Submit your work, meet writers and drop the ads. Become a member
Ils vont sans trêve ; ils vont sous le ciel bas et sombre,
Les Fugitifs, chassés des anciens paradis ;
Et toute la tribu, depuis des jours sans nombre,
Dans leur sillon fatal traîne ses pieds roidis.

Ils vont, les derniers-nés des races primitives,
Les derniers dont les yeux, sur les divins sommets,
Dans les herbes en fleur ont vu fuir les Eaux vives
Et grandir un Soleil, oublié désormais.

Tout est mort et flétri sur les plateaux sublimes
Où l'aurore du monde a lui pour leurs aïeux ;
Et voici que les fils, à l'étroit sur les cimes,
Vers l'Occident nocturne ont cherché d'autres cieux.

Ils ont fui. Le vent souffle et pousse dans l'espace
La neige inépuisable en tourbillons gonflés ;
Un hiver éternel suspend, en blocs de glace,
De rigides torrents aux flancs des monts gelés.

Des amas de rochers, blancs d'une lourde écume,
Témoins rugueux d'un monde informe et surhumain.
Visqueux, lavés de pluie et noyés dans la brume,
De leurs blocs convulsés ferment l'âpre chemin.

Des forêts d'arbres morts, tordus par les tempêtes,
S'étendent ; et le cri des voraces oiseaux,
Près de grands lacs boueux, répond au cri des bêtes
Qui râlent en glissant sur l'épaisseur des eaux.

Mais l'immense tribu, par les sentiers plus rudes,
Par les ravins fangeux où s'engouffre le vent,
Comme un troupeau perdu, s'enfonce aux solitudes,
Sans hâte, sans relâche et toujours plus avant.

En tête, interrogeant l'ombre de leurs yeux ternes,
Marchent les durs chasseurs, les géants et les forts,
Plus monstrueux que l'ours qu'au seuil de leurs cavernes
Ils étouffaient naguère en luttant corps à corps.

Leurs longs cheveux, pareils aux lianes farouches,
En lanières tombaient de leurs crânes étroits,
Tandis qu'en se figeant l'haleine de leurs bouchés
Hérissait de glaçons leurs barbes aux poils droits.

Les uns, ceints de roseaux tressés ou d'herbes sèches,
Aux rafales de grêle offraient leurs larges flancs ;
D'autres, autour du col attachant des peaux fraîches,
D'un manteau ******* couvraient leurs reins sanglants.

Et les femmes marchaient, lentes, mornes, livides,
Haletant et pliant sous les doubles fardeaux
Des blêmes nourrissons pendus à leurs seins vides
Et des petits enfants attachés sur leur dos.

En arrière, portés sur des branches unies,
De grands vieillards muets songeaient aux jours lointains
Et, soulevant parfois leurs paupières ternies,
Vers l'horizon perdu tournaient des yeux éteints.

Ils allaient. Mais soudain, quand la nuit dans, l'espace
Roulait, avec la peur, l'obscurité sans fin,
La tribu tout entière, épuisée et trop lasse,
Multipliait le cri terrible de sa faim.

Les chasseurs ont hier suivi des pistes fausses ;
Le renne prisonnier a rompu ses liens ;
L'ours défiant n'a pas trébuché dans les fosses ;
Le cerf n'est pas tombé sous les crocs blancs des chiens.

Le sol ne livre plus ni germes ni racines,
Le poisson se dérobe aux marais submergés ;
Rien, ni les acres fruits ni le flux des résines,
Ni la moelle épaisse au creux des os rongés.

Et voici qu'appuyés sur des haches de pierre,
Les mâles, dans l'horreur d'un songe inassouvi,
Ont compté tous les morts dont la chair nourricière
Fut le festin des loups, sur le chemin suivi.

Voici la proie humaine, offerte à leur délire,
Vieillards, femmes, enfants, les faibles, autour d'eux
Vautrés dans leur sommeil stupide, sans voir luire
Les yeux des carnassiers en un cercle hideux.

Les haches ont volé. Devant les corps inertes,
Dans la pourpre qui bout et coule en noirs ruisseaux,
Les meurtriers, fouillant les poitrines ouvertes,
Mangent les cœurs tout vifs, arrachés par morceaux.

Et tous, repus, souillés d'un sang qui fume encore,
Parmi les os blanchis épars sur le sol nu,
Aux blafardes lueurs de la nouvelle aurore,
Marchent, silencieux, vers le but inconnu.

Telle, de siècle en siècle incessamment errante,
Sur la neige durcie et le désert glacé
Ne laissant même pas sa trace indifférente,
La tribu, sans espoir et sans rêve, a passé.

Tels, les Fils de l'Exil, suivant le bord des fleuves
Dont les vallons emplis traçaient le large cours,
Sauvages conquérants des solitudes neuves,
Ont avancé, souffert et pullulé toujours ;

Jusqu'à l'heure où, du sein des vapeurs méphitiques,
Dont le rideau flottant se déchira soudain,
Une terre, pareille aux demeures antiques,
A leurs yeux éblouis fleurit comme un jardin.

Devant eux s'étalait calme, immense et superbe,
Comme un tapis changeant au pied des monts jeté,
Un pays, vierge encore, où, mugissant dans l'herbe,
Des vaches au poil blanc paissaient en liberté.

Et sous les palmiers verts, parmi les fleurs nouvelles,
Les étalons puissants, les cerfs aux pieds légers
Et les troupeaux épars des fuyantes gazelles
Écoutaient sans effroi les pas des étrangers.

C'était là. Le Destin, dans l'aube qui se lève,
Au terme de l'Exil ressuscitait pour eux,
Comme un réveil tardif après un sombre rêve,
Le vivant souvenir des siècles bienheureux.

La Vie a rejailli de la source féconde,
Et toute soif s'abreuve à son flot fortuné,
Et le désert se peuple et toute chair abonde,
Et l'homme pacifique est comme un nouveau-né.

Il revoit le Soleil, l'immortelle Lumière,
Et le ciel où, témoins des clémentes saisons,
Des astres reconnus, à l'heure coutumière,
Montent, comme autrefois, sur les vieux horizons.

Et plus ****, par delà le sable monotone,
Il voit irradier, comme un profond miroir,
L'étincelante mer dont l'infini frissonne
Quand le Soleil descend dans la rougeur du soir.

Et le Ciel sans limite et la Nature immense,
Les eaux, les bois, les monts, tout s'anime à ses yeux.
Moins aveugle et moins sourd, un univers commence
Où son cœur inquiet sent palpiter des Dieux.

Ils naissent du chaos où s'ébauchaient leurs formes,
Multiples et sans noms, l'un par l'autre engendrés ;
Et le reflet sanglant de leurs ombres énormes
D'une terreur barbare emplit les temps sacrés.

Ils parlent dans l'orage ; ils pleurent dans l'averse.
Leur bras libérateur darde et brandit l'éclair,
Comme un glaive strident qui poursuit et transperce
Les monstres nuageux accumulés dans l'air.

Sur l'abîme éternel des eaux primordiales
Nagent des Dieux prudents, tels que de grands poissons ;
D'infaillibles Esprits peuplent les nuits astrales ;
Des serpents inspirés sifflent dans les buissons.

Puis, lorsque surgissant comme un roi, dans l'aurore,
Le Soleil triomphal brille au firmament bleu,
L'homme, les bras tendus, chante, contemple, adore
La Majesté suprême et le plus ancien Dieu ;

Celui qui féconda la Vie universelle,
L'ancêtre vénéré du jour propice et pur,
Le guerrier lumineux dont le disque étincelle
Comme un bouclier d'or suspendu dans l'azur ;

Et celui qui parfois, formidable et néfaste,
Immobile au ciel fauve et morne de l'Été,
Flétrit, dévore, embrase, et du désert plus vaste
Fait, jusqu'aux profondeurs, flamber l'immensité.

Mais quand l'homme, éveillant l'éternelle Nature,
Ses formes, ses couleurs, ses clartés et ses voix,
Fut seul devant les Dieux, fils de son âme obscure,
Il tressaillit d'angoisse et supplia ses Rois.

Alors, ô Souverains ! les taureaux et les chèvres
D'un sang expiatoire ont inondé le sol ;
Et l'hymne évocateur, en s'échappant des lèvres,
Comme un aiglon divin tenta son premier vol.

Idoles de granit, simulacres de pierre,
Bétyles, Pieux sacrés, Astres du ciel serein,
Vers vous, avec l'offrande, a monté la prière,
Et la graisse a fumé sur les autels d'airain.

Les siècles ont passé ; les races successives
Ont bâti des palais, des tours et des cités
Et des temples jaloux, dont les parois massives
Aux profanes regards cachaient les Dieux sculptés.

Triomphants tour à tour ou livrés aux insultes,
Voluptueux, cruels, terribles ou savants,
Tels, vous avez versé pour jamais, ô vieux cultes !
L'ivresse du Mystère aux âmes des vivants.

Tels vous traînez encore, au fond de l'ombre ingrate,
Vos cortèges sacrés, lamentables et vains,
Du vieux Nil à la mer et du Gange à l'Euphrate,
Ô spectres innommés des ancêtres divins !

Et dans le vague abîme où gît le monde antique,
Luit, comme un astre mort, au ciel religieux,
La sombre majesté de l'Orient mystique,
Berceau des nations et sépulcre des Dieux.
un sauce de cristal, un chopo de agua,
un alto surtidor que el viento arquea,
un árbol bien plantado mas danzante,
un caminar de río que se curva,
avanza, retrocede, da un rodeo
y llega siempre:
                          un caminar tranquilo
de estrella o primavera sin premura,
agua que con los párpados cerrados
mana toda la noche profecías,
unánime presencia en oleaje,
ola tras ola hasta cubrirlo todo,
verde soberanía sin ocaso
como el deslumbramiento de las alas
cuando se abren en mitad del cielo,

un caminar entre las espesuras
de los días futuros y el aciago
fulgor de la desdicha como un ave
petrificando el bosque con su canto
y las felicidades inminentes
entre las ramas que se desvanecen,
horas de luz que pican ya los pájaros,
presagios que se escapan de la mano,

una presencia como un canto súbito,
como el viento cantando en el incendio,
una mirada que sostiene en vilo
al mundo con sus mares y sus montes,
cuerpo de luz filtrada por un ágata,
piernas de luz, vientre de luz, bahías,
roca solar, cuerpo color de nube,
color de día rápido que salta,
la hora centellea y tiene cuerpo,
el mundo ya es visible por tu cuerpo,
es transparente por tu transparencia,

voy entre galerías de sonidos,
fluyo entre las presencias resonantes,
voy por las transparencias como un ciego,
un reflejo me borra, nazco en otro,
oh bosque de pilares encantados,
bajo los arcos de la luz penetro
los corredores de un otoño diáfano,

voy por tu cuerpo como por el mundo,
tu vientre es una plaza soleada,
tus pechos dos iglesias donde oficia
la sangre sus misterios paralelos,
mis miradas te cubren como yedra,
eres una ciudad que el mar asedia,
una muralla que la luz divide
en dos mitades de color durazno,
un paraje de sal, rocas y pájaros
bajo la ley del mediodía absorto,

vestida del color de mis deseos
como mi pensamiento vas desnuda,
voy por tus ojos como por el agua,
los tigres beben sueño en esos ojos,
el colibrí se quema en esas llamas,
voy por tu frente como por la luna,
como la nube por tu pensamiento,
voy por tu vientre como por tus sueños,

tu falda de maíz ondula y canta,
tu falda de cristal, tu falda de agua,
tus labios, tus cabellos, tus miradas,
toda la noche llueves, todo el día
abres mi pecho con tus dedos de agua,
cierras mis ojos con tu boca de agua,
sobre mis huesos llueves, en mi pecho
hunde raíces de agua un árbol líquido,

voy por tu talle como por un río,
voy por tu cuerpo como por un bosque,
como por un sendero en la montaña
que en un abismo brusco se termina,
voy por tus pensamientos afilados
y a la salida de tu blanca frente
mi sombra despeñada se destroza,
recojo mis fragmentos uno a uno
y prosigo sin cuerpo, busco a tientas,

corredores sin fin de la memoria,
puertas abiertas a un salón vacío
donde se pudren todos los veranos,
las joyas de la sed arden al fondo,
rostro desvanecido al recordarlo,
mano que se deshace si la toco,
cabelleras de arañas en tumulto
sobre sonrisas de hace muchos años,

a la salida de mi frente busco,
busco sin encontrar, busco un instante,
un rostro de relámpago y tormenta
corriendo entre los árboles nocturnos,
rostro de lluvia en un jardín a oscuras,
agua tenaz que fluye a mi costado,
busco sin encontrar, escribo a solas,
no hay nadie, cae el día, cae el año,
caigo con el instante, caigo a fondo,
invisible camino sobre espejos
que repiten mi imagen destrozada,
piso días, instantes caminados,
piso los pensamientos de mi sombra.
piso mi sombra en busca de un instante,

busco una fecha viva como un pájaro,
busco el sol de las cinco de la tarde
templado por los muros de tezontle:
la hora maduraba sus racimos
y al abrirse salían las muchachas
de su entraña rosada y se esparcían
por los patios de piedra del colegio,
alta como el otoño caminaba
envuelta por la luz bajo la arcada
y el espacio al ceñirla la vestía
de una piel más dorada y transparente,

tigre color de luz, pardo venado
por los alrededores de la noche,
entrevista muchacha reclinada
en los balcones verdes de la lluvia,
adolescente rostro innumerable,
he olvidado tu nombre, Melusina,
Laura, Isabel, Perséfona, María,
tienes todos los rostros y ninguno,
eres todas las horas y ninguna,
te pareces al árbol y a la nube,
eres todos los pájaros y un astro,
te pareces al filo de la espada
y a la copa de sangre del verdugo,
yedra que avanza, envuelve y desarraiga
al alma y la divide de sí misma,

escritura del fuego sobre el jade,
grieta en la roca, reina de serpientes,
columna de vapor, fuente en la peña,
circo lunar, peñasco de las águilas,
grano de anís, espina diminuta
y mortal que da penas inmortales,
pastora de los valles submarinos
y guardiana del valle de los muertos,
liana que cuelga del cantil del vértigo,
enredadera, planta venenosa,
flor de resurrección, uva de vida,
señora de la flauta y del relámpago,
terraza del jazmín, sal en la herida,
ramo de rosas para el fusilado,
nieve en agosto, luna del patíbulo,
escritura del mar sobre el basalto,
escritura del viento en el desierto,
testamento del sol, granada, espiga,

rostro de llamas, rostro devorado,
adolescente rostro perseguido
años fantasmas, días circulares
que dan al mismo patio, al mismo muro,
arde el instante y son un solo rostro
los sucesivos rostros de la llama,
todos los nombres son un solo nombre,
todos los rostros son un solo rostro,
todos los siglos son un solo instante
y por todos los siglos de los siglos
cierra el paso al futuro un par de ojos,

no hay nada frente a mí, sólo un instante
rescatado esta noche, contra un sueño
de ayuntadas imágenes soñado,
duramente esculpido contra el sueño,
arrancado a la nada de esta noche,
a pulso levantado letra a letra,
mientras afuera el tiempo se desboca
y golpea las puertas de mi alma
el mundo con su horario carnicero,

sólo un instante mientras las ciudades,
los nombres, los sabores, lo vivido,
se desmoronan en mi frente ciega,
mientras la pesadumbre de la noche
mi pensamiento humilla y mi esqueleto,
y mi sangre camina más despacio
y mis dientes se aflojan y mis ojos
se nublan y los días y los años
sus horrores vacíos acumulan,

mientras el tiempo cierra su abanico
y no hay nada detrás de sus imágenes
el instante se abisma y sobrenada
rodeado de muerte, amenazado
por la noche y su lúgubre bostezo,
amenazado por la algarabía
de la muerte vivaz y enmascarada
el instante se abisma y penetra,
como un puño se cierra, como un fruto
que madura hacia dentro, echa raíces,
crece dentro de mí, me ocupa todo,
me expulsa el follaje delirante,
mis pensamientos sólo son sus pájaros
su mercurio circula por mis venas,
árbol mental, frutos sabor de tiempo,

oh vida por vivir y ya vivida,
tiempo que vuelve en una marejada
y se retira sin volver el rostro,
lo que pasó no fue pero está siendo
y silenciosamente desemboca
en otro instante que se desvanece:

frente a la tarde de salitre y piedra
armada de navajas invisibles
una roja escritura indescifrable
escribes en mi piel y esas heridas
como un traje de llamas me recubren,
ardo sin consumirme, busco el agua
y en tus ojos no hay agua, son de piedra,
y tus pechos, tu vientre, tus caderas
son de piedra, tu boca sabe a polvo,
tu boca sabe a tiempo emponzoñado,
tu cuerpo sabe a pozo sin salida,
pasadizo de espejos que repiten
los ojos del sediento, pasadizo
que vuelve siempre al punto de partida,
y tú me llevas ciego de la mano
por esas galerías obstinadas
hacia el centro del círculo y te yergues
como un fulgor que se congela en hacha,
como luz que desuella, fascinante
como el cadalso para el condenado,
flexible como el látigo y esbelta
como un arma gemela de la luna,
y tus palabras afiladas cavan
mi pecho y me despueblan y vacían,
uno a uno me arrancas los recuerdos,
he olvidado mi nombre, mis amigos
gruñen entre los cerdos o se pudren
comidos por el sol en un barranco,

no hay nada en mí sino una larga herida,
una oquedad que ya nadie recorre,
presente sin ventanas, pensamiento
que vuelve, se repite, se refleja
y se pierde en su misma transparencia,
conciencia traspasada por un ojo
que se mira mirarse hasta anegarse
de claridad:
                  yo vi tu atroz escama,
melusina, brillar verdosa al alba,
dormías enroscada entre las sábanas
y al despertar gritaste como un pájaro
y caíste sin fin, quebrada y blanca,
nada quedó de ti sino tu grito,
y la cabo de los siglos me descubro
con tos y mala vista, barajando
viejas fotos:
                    no hay nadie, no eres nadie,
un montón de ceniza y una escoba,
un cuchillo mellado y un plumero,
un pellejo colgado de unos huesos,
un racimo ya seco, un hoyo *****
y en el fondo del hoy los dos ojos
de una niña ahogada hace mil años,

miradas enterradas en un pozo,
miradas que nos ven desde el principio,
mirada niña de la madre vieja
que ve en el hijo grande su padre joven,
mirada madre de la niña sola
que ve en el padre grande un hijo niño,
miradas que nos miran desde el fondo
de la vida y son trampas de la muerte
-¿o es al revés: caer en esos ojos
es volver a la vida verdadera?,

¡caer, volver, soñarme y que me sueñen
otros ojos futuros, otra vida,
otras nubes, morirme de otra muerte!
-esta noche me basta, y este instante
que no acaba de abrirse y revelarme
dónde estuve, quién fui, cómo te llamas,
cómo me llamo yo:
                              ¿hacía planes
para el verano -y todos los veranos-
en Christopher Street, hace diez años,
con Filis que tenía dos hoyuelos
donde veían luz los gorriones?,
¿por la Reforma Carmen me decía
"no pesa el aire, aquí siempre es octubre",
o se lo dijo a otro que he perdido
o yo lo invento y nadie me lo ha dicho?,
¿caminé por la noche de Oaxaca,
inmensa y verdinegra como un árbol,
hablando solo como el viento loco
y al llegar a mi cuarto -siempre un cuarto-
no me reconocieron los espejos?,
¿desde el hotel Vernet vimos al alba
bailar con los castaños - "ya es muy tarde"
decías al peinarte y yo veía
manchas en la pared, sin decir nada?,
¿subimos juntos a la torre, vimos
caer la tarde desde el arrecife?,
¿comimos uvas en Bidart?, ¿compramos
gardenias en Perote?,
                                  nombres, sitios,
calles y calles, rostros, plazas, calles,
estaciones, un parque, cuartos solos,
manchas en la pared, alguien se peina,
alguien canta a mi lado, alguien se viste,
cuartos, lugares, calles, nombres, cuartos,

Madrid, 1937,
en la Plaza del Ángel las mujeres
cosían y cantaban con sus hijos,
después sonó la alarma y hubo gritos,
casas arrodilladas en el polvo,
torres hendidas, frentes escupidas
y el huracán de los motores, fijo:
los dos se desnudaron y se amaron
por defender nuestra porción eterna,
nuestra ración de tiempo y paraíso,
tocar nuestra raíz y recobrarnos,
recobrar nuestra herencia arrebatada
por ladrones de vida hace mil siglos,
los dos se desnudaron y besaron
porque las desnudeces enlazadas
saltan el tiempo y son invulnerables,
nada las toca, vuelven al principio,
no hay tú ni yo, mañana, ayer ni nombres,
verdad de dos en sólo un cuerpo y alma,
oh ser total...
                      cuartos a la deriva
entre ciudades que se van a pique,
cuartos y calles, nombres como heridas,
el cuarto con ventanas a otros cuartos
con el mismo papel descolorido
donde un hombre en camisa lee el periódico
o plancha una mujer; el cuarto claro
que visitan las ramas del durazno;
el otro cuarto: afuera siempre llueve
y hay un patio y tres niños oxidados;
cuartos que son navíos que se mecen
en un golfo de luz; o submarinos:
el silencio se esparce en olas verdes,
todo lo que tocamos fosforece;
mausoleos del lujo, ya roídos
los retratos, raídos los tapetes;
trampas, celdas, cavernas encantadas,
pajareras y cuartos numerados,
todos se transfiguran, todos vuelan,
cada moldura es nube, cada puerta
da al mar, al campo, al aire, cada mesa
es un festín; cerrados como conchas
el tiempo inútilmente los asedia,
no hay tiempo ya, ni muro: ¡espacio, espacio,
abre la mano, coge esta riqueza,
corta los frutos, come de la vida,
tiéndete al pie del árbol, bebe el agua!,

todo se transfigura y es sagrado,
es el centro del mundo cada cuarto,
es la primera noche, el primer día,
el mundo nace cuando dos se besan,
gota de luz de entrañas transparentes
el cuarto como un fruto se entreabre
o estalla como un astro taciturno
y las leyes comidas de ratones,
las rejas de papel, las alambradas,
los timbres y las púas y los pinchos,
el sermón monocorde de las armas,
el escorpión meloso y con bonete,
el tigre con chistera, presidente
del Club Vegetariano y la Cruz Roja,
el burro pedagogo, el cocodrilo
metido a redentor, padre de pueblos,
el Jefe, el tiburón, el arquitecto
del porvenir, el cerdo uniformado,
el hijo predilecto de la Iglesia
que se lava la negra dentadura
con el agua bendita y toma clases
de inglés y democracia, las paredes
invisible, las máscaras podridas
que dividen al hombre de los hombres,
al hombre de sí mismo,
                                      se derrumban
por un instante inmenso y vislumbramos
nuestra unidad perdida, el desamparo
que es ser hombres, la gloria que es ser hombres
y compartir el pan, el sol, la muerte,
el olvidado asombro de estar vivos;

amar es combatir, si dos se besan
el mundo cambia, encarnan los deseos,
el pensamiento encarna, brotan alas
en las espaldas del esclavo, el mundo
es real y tangible, el vino es vino,
el pan vuelve a saber, el agua es agua,
amar es combatir, es abrir puertas,
dejar de ser fantasma con un número
a perpetua cadena condenado
por un amo sin rostro;
                                    el mundo cambia
si dos se miran y se reconocen,
amar es desnudarse de los nombres:
"déjame ser tu puta", son palabras
de Eloísa, mas él cedió a las leyes,
la tomó por esposa y como premio
lo castraron después;
                                    mejor el crimen,
los amantes suicidas, el incesto
de los hermanos como dos espejos
enamorados de su semejanza,
mejor comer el pan envenenado,
el adulterio en lechos de ceniza,
los amores feroces, el delirio,
su yedra ponzoñosa, el sodomita
que lleva por clavel en la solapa
un gargajo, mejor ser lapidado
en las plazas que dar vuelta a la noria
que exprime la sustancia de la vida,
cambia la eternidad en horas huecas,
los minutos en cárceles, el tiempo
en monedas de cobre y mierda abstracta;

mejor la castidad, flor invisible
que se mece en los tallos del silencio,
el difícil diamante de los santos
que filtra los deseos, sacia al tiempo,
nupcias de la quietud y el movimiento,
canta la soledad en su corola,
pétalo de cristal es cada hora,
el mundo se despoja de sus máscaras
y en su centro, vibrante transparencia,
lo que llamamos Dios, el ser sin nombre,
se contempla en la nada, el ser sin rostro
emerge de sí mismo, sol de soles,
plenitud de presencias y de nombres;

sigo mi desvarío, cuartos, calles,
camino a tientas por los corredores
del tiempo y subo y bajo sus peldaños
y sus paredes palpo y no me muevo,
vuelvo adonde empecé, busco tu rostro,
camino por las calles de mí mismo
bajo un sol sin edad, y tú a mi lado
caminas como un árbol, como un río,
creces como una espiga entre mis manos,
lates como una ardilla entre mis manos,
vuelas como mil pájaros, tu risa
me ha cubierto de espumas, tu cabeza
es un astro pequeño entre mis manos,
el mundo reverdece si sonríes
comiendo una naranja,
                                    el mundo cambia
si dos, vertiginosos y enlazados,
caen sobre la yerba: el cielo baja,
los árboles ascienden, el espacio
sólo es luz y silencio, sólo espacio
abierto para el águila del ojo,
pasa la blanca tribu de las nubes,
rompe amarras el cuerpo, zarpa el alma,
perdemos nuestros nombres y flotamos
a la deriva entre el azul y el verde,
tiempo total donde no pasa nada
sino su propio transcurrir dichoso,

no pasa nada, callas, parpadeas
(silencio: cruzó un ángel este instante
grande como la vida de cien soles),
¿no pasa nada, sólo un parpadeo?
-y el festín, el destierro, el primer crimen,
la quijada del asno, el ruido opaco
y la mirada incrédula del muerto
al caer en el llano ceniciento,
Agamenón y su mugido inmenso
y el repetido grito de Casandra
más fuerte que los gritos de las olas,
Sócrates en cadenas (el sol nace,
morir es despertar: "Critón, un gallo
a Esculapio, ya sano de la vida"),
el chacal que diserta entre las ruinas
de Nínive, la sombra que vio Bruto
antes de la batalla, Moctezuma
en el lecho de espinas de su insomnio,
el viaje en la carreta hacia la muerte
-el viaje interminable mas contado
por Robespierre minuto tras minuto,
la mandíbula rota entre las manos-,
Churruca en su barrica como un trono
es
Michael R Burch Dec 2021
These are my modern English translations of sonnets by the French poet Stephane Mallarme.

The Tomb of Edgar Poe
by Stéphane Mallarmé
loose translation/interpretation by Michael R. Burch

Transformed into himself by Death, at last,
the Bard unsheathed his Art’s recondite blade
to duel with dullards, blind & undismayed,
who’d never heard his ardent Voice, aghast!

Like dark Medusan demons of the past
who’d failed to heed such high, angelic words,
men called him bendered, his ideas absurd,
discounting all the warlock’s spells he’d cast.

The wars of heaven and hell? Earth’s senseless grief?
Can sculptors carve from myths a bas-relief
to illuminate the sepulcher of Poe?

No, let us set in granite, here below,
a limit and a block on this disaster:
this Blasphemy, to not acknowledge a Master!

The original French poem appears after the translations

"Le Cygne" ("The Swan")
by Stéphane Mallarmé
this untitled poem is also called Mallarmé's "White Sonnet"
loose translation/interpretation by Michael R. Burch

The virginal, the vivid, the vivacious day:
can its brilliance be broken by a wild wing-blow
delivered to this glacial lake
whose frozen ice-falls impede flight? No.

In past reflections on its thoughts today
the Swan remembers freedom, but can’t make
a song from its surroundings, only take
on the winter's ghostly hue of snow.

In the Swan's white agony its bared neck lies
within a guillotine its sense denies.
Slowly being frozen to its inner being,
the body ignores the phantom spirit fleeing...

Cold contempt for its captor
is of no use to the raptor.



Le tombeau d’Edgar Poe
by Stéphane Mallarmé

Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change,
Le Poète suscite avec un glaive nu
Son siècle épouvanté de n’avoir pas connu
Que la mort triomphait dans cette voix étrange!
Eux, comme un vil sursaut d’hydre oyant jadis l’ange
Donner un sens plus pur aux mots de la tribu,
Proclamèrent très haut le sortilège bu
Dans le flot sans honneur de quelque noir mélange.
Du sol et de la nue hostiles, ô grief!
Si notre idée avec ne sculpte un bas-relief
Dont la tombe de Poe éblouissante s’orne
Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur
Que ce granit du moins montre à jamais sa borne
Aux noirs vols du Blasphème épars dans le futur.



Le Cygne
by Stéphane Mallarmé

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !
Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.
Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie,
Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.
Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s'immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.

Stephane Mallarme was a major French poet and one of the leading French symbolist poets.

Keywords/Tags: Stephane Mallarme, France, French poet, symbolism, symbolist, symbolic, poetry, Edgar Allan Poe, grave, tomb, sepulcher, memorial, elegy, eulogy, epitaph, sonnet
Timothy H Dec 2015
early nightfall in the canyon
a bat's balletic swoop
complements the alpine tribu-
tary, it's gentle loop

hi! I see you ursa major
you too are part of this--
the lull, the beat, the spell, the sleep
now with a goodnight kiss
Pienso en un tigre. La penumbra exalta
La vasta Biblioteca laboriosa
Y parece alejar los anaqueles;
Fuerte, inocente, ensangrentado y nuevo,
él irá por su selva y su mañana
Y marcará su rastro en la limosa
Margen de un río cuyo nombre ignora
(En su mundo no hay nombres ni pasado
Ni porvenir, sólo un instante cierto.)
Y salvará las bárbaras distancias
Y husmeará en el trenzado laberinto
De los olores el olor del alba
Y el olor deleitable del venado;
Entre las rayas del bambú descifro,
Sus rayas y presiento la osatura
Baja la piel espléndida que vibra.
En vano se interponen los convexos
Mares y los desiertos del planeta;
Desde esta casa de un remoto puerto
De América del Sur, te sigo y sueño,
Oh tigre de las márgenes del Ganges.

Cunde la tarde en mi alma y reflexiono
Que el tigre vocativo de mi verso
Es un tigre de símbolos y sombras,
Una serie de tropos literarios
Y de memorias de la enciclopedia
Y no el tigre fatal, la aciaga joya
Que, bajo el sol o la diversa luna,
Va cumpliendo en Sumatra o en Bengala
Su rutina de amor, de ocio y de muerte.
Al tigre de los simbolos he opuesto
El verdadero, el de caliente sangre,
El que diezma la tribu de los búfalos
Y hoy, 3 de agosto del 59,
Alarga en la pradera una pausada
Sombra, pero ya el hecho de nombrarlo
Y de conjeturar su circunstancia
Lo hace ficción del arte y no criatura
Viviente de las que andan por la tierra.


Un tercer tigre buscaremos. Éste
Será como los otros una forma
De mi sueño, un sistema de palabras
Humanas y no el tigre vertebrado
Que, más allá de las mitologías,
Pisa la tierra. Bien lo sé, pero algo
Me impone esta aventura indefinida,
Insensata y antigua, y persevero
En buscar por el tiempo de la tarde
El otro tigre, el que no está en el verso.
Paul d'Aubin Dec 2016
Ce si long chemin des Mages

Ils se mirent en route juchés sur leurs chameaux,
pour accomplir les prophéties prolongées par leurs subtils calculs.
C'étaient de fameux astrologues et des savants emplis de bonté, de sagesse et de savoir.
Ils n'avaient pu dresser du Cosmos et du chemin à parcourir que des cartes incomplètes mais se mirent d’accord pour suivre cette étoile nouvellement apparue, déjà annoncée dans les écrits anciens.
Cette étoile se manifesta à leurs longues scrutations du cosmos en brillant avec une clarté particulière dans le ciel des comètes.
Deux Mages partirent de Chaldée, le troisième vint des hautes sources du Nil.
Ils se rejoignirent à Jérusalem dans le palais du roi Hérode.
Leur entretien fut marqué par des échanges de présents, de paroles, de miel et d'observations méfiantes  mutuelles.
Cependant, Hérode, s'enquit avec cautèles du motif d'un si long voyage et demanda s'il était en lien avec cette étrange prophétie annonçant la naissance d'un nouveau-né destiné à devenir un jour le probable roi des Juifs.
Puis il demanda qu'ils veuillent bien lui faire connaître l'endroit exact où était tenu ce nouveau futur roi pour l’honorer à son tour.
Les Mages hochèrent la tête avec gravité et évitèrent de se prononcer sur la demande pressante qui leur était faite.
Puis les Mages prirent congé du Tyran Hérode en l'incitant à préférer la pratique de la sagesse plus que de verser dans l' « hubris » que blâmaient tant les philosophes Grecs.
Dès qu'ils eurent repris leur étrange voyage, le roi cruel rongé, par la peur, ordonna à ses espions de suivre les Mages jusqu'à leur probable découverte.
Bien sûr, les Mages furent suivis par de nombreux espions à cheval mais ils dormaient rarement dans des auberges ou des caravansérails.
Pour éloigner leurs suiveurs, les Mages voyageaient souvent de nuit car les suivre devenait alors difficile.
Et, eux seuls, connaissaient l'étoile messagère.
Plusieurs fois, ils perdirent leur chemin s'égarant entre les monts et le fleuve Jourdain.
C'est ainsi qu'ils finirent par égarer les espions.
Avant de s'endormir ils discutaient des sujets inépuisables des science mais surtout de cet enfant à naître promis à tant d'espoirs, du moins l'interprétaient-ils ainsi.
Ils ne savaient pas exactement quel nourrisson, ils allaient trouver, et qui et ou, étaient et résidaient ses parents.
Puis ils pénétrèrent dans un pays d'éleveurs, de rochers et de grottes.
Certains ont dit que c'était le pays de Bethléem de la tribu de David, d'autres ont rapporté que c'était le hameau lui aussi nommé Bethléem mais proche de Nazareth ou Joseph avait son atelier.
Mais le doute est resté tant les témoignages sont souvent bien difficiles à interpréter.
Ce qui est sûr, c'est que l'étoile messagère devint soudain rouge feu et projeta sa clarté tombante sur la terrasse d'une modeste auberge emplie de voyageurs.
Ils se firent connaître de l'hôtelier et demandèrent que leur soit présenté un nouveau-né qui serait abrité ici.
Jésus, fils de Joseph et de Marie, avait été placé dans une mangeoire servant de berceau dans une chambrette bien chèrement louée.
Mais le nourrisson dormait, le plus souvent, et parfois tétait comme tous les bébés de son âge.
Les Mages furent éblouis par tant de simplicité et d'innocence pour celui qui avait été annoncé par tant de prophéties lui annonçant un si grand destin.
Les Mages se présentèrent aux parents, firent connaître la prophétie, leur donnèrent les présents variés; l'or, l'encens et la myrrhe et incitèrent vivement Joseph à se défier du perfide Hérode mais aussi d'un roi criminel de Cœlé-Syrie nommé Cheb Bachar el-Assad et de son complice, le Boyard au visage anguleux et aux yeux froids d'esturgeon, vêtu d'une Chapka et d'un Kaftan et leur commun admirateur et complice Celte, « Fourbix Fillonix » à la triste figure.
Avec l'or qu'ils leurs avaient donné les parents pourraient se rendre aussi discrètement, le plus tôt possible, dans « le pays des pharaons. »
Ils ne pourraient revenir que lorsque la froideur et la rigidité des membres auraient saisi le corps du Tyran qui avait déjà fait périr sa magnifique femme Mariamne, l’Hasmonéenne et deux de ses propres enfants.

Les Mages comprirent alors que le sens profond de leur voyage était de mettre, à l’ abri, pour le futur ; eux, les hommes de savoir, une famille dont le nouveau-né était déjà, en quelque sorte, déjà un « réfugié politique » avant que d'avoir pu marcher et parler.
Car de tout temps le vrai savoir fut souvent l'un des rares secours des Peuples opprimés par ces tyrans ne vivant qu'entre peur et crimes, selon la très ancienne malédiction de ceux qui usent de ce pouvoir immodérément.
Joseph et Marie, avertis par les Mages et de surcroît par un songe fuirent avec discrétion en Egypte dans le pays de Pharaon mettre Jésus à l’abri de la folie sanguinaire de celui qui transmutait sa propre peur en sang. Plus de deux mille ans après,  les questions presque insolubles de la tyrannie et de l’accaparement de l'argent, de la liberté des consciences et religieuses et du pouvoir ne sont toujours pas réglées.

Paul Arrighi
Alors le Seigneur fit descendre du ciel sur
Sodome et sur Gomorrhe une pluie de soufre et de feu.

25. Et il perdit ces villes avec tous leurs habitant,
Tout le pays à l'entour avec ceux qui l'habitaient,
Et tout ce qui avait quelque verdeur sur la terre.

Genèse.

I.

La voyez-vous passer, la nuée au flanc noir ?
Tantôt pâle, tantôt rouge et splendide à voir,
Morne comme un été stérile ?
On croit voir à la fois, sur le vent de la nuit,
Fuir toute la fumée ardente et tout le bruit
De l'embrasement d'une ville.

D'où vient-elle ? des cieux, de la mer ou des monts ?
Est-ce le char de feu qui porte les démons
À quelque planète prochaine ?
Ô terreur ! de son sein, chaos mystérieux,
D'où vient que par moments un éclair furieux
Comme un long serpent se déchaîne ?

II.

La mer ! partout la mer ! des flots, des flots encor.
L'oiseau fatigue en vain son inégal essor.
Ici les flots, là-bas les ondes ;
Toujours des flots sans fin par des flots repoussés ;
L'œil ne voit que des flots dans l'abîme entassés
Rouler sous les vagues profondes.

Parfois de grands poissons, à fleur d'eau voyageant,
Font reluire au soleil leurs nageoires d'argent,
Ou l'azur de leurs larges queues.
La mer semble un troupeau secouant sa toison :
Mais un cercle d'airain ferme au **** l'horizon ;
Le ciel bleu se mêle aux eaux bleues.

- Faut-il sécher ces mers ? dit le nuage en feu.
- Non ! - Il reprit son vol sous le souffle de Dieu.

III.

Un golfe aux vertes collines
Se mirant dans le flot clair ! -
Des buffles, des javelines,
Et des chants joyeux dans l'air ! -
C'était la tente et la crèche,
La tribu qui chasse et pêche,
Qui vit libre, et dont la flèche
Jouterait avec l'éclair.

Pour ces errantes familles
Jamais l'air ne se corrompt.
Les enfants, les jeunes filles,
Les guerriers dansaient en rond,
Autour d'un feu sur la grève,
Que le vent courbe et relève,
Pareils aux esprits qu'en rêve
On voit tourner sur son front.

Les vierges aux seins d'ébène,
Belles comme les beaux soirs,
Riaient de se voir à peine
Dans le cuivre des miroirs ;
D'autres, joyeuses comme elles,
Faisaient jaillir des mamelles
De leurs dociles chamelles
Un lait blanc sous leurs doigts noirs.

Les hommes, les femmes nues
Se baignaient au gouffre amer. -
Ces peuplades inconnues,
Où passaient-elles hier ? -
La voix grêle des cymbales,
Qui fait hennir les cavales,
Se mêlait par intervalles
Aux bruits de la grande mer.

La nuée un moment hésita dans l'espace.
- Est-ce là ? - Nul ne sait qui lui répondit : - Passe !

IV.

L'Égypte ! - Elle étalait, toute blonde d'épis,
Ses champs, bariolés comme un riche tapis,
Plaines que des plaines prolongent ;
L'eau vaste et froide au nord, au sud le sable ardent
Se dispute l'Égypte : elle rit cependant
Entre ces deux mers qui la rongent.

Trois monts bâtis par l'homme au **** perçaient les cieux
D'un triple angle de marbre, et dérobaient aux yeux
Leurs bases de cendre inondées ;
Et de leur faîte aigu jusqu'aux sables dorés,
Allaient s'élargissant leurs monstrueux degrés,
Faits pour des pas de six coudées.

Un sphinx de granit rose, un dieu de marbre vert,
Les gardaient, sans qu'il fût vent de flamme au désert
Qui leur fît baisser la paupière.
Des vaisseaux au flanc large entraient dans un grand port.
Une ville géante, assise sur le bord,
Baignait dans l'eau ses pieds de pierre.

On entendait mugir le semoun meurtrier,
Et sur les cailloux blancs les écailles crier
Sous le ventre des crocodiles.
Les obélisques gris s'élançaient d'un seul jet.
Comme une peau de tigre, au couchant s'allongeait
Le Nil jaune, tacheté d'îles.

L'astre-roi se couchait. Calme, à l'abri du vent,
La mer réfléchissait ce globe d'or vivant,
Ce monde, âme et flambeau du nôtre ;
Et dans le ciel rougeâtre et dans les flots vermeils,
Comme deux rois amis, on voyait deux soleils
Venir au-devant l'un de l'autre.

- Où faut-il s'arrêter ? dit la nuée encor.
- Cherche ! dit une voix dont trembla le Thabor.

V.

Du sable, puis du sable !
Le désert ! noir chaos
Toujours inépuisable
En monstres, en fléaux !
Ici rien ne s'arrête.
Ces monts à jaune crête,
Quand souffle la tempête,
Roulent comme des flots !

Parfois, de bruits profanes
Troublant ce lieu sacré,
Passent les caravanes
D'Ophir ou de Membré.
L'œil de **** suit leur foule,
Qui sur l'ardente houle
Ondule et se déroule
Comme un serpent marbré.

Ces solitudes mornes,
Ces déserts sont à Dieu :
Lui seul en sait les bornes,
En marque le milieu.
Toujours plane une brume
Sur cette mer qui fume,
Et jette pour écume
Une cendre de feu.

- Faut-il changer en lac ce désert ? dit la nue.
- Plus **** ! dit l'autre voix du fond des cieux venue.

VI.

Comme un énorme écueil sur les vagues dressé,
Comme un amas de tours, vaste et bouleversé,
Voici Babel, déserte et sombre.
Du néant des mortels prodigieux témoin,
Aux rayons de la lune, elle couvrait au ****
Quatre montagnes de son ombre.

L'édifice écroulé plongeait aux lieux profonds.
Les ouragans captifs sous ses larges plafonds
Jetaient une étrange harmonie.
Le genre humain jadis bourdonnait à l'entour,
Et sur le globe entier Babel devait un jour
Asseoir sa spirale infinie.

Ses escaliers devaient monter jusqu'au zénith.
Chacun des plus grands monts à ses flancs de granit
N'avait pu fournir qu'une dalle.
Et des sommets nouveaux d'autres sommets chargés
Sans cesse surgissaient aux yeux découragés
Sur sa tête pyramidale.

Les boas monstrueux, les crocodiles verts,
Moindres que des lézards sur ses murs entrouverts,
Glissaient parmi les blocs superbes ;
Et, colosses perdus dans ses larges contours,
Les palmiers chevelus, pendant au front des tours,
Semblaient d'en bas des touffes d'herbes.

Des éléphants passaient aux fentes de ses murs ;
Une forêt croissait sous ses piliers obscurs
Multipliés par la démence ;
Des essaims d'aigles roux et de vautours géants
Jour et nuit tournoyaient à ses porches béants,
Comme autour d'une ruche immense.

- Faut-il l'achever ? dit la nuée en courroux. -
Marche ! - Seigneur, dit-elle, où donc m'emportez-vous ?

VII.

Voilà que deux cités, étranges, inconnues,
Et d'étage en étage escaladant les nues,
Apparaissent, dormant dans la brume des nuits,
Avec leurs dieux, leur peuple, et leurs chars, et leurs bruits.
Dans le même vallon c'étaient deux sœurs couchées.
L'ombre baignait leurs tours par la lune ébauchées ;
Puis l'œil entrevoyait, dans le chaos confus,
Aqueducs, escaliers, piliers aux larges fûts,
Chapiteaux évasés ; puis un groupe difforme
D'éléphants de granit portant un dôme énorme ;
Des colosses debout, regardant autour d'eux
Ramper des monstres nés d'accouplements hideux ;
Des jardins suspendus, pleins de fleurs et d'arcades,
Où la lune jetait son écharpe aux cascades ;
Des temples où siégeaient sur de riches carreaux
Cent idoles de jaspe à têtes de taureaux ;
Des plafonds d'un seul bloc couvrant de vastes salles,
Où, sans jamais lever leurs têtes colossales,
Veillaient, assis en cercle, et se regardant tous,
Des dieux d'airain, posant leurs mains sur leurs genoux.
Ces rampes, ces palais, ces sombres avenues
Où partout surgissaient des formes inconnues,
Ces ponts, ces aqueducs, ces arcs, ces rondes tours,
Effrayaient l'œil perdu dans leurs profonds détours ;
On voyait dans les cieux, avec leurs larges ombres,
Monter comme des caps ces édifices sombres,
Immense entassement de ténèbres voilé !
Le ciel à l'horizon scintillait étoilé,
Et, sous les mille arceaux du vaste promontoire,
Brillait comme à travers une dentelle noire.

Ah ! villes de l'enfer, folles dans leurs désirs !
Là, chaque heure inventait de monstrueux plaisirs,
Chaque toit recelait quelque mystère immonde,
Et, comme un double ulcère, elles souillaient le monde.

Tout dormait cependant : au front des deux cités,
À peine encor glissaient quelques pâles clartés,
Lampes de la débauche, en naissant disparues,
Derniers feux des festins oubliés dans les rues,
De grands angles de murs, par la lune blanchis,
Coupaient l'ombre, ou tremblaient dans une eau réfléchis.
Peut-être on entendait vaguement dans les plaines
S'étouffer des baisers, se mêler des haleines,
Et les deux villes surs, lasses des feux du jour,
Murmurer mollement d'une étreinte d'amour !

Et le vent, soupirant sous le frais sycomore,
Allait tout parfumé de Sodome à Gomorrhe.
C'est alors que passa le nuage noirci,
Et que la voix d'en haut lui cria : - C'est ici !

VIII.

La nuée éclate !
La flamme écarlate
Déchire ses flancs,
L'ouvre comme un gouffre,
Tombe en flots de soufre
Aux palais croulants,
Et jette, tremblante,
Sa lueur sanglante
Sur leurs frontons blancs !

Gomorrhe ! Sodome !
De quel brûlant dôme
Vos murs sont couverts !
L'ardente nuée
Sur vous s'est ruée,
Ô peuples pervers !
Et ses larges gueules
Sur vos têtes seules
Soufflent leurs éclairs !

Ce peuple s'éveille,
Qui dormait la veille
Sans penser à Dieu.
Les grands palais croulent ;
Mille chars qui roulent
Heurtent leur essieu ;
Et la foule accrue,
Trouve en chaque rue
Un fleuve de feu.

Sur ces tours altières,
Colosses de pierres
Trop mal affermis,
Abondent dans l'ombre
Des mourants sans nombre
Encore endormis.
Sur des murs qui pendent
Ainsi se répandent
De noires fourmis !

Se peut-il qu'on fuie
Sous l'horrible pluie ?
Tout périt, hélas !
Le feu qui foudroie
Bat les ponts qu'il broie,
Crève les toits plats,
Roule, tombe, et brise
Sur la dalle grise
Ses rouges éclats !

Sous chaque étincelle
Grossit et ruisselle
Le feu souverain.
Vermeil et limpide,
Il court plus rapide
Qu'un cheval sans frein ;
Et l'idole infâme,
Croulant dans la flamme,
Tord ses bras d'airain !

Il gronde, il ondule,
Du peuple incrédule
Bat les tours d'argent ;
Son flot vert et rose,
Que le soufre arrose,
Fait, en les rongeant,
Luire les murailles
Comme les écailles
D'un lézard changeant.

Il fond comme cire
Agate, porphyre,
Pierres du tombeau,
Ploie, ainsi qu'un arbre,
Le géant de marbre
Qu'ils nommaient Nabo,
Et chaque colonne
Brûle et tourbillonne
Comme un grand flambeau.

En vain quelques mages
Portent les images
Des dieux du haut lieu ;
En vain leur roi penche
Sa tunique blanche
Sur le soufre bleu ;
Le flot qu'il contemple
Emporte leur temple
Dans ses plis de feu !

Plus **** il charrie
Un palais, où crie
Un peuple à l'étroit ;
L'onde incendiaire
Mord l'îlot de pierre
Qui fume et décroît,
Flotte à sa surface,
Puis fond et s'efface
Comme un glaçon froid !

Le grand-prêtre arrive
Sur l'ardente rive
D'où le reste a fui.
Soudain sa tiare
Prend feu comme un phare,
Et pâle, ébloui,
Sa main qui l'arrache
À son front s'attache,
Et brûle avec lui.

Le peuple, hommes, femmes,
Court... Partout les flammes
Aveuglent les yeux ;
Des deux villes mortes
Assiégeant les portes
À flots furieux,
La foule maudite
Croit voir, interdite,
L'enfer dans les cieux !

IX.

On dit qu'alors, ainsi que pour voir un supplice
Un vieux captif se dresse aux murs de sa prison,
On vit de **** Babel, leur fatale complice,
Regarder par-dessus les monts de l'horizon.

On entendit, durant cet étrange mystère,
Un grand bruit qui remplit le monde épouvanté,
Si profond qu'il troubla, dans leur morne cité,
Jusqu'à ces peuples sourds qui vivent sous la terre.

X.

Le feu fut sans pitié ! Pas un des condamnés
Ne put fuir de ces murs brûlant et calcinés.
Pourtant, ils levaient leurs mains viles,
Et ceux qui s'embrassaient dans un dernier adieu,
Terrassés, éblouis, se demandaient quel dieu
Versait un volcan sur leurs villes.

Contre le feu vivant, contre le feu divin,
De larges toits de marbre ils s'abritaient en vain.
Dieu sait atteindre qui le brave.
Ils invoquaient leurs dieux ; mais le feu qui punit
Frappait ces dieux muets dont les yeux de granit
Soudain fondaient en pleurs de lave !

Ainsi tout disparut sous le noir tourbillon,
L'homme avec la cité, l'herbe avec le sillon !
Dieu brûla ces mornes campagnes ;
Rien ne resta debout de ce peuple détruit,
Et le vent inconnu qui souffla cette nuit
Changea la forme des montagnes.

XI.

Aujourd'hui le palmier qui croît sur le rocher
Sent sa feuille jaunie et sa tige sécher
À cet air qui brûle et qui pèse.
Ces villes ne sont plus ; et, miroir du passé,
Sur leurs débris éteints s'étend un lac glacé,
Qui fume comme une fournaise !

Octobre 1828.
I.

Par ses propres fureurs le Maudit se dévoile ;
Dans le démon vainqueur on voit l'ange proscrit ;
L'anathème éternel, qui poursuit son étoile,
Dans ses succès même est écrit.
Il est, lorsque des cieux nous oublions la voie,
Des jours, que Dieu sans doute envoie
Pour nous rappeler les enfers ;
Jours sanglants qui, voués au triomphe du crime,
Comme d'affreux rayons échappés de l'abîme,
Apparaissent sur l'univers.

Poètes qui toujours, **** du siècle où nous sommes,
Chantres des pleurs sans fin et des maux mérités,
Cherchez des attentats tels que la voix des hommes
N'en ait point encor racontés,
Si quelqu'un vient à vous vantant la jeune France,
Nos exploits, notre tolérance,
Et nos temps féconds en bienfaits,
Soyez contents ; lisez nos récentes histoires,
Evoquez nos vertus, interrogez nos gloires : -
Vous pourrez choisir des forfaits !

Moi, je n'ai point reçu de la Muse funèbre
Votre lyre de bronze, ô chantres des remords !
Mais je voudrais flétrir les bourreaux qu'on célèbre,
Et venger la cause des morts.
Je voudrais, un moment, troublant l'impur Génie.
Arrêter sa gloire impunie
Qu'on pousse à l'immortalité ;
Comme autrefois un grec, malgré les vents rapides,
Seul, retint de ses bras, de ses dents intrépides,
L'esquif sur les mers emporté !

II.

Quiberon vit jadis, sur son bord solitaire,
Des français assaillis s'apprêter à mourir,
Puis, devant les deux chefs, l'airain fumant se taire,
Et les rangs désarmés s'ouvrir.
Pour sauver ses soldats l'un d'eux offrit sa tête ;
L'autre accepta cette conquête,
De leur traité gage inhumain ;
Et nul guerrier ne crut sa promesse frivole,
Car devant les drapeaux, témoins de leur parole,
Tous deux s'étaient donné la main !

La phalange fidèle alors livra ses armes.
Ils marchaient ; une armée environnait leurs pas,
Et le peuple accourait, en répandant des larmes,
Voir ces preux, sauvés du trépas.
Ils foulaient en vaincus les champs de leurs ancêtres ;
Ce fut un vieux temple, sans prêtres,
Qui reçut ces vengeurs des rois ;
Mais l'humble autel manquait à la pieuse enceinte,
Et, pour se consoler, dans cette prison sainte,
Leurs yeux en vain cherchaient la croix.

Tous prièrent ensemble, et, d'une voix plaintive,
Tous, se frappant le sein, gémirent à genoux.
Un seul ne pleurait pas dans la tribu captive :
C'était lui qui mourait pour tous ;
C'était Sombreuil, leur chef : Jeune et plein d'espérance,
L'heure de son trépas s'avance ;
Il la salue avec ferveur.
Le supplice, entouré des apprêts funéraires,
Est beau pour un chrétien qui, seul, va pour ses frères
Expirer, semblable au Sauveur.

« Oh ! cessez, disait-il, ces larmes, ces reproches,
Guerriers ; votre salut prévient tant de douleurs !
Combien à votre mort vos amis et vos proches,
Hélas ! auraient versé de pleurs !
Je romps avec vos fers mes chaînes éphémères ;
À vos épouses, à vos mères,
Conservez vos jours précieux.
On vous rendra la paix, la liberté, la vie ;
Tout ce bonheur n'a rien que mon cœur vous envie ;
Vous, ne m'enviez pas les cieux. »

Le sinistre tambour sonna l'heure dernière,
Les bourreaux étaient prêts ; on vit Sombreuil partir.
La sœur ne fut point là pour leur ravir le frère, -
Et le héros devint martyr.
L'exhortant de la voix et de son saint exemple,
Un évêque, exilé du temple,
Le suivit au funeste lieu ;
Afin que le vainqueur vît, dans son camp rebelle,
Mourir, près d'un soldat à son prince fidèle,
Un prêtre fidèle à son Dieu !

III.

Vous pour qui s'est versé le sang expiatoire,
Bénissez le Seigneur, louez l'heureux Sombreuil ;
Celui qui monte au ciel, brillant de tant de gloire,
N'a pas besoin de chants de deuil !
Bannis, on va vous rendre enfin une patrie ;
Captifs, la liberté chérie
Se montre à vous dans l'avenir.
Oui, de vos longs malheurs chantez la fin prochaine ;
Vos prisons vont s'ouvrir, on brise votre chaîne ;
Chantez ! votre exil va finir.

En effet, - des cachots la porte à grand bruit roule,
Un étendard paraît, qui flotte ensanglanté ;
Des chefs et des soldats l'environnent en foule,
En invoquant la liberté !
« Quoi ! disaient les captifs, déjà l'on nous délivre !... »
Quelques uns s'empressent de suivre
Les bourreaux devenus meilleurs.
« Adieu, leur criait-on, adieu, plus de souffrance ;
Nous nous reverrons tous, libres, dans notre France ! »
Ils devaient se revoir ailleurs.

Bientôt, jusqu'aux prisons des captifs en prières,
Arrive un sourd fracas, par l'écho répété ;
C'étaient leurs fiers vainqueurs qui délivraient leurs frères,
Et qui remplissaient leur traité !
Sans troubler les proscrits, ce bruit vint les surprendre ;
Aucun d'eux ne savait comprendre
Qu'on pût se jouer des serments ;
Ils disaient aux soldats : « Votre foi nous protège ; »
Et, pour toute réponse, un lugubre cortège
Les traîna sur des corps fumants !

Le jour fit place à l'ombre et la nuit à l'aurore,
Hélas ! et, pour mourir traversant la cité,
Les crédules proscrits passaient, passaient encore,
Aux yeux du peuple éprouvant !
Chacun d'eux racontait, brûlant d'un sain délire,
À ses compagnons de martyre
Les malheurs qu'il avait soufferts ;
Tous succombaient sans peur, sans faste, sans murmure,
Regrettant seulement qu'il fallût un parjure,
Pour les immoler dans les fers.

À coups multipliés la hache abat les chênes.
Le vil chasseur, dans l'antre ignoré du soleil,
Egorge lentement le lion dont ses chaînes
Ont surpris le noble sommeil.
On massacra longtemps la tribu sans défense.
À leur mort assistait la France,
Jouet des bourreaux triomphants ;
Comme jadis, aux pieds des idoles impures,
Tour à tour, une veuve, en de longues tortures,
Vit expirer ses sept enfants.

C'étaient là les vertus d'un sénat qu'on nous vante !
Le sombre esprit du mal sourit en le créant ;
Mais ce corps aux cent bras, fort de notre épouvante,
En son sein portait son néant.
Le colosse de fer s'est dissous dans la fange.
L'anarchie, alors que tout change,
Pense voir ses œuvres durer ;
Mais ce Pygmalion, dans ses travaux frivoles,
Ne peut donner la vie aux horribles idoles
Qu'il se fait pour les adorer.

IV.

On dit que, de nos jours, viennent, versant des larmes,
Prier au champ fatal où ces preux sont tombés,
Les vierges, les soldats fiers de leurs jeunes armes,
Et les vieillards lents et courbés.
Du ciel sur les bourreaux appelant l'indulgence,
Là, nul n'implore la vengeance,
Tous demandent le repentir ;
Et chez ces vieux bretons, témoins de tant de crimes,
Le pèlerin, qui vient invoquer les victimes,
Souvent lui-même est un martyr.

Du 11 au 17 février 1821.
Para el asombro de las greyes planas
suelo zurcir abstrusas cantilenas.
Para la injuria del coplero ganso
torno mis brumas cada vez más densas.
Para el mohín de los leyente docto
marco mis versos de bizarro rictus,
(leyente docto: abléptico pedante)
tizno mis versos de macabros untos.
Para mí... no hago nada, nada, nada,
A qué contar a la olvidosa gente
si el amor en mi pecho llora o canta?
(a la olvidosa gente, es a saber:
al aire, al viento, al sol, al río, al mar...)
o a qué decir si el alma poesía,
-gruña así o grazne la trivial raleaa
qué decir si el alma poesía
huésped es de mi torre o de mi rúa?
Y que (como Villon el su tabardo,
su buitre prometeiico Atlas el Sordo,
como Nerón la púrpura, y la toga
César el Calvo, y ponzoñosa daga
el Valentino de mirar buido,
y, de la Tour de Nesle precipitado,
el saco Buridán, oh Margarita!)
yo porto, a más del tirso y la careta,
yo porto, en mí, la sombra del fastidio,
signo fatal, exilio sin remedio?
(como Nerón la púrpura, o la toga
César el Calvo, o la siniestra daga
el Valentino César, cuando arruga
su ceño ante las turbas enemigas!)
Un ignorado ritmo, dócil, terso,
donde el absurdo corazón esparzo,
¡eso será la impertinente estrofa
en que de todo mi desdén se befa,
y más de mí!: desdén, sobrio estilete
y el más seguro amigo en el combate
contra la tribu inulta! ¡Oh Muchedumbre!:
qué vales tú, si topas con el Hombre?
(y el Hombre, dí, si topa con el Hambre?
y Muchedumbre y Hombre con la Hembra?).
Para mí no hago nada, nada, nada,
¡sino soñar, sólo vivir la vida!
Para mí no hago nada... ¿acaso humo
cuando en la pipa blondo aroma quemo,
-si en el magín devano las ideas
humo también, color de fantasía...-?
Para mí no hago nada, nada, sólo
soñar, vivir la vida a contrapelo.
Sin un sueño de Amor más que divino
-por tener de ideal y ser humano que
da objeto y razón a mi durar...
sin ése Amor, mejor fuérame ser
una Sombra en la Sombra: quieto Buda
dormitando en la Muerte o en la Vida.
Para el asombro de las greyes planas
suelo zurcir abstrusas cantilenas.
Para ofender la mesocracia ambiente
mi risa hago sonar de monte a monte;
tizno mis versos de bizarro rictus
para el mohín de lo leyente docto;
para divertimento de mí mismo
trovas pergeño: absurdos y sarcasmos!
Y busco algo de ensueño y de aventura
dentro la noche...! y doy la vida entera
por el Amor, oh tú, sola Mujer!
mientras viene el morir!
Mil quinientos treinta y siete,
Mes de abril.
Opaco día,
Y entre la niebla, la urbe
Del noble y temido Zipa.
Asoma el alba. Luz trémula
Con persistente llovizna
Se riega por la llanura
Que verde yerba tapiza.
En las montañas distantes
Se extiende espesa neblina.
Regando charcos, va el río
Manso y de aguas amarillas,
Entre árboles casi escuetos
Que soñolientos se inclinan,
Diseminados o en grupos
Al soplo de helada brisa.
Bohíos se ven regados
En la tristeza infinita
De los campos, donde sólo
Aquí y allá, cual sonrisas
En el húmedo silencio
De aquella mañana fría,
Corolas blancas y rojas
Entre zarzales oscilan.

Mudas las chozas. Apenas,
Como señales de vida,
Sobre los techos de paja
Aves que juegan y trinan.

Entre cercado de horcones
Se alza el palacio del Zipa.
Un ámbito enorme ocupa;
Y Quesada, ante su fila
De jinetes y soldados
Llega, la cota ceñida.
El acero desenvaina;
La bandera de Castilla
Hace desplegar al aire;
Toque de corneta vibra
En la mañana. Y silencio...
Hachas las puertas derriban
Con estrépito. No hay guardias
Que a los intrusos resistan.

El primer patio, desierto;
Luego una sala, vacía.
Los infantes y jinetes
Penetran, las armas listas,
Temiendo alguna asechanza,
Huyó con su gente el Zipa
A media noche, llevando
Sus trescientas concubinas,
Y a espaldas de indios el oro
Que en el palacio tenía,
Y todas sus esmeraldas
A región desconocida.

Tesoros, regios tesoros,
Que juntaron dinastías
En lento correr de siglos;
Esmeraldas de hondas minas
Que lucieron esplendentes
En diademas; gargantillas,
Brazaletes, áureas planchas
Que prietos pechos cubrían;
Riquezas de los santuarios...
En gruta remota, umbría,
Yaciendo estáis para siempre
Lejos de humana codicia,
Pues dejaron los cargueros
Con los tesoros la vida.

Avanzan. Patios, más patios...
Salas, más salas vacías.
Corredores... patios, salas...
Después huertos.

Fuertes vigas,
Desde lejanas regiones
Hasta la Corte traídas,
Sostienen los techos. Paja
Que cual oro vivaz brilla
Luce en los muros que exhiben
Telas de rojo teñidas
Y ornadas con plumas de aves
Cazadas en las orillas
Del Río Grande.

Al fin oro
Y esmeraldas escondidas
Sacaron, cavando el suelo,
Y así, con manos vacías
No se les vio. No encontrando
A quién con agua bendita
Cristianar, no fue perdido.

Para su provecho el día,
Y hasta para herrar caballos
Que despeados venían,
Andando entre barrizales
Y ascendiendo a serranías,
De baja ley oro hallaron

Huía lejos el Zipa.
Rezagados unos indios
Cabizbajos se veían;
Y aterrados, friolentos,
De charcos en las orillas
Se preguntaban: ¿Qué tribu
Será esa tribu sacrílega
Que a nuestro rey hace guerra?
¿Qué genio del mal envía
A esos terríficos monstruos
Que con cuatro pies caminan
Y que tienen dos cabezas
Y que lucen piel distinta
A la nuestra, y el semblante
Les cubre barba tupida?

En ese instante de miedo,
Frente al sol que ya se hundía,
Una salva de arcabuces
Se oyó en la llanura muisca.
Los hijos del Sol!... dijeron,
Y aterrados, la faz lívida,
Contra el suelo, sollozaban
La noche cayó sombría
En desolación profunda
Sobre la raza vencida.
¡Desgraciado Almirante! Tu pobre América,
tu india virgen y hermosa de sangre cálida,
la perla de tus sueños, es una histérica
de convulsivos nervios y frente pálida.

Un desastroso espirítu posee tu tierra:
donde la tribu unida blandió sus mazas,
hoy se enciende entre hermanos perpetua guerra,
se hieren y destrozan las mismas razas.

Al ídolo de piedra reemplaza ahora
el ídolo de carne que se entroniza,
y cada día alumbra la blanca aurora
en los campos fraternos sangre y ceniza.

Desdeñando a los reyes nos dimos leyes
al son de los cañones y los clarines,
y hoy al favor siniestro de negros reyes
fraternizan los Judas con los Caínes.

Bebiendo la esparcida savia francesa
con nuestra boca indígena semiespañola,
día a día cantamos la Marsellesa
para acabar danzando la Carmañola.

Las ambiciones pérfidas no tienen diques,
soñadas libertades yacen deshechas.
¡Eso no hicieron nunca nuestros caciques,
a quienes las montañas daban las flechas!

Ellos eran soberbios, leales y francos,
ceñidas las cabezas de raras plumas;
¡ojalá hubieran sido los hombres blancos
como los Atahualpas y Moctezumas!

Cuando en vientres de América cayó semilla
de la raza de hierro que fue de España,
mezcló su fuerza heroica la gran Castilla
con la fuerza del indio de la montaña.

¡Pluguiera a Dios las aguas antes intactas
no reflejaran nunca las blancas velas;
ni vieran las estrellas estupefactas
arribar a la orilla tus carabelas!

Libre como las águilas, vieran los montes
pasar los aborígenes por los boscajes,
persiguiendo los pumas y los bisontes
con el dardo certero de sus carcajes.

Que más valiera el jefe rudo y bizarro
que el soldado que en fango sus glorias finca,
que ha hecho gemir al zipa bajo su carro
o temblar las heladas momias del Inca.

La cruz que nos llevaste padece mengua;
y tras encanalladas revoluciones,
la canalla escritora mancha la lengua
que escribieron Cervantes y Calderones.

Cristo va por las calles flaco y enclenque,
Barrabás tiene esclavos y charreteras,
y en las tierras de Chibcha, Cuzco y Palenque
han visto engalonadas a las panteras.

Duelos, espantos, guerras, fiebre constante
en nuestra senda ha puesto la suerte triste:
¡Cristóforo Colombo, pobre Almirante,
ruega a Dios por el mundo que descubriste!
La tribu de Guatavita,
En homenaje a las aguas
Se apresta el rito sagrado
A celebrar.
Ya sus danzas
Las bellas hijas de nobles
Van ensayando con planta
Ligera, al són de cantares,
De chirimías y flautas.

Limpia tiende la laguna
Su cristal. En la comarca
Todo se anima en espera
Del gran día. Flores cándidas,
Rojas y amarillas, abren
Sus corolas en las ramas;
Y de los campos vecinos
Van trayendo leves auras
El rumor de los maizales,
Donde aves pían y cantan.
Parece que en Guatavita
Al júbilo de las almas
La alegría esplendorosa
Del verano se juntara.

Desde distantes bohíos
Van llegando alborozadas
Tribus amigas.
De polvo
De oro cubierto, en mañana
Resplandeciente, el cacique
De Guatavita, y en andas,
Por caciques conducido,
Se hundirá en las ondas claras
De la laguna, en el día
De la fiesta de las aguas.

Mensajeros han llegado
De Muequetá, y hay alarma:
Entre el gozo de las tribus
Vienen con la nueva infausta
De que guerreros extraños
Que rayos del sol disparan
Pusieron al Zipa en fuga
Y por la llanura avanzan.

¿De dónde vienen? -«Del cielo»,
Unos aterrados narran;
Otros que del Río Grande,
Desde remotas comarcas;
Que son monstruos nunca vistos,
Que rayos de muerte lanzan,
Que los «cercados» derriban
Con desconocidas armas;
Que cerrados pelotones
Con flechas no los atajan;
Que delante de ellos huyen
Los muiscas en desbandada;
Y que «Sué» como castigo
Por viejas culpas los manda.
No son flechas las que traen,
Vienen cubiertos de láminas,
Y cuando quieren el Cielo
Truena, y desde lejos matan,
Como el resplandor que alumbra
De repente en las borrascas.


Sobre prados y colinas,
Azul brilla la mañana.
Y el desfile, al són de música
Hacia la laguna marcha.
Al frente se ven los nobles;
Después las vírgenes danzan,
Y en silla de oro el Cacique,
Entre la turba postrada
Que le va lanzando flores
Los ojos en alto, pasa.
Su cuerpo de oro cubierto
Y todo desnudo, es ascua
Ante la luz de la aurora,
Blanca, azul y roja y gualda.

Todos llegan a la orilla.
El agua fulgura mansa.
El himno sagrado suena;
Y al momento en que se alza
El sol, en diáfano cielo,
El cacique en pie, en las andas,
Y la tribu en gran silencio,
A las claras ondas salta...
¡Y es remolino de oro
Y de fulgores el agua!

Otra vez gritos y músicas
Se oyen. Y oro y esmeraldas.

A las aguas van cayendo
Entre ruidosa algazara,
Y entre rumores de frondas,
Cantos y batir de alas!...

Todo es júbilo. De pronto
En la colina cercana
Son estridente resuena;
Espadas brillan y lanzas,
Y relinchos de los monstruos
Vienen desde la distancia.
Los guerreros más se acercan...
Ya de los collados bajan...
Un estampido de truenos
Hace vibrar la montaña...
¡Y la raza guatavita
Es de españoles vasalla!


De un ídolo todo de oro
Que se lanzaba a las aguas
Corre pronto la leyenda
Aquí y en tierras extrañas;
Y «El Dorado» desde entonces
Fue ilusión radiosa y mágica.
Mas después ya no era ídolo,
En remota lontananza...
Era campo inmenso de oro,
Visión de todas las almas.
Y tras ella los hispanos
Cruzaron selvas, montañas,
Ríos, desiertos, llanuras
Y mortíferas comarcas;
Y así fueron ensanchando
El poderío de España,
Y un nuevo mundo en la tierra
Abriendo a la raza humana.
Músicos, rápsodas, prosistas,
poetas, poetas, poetas,
pintores, caricaturistas,
eruditos, nimios estetas;
románticos o clasicistas,
y decadentes, -si os parece-
pero, eso sí, locos y artistas
los Panidas éramos trece!
Melenudos de líneas netas,
líricos de aires anarquistas,
hieráticos anacoretas,
dandys, troveros, ensayistas,
en fin, sabios o analfabetas,
y muy pedantes, -si os parece-
explotado res de agrias vetas
los Panidas éramos trece!
De atormentados macabristas
figuras lívidas y quietas,
rollizas caras de hacendistas,
trágicos rostros de profetas...;
y satíricos y humoristas,
o muy ingenuos, -si os parece-
en el café de los Mokistas
los Panidas éramos trece!
Sutiles frases y discretas,
y paradojas exotistas,
sentencias, sólidas, escuetas,
y jeroglíficos sofistas;
y las mordaces cuchufletas
envenenadas, -si os parece-
que en el Concilio de Agoretas
los Panidas éramos trece!
Y orquestaciones wagneristas,
-trompas y tubas y trompetas-, 1
o  serenatas mozartistas
y sinfonías y retretas
de los maestros exorcistas,
beethovenianos, -si os parece-,
que en el Salón (bombos o arpistas)
los Panidas éramos trece!
Y los de pluma o de paletas,
altos poetas o coplistas,
los violinistas y cornetas,
en veladas aquelarristas
-sesiones íntimas, secretas!-
y en bodegones -si os parece-
en esas citas indiscretas
los Panidas éramos trece!
Fumívoros y cafeístas
y bebedores musagetas!
Grandilocuentes, camorristas,
Crispines de elásticas tretas;
inconsolables, optimistas,
o indiferentes, -si os parece-
en nuestros Sábbats liturgistas
los Panidas éramos trece!
Ilustres críticos -ascetas
serios, solemnes, metodistas,
tribu de vacuos logotetas!: 2
andad al diablo! -si os parece-:
nosotros, -Bárbaros sanchistas!-,
los Panidas éramos trece!
En mi rincón le insuflo a mi fagote
vientos de libre poesía.

Vale, vale la pena:
(como no brinquen multitudes en algarabía
-bárbara tribu diapreada de achiote-
y aunque no salten soledades de Góngora y Argote...):

¡surta clara, serena,
sincronizada, esbelta Arquitectura,
Música pura,
libre Poesía!

En mi rincón le insuflo a mi fagote
vientos de libre poesía!

Vale la pena, vale:
y así chillen don Pánfilo, don Zote,
doña Carraca, doña Chirimía:
¡toda la trinca! todo el cotarro! El zafio lote!
¡como apruebe la Onfale
cuya rueca devano, Esfinge Obscura,
sóla Aventura,
mía Fantasía!

En mi rincón le insuflo a mi fagote
vientos de libre poesía.

Vale, vale la brega:
¿muy ronco el timbre para el flébil estrambote
de mi Balada? ¿muy áspera la voz? ¿la
melodía
muy tosca? ¿a los oídos es azote
mi troya nocharniega?

¡no me importe!: si ríspida y si dura,
de ésa sólo se cura
la Musa mía!

En mi rincón le insuflo a mi fagote
-don Pánfilo, don Péndolo, don Zote,
doña Carraca, doña Chirimía-
vientos de libre y pura y de díscola y recia poesía.
carmel Jan 2020
consumistas
consumistas de objetos, de la falsa dulzura del azucar, consumistas de necesidades sociales, aceptaciones, consumismo pidiendo mas,consumismo pidiendo mas, consumismo consumiéndonos.
Que pasaría si tuviéramos sed de  recuerdos, momentos, sonrisas, si tuviéramos necesidad de escuchar carcajadas, de amor, de respeto, si entendiéramos que este mundo solo andamos de visita,  esta hecho para cuidar y no para consumir.
ConnectHook Apr 2017
La Kumbia Kalvinista no es ritmo vaticano
se baila todo libre con la biblia en la mano

La Kumbia Kalvinista es la onda reformada
las sectas sí prometen—pero no entregan nada

Esta cumbia trascendente, pero poco conocida
es la cumbre de verdad, y predestina pura vida

La Kumbia Kalvinista es la nueva nueva onda
se la cantan las iglesias y ofrecen otra ronda

La Kumbia Kalvinista no lo bailan los de Roma
si un padre lo intenta terminará caído en coma

es un baile teológico que es absurdo mientras lógico
lo baile cada tribu, cada etnia y antropólogo

el papa mismo, y su esposa
bailan esta cumbia fabulosa
tu estado de animo no es nada
sino gracia predestinada

lo bailan los sajones con cojones
lo bailan las alemanas si le dan la ganas
este baile está basado en un ritmo luterano
apetece a los gringos, a los indios, y a fulano
no bailaban los franceses aunque Calvin era suya
si bailaban los escoceses y gritaban aleluya !
NaPoWriMo #23

¿Haiku?  pues... no sé.
es algo chino, yo creo.
Es un poema.
Un guijarro, uno solo, el más bajo de todos,
controla
a todo el médano aciago y faraónico.
El aire adquiere tensión de recuerdo y de anhelo,
y bajo el sol se calla
hasta exigir el cuello a las pirámides.

Sed. Hidratada melancolía de la tribu errabunda,
gota
a
gota,
del siglo al minuto.

Son tres Treses paralelos,
barbados de barba inmemorial,
en marcha    3    3    3

Es el tiempo este anuncio de gran zapatería,
es el tiempo, que marcha descalzo
de la muerte             hacia           la muerte.
Español del éxodo de ayer
y español del éxodo de hoy:
te salvarás como hombre,
pero no como español.
No tienes patria ni tribu. Si puedes,
hunde tus raíces y tus sueños
en la lluvia ecuménica del sol.
Y yérguete... ¡Yérguete!
Que tal vez el hombre de este tiempo...
es el hombre movible de la luz,
del éxodo y del viento.
Desde el Opón avanza la tribu cual torrente
A Teusaquillo en fuga. Detrás, del rayo armados
Los Hijos del Sol  vienen. Surge el Zipa, y postrados
Indios, Jeques y Usaques doblan ante él la frente.

Piedad del Sol imploran con súplica ferviente;
Del ara corre sangre de niños degollados;
Se oyen sonar clarines... Y todos, angustiados,
Huyen al alto cerro que se alza en el Oriente.

A la llanura llega Quesada. Por Castilla
Y  su Rey, el acero levanta, mientras brilla
La luz como una rosa de fuego en su coraza.

Del cerro al Sol entonces se alza una nube oscura
De flechas, y hondo grito la tribu da en la altura:
El grito, ante la Muerte, de la vencida raza.
Del castigo acercábase el instante.
Entre la niebla gris de la Sabana,
La tribu, a Teusaquillo, en caravana
Llegaba, la amargura en el semblante.

Tisquesusa surgió, todo radiante
De oro, como fúlgida mañana:
En la diestra, su cetro de macana,
Y en los ojos, mirada fulgurante.

Vendado entró el ladrón. Baja la frente;
Los Usaques, en fila, al delincuente
Lanzaban al pasar viles apodos.

¡Iba a cumplirse ya la ley tremenda!
Y al quitarle de súbito la venda
Dijo el ladrón: «¡Un indio como todos!»
He callado largamente para escuchar mejor las voces.
Tú las conoces, corazón cansado de hogueras y de peces.
Tú las has escuchado otras veces. Tú las conoces.

Voces que ascienden de las profundidades del mundo submarino
de las algas, de los crustáceos, de los tentáculos y las escamas.
Voces que aturden enloquecidamente, como el vino.
Tú las conoces y las llamas.

Tú conoces las voces que dan manos al manco y ojos al ciego.
Tú conoces las voces crepitantes de las hogueras del Polo,
allí donde la nieve quema mucho más profundamente que el fuego.
Tú te acompañas de esas voces para sentirte más solo.

He callado largamente como soñando un viaje
he callado cálidamente como los cañones después de las batallas;
y ahora miro crecer los árboles como un salvaje
oh, corazón tumultuoso de esas voces que oyes y callas.

Mirar como pasan las nubes siempre es un gran consuelo
oh corazón que tanto has aprendido y tanto desconoces.
Desdichado del esquimal sordo cuando cruje el deshielo.
Triste de aquel que para siempre cerró su corazón a las voces.

Las estatuas de sal vienen cantando que han muerto las mariposas
pero nada es cierto en la vida, ni siquiera la muerte
y aún nutrimos con nuestra sangre la inseguridad de las cosas
y también la tribu de sabios se humilla ante el más fuerte.

Podrán morir las voces pero nos persiguen sus ecos
en la uña que crece y en la superstición del azar.
El gran latido de la selva repercute en los troncos secos
y en la fugitiva permanencia del tiempo y del mar!

Del fondo del crepúsculo llegan hombres cobardemente tristes.
El trigo no quiere madurar cuando se afilan las hoces
oh, corazón que sólo muriendo puedes comprender que existes,
definitivamente sordo a la sana alegría de las voces!
La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s'est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.

Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes
Le long des chariots où les leurs sont blottis,
Promenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chimères absentes.

Du fond de son réduit sablonneux le grillon,
Les regardant passer, redouble sa chanson ;
Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,

Fait couler le rocher et fleurir le désert
Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L'empire familier des ténèbres futures.
Ben Adhem (que su tribu florezca eternamente!)
Dormía, cuando un hálido vino a rozar su frente,
y despertó.

Su alcoba brillaba con un rayo
de la luna; brisa de la noche de Mayo
traía de los valles el olor de las flores,
y un ángel vio, las sienes ceñidas de fulgores,
que en un libro escribía.

Ben Adhem, con rudeza,
dijo el ángel: «¿Qué escribes?».
Levantó la cabeza
la visión, y en acento de indecible dulzura
que llegó a sus oídos como voz de la altura,
«Los nombres de los que aman al Señor», le responde.

Y con acento trémulo, que la ansiedad esconde,
Velado por las lágrimas, al ángel preguntó:
«¿Has escrito mi nombre?»
Y el ángel dijo: «¡No!»
Ben Adhem habló entonces con voces suplicantes:
«Pon mi nombre como uno que ama a sus semejantes».
Un nombre escribió el ángel.

                                      A la noche siguiente
volvió a la alcoba, en medio de luz resplandeciente,
y le mostró las páginas en donde están escritos
los escogidos nombres, por el Señor benditos.

Ben Adhem, de rodillas, cayó ante el mensajero,
porque vio que su nombre llenaba el libro entero.
De vous gronder je n'ai plus le courage,
Enfants ! ma voix s'enferme trop souvent.
Vous grandissez, impatients d'orage ;
Votre aile s'ouvre, émue au moindre vent.
Affermissez votre raison qui chante ;
Veillez sur vous comme a fait mon amour ;
On peut gronder sans être bien méchante :
Embrassez-moi, grondez à votre tour.

Vous n'êtes plus la sauvage couvée,
Assaillant l'air d'un tumulte innocent ;
Tribu sans art, au désert préservée,
Bornant vos voeux à mon zèle incessant :
L'esprit vous gagne, ô ma rêveuse école,
Quand il fermente, il étourdit l'amour.
Vous adorez le droit de la parole :
Anges, parlez, grondez à votre tour.

Je vous fis trois pour former une digue
Contre les flots qui vont vous assaillir :
L'un vigilant, l'un rêveur, l'un prodigue,
Croissez unis pour ne jamais faillir,
Mes trois échos ! l'un à l'autre, à l'oreille,
Redites-vous les cris de mon amour ;
Si l'un s'endort, que l'autre le réveille ;
Embrassez-le, grondez à votre tour !

Je demandais trop à vos jeunes âmes ;
Tant de soleil éblouit le printemps !
Les fleurs, les fruits, l'ombre mêlée aux flammes,
La raison mûre et les joyeux instants,
Je voulais tout, impatiente mère,
Le ciel en bas, rêve de tout amour ;
Et tout amour couve une larme amère :
Punissez-moi, grondez à votre tour.

Toi, sur qui Dieu jeta le droit d'aînesse,
Dis aux petits que les étés sont courts ;
Sous le manteau flottant de la jeunesse,
D'une lisière enferme le secours !
Parlez de moi, surtout dans la souffrance ;
Où que je sois, évoquez mon amour :
Je reviendrai vous parler d'espérance ;
Mais gronder... non : grondez à votre tour !
Dieu sait bien que la femme est maîtresse de l'homme,
Mais l'époux généreux, chez l'épouse économe,
S'ils sont deux bons chrétiens en un cœur bien fondus,
Libre, vit dans la paix, **** des jougs défendus.
Simple, comme un enfant qui partage une orange,
Il fait toujours deux parts de tout fruit mûr qu'il mange.
Il choisit les meilleurs qui sont les fruits permis :
C'est un sage content du monde où Dieu l'a mis.
Pauvre, il a les trésors profonds de l'Évangile,
Riche, il tient ses greniers grands ouverts sur la ville.
Quand le soir vient, l'étoile à sa lampe sourit.
Couple qui s'épousa sous les yeux de l'Esprit,
Rébecca dont le cœur battit à grands coups d'aile,
En voyant Isaac sortir au-devant d'elle,
Isaac dont le cœur en fête remarqua
L'anneau d'or fin qui luit au nez de Rébecca,
Étaient moins saintement amoureux l'un de l'autre,
Que ces époux, courbés au souffle de l'apôtre,
Quand leur âme aspira, près du cierge éclairé,
Le parfum frais qui sort du vieux texte sacré.
Comme il est bon et droit, que Jésus est son maître,
S'il parle, elle a des yeux ravis de se soumettre ;
Qu'elle parle, il écoute, heureux de se plier
Aux désirs purs d'un cœur que Jésus sut lier.
Tous deux savent le prix des torts que l'on pardonne.
Au milieu des enfants que le Seigneur leur donne,
Ils laissent se mêler aux fils d'or éclatants
Les fils sombres qui sont au dévidoir du temps.
L'époux travaille ; il est ouvrier ou poète ;
Il explique aux siens Dieu dont le ciel est la fête.
Un enfant vous écoute avec tant d'appétit !
C'est innocent, c'est bon, c'est grave, c'est petit !
Elle, quand elle file, un bras hors de la manche,
Elle a l'air de filer son âme en laine blanche,
Et son cœur doux s'écoule aux ondes de son lait,
Flot parfumé, pareil au flot pur qui coulait
Du sein sacré sur qui Dieu, tout petit, ne bouge
Que sa lèvre d'enfant, humble fleurette rouge.
Dans la neige du linge et les tulles au vent,
Voilà la mère, avec son sourire vivant
Dont la chambre s'échauffe et dont l'ombre s'éclaire.
Femme aux seins mûrs, miracle, ô reine populaire !
Majesté des grands cils abaissés sur l'enfant !
Il s'abandonne, il dort. Un baiser le défend.
Le père le contemple, un rire sur la bouche.
Il est tel que, devant une rose farouche,
Un bon peintre amoureux de la gloire des fleurs.
Tous vivent dans le calme et les claires couleurs.
Ô chaleur maternelle ! ô prière qui vole !
Ô bouches ébauchant la première parole !
Chère tribu, petit peuple qui grandissez,
Mère qui d'une main délicate emplissez
De feuilles et de fruits les faïences fleuries,
Père au sourire plein de chaudes causeries,
Servante qui tournez au bruit clair des sabots :
Si vous êtes sereins, même avec des tombeaux,
Si vous gardez entier l'amour de la famille,
Dont la laine encor moins que l'honneur vous habille,
Si vous restez amis, quoi ! n'est-ce pas un peu
Parce qu'à tous vos soins vous savez mêler Dieu,
Qu'il vous tient sous son aile et qu'il vous a plu d'être
Unis par Jésus-Christ et bénis par son prêtre !
El alba aún no aparece en su gloria de oro.
Canta el mar con la música de sus ninfas en coro
y el aliento del campo se va cuajando en bruma.
Teje la náyade el encaje de su espuma
y el bosque inicia el himno de sus flautas de pluma.
Es el momento en que el salvaje caballero
se ve pasar. La tribu aúlla y el ligero
caballo es un relámpago, veloz como una idea.
A su paso, asustada, se para la marea.
La náyade interrumpe la labor que ejecuta
y el director del bosque detiene la batuta.
-¿Qué pasa?-desde el lecho pregunta Venus bella.
Y Apolo: -Es Sagitario que ha robado una estrella.
Era el día ritual. Vibró en la orilla
De la laguna musical concierto.
El campo todo semejaba huerto;
Y doblegó la tribu la rodilla.

Sobre andas el Cacique, en áurea silla,
De polvo de oro apareció cubierto:
Ante el alba, en el bosque ya despierto
Por trinos de aves, como un ascua brilla.

Relincho de un corcel se oyó distante:
La invasión que llegaba. En ese instante
Subía un canto virginal en coro;

Y cuando el sol despedazó la bruma,
Saltó el Cacique a la dormida espuma
¡Y se abrió el agua en remolino de oro!
César 2d
Soy oveja de este rebaño
que requiere cura
pero recibe alivio
Debo y quiero cortar
la creciente cadena de odio
fraguada por operadores
intensos y perpetuos
honorarios y rentados

Como lo dijo el poeta
Debo amar en defensa propia
Que se geste la masa crítica
declarando aquí y allá
las palabras de la tribu
Recorro la tierra fértil
esparciendo las semillas
confiado en la cosecha
que nutrirá las almas y las mentes

La conciencia toma el timón
No hay fuga posible
Preciso los límites del ego
y expando el amor sin medida
Manos a la obra pues.
Enhorabuena.

— The End —