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Edna Sweetlove May 2015
This is a beautiful "Barry Hodges" poem.*

Ah, sweet memories of that night in Blarney
In the stout-soaked suburbs of ould Cork City.
How clearly through the mist of alcoholic memory
I recall how we all piled out of Johnny's bar at closing time
****** as a load of proverbial ******* newts;
'Where to now me boys, which bar's still open?'
Shrieked spiflicated Sean O'Shannon
(that's notorious sixteen pints an hour Sean,
the man who won Strictly Come Boozing twice)
As he tottered over to his Pa's new BMW convertible,
Lucky ****** that he is to be son to a Fianna Fáil MEP,
And one not adverse to trousering a Euro or two.

'Sean, me oul' potato, de ye think ye should be driving
With that record-breakin' skinful o' stout
I just seen you put away down your greasy gullet,
Not to mention the quadruple whiskey chaser?'
Enquired loopy Liam O'Lephrechaun as he leaned over
And puked up another gallon of warmish Guinness
Over yours truly as I rolled helplessly in the Ballygrohan road
To the amusement of the gawping bystanders,
Bearing in mind there were a good dozen gobbets
Of half-digested pork scratchings in the froth
Which was causing havoc with my apparel.

So without another feckin' word being spoken
My dear drinking companions and ***** buddies
Left me prostrate and clambered gaily into the waiting car
And roared off into the enchanted Gaelic night;
Singing and smoking themselves silly simultaneously,
So full of the joys of life and the blessed bottle.
And then some ****** stupid American tourist
(doubtless dressed in hideous checked golfing trousers
with a backwards-facing baseball cap on his ugly head,
not to forget his overweight wifey crammed into the front seat
just like a huge white bloated fat-faced hippo),
Came round the next corner in a clapped out rental car
And the two of them got sent to Kingdom-sodding-Come
With a terrible metallic crash which destroyed them completely.

'Oh begorrah and *******, would ye just look at the mess
The feckin eejit's made of me Daddy's Beemer,
And it's his pride and joy so it is to be sure!'
Cried Sean O'Shannon in an alcoholic rage,
As he contemplated the largest insurance claim
In the County Cork for the past six decades,
(at least the largest legitimate one anyway).
Whilst I was trying to get my hipster pants down
To avoid filling them up with beery diarrhoea
Brought on by my involuntary bursts of joyous mirth,
(bejasus, 'twas the second time in the space of a single week
and my new girlfriend was getting a bit fussy about hygiene
bearing in mind she was thinking of taking the veil).

How fortunate old Father Tucker and Garda Sergeant O'Toole
Could both (when they'd sobered up sufficiently)
Testify later from their secure vantage point
In the rear compartment of a nearby parked hearse,
(where they were having a ******* with Deidre,
the filthiest wee **** in the whole South-Western counties)
That the accident was not dear Sean's fault at all, to be sure,
As the other stupid sober yankee ****** was driving at 75
On the wrong friggin' side of the ******' street
Or probably in the middle, come to think of it.
'Sure but Sean's the best driver this side of the Blarney Stone,
And there's no way himself would ever drive under the influence'*
They agreed sagely before going off for another jar or two
And maybe a double knee-trembler with Deidre's fat sister,
One up each of her gaping hair-rimmed orifices.
Micheal Wolf Mar 2014
Skirt up ******* down, in the car park, behind the Grand
Seven drinks and she wants her fill, I hope she's on the mini pill!
Harder harder now she cries! His kness are bent she's 5 feet 5
He always thought she was a looker, he never expected he would f@@k her.
Less than five minutes its all over, he's once again deflowered a daughter.
She pulls him in for a kiss, he doesn't want to touch her lips.
******* up she walks away, he goes to tell his mates.
A few pints more he wants a kebab, who won the footy? I'll ave sauce on that!
Tomorrow morning will he remember? The night she chose you for surrender
Le poète.

Du temps que j'étais écolier,
Je restais un soir à veiller
Dans notre salle solitaire.
Devant ma table vint s'asseoir
Un pauvre enfant vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Son visage était triste et beau :
À la lueur de mon flambeau,
Dans mon livre ouvert il vint lire.
Il pencha son front sur sa main,
Et resta jusqu'au lendemain,
Pensif, avec un doux sourire.

Comme j'allais avoir quinze ans
Je marchais un jour, à pas lents,
Dans un bois, sur une bruyère.
Au pied d'un arbre vint s'asseoir
Un jeune homme vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Je lui demandai mon chemin ;
Il tenait un luth d'une main,
De l'autre un bouquet d'églantine.
Il me fit un salut d'ami,
Et, se détournant à demi,
Me montra du doigt la colline.

À l'âge où l'on croit à l'amour,
J'étais seul dans ma chambre un jour,
Pleurant ma première misère.
Au coin de mon feu vint s'asseoir
Un étranger vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il était morne et soucieux ;
D'une main il montrait les cieux,
Et de l'autre il tenait un glaive.
De ma peine il semblait souffrir,
Mais il ne poussa qu'un soupir,
Et s'évanouit comme un rêve.

À l'âge où l'on est libertin,
Pour boire un toast en un festin,
Un jour je soulevais mon verre.
En face de moi vint s'asseoir
Un convive vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il secouait sous son manteau
Un haillon de pourpre en lambeau,
Sur sa tête un myrte stérile.
Son bras maigre cherchait le mien,
Et mon verre, en touchant le sien,
Se brisa dans ma main débile.

Un an après, il était nuit ;
J'étais à genoux près du lit
Où venait de mourir mon père.
Au chevet du lit vint s'asseoir
Un orphelin vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Ses yeux étaient noyés de pleurs ;
Comme les anges de douleurs,
Il était couronné d'épine ;
Son luth à terre était gisant,
Sa pourpre de couleur de sang,
Et son glaive dans sa poitrine.

Je m'en suis si bien souvenu,
Que je l'ai toujours reconnu
À tous les instants de ma vie.
C'est une étrange vision,
Et cependant, ange ou démon,
J'ai vu partout cette ombre amie.

Lorsque plus ****, las de souffrir,
Pour renaître ou pour en finir,
J'ai voulu m'exiler de France ;
Lorsqu'impatient de marcher,
J'ai voulu partir, et chercher
Les vestiges d'une espérance ;

À Pise, au pied de l'Apennin ;
À Cologne, en face du Rhin ;
À Nice, au penchant des vallées ;
À Florence, au fond des palais ;
À Brigues, dans les vieux chalets ;
Au sein des Alpes désolées ;

À Gênes, sous les citronniers ;
À Vevey, sous les verts pommiers ;
Au Havre, devant l'Atlantique ;
À Venise, à l'affreux Lido,
Où vient sur l'herbe d'un tombeau
Mourir la pâle Adriatique ;

Partout où, sous ces vastes cieux,
J'ai lassé mon cœur et mes yeux,
Saignant d'une éternelle plaie ;
Partout où le boiteux Ennui,
Traînant ma fatigue après lui,
M'a promené sur une claie ;

Partout où, sans cesse altéré
De la soif d'un monde ignoré,
J'ai suivi l'ombre de mes songes ;
Partout où, sans avoir vécu,
J'ai revu ce que j'avais vu,
La face humaine et ses mensonges ;

Partout où, le long des chemins,
J'ai posé mon front dans mes mains,
Et sangloté comme une femme ;
Partout où j'ai, comme un mouton,
Qui laisse sa laine au buisson,
Senti se dénuder mon âme ;

Partout où j'ai voulu dormir,
Partout où j'ai voulu mourir,
Partout où j'ai touché la terre,
Sur ma route est venu s'asseoir
Un malheureux vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Qui donc es-tu, toi que dans cette vie
Je vois toujours sur mon chemin ?
Je ne puis croire, à ta mélancolie,
Que tu sois mon mauvais Destin.
Ton doux sourire a trop de patience,
Tes larmes ont trop de pitié.
En te voyant, j'aime la Providence.
Ta douleur même est sœur de ma souffrance ;
Elle ressemble à l'Amitié.

Qui donc es-tu ? - Tu n'es pas mon bon ange,
Jamais tu ne viens m'avertir.
Tu vois mes maux (c'est une chose étrange !)
Et tu me regardes souffrir.
Depuis vingt ans tu marches dans ma voie,
Et je ne saurais t'appeler.
Qui donc es-tu, si c'est Dieu qui t'envoie ?
Tu me souris sans partager ma joie,
Tu me plains sans me consoler !

Ce soir encor je t'ai vu m'apparaître.
C'était par une triste nuit.
L'aile des vents battait à ma fenêtre ;
J'étais seul, courbé sur mon lit.
J'y regardais une place chérie,
Tiède encor d'un baiser brûlant ;
Et je songeais comme la femme oublie,
Et je sentais un lambeau de ma vie
Qui se déchirait lentement.

Je rassemblais des lettres de la veille,
Des cheveux, des débris d'amour.

Tout ce passé me criait à l'oreille
Ses éternels serments d'un jour.
Je contemplais ces reliques sacrées,
Qui me faisaient trembler la main :
Larmes du cœur par le cœur dévorées,
Et que les yeux qui les avaient pleurées
Ne reconnaîtront plus demain !

J'enveloppais dans un morceau de bure
Ces ruines des jours heureux.
Je me disais qu'ici-bas ce qui dure,
C'est une mèche de cheveux.
Comme un plongeur dans une mer profonde,
Je me perdais dans tant d'oubli.
De tous côtés j'y retournais la sonde,
Et je pleurais, seul, **** des yeux du monde,
Mon pauvre amour enseveli.

J'allais poser le sceau de cire noire
Sur ce fragile et cher trésor.
J'allais le rendre, et, n'y pouvant pas croire,
En pleurant j'en doutais encor.
Ah ! faible femme, orgueilleuse insensée,
Malgré toi, tu t'en souviendras !
Pourquoi, grand Dieu ! mentir à sa pensée ?
Pourquoi ces pleurs, cette gorge oppressée,
Ces sanglots, si tu n'aimais pas ?

Oui, tu languis, tu souffres, et tu pleures ;
Mais ta chimère est entre nous.
Eh bien ! adieu ! Vous compterez les heures
Qui me sépareront de vous.
Partez, partez, et dans ce cœur de glace
Emportez l'orgueil satisfait.
Je sens encor le mien jeune et vivace,
Et bien des maux pourront y trouver place
Sur le mal que vous m'avez fait.

Partez, partez ! la Nature immortelle
N'a pas tout voulu vous donner.
Ah ! pauvre enfant, qui voulez être belle,
Et ne savez pas pardonner !
Allez, allez, suivez la destinée ;
Qui vous perd n'a pas tout perdu.
Jetez au vent notre amour consumée ; -
Eternel Dieu ! toi que j'ai tant aimée,
Si tu pars, pourquoi m'aimes-tu ?

Mais tout à coup j'ai vu dans la nuit sombre
Une forme glisser sans bruit.
Sur mon rideau j'ai vu passer une ombre ;
Elle vient s'asseoir sur mon lit.
Qui donc es-tu, morne et pâle visage,
Sombre portrait vêtu de noir ?
Que me veux-tu, triste oiseau de passage ?
Est-ce un vain rêve ? est-ce ma propre image
Que j'aperçois dans ce miroir ?

Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse,
Pèlerin que rien n'a lassé ?
Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse
Assis dans l'ombre où j'ai passé.
Qui donc es-tu, visiteur solitaire,
Hôte assidu de mes douleurs ?
Qu'as-tu donc fait pour me suivre sur terre ?
Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frère,
Qui n'apparais qu'au jour des pleurs ?

La vision.

- Ami, notre père est le tien.
Je ne suis ni l'ange gardien,
Ni le mauvais destin des hommes.
Ceux que j'aime, je ne sais pas
De quel côté s'en vont leurs pas
Sur ce peu de fange où nous sommes.

Je ne suis ni dieu ni démon,
Et tu m'as nommé par mon nom
Quand tu m'as appelé ton frère ;
Où tu vas, j'y serai toujours,
Jusques au dernier de tes jours,
Où j'irai m'asseoir sur ta pierre.

Le ciel m'a confié ton cœur.
Quand tu seras dans la douleur,
Viens à moi sans inquiétude.
Je te suivrai sur le chemin ;
Mais je ne puis toucher ta main,
Ami, je suis la Solitude.
Since the refinement of this polish’d age
Has swept immoral raillery from the stage;
Since taste has now expung’d licentious wit,
Which stamp’d disgrace on all an author writ;
Since, now, to please with purer scenes we seek,
Nor dare to call the blush from Beauty’s cheek;
Oh! let the modest Muse some pity claim,
And meet indulgence—though she find not fame.
Still, not for her alone, we wish respect,
Others appear more conscious of defect:
To-night no vet’ran Roscii you behold,
In all the arts of scenic action old;
No COOKE, no KEMBLE, can salute you here,
No SIDDONS draw the sympathetic tear;
To-night you throng to witness the début
Of embryo Actors, to the Drama new:
Here, then, our almost unfledg’d wings we try;
Clip not our pinions, ere the birds can fly:
Failing in this our first attempt to soar,
Drooping, alas! we fall to rise no more.
Not one poor trembler, only, fear betrays,
Who hopes, yet almost dreads to meet your praise;
But all our Dramatis Personæ wait,
In fond suspense this crisis of their fate.
No venal views our progress can ******,
Your generous plaudits are our sole reward;
For these, each Hero all his power displays,
Each timid Heroine shrinks before your gaze:
Surely the last will some protection find?
None, to the softer ***, can prove unkind:
While Youth and Beauty form the female shield,
The sternest Censor to the fair must yield.
Yet, should our feeble efforts nought avail,
Should, after all, our best endeavours fail;
Still, let some mercy in your bosoms live,
And, if you can’t applaud, at least forgive.
Sergio MP Feb 2014
While I sit alone wondering why,
I came this far, and yet so nigh.
El sueño viene, me atormenta,
y dice "no gana quien no intenta"
Mais quel faux rêve m'a attiré?
quel prix y a-t-il à gagner?
quel prix y a-t-il à payer?

Borders are set, love is far,
"living abroad will sure be hard",
everyone said; with goodbyes in their hands.
Y la vida anda, corre, sigue,
y mi ausencia se cementa,
se vuelve firme.
Je serai un souvenir,
un sourire nostalgique

My friends will love the past of me,
the times we shared, the best of it.
Pero yo ya no existo, y cada día me pierdo más;
y ellos no existen, la rutina puede más.
En sentant trembler
ma réalité,
je dis à Dieu, à l'Univers,

"This adventure
better be great;
for love and life
behind are left"
Parce que, jargonnant vêpres, jeûne et vigile,
Exploitant Dieu qui rêve au fond du firmament,
Vous avez, au milieu du divin évangile,
Ouvert boutique effrontément ;

Parce que vous feriez prendre à Jésus la verge,
Cyniques brocanteurs sortis on ne sait d'où ;
Parce que vous allez vendant la sainte vierge
Dix sous avec miracle, et sans miracle un sou ;

Parce que vous contez d'effroyables sornettes
Qui font des temples saints trembler les vieux piliers ;
Parce que votre style éblouit les lunettes
Des duègnes et des marguilliers ;

Parce que la soutane est sous vos redingotes,
Parce que vous sentez la crasse et non l'œillet,
Parce que vous bâclez un journal de bigotes
Pensé par Escobar, écrit par Patouillet ;

Parce qu'en balayant leurs portes, les concierges
Poussent dans le ruisseau ce pamphlet méprisé ;
Parce que vous mêlez à la cire des cierges
Votre affreux suif vert-de-grisé ;

Parce qu'à vous tout seuls vous faites une espèce
Parce qu'enfin, blanchis dehors et noirs dedans,
Criant mea culpa, battant la grosse caisse,
La boue au cœur, la larme à l'œil, le fifre aux dents,

Pour attirer les sots qui donnent tête-bêche
Dans tous les vils panneaux du mensonge immortel,
Vous avez adossé le tréteau de Bobèche
Aux saintes pierres de l'autel,

Vous vous croyez le droit, trempant dans l'eau bénite
Cette griffe qui sort de votre abject pourpoint,
De dire : Je suis saint, ange, vierge et jésuite,
J'insulte les passants et je ne me bats point !

Ô pieds plats ! votre plume au fond de vos masures
Griffonne, va, vient, court, boit l'encre, rend du fiel,
Bave, égratigne et crache, et ses éclaboussures
Font des taches jusques au ciel !

Votre immonde journal est une charretée
De masques déguisés en prédicants camus,
Qui passent en prêchant la cohue ameutée
Et qui parlent argot entre deux oremus.

Vous insultez l'esprit, l'écrivain dans ses veilles,
Et le penseur rêvant sur les libres sommets ;
Et quand on va chez vous pour chercher vos oreilles,
Vos oreilles n'y sont jamais.

Après avoir lancé l'affront et le mensonge,
Vous fuyez, vous courez, vous échappez aux yeux.
Chacun a ses instincts, et s'enfonce et se plonge,
Le hibou dans les trous et l'aigle dans les cieux !

Vous, où vous cachez-vous ? dans quel hideux repaire ?
Ô Dieu ! l'ombre où l'on sent tous les crimes passer
S'y fait autour de vous plus noire, et la vipère
S'y glisse et vient vous y baiser.

Là vous pouvez, dragons qui rampez sous les presses,
Vous vautrer dans la fange où vous jettent vos goûts.
Le sort qui dans vos cœurs mit toutes les bassesses
Doit faire en vos taudis passer tous les égouts.

Bateleurs de l'autel, voilà quels sont vos rôles.
Et quand un galant homme à de tels compagnons
Fait cet immense honneur de leur dire : Mes drôles,
Je suis votre homme ; dégaînons !

- Un duel ! nous ! des chrétiens ! jamais ! - Et ces crapules
Font des signes de croix et jurent par les saints.
Lâches gueux, leur terreur se déguise en scrupules,
Et ces empoisonneurs ont peur d'être assassins.

Bien, écoutez : la trique est là, fraîche coupée.
On vous fera cogner le pavé du menton ;
Car sachez-le, coquins, on n'esquive l'épée
Que pour rencontrer le bâton.

Vous conquîtes la Seine et le Rhin et le Tage.
L'esprit humain rogné subit votre compas.
Sur les publicains juifs vous avez l'avantage,
Maudits ! Judas est mort, Tartuffe ne meurt pas.

Iago n'est qu'un fat près de votre Basile.
La bible en vos greniers pourrit mangée aux vers.
Le jour où le mensonge aurait besoin d'asile,
Vos cœurs sont là, tout grands ouverts.

Vous insultez le juste abreuvé d'amertumes.
Tous les vices, quittant veste, cape et manteau,
Vont se masquer chez vous et trouvent des costumes.
On entre Lacenaire, on sort Contrafatto.

Les âmes sont pour vous des bourses et des banques.
Quiconque vous accueille a d'affreux repentirs.
Vous vous faites chasser, et par vos saltimbanques
Vous parodiez les martyrs.

L'église du bon Dieu n'est que votre buvette.
Vous offrez l'alliance à tous les inhumains.
On trouvera du sang au fond de la cuvette
Si jamais, par hasard, vous vous lavez les mains.

Vous seriez des bourreaux si vous n'étiez des cuistres.
Pour vous le glaive est saint et le supplice est beau.
Ô monstres ! vous chantez dans vos hymnes sinistres
Le bûcher, votre seul flambeau !

Depuis dix-huit cents ans Jésus, le doux pontife,
Veut sortir du tombeau qui lentement se rompt,
Mais vous faites effort, ô valets de Caïphe,
Pour faire retomber la pierre sur son front !

Ô cafards ! votre échine appelle l'étrivière.
Le sort juste et railleur fait chasser Loyola
De France par le fouet d'un pape, et de Bavière
Par la cravache de Lola.

Allez, continuez, tournez la manivelle
De votre impur journal, vils grimauds dépravés ;
Avec vos ongles noirs grattez votre cervelle
Calomniez, hurlez, mordez, mentez, vivez !

Dieu prédestine aux dents des chevreaux les brins d'herbes
La mer aux coups de vent, les donjons aux boulets,
Aux rayons du soleil les parthénons superbes,
Vos faces aux larges soufflets.

Sus donc ! cherchez les trous, les recoins, les cavernes !
Cachez-vous, plats vendeurs d'un fade orviétan,
Pitres dévots, marchands d'infâmes balivernes,
Vierges comme l'eunuque, anges comme Satan !

Ô saints du ciel ! est-il, sous l'œil de Dieu qui règne,
Charlatans plus hideux et d'un plus lâche esprit,
Que ceux qui, sans frémir, accrochent leur enseigne
Aux clous saignants de Jésus-Christ !

Septembre 1850.
Obscuritate rerum verba saepè obscurantur.
GERVASIUS TILBERIENSIS.


Amis, ne creusez pas vos chères rêveries ;
Ne fouillez pas le sol de vos plaines fleuries ;
Et quand s'offre à vos yeux un océan qui dort,
Nagez à la surface ou jouez sur le bord.
Car la pensée est sombre ! Une pente insensible
Va du monde réel à la sphère invisible ;
La spirale est profonde, et quand on y descend,
Sans cesse se prolonge et va s'élargissant,
Et pour avoir touché quelque énigme fatale,
De ce voyage obscur souvent on revient pâle !

L'autre jour, il venait de pleuvoir, car l'été,
Cette année, est de bise et de pluie attristé,
Et le beau mois de mai dont le rayon nous leurre,
Prend le masque d'avril qui sourit et qui pleure.
J'avais levé le store aux gothiques couleurs.
Je regardais au **** les arbres et les fleurs.
Le soleil se jouait sur la pelouse verte
Dans les gouttes de pluie, et ma fenêtre ouverte
Apportait du jardin à mon esprit heureux
Un bruit d'enfants joueurs et d'oiseaux amoureux.

Paris, les grands ormeaux, maison, dôme, chaumière,
Tout flottait à mes yeux dans la riche lumière
De cet astre de mai dont le rayon charmant
Au bout de tout brin d'herbe allume un diamant !
Je me laissais aller à ces trois harmonies,
Printemps, matin, enfance, en ma retraite unies ;
La Seine, ainsi que moi, laissait son flot vermeil
Suivre nonchalamment sa pente, et le soleil
Faisait évaporer à la fois sur les grèves
L'eau du fleuve en brouillards et ma pensée en rêves !

Alors, dans mon esprit, je vis autour de moi
Mes amis, non confus, mais tels que je les vois
Quand ils viennent le soir, troupe grave et fidèle,
Vous avec vos pinceaux dont la pointe étincelle,
Vous, laissant échapper vos vers au vol ardent,
Et nous tous écoutant en cercle, ou regardant.
Ils étaient bien là tous, je voyais leurs visages,
Tous, même les absents qui font de longs voyages.
Puis tous ceux qui sont morts vinrent après ceux-ci,
Avec l'air qu'ils avaient quand ils vivaient aussi.
Quand j'eus, quelques instants, des yeux de ma pensée,
Contemplé leur famille à mon foyer pressée,
Je vis trembler leurs traits confus, et par degrés
Pâlir en s'effaçant leurs fronts décolorés,
Et tous, comme un ruisseau qui dans un lac s'écoule,
Se perdre autour de moi dans une immense foule.

Foule sans nom ! chaos ! des voix, des yeux, des pas.
Ceux qu'on n'a jamais vus, ceux qu'on ne connaît pas.
Tous les vivants ! - cités bourdonnant aux oreilles
Plus qu'un bois d'Amérique ou des ruches d'abeilles,
Caravanes campant sur le désert en feu,
Matelots dispersés sur l'océan de Dieu,
Et, comme un pont hardi sur l'onde qui chavire,
Jetant d'un monde à l'autre un sillon de navire,
Ainsi que l'araignée entre deux chênes verts
Jette un fil argenté qui flotte dans les airs !

Les deux pôles ! le monde entier ! la mer, la terre,
Alpes aux fronts de neige, Etnas au noir cratère,
Tout à la fois, automne, été, printemps, hiver,
Les vallons descendant de la terre à la mer
Et s'y changeant en golfe, et des mers aux campagnes
Les caps épanouis en chaînes de montagnes,
Et les grands continents, brumeux, verts ou dorés,
Par les grands océans sans cesse dévorés,
Tout, comme un paysage en une chambre noire
Se réfléchit avec ses rivières de moire,
Ses passants, ses brouillards flottant comme un duvet,
Tout dans mon esprit sombre allait, marchait, vivait !
Alors, en attachant, toujours plus attentives,
Ma pensée et ma vue aux mille perspectives
Que le souffle du vent ou le pas des saisons
M'ouvrait à tous moments dans tous les horizons,
Je vis soudain surgir, parfois du sein des ondes,
A côté des cités vivantes des deux mondes,
D'autres villes aux fronts étranges, inouïs,
Sépulcres ruinés des temps évanouis,
Pleines d'entassements, de tours, de pyramides,
Baignant leurs pieds aux mers, leur tête aux cieux humides.

Quelques-unes sortaient de dessous des cités
Où les vivants encor bruissent agités,
Et des siècles passés jusqu'à l'âge où nous sommes
Je pus compter ainsi trois étages de Romes.
Et tandis qu'élevant leurs inquiètes voix,
Les cités des vivants résonnaient à la fois
Des murmures du peuple ou du pas des armées,
Ces villes du passé, muettes et fermées,
Sans fumée à leurs toits, sans rumeurs dans leurs seins,
Se taisaient, et semblaient des ruches sans essaims.
J'attendais. Un grand bruit se fit. Les races mortes
De ces villes en deuil vinrent ouvrir les portes,
Et je les vis marcher ainsi que les vivants,
Et jeter seulement plus de poussière aux vents.
Alors, tours, aqueducs, pyramides, colonnes,
Je vis l'intérieur des vieilles Babylones,
Les Carthages, les Tyrs, les Thèbes, les Sions,
D'où sans cesse sortaient des générations.

Ainsi j'embrassais tout : et la terre, et Cybèle ;
La face antique auprès de la face nouvelle ;
Le passé, le présent ; les vivants et les morts ;
Le genre humain complet comme au jour du remords.
Tout parlait à la fois, tout se faisait comprendre,
Le pélage d'Orphée et l'étrusque d'Évandre,
Les runes d'Irmensul, le sphinx égyptien,
La voix du nouveau monde aussi vieux que l'ancien.

Or, ce que je voyais, je doute que je puisse
Vous le peindre : c'était comme un grand édifice
Formé d'entassements de siècles et de lieux ;
On n'en pouvait trouver les bords ni les milieux ;
A toutes les hauteurs, nations, peuples, races,
Mille ouvriers humains, laissant partout leurs traces,
Travaillaient nuit et jour, montant, croisant leurs pas,
Parlant chacun leur langue et ne s'entendant pas ;
Et moi je parcourais, cherchant qui me réponde,
De degrés en degrés cette Babel du monde.

La nuit avec la foule, en ce rêve hideux,
Venait, s'épaississant ensemble toutes deux,
Et, dans ces régions que nul regard ne sonde,
Plus l'homme était nombreux, plus l'ombre était profonde.
Tout devenait douteux et vague, seulement
Un souffle qui passait de moment en moment,
Comme pour me montrer l'immense fourmilière,
Ouvrait dans l'ombre au **** des vallons de lumière,
Ainsi qu'un coup de vent fait sur les flots troublés
Blanchir l'écume, ou creuse une onde dans les blés.

Bientôt autour de moi les ténèbres s'accrurent,
L'horizon se perdit, les formes disparurent,
Et l'homme avec la chose et l'être avec l'esprit
Flottèrent à mon souffle, et le frisson me prit.
J'étais seul. Tout fuyait. L'étendue était sombre.
Je voyais seulement au ****, à travers l'ombre,
Comme d'un océan les flots noirs et pressés,
Dans l'espace et le temps les nombres entassés !

Oh ! cette double mer du temps et de l'espace
Où le navire humain toujours passe et repasse,
Je voulus la sonder, je voulus en toucher
Le sable, y regarder, y fouiller, y chercher,
Pour vous en rapporter quelque richesse étrange,
Et dire si son lit est de roche ou de fange.
Mon esprit plongea donc sous ce flot inconnu,
Au profond de l'abîme il nagea seul et nu,
Toujours de l'ineffable allant à l'invisible...
Soudain il s'en revint avec un cri terrible,
Ébloui, haletant, stupide, épouvanté,
Car il avait au fond trouvé l'éternité.

Mai 1830.
PK Wakefield Dec 2012
give not a sound

      trembler

the knees knocking crane
'oer a lathered thing rising

by mute unsound

       fumbler

the crook pierced open vane
by jeweled petal (a poppy smiling)

creeply warmth unbound

        tumbler

a flower blooms in sullied fane
inch by eater -- becomes silver stung
Œil pour œil ! Dent pour dent ! Tête pour tête ! A mort !
Justice ! L'échafaud vaut mieux que le remord.
Talion ! talion !

- Silence aux cris sauvages !
Non ! assez de malheur, de meurtre et de ravages !
Assez d'égorgements ! assez de deuil ! assez
De fantômes sans tête et d'affreux trépassés !
Assez de visions funèbres dans la brume !
Assez de doigts hideux, montrant le sang qui fume,
Noirs, et comptant les trous des linceuls dans la nuit !
Pas de suppliciés dont le cri nous poursuit !
Pas de spectres jetant leur ombre sur nos têtes !
Nous sommes ruisselants de toutes les tempêtes ;
Il n'est plus qu'un devoir et qu'une vérité,
C'est, après tant d'angoisse et de calamité.
Homme, d'ouvrir son cœur, oiseau, d'ouvrir son aile
Vers ce ciel que remplit la grande âme éternelle !
Le peuple, que les rois broyaient sous leurs talons.
Est la pierre promise au temple, et nous voulons
Que la pierre bâtisse et non qu'elle lapide !
Pas de sang ! pas de mort ! C'est un reflux stupide
Que la férocité sur la férocité.
Un pilier d'échafaud soutient mal la cité.
Tu veux faire mourir ! Moi je veux faire naître !
Je mure le sépulcre et j'ouvre la fenêtre.
Dieu n'a pas fait le sang, à l'amour réservé.
Pour qu'on le donne à boire aux fentes du pavé.
S'agit-il d'égorger ? Peuples, il s'agit d'être.
Quoi ! tu veux te venger, passant ? de qui ? du maître ?
Si tu ne vaux pas mieux, que viens-tu faire ici ?
Tout mystère où l'on jette un meurtre est obscurci ;
L'énigme ensanglantée est plus âpre à résoudre ;
L'ombre s'ouvre terrible après le coup de foudre ;
Tuer n'est pas créer, et l'on se tromperait
Si l'on croyait que tout finit au couperet ;
C'est là qu'inattendue, impénétrable, immense.
Pleine d'éclairs subits, la question commence ;
C'est du bien et du mal ; mais le mal est plus grand.
Satan rit à travers l'échafaud transparent.
Le bourreau, quel qu'il soit, a le pied dans l'abîme ;
Quoi qu'elle fasse, hélas ! la hache fait un crime ;
Une lugubre nuit fume sur ce tranchant ;
Quand il vient de tuer, comme, en s'en approchant.
On frémit de le voir tout ruisselant, et comme
On sent qu'il a frappé dans l'ombre plus qu'un homme
Sitôt qu'a disparu le coupable immolé.
Hors du panier tragique où la tête a roulé.
Le principe innocent, divin, inviolable.
Avec son regard d'astre à l'aurore semblable.
Se dresse, spectre auguste, un cercle rouge au cou.
L'homme est impitoyable, hélas, sans savoir où.
Comment ne voit-il pas qu'il vit dans un problème.
Que l'homme est solidaire avec ses monstres même.
Et qu'il ne peut tuer autre chose qu'Abel !
Lorsqu'une tête tombe, on sent trembler le ciel.
Décapitez Néron, cette hyène insensée,
La vie universelle est dans Néron blessée ;
Faites monter Tibère à l'échafaud demain,
Tibère saignera le sang du genre humain.
Nous sommes tous mêlés à ce que fait la Grève ;
Quand un homme, en public, nous voyant comme un rêve.
Meurt, implorant en vain nos lâches abandons.
Ce meurtre est notre meurtre et nous en répondons ;
C'est avec un morceau de notre insouciance.
C'est avec un haillon de notre conscience.
Avec notre âme à tous, que l'exécuteur las
Essuie en s'en allant son hideux coutelas.
L'homme peut oublier ; les choses importunes
S'effacent dans l'éclat ondoyant des fortunes ;
Le passé, l'avenir, se voilent par moments ;
Les festins, les flambeaux, les feux, les diamants.
L'illumination triomphale des fêtes.
Peuvent éclipser l'ombre énorme des prophètes ;
Autour des grands bassins, au bord des claires eaux.
Les enfants radieux peuvent aux cris d'oiseaux
Mêler le bruit confus de leurs lèvres fleuries.
Et, dans le Luxembourg ou dans les Tuileries,
Devant les vieux héros de marbre aux poings crispés.
Danser, rire et chanter : les lauriers sont coupés !
La Courtille au front bas peut noyer dans les verres
Le souvenir des jours illustres et sévères ;
La valse peut ravir, éblouir, enivrer
Des femmes de satin, heureuses de livrer
Le plus de nudité possible aux yeux de flamme ;
L'***** peut murmurer son chaste épithalame ;
Le bal masqué, lascif, paré, bruyant, charmant,
Peut allumer sa torche et bondir follement.
Goule au linceul joyeux, larve en fleurs, spectre rose ;
Mais, quel que soit le temps, quelle que soit la cause.
C'est toujours une nuit funeste au peuple entier
Que celle où, conduisant un prêtre, un guichetier
Fouille au trousseau de clefs qui pend à sa ceinture
Pour aller, sur le lit de fièvre et de torture,
Réveiller avant l'heure un pauvre homme endormi,
Tandis que, sur la Grève, entrevus à demi.
Sous les coups de marteau qui font fuir la chouette.
D'effrayants madriers dressent leur silhouette.
Rougis par la lanterne horrible du bourreau.
Le vieux glaive du juge a la nuit pour fourreau.
Le tribunal ne peut de ce fourreau livide
Tirer que la douleur, l'anxiété, le vide,
Le néant, le remords, l'ignorance et l'effroi.

Qu'il frappe au nom du peuple ou venge au nom du roi.
Justice ! dites-vous. - Qu'appelez-vous justice ?
Qu'on s'entr'aide, qu'on soit des frères, qu'on vêtisse
Ceux qui sont nus, qu'on donne à tous le pain sacré.
Qu'on brise l'affreux bagne où le pauvre est muré,
Mais qu'on ne touche point à la balance sombre !
Le sépulcre où, pensif, l'homme naufrage et sombre.
Au delà d'aujourd'hui, de demain, des saisons.
Des jours, du flamboiement de nos vains horizons,
Et des chimères, proie et fruit de notre étude,
A son ciel plein d'aurore et fait de certitude ;
La justice en est l'astre immuable et lointain.
Notre justice à nous, comme notre destin.
Est tâtonnement, trouble, erreur, nuage, doute ;
Martyr, je m'applaudis ; juge, je me redoute ;
L'infaillible, est-ce moi, dis ? est-ce toi ? réponds.
Vous criez : - Nos douleurs sont notre droit. Frappons.
Nous sommes trop en butte au sort qui nous accable.
Nous sommes trop frappés d'un mal inexplicable.
Nous avons trop de deuils, trop de jougs, trop d'hivers.
Nous sommes trop souffrants, dans nos destins divers.
Tous, les grands, les petits, les obscurs, les célèbres.
Pour ne pas condamner quelqu'un dans nos ténèbres. -
Puisque vous ne voyez rien de clair dans le sort.
Ne vous hâtez pas trop d'en conclure la mort.
Fût-ce la mort d'un roi, d'un maître et d'un despote ;
Dans la brume insondable où tout saigne et sanglote,
Ne vous hâtez pas trop de prendre vos malheurs.
Vos jours sans feu, vos jours sans pain, vos cris, vos pleurs.
Et ce deuil qui sur vous et votre race tombe.
Pour les faire servir à construire une tombe.
Quel pas aurez-vous fait pour avoir ajouté
A votre obscur destin, ombre et fatalité.
Cette autre obscurité que vous nommez justice ?
Faire de l'échafaud, menaçante bâtisse.
Un autel à bénir le progrès nouveau-né,
Ô vivants, c'est démence ; et qu'aurez-vous gagné
Quand, d'un culte de mort lamentables ministres.
Vous aurez marié ces infirmes sinistres,
La justice boiteuse et l'aveugle anankè ?
Le glaive toujours cherche un but toujours manqué ;
La palme, cette flamme aux fleurs étincelantes,
Faite d'azur, frémit devant des mains sanglantes.
Et recule et s'enfuit, sensitive des cieux !
La colère assouvie a le front soucieux.
Quant à moi, tu le sais, nuit calme où je respire,
J'aurais là, sous mes pieds, mon ennemi, le pire,
Caïn juge, Judas pontife, Satan roi.
Que j'ouvrirais ma porte et dirais : Sauve-toi !

Non, l'élargissement des mornes cimetières
N'est pas le but. Marchons, reculons les frontières
De la vie ! Ô mon siècle, allons toujours plus haut !
Grandissons !

Qu'est-ce donc qu'il nous veut, l'échafaud.
Cette charpente spectre accoutumée aux foules.
Cet îlot noir qu'assiège et que bat de ses houles
La multitude aux flots inquiets et mouvants.
Ce sépulcre qui vient attaquer les vivants,
Et qui, sur les palais ainsi que sur les bouges.
Surgit, levant un glaive au bout de ses bras rouges ?
Mystère qui se livre aux carrefours, morceau
De la tombe qui vient tremper dans le ruisseau,
Bravant le jour, le bruit, les cris ; bière effrontée
Qui, féroce, cynique et lâche, semble athée !
Ô spectacle exécré dans les plus repoussants.
Une mort qui se fait coudoyer aux passants,
Qui permet qu'un crieur hors de l'ombre la tire !
Une mort qui n'a pas l'épouvante du rire.
Dévoilant l'escalier qui dans la nuit descend,
Disant : voyez ! marchant dans la rue, et laissant
La boue éclabousser son linceul semé d'astres ;
Qui, sur un tréteau, montre entre deux vils pilastres
Son horreur, son front noir, son œil de basilic ;
Qui consent à venir travailler en public,
Et qui, prostituée, accepte, sur les places,
La familiarité des fauves populaces !

Ô vivant du tombeau, vivant de l'infini,
Jéhovah ! Dieu, clarté, rayon jamais terni.
Pour faire de la mort, de la nuit, des ténèbres,
Ils ont mis ton triangle entre deux pieux funèbres ;
Et leur foule, qui voit resplendir ta lueur.
Ne sent pas à son front poindre une âpre sueur.
Et l'horreur n'étreint pas ce noir peuple unanime.
Quand ils font, pour punir ce qu'ils ont nommé crime.
Au nom de ce qu'ils ont appelé vérité.
Sur la vie, o terreur, tomber l'éternité !
Le soleil va porter le jour à d'autres mondes ;
Dans l'horizon désert Phébé monte sans bruit,
Et jette, en pénétrant les ténèbres profondes,
Un voile transparent sur le front de la nuit.

Voyez du haut des monts ses clartés ondoyantes
Comme un fleuve de flamme inonder les coteaux,
Dormir dans les vallons, ou glisser sur les pentes,
Ou rejaillir au **** du sein brillant des eaux.

La douteuse lueur, dans l'ombre répandue,
Teint d'un jour azuré la pâle obscurité,
Et fait nager au **** dans la vague étendue
Les horizons baignés par sa molle clarté !

L'Océan amoureux de ces rives tranquilles
Calme, en baisant leurs pieds, ses orageux transports,
Et pressant dans ses bras ces golfes et ces îles,
De son humide haleine en rafraîchit les bords.

Du flot qui tour à tour s'avance et se retire
L'oeil aime à suivre au **** le flexible contour :
On dirait un amant qui presse en son délire
La vierge qui résiste, et cède tour à tour !

Doux comme le soupir de l'enfant qui sommeille,
Un son vague et plaintif se répand dans les airs :
Est-ce un écho du ciel qui charme notre oreille ?
Est-ce un soupir d'amour de la terre et des mers ?

Il s'élève, il retombe, il renaît, il expire,
Comme un coeur oppressé d'un poids de volupté,
Il semble qu'en ces nuits la nature respire,
Et se plaint comme nous de sa félicité !

Mortel, ouvre ton âme à ces torrents de vie !
Reçois par tous les sens les charmes de la nuit,
A t'enivrer d'amour son ombre te convie ;
Son astre dans le ciel se lève, et te conduit.

Vois-tu ce feu lointain trembler sur la colline ?
Par la main de l'Amour c'est un phare allumé ;
Là, comme un lis penché, l'amante qui s'incline
Prête une oreille avide aux pas du bien-aimé !

La vierge, dans le songe où son âme s'égare,
Soulève un oeil d'azur qui réfléchit les cieux,
Et ses doigts au hasard errant sur sa guitare
Jettent aux vents du soir des sons mystérieux !

" Viens ! l'amoureux silence occupe au **** l'espace ;
Viens du soir près de moi respirer la fraîcheur !
C'est l'heure; à peine au **** la voile qui s'efface
Blanchit en ramenant le paisible pêcheur !

" Depuis l'heure où ta barque a fui **** de la rive,
J'ai suivi tout le jour ta voile sur les mers,
Ainsi que de son nid la colombe craintive
Suit l'aile du ramier qui blanchit dans les airs !

" Tandis qu'elle glissait sous l'ombre du rivage,
J'ai reconnu ta voix dans la voix des échos ;
Et la brise du soir, en mourant sur la plage,
Me rapportait tes chants prolongés sur les flots.

" Quand la vague a grondé sur la côte écumante,
À l'étoile des mers j'ai murmuré ton nom,
J'ai rallumé sa lampe, et de ta seule amante
L'amoureuse prière a fait fuir l'aquilon !

" Maintenant sous le ciel tout repose, ou tout aime :
La vague en ondulant vient dormir sur le bord ;
La fleur dort sur sa tige, et la nature même
Sous le dais de la nuit se recueille et s'endort.

" Vois ! la mousse a pour nous tapissé la vallée,
Le pampre s'y recourbe en replis tortueux,
Et l'haleine de l'onde, à l'oranger mêlée,
De ses fleurs qu'elle effeuille embaume mes cheveux.

" A la molle clarté de la voûte sereine
Nous chanterons ensemble assis sous le jasmin,
Jusqu'à l'heure où la lune, en glissant vers Misène,
Se perd en pâlissant dans les feux du matin. "

Elle chante ; et sa voix par intervalle expire,
Et, des accords du luth plus faiblement frappés,
Les échos assoupis ne livrent au zéphire
Que des soupirs mourants, de silence coupés !

Celui qui, le coeur plein de délire et de flamme,
A cette heure d'amour, sous cet astre enchanté,
Sentirait tout à coup le rêve de son âme
S'animer sous les traits d'une chaste beauté ;

Celui qui, sur la mousse, au pied du sycomore,
Au murmure des eaux, sous un dais de saphirs,
Assis à ses genoux, de l'une à l'autre aurore,
N'aurait pour lui parler que l'accent des soupirs ;

Celui qui, respirant son haleine adorée,
Sentirait ses cheveux, soulevés par les vents,
Caresser en passant sa paupière effleurée,
Ou rouler sur son front leurs anneaux ondoyants ;

Celui qui, suspendant les heures fugitives,
Fixant avec l'amour son âme en ce beau lieu,
Oublierait que le temps coule encor sur ces rives,
Serait-il un mortel, ou serait-il un dieu ?...

Et nous, aux doux penchants de ces verts Elysées,
Sur ces bords où l'amour eût caché son Eden,
Au murmure plaintif des vagues apaisées,
Aux rayons endormis de l'astre élysien,

Sous ce ciel où la vie, où le bonheur abonde,
Sur ces rives que l'oeil se plaît à parcourir,
Nous avons respiré cet air d'un autre monde,
Elyse !... et cependant on dit qu'il faut mourir !
Sombro Feb 2016
Once boyish hair lost its flight
In toussling winds
One cricket leg after another
Found its way to an armchair
To hide in cigar smoke.

Brown eyes seem dull in an oak room
No shine on the chandalier, no
Varnish left to scrub
For you are a curious one who
Found more than your fingers could stand up to,
Trembler.

Move with the beckon of the sunlight
Dancing the dance that keeps you free from shadow
But hold your head with anvils
Not as heavy as memory
Or as straw hats, poorly fitting.

I find it hard to know you,
Land owning pity
But it's something like noble
To try.
About a friend
Savez-vous pourquoi, madame,
Je refusais de vous voir ?
J'aime ! Et je sens qu'une femme
Des femmes craint le pouvoir.
Le vôtre est tout dans vos charmes,
Qu'il faut, par force, adorer.
L'inquiétude a des larmes :
Je ne voulais pas pleurer.

Quelque part que je me trouve,
Mon seul ami va venir ;
Je vis de ce qu'il éprouve,
J'en fais tout mon avenir.
Se souvient-on d'humbles flammes
Quand on voit vos yeux brûler ?
Ils font trembler bien des âmes :
Je ne voulais pas trembler.

Dans cette foule asservie,
Dont vous respirez l'encens,
Où j'aurais senti ma vie
S'en aller à vos accents,
Celui qui me rend peureuse,
Moins tendre, sans repentir,
M'eût dit : « N'es-tu plus heureuse ? »
Je ne voulais pas mentir.

Dans l'éclat de vos conquêtes
Si votre coeur s'est donné,
Triste et fier au sein des fêtes,
N'a-t-il jamais frissonné ?
La plus tendre, ou la plus belle,
Aiment-elles sans souffrir ?
On meurt pour un infidèle :
Je ne voulais pas mourir.
Donc, c'est moi qui suis l'ogre et le bouc émissaire.
Dans ce chaos du siècle où votre coeur se serre,
J'ai foulé le bon goût et l'ancien vers françois
Sous mes pieds, et, hideux, j'ai dit à l'ombre : « Sois ! »
Et l'ombre fut. -- Voilà votre réquisitoire.
Langue, tragédie, art, dogmes, conservatoire,
Toute cette clarté s'est éteinte, et je suis
Le responsable, et j'ai vidé l'urne des nuits.
De la chute de tout je suis la pioche inepte ;
C'est votre point de vue. Eh bien, soit, je l'accepte ;
C'est moi que votre prose en colère a choisi ;
Vous me criez : « Racca » ; moi je vous dis : « Merci ! »
Cette marche du temps, qui ne sort d'une église
Que pour entrer dans l'autre, et qui se civilise ;
Ces grandes questions d'art et de liberté,
Voyons-les, j'y consens, par le moindre côté,
Et par le petit bout de la lorgnette. En somme,
J'en conviens, oui, je suis cet abominable homme ;
Et, quoique, en vérité, je pense avoir commis,
D'autres crimes encor que vous avez omis.
Avoir un peu touché les questions obscures,
Avoir sondé les maux, avoir cherché les cures,
De la vieille ânerie insulté les vieux bâts,
Secoué le passé du haut jusques en bas,
Et saccagé le fond tout autant que la forme.
Je me borne à ceci : je suis ce monstre énorme,
Je suis le démagogue horrible et débordé,
Et le dévastateur du vieil A B C D ;
Causons.

Quand je sortis du collège, du thème,
Des vers latins, farouche, espèce d'enfant blême
Et grave, au front penchant, aux membres appauvris ;
Quand, tâchant de comprendre et de juger, j'ouvris
Les yeux sur la nature et sur l'art, l'idiome,
Peuple et noblesse, était l'image du royaume ;
La poésie était la monarchie ; un mot
Était un duc et pair, ou n'était qu'un grimaud ;
Les syllabes, pas plus que Paris et que Londres,
Ne se mêlaient ; ainsi marchent sans se confondre
Piétons et cavaliers traversant le pont Neuf ;
La langue était l'état avant quatre-vingt-neuf ;
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes :
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versailles aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l'argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l'ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqué d'une F ;
N'exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : « Qu'il s'en aille ;  »
Et Voltaire criait :  « Corneille s'encanaille ! »
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins ; je m'écriai :  « Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ? »
Et sur l'Académie, aïeule et douairière,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d'alexandrins carrés,

Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l'encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées ;
Et je dis :  « Pas de mot où l'idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d'azur ! »
Discours affreux ! -- Syllepse, hypallage, litote,
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les Huns les Scythes et les Daces,
N'étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
Guichardin a nommé le Borgia ! Tacite
Le Vitellius ! Fauve, implacable, explicite,
J'ôtai du cou du chien stupéfait son collier
D'épithètes ; dans l'herbe, à l'ombre du hallier,
Je fis fraterniser la vache et la génisse,
L'une étant Margoton et l'autre Bérénice.
Alors, l'ode, embrassant Rabelais, s'enivra ;
Sur le sommet du Pinde on dansait Ça ira ;
Les neuf muses, seins nus, chantaient la Carmagnole ;
L'emphase frissonna dans sa fraise espagnole ;
Jean, l'ânier, épousa la bergère Myrtil.
On entendit un roi dire : « Quelle heure est-il ? »
Je massacrais l'albâtre, et la neige, et l'ivoire,
Je retirai le jais de la prunelle noire,
Et j'osai dire au bras : « Sois blanc, tout simplement. »
Je violai du vers le cadavre fumant ;
J'y fis entrer le chiffre ; ô terreur! Mithridate
Du siège de Cyzique eût pu citer la date.
Jours d'effroi ! les Laïs devinrent des catins.
Force mots, par Restaut peignés tous les matins,

Et de Louis-Quatorze ayant gardé l'allure,
Portaient encor perruque ; à cette chevelure
La Révolution, du haut de son beffroi,
Cria : « Transforme-toi ! c'est l'heure. Remplis-toi
- De l'âme de ces mots que tu tiens prisonnière ! »
Et la perruque alors rugit, et fut crinière.
Liberté ! c'est ainsi qu'en nos rébellions,
Avec des épagneuls nous fîmes des lions,
Et que, sous l'ouragan maudit que nous soufflâmes,
Toutes sortes de mots se couvrirent de flammes.
J'affichai sur Lhomond des proclamations.
On y lisait : « Il faut que nous en finissions !
- Au panier les Bouhours, les Batteux, les Brossettes
- A la pensée humaine ils ont mis les poucettes.
- Aux armes, prose et vers ! formez vos bataillons !
- Voyez où l'on en est : la strophe a des bâillons !
- L'ode a des fers aux pieds, le drame est en cellule.
- Sur le Racine mort le Campistron pullule ! »
Boileau grinça des dents ; je lui dis :  « Ci-devant,
Silence ! » et je criai dans la foudre et le vent :
« Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe ! »
Et tout quatre-vingt-treize éclata. Sur leur axe,
On vit trembler l'athos, l'ithos et le pathos.
Les matassins, lâchant Pourceaugnac et Cathos,
Poursuivant Dumarsais dans leur hideux bastringue,
Des ondes du Permesse emplirent leur seringue.
La syllabe, enjambant la loi qui la tria,
Le substantif manant, le verbe paria,
Accoururent. On but l'horreur jusqu'à la lie.
On les vit déterrer le songe d'Athalie ;
Ils jetèrent au vent les cendres du récit
De Théramène ; et l'astre Institut s'obscurcit.
Oui, de l'ancien régime ils ont fait tables rases,
Et j'ai battu des mains, buveur du sang des phrases,
Quand j'ai vu par la strophe écumante et disant
Les choses dans un style énorme et rugissant,
L'Art poétique pris au collet dans la rue,
Et quand j'ai vu, parmi la foule qui se rue,
Pendre, par tous les mots que le bon goût proscrit,
La lettre aristocrate à la lanterne esprit.
Oui, je suis ce Danton ! je suis ce Robespierre !
J'ai, contre le mot noble à la longue rapière,
Insurgé le vocable ignoble, son valet,
Et j'ai, sur Dangeau mort, égorgé Richelet.
Oui, c'est vrai, ce sont là quelques-uns de mes crimes.
J'ai pris et démoli la bastille des rimes.
J'ai fait plus : j'ai brisé tous les carcans de fer
Qui liaient le mot peuple, et tiré de l'enfer
Tous les vieux mots damnés, légions sépulcrales ;
J'ai de la périphrase écrasé les spirales,
Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel
L'alphabet, sombre tour qui naquit de Babel ;
Et je n'ignorais pas que la main courroucée
Qui délivre le mot, délivre la pensée.

L'unité, des efforts de l'homme est l'attribut.
Tout est la même flèche et frappe au même but.

Donc, j'en conviens, voilà, déduits en style honnête,
Plusieurs de mes forfaits, et j'apporte ma tête.
Vous devez être vieux, par conséquent, papa,
Pour la dixième fois j'en fais meâ culpâ.
Oui, si Beauzée est dieu, c'est vrai, je suis athée.
La langue était en ordre, auguste, époussetée,
Fleur-de-lys d'or, Tristan et Boileau, plafond bleu,
Les quarante fauteuils et le trône au milieu ;
Je l'ai troublée, et j'ai, dans ce salon illustre,
Même un peu cassé tout ; le mot propre, ce rustre,
N'était que caporal : je l'ai fait colonel ;
J'ai fait un jacobin du pronom personnel ;
Dur participe, esclave à la tête blanchie,
Une hyène, et du verbe une hydre d'anarchie.

Vous tenez le reum confitentem. Tonnez !
J'ai dit à la narine : « Eh mais ! tu n'es qu'un nez !  »
J'ai dit au long fruit d'or : « Mais tu n'es qu'une poire !  »
J'ai dit à Vaugelas : « Tu n'es qu'une mâchoire ! »
J'ai dit aux mots : « Soyez république ! soyez
La fourmilière immense, et travaillez ! Croyez,
Aimez, vivez ! » -- J'ai mis tout en branle, et, morose,
J'ai jeté le vers noble aux chiens noirs de la prose.

Et, ce que je faisais, d'autres l'ont fait aussi ;
Mieux que moi. Calliope, Euterpe au ton transi,
Polymnie, ont perdu leur gravité postiche.
Nous faisons basculer la balance hémistiche.
C'est vrai, maudissez-nous. Le vers, qui, sur son front
Jadis portait toujours douze plumes en rond,
Et sans cesse sautait sur la double raquette
Qu'on nomme prosodie et qu'on nomme étiquette,
Rompt désormais la règle et trompe le ciseau,
Et s'échappe, volant qui se change en oiseau,
De la cage césure, et fuit vers la ravine,
Et vole dans les cieux, alouette divine.

Tous les mots à présent planent dans la clarté.
Les écrivains ont mis la langue en liberté.
Et, grâce à ces bandits, grâce à ces terroristes,
Le vrai, chassant l'essaim des pédagogues tristes,
L'imagination, tapageuse aux cent voix,
Qui casse des carreaux dans l'esprit des bourgeois ;
La poésie au front triple, qui rit, soupire
Et chante, raille et croit ; que Plaute et Shakspeare
Semaient, l'un sur la plebs, et l'autre sur le mob ;
Qui verse aux nations la sagesse de Job
Et la raison d'Horace à travers sa démence ;
Qu'enivre de l'azur la frénésie immense,
Et qui, folle sacrée aux regards éclatants,
Monte à l'éternité par les degrés du temps,

La muse reparaît, nous reprend, nous ramène,
Se remet à pleurer sur la misère humaine,
Frappe et console, va du zénith au nadir,
Et fait sur tous les fronts reluire et resplendir
Son vol, tourbillon, lyre, ouragan d'étincelles,
Et ses millions d'yeux sur ses millions d'ailes.

Le mouvement complète ainsi son action.
Grâce à toi, progrès saint, la Révolution
Vibre aujourd'hui dans l'air, dans la voix, dans le livre ;
Dans le mot palpitant le lecteur la sent vivre ;
Elle crie, elle chante, elle enseigne, elle rit,
Sa langue est déliée ainsi que son esprit.
Elle est dans le roman, parlant tout bas aux femmes.
Elle ouvre maintenant deux yeux où sont deux flammes,
L'un sur le citoyen, l'autre sur le penseur.
Elle prend par la main la Liberté, sa soeur,
Et la fait dans tout homme entrer par tous les pores.
Les préjugés, formés, comme les madrépores,
Du sombre entassement des abus sous les temps,
Se dissolvent au choc de tous les mots flottants,
Pleins de sa volonté, de son but, de son âme.
Elle est la prose, elle est le vers, elle est le drame ;
Elle est l'expression, elle est le sentiment,
Lanterne dans la rue, étoile au firmament.
Elle entre aux profondeurs du langage insondable ;
Elle souffle dans l'art, porte-voix formidable ;
Et, c'est Dieu qui le veut, après avoir rempli
De ses fiertés le peuple, effacé le vieux pli
Des fronts, et relevé la foule dégradée,
Et s'être faite droit, elle se fait idée !

Paris, janvier 1834.
(Sur la prise de Maastricht.)

Sonnet.

Grand roi, Maastricht est pris, et pris en treize jours :
Ce miracle était sûr à ta haute conduite,
Et n'a rien d'étonnant que cette heureuse suite
Qui de tes grands destins enfle le juste cours.

La Hollande, qui voit du reste de ses tours
Ses amis consternés, et sa fortune en fuite,
N'aspire qu'à baiser la main qui l'a détruite,
Et fait de tes bontés son unique recours.

Une clef qu'on te rend t'ouvre quatre provinces ;
Tu ne prends qu'une place et fais trembler cent princes ;
De l'Escaut jusqu'à l'Ebre en rejaillit l'effroi.

Tout s'alarme ; et l'Empire à tel point se ménage,
Qu'à son aigle lui-même il ferme le passage
Dès que son vol jaloux ose tourner vers toi.
Réveillez-vous, assez de honte !
Bravez boulets et biscayens.
Il est temps qu'enfin le flot monte.
Assez de honte, citoyens !
Troussez les manches de la blouse.
Les hommes de quatre-vingt-douze
Affrontaient vingt rois combattants.
Brisez vos fers, forcez vos geôles !
Quoi ! vous avez peur de ces drôles !
Vos pères bravaient les titans !

Levez-vous ! foudroyez et la horde et le maître !
Vous avez Dieu pour vous et contre vous le prêtre
Dieu seul est souverain.
Devant lui nul n'est fort et tous sont périssables.
Il chasse comme un chien le grand tigre des sables
Et le dragon marin ;
Rien qu'en soufflant dessus, comme un oiseau d'un arbre,
Il peut faire envoler de leur temple de marbre
Les idoles d'airain.

Vous n'êtes pas armés ? qu'importe !
Prends ta fourche, prends ton marteau !
Arrache le gond de ta porte,
Emplis de pierres ton manteau !
Et poussez le cri d'espérance !
Redevenez la grande France !
Redevenez le grand Paris !
Délivrez, frémissants de rage,
Votre pays de l'esclavage,
Votre mémoire du mépris !

Quoi ! faut-il vous citer les royalistes même ?
On était grand aux jours de la lutte suprême.
Alors, que voyait-on ?
La bravoure, ajoutant à l'homme une coudée,
Etait dans les deux camps. N'est-il pas vrai, Vendée,
Ô dur pays breton ?
Pour vaincre un bastion, pour rompre une muraille,
Pour prendre cent canons vomissant la mitraille.
Il suffit d'un bâton !

Si dans ce cloaque ou demeure,
Si cela dure encore un jour,
Si cela dure encore une heure,
Je brise clairon et tambour,
Je flétris ces pusillanimes,
Ô vieux peuple des jours sublimes,
Géants à qui nous les mêlions,
Je les laisse trembler leurs fièvres,
Et je déclare que ces lièvres
Ne sont pas vos fils, ô lions !

Jersey, le 15 janvier 1853.
I


Las de ce calme plat où d'avance fanées,

Comme une eau qui s'endort, croupissent nos années ;

Las d'étouffer ma vie en un salon étroit,

Avec de jeunes fats et des femmes frivoles,

Echangeant sans profit de banales paroles ;

Las de toucher toujours mon horizon du doigt.


Pour me refaire au grand et me rélargir l'âme,

Ton livre dans ma poche, aux tours de Notre-Dame ;

Je suis allé souvent, Victor,

A huit heures, l'été, quand le soleil se couche,

Et que son disque fauve, au bord des toits qu'il touche,

Flotte comme un gros ballon d'or.


Tout chatoie et reluit ; le peintre et le poète

Trouvent là des couleurs pour charger leur palette,

Et des tableaux ardents à vous brûler les yeux ;

Ce ne sont que saphirs, cornalines, opales,

Tons à faire trouver Rubens et Titien pâles ;

Ithuriel répand son écrin dans les cieux.


Cathédrales de brume aux arches fantastiques ;

Montagnes de vapeurs, colonnades, portiques,

Par la glace de l'eau doublés,

La brise qui s'en joue et déchire leurs franges,

Imprime, en les roulant, mille formes étranges

Aux nuages échevelés.


Comme, pour son bonsoir, d'une plus riche teinte,

Le jour qui fuit revêt la cathédrale sainte,

Ébauchée à grands traits à l'horizon de feu ;

Et les jumelles tours, ces cantiques de pierre,

Semblent les deux grands bras que la ville en prière,

Avant de s'endormir, élève vers son Dieu.


Ainsi que sa patronne, à sa tête gothique,

La vieille église attache une gloire mystique

Faite avec les splendeurs du soir ;

Les roses des vitraux, en rouges étincelles,

S'écaillent brusquement, et comme des prunelles,

S'ouvrent toutes rondes pour voir.


La nef épanouie, entre ses côtes minces,

Semble un crabe géant faisant mouvoir ses pinces,

Une araignée énorme, ainsi que des réseaux,

Jetant au front des tours, au flanc noir des murailles,

En fils aériens, en délicates mailles,

Ses tulles de granit, ses dentelles d'arceaux.


Aux losanges de plomb du vitrail diaphane,

Plus frais que les jardins d'Alcine ou de Morgane,

Sous un chaud baiser de soleil,

Bizarrement peuplés de monstres héraldiques,

Éclosent tout d'un coup cent parterres magiques

Aux fleurs d'azur et de vermeil.


Légendes d'autrefois, merveilleuses histoires

Écrites dans la pierre, enfers et purgatoires,

Dévotement taillés par de naïfs ciseaux ;

Piédestaux du portail, qui pleurent leurs statues,

Par les hommes et non par le temps abattues,

Licornes, loups-garous, chimériques oiseaux,


Dogues hurlant au bout des gouttières ; tarasques,

Guivres et basilics, dragons et nains fantasques,

Chevaliers vainqueurs de géants,

Faisceaux de piliers lourds, gerbes de colonnettes,

Myriades de saints roulés en collerettes,

Autour des trois porches béants.


Lancettes, pendentifs, ogives, trèfles grêles

Où l'arabesque folle accroche ses dentelles

Et son orfèvrerie, ouvrée à grand travail ;

Pignons troués à jour, flèches déchiquetées,

Aiguilles de corbeaux et d'anges surmontées,

La cathédrale luit comme un bijou d'émail !


II


Mais qu'est-ce que cela ? Lorsque l'on a dans l'ombre

Suivi l'escalier svelte aux spirales sans nombre

Et qu'on revoit enfin le bleu,

Le vide par-dessus et par-dessous l'abîme,

Une crainte vous prend, un vertige sublime

A se sentir si près de Dieu !


Ainsi que sous l'oiseau qui s'y perche, une branche

Sous vos pieds qu'elle fuit, la tour frissonne et penche,

Le ciel ivre chancelle et valse autour de vous ;

L'abîme ouvre sa gueule, et l'esprit du vertige,

Vous fouettant de son aile en ricanant voltige

Et fait au front des tours trembler les garde-fous,


Les combles anguleux, avec leurs girouettes,

Découpent, en passant, d'étranges silhouettes

Au fond de votre œil ébloui,

Et dans le gouffre immense où le corbeau tournoie,

Bête apocalyptique, en se tordant aboie,

Paris éclatant, inouï !


Oh ! le cœur vous en bat, dominer de ce faîte,

Soi, chétif et petit, une ville ainsi faite ;

Pouvoir, d'un seul regard, embrasser ce grand tout,

Debout, là-haut, plus près du ciel que de la terre,

Comme l'aigle planant, voir au sein du cratère,

****, bien ****, la fumée et la lave qui bout !


De la rampe, où le vent, par les trèfles arabes,

En se jouant, redit les dernières syllabes

De l'hosanna du séraphin ;

Voir s'agiter là-bas, parmi les brumes vagues,

Cette mer de maisons dont les toits sont les vagues ;

L'entendre murmurer sans fin ;


Que c'est grand ! Que c'est beau ! Les frêles cheminées,

De leurs turbans fumeux en tout temps couronnées,

Sur le ciel de safran tracent leurs profils noirs,

Et la lumière oblique, aux arêtes hardies,

Jetant de tous côtés de riches incendies

Dans la moire du fleuve enchâsse cent miroirs.


Comme en un bal joyeux, un sein de jeune fille,

Aux lueurs des flambeaux s'illumine et scintille

Sous les bijoux et les atours ;

Aux lueurs du couchant, l'eau s'allume, et la Seine

Berce plus de joyaux, certes, que jamais reine

N'en porte à son col les grands jours.


Des aiguilles, des tours, des coupoles, des dômes

Dont les fronts ardoisés luisent comme des heaumes,

Des murs écartelés d'ombre et de clair, des toits

De toutes les couleurs, des résilles de rues,

Des palais étouffés, où, comme des verrues,

S'accrochent des étaux et des bouges étroits !


Ici, là, devant vous, derrière, à droite, à gauche,

Des maisons ! Des maisons ! Le soir vous en ébauche

Cent mille avec un trait de feu !

Sous le même horizon, Tyr, Babylone et Rome,

Prodigieux amas, chaos fait de main d'homme,

Qu'on pourrait croire fait par Dieu !


III


Et cependant, si beau que soit, ô Notre-Dame,

Paris ainsi vêtu de sa robe de flamme,

Il ne l'est seulement que du haut de tes tours.

Quand on est descendu tout se métamorphose,

Tout s'affaisse et s'éteint, plus rien de grandiose,

Plus rien, excepté toi, qu'on admire toujours.


Car les anges du ciel, du reflet de leurs ailes,

Dorent de tes murs noirs les ombres solennelles,

Et le Seigneur habite en toi.

Monde de poésie, en ce monde de prose,

A ta vue, on se sent battre au cœur quelque chose ;

L'on est pieux et plein de foi !


Aux caresses du soir, dont l'or te damasquine,

Quand tu brilles au fond de ta place mesquine,

Comme sous un dais pourpre un immense ostensoir ;

A regarder d'en bas ce sublime spectacle,

On croit qu'entre tes tours, par un soudain miracle,

Dans le triangle saint Dieu se va faire voir.


Comme nos monuments à tournure bourgeoise

Se font petits devant ta majesté gauloise,

Gigantesque sœur de Babel,

Près de toi, tout là-haut, nul dôme, nulle aiguille,

Les faîtes les plus fiers ne vont qu'à ta cheville,

Et, ton vieux chef heurte le ciel.


Qui pourrait préférer, dans son goût pédantesque,

Aux plis graves et droits de ta robe Dantesque,

Ces pauvres ordres grecs qui se meurent de froid,

Ces panthéons bâtards, décalqués dans l'école,

Antique friperie empruntée à Vignole,

Et, dont aucun dehors ne sait se tenir droit.


Ô vous ! Maçons du siècle, architectes athées,

Cervelles, dans un moule uniforme jetées,

Gens de la règle et du compas ;

Bâtissez des boudoirs pour des agents de change,

Et des huttes de plâtre à des hommes de fange ;

Mais des maisons pour Dieu, non pas !


Parmi les palais neufs, les portiques profanes,

Les parthénons coquets, églises courtisanes,

Avec leurs frontons grecs sur leurs piliers latins,

Les maisons sans pudeur de la ville païenne ;

On dirait, à te voir, Notre-Dame chrétienne,

Une matrone chaste au milieu de catins !
Micheal Wolf Feb 2013
So people think where at it
They think we're on the job
Touching where the sun don't shine
The horizontal jog
Sneaking round in darkness
A bunk up here and there
A bit of a knee trembler
Oh when oh where!
I suppose they see a something
That neither of us do
Is it what they would do
It they were me and you?
Well sorry to deflate them
It isn't really so
We never got between the sheets
Or any other joy
So just to set the record straight
We haven't popped the cork!
It just gives you a purpose
A topic for to talk!
A cheeky retort to a quizling
Soudain je t'ai si fort pressée
Pour sentir ton cœur bien à moi,
Que je t'en ai presque blessée,
Et tu m'as demandé pourquoi.

Un mot, un rien, m'a tout à l'heure
Fait étreindre ainsi mon trésor,
Comme, au moindre vent qui l'effleure,
L'avare en hâte étreint son or ;

La porte de sa cave est sûre,
Il en tient dans son poing la clé,
Mais, par le trou de la serrure,
Un filet d'air froid a soufflé ;

Et pendant qu'il comptait dans l'ombre
Son trésor écu par écu,
Savourant le titre et le nombre,
Il a senti le souffle aigu !

Il serre en vain sa clé chérie,
Vainement il s'est verrouillé,
Avant d'y réfléchir il crie
Comme s'il était dépouillé !

C'est que l'instinct fait sentinelle,
C'est que l'âme du possesseur
N'ose jamais plier qu'une aile,
Ô ma sainte amie, ô ma sœur !

C'est que ma richesse tardive,
Fruit de mes soupirs quotidiens,
Me semble encore fugitive
Au moment même où je la tiens !

Et cette épargne que j'amasse
A beau grandir en sûreté,
Je crois, au moindre vent qui passe,
Qu'un ravisseur a fureté...

Et je fais aussitôt l'épreuve
De tout le deuil qui peut tenir
Dans une âme absolument veuve
Où l'amour n'a plus d'avenir.

Alors je tremble et te supplie
D'un anxieux et long regard...
Oh ! Pardonne-moi la folie
De trembler encore ; si **** !

Hélas ! L'habitude en est prise :
Tu n'as que si **** deviné
Combien le doute martyrise,
Impérissable une fois né.

Dans l'âge (qui n'est plus le nôtre)
Où bat le cœur à découvert,
Le mien, plus exposé qu'un autre,
Puisqu'il t'aimait, a plus souffert ;

Ah ! Tout cœur où l'amour habite
Recèle un pouvoir de souffrir
Dont il ignore la limite,
Tant qu'il souffre sans en mourir ;

Et j'ignorais, naïf encore,
Combien le calice est profond
Que ta main douce emmielle et dore
Sans jamais en montrer le fond ;

Car tu savais, déjà coquette,
Ménager longtemps la douleur
En faisant, d'un coup de baguette,
Naître un mirage dans un pleur.

Que de froideurs instantanées
Ont ébranlé longtemps ma foi !
Enfin la pente des années
T'a fait pencher le front sur moi,

Et j'ai cru que ma jalousie,
Humble tigresse aux reins ployés,
Bien rompue à ta fantaisie,
Dormait de fatigue à tes pieds ;

Voilà pourtant qu'une pensée,
Moins qu'un soupçon, moins qu'une erreur,
- Une rêverie insensée
M'a fait tressaillir de terreur ;

Cet éclair de peur indicible
Tout à coup m'a fait entrevoir,
Aux obscurs confins du possible,
Un abîme de désespoir.
L'enfant avait reçu deux balles dans la tête.
Le logis était propre, humble, paisible, honnête ;
On voyait un rameau bénit sur un portrait.
Une vieille grand'mère était là qui pleurait.
Nous le déshabillions en silence. Sa bouche,
Pâle, s'ouvrait ; la mort noyait son œil farouche ;
Ses bras pendants semblaient demander des appuis.
Il avait dans sa poche une toupie en buis.
On pouvait mettre un doigt dans les trous de ses plaies.
Avez-vous vu saigner la mûre dans les haies ?
Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend.
L'aïeule regarda déshabiller l'enfant,
Disant : - Comme il est blanc ! approchez donc la lampe.
Dieu ! ses pauvres cheveux sont collés sur sa tempe ! -

Et quand ce fut fini, le prit sur ses genoux.
La nuit était lugubre ; on entendait des coups
De fusil dans la rue où l'on en tuait d'autres.
- Il faut ensevelir l'enfant, dirent les nôtres.
Et l'on prit un drap blanc dans l'armoire en noyer.
L'aïeule cependant l'approchait du foyer
Comme pour réchauffer ses membres déjà roides.
Hélas ! ce que la mort touche de ses mains froides
Ne se réchauffe plus aux foyers d'ici-bas !
Elle pencha la tête et lui tira ses bas,
Et dans ses vieilles mains prit les pieds du cadavre.
- Est-ce que ce n'est pas une chose qui navre !
Cria-t-elle ; monsieur, il n'avait pas huit ans !
Ses maîtres, il allait en classe, étaient contents.
Monsieur, quand il fallait que je fisse une lettre,
C'est lui qui l'écrivait. Est-ce qu'on va se mettre
À tuer les enfants maintenant ? Ah ! mon Dieu !
On est donc des brigands ! Je vous demande un peu,
Il jouait ce matin, là, devant la fenêtre !
Dire qu'ils m'ont tué ce pauvre petit être
Il passait dans la rue, ils ont tiré dessus.
Monsieur, il était bon et doux comme un Jésus.
Moi je suis vieille, il est tout simple que je parte
Cela n'aurait rien fait à monsieur Bonaparte
De me tuer au lieu de tuer mon enfant ! -
Elle s'interrompit, les sanglots l'étouffant,
Puis elle dit, et tous pleuraient près de l'aïeule.
- Que vais-je devenir à présent toute seule ?

Expliquez-moi cela, vous autres, aujourd'hui.
Hélas ! je n'avais plus de sa mère que lui.
Pourquoi l'a-t-on tué ? je veux qu'on me l'explique.
L'enfant n'a pas crié vive la République. -
Nous nous taisions, debout et graves, chapeau bas,
Tremblant devant ce deuil qu'on ne console pas.

Vous ne compreniez point, mère, la politique.
Monsieur Napoléon, c'est son nom authentique,
Est pauvre, et même prince ; il aime les palais ;
Il lui convient d'avoir des chevaux, des valets,
De l'argent pour son jeu, sa table, son alcôve,
Ses chasses ; par la même occasion, il sauve
La famille, l'église et la société ;
Il veut avoir Saint-Cloud, plein de roses l'été,
Où viendront l'adorer les préfets et les maires
C'est pour cela qu'il faut que les vieilles grand'mères,
De leurs pauvres doigts gris que fait trembler le temps
Cousent dans le linceul des enfants de sept ans.

Jersey, le 2 décembre 1852.
Quand je vois des vivants la multitude croître
Sur ce globe mauvais de fléaux infesté,
Parfois je m'abandonne à des pensers de cloître,
Et j'ose prononcer un vœu de chasteté.

Du plus aveugle instinct je me veux rendre maître,
Hélas ! Non par vertu, mais par compassion ;
Dans l'invisible essaim des condamnés à naître,
Je fais grâce à celui dont je sens l'aiguillon.

Demeure dans l'empire innommé du possible,
Ô fils le plus aimé qui ne naîtra jamais !
Mieux sauvé que les morts et plus inaccessible,
Tu ne sortiras pas de l'ombre où je dormais !

Le zélé recruteur des larmes par la joie,
L'amour, guette en mon sang une postérité.
Je fais vœu d'arracher au malheur cette proie ;
Nul n'aura de mon cœur faible et sombre hérité.

Celui qui ne saurait se rappeler l'enfance,
Ses pleurs, ses désespoirs méconnus, sans trembler,
Au bon sens comme au droit ne fera point l'offense
D'y condamner un fils qui lui peut ressembler.

Celui qui n'a pas vu triompher sa jeunesse
Et traîne endoloris ses désirs de vingt ans,
Ne permettra jamais que leur flamme renaisse
Et coure inextinguible en tous ses descendants !

L'homme à qui son pain blanc maudit des populaces
Pèse comme un remords des misères d'autrui,
À l'inégal banquet où se serrent les places
N'élargira jamais la sienne autour de lui !

Non ! Pour léguer son souffle et sa chair sans scrupule,
Il faut être enhardi par un espoir puissant,
Pressentir une aurore au lieu d'un crépuscule
Dans les rougeurs que font l'incendie et le sang ;

Croire qu'enfin va luire un âge sans batailles,
Que la terre s'épure, et que la puberté
Doit aux moissons du fer d'incessantes semailles
Pour que son dernier fruit mûrisse en liberté !

Je ne peux ; j'ai souci des présentes victimes ;
Quels que soient les vainqueurs, je plains les combattants,
Et je suis moins touché des songes magnanimes
Que des pleurs que je vois et des cris que j'entends.

Puisqu'elle est à ce prix, la victoire future
Qui doit fonder si **** la justice et la paix,
Ne vis que dans mon cœur, ô ma progéniture,
Ignore ma tendresse et n'en pâtis jamais ;

Que ta mère demeure imaginaire encore,
Que, vierge, ayant conçu hors de l'***** banal,
Sans avoir à souffrir plus qu'un lis pour éclore,
Elle enfante à l'abri de l'épreuve et du mal.

Sa beauté que j'ai faite et n'ai pas possédée
(car les yeux de mon corps n'ont rien vu de pareil)
Vêt la splendeur pudique et fière de l'idée
Qui fuit l'argile et peut se passer du soleil !

Ainsi, je garderai ma compagne et ma race
Soustraites, en moi-même, aux cruautés du sort,
Et, s'il est vain d'aimer pour qui jamais n'embrasse,
Du moins, exempts du deuil, nous n'aurons qu'une mort !
Et toi, dors-tu quand la nuit est si belle,
Quand l'eau me cherche et me fuit comme toi,
Quand je te donne un cœur longtemps rebelle ?
Dors-tu, ma vie ! ou rêves-tu de moi ?

Démêles-tu, dans ton âme confuse,
Les doux secrets qui brûlent entre nous ?
Ces longs secrets dont l'amour nous accuse,
Viens-tu les rompre en songe à mes genoux ?

As-tu livré ta voix tendre et hardie
Aux fraîches voix qui font trembler les fleurs ?
Non ! c'est du soir la vague mélodie :
Ton souffle encor n'a pas séché mes pleurs !

Garde toujours ce douloureux empire
Sur notre amour qui cherche à nous trahir ;
Mais garde aussi son mal dont je soupire ;
Son mal est doux, bien qu'il fasse mourir !
I.

Maintenant il se dit : - L'empire est chancelant
La victoire est peu sûre. -
Il cherche à s'en aller, furtif et reculant.
Reste dans la masure !

Tu dis : - Le plafond croule. Ils vont, si l'on me voit,
Empêcher que je sorte. -
N'osant rester ni fuir, tu regardes le toit,
Tu regardes la porte ;

Tu mets timidement la main sur le verrou.
Reste en leurs rangs funèbres !
Reste ! la loi qu'ils ont enfouie en un trou
Est là dans les ténèbres.

Reste ! elle est là, le flanc percé de leur couteau,
Gisante, et sur sa bière
Ils ont mis une dalle. Un pan de ton manteau
Est pris sous cette pierre !

Pendant qu'à l'Elysée en fête et plein d'encens
On chante, on déblatère,
Qu'on oublie et qu'on rit, toi tu pâlis ; tu sens
Ce spectre sous la terre !

Tu ne t'en iras pas ! quoi ! quitter leur maison
Et fuir leur destinée !
Quoi ! tu voudrais trahir jusqu'à la trahison,
Elle-même indignée !

Quoi ! tu veux renier ce larron au front bas
Qui t'admire et t'honore !
Quoi ! Judas pour Jésus, tu veux pour Barabbas
Etre Judas encore !

Quoi ! n'as-tu pas tenu l'échelle à ces fripons,
En pleine connivence ?
Le sac de ces voleurs ne fut-il pas, réponds,
Cousu par toi d'avance !

Les mensonges, la haine au dard froid et visqueux,
Habitent ce repaire ;
Tu t'en vas ! de quel droit ? étant plus renard qu'eux,
Et plus qu'elle vipère !

II.

Quand l'Italie en deuil dressa, du Tibre au Pô,
Son drapeau magnifique,
Quand ce grand peuple, après s'être couché troupeau,
Se leva république,

C'est toi, quand Rome aux fers jeta le cri d'espoir,
Toi qui brisas son aile,
Toi qui fis retomber l'affreux capuchon noir
Sur sa face éternelle !

C'est toi qui restauras Montrouge et Saint-Acheul,
Écoles dégradées,
Où l'on met à l'esprit frémissant un linceul,
Un bâillon aux idées.

C'est toi qui, pour progrès rêvant l'homme animal,
Livras l'enfant victime
Aux jésuites lascifs, sombres amants du mal,
En rut devant le crime !

Ô pauvres chers enfants qu'ont nourris de leur lait
Et qu'ont bercés nos femmes,
Ces blêmes oiseleurs ont pris dans leur filet
Toutes vos douces âmes !

Hélas ! ce triste oiseau, sans plumes sur la chair,
Rongé de lèpre immonde,
Qui rampe et qui se meurt dans leur cage de fer,
C'est l'avenir du monde !

Si nous les laissons faire, on aura dans vingt ans,
Sous les cieux que Dieu dore,
Une France aux yeux ronds, aux regards clignotants,
Qui haïra l'aurore !

Ces noirs magiciens, ces jongleurs tortueux,
Dont la fraude est la règle,
Pour en faire sortir le hibou monstrueux,
Ont volé l'oeuf de l'aigle !

III.

Donc, comme les baskirs, sur Paris étouffé,
Et comme les croates,
Créateurs du néant, vous avez triomphé
Dans vos haines béates ;

Et vous êtes joyeux, vous, constructeurs savants
Des préjugés sans nombre,
Qui, pareils à la nuit, versez sur les vivants
Des urnes pleines d'ombre !

Vous courez saluer le nain Napoléon ;
Vous dansez dans l'orgie.
Ce grand siècle est souillé ; c'était le Panthéon,
Et c'est la tabagie.

Et vous dites : c'est bien ! vous sacrez parmi nous
César, au nom de Rome,
L'assassin qui, la nuit, se met à deux genoux
Sur le ventre d'un homme.

Ah ! malheureux ! louez César qui fait trembler,
Adorez son étoile ;
Vous oubliez le Dieu vivant qui peut rouler
Les cieux comme une toile !

Encore un peu de temps, et ceci tombera ;
Dieu vengera sa cause !
Les villes chanteront, le lieu désert sera
Joyeux comme une rose !

Encore un peu de temps, et vous ne serez plus,
Et je viens vous le dire.
Vous êtes les maudits, nous sommes les élus.
Regardez-nous sourire !

Je le sais, moi qui vis au bord du gouffre amer
Sur les rocs centenaires,
Moi qui passe mes jours à contempler la mer
Pleine de sourds tonnerres !

IV.

Toi, leur chef, sois leur chef ! c'est là ton châtiment.
Sois l'homme des discordes !
Ces fourbes ont saisi le genre humain dormant
Et l'ont lié de cordes.

Ah ! tu voulus défaire, épouvantable affront !
Les âmes que Dieu crée ?
Eh bien, frissonne et pleure, atteint toi-même au front
Par ton œuvre exécrée !

À mesure que vient l'ignorance, et l'oubli,
Et l'erreur qu'elle amène,
À mesure qu'aux cieux décroît, soleil pâli,
L'intelligence humaine,

Et que son jour s'éteint, laissant l'homme méchant
Et plus froid que les marbres,
Votre honte, ô maudits, grandit comme au couchant
Grandit l'ombre des arbres !

V.

Oui, reste leur apôtre ! oui, tu l'as mérité.
C'est là ta peine énorme !
Regarde en frémissant dans la postérité !
Ta mémoire difforme.

On voit, louche rhéteur des vieux partis hurlants,
Qui mens et qui t'emportes,
Pendre à tes noirs discours, comme à des clous sanglants,
Toutes les grandes mortes,

La justice, la foi, bel ange souffleté
Par la goule papale,
La vérité, fermant les yeux, la liberté
Echevelée et pâle,

Et ces deux soeurs, hélas ! nos mères toutes deux,
Rome, qu'en pleurs je nomme,
Et la France sur qui, raffinement hideux,
Coule le sang de Rome !

Homme fatal ! l'histoire en ses enseignements
Te montrera dans l'ombre,
Comme on montre un gibet entouré d'ossements
Sur la colline sombre !

Jersey, le 24 janvier 1853.
nivek Apr 2016
a history of *** is normal
as normal as virginity

a knee trembler against the wall
is as fleeting as its memory

lost almost love
happens to everyone

a kiss of betrayal
Jesus accepted inevitable
Sonnet.

Croissez, jeune héros ; notre douleur profonde
N'a que ce doux espoir qui la puisse affaiblir.
Croissez, et hâtez-vous de faire voir au monde
Que le plus noble sang peut encor s'ennoblir.

Croissez pour voir sous vous trembler la terre et l'onde :
Un grand prince vous laisse un grand nom à remplir ;
Et ce que se promit sa valeur sans seconde,
C'est par vous que le ciel réserve à l'accomplir.

Vos aïeux vous diront par d'illustres exemples
Comme il faut mériter des sceptres et des temples ;
Vous ne verrez que gloire et que vertus en tous.

Sur des pas si fameux suivez l'ordre céleste ;
Et de tant de héros qui revivent en vous,
Égalez le dernier, vous passerez le reste.
Entrez dans les palais grands ouverts à la foule ;
Un jour limpide y luit, l'heure paisible y coule,
Le pied rit au miroir des parquets précieux,
Et ****, dans le plafonds aussi hauts que les cieux,
Bleu séjour de la muse et du Dieu sous les voiles,
L'œil voit trembler des chars, des luths et des étoiles.

Sous la voûte, sur les paliers,
Par les rampes en fleurs et les grands escaliers,
Un courant d'air vaste circule,
Et douce est la fraîcheur où vous marchez,
Parmi le peuple blanc des marbres recherchés :
Saluez, c'est Vénus ; admirez, c'est Hercule !

Comme vous reposez les yeux,
Ô blancheur sombre des musées !
La fièvre de nos sens expire dans ces lieux,
Et nos âmes y sont largement amusées.

Ô génie, ô lent créateur,
Comme Dieu fait courir la sève dans les arbres,
Tu fais courir la vie aux lignes des beaux marbres ;
Et sur la pierre, à la hauteur
Des bras de la statue ou du col de l'amphore,
L'œil croit voir voltiger encore
Les mains illustres du sculpteur.

Alors notre cœur se rappelle
Le temps d'Auguste, l'âge où florissait Apelle !
Tout ceux dont un laurier pressait le front puissant,
Le pnyx sonore où rit la troupe des esclaves,
Les toges du forum, les plis des laticlaves,
César spirituelI Sophocle éblouissant !

Rome, Athène ! O palais que la colline élève !
Vous, Romains, vous sculptez à la pointe du glaive ;
Et vous qui soupez chez les dieux,
Vous possédez la grâce et vous la versez toute,
Athéniens, et c'est chez vous que l'âme écoute
Le grand hymne muet qui chante pour les yeux,
Le long des lignes, sous la voûte
De vos temples mélodieux.

Des anciens, endormis au bruit frais des fontaines,
Les âmes en rêvait se promènent ici,
Caressant tous les fronts d'un regret adouci,
Et font, sur les lèvres hautaines
Des Romains et des Grecs et de Tibère aussi,
Chuchoter un long flot de paroles lointaines.

Ô belle antiquité, toute nouvelle encor !
Berce-nous de tes bons murmures,
Comme une abeille d'or,
Que l'été de Paris prendrait aux roses mûres
Pour la jeter en Prairial,
Grisée
Et bourdonnante, autour de la salle apaisée,
Où, visiteur royal,
Par la vitre embrasée au feu de ses prouesses,
Le baiser du soleil vient dorer les déesses.
Fable XI, Livre III.


Le vent s'élève ; un gland tombe dans la poussière :
Un chêne en sort. - Un chêne ! Osez-vous appeler
Chêne cet avorton qu'un souffle fait trembler ?
Ce fétu, près de qui la plus humble bruyère
Serait un arbre ? - Et pourquoi non ?
Je ne m'en dédis pas, docteur ; cet avorton,
Ce fétu, c'est un chêne, un vrai chêne, tout comme
Cet enfant qu'on berce est un homme.
Quoi de plus naturel, d'ailleurs, que vos propos !
Vous n'avez rien dit là, docteur, qu'en leur langage
Tous les buissons du voisinage
Sur mon chêne, avant vous, n'aient dit en d'autres mots :
« Quel brin d'herbe, en rampant, sous notre abri se range ?
Quel germe inutile, égaré,
À nos pieds végète enterré
Dans la poussière et dans la fange ? »
« - Messieurs, » leur répondait, sans discours superflus,
Le germe, au fond du cœur, chêne dès sa naissance,
« Messieurs, pour ma jeunesse ayez plus d'indulgence :
Je croîs, ne vous déplaise, et vous ne croissez plus. »
Le germe raisonnait fort juste :
Le temps, qui détruit tout, fait tout croître d'abord ;
Par lui le faible devient fort ;
Le petit, grand ; le germe, arbuste.
Les buissons, indignés qu'en une année ou deux
Un chêne devînt grand comme eux,
Se récriaient contre l'audace
De cet aventurier qui, comme un champignon,
Né d'hier et de quoi ? sans gêne ici se place,
Et prétend nous traiter de pair à compagnon !
L'égal qu'ils dédaignaient cependant les surpasse ;
D'arbuste il devient arbre, et les sucs généreux
Qui fermentent sous son écorce,
De son robuste tronc à ses rameaux nombreux
Renouvelant sans cesse et la vie et la force,
Il grandit, il grossit, il s'allonge, il s'étend,
Il se développe, il s'élance ;
Et l'arbre, comme on en voit tant,
Finit par être un arbre immense.
De protégé qu'il fut, le voilà protecteur,
Abritant, nourrissant des peuplades sans nombre :
Les troupeaux, les chiens, le pasteur,
Vont dormir en paix sous son ombre ;
L'abeille dans son sein vient déposer son miel,
Et l'aigle suspendre son aire
À l'un des mille bras dont il perce le ciel,
Tandis que mille pieds l'attachent à la terre.
L'impétueux Eurus, l'Aquilon mugissant,
En vain contre sa masse ont déchaîné leur rage ;
Il rit de leurs efforts, et leur souffle impuissant
Ne fait qu'agiter son feuillage.
Cybèle aussi n'a pas de nourrissons,
De l'orme le plus fort au genêt le plus mince,
Qui des forêts en lui ne respecte le prince :
Tout l'admire aujourd'hui, tout, hormis les buissons.
« L'orgueilleux ! disent-ils ; il ne se souvient guères
De notre ancienne égalité ;
Enflé de sa prospérité,
A-t-il donc oublié que les arbres sont frères ? »
« - Si nous naissons égaux, repart avec bonté
L'arbre de Jupiter, dans la même mesure
Nous ne végétons pas ; et ce tort, je vous jure,
Est l'ouvrage de la nature,
Et non pas de ma volonté.
Le chêne vers les cieux portant un front superbe,
L'arbuste qui se perd sous l'herbe,
Ne font qu'obéir à sa loi.
Vous la voulez changer ; ce n'est pas mon affaire ;
Je ne dois pas, en bonne foi,
Me rapetisser pour vous plaire.
Mes frères, tâchez donc de grandir comme moi. »
Écoutez ce que c'est que la femme adultère.

Sa joie est un tourment, sa douleur un mystère :

Dans son cœur dégradé que le crime avilit

Un autre a pris la place à l'époux réservée ;

D'impures voluptés elle s'est abreuvée ;

Un autre est venu dans son lit.


Dévorée au dedans d'une flamme cachée,

Toujours, devant les yeux son image attachée

Jusqu'aux bras d'un époux vient encor la troubler ;

Elle reste au logis des heures à l'attendre.

Prête l'oreille et dit, quand elle croit l'entendre,

A ses enfants de s'en aller.


Son complice ! des lois il brave la vengeance !

Qui pourrait, trahissant leur sourde intelligence,

Éveiller dans les cœurs le soupçon endormi ?

De son crime impuni le succès l'encourage,

La mère lui sourit, et l'époux qu'il outrage

L'embrasse en disant : mon ami.


Voici venir enfin l'heure tant retardée ;

Les voilà seuls, la porte est close et bien gardée :

Pourquoi cet air pensif, pourquoi cet œil distrait ?

Pourquoi toujours trembler et pâlir d'épouvante ?

Personne ne l'a vu monter, et la suivante

A reçu le prix du secret.


Dans un festin brillant le hasard les rassemble ;

Leurs sièges sont voisins. Que vont-ils dire ensemble ?

Quel sinistre bonheur dans leurs regards a lui !

Oh retiens les éclairs de ta prunelle ardente,

Garde de te trahir, et de boire, imprudente !

Dans la même coupe après lui !


Que dis-je ? Du mépris et de l'indifférence

Elle sait à son œil imposer l'apparence :

Un regard indiscret jamais ne révéla

De son cœur déchiré la sombre inquiétude.

Elle s'observe, et sait, à force d'habitude,

Rester froide quand il est là !


Ses tourments sont cachés à tous, soyez sans crainte ;

Aussi regardez-la sans gêne et sans contrainte

Répondre à vingt propos, sourire… oh si du moins,

Pour apaiser l'ardeur dont elle est embrasée,

Elle pouvait, auprès d'une obscure croisée,

L'avoir un instant sans témoins !


Sentir le bruit léger de sa robe froissée,

Dans les plis de satin sa jambe entrelacée,

Lui donner d'un regard l'heure du lendemain,

Et, dans ce tourbillon qui roule et qui l'emporte.

Lui dire… ou seulement debout, près de la porte,

En passant lui serrer la main !


Cependant, pas à pas, la vieillesse est venue

Troubler son cœur flétri d'une crainte inconnue.

Le prestige enivrant s'est enfin dissipé :

Il faut quitter l'amour, l'amour et son ivresse ;

Il faut se trouver seule et subir la tendresse

De cet homme qu'elle a trompé.
Ah ! ce n'est pas aimer que prendre sur soi-même
De pouvoir vivre ainsi **** de l'objet qu'on aime.
André Chénier.


Malheur à moi ! je ne sais plus lui plaire ;
Je ne suis plus le charme de ses yeux ;
Ma voix n'a plus l'accent qui vient des cieux,
Pour attendrir sa jalouse colère ;
Il ne vient plus, saisi d'un vague effroi,
Me demander des serments ou des larmes.
Il veille en paix, il s'endort sans alarmes :
Malheur à moi !

Las de bonheur, sans trembler pour ma vie,
Insoucieux, il parle de sa mort !
De ma tristesse il n'a plus le remord,
Et je n'ai pas tous les biens qu'il envie !
Hier, sur mon sein, sans accuser ma foi,
Sans les frayeurs que j'ai tant pardonnées,
Il vit des fleurs qu'il n'avait pas données :
Malheur à moi !

Distrait d'aimer, sans écouter mon père,
Il l'entendit me parler d'avenir ;
Je n'en ai plus, s'il n'y veut pas venir.
Par lui je crois, sans lui je désespère ;
Sans lui, mon Dieu ! comment vivrai-je en toi ?
Je n'ai qu'une âme, et c'est par lui qu'elle aime ;
Et lui, mon Dieu, si ce n'est pas toi-même,
Malheur à moi !
Heaven Dawn Mar 2014
I had a dream of you once before I met you, well it wasn't you, but lord did it feel like you.
Funny how in those years after I had that dream did I search the crowds for a man who stood above the rest, broad shoulders and eyes that made my stomach boil.
But in these dreams, your voice is muted and I can't get the hang of catching it, it feels like I'm in a tunnel, you laugh but I can't catch your octaves. Surely if I heard them, I would've fell to my knees.
Ever heard of the knee-trembler? I'm not talking about the *** position, just the way your name sounds clicking against my teeth.  
You fit in my dreams the way I fit in the crook of your shoulder.
Dreams are just made of boys with electric eyes and the perfect ways to say hello.
II.

Oh ! vers ces vétérans quand notre esprit s'élève,
Nous voyons leur front luire et resplendir leur glaive,
Fertile en grands travaux.
C'étaient là les anciens. Mais ce temps les efface !
France, dans ton histoire ils tiennent trop de place.
France, gloire aux nouveaux !

Oui, gloire à ceux d'hier ! ils se mettent cent mille,
Sabres nus, vingt contre un, sans crainte, et par la ville
S'en vont, tambours battants.
À mitraille ! leur feu brille, l'obusier tonne,
Victoire ! ils ont tué, carrefour Tiquetonne,
Un enfant de sept ans !

Ceux-ci sont des héros qui n'ont pas peur des femmes
Ils tirent sans pâlir, gloire à ces grandes âmes !
Sur les passants tremblants.
On voit, quand dans Paris leur troupe se promène,
Aux fers de leurs chevaux de la cervelle humaine
Avec des cheveux blancs !

Ils montent à l'assaut des lois ; sur la patrie
Ils s'élancent ; chevaux, fantassins, batterie,
Bataillon, escadron,
Gorgés, payés, repus, joyeux, fous de colère,
Sonnant la charge, avec Maupas pour vexillaire
Et Veuillot pour clairon.

Tout, le fer et le plomb, manque à nos bras farouches,
Le peuple est sans fusils, le peuple est sans cartouches,
Braves ! c'est le moment !
Avec quelques tribuns la loi demeure seule.
Derrière vos canons chargés jusqu'à la gueule
Risquez-vous hardiment !

Ô soldats de décembre ! ô soldats d'embuscades
Contre votre pays ! honte à vos cavalcades
Dans Paris consterné !
Vos pères, je l'ai dit, brillaient comme le phare ;
Ils bravaient, en chantant une haute fanfare,
La mort, spectre étonné ;

Vos pères combattaient les plus fières armées,
Le prussien blond, le russe aux foudres enflammées,
Le catalan bruni,
Vous, vous tuez des gens de bourse et de négoce.
Vos pères, ces géants, avaient pris Saragosse,
Vous prenez Tortoni !

Histoire, qu'en dis-tu ? les vieux dans les batailles
Couraient sur les canons vomissant les mitrailles ;
Ceux-ci vont, sans trembler,
Foulant aux pieds vieillards sanglants, femmes mourantes
Droit au crime. Ce sont deux façons différentes
De ne pas reculer.

Jersey, du 7 au 13 janvier 1853.
Les grands appartements qu'elle habite l'hiver
Sont tièdes. Aux plafonds, légers comme l'éther,
Planent d'amoureuses peintures.

Nul bruit ; partout les voix, les pas sont assoupis
Par la laine opulente et molle des tapis
Et l'ample velours des tentures.

Aux fenêtres, dehors, la grêle a beau sévir,
Sous ses balles de glace à peine on sent frémir
L'épais vitrail qui les renvoie ;

Et la neige et le givre aux glaciales fleurs
Restent voilés aux yeux sous les chaudes couleurs
De longs rideaux brochés de soie.

Là, dans de vieux tableaux, le ciel vénitien
Prête au soleil de France un effluve du sien ;
Et sur la haute cheminée,

Dans des vases ravis en Grèce à des autels,
Des lis renouvelés qu'on dirait immortels
Ne font qu'un printemps de l'année.

Sa chambre est toute bleue et suave ; on y sent
Le vestige embaumé de quelque œillet absent
Dont l'air a gardé la mémoire ;

Ses genoux, pour prier, posent sur du satin,
Et ses aïeux tenaient d'un maître florentin
Son crucifix de vieil ivoire.

Elle peut, lasse enfin des salons somptueux,
Goûter de son boudoir le jour voluptueux
Où sommeille un vague mystère ;

Et là ses yeux levés rencontrent un Watteau
Où de sveltes amants, un pied sur le bateau,
Vont appareiller pour Cythère.

L'hiver passe, elle émigre en sa villa d'été.
Elle y trouve le ciel, l'immense aménité
Des monts, des vallons et des plaines ;

Depuis les dahlias qui bordent la maison
Jusques au dernier flot des blés à l'horizon,
Elle ne voit que ses domaines.

Puis c'est la promenade en barque sur les lacs,
La sieste à l'ombre au fond des paresseux hamacs,
La course aux prés en jupes blanches,

Et le roulement doux des calèches au bois,
Et le galop, voilette au front, badine aux doigts,
Sous le mobile arceau des branches ;

Et, par les midis lourds, les délices du bain :
Deux jets purs inondant la vasque dont sa main
Tourne à son gré les cols de cygnes,

Et le charme du frais, suave abattement
Où, rêveuse, elle voit sous l'eau, presque en dormant,
De son beau corps trembler les lignes.

Ainsi coulent ses jours, pareils aux jours heureux ;
Mais un secret fardeau s'appesantit sur eux,
Ils ne sont pas dignes d'envie.

On lit dans son regard fiévreux ou somnolent,
Dans son rare sourire et dans son geste lent
Le dégoût amer de la vie.

Oh ! Quelle âme entendra sa pauvre âme crier ?
Quel sauveur magnanime et beau, quel chevalier
Doit survenir à l'improviste,

Et l'enlever en croupe, et l'emporter là-bas,
Sous un chaume enfoui dans l'herbe et les lilas,
****, bien **** de ce luxe triste ?

Personne. Elle dédaigne un criminel espoir,
Et se plaît à languir, en proie à son devoir.
Morte sous ses parures neuves,

Elle n'a pas d'amour, l'honneur le lui défend ;
Misérablement riche, elle n'a pas d'enfant ;
Elle est plus seule que les veuves.
Robin Carretti Jun 2018
Two I apple they split not to sit ***-light lit
              Ms.Viviette by-set
              Her heart age-set
              A whole sip mug-wet

She is working on her salvation the whole-love
ready -set
The mission right body flow 2 beat-heat
the heart fit
Smiles a bit a mysterious ((AppleJack))
Wholeheartedly--------*
Comeback playing the Violin teacher's pet
The apple a day he was not amused
Didn't light my heart fuse

That weak heart 1/2 the right spot,
the heart love cure another shot
My whole life he deserted me red-tangy tea
That Madame Curie how she pleads
My heart stopped the Island he was falling
out of my coconut hands

How I smothered his love hands
On the Bali Hut, I felt smashed by his lips
of Applesauce scrumptious pork roast on
the internet hearts was the post
Hearts of the earthquake trembler

Biting the Apple
but what is____?
Inside the heart Sobriquet
The flower floret evergreen apple
Made her heart  selling her soul out
The intenseness of drinking
Cabernet Sauvignon In France
Mediterranian tropics
Louis Vuitton
Heart tripping sandals
In Italy, he read her heart waist handles
poem sonnet but his heart was
stronger and more of a fret

The heart of soul came with his challenge
The whole in his head like bullhorns
My hill-halfway their body
was torn my heart was spinning
my whole right side felt like a baby born
Nonstop crying she felt so high like a
banana split no timeshare
Not to share my heart
New York token of love fair

Not the whole heart of truth
Glory the half of the stick don't you
hate eating chocolate crunch muscles
Of the  barmen from  way out in Mars
All my heart stickers the best times
of my star was gone
Hearts Gym he wouldn't give one flicker
  The half timeout what a showdown
2- hearts almost shut down

Tasting his stick so woodsy
The trees were talking topsy-turvy
Please take some heart I'm curvier
My dreams have no demeanor
Putting 1/2 of an eyeliner I am not finished in
Angelic nymphs on my ceiling
   The bathroom hearts were dripping
My lips got separate like they
ran away walking I was curved
Last heart to play Atlantic City
We saw them again (Rodeway) fresh
**** wasn't so pretty the parade day
What an odd pair of card pitiful
Their bizarre smiles
21/2 heart shaped pills I'm home at last
My whole watermelon those black pits
she so lazy
always on her computer what a putz
He is the heartless man
of the felon, not the fancy hotel
of the Ritz Carlton
Having a girly blast

I phone lanes they won't last
Louis Lane Superhighway
Men met Evil Stan
The armory like the
American Band Stand
Singing hearts got a low hand
Burning fires surgery heart
The whole road hearts
were dripping coffee relapsing
But inseparable screws out,
Rocky road ice cream hugging
I see someone falling asleep
Hearts on the job line
You will get fired out ruled
There will be no time to be mine

Yummy body measurable
Love Doves*

Equally 2 planes,
meeting together
distance
Equal lush resistance
½ creature ******
Her better half is ****** pleasure
his be heart plate
Two loves hear pancakes syrup lightly
Seduced heart’s fit tightly
The other side needs, balance 2 guided

We're two loves, heart divided?
Gothic kiss darkens the doves
Two half’s of hearts, infinite flame
Red heart cheating, hot rod game
Uncertainty Guilty reassurance

Love handholds, heart allegiance
This is  all about people that have hearts so whoever doesn't you can go to another station  the love the pain something so heartless or be a heart and start over fresh we love the fresh smell of grass and champagne is waiting so please stay let us have fun our own way
À M. A. de V*.

Arrêtons-nous sur la colline
A l'heure où, partageant les jours,
L'astre du matin qui décline
Semble précipiter son cours !
En avançant dans sa carrière,
Plus faible il rejette en arrière
L'ombre terrestre qui le suit,
Et de l'horizon qu'il colore
Une moitié le voit encore,
C'est l'heure où, sous l'ombre inclinée,
Le laboureur dans le vallon
Suspend un moment sa journée,
Et s'assied au bord du sillon !
C'est l'heure où, près de la fontaine,
Le voyageur reprend haleine
Après sa course du matin
Et c'est l'heure où l'âme qui pense
Qui l'abandonne en son chemin !

Ainsi notre étoile pâlie,
Jetant de mourantes lueurs
Sur le midi de notre vie,
De notre rapide existence
L'ombre de la mort qui s'avance
Obscurcit déjà la moitié !
Et, près de ce terme funeste,
Comme à l'aurore, il ne nous reste
Que l'espérance et l'amitié !

Ami qu'un même jour vit naître,
Compagnon depuis le berceau,
Et qu'un même jour doit peut-être
Endormir au même tombeau !
Voici la borne qui partage

Qu'un même sort nous a tracé !
De ce sommet qui nous rassemble,
Viens, jetons un regard ensemble
Sur l'avenir et le passé !

Repassons nos jours, si tu l'oses !
Jamais l'espoir des matelots
Le navire qu'on lance aux flots ?
Jamais d'une teinte plus belle
L'aube en riant colora-t-elle
Le front rayonnant du matin ?
Jamais, d'un oeil perçant d'audace,
L'aigle embrassa-t-il plus d'espace
Que nous en ouvrait le destin ?

En vain sur la route fatale,
Dont les cyprès tracent le bord,
Quelques tombeaux par intervalle
Nous avertissaient de la mort !
Ces monuments mélancoliques
Nous semblaient, comme aux jours antiques,
Un vain ornement du chemin !
Nous nous asseyions sous leur ombre,
Et nous rêvions des jours sans nombre,
Hélas ! entre hier et demain !

Combien de fois, près du rivage
Où Nisida dort sur les mers,
La beauté crédule ou volage
Accourut à nos doux concerts !
Combien de fois la barque errante
Berça sur l'onde transparente
Deux couples par l'Amour conduits !
Tandis qu'une déesse amie
Jetait sur la vague endormie
Le voile parfumé des nuits !

Combien de fois, dans le délire
Qui succédait à nos festins,
Aux sons antiques de la lyre,
J'évoquai des songes divins !
Aux parfums des roses mourantes,
Aux vapeurs des coupes fumantes,
Ils volaient à nous tour à tour !
Et sur leurs ailes nuancées,
Dans les dédales de l'Amour !

Mais dans leur insensible pente,
Les jours qui succédaient aux jours
Entraînaient comme une eau courante
Et nos songes et nos amours ;
Pareil à la fleur fugitive
Qui du front joyeux d'un convive
Tombe avant l'heure du festin,
Ce bonheur que l'ivresse cueille,
De nos fronts tombant feuille à feuille,

Et maintenant, sur cet espace
Que nos pas ont déjà quitté,
Retourne-toi ! cherchons la trace
De l'amour, de la volupté !
En foulant leurs rives fanées,
Remontons le cours des années,
Tandis qu'un souvenir glacé,
Comme l'astre adouci des ombres,
Eclaire encor de teintes sombres
La scène vide du passé !

Ici, sur la scène du monde,
Se leva ton premier soleil !
Regarde ! quelle nuit profonde
A remplacé ce jour vermeil !
Tout sous les cieux semblait sourire,
La feuille, l'onde, le zéphire
Murmuraient des accords charmants !
Ecoute ! la feuille est flétrie !
Et les vents sur l'onde tarie
Rendent de sourds gémissements !

Cette mer aux flots argentés,
Qui ne fait que bercer l'image
Des bords dans son sein répétés ?
Un nom chéri vole sur l'onde !...
Mais pas une voix qui réponde,
Que le flot grondant sur l'écueil !
Malheureux ! quel nom tu prononces !
Ne vois-tu pas parmi ces ronces
Ce nom gravé sur un cercueil ?...

Plus **** sur la rive où s'épanche
Vois-tu ce palais qui se penche
Et jette une ombre au sein des eaux ?
Là, sous une forme étrangère,
Un ange exilé de sa sphère
D'un céleste amour t'enflamma !
Pourquoi trembler ? quel bruit t'étonne ?
Ce n'est qu'une ombre qui frissonne
Aux pas du mortel qu'elle aima !

Hélas ! partout où tu repasses,
C'est le deuil, le vide ou la mort,
Et rien n'a germé sur nos traces
Que la douleur ou le remord !
Voilà ce coeur où ta tendresse
Sema des fruits que ta vieillesse,
Hélas ! ne recueillera pas :
Là, l'oubli perdit ta mémoire !
Là, l'envie étouffa ta gloire !
Là, ta vertu fit des ingrats !

Là, l'illusion éclipsée
S'enfuit sous un nuage obscur !
Ici, l'espérance lassée
Replia ses ailes d'azur !
Là, sous la douleur qui le glace,
Ton sourire perdit sa grâce,
Ta voix oublia ses concerts !
Tes sens épuisés se plaignirent,
Et tes blonds cheveux se teignirent
Au souffle argenté des hivers !

Ainsi des rives étrangères,
Quand l'homme, à l'insu des tyrans,
Vers la demeure de ses pères
Porte en secret ses pas errants,
L'ivraie a couvert ses collines,
Son toit sacré pend en ruines,
Dans ses jardins l'onde a tari ;
Et sur le seuil qui fut sa joie,
Dans l'ombre un chien féroce aboie
Contre les mains qui l'ont nourri !

Mais ces sens qui s'appesantissent
Et du temps subissent la loi,
Ces yeux, ce coeur qui se ternissent,
Cette ombre enfin, ce n'est pas toi !
Sans regret, au flot des années,
Livre ces dépouilles fanées
Qu'enlève le souffle des jours,
La feuille aride et vagabonde
Que l'onde entraîne dans son cours !

Ce n'est plus le temps de sourire
A ces roses de peu de jours !
De mêler aux sons de la lyre
Les tendres soupirs des amours !
De semer sur des fonds stériles
Ces voeux, ces projets inutiles,
Par les vents du ciel emportés,
A qui le temps qui nous dévore
Ne donne pas l'heure d'éclore
Pendant nos rapides étés !

Levons les yeux vers la colline
Où luit l'étoile du matin !
Saluons la splendeur divine
Qui se lève dans le lointain !
Cette clarté pure et féconde
Aux yeux de l'âme éclaire un monde
Où la foi monte sans effort !
D'un saint espoir ton coeur palpite ;
Ami ! pour y voler plus vite,
Prenons les ailes de la mort !

En vain, dans ce désert aride,
Sous nos pas tout s'est effacé !
Viens ! où l'éternité réside,
On retrouve jusqu'au passé !
Là, sont nos rêves pleins de charmes,
Et nos adieux trempés de larmes,
Nos voeux et nos espoirs perdus !
Là, refleuriront nos jeunesses ;
Et les objets de nos tristesses
A nos regrets seront rendus !

Ainsi, quand les vents de l'automne
Ont balayé l'ombre des bois,
L'hirondelle agile abandonne
Le faîte du palais des rois !
Suivant le soleil dans sa course,
Elle remonte vers la source
D'où l'astre nous répand les jours ;
Et sur ses pas retrouve encore
Un autre ciel, une autre aurore,
Un autre nid pour ses amours !

Ce roi, dont la sainte tristesse
Immortalisa les douleurs,
Vit ainsi sa verte jeunesse
Se renouveler sous ses pleurs !
Sa harpe, à l'ombre de la tombe,
Soupirait comme la colombe
Sous les verts cyprès du Carmel !
Et son coeur, qu'une lampe éclaire,
Résonnait comme un sanctuaire
Où retentit l'hymne éternel !
Murmure autour de ma nacelle,
Douce mer dont les flots chéris,
Ainsi qu'une amante fidèle,
Jettent une plainte éternelle
Sur ces poétiques débris.

Que j'aime à flotter sur ton onde.
A l'heure où du haut du rocher
L'oranger, la vigne féconde,
Versent sur ta vague profonde
Une ombre propice au nocher !

Souvent, dans ma barque sans rame,
Me confiant à ton amour,
Comme pour assoupir mon âme,
Je ferme au branle de ta lame
Mes regards fatigués du jour.

Comme un coursier souple et docile
Dont on laisse flotter le mors,
Toujours, vers quelque frais asile,
Tu pousses ma barque fragile
Avec l'écume de tes bords.

Ah ! berce, berce, berce encore,
Berce pour la dernière fois,
Berce cet enfant qui t'adore,
Et qui depuis sa tendre aurore
N'a rêvé que l'onde et les bois !

Le Dieu qui décora le monde
De ton élément gracieux,
Afin qu'ici tout se réponde,
Fit les cieux pour briller sur l'onde,
L'onde pour réfléchir les cieux.

Aussi pur que dans ma paupière,
Le jour pénètre ton flot pur,
Et dans ta brillante carrière
Tu sembles rouler la lumière
Avec tes flots d'or et d'azur.

Aussi libre que la pensée,
Tu brises le vaisseau des rois,
Et dans ta colère insensée,
Fidèle au Dieu qui t'a lancée,
Tu ne t'arrêtes qu'à sa voix.

De l'infini sublime image,
De flots en flots l'oeil emporté
Te suit en vain de plage en plage,
L'esprit cherche en vain ton rivage,
Comme ceux de l'éternité.

Ta voix majestueuse et douce
Fait trembler l'écho de tes bords,
Ou sur l'herbe qui te repousse,
Comme le zéphyr dans la mousse,
Murmure de mourants accords.

Que je t'aime, ô vague assouplie,
Quand, sous mon timide vaisseau,
Comme un géant qui s'humilie,
Sous ce vain poids l'onde qui plie
Me creuse un liquide berceau.

Que je t'aime quand, le zéphire
Endormi dans tes antres frais,
Ton rivage semble sourire
De voir dans ton sein qu'il admire
Flotter l'ombre de ses forêts !

Que je t'aime quand sur ma poupe
Des festons de mille couleurs,
Pendant au vent qui les découpe,
Te couronnent comme une coupe
Dont les bords sont voilés de fleurs !

Qu'il est doux, quand le vent caresse
Ton sein mollement agité,
De voir, sous ma main qui la presse,
Ta vague, qui s'enfle et s'abaisse
Comme le sein de la beauté !

Viens, à ma barque fugitive
Viens donner le baiser d'adieux ;
Roule autour une voix plaintive,
Et de l'écume de ta rive
Mouille encor mon front et mes yeux.

Laisse sur ta plaine mobile
Flotter ma nacelle à son gré,
Ou sous l'antre de la sibylle,
Ou sur le tombeau de Virgile :
Chacun de tes flots m'est sacré.

Partout, sur ta rive chérie,
Où l'amour éveilla mon coeur,
Mon âme, à sa vue attendrie,
Trouve un asile, une patrie,
Et des débris de son bonheur,

Flotte au hasard : sur quelque plage
Que tu me fasses dériver,
Chaque flot m'apporte une image ;
Chaque rocher de ton rivage
Me fait souvenir ou rêver...
Il est des maux sans nom, dont la morne amertume
Change en affreuses nuits les jours qu'elle consume.
Se plaindre est impossible ; on ne sait plus parler ;
Les pleurs même du cœur refusent de couler.
On ne se souvient pas, perdu dans le naufrage,
De quel astre inclément s'est échappé l'orage.
Qu'importe ? Le malheur s'est étendu partout ;
Le passé n'est qu'une ombre, et l'attente un dégoût.

C'est quand on a perdu tout appui de soi-même ;
C'est quand on n'aime plus, que plus rien ne nous aime ;
C'est quand on sent mourir son regard attaché
Sur un bonheur lointain qu'on a longtemps cherché,
Créé pour nous peut-être ! et qu'indigne d'atteindre,
On voit comme un rayon trembler, fuir ... et s'éteindre.

— The End —