu ma conscience pour moi.
Et je pourrais dire un Jour à mon enfant,
«Le plus beau diamant est ta vérité intérieure et ta conscience
Maintien ton Esprit pur avant que de prétendre changer le Monde.»

Paul Daubin
À Maxime Du Camp.

I

Pour l'enfant, amoureux de cartes et d'estampes,
L'univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s'écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu'un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l'esprit humain n'a jamais su le nom !

II

Nous imitons, horreur ! la toupie et la boule
Dans leur valse et leurs bonds ; même dans nos sommeils
La Curiosité nous tourmente et nous roule,
Comme un Ange cruel qui fouette des soleils.

Singulière fortune où le but se déplace,
Et, n'étant nulle part, peut être n'importe où !
Où l'homme, dont jamais l'espérance n'est lasse,
Pour trouver le repos court toujours comme un fou !

Notre âme est un trois-mâts cherchant son Icarie ;
Une voix retentit sur le pont : " Ouvre l'oeil ! "
Une voix de la hune, ardente et folle, crie .
" Amour... gloire... bonheur ! " Enfer ! c'est un écueil !

Chaque îlot signalé par l'homme de vigie
Est un Eldorado promis par le Destin ;
L'Imagination qui dresse son orgie
Ne trouve qu'un récif aux clartés du matin.

Ô le Pauvre amoureux des pays chimériques !
Faut-il le mettre aux fers, le jeter à la mer,
Ce matelot ivrogne, inventeur d'Amériques
Dont le mirage rend le gouffre plus amer ?

Tel le vieux vagabond, piétinant dans la boue,
Rêve, le nez en l'air, de brillants paradis ;
Son oeil ensorcelé découvre une Capoue
Partout où la chandelle illumine un taudis.

III

Etonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d'astres et d'éthers.

Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l'ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d'horizons.

Dites, qu'avez-vous vu ?

IV

" Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d'imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.

La gloire du soleil sur la mer violette,
La gloire des cités dans le soleil couchant,
Allumaient dans nos coeurs une ardeur inquiète
De plonger dans un ciel au reflet alléchant.

Les plus riches cités, les plus grands paysages,
Jamais ne contenaient l'attrait mystérieux
De ceux que le hasard fait avec les nuages.
Et toujours le désir nous rendait soucieux !

- La jouissance ajoute au désir de la force.  
Désir, vieil arbre à qui le plaisir sert d'engrais,
Cependant que grossit et durcit ton écorce,
Tes branches veulent voir le soleil de plus près !

Grandiras-tu toujours, grand arbre plus vivace
Que le cyprès ? - Pourtant nous avons, avec soin,
Cueilli quelques croquis pour votre album vorace,
Frères qui trouvez beau tout ce qui vient de **** !

Nous avons salué des idoles à trompe ;
Des trônes constellés de joyaux lumineux ;
Des palais ouvragés dont la féerique pompe
Serait pour vos banquiers un rêve ruineux ;

" Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ;
Des femmes dont les dents et les ongles sont teints,
Et des jongleurs savants que le serpent caresse. "

V

Et puis, et puis encore ?

VI

" Ô cerveaux enfantins !
Pour ne pas oublier la chose capitale,
Nous avons vu partout, et sans l'avoir cherché,
Du haut jusques en bas de l'échelle fatale,
Le spectacle ennuyeux de l'immortel péché

La femme, esclave vile, orgueilleuse et stupide,
Sans rire s'adorant et s'aimant sans dégoût ;
L'homme, tyran goulu, paillard, dur et cupide,
Esclave de l'esclave et ruisseau dans l'égout ;

Le bourreau qui jouit, le martyr qui sanglote ;
La fête qu'assaisonne et parfume le sang ;
Le poison du pouvoir énervant le despote,
Et le peuple amoureux du fouet abrutissant ;

Plusieurs religions semblables à la nôtre,
Toutes escaladant le ciel ; la Sainteté,
Comme en un lit de plume un délicat se vautre,
Dans les clous et le crin cherchant la volupté ;

L'Humanité bavarde, ivre de son génie,
Et, folle maintenant comme elle était jadis,
Criant à Dieu, dans sa furibonde agonie :
" Ô mon semblable, ô mon maître, je te maudis ! "

Et les moins sots, hardis amants de la Démence,
Fuyant le grand troupeau parqué par le Destin,
Et se réfugiant dans l'***** immense !
- Tel est du globe entier l'éternel bulletin. "

VII

Amer savoir, celui qu'on tire du voyage !
Le monde, monotone et petit, aujourd'hui,
Hier, demain, toujours, nous fait voir notre image
Une oasis d'horreur dans un désert d'ennui !

Faut-il partir ? rester ? Si tu peux rester, reste ;
Pars, s'il le faut. L'un court, et l'autre se tapit
Pour tromper l'ennemi vigilant et funeste,
Le Temps ! Il est, hélas ! des coureurs sans répit,

Comme le Juif errant et comme les apôtres,
A qui rien ne suffit, ni wagon ni vaisseau,
Pour fuir ce rétiaire infâme : il en est d'autres
Qui savent le tuer sans quitter leur berceau.

Lorsque enfin il mettra le pied sur notre échine,
Nous pourrons espérer et crier : En avant !
De même qu'autrefois nous partions pour la Chine,
Les yeux fixés au large et les cheveux au vent,

Nous nous embarquerons sur la mer des Ténèbres
Avec le coeur joyeux d'un jeune passager.
Entendez-vous ces voix, charmantes et funèbres,
Qui chantent : " Par ici ! vous qui voulez manger

Le Lotus parfumé ! c'est ici qu'on vendange
Les fruits miraculeux dont votre coeur a faim ;
Venez vous enivrer de la douceur étrange
De cette après-midi qui n'a jamais de fin ? "

A l'accent familier nous devinons le spectre ;
Nos Pylades là-bas tendent leurs bras vers nous.
" Pour rafraîchir ton coeur nage vers ton Electre ! "
Dit celle dont jadis nous baisions les genoux.

VIII

Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !
Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons !

Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !
Kurt Philip Behm May 2024
Day #4: Cody To Saint Mary’s

After breakfast in the Irma’s great dining hall, I left Cody in the quiet stillness of a Saturday morning. The dream I had last night about Indian summer camps now pointed the way toward things that I could once again understand. If there was another road to rival, or better, the Beartooth Highway, it would be the one that I would ride this morning.

It was 8:45 a.m., and I was headed northwest out of Cody to The Chief Joseph Highway. It is almost impossible to describe this road without having ridden or driven over it at least once. I was the first motorcyclist to ever ride its elevated curves and valleys on its inauguration over ten years ago. It opened that day, also a Saturday, at eight, and I got there two hours early to make sure the flagman would position me at the front of the line. I wanted to be the first to go through while paying homage to the great Nez Perce Chief. I will forever remember the honor of being the first motorist of any kind to have gone up and over this incredible road.

The ascent, over Dead Indian Pass at the summit, reminded me once again that the past is never truly dead if the present is to be alive. The illusion of what was, is, and will be, is captured only in the moment of their present affirmation. The magic is in living within the confirmation of what is.

The Chief Joseph Highway was, and is, the greatest road that I have ever ridden. I have always considered it a great personal gift to me — being the first one to have experienced what cannot fully be described. Ending in either Cooke City or Cody, the choice of direction was yours. The towns were not as different from each other as you would be from your previous self when you arrived at either location at the end of your ride.

It turned severely in both directions, as it rose or descended in elevation, letting you see both ends from almost anywhere you began. It was a road for sure but of all the roads in my history, both present and before, this one was a metaphor to neither the life I had led, nor the life I seek. This road was a metaphor to the life I lead.

A metaphor to the life I lead

It teased you with its false endings, always hiding just one more hairpin as you corrected and violently pulled the bike back to center while leaning as hard as you could to the other side. While footpegs were dragging on both sides of the bike your spirit and vision of yourself had never been so clear. You now realized you were going more than seventy in a turn designed for maximum speeds of forty and below.

To die on this road would make a mockery of life almost anywhere else. To live on this roadcreated a new standard where risk would be essential, and, if you dared, you gambled away all security and previous limits for what it taught.

It was noon as I entered Cooke City again wondering if that same buffalo would be standing at Tower Junction to make sure that I turned right this time, as I headed north toward Glacier National Park. Turning right at Tower Junction would take me past Druid Peak and through the north entrance of Yellowstone at Mammoth Hot Springs and the town of Gardiner Montana. Wyoming and Montana kept trading places as the road would wind and unfold. Neither state wanted to give up to the other the soul of the returning prodigal which in the end neither could win … and neither could ever lose!

From Gardiner, Rt #89 curved and wound its way through the Paradise Valley to Livingston and the great open expanse of Montana beyond. The road, through the lush farmlands of the valley, quieted and settled my spirit, as it allowed me the time to reorient and revalue all the things I had just seen.

I thought about the number of times it almost ended along this road when a deer or elk had crossed my path in either the early morning or evening hours. I continued on both thankful and secure knowing in my heart that when the end finally came, it would not be while riding on two-wheels. It was something that was made known to me in a vision that I had years ago, and an assurance that I took not for granted, as I rode grateful and alone through these magnificent hills.

The ride to Livingston along Montana Rt.# 89 was dotted with rich working farms on both sides of the road. The sun was at its highest as I entered town, and I stopped quickly for gas and some food at the first station I found. There were seven good hours of daylight left, and I still had at least three hundred miles to go.

I was now more than an hour north of Livingston, and the sign that announced White Sulphur Springs brought back memories and a old warning. It flashed my memory back to the doe elk that came up from the creek-bed almost twenty years ago, brushing the rear of the bike and almost causing us to crash. I can still hear my daughter screaming “DAAAD,”as she saw the elk before I did.

I dropped the bike down a gear as I took a long circular look around. As I passed the spot of our near impact on the south side of town, I said a prayer for forgiveness. I asked to be judged kindly by the animals that I loved and to become even more visible to the things I couldn’t see.

The ride through the Lewis and Clark National Forest was beautiful and serene, as two hawks and a lone coyote bade me farewell, and I exited the park through Monarch at its northern end. There were now less than five hours of daylight left, and the East entrance to Glacier National Park at St. Mary’s was still two hundred miles away. An easy ride under most circumstances, but the Northern Rockies were never normal, and their unpredictability was another of the many reasons as to why I loved them so. Cody, and my conflicted feelings while there, seemed only a distant memory. Distant, but connected, like the friends and loved ones I had forgotten to call.

At Dupoyer Montana, I was compelled to stop. Not enticed or persuaded, not called out to or invited — but compelled! A Bar that had existed on the east side of this road, heading north, for as long as anyone could remember, Ranger Jacks, was now closed. I sat for the longest time staring at the weathered and dilapidated board siding and the real estate sign on the old front swinging door that said Commercial Opportunity. My mind harkened back to the first time I stopped into ‘Jacks,’ while heading south from Calgary and Lake Louise. My best friend, Dave Hill, had been with me, and we both sidled up to the bar, which ran down the entire left side of the interior and ordered a beer. Jack just looked at the two of us for the longest time.

It Wasn’t A Look It Was A Stare

Bearded and toothless, he had a stare that encompassed all the hate and vile within it that he held for his customers. His patrons were the locals and also those traveling to and from places unknown to him but never safe from his disgust. He neither liked the place that he was in nor any of those his customers had told him about.

Jack Was An Equal-Opportunity Hater!

He reminded both Dave and I of why we traveled to locations that took us outside and beyond what we already knew. We promised each other, as we walked back to the bike, that no matter how bad life ever got we would never turn out to be like him. Jack was both a repudiation of the past and a denial of the future with the way he constantly refused to live in the moment. He was physically and spiritually everything we were trying to escape. He did however continue to die in the moment, and it was a death he performed in front of his customers … over, and over, and over again.

As I sat on the bike, staring at the closed bar, a woman and her daughter got out of a car with Texas license plates. The mother smiled as she watched me taking one last look and said: “Are you going to buy it, it’s for sale you know?” I said “no, but I had been in it many times when it was still open.” She said: “That must have been a real experience” as she walked back to her car. It was a real experience back then for sure, and one that she, or any other accidental tourist headed north or south on Rt. #89, will never know. I will probably never regret going in there again, but I feel fortunate that I had the chance to do it those many times before.

Who Am I Kidding, I’d Do It Again In A Heartbeat

I would never pass through Dupoyer Montana, the town where Lewis and Clark had their only hostile encounter (Two Medicine Fight) with Indians, without stopping at Ranger Jacksfor a beer. It was one of those windows into the beyond that are found in the most unlikely of places, and I was profoundly changed every time that I walked in, and then out of, his crumbling front door. Jack never said hello or bid you goodbye. He just stared at you as something that offended him, and when you looked back at his dead and bloodshot eyes, and for reasons still unexplained, you felt instantly free.

In The Strangest And Clearest Of Ways … I’ll Miss Him

It was a short ride from Dupoyer to East Glacier, as the sun settled behind the Lewis Rangeshowing everything in its half-light as only twilight can. I once again thought of the Blackfeet and how defiant they remained until the very end. Being this far North, they had the least contact with white men, and were dominant against the other tribes because of their access to Canadian guns. When they learned that the U.S. Government proposed to arm their mortal enemies, the Shoshones and the Nez Perce, their animosity for all white invaders only heightened and strengthened their resolve to fight. I felt the distant heat of their blood as I crossed over Rt. #2 in Browning and said a quick prayer to all that they had seen and to a fury deep within their culture that time could not ****.

It was almost dark, as I rode the extreme curves of Glacier Park Road toward the east entrance from Browning. As I arrived in St Mary’s, I turned left into the Park and found that the gatehouse was still manned. Although being almost 9:00 p.m., the guard was still willing to let me through. She said that the road would remain open all night for its entire fifty-three-mile length, but that there was construction and mud at the very top near Logan Pass.

Construction, no guardrails, the mud and the dark, and over 6600 feet of altitude evoked the Sour Spirit Deity of the Blackfeet to come out of the lake and whisper to me in a voice that the Park guard could not hear “Not tonight Wana Hin Gle. Tonight you must remain with the lesser among us across the lake with the spirit killers — and then tomorrow you may cross.”

Dutifully I listened, because again from inside, I could feel its truth. Wana Hin Gle was the name the Oglala Sioux had given me years before, It means — He Who Happens Now.

In my many years of mountain travel I have crossed both Galena and Beartooth Passes in the dark. Both times, I was lucky to make it through unharmed. I thanked this great and lonesome Spirit who had chosen to protect me tonight and then circled back through the gatehouse and along the east side of the lake to the lodge.

The Desk Clerk Said, NO ROOMS!

As I pulled up in front of the St Mary’s Lodge & Resort, I noticed the parking lot was full. It was not a good sign for one with no reservation and for one who had not planned on staying on this side of the park for the night. The Chinese- American girl behind the desk confirmed what I was fearing most with her words … “Sorry Sir, We’re Full.”

When I asked if she expected any cancellations she emphatically said: “No chance,” and that there were three campers in the parking lot who had inquired before me, all hoping for the same thing. I was now 4th on the priority list for a potential room that might become available. Not likely on this warm summer weekend, and not surprising either, as all around me the tourists scurried in their pursuit of leisure, as tourists normally did.

I looked at the huge lobby with its two TV monitors and oversized leather sofas and chairs. I asked the clerk at the desk if I could spend the night sitting there, reading, and waiting for the sun to come back up. I reminded her that I was on a motorcycle and that it was too dangerous for me to cross Logan Pass in the dark. She said “sure,” and the restaurant stayed open until ten if I had not yet had dinner. “Try the grilled lake trout,” she said, “it’s my favorite for sure. They get them right out of St. Mary’s Lake daily, and you can watch the fishermen pull in their catch from most of our rooms that face the lake.”

I felt obligated to give the hotel some business for allowing me to freeload in their lobby, so off to the restaurant I went. There was a direct access door to the restaurant from the far corner of the main lobby where my gear was, and my waiter (from Detroit) was both terrific and fast. He told me about his depressed flooring business back in Michigan and how, with the economy so weak, he had decided a steady job for the summer was the way to go.

We talked at length about his first impressions of the Northern Rockies and about how much his life had changed since he arrived last month. He had been over the mountain at least seven times and had crossed it in both directions as recently as last night. I asked him, with the road construction, what a night-crossing was currently like? and he responded: “Pretty scary, even in a Jeep.” He then said, “I can’t even imagine crossing over on a motorcycle, in the dark, with no guardrails, and having to navigate through the construction zone for those eight miles just before the top.” I sat for another hour drinking coffee and wondered about what life on top of the Going To The Sun Road must be like at this late hour.

The Lake Trout Had Been More Than Good

After I finished dinner, I walked back into the lobby and found a large comfortable leather chair with a long rustic coffee table in front. Knowing now that I had made the right decision to stay, I pulled the coffee table up close to the chair and stretched my legs out in front. It was now almost midnight, and the only noise that could be heard in the entire hotel was the kitchen staff going home for the night. Within fifteen minutes, I was off to sleep. It had been a long ride from Cody, and I think I was more tired than I wanted to admit. I started these rides in my early twenties. And now forty years later, my memory still tried to accomplish what my body long ago abandoned.

At 2:00 a.m., a security guard came over and nudged my left shoulder. “Mr Behm, we’ve just had a room open up and we could check you in if you’re still interested.” The thought of unpacking the bike in the dark, and for just four hours of sleep in a bed, was of no interest to me at this late hour. I thanked him for his consideration but told him I was fine just where I was. He then said: “Whatever’s best for you sir,” and went on with his rounds.

My dreams that night, were strange, with that almost real quality that happens when the lines between where you have come from and where you are going become blurred. I had visions of Blackfeet women fishing in the lake out back and of their warrior husbands returning with fresh ponies from a raid upon the Nez Perce. The sounds of the conquering braves were so real that they woke me, or was it the early morning kitchen staff beginning their breakfast shift? It was 5:15 a.m., and I knew I would never know for sure — but the difference didn’t matter when the imagery remained the same.

Differences never mattered when the images were the same



Day #5 (A.M.): Glacier To Columbia Falls

As I opened my eyes and looked out from the dark corner of the lobby, I saw CNN on the monitor across the room. The sound had been muted all night, but in the copy running across the bottom of the screen it said: “Less than twenty-four hours until the U.S. defaults.”  For weeks, Congress had been debating on whether or not to raise the debt ceiling and even as remote as it was here in northwestern Montana, I still could not escape the reality of what it meant. I had a quick breakfast of eggs, biscuits, and gravy, before I headed back to the mountain. The guard station at the entrance was unattended, so I vowed to make a twenty-dollar donation to the first charity I came across — I hoped it would be Native American.

I headed west on The Going To The Sun Road and crossed Glacier at dawn. It created a memory on that Sunday morning that will live inside me forever. It was a road that embodied the qualities of all lesser roads, while it stood proudly alone because of where it could take you and the way going there would make you feel. Its standards, in addition to its altitude, were higher than most comfort zones allowed. It wasn’t so much the road itself but where it was. Human belief and ingenuity had built a road over something that before was almost impossible to even walk across. Many times, as you rounded a blind turn on Logan Pass, you experienced the sensation of flying, and you had to look beneath you to make sure that your wheels were still on the ground.

The road climbed into the clouds as I rounded the West side of the lake. It felt more like flying, or being in a jet liner, when combined with the tactile adventure of knowing I was on two-wheels. Being on two-wheels was always my first choice and had been my consummate and life affirming mode of travel since the age of sixteen.

Today would be another one of those ‘it wasn’t possible to happen’ days. But it did, and it happened in a way that even after so many blessed trips like this, I was not ready for. I felt in my soul I would never see a morning like this again, but then I also knew beyond the borders of self-limitation, and from what past experience had taught me, that I absolutely would.

So Many ‘Once In A Lifetime’ Moments Have Been Joyous Repetition

My life has been blessed because I have been given so many of these moments. Unlike anything else that has happened, these life-altering events have spoken to me directly cutting through all learned experience that has tried in vain to keep them out. The beauty of what they have shown is beyond my ability to describe, and the tears running down my face were from knowing that at least during these moments, my vision had been clear.

I knew that times like these were in a very real way a preparation to die. Life’s highest moments often exposed a new awareness for how short life was. Only by looking through these windows, into a world beyond, would we no longer fear death’s approach.

I leaned forward to pat the motorcycle’s tank as we began our ascent. In a strange but no less real way, it was only the bike that truly understood what was about to happen. It had been developed for just this purpose and now would get to perform at its highest level. The fuel Injection, and linked disk brakes, were a real comfort this close to the edge, and I couldn’t have been riding anything better for what I was about to do.

I also couldn’t have been in a better place at this stage of my life in the summer of 2011. Things had been changing very fast during this past year, and I decided to bend to that will rather than to fight what came unwanted and in many ways unknown. I knew that today would provide more answers, highlighting the new questions that I searched for, and the ones on this mountaintop seemed only a promise away.

Glaciers promise!

I thought about the many bear encounters, and attacks, that had happened in both Glacier and Yellowstone during this past summer. As I passed the entry point to Granite Park Chalet, I couldn’t help but think about the tragic deaths of Julie Helgeson and Michelle Koons on that hot August night back in 1967. They both fell prey to the fatality that nature could bring. The vagaries of chance, and a bad camping choice, led to their both being mauled and then killed by the same rogue Grizzly in different sections of the park.

They were warned against camping where they did, but bear attacks had been almost unheard of — so they went ahead. How many times had I decided to risk something, like crossing Beartooth or Galena Pass at night, when I had been warned against it, but still went ahead? How many times had coming so close to the edge brought everything else in my life into clear focus?

1967 Was The Year I Started My Exploration Of The West

The ride down the western side of The Going To the Sun Road was a mystery wrapped inside the eternal magic of this mountain highway in the sky. Even the long line of construction traffic couldn’t dampen my excitement, as I looked off to the South into the great expanse that only the Grand Canyon could rival for sheer majesty. Snow was on the upper half of Mount’s Stimson (10,142 ft.), James (9,575 ft.) and Jackson (10,052), and all progress was slow (20 mph). Out of nowhere, a bicyclist passed me on the extreme outside and exposed edge of the road. I prayed for his safety, as he skirted to within three feet of where the roadended and that other world, that the Blackfeet sing about, began. Its exposed border held no promises and separated all that we knew from what we oftentimes feared the most.

I am sure he understood what crossing Logan Pass meant, no matter the vehicle, and from the look in his eyes I could tell he was in a place that no story of mine would ever tell. He waved quickly as he passed on my left side. I waved back with the universal thumbs-upsign, and in a way that is only understood by those who cross mountains … we were brothers on that day.



Day # 5: (P.M.) Columbia Falls to Salmon Idaho

The turnaround point of the road was always hard. What was all forward and in front of me yesterday was consumed by the thought of returning today. The ride back could take you down the same path, or down a different road, but when your destination was the same place that you started from, your arrival was greeted in some ways with the anti-****** of having been there, and done that, before.

I tried everything I knew to fool my psyche into a renewed phase of discovery. All the while though, there was this knowing that surrounded my thoughts. It contained a reality that was totally hidden within the fantasy of the trip out. It was more honest I reminded myself, and once I made peace with it, the return trip would become even more intriguing than the ride up until now. When you knew you were down to just a few days and counting, each day took on a special reverence that the trip out always seemed to lack.

In truth, the route you planned for your return had more significance than the one before. Where before it was direct and one-dimensional, the return had to cover two destinations — the trip out only had to cover one. The route back also had to match the geography with the timing of what you asked for inside of yourself. The trip out only had to inspire and amuse.

The trip south on Rt.#35 along the east side of Flathead Lake was short but couldn’t be measured by its distance. It was an exquisitely gorgeous stretch of road that took less than an hour to travel but would take more than a lifetime to remember. The ripples that blew eastward across the lake in my direction created the very smallest of whitecaps, as the two cranes that sat in the middle of the lake took off for a destination unknown. I had never seen Flathead Lake from this side before and had always chosen Rt.#93 on the western side for all previous trips South. That trip took you through Elmo and was a ride I thought to be unmatched until I entered Rt.#35 this morning. This truly was the more beautiful ride, and I was thankful for its visual newness. It triggered inside of me my oldest feelings of being so connected, while at the same time, being so alone.

As I connected again with my old friend Rt.# 93, the National Bison Range sat off to my west. The most noble of wild creatures, they were now forced to live in contained wander where before they had covered, by the millions, both our country and our imagination. I thought again about their intrinsic connection to Native America and the perfection that existed within that union.

The path of the Great Bison was also the Indian’s path. The direction they chose was one and the same. It had purpose and reason — as well as the majesty of its promise. It was often unspoken except in the songs before the night of the hunt and in the stories that were told around the fire on the night after. It needed no further explanation. The beauty within its harmony was something that just worked, and words were a poor substitute for a story that only their true connection would tell.

This ‘Road’ Still Contained That Eternal Connection In Now Paved Over Hoofprints Of Dignity Lost

The Bitteroot Range called out to me in my right ear, but there would be no answer today. Today, I would head South through the college town of Missoula toward the Beaverhead Mountains and then Rt.#28 through the Targhee National Forest. I arrived in Missoula in the brightest of sunshine. The temperature was over ninety-degrees as I parked the bike in front of the Missoula Club. A fixture in this college town for many years, the Missoula Club was both a college bar and city landmark. It needed no historic certification to underline its importance. Ask any resident or traveler, past or present, have you been to the Missoula Club? and you’ll viscerally feel their answer. It’s not beloved by everyone … just by those who have always understood that places like this have fallen into the back drawer of America’s history. Often, their memory being all that’s left.

The hamburger was just like I expected, and as I ate at the bar, I limited myself to just one mug of local brew. One beer is all that I allowed myself when riding. I knew that I still had 150 more miles to go, and I was approaching that time of day when the animals came out and crossed the road to drink. In most cases, the roads had been built to follow the rivers, streams, and later railroads, and they acted as an unnatural barrier between the safety of the forest and the water that the animals living there so desperately needed. Their crossing was a nightly ritual and was as certain as the rising of the sun and then the moon. I respected its importance, and I tried to schedule my rides around the danger it often presented — but not today.

After paying the bartender, I took a slow and circuitous ride around town. Missoula was one of those western towns that I could happily live in, and I secretly hoped that before my time ran out that I would. The University of Montana was entrenched solidly and peacefully against the mountain this afternoon as I extended my greeting. It would be on my very short list of schools to teach at if I were ever lucky enough to make choices like that again.

Dying In The Classroom, After Having Lived So Strongly, Had An Appeal Of Transference That I Find Hard To Explain

The historic Wilma Theatre, by the bridge, said adieu as I re-pointed the bike South toward the Idaho border. I thought about the great traveling shows, like Hope and Crosby, that had played here before the Second World War. Embedded in the burgundy fabric of its giant curtain were stories that today few other places could tell. It sat proudly along the banks of the Clark Fork River, its past a time capsule that only the river could tell. Historic theatres have always been a favorite of mine, and like the Missoula Club, the Wilma was another example of past glory that was being replaced by banks, nail salons, and fast-food restaurants almost wherever you looked.

Thankfully, Not In Missoula

Both my spirit and stomach were now full, as I passed through the towns of Hamilton and Darby on my way to Sula at the state line. I was forced to stop at the train crossing in Sulajust past the old and closed Sula High School on the North edge of town. The train was still half a mile away to my East, as I put the kickstand down on the bike and got off for a closer look. The bones of the old school contained stories that had never been told. Over the clanging of the oncoming train, I thought I heard the laughter of teenagers as they rushed through the locked and now darkened halls. Shadowy figures passed by the window over the front door on the second floor, and in the glare of the mid-afternoon sun it appeared that they were waving at me. Was I again the victim of too much anticipation and fresh air or was I just dreaming to myself in broad daylight again?

As I Dreamed In Broad Daylight, I Spat Into The Wind Of Another Time

I waited for twenty-minutes, counting the cars of the mighty Santa Fe Line, as it headed West into the Pacific time zone and the lands where the great Chief Joseph and Nez Perce roamed. The brakeman waved as his car slowly crossed in front of my stopped motorcycle — each of us envying the other for something neither of us truly understood.

The train now gone … a bell signaled it was safe to cross the tracks. I looked to my right one more time and saw the caboose only two hundred yards down the line. Wondering if it was occupied, and if they were looking back at me, I waved one more time. I then flipped my visor down and headed on my way happy for what the train had brought me but sad in what its short presence had taken away.

As I entered the Salmon & Challis National Forest, I was already thinking about Italian food and the great little restaurant within walking distance of my motel. I always spent my nights in Salmon at the Stagecoach Inn. It was on the left side of Rt. #93, just before the bridge, where you made a hard left turn before you entered town. The motel’s main attraction was that it was built right against the Western bank of the Salmon River. I got a room in the back on the ground floor and could see the ducks and ducklings as they walked along the bank. It was only a short walk into town from the front of the motel and less than a half a block going in the other direction for great Italian food.

The motel parking lot was full, with motorcycles, as I arrived, because this was Sturgis Week in South Dakota. As I watched the many groups of clustered riders congregate outside as they cleaned their bikes, I was reminded again of why I rode. I rode to be alone with myself and with the West that had dominated my thoughts and dreams for so many years. I wondered what they saw in their group pilgrimage toward acceptance? I wondered if they ever experienced the feeling of leaving in the morning and truly not knowing where they would end up that night. The Sturgis Rally would attract more than a million riders many of whom hauled their motorcycles thousands of miles behind pickups or in trailers. Most would never experience, because of sheer masquerade and fantasy, what they had originally set out on two-wheels to find.

I Feel Bad For Them As They Wave At Me Through Their Shared Reluctance

They seemed to feel, but not understand, what this one rider alone, and in no hurry to clean his ***** motorcycle, represented. I had always liked the way a touring bike looked when covered with road-dirt. It wore the recognition of its miles like a badge of honor. As it sat faithfully alone in some distant motel parking lot, night after night, it waited in proud silence for its rider to return. I cleaned only the windshield, lights, and turn signals, as I bedded the Goldwing down before I started out for dinner. As I left, I promised her that tomorrow would be even better than today. It was something that I always said to her at night. As she sat there in her glorified patina and watched me walk away, she already knew what tomorrow would bring.

The Veal Marsala was excellent at the tiny restaurant by the motel. It was still not quite seven o’clock, and I decided to take a slow walk through the town. It was summer and the river was quiet, its power deceptive in its passing. I watched three kayakers pass below me as I crossed the bridge and headed East into Salmon. Most everything was closed for the evening except for the few bars and restaurants that lit up the main street of this old river town. It took less than fifteen minutes to complete my visitation, and I found myself re-crossing the bridge and headed back to the motel.

There were now even more motorcycles in the parking lot than before, and I told myself that it had been a stroke of good fortune that I had arrived early. If I had been shut out for a room in Salmon, the chances of getting one in Challis, sixty miles further south, would have been much worse. As small as Salmon was, Challis was much smaller, and in all the years of trying, I had never had much luck there in securing a room.

I knew I would sleep soundly that night, as I listened to the gentle sounds of a now peaceful river running past my open sliding doors. Less than twenty-yards away, I was not at all misled by its tranquility. It cut through the darkness of a Western Idaho Sunday night like Teddy Roosevelt patrolled the great Halls of Congress.

Running Softly, But Carrying Within It A Sleeping Defiance

I had seen its fury in late Spring, as it carried the great waters from on high to the oceans below. I have rafted its white currents in late May and watched a doctor from Kalispell lose his life in its turbulence. In remembrance, I said a short prayer to his departed spirit before drifting off to sleep.
Steve D'Beard Dec 2012
Inspired by a vintage ****** postcard from the 1920s - 30s:

The Muse sits resplendent
caressed in sepia tones and pastel cream
gilded with the glaze of a bygone era
her silk Charleston negligee
worn proud like a vintage ornament
perched on an aesthetically pleasing
shapely pert insolent *****
blossomed with tiny beads of sweat
the heat of such anticipation
entices the pearls of the ******
to pamper and pleasure their perversions

etched as if in a radiance of candlelight
the flickering limbs pulse their bloom
nimble fingers of dancing shadows
cupping the feline curves of a chaise longue
the purposefully out of place set piece
the fantasy of a gentleman's reading room
caked in casked sherry
and Nat Sherman cigar infused aromas

her elegant pose sumptuous reclining
elbow length satin gloves
sensually wrapped in wanton desire
******* clasp a Sorbranie Black Russian
smoked like a sultry gypsy
with a fervent demeanour
from a silver opera cigarette holder
beckoning with the cats eyes of mischief
over Pinced nez eyeglasses
with a fascination imbibed
in the praxis of passion

the peach skin of refulgent youth
directs the viewer downwards, slowly
survey each contour of olive skin
and stroke every hidden cleft of fabric
to glimpse the nubile thighs of grace
leading the eye to the arch of an ankle
slipped like a fitted glove
nestled in the cleavage of her calf
and the chastity of future wonderment

the forgotten photograph
captures a period in time
the memories of the muse
now in motionless existence
a demure allure forever frozen
once lost, but now
never forgotten
Inspired by a vintage ****** postcard from the 1920s - 30s
jad Jul 2013
They were fighting here
Living here
Enveloped in a life
That none have since seen
And I work here
I watch as they fight
My nose drips
My eyes water
as I see their bodies
fall to the ground
Their brothers, fathers, best friends die before them.
I wade into the shallows of time
I push against its thick film
But i cannot pass
I can do nothing but watch
as they fight, suffer, and lose.
Like a psychotic docent in the wilderness,
I will not speak in perfect Ciceronian cadences.
I draw my voice from a much deeper cistern,
Preferring the jittery synaptic archive,
So sublimely unfiltered, random and profane.
And though I am sequestered now,
Confined within the walls of a gated, golf-coursed,
Over-55 lunatic asylum (for Active Seniors I am told),
I remain oddly puerile,
Remarkably refreshed and unfettered.  
My institutionalization self-imposed,
Purposed for my own serenity, and also the safety of others.
Yet I abide, surprisingly emancipated and frisky.
I may not have found the peace I seek,
But the quiet has mercifully come at last.

The nexus of inner and outer space is context for my story.
I was born either in Brooklyn, New York or Shungopavi, Arizona,
More of intervention divine than census data.
Shungopavi: a designated place for tribal statistical purposes.
Shungopavi: an ovine abbatoir and shaman’s cloister.
The Hopi: my mother’s people, a state of mind and grace,
Deftly landlocked, so cunningly circumscribed,
By both interior and outer Navajo boundaries.
The Navajo: a coyote trickster people; a nation of sheep thieves,
Hornswoggled and landlocked themselves,
Subsumed within three of the so-called Four Corners:
A 3/4ths compromise and covenant,
Pickled in firewater, swaddled in fine print,
A veritable swindle concocted back when the USA
Had Manifest Destiny & mayhem on its mind.

The United States: once a pubescent synthesis of blood and thunder,
A bold caboodle of trooper spit and polish, unwashed brawlers, Scouts and      
Pathfinders, mountain men, numb-nut ne'er-do-wells,
Buffalo Bills & big-balled individualists, infected, insane with greed.
According to the Gospel of His Holiness Saint Zinn,
A People’s’ History of the United States: essentially state-sponsored terrorism,
A LAND RUSH grabocracy, orchestrated, blessed and anointed,
By a succession of Potomac sharks, Great White Fascist Fathers,
Far-Away-on-the Bay, the Bay we call The Chesapeake.
All demented national patriarchs craving lebensraum for God and country.
The USA: a 50-state Leviathan today, a nation jury-rigged,
Out of railroad ties, steel rails and baling wire,
Forged by a litany of lies, rapaciousness and ******,
And jaw-torn chunks of terra firma,
Bites both large and small out of our well-****** Native American ***.

Or culo, as in va’a fare in culo (literally "go do it in the ***")
Which Italian Americans pronounce as fongool.
The language center of my brain,
My sub-cortical Broca’s region,
So fraught with such semantic misfires,
And autonomic linguistic seizures,
Compel acknowledgement of a father’s contribution,
To both the gene pool and the genocide.
Columbus Day:  a conspicuously absent holiday out here in Indian Country.
No festivals or Fifth Avenue parades.
No excuse for ethnic hoopla. No guinea feast. No cannoli. No tarantella.
No excuse to not get drunk and not **** your sister-in-law.
Emphatically a day for prayer and contemplation,
A day of infamy like Pearl Harbor and 9/11,
October 12, 1492: not a discovery; an invasion.

Growing up in Brooklyn, things were always different for me,
Different in some sort of redskin/****/****--
Choose Your Favorite Ethnic Slur-sort of way.
The American Way: dehumanization for fun and profit.
Melting *** anonymity and denial of complicity with evil.
But this is no time to bring up America’s sordid past,
Or, a personal pet peeve: Indian Sovereignty.
For Uncle Sam and his minions, an ever-widening, conveniently flexible concept,
Not a commandment or law,
Not really a treaty or a compact,
Or even a business deal.  Let’s get real:
It was not even much in the way of a guideline.
Just some kind of an advisory, a bulletin or newsletter,
Could it merely have been a free-floating suggestion?
Yes, that’s it exactly: a suggestion.

Over and under halcyon American skies,
Over and around those majestic purple mountain peaks,
Those trapped in poetic amber waves of wheat and oats,
Corn and barley, wheat shredded and puffed,
Corn flaked and milled, Wheat Chex and Wheaties, oats that are little Os;
Kix and Trix, Fiber One, and Kashi-Go-Lean, Lucky Charms and matso *****,
Kreplach and kishka,
Polenta and risotto.
Our cantaloupe and squash patch,
Our fruited prairie plain, our delicate ecological Eden,
In balance and harmony with nature, as Chief Joseph of the Nez Perce instructs:
“These white devils are not going to,
Stop ****** and killing, cheating and eating us,
Until they have the whole ******* enchilada.
I’m talking about ‘from sea to shining sea.’”

“I fight no more forever,” Babaloo.
So I must steer this clunky keelboat of discovery,
Back to the main channel of my sad and starry demented river.
My warpath is personal but not historical.
It is my brain’s own convoluted cognitive process I cannot saavy.
Whatever biochemical or—as I suspect more each day—
Whatever bio-mechanical protocols govern my identity,
My weltanschauung: my world-view, as sprechen by proto-Nazis;
Putz philosophers of the 17th, 18th & 19th century.
The German intelligentsia: what a cavalcade of maniacal *******!
Why is this Jew unsurprised these Zarathustra-fueled Übermenschen . . .
Be it the Kaiser--Caesar in Deutsch--Bismarck, ******, or,
Even that Euro-*****,  Angela Merkel . . . Why am I not surprised these Huns,
Get global grab-*** on the sauerbraten cabeza every few generations?
To be, or not to be the ***** bullgoose loony: GOTT.

Biomechanical protocols govern my identity and are implanted while I sleep.
My brain--my weak and weary CPU--is replenished, my discs defragmented.
A suite of magnetic and optical white rooms, cleansed free of contaminants,
Gun mounts & lifeboat stations manned and ready,
Standing at attention and saluting British snap-style,
Snap-to and heel click, ramrod straight and cheerful: “Ready for duty, Sir.”
My mind is ravenous, lusting for something, anything to process.
Any memory or image, lyric or construct,
Be they short-term dailies or deeply imprinted.
Fixations archived one and all in deep storage time and space.
Memories, some subconscious, most vaporous;
Others--the scary ones—eidetic: frighteningly detailed and extraordinarily vivid.
Precise cognitive transcripts; recollected so richly rife and fresh.
Visual, auditory, tactile, gustatory, and olfactory reloads:
Queued up and increasingly re-experienced.

The bio-data of six decades: it’s all there.
People, countless, places and things cataloged.
Every event, joy and trauma enveloped from within or,
Accessed externally from biomechanical storage devices.
The random access memory of a lifetime,
Read and recollected from cerebral repositories and vaults,
All the while the entire greedy process overseen,
Over-driven by that all-subservient British bat-man,
Rummaging through the data in batches small and large,
Internal and external drives working in seamless syncopation,
Self-referential, at times paradoxical or infinitely looped.
“Cogito ergo sum."
Descartes stripped it down to the basics but there’s more to the story:
Thinking about thinking.
A curse and minefield for the cerebral:  metacognition.

No, it is not the fact that thought exists,
Or even the thoughts themselves.
But the information technology of thought that baffles me,
As adaptive and profound as any evolution posited by Darwin,
Beyond the wetware in my skull, an entirely new operating system.
My mental and cultural landscape are becoming one.
Machines are connecting the two.
It’s what I am and what I am becoming.
Once more for emphasis:
It is the information technology of who I am.
It is the operating system of my mental and cultural landscape.
It is the machinery connecting the two.
This is the central point of this narrative:
Metacognition--your superego’s yenta Cassandra,
Screaming, screaming in your psychic ear, your good ear:

“LISTEN:  The machines are taking over, taking you over.
Your identity and train of thought are repeatedly hijacked,
Switched off the main line onto spurs and tangents,
Only marginally connected or not at all.
(Incoming TEXT from my editor: “Lighten Up, Giuseppi!”)
Reminding me again that most in my audience,
Rarely get past the comic page. All righty then: think Calvin & Hobbes.
John Calvin, a precocious and adventurous six-year old boy,
Subject to flights of 16th Century French theological fancy.
Thomas Hobbes, a sardonic anthropomorphic tiger from 17th Century England,
Mumbling about life being “solitary, poor, nasty, brutish and short.”
Taken together--their antics and shenanigans--their relationship to each other,
Remind us of our dual nature; explore for us broad issues like public education;
The economy, environmentalism & the Global ****** Thermometer;
Not to mention the numerous flaws of opinion polls.



And again my editor TEXTS me, reminds me again: “LIGHTEN UP!”
Consoling me:  “Even Shakespeare had to play to the groundlings.”
The groundlings, AKA: The Rabble.
Yes. Even the ******* Bard, even Willie the Shake,
Had to contend with a decidedly lowbrow copse of carrion.
Oh yes, the groundlings, a carrion herd, a flying flock of carrion seagulls,
Carrion crow, carrion-feeders one and all,
And let’s throw Sheryl Crow into the mix while we’re at it:
“Hit it! This ain't no disco. And it ain't no country club either, this is L.A.”  

                  Send "All I Wanna Do" Ringtone to your Cell              

Once more, I digress.
The Rabble:  an amorphous, gelatinous Jabba the Hutt of commonality.
The Rabble: drunk, debauched & lawless.
Too *****-delicious to stop Bill & Hilary from thinking about tomorrow;
Too Paul McCartney My Love Does it Good to think twice.

The Roman Saturnalia: a weeklong **** fest.
The Saturnalia: originally a pagan kink-fest in honor of the deity Saturn.
Dovetailing nicely with the advent of the Christian era,
With a project started by Il Capo di Tutti Capi,
One of the early popes, co-opting the Roman calendar between 17 and 25 December,
Putting the finishing touches on the Jesus myth.
For Brooklyn Hopi-***-Jew baby boomers like me,
Saturnalia manifested itself as Disco Fever,
Unpleasant years of electrolysis, scrunched ***** in tight polyester
For Roman plebeians, for the great unwashed citizenry of Rome,
Saturnalia was just a great big Italian wedding:
A true family blowout and once-in-a-lifetime ego-trip for Dad,
The father of the bride, Vito Corleone, Don for A Day:
“Some think the world is made for fun and frolic,
And so do I! Funicula, Funiculi!”

America: love it or leave it; my country right or wrong.
Sure, we were citizens of Rome,
But any Joe Josephus spending the night under a Tiber bridge,
Or sleeping off a three day drunk some afternoon,
Up in the Coliseum bleachers, the cheap seats, out beyond the monuments,
The original three monuments in the old stadium,
Standing out in fair territory out in center field,
Those three stone slabs honoring Gehrig, Huggins, and Babe.
Yes, in the house that Ruth built--Home of the Bronx Bombers--***?
Any Joe Josephus knows:  Roman citizenship doesn’t do too much for you,
Except get you paxed, taxed & drafted into the Legion.
For us the Roman lifestyle was HIND-*** humble.
We plebeians drew our grandeur by association with Empire.
Very few Romans and certainly only those of the patrician class lived high,
High on the hog, enjoying a worldly extravaganza, like—whom do we both know?

Okay, let’s say Laurence Olivier as Crassus in Spartacus.
Come on, you saw Spartacus fifteen ******* times.
Remember Crassus?
Crassus: that ***** twisted **** trying to get his freak on with,
Tony Curtis in a sunken marble tub?
We plebes led lives of quiet *****-scratching desperation,
A bunch of would-be legionnaires, diseased half the time,
Paid in salt tablets or baccala, salted codfish soaked yellow in olive oil.
Stiffs we used to call them on New Year’s Eve in Brooklyn.
Let’s face it: we were hyenas eating someone else’s ****,
Stage-door jackals, Juvenal-come-late-lies, a mob of moronic mook boneheads
Bought off with bread & circuses and Reality TV.
Each night, dished up a wide variety of lowbrow Elizabethan-era entertainments.  
We contemplate an evening on the town, downtown—
(cue Petula Clark/Send "Downtown" Ringtone to your Cell)

On any given London night, to wit:  mummers, jugglers, bear & bull baiters.
How about dog & **** fighters, quoits & skittles, alehouses & brothels?
In short, somewhere, anywhere else,
Anywhere other than down along the Thames,
At Bankside in Southwark, down in the Globe Theater mosh pit,
Slugging it out with the groundlings whose only interest,
In the performance is the choreography of swordplay and stale ****** puns.
Meanwhile, Hugh Fennyman--probably a fellow Jew,
An English Renaissance Bugsy Siegel or Mickey Cohen—
Meanwhile Fennyman, the local mob boss is getting his ya-yas,
Roasting the feet of my text-messaging editor, Philip Henslowe.
Poor and pathetic Henslowe, works on commission, always scrounging,
But a true patron of my craft, a gentleman of infinite jest and patience,
Spiritual subsistence, and every now and then a good meal at some,
Sawdust joint with oyster shells, and a Prufrockian silk purse of T.S. Eliot gold.

Poor, pathetic Henslowe, trussed up by Fennyman,
His editorial feet in what looks like a Japanese hibachi.
Henslowe’s feet to the fire--feet to the fire—get it?
A catchy phrase whose derivation conjures up,
A grotesque yet vivid image of torture,
An exquisite insight into how such phrases ingress the idiom,
Not to mention a scene once witnessed at a secret Romanian CIA prison,
I’d been ordered to Bucharest not long after 9/11,
Handling the rendition and torture of Habib Ghazzawy,

An entirely innocent falafel maker from Steinway Street, Astoria, Queens.
Shock the Monkey: it’s what we do. GOTO:
Peter Gabriel - Shock the Monkey/
(HQ music video) - YouTube//
www.youtube.com/
Poor, pathetic, ******-on Henslowe.


Fennyman :  (his avarice is whet by something Philly screams out about a new script)  "A play takes time. Find actors; Rehearsals. Let's say open in three weeks. That's--what--five hundred groundlings at tuppence each, in addition four hundred groundlings tuppence each, in addition four hundred backsides at three pence--a penny extra for a cushion, call it two hundred cushions, say two performances for safety how much is that Mr. Frees?"
Jacobean Tweet, John (1580-1684) Webster:  “I saw him kissing her bubbies.”

It’s Geoffrey Rush, channeling Henslowe again,
My editor, a singed smoking madman now,
Feet in an ice bucket, instructing me once more:
“Lighten things up, you know . . .
Comedy, love and a bit with a dog.”
I digress again and return to Hopi Land, back to my shaman-monastic abattoir,
That Zen Center in downtown Shungopavi.
At the Tribal Enrolment Office I make my case for a Certificate of Indian Blood,
Called a CIB by the Natives and the U.S. Bureau of Indian Affairs.
The BIA:  representing gold & uranium miners, cattle and sheep ranchers,
Sodbusters & homesteaders; railroaders and dam builders since 1824.
Just in time for Andrew Jackson, another false friend of Native America,
Just before Old Hickory, one of many Democratic Party hypocrites and scoundrels,
Gives the FONGOOL, up the CULO go ahead.
Hey Andy, I’ve got your Jacksonian democracy: Hanging!
The Bureau of Indian Affairs (BIA) mission is to:   "… enhance the quality of life, to promote economic opportunity, and to carry out the responsibility to protect and improve the trust assets of American Indians, Indian tribes, and Alaska Natives. What’s that in the fine print?  Uncle Sammy holds “the trust assets of American Indians.”

Here’s a ******* tip, Geronimo: if he trusted you,
It would ALL belong to you.
To you and The People.
But it’s all fork-tongued white *******.
If true, Indian sovereignty would cease to be a sick one-liner,
Cease to be a blunt force punch line, more of,
King Leopold’s 19th Century stand-up comedy schtick,
Leo Presents: The **** of the Congo.
La Belgique mission civilisatrice—
That’s what French speakers called Uncle Leo’s imperial public policy,
Bringing the gift of civilization to central Africa.
Like Manifest Destiny in America, it had a nice colonial ring to it.
“Our manifest destiny [is] to overspread the continent,
Allotted by Providence for the free development,
Of our yearly multiplying millions.”  John L. O'Sullivan, 1845

Our civilizing mission or manifest destiny:
Either/or, a catchy turn of phrase;
Not unlike another ironic euphemism and semantic subterfuge:
The Pacification of the West; Pacification?
Hardly: decidedly not too peaceful for Cochise & Tonto.
Meanwhile, Madonna is cash rich but disrespected Evita poor,
To wit: A ****** on the Rocks (throwing in a byte or 2 of Da Vinci Code).
Meanwhile, Miss Ciccone denied her golden totem *****.
They snubbed that little guinea ****, didn’t they?
Snubbed her, robbed her rotten.
Evita, her magnum opus, right up there with . . .
Her SNL Wayne’s World skit:
“Get a load of the unit on that guy.”
Or, that infamous MTV Music Video Awards stunt,
That classic ***** Lip-Lock with Britney Spears.

How could I not see that Oscar snubola as prime evidence?
It was just another stunning case of American anti-Italian racial animus.
Anyone familiar with Noam Chomsky would see it,
Must view it in the same context as the Sacco & Vanzetti case,
Or, that arbitrary lynching of 9 Italian-Americans in New Orleans in 1891,
To cite just two instances of anti-Italian judicial reach & mob violence,
Much like what happened to my cousin Dominic,
Gang-***** by the Harlem Globetrotters, in their locker room during halftime,
While he working for Abe Saperstein back in 1952.
Dom was doing advance for Abe, supporting creation of The Washington Generals:
A permanent stable of hoop dream patsies and foils,
Named for the ever freewheeling, glad-handing, backslapping,
Supreme Commander Allied Expeditionary Force (SCAEF), himself,
Namely General Dwight D. Eisenhower, the man they liked,
And called IKE: quite possibly a crypto Jew from Abilene.

Of course, Harry Truman was my first Great White Fascist Father,
Back in 1946, when I first opened my eyes, hung up there,
High above, looking down from the adobe wall.
Surveying the entire circular kiva,
I had the best seat in the house.
Don’t let it be said my Spider Grandmother or Hopi Corn Mother,
Did not want me looking around at things,
Discovering what made me special.
Didn’t divine intervention play a significant part of my creation?
Knowing Mamma Mia and Nonna were Deities,
Gave me an edge later on the streets of Brooklyn.
The Cradleboard: was there ever a more divinely inspired gift to human curiosity? The Cradleboard: a perfect vantage point, an infant’s early grasp,
Of life harmonious, suspended between Mother Earth and Father Sky.
Simply put: the Hopi should be running our ******* public schools.

But it was IKE with whom I first associated,
Associated with the concept 1600 Pennsylvania Avenue.
I liked IKE. Who didn’t?
What was not to like?
He won the ******* war, didn’t he?
And he wasn’t one of those crazy **** John Birchers,
Way out there, on the far right lunatic Republican fringe,
Was he? (It seems odd and nearly impossible to believe in 2013,
That there was once a time in our Boomer lives,
When the extreme right wing of the Republican Party
Was viewed by the FBI as an actual threat to American democracy.)
Understand: it was at a time when The FBI,
Had little ideological baggage,
But a great appetite for secrets,
The insuppressible Jay Edgar doing his thang.

IKE: of whom we grew so, oh-so Fifties fond.
Good old reliable, Nathan Shaking IKE:
He’d been fixed, hadn’t he? Had had the psychic snip.
Snipped as a West Point cadet & parade ground martinet.
Which made IKE a good man to have in a pinch,
Especially when crucial policy direction was way above his pay grade.
Cousin Dom was Saperstein’s bagman, bribing out the opposition,
Which came mainly from religious and patriotic organizations,
Viewing the bogus white sports franchise as obscene.
The Washington Generals, Saperstein’s new team would have but one opponent,
And one sole mission: to serve as the **** of endless jokes and sight gags for—
Negroes.  To play the chronic fools of--
Negroes.  To be chronically humiliated and insulted by—
Negroes.  To run up and down the boards all night, being outran by—
Negroes.  Not to mention having to wear baggy silk shorts.



Meadowlark Lemon:  “Yeah, Charlie, we ***** that grease-ball Dominic; we shagged his guinea mouth and culo rotten.”  

(interviewed in his Scottsdale, AZ winter residence in 2003 by former ESPN commentator Charlie Steiner, Malverne High School, Class of ’67.)
                                                        
  ­                                                                 ­                 
IKE, briefed on the issue by higher-ups, quickly got behind the idea.
The Harlem Globetrotters were to exist, and continue to exist,
Are sustained financially by Illuminati sponsors,
For one reason and one reason only:
To serve elite interests that the ***** be kept down and subservient,
That the minstrel show be perpetuated,
A policy surviving the elaborate window dressing of the civil rights movement, Affirmative action, and our first Uncle Tom president.
Case in point:  Charles Barkley, Dennis Rodman & Metta World Peace Artest.
Cha-cha-cha changing again:  I am Robert Allen Zimmermann,
A whiny, skinny Jew, ****** and rolling in from Minnesota,
Arrested, obviously a vagrant, caught strolling around his tony Jersey enclave,
Having moved on up the list, the A-list, a special invitation-only,
Yom Kippur Passover Seder:  Next Year in Jerusalem, Babaloo!

I take ownership of all my autonomic and conditioned reflexes;
Each personal neural arc and pathway,
All shenanigans & shellackings,
Or blunt force cognitive traumas.
It’s all percolating nicely now, thank you,
In kitchen counter earthen crockery:
Random access memory: a slow-cook crockpot,
Bubbling through my psychic sieve.
My memories seem only remotely familiar,
Distant and vague, at times unreal:
An alien hybrid databank accessed accidently on purpose;
Flaky science sustains and monitors my nervous system.
And leads us to an overwhelming question:
Is it true that John Dillinger’s ******* is in the Smithsonian Museum?
Enquiring minds want to know, Kemosabe!

“Any last words, *******?” TWEETS Adam Smith.
Postmortem cyber-graffiti, an epitaph carved in space;
Last words, so singular and simple,
Across the universal great divide,
Frisbee-d, like a Pleistocene Kubrick bone,
Tossed randomly into space,
Morphing into a gyroscopic space station.
Mr. Smith, a calypso capitalist, and me,
Me, the Poet Laureate of the United States and Adam;
Who, I didn’t know from Adam.
But we tripped the light fantastic,
We boogied the Protestant Work Ethic,
To the tune of that old Scotch-Presbyterian favorite,
Variations of a 5-point Calvinist theme: Total Depravity; Election; Particular Redemption; Irresistible Grace; & Perseverance of the Saints.

Mr. Smith, the author of An Inquiry into the Nature
& Causes of the Wealth of Nations (1776),
One of the best-known, intellectual rationales for:
Free trade, capitalism, and libertarianism,
The latter term a euphemism for Social Darwinism.
Prior to 1764, Calvinists in France were called Huguenots,
A persecuted religious majority . . . is that possible?
A persecuted majority of Edict of Nantes repute.
Adam Smith, likely of French Huguenot Jewish ancestry himself,
Reminds me that it is my principal plus interest giving me my daily gluten.
And don’t think the irony escapes me now,
A realization that it has taken me nearly all my life to see again,
What I once saw so vividly as a child, way back when.
Before I put away childish things, including the following sentiment:
“All I need is the air that I breathe.”

  Send "The Air That I Breathe" Ringtone to your Cell  

The Hippies were right, of course.
The Hollies had it all figured out.
With the answer, as usual, right there in the lyrics.
But you were lucky if you were listening.
There was a time before I embraced,
The other “legendary” economists:
The inexorable Marx,
The savage society of Veblen,
The heresies we know so well of Keynes.
I was a child.
And when I was a child, I spake as a child—
Grazie mille, King James—
I understood as a child; I thought as a child.
But when I became a man I jumped on the bus with the band,
Hopped on the irresistible bandwagon of Adam Smith.

Smith:  “Any last words, *******?”
Okay, you were right: man is rationally self-interested.
Grazie tanto, Scotch Enlightenment,
An intellectual movement driven by,
An alliance of Calvinists and Illuminati,
Freemasons and Johnny Walker Black.
Talk about an irresistible bandwagon:
Smith, the gloomy Malthus, and David Ricardo,
Another Jew boy born in London, England,
Third of 17 children of a Sephardic family of Portuguese origin,
Who had recently relocated from the Dutch Republic.
******* Jews!
Like everything shrewd, sane and practical in this world,
WE also invented the concept:  FOLLOW THE MONEY.

The lyrics: if you were really listening, you’d get it:
Respiration keeps one sufficiently busy,
Just breathing free can be a full-time job,
Especially when--borrowing a phrase from British cricketers—,
One contemplates the sorry state of the wicket.
Now that I am gainfully superannuated,
Pensioned off the employment radar screen.
Oft I go there into the wild ebon yonder,
Wandering the brain cloud at will.
My journey indulges curiosity, creativity and deceit.
I free range the sticky wicket,
I have no particular place to go.
Snagging some random fact or factoid,
A stop & go rural postal route,
Jumping on and off the brain cloud.

Just sampling really,
But every now and then, gorging myself,
At some information super smorgasbord,
At a Good Samaritan Rest Stop,
I ponder my own frazzled neurology,
When I was a child—
Before I learned the grim economic facts of life and Judaism,
Before I learned Hebrew,
Before my laissez-faire Bar Mitzvah lessons,
Under the rabbinical tutelage of Rebbe Kahane--
I knew what every clever child knows about life:
The surfing itself is the destination.
Accessing RAM--random access memory—
On a strictly need to know basis.
RAM:  a pretty good name for consciousness these days.

If I were an Asimov or Sir Arthur (Sri Lankabhimanya) Clarke,
I’d get freaky now, riffing on Terminators, Time Travel and Cyborgs.
But this is truth not science fiction.
Nevertheless, someone had better,
Come up with another name for cyborg.
Some other name for a critter,
Composed of both biological and artificial parts?
Parts-is-parts--be they electronic, mechanical or robotic.
But after a lifetime of science fiction media,
After a steady media diet, rife with dystopian technology nightmares,
Is anyone likely to admit to being a cyborg?
Since I always give credit where credit is due,
I acknowledge that cyborg was a term coined in 1960,
By Manfred Clynes & Nathan S. Kline and,
Used to identify a self-regulating human-machine system in outer space.

Five years later D. S. Halacy's: Cyborg: Evolution of the Superman,
Featured an introduction, which spoke of:  “… a new frontier, that was not,
Merely space, but more profoundly, the relationship between inner space,
And outer space; a bridge, i.e., between mind and matter.”
So, by definition, a cyborg defined is an organism with,
Technology-enhanced abilities: an antenna array,
Replacing what was once sentient and human.
My glands, once in control of metabolism and emotions,
Have been replaced by several servomechanisms.
I am biomechanical and gluttonous.
Soaking up and breathing out the atmosphere,
My Baby Boom experience of six decades,
Homogenized and homespun, feedback looped,
Endlessly networked through predigested mass media,
Culture as demographically targeted content.

This must have something to do with my own metamorphosis.
I think of Gregor Samsa, a Kafkaesque character if there ever was one.
And though we share common traits,
My evolutionary progress surpasses and transcends his.
Samsa--Phylum and Class--was, after all, an insect.
Nonetheless, I remain a changeling.
Have I not seen many stages of growth?
Each a painful metamorphic cycle,
From exquisite first egg,
Through caterpillar’s appetite & squirm.
To phlegmatic bliss and pupa quietude,
I unfold my wings in a rush of Van Gogh palette,
Color, texture, movement and grace, lift off, flapping in flight.
My eyes have witnessed wondrous transformations,
My experience, nouveau riche and distinctly self-referential;
For the most part unspecific & longitudinally pedestrian.

Yes, something has happened to me along the way.
I am no longer certain of my identity as a human being.
Time and technology has altered my basic wiring diagram.
I suspect the sophisticated gadgets and tools,
I’ve been using to shape & make sense of my environment,
Have reared up and turned around on me.
My tools have reshaped my brain & central nervous system.
Remaking me as something simultaneously more and less human.
The electronic toys and tools I once so lovingly embraced,
Have turned unpredictable and rabid,
Their bite penetrating my skin and septic now, a cluster of implanted sensors,
Content: currency made increasingly more valuable as time passes,
Served up by and serving the interests of a pervasively predatory 1%.
And the rest of us: the so-called 99%?
No longer human; simply put by both Howards--Beale & Zinn--

Humanoid.
Bien ****, quand il se sent l'estomac écoeuré,
Le frère Milotus, un oeil à la lucarne
D'où le soleil, clair comme un chaudron récuré,
Lui darde une migraine et fait son regard darne,
Déplace dans les draps son ventre de curé.

Il se démène sous sa couverture grise
Et descend, ses genoux à son ventre tremblant,
Effaré comme un vieux qui mangerait sa prise,
Car il lui faut, le poing à l'anse d'un *** blanc,
À ses reins largement retrousser sa chemise !

Or il s'est accroupi, frileux, les doigts de pied
Repliés, grelottant au clair soleil qui plaque
Des jaunes de brioche aux vitres de papier ;
Et le nez du bonhomme où s'allume la laque
Renifle aux rayons, tel qu'un charnel polypier

Le bonhomme mijote au feu, bras tordus, lippe
Au ventre : il sent glisser ses cuisses dans le feu,
Et ses chausses roussir, et s'éteindre sa pipe ;
Quelque chose comme un oiseau remue un peu
À son ventre serein comme un monceau de tripe !

Autour dort un fouillis de meubles abrutis
Dans des haillons de crasse et sur de sales ventres ;
Des escabeaux, crapauds étranges, sont blottis
Aux coins noirs : des buffets ont des gueules de chantres
Qu'entrouvre un sommeil plein d'horribles appétits.

L'écoeurante chaleur gorge la chambre étroite ;
Le cerveau du bonhomme est bourré de chiffons.
Il écoute les poils pousser dans sa peau moite,
Et parfois, en hoquets fort gravement bouffons
S'échappe, secouant son escabeau qui boite...

Et le soir aux rayons de lune, qui lui font
Aux contours du cul des bavures de lumière,
Une ombre avec détails s'accroupit, sur un fond
De neige rose ainsi qu'une rose trémière...
Fantasque, un nez poursuit Vénus au ciel profond.
Fable IX, Livre II.


Au temps où les bêtes parlaient
Non pas hier pourtant, un grave personnage,
Un dindon, le Nestor des dindons de son âge,
Elevait quinze enfants, qui tous lui ressemblaient.
Tous, j'ai tort ; car l'un d'eux, et la chose est prouvée,
Éclos de la même couvée,
Des autres, toutefois, croissait fort différent :
Bien qu'il fût le plus jeune, il était le plus grand ;
S'il ne disputait pas la noirceur à l'ébène,
La blancheur de l'albâtre éclatait sur son corps ;
Son bec tranchant était retors
Comme un nez dit à la romaine ;
Ces yeux, si peu malins que ses jeunes amis
Portaient enchâssés sous leur crête,
Chez ce dindon manqué, pareils à deux rubis,
Etincelaient enfoncés dans sa tête.
Au lieu de ces ergots dont le coq orgueilleux
Laboure obscurément le fumier et la terre,
Ses pieds étaient armés de cette double serre
Qui porte l'échanson des dieux,
Et se joue avec le tonnerre.
On conçoit qu'un tel écolier
Aux leçons d'un coq-d'inde était fort peu docile ;
Chaque jour son humeur, de moins en moins facile,
Scandalisait le poulailler.
Le chat paraissait-il : « Vite, enfants, qu'on se cache ! »
Criait le surveillant, le premier à partir.
Dindonneaux de rentrer, mon drôle de sortir,
Et de narguer Raton jusque sous sa moustache.
L'autour ou l'épervier, sur le troupeau gloussant,
Faisaient-ils mine de s'abattre ;
Tandis que tout fuyait, sur ses pieds se dressant,
Le bec en l'air, mon drôle attendait pour combattre.
Ami des jeux, bien moins qu'ennemi du repos,
Jouait-il une fois ; il jouait Dieu sait comme !
De la cage à poulets se faisant un champ clos :
Tel, déjà capitaine au milieu des marmots,
Guesclin, dans un enfant, faisait voir un grand homme.
Bref, maint ami plumé se plaignait du héros.
Dindons étaient toujours les dindons de l'affaire ;
Dindons de répéter leur éternel propos :
C'est un mauvais sujet ; on n'en pourra rien faire.
Ce mauvais sujet, un beau jour,
Quand ses ailes furent venues,
Prit congé de la basse-cour,
Et, du premier essor, se perdit dans les nues.

Ainsi plus d'un héros futur,
Elevé dans un rang obscur,
En suivant son génie, agit contre la règle :
Dans le comptoir, Fabert ne rêvait que combats.
Mais pourquoi ? mais comment ? Amis, n'oubliez pas
Qu'une dinde parfois peut couver l'œuf d'un aigle.
jalalium Sep 2013
Jaques le fumeur aimait les rouler étroits
Et toujours en fumait deux a la fois
J'aime fumer disait il
Quelle excuse futile!
Le tabac et ce qu'il y ajoutait l'esclavagèrent
Depuis qu'il n'utilisait plus son briquet que pour les concerts
L'esclave jamais ne dort
Car même la nuit il en roulait encore
Dans sa chambre, à coté de la fenêtre
O marchand de sable, plongez moi dans le bien-être
repetait il quand il n'en pouvait plus
mais ce soir la quelque chose de nouveau l'avait déplu
la constatation d'un changement l'avait dégoûté
L'eau de la bouteille avait noircit et maintenant sentait
la bouteille qu'il prenait pour cendrier car il n'en avait pas un
Fixe sur la bouteille il était terrifie de ce que lui réservait son destin
Il tendit la main vers la bouteille pour alléger sa cigarette
Hélas il y fit tomber sa possession la plus précieuse
Il devait affronter son dégoût et chercher entre les cigarettes
sinon son existence ne serait plus jamais délicieuse
il coupa la bouteille en deux
il chercha, chercha et chercha encore
main dans le goudron
mains sur le nez
Maintenant Jacques pleure
Aucune trace de son espoir
hier, aujourd'hui et demain pour lui ont la même couleur
il mourut 60 ans avant ses dernières mémoires
car quand il ne pouvait plus espérer
il cessa de vivre
Sy Roth May 2015
Boo rustles the lace curtains.  
They sometimes move to the slightest¬¬ dance of the wind.
The white shade slides them gently some nights
A moonlit soft skritching of plastic O-rings
On the brass bar as he peeks out.
The outside drowns his words.
A blank eye longs for the day while his
Shuttered windows whisper a breathy wail.
A hail of silent words secreted in trained night-clown smiles.
The streets deny it.

He hears the truth tap at his walls,
It drives a pince-nez melody in his darkened cell,
A rhythm wailing in noon darkness.
His darkling thoughts push the delete button,
Push them away like buzzing flies
Where she lies famished in her casket
Sere, sullen creature drained.
Yet another shallow shade of existence.
Emily’s world where did, did not happen—

Behind the nailed-shut doors
Truths pranced once in verdant forests.

Deny them exit, they screamed.
Keep them safe in their hidey-holes.
Wrap them in the black ink of dashed hopes.
With unspoken words –


Not here,
Where spirits, their spirits whimper.


Not here,

Secreted behind the drapes, Boo moans
Caresses his chalky skin,
Behind the windows
And behind the sealed doors
Wrapped in an airless tomb with Emily,
In a secret- secured world beyond their grasp.
Le spectre que parfois je rencontre riait.
- Pourquoi ris-tu ? Lui dis-je. - Il dit : - Homme inquiet,
Regarde.
Il me montrait dans l'ombre un cimetière.

J'y vis une humble croix près d'une croix altière ;
L'une en bois, l'autre en marbre ; et le spectre reprit,
Tandis qu'au **** le vent passait comme un esprit
Et des arbres profonds courbait les sombres têtes :

- Jusque dans le cercueil vous êtes vains et bêtes.
Oui, gisants, vous laissez debout la vanité.
Vous la sculptez au seuil du tombeau redouté,
Et vous lui bâtissez des tours et des coupoles.
Et, morts, vous êtes fiers.

Oui, dans vos nécropoles,
Dans ces villes du deuil que vos brumeux Paris
Construisent à côté du tumulte et des cris,
On trouve tout, des bois où jasent les fauvettes,
Des jets d'eau jaillissant du jaspe des cuvettes,
Un paysage vert, voluptueux, profond,
Où le nuage avec la plaine se confond,
La calèche où souvent l'œil cherche la civière,
Des prêtres sous le frais lisant leur bréviaire,
Du soleil en hiver, de l'ombrage en été,
Des roses, des chansons, tout, hors l'égalité.
Vous avez des charniers et des Pères-Lachaises
Où Samuel Bernard seul peut prendre ses aises,
Dormir en paix, jouir d'un caveau bien muré,
Et se donner les airs d'être à jamais pleuré,
Et s'adjuger, derrière une grille solide,
Des fleurs que le Temps garde en habit d'invalide.
Quant aux morts indigents, on leur donne congé ;
On chasse d'auprès d'eux le sanglot prolongé ;
Et le pauvre n'a pas le droit de pourriture.
Un jour, on le déblaie. On prend sa sépulture
Pour grandir d'une toise un monument pompeux.
- Misérable, va-t'en. Deviens ce que tu peux.
Quoi ! Tu prétends moisir ici parmi ces marbres,
Faire boucher le nez aux passants sous ces arbres,
Te carrer sous cette herbe, être au fond de ton trou
Charogne comme un autre, et tu n'as pas le sou !
Qu'est-ce que ce mort-là qui n'a rien dans sa poche !
Décampe. - Et la brouette et la pelle et la pioche
Arrachent le dormeur à son dur traversin.
Sus ! Place à monseigneur le sépulcre voisin !
Ce n'est rien d'être mort, il faut avoir des rentes.
Les carcasses des gueux sont fort mal odorantes ;
Les morts bien nés font bande à part dans le trépas ;
Le sépulcre titré ne fraternise pas
Avec la populace anonyme des bières ;
La cendre tient son rang vis-à-vis des poussières ;
Et tel mort dit : pouah ! Devant tel autre mort.
Le gentleman, à l'heure où l'acarus le mord,
Se maintient délicat et dégoûté. C'est triste.
Et j'en ris. Le linceul peut être de batiste !
Chez vous, oui, sous la croix de l'humble Dieu Jésus,
Les trépassés à court d'argent sont mal reçus ;
L'abîme a son dépôt de mendicité ; l'ombre
Met d'un côté l'élite et de l'autre le nombre ;
On n'est jamais moins près qu'alors qu'on se rejoint ;
Dans la mort vague et blême on ne se mêle point ;
On reste différent même à ce clair de lune ;
Le peuple dans la tombe a nom fosse commune.
La tombe impartiale ! Allons donc ! Le ci-gît
Tantôt se rétrécit et tantôt s'élargit ;
Le péage, réglé par arrêté du maire,
Fait Beaujon immortel et Chodruc éphémère.
Pourrir gratis ! Jamais ! Le terrain est trop cher.
Tandis que, tripotant ce qui fut de la chair,
La chimie, en son antre où vole la phalène,
Fait de l'adipocire et du blanc de baleine
Avec le résidu des pâles meurt-de-faim,
Tel cadavre, vêtu d'un suaire en drap fin,
Regarde en souriant la mort aux yeux de tigre,
Jette au spectre sa bourse, et dit : Marquis d'Aligre.
Vos catacombes ont des perpétuités
Pour ceux-ci pour ceux-là des répits limités.
Votre tombe est un gouffre où le riche surnage.
Ce mort n'a pas payé son terme ; il déménage.
Le fantôme, branlant sur ses blancs tibias,
Portant tout avec lui, s'en va, comme Bias ;
Vivant, il fut sans pain, et, mort, il est sans terre.
L'ossuaire répugne aux os du prolétaire.
Seul Rothschild, dans l'oubli du caveau sans échos,
Est mangé par des rats et par des asticots
Qu'il paye et dont il est maître et propriétaire.
Oui, c'est l'étonnement de la pariétaire,
Du brin d'herbe, de l'if aussi noir que le jais,
Du froid cyprès, du saule en pleurs, de voir sujets
À des expulsions sommaires et subites
Des crânes qui n'ont plus leurs yeux dans leurs orbites.
Vos cimetières sont des lieux changeants, flottants,
Précaires, où les morts vont passer quelque temps,
À peine admis au seuil des ténébreux mystères,
Et l'éternité sombre y prend des locataires.
Quoi ! C'est là votre mort ! C'est avec de l'orgueil
Que vous doublez le bois lugubre du cercueil !
Vous gardez préséance, honneurs, grade, avantages !
Vous conservez au fond du néant des étages !
La chimère est bouffonne. Ah ! La prétention
Est rare, dans le lieu de disparition !

Quoi ! Privilégier ce qui n'est plus ! Quoi ! Faire
Des grands et des petits dans l'insondable sphère !
Traiter Jean comme peste et Paul comme parfum !
Être mort, et vouloir encore être quelqu'un !
Quoi ! Dans le pourrissoir emporter l'opulence !
Faire sonner son or dans l'éternel silence !
Avoir, de par cet or dont sur terre on brilla,
Droit de tomber en poudre ici plutôt que là !
Arriver dans la nuit ainsi que des lumières !
Prendre dans le tombeau des places de premières !
Ne pas entendre Dieu qui dit au riche : assez !
Je cesserai d'en rire, ô vivants insensés,
Le jour où j'apprendrai que c'est vrai, que, dans l'ombre
De l'incommensurable et ténébreux décombre,
L'archange à l'aile noire, assis à son bureau,
Toise les morts, leur donne à tous un numéro,
Discute leur obole, or ou plomb, vraie ou fausse,
Et la pèse, et marchande au squelette sa fosse !
Le jour où j'apprendrai que la chose est ainsi,
Que Lucullus sous terre est du fumier choisi,
Que le bouton d'or perd ou double sa richesse
S'il sort d'une grisette ou bien d'une duchesse,
Qu'un lys qui naît d'un pauvre est noir comme charbon,
Que, mort, Lazare infecte et qu'Aguado sent bon !
Le jour où j'apprendrai que dans l'azur terrible
L'éternel a des trous inégaux à son crible ;
Et que, dans le ciel sombre effroi de vos remords,
S'il voit passer, porté par quatre croque-morts,
Un cadavre fétide et hideux, le tonnerre
Demande à l'ouragan : - est-ce un millionnaire ?
Le jour où j'apprendrai que la tombe, en effet,
Que l'abîme, selon le tarif du préfet,
Trafique de sa nuit et de son épouvante,
Et que la mort a mis les vers de terre en vente !

Le 18 mars 1870.
On donnait à Favart Mosé. Tamburini,

Le basso cantante, le ténor Rubini,

Devaient jouer tous deux dans la pièce ; et la salle

Quand on l'eût élargie et faite colossale,

Grande comme Saint-Charle ou comme la Scala,

N'aurait pu contenir son public ce soir-là.

Moi, plus heureux que tous, j'avais tout à connaître,

Et la voix des chanteurs et l'ouvrage du maître.

Aimant peu l'opéra, c'est hasard si j'y vais,

Et je n'avais pas vu le Moïse français ;

Car notre idiome, à nous, rauque et sans prosodie,

Fausse toute musique ; et la note hardie,

Contre quelque mot dur se heurtant dans son vol,

Brise ses ailes d'or et tombe sur le sol.

J'étais là, les deux bras en croix sur la poitrine,

Pour contenir mon cœur plein d'extase divine ;

Mes artères chantant avec un sourd frisson,

Mon oreille tendue et buvant chaque son,

Attentif, comme au bruit de la grêle fanfare,

Un cheval ombrageux qui palpite et s'effare ;

Toutes les voix criaient, toutes les mains frappaient,

A force d'applaudir les gants blancs se rompaient ;

Et la toile tomba. C'était le premier acte.

Alors je regardai ; plus nette et plus exacte,

A travers le lorgnon dans mes yeux moins distraits,

Chaque tête à son tour passait avec ses traits.

Certes, sous l'éventail et la grille dorée,

Roulant, dans leurs doigts blancs la cassolette ambrée,

Au reflet des joyaux, au feu des diamants,

Avec leurs colliers d'or et tous leurs ornements,

J'en vis plus d'une belle et méritant éloge,

Du moins je le croyais, quand au fond d'une loge

J'aperçus une femme. Il me sembla d'abord,

La loge lui formant un cadre de son bord,

Que c'était un tableau de Titien ou Giorgione,

Moins la fumée antique et moins le vernis jaune,

Car elle se tenait dans l'immobilité,

Regardant devant elle avec simplicité,

La bouche épanouie en un demi-sourire,

Et comme un livre ouvert son front se laissant lire ;

Sa coiffure était basse, et ses cheveux moirés

Descendaient vers sa tempe en deux flots séparés.

Ni plumes, ni rubans, ni gaze, ni dentelle ;

Pour parure et bijoux, sa grâce naturelle ;

Pas d'œillade hautaine ou de grand air vainqueur,

Rien que le repos d'âme et la bonté de cœur.

Au bout de quelque temps, la belle créature,

Se lassant d'être ainsi, prit une autre posture :

Le col un peu penché, le menton sur la main,

De façon à montrer son beau profil romain,

Son épaule et son dos aux tons chauds et vivaces

Où l'ombre avec le clair flottaient par larges masses.

Tout perdait son éclat, tout tombait à côté

De cette virginale et sereine beauté ;

Mon âme tout entière à cet aspect magique,

Ne se souvenait plus d'écouter la musique,

Tant cette morbidezze et ce laisser-aller

Était chose charmante et douce à contempler,

Tant l'œil se reposait avec mélancolie

Sur ce pâle jasmin transplanté d'Italie.

Moins épris des beaux sons qu'épris des beaux contours

Même au parlar Spiegar, je regardai toujours ;

J'admirais à part moi la gracieuse ligne

Du col se repliant comme le col d'un cygne,

L'ovale de la tête et la forme du front,

La main pure et correcte, avec le beau bras rond ;

Et je compris pourquoi, s'exilant de la France,

Ingres fit si longtemps ses amours de Florence.

Jusqu'à ce jour j'avais en vain cherché le beau ;

Ces formes sans puissance et cette fade peau

Sous laquelle le sang ne court, que par la fièvre

Et que jamais soleil ne mordit de sa lèvre ;

Ce dessin lâche et mou, ce coloris blafard

M'avaient fait blasphémer la sainteté de l'art.

J'avais dit : l'art est faux, les rois de la peinture

D'un habit idéal revêtent la nature.

Ces tons harmonieux, ces beaux linéaments,

N'ont jamais existé qu'aux cerveaux des amants,

J'avais dit, n'ayant vu que la laideur française,

Raphaël a menti comme Paul Véronèse !

Vous n'avez pas menti, non, maîtres ; voilà bien

Le marbre grec doré par l'ambre italien

L'œil de flamme, le teint passionnément pâle,

Blond comme le soleil, sous son voile de hâle,

Dans la mate blancheur, les noirs sourcils marqués,

Le nez sévère et droit, la bouche aux coins arqués,

Les ailes de cheveux s'abattant sur les tempes ;

Et tous les nobles traits de vos saintes estampes,

Non, vous n'avez pas fait un rêve de beauté,

C'est la vie elle-même et la réalité.

Votre Madone est là ; dans sa loge elle pose,

Près d'elle vainement l'on bourdonne et l'on cause ;

Elle reste immobile et sous le même jour,

Gardant comme un trésor l'harmonieux contour.

Artistes souverains, en copistes fidèles,

Vous avez reproduit vos superbes modèles !

Pourquoi découragé par vos divins tableaux,

Ai-je, enfant paresseux, jeté là mes pinceaux,

Et pris pour vous fixer le crayon du poète,

Beaux rêves, possesseurs de mon âme inquiète,

Doux fantômes bercés dans les bras du désir,

Formes que la parole en vain cherche à saisir !

Pourquoi lassé trop tôt dans une heure de doute,

Peinture bien-aimée, ai-je quitté ta route !

Que peuvent tous nos vers pour rendre la beauté,

Que peuvent de vains mots sans dessin arrêté,

Et l'épithète creuse et la rime incolore.

Ah ! Combien je regrette et comme je déplore

De ne plus être peintre, en te voyant ainsi

A Mosé, dans ta loge, ô Julia Grisi !

— The End —