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Prière aux innocents.

Beaux innocents, morts à minuit,
Réveillés quand la lune luit !

Descendez sur mon front qui pleure
Et sauvez-moi d'entendre l'heure.
L'heure qui sonne fait souffrir
Quand la vie est triste à mourir ;
C'est l'espérance qui nous quitte,
C'est le pouls du temps qui bat vite.

Petits trépassés de minuit,
Endormez mon coeur qui me nuit !

Pudiques sanglots de vos mères,
Doux fruits des voluptés amères,
Soufflez dans mon sort pâlissant
De la foi le feu tout puissant :
La foi ! c'est l'haleine des anges,
C'est l'amour, sans flammes étranges.

Beaux petits anges de minuit,
Epurez mon coeur qui me nuit !

Fleurs entre le ciel et la tombe,
Portez à Dieu l'âme qui tombe ;
Parlez à la reine des cieux
Des pleurs qui rougissent mes yeux ;
Ramassez la fleur de la terre
Qui meurt foulée et solitaire.

Beaux petits enfants de minuit,
Relevez mon coeur qui me nuit !

La terre a séché mon haleine ;
Je parle et je m'entends à peine.
Ecoutez : j'ai perdu l'accent
Du ciel, d'où votre vol descend.
Chantez mon nom seul à ma mère,
Pour qu'il rentre dans sa prière.

Beaux innocents, morts à minuit,
Desserrez mon coeur qui me nuit !

Sur votre jeune aile qui vole
Elevez ma faible parole :
Il faut que je pleure trop bas
Puisque le ciel ne m'entend pas.
Mais quoi ? N'entend-il pas la feuille
Gémir, quand l'orage la cueille ?

Enfants réveillés à minuit,
Apaisez mon coeur qui me nuit !

Dites-moi si dans votre monde
La mémoire est calme et profonde ;
Déchirez mon obscurité,
Rayons blancs de l'éternité ;
Vous tous qui m'avez entendue,
Répondez-moi : suis-je perdue ? ...

Beaux petits enfants de minuit,
Eclairez mon coeur qui me nuit !

Planez sur les maisons fermées
De nos jeunes soeurs bien-aimées ;
Que les vierges n'entendent pas
Le démon soupirer tout bas !
A minuit, les maisons ouvertes
Présagent tant de tombes vertes !

Heureux enfants morts à minuit,
Eteignez mon coeur qui me nuit !
David Nelson Sep 2011
Minuit à Paris

oui, oui Missour, excusez-moi s'il vous plaît,
peux je prendre vos sacs, être bienvenu au Ritz
Je suis plus sûr, vous apprécierez votre séjour
Paris est le plus heureux, vous voir M. Fitz

Paris au printemps est une si jolie vue
les fleurs tous dans l'éclat, l'horizon la nuit
le soleil brillant shinning maintenant, peut-être une ****** d'après-midi
planifiez votre jour bien avant vous le trajet en haut dans la tour

le fait de promener devant le cathederal de Dame Notre
le fait de penser au carillonneur le vieux bossu
comme la liberté de Philadelphie, la cloche a un craquement
le fait de prendre d'assaut du Bastille, pour soulager la honte

au Louvre pour la plupart d'art exqusite
Rembrandt et DaVinci à leur meilleur
tant de choses à voir c'est juste le début
voir tout cela serait une quête fantastique

le temps pour un trajet en bas le fleuve de Seine
les vues étonnantes cette vieille ville peuvent livrer
une bouteille de Vouvray agréable pour améliorer le trajet
une jolie femme locale directement par votre côté

maintenant vous pourriez lui demander si elle aime danser
car les clubs dans Paree sont oh si parfaits
le club la Plage aussi un grand endroit pour dîner
un temps magnifique, le Minuit à Paris, France

Gomer LePoet
Paul d'Aubin Dec 2016
Ce Matin-là !

(Il est encore Minuit dans notre nouveau siècle)

Ce Matin-là, six heures,
Le ciel est couleur plomb fondu
Et **** de nos lits chauds de France,
Là-bas, dans ce croissant qui fut autrefois fertile,
La loi de l'humiliation maximale
Et de l’épuisement de nos réflexes
Vitaux de dignité et d'honneur
Vient encore d'abaisser le niveau d’où l'être devra
encore plus plier l'échine et user de la reptation
pour faire admettre et tolérer
Ses petites et grandes lâchetés.
Et ces nouveaux « grands cimetières sous la lune »
Ou sont enfouis leur monceaux de victimes
données en sacrifice à ce nouveau Dieux Moloch
de l'indifférence et de la mort, des guerres de religion.
des ingérences internationales, des haines et rivalités régionales.
Nous n'avons plus, pour fonder ce grand vide,
Que certains flamboiements du passe,
Qui ont perdu leur valeur d'exemple et leur force propulsive.
Et ce nouveau Tsar, aussi prodige en Oukases et en menaces
qu'il l'est de myriades de « Guernica renouvelés ».
Il est aujourd'hui, de nouveau, « Minuit dans notre nouveau siècle »
Sans que l'on sache discerner quels sont les acteurs réels et les responsables majeurs
De ce désastre humain,
Dans son entre lac de rivalité et de tumultes
Pressant la gorge d'une nation agonisante dépecée aux quatre horizons de ses points cardinaux.
Les simplificateurs de nos raisons de mourir et leurs distributeurs d'indulgences plénières
et de permis de tuer,
Ont du mal à convaincre leurs habituels condottiere de l'idéal.
Et jamais l'odeur de mort ne fut moins masquée que dans ce combat de désespérés et de furieux,
Nos présentes guerres ont bien du mal à se la jouer chevaleresques et « justes causes »
Ce qui n'empêche pas les enfants de souffrir et de mourir,
dans cette « Terre de Cham » de tous les cauchemars et de toutes les souffrances,
pas si **** des hauteurs béantes où la citadelle d'Alamut reste fidèle à son sombre et meurtrier prestige.
Tu n'as vu jusqu'ici naître aucun message de vie, neuf, pour les êtres,
Et ton chaudron de haine et de vengeances engendre sa part nouvelle de serpents et de dragons,
Qui viennent répandre l'épouvante dans les endroits et les lieux de notre douce France
et mêmes dans ce Molenbeeck Belge.
Méfions-nous de la haute nuit ou se déroulent ces sabbat de tueurs.
Car il est de ces nuits noires qui glacent le sang et exportent de sombres guerriers.
Il est aussi de nouveaux « vieux de la Montagne » qui nous envoient leurs nouveaux « haschischins » et leurs messagers porteurs de meurtres cruels.
Là où il faudrait des paroles d'amour et des impositions de mains.
La guerre ne sait nourrir que la guerre !
Et toute diplomatie n' est que trop souvent l'antichambre de l'art de tuer et de terroriser
en brouillant les cartes.
Il est comme aujourd'hui des périodes,
Ou dans le creux des lits et du val de France surgissent des tueurs blêmes,
Et des menaces à prendre au sérieux.
Mais hélas, l'on ne peut impunément demander à vivre en Paix
si près des brasiers rallumés et des guerres de cent années rouvertes.

Paul Arrighi

(Ce texte crépusculaire a été écrit à Toulouse le 22 décembre 2016, date ultime de la « chute » d ' Alep)
(Ce texte crépusculaire a été écrit à Toulouse le 22 décembre 2016, date ultime de la « chute » d ' Alep)
La neige à travers la brume

Tombe et tapisse sans bruit

Le chemin creux qui conduit

A l'église où l'on allume

Pour la messe de minuit.


Londres sombre flambe et fume ;

La chère qui s'y cuit

Et la boisson qui s'ensuit !

C'est Christmas et sa coutume

De minuit jusqu'à minuit.


Sur la plume et le bitume,

Paris bruit et jouit.

Ripaille et Plaisant déduit

Sur le bitume et la plume

S'exaspèrent dès minuit.


Le malade en l'amertume

De l'hospice où le poursuit

Un espoir toujours détruit

S'épouvante et se consume

Dans le noir d'un long minuit...


La cloche au son clair d'enclume

Dans la cour fine qui luit,

**** du péché qui nous nuit,

Nous appelle en grand costume

A la messe de minuit.
Une minute encore, madame, et cette année,

Commencée avec vous, avec vous terminée,

Ne sera plus qu'un souvenir.

Minuit ! Voilà son glas que la pendule sonne,

Elle s'en est allée en un lieu d'où personne

Ne peut la faire revenir.


Quelque part, ****, bien ****, par-delà les étoiles,

Dans un pays sans nom, ombreux et plein de voiles,

Sur le bord du néant jeté ;

Limbes de l'impalpable, invisible royaume

Où va ce qui n'a pas de corps ni de fantôme,

Ce qui n'est rien, ayant été ;


Où va le son, où va le souffle ; où va la flamme,

La vision qu'en rêve on perçoit avec l'âme,

L'amour de notre cœur chassé ;

La pensée inconnue éclose en notre tête ;

L'ombre qu'en s'y mirant dans la glace on projette ;

Le présent qui se fait passé ;


Un acompte d'un an pris sur les ans qu'à vivre

Dieu veut bien nous prêter ; une feuille du livre

Tournée avec le doigt du temps ;

Une scène nouvelle à rajouter au drame,

Un chapitre de plus au roman dont la trame

S'embrouille d'instants en instants ;


Un autre pas de fait dans cette route morne

De la vie et du temps, dont la dernière borne,

Proche ou lointaine, est un tombeau ;

Où l'on ne peut poser le pied qu'il ne s'enfonce,

Où de votre bonheur toujours à chaque ronce

Derrière vous reste un lambeau.


Du haut de cette année avec labeur gravie,

Me tournant vers ce moi qui n'est plus dans ma vie

Qu'un souvenir presque effacé,

Avant qu'il ne se plonge au sein de l'ombre noire,

Je contemple un moment, des yeux de la mémoire,

Le vaste horizon du passé.


Ainsi le voyageur, du haut de la colline,

Avant que tout à fait le versant qui s'incline

Ne les dérobe à son regard,

Jette un dernier coup d'œil sur les campagnes bleues

Qu'il vient de parcourir, comptant combien de lieues

Il a fait depuis son départ.


Mes ans évanouis à mes pieds se déploient

Comme une plaine obscure où quelques points chatoient

D'un rayon de soleil frappés :

Sur les plans éloignés qu'un brouillard d'oubli cache,

Une époque, un détail nettement se détache

Et revit à mes yeux trompés.


Ce qui fut moi jadis m'apparaît : silhouette

Qui ne ressemble plus au moi qu'elle répète ;

Portrait sans modèle aujourd'hui ;

Spectre dont le cadavre est vivant ; ombre morte

Que le passé ravit au présent qu'il emporte ;

Reflet dont le corps s'est enfui.


J'hésite en me voyant devant moi reparaître,

Hélas ! Et j'ai souvent peine à me reconnaître

Sous ma figure d'autrefois,

Comme un homme qu'on met tout à coup en présence

De quelque ancien ami dont l'âge et dont l'absence

Ont changé les traits et la voix.


Tant de choses depuis, par cette pauvre tête,

Ont passé ! Dans cette âme et ce cœur de poète,

Comme dans l'aire des aiglons,

Tant d'œuvres que couva l'aile de ma pensée

Se débattent, heurtant leur coquille brisée

Avec leurs ongles déjà longs !


Je ne suis plus le même : âme et corps, tout diffère,

Hors le nom, rien de moi n'est resté ; mais qu'y faire ?

Marcher en avant, oublier.

On ne peut sur le temps reprendre une minute,

Ni faire remonter un grain après sa chute

Au fond du fatal sablier.


La tête de l'enfant n'est plus dans cette tête

Maigre, décolorée, ainsi que me l'ont faite

L'étude austère et les soucis.

Vous n'en trouveriez rien sur ce front qui médite

Et dont quelque tourmente intérieure agite

Comme deux serpents les sourcils.


Ma joue était sans plis, toute rose, et ma lèvre

Aux coins toujours arqués riait ; jamais la fièvre

N'en avait noirci le corail.

Mes yeux, vierges de pleurs, avaient des étincelles

Qu'ils n'ont plus maintenant, et leurs claires prunelles

Doublaient le ciel dans leur émail.


Mon cœur avait mon âge, il ignorait la vie,

Aucune illusion, amèrement ravie,

Jeune, ne l'avait rendu vieux ;

Il s'épanouissait à toute chose belle,

Et dans cette existence encore pour lui nouvelle,

Le mal était bien, le bien, mieux.


Ma poésie, enfant à la grâce ingénue,

Les cheveux dénoués, sans corset, jambe nue,

Un brin de folle avoine en main,

Avec son collier fait de perles de rosée,

Sa robe prismatique au soleil irisée,

Allait chantant par le chemin.


Et puis l'âge est venu qui donne la science :

J'ai lu Werther, René, son frère d'alliance,

Ces livres, vrais poisons du cœur,

Qui déflorent la vie et nous dégoûtent d'elle,

Dont chaque mot vous porte une atteinte mortelle ;

Byron et son don Juan moqueur.


Ce fut un dur réveil : ayant vu que les songes

Dont je m'étais bercé n'étaient que des mensonges,

Les croyances, des hochets creux,

Je cherchai la gangrène au fond de tout, et, comme

Je la trouvai toujours, je pris en haine l'homme,

Et je devins bien malheureux.


La pensée et la forme ont passé comme un rêve.

Mais que fait donc le temps de ce qu'il nous enlève ?

Dans quel coin du chaos met-il

Ces aspects oubliés comme l'habit qu'on change,

Tous ces moi du même homme ? Et quel royaume étrange

Leur sert de patrie ou d'exil ?


Dieu seul peut le savoir, c'est un profond mystère ;

Nous le saurons peut-être à la fin, car la terre

Que la pioche jette au cercueil

Avec sa sombre voix explique bien des choses ;

Des effets, dans la tombe, on comprend mieux les causes.

L'éternité commence au seuil.


L'on voit... Mais veuillez bien me pardonner, madame,

De vous entretenir de tout cela. Mon âme,

Ainsi qu'un vase trop rempli,

Déborde, laissant choir mille vagues pensées,

Et ces ressouvenirs d'illusions passées

Rembrunissent mon front pâli.


« Eh ! Que vous fait cela, dites-vous, tête folle,

De vous inquiéter d'une ombre qui s'envole ?

Pourquoi donc vouloir retenir

Comme un enfant mutin sa mère par la robe,

Ce passé qui s'en va ? De ce qu'il vous dérobe

Consolez-vous par l'avenir.


« Regardez ; devant vous l'horizon est immense ;

C'est l'aube de la vie et votre jour commence ;

Le ciel est bleu, le soleil luit ;

La route de ce monde est pour vous une allée,

Comme celle d'un parc, pleine d'ombre et sablée ;

Marchez où le temps vous conduit.


« Que voulez-vous de plus ? Tout vous rit, l'on vous aime.

- Oh ! Vous avez raison, je me le dis moi-même,

L'avenir devrait m'être cher ;

Mais c'est en vain, hélas ! Que votre voix m'exhorte ;

Je rêve, et mon baiser à votre front avorte,

Et je me sens le cœur amer. »
La pendule, sonnant minuit,
Ironiquement nous engage
A nous rappeler quel usage
Nous fîmes du jour qui s'enfuit :
- Aujourd'hui, date fatidique,
Vendredi, treize, nous avons,
Malgré tout ce que nous savons,
Mené le train d'un hérétique ;

Nous avons blasphémé Jésus,
Des Dieux le plus incontestable !
Comme un parasite à la table
De quelque monstrueux Crésus,
Nous avons, pour plaire à la brute,
Digne vassale des Démons,
Insulté ce que nous aimons
Et flatté ce qui nous rebute ;

Contristé, servile bourreau
Le faible qu'à tort on méprise ;
Salué l'énorme Bêtise,
La Bêtise au front de taureau ;
Baisé la stupide Matière
Avec grande dévotion,
Et de la putréfaction
Béni la blafarde lumière ;

Enfin, nous avons, pour noyer
Le vertige dans le délire,
Nous, prêtre orgueilleux de la Lyre,
Dont la gloire est de déployer
L'ivresse des choses funèbres,
Bu sans soif et mangé sans faim !...
- Vite soufflons la lampe, afin
De nous cacher dans les ténèbres !
John F McCullagh Nov 2015
Il est VALIDATION dans la Ville des Lumières
Alors que le bilan de ces attaques sont évaluées.
Au ****, je l'entends encore sons rudes des sirènes
Comme notre corps d'ambulanciers est aux abois
Ils vont me hanter dans le sommeil, tous ces jeunes visages morts,
que je chasse ceux qui ont commis ces crimes.
Il est trois heures du matin et ma tête crie pour le café;
La caféine me aide quand je suis privé de sommeil.

La puanteur de -fer sang ne peut pas être échappé
Il est trempé dans les chaises à cushioned-
Je prends en bas de la déclaration de celui qui survived-
Ce soir, cette bonne fortune était rare.
Il fait le mort et a vécu, avec la mort tout autour,
dans ce théâtre de la mort et le désespoir.
"Ils ont massacré les otages, un à la fois,
leur but était de tuer tout le monde ".
"Ils ont assassiné mon amant, ils ont assassiné mon ami,
Je regardais mort, gisant dans leur sang trempé ".
After Midnight, at the Bataclan

It is quieting down in the City of Lights
As the toll from these attacks are assessed.
In the distance I still hear the sirens’ harsh sounds
As our ambulance corps is hard pressed
They will haunt me in sleep, all these young dead faces,
as I hunt those who committed these crimes.
It is three in the morning and my head screams for coffee;
Caffeine helps me when I’m sleep deprived.

The stench of blood –iron cannot be escaped
It’s soaked into the cushioned- back chairs
I take down the statement of one who survived-
Tonight such good fortune was rare.
He feigned death and lived, with Death all around,
in this theatre of death and despair.
“They slaughtered the hostages, one at a time,
their aim was to **** everyone.”
“They murdered my lover, they murdered my friend,
I looked dead, lying drenched in their blood.”

.
noa harriott Dec 2013
lips like wine stain
my cheeks dark and red
(i am drunk)
i slur a prayer and
you stoke the flames in my
belly, they pour out my mouth
they are in the air and
in your eyes

in the dark i see far
more of you than
ever before,
in the dark i know i never knew you.
trace me, disheveled,
i want to see what you see,
too
(c) noa harriott
Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l'enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C'était hier que je t'ai dit
Nous dormirons ensemble

C'était hier et c'est demain
Je n'ai plus que toi de chemin
J'ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l'amble
Tout ce qu'il a de temps humain
Nous dormirons ensemble

Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J'ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t'aime que j'en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble.
xxMinuit ! l'année expire ; et l'année est éclose.
Une reine nouvelle entre dans l'univers :
Reine enfant, dans ses mains que de hochets divers !
Que son sceptre est léger sur l'enfant qui repose !
Je voudrais l'être encor pour te voir plus longtemps,
Pour sentir ton berceau près de ma frêle vie,
Pour enchaîner ma trame à tes premiers instants,
Pour être de toi seul et charmée et suivie !
Au doux frémissement dont l'air est agité,
Aux ardentes lueurs que la lampe a jeté,
On dirait que le ciel entr'ouvre ma demeure ;
La jeune Année y tinte ; et, d'un vœu tourmenté,
Tu reviens avec moi goûter sa première heure !
D'une aile palpitante elle étend les ressorts ;
Ses jours, déjà comptés, couvent sous sa ceinture.
Qu'ils soient riches de fleurs, nos faciles trésors,
Nos parfums, seul encens dont j'aime la culture !

Après tant de contrainte, ô toi qui m'es rendu,
Dans le désordre heureux de la foule écoulée,
Que ta ruse est charmante ! et que j'en suis troublée !
Minuit nous frappe ensemble, et je n'ai rien perdu !
J'enlace dans tes bras à la fois deux années ;
Une chaîne de plus serre nos destinées !
Quel bonheur ! je la vois naître dans ton regard :
En l'écoutant venir tes vœux m'ont embrasée ;
J'ai salué du cœur ta rêveuse pensée ;
Et la force me manque à te dire : Il est ****.

Il n'est pas **** : Minuit ! Le timbre vibre encore ;
Écoute : c'est l'adieu d'un si doux souvenir !
Écoute : c'est l'espoir d'un si doux avenir !
Du temps pour les cœurs purs que la voix est sonore !
Comme il est plein d'amour en passant près de toi !
Il compte nos soupirs... Entends-tu comme moi ?
Ce qu'il t'a révélé voudras-tu me l'apprendre ?
Oui, viens ! d'autres que toi ne me font rien comprendre.
On croit mes jours troublés d'un triste égarement,
Et tu les as comblés d'espérance et de joie ;
Mais, pour oser répandre un si cher sentiment,
Il faut que je te parle, il faut que je te voie.
Dans tes bras je sais tout ; et demain tu viendras ;
Laisse-moi donc ce soir me sauver de tes bras.
Quand je t'attends, demain, c'est le nom de la vie ;
C'est le ciel sans mourir ; et tu réponds : Demain !
Tes yeux parlent sur moi, ta main est dans ma main ;
Ne promets rien de plus à mon âme ravie.
Que demander ? J'existe et j'aime ! Ah ! sans remord,
Reprends... si tu le peux, ton âme trop charmée :
Que faire d'un serment quand on se sent aimée ?
Quand on cesse de l'être, empêche-t-il la mort ?

Du feu de tes baisers ne sèche pas mes larmes :
Je te la dois cette heure où nous vivons tout bas :
Je ne donnerais pas ses furtives alarmes
Pour l'éternité même où tu ne serais pas,
Ne promets rien de plus ; forte est la destinée !
Va chercher le repos, il n'est pas en ce lieu ;
Va ! nous n'arrêtons pas la diligente année,
Par nos semblants d'adieux qui prolongent l'adieu.
Aime-la ! que demain sa couronne éphémère
Touche tes yeux fermés sous son premier sommeil !
Qu'elle apporte à ton cœur, dans le plus frais réveil,
Un souvenir d'enfance, un baiser de ta mère !
Ta mère ! et puis ta gloire ; et puis pas un regret.
Moi, si je n'ai plus d'heure à cette heure pareille,
Que son doux souvenir, penché vers mon oreille,
Jusqu'à mon dernier jour m'en reparle en secret !

Me voilà seule : il marche au pied de ma croisée ;
Comme un flambeau, sur lui, la lune s'est posée ;
Elle éclaire ses pas qu'il poursuit lentement :
Les bras tendus vers moi j'ai vu glisser son ombre.
Quelle nuit ! l'amour même enchante l'hiver sombre ;
Et l'heure qui s'oublie escorte mon amant !

Jeune Année ! aujourd'hui ne lui dis rien d'austère ;
Flatte-le de ma vie : il craint la mort pour moi,
Dis que pas un roseau ne tombera sous toi ;
Promets-lui... tous les biens qu'il souhaite à la terre,
Dis qu'un timbre éclatant, sur notre âge arrêté,
Frappera dans ton cours son âme généreuse ;
Dis que ton sein, fécond pour sa jeunesse heureuse,
Enfantera la liberté !

Je suis seule... et c'est Dieu qui juge la prière !
L'ingrat ! il n'a pensé qu'à moi seule aujourd'hui !
Dieu ! je voudrais vers vous remonter la première,
Pour vous la demander, et l'envoyer vers lui !
Moi mouchard ?... oui, madame Phaïlle,
Comme on Vous nomme dans l'endroit,
Que Tu ravis avec ta taille,
Où tu prends du bout d'une paille,
Au temps chaud, ton sorbet... très froid.

À l'Ictinus ! près de la place
Et du palais de Médicis,
Tu t'asseyais, pâle, un peu lasse ;
Et ta grenadine à la glace
Souriait, rose, à mon cassis.

Beau café ; terrasse ; pratique
Chère aux chanteurs du vieux Faubourg ;
À proximité fantastique
De l'Odéon ; vue artistique
Sur les arbres du Luxembourg.

Je disais ? ah !... ceci, Madame,
Que s'il est un pauvre mouchard
Sur la galère noire où rame
L'esclave du Paris infâme,
Sans l'excuse d'être pochard,

C'est moi, je n'en connais pas d'autre,
Chefs ni roussins. C'est entendu.
Ah ! si ! j'en connais un... l'apôtre...
Ô catholiques, c'est le nôtre ;
Oui, le seul... qui se soit pendu.

Nul n'a ramassé son nom sale ;
L'amour n'a plus redit ce nom.
La chose était trop... colossale !
Qu'un père appelle... Élagabale
Son fils... à la rigueur... mais... non.

Ah ! Madame ! que ça de fête !
J'en connais un second : Javert.
Le Javert chéri du poète,
Qui dit la messe... avec sa tête !
Triste prêtre du bonnet vert !

Mais ça vous pose ! on vous renomme
Chez les gueux et chez les richards !
On croit troubler le pape à Rome !
Et ça fait de vous un grand homme,
Vénéré de tous les mouchards.

Mon Javert, dit-il, est honnête.
Honnête ! où vas-tu te fourrer ?
Ce n'est pas sublime, c'est bête :
Autant contempler la lunette
Où le trou du cul vient pleurer.

Un mouchard, mais ça vend son âme !
Comment, son âme ! son ami !
Ça vendrait son fils ; une femme !
Pourquoi non ? C'est dans... le programme,
On n'est pas honnête à demi.

Ça vendrait n'importe laquelle
D'entre les femmes d'à présent !
Quand je songe que la séquelle
Pourrait t'effleurer de son aile
Ne serait-ce qu'en te rasant,

Comme Éole, qui souffle et cause
Des ravages dans le faubourg
Où, la nuit, Montmartre repose,
Peut importuner une Rose
Dans le jardin du Luxembourg ;

Moins : comme le zéphir, qui rôde,
Vent, on peut dire, un peu balourd,
Mais bon zouave, allant en maraude,
Peut froisser la Fleur la plus chaude
Des plus blanches du Luxembourg ;

Moins : comme une anthère blessée
Par la brise folle qui court,
Sa chemisette retroussée,
Peut entêter une Pensée
La plus belle du Luxembourg.

Moins : comme la vergue cassée
D'un marin, retour de Cabourg,
Fier de sa flotte cuirassée,
Fait se tourner une Pensée
Vers le bassin du Luxembourg ;

Moins : comme une vesce élancée
Par une bague de velours,
Lui fichant sa douce fessée,
Distrait la plus sage Pensée
De l'un et l'autre Luxembourgs ;

Rien que ça ! ce serait la pire
Des injustices envers Toi.
Il est minuit, je me retire.
D'ailleurs, j'ai quelque chose à dire
Au Préfet de Police, moi.

Toi, toutes les femmes sont bonnes,
Tu m'entends ; seules, ou par deux ;
N'appartenant qu'à leurs personnes ;
Quant à tes mouchards... ces colonnes ?
Dis plutôt... ces bâtons merdeux,

Tu vas tous les foutre à la porte ;
Mais, en assurant leurs vieux jours ;
Jusqu'à l'heure où le char emporte,
La dernière... retraite... morte,
Et laisse faire les amours.

Ce sont tes pieds ? Chacun y pisse.
Honneur aux pieds estropiés !
Mais les tiens ! tu sais où ça glisse !
Donc... mon beau Préfet de Police,
Laisse-moi... te laver les pieds...

Assieds-toi ; jette au feu ta honte,
Au vent tous tes affreux papiers !
Fais remplir un bassin en fonte ;
Comme les pieds des douze, compte...
Laisse-moi... te laver les pieds...

Tes pieds aussi noirs que la suie,
Comme moi-même je les eus,
Baignant dans les eaux de sa pluie,
Et souffre que je les essuie
Avec le linge de JÉSUS.
MINUIT.

Le frêle esquif sur la mer sombre
Sombre ;
La foudre perce d'un éclair
L'air.

C'est minuit. L'eau gémit, le tremble
Tremble,
Et tout bruit dans le manoir
Noir ;

Sur la tour inhospitalière ;
Lierre,
Dans les fossés du haut donjon,
Jonc ;

Dans les cours, dans les colossales
Salles,
Et dans les cloîtres du couvent,
Vent.

La cloche, de son aile atteinte ;
Tinte ;
Et son bruit tremble en s'envolant,
Lent.

Le son qui dans l'air se disperse
Perce
La tombe où le mort inconnu,
Nu,

Épelant quelque obscur problème
Blême,
Tandis qu'au **** le vent mugit ;
Gît.

Tous se répandent dans les ombres,
Sombres,
Rois, reines, clercs ; soudards, nonnains,
Nains.

La voix qu'ils élèvent ensemble
Semble
Le dernier soupir qu'un mourant
Rend.

Les ombres vont au clair de lune,
L'une
En mitre, et l'autre en chaperon
Rond.

Celle-ci qui roule un rosaire
Serre
Dans ses bras un enfant tremblant,
Blanc.

Celle-là, voilée et touchante,
Chante
Au bord d'un gouffre où le serpent
Pend.

D'autres, qui dans Pair se promènent,
Mènent
Par monts et vaux des palefrois,
Froids.

L'enfant mort, à la pâle joue,
Joue ;
Le gnome grimace, et l'Esprit
Rit :

On dirait que le beffroi pleure ;
L'heure
Semble dire en traînant son glas :
Las !

Enfant ! retourne dans ta tombe !
Tombe
Sous le pavé des corridors,  
Dors !

L'enfer souillerait ta faiblesse.
Laisse
Ses banquets à tes envieux,
Vieux.

C'est aller au sabbat trop jeune !
Jeûne,
Garde-toi de leurs jeux hideux,
D'eux !

Vois-tu dans la sainte phalange
L'ange
Qui vient t'ouvrir le paradis,
Dis ?

Ainsi la mort nous chasse et nous foule,
Foule
De héros petits et d'étroits
Rois.

Attilas, Césars, Cléopâtres,
Pâtres,
Vieillards narquois et jouvenceaux,
Sots,

Bons évêques à charge d'âmes,
Dames,
Saints docteurs, lansquenets fougueux,
Gueux,

Nous serons un jour, barons, prêtres,
Reîtres,
Avec nos voeux et nos remords
Morts.

Pour moi, quand l'ange qui réclame
L'âme
Se viendra sur ma couche un soir
Seoir ;

Alors, quand sous la pierre froide,
Roide ;
Je ferai le somme de plomb,
Long ;

Ô toi, qui dans mes fautes mêmes,
M'aimes,
Viens vite, si tu te souviens,
Viens

T'étendre à ma droite, endormie,
Mie ;
Car on a froid dans le linceul,
Seul.

Le 26 décembre 1827.
À Manoel de Barros

PSAUME I

Tapi dans la mangrove, bondissant...sautant-matant

Le ciel aux trois-quarts nu

De giraumon, de pissat et de sang...

Assis sur le trottoir, le ciel tousse

Kein-hein kein-hein

Ivre de parfums rouges errants,

De brocarts et de confettis à ses trousses.

Assis à marée basse, électrique...

Insensible aux chevaux des dieux

Qui tournoient

Au-dessus des tambours

Qui chavirent

Insensibles

Aux orgues charnelles

Des moites guérisseuses...

Le ciel caracole,

Glisse, contorsionniste,

Mascarade immobile

Démêlant le cours des amours burlesques

Entre les atolls obscurs

De pistaches et de bonbons,

D’anges et de démons...

Cabriole, tiède et poisseux,

Cisaille à contre-jour

L’orpailleur en transe

Aboyant dans le sérail de mes âmes

Sevrées, esseulées...

L’aube culbute

Dans les lambeaux du gouffre

Dans les calypsos du soleil

D’où sourdent, dégénérées,

Les jambes et les larmes

Qui fraient encore, exotiques

Sur les pilotis

Du carnaval nocturne

D’où va saillir le jour.

PSAUME II

Il pleut sur le kiosque des songes

Des encres mornes

Comme des brindilles

Enfantées de l’œuf tiède

Où s’aimante

Délicieusement noire

La mygale

Fleuve des nuages

Qui emballe

De son ouate ludique

Le rayon nain

Dérobé

Au serpent arc-en-ciel

Enfin rassasié

PSAUME III

Tellurique, dame Terre esquive les amarres

Effervescentes. Le ciel, hameçon entre les îles,

Rayonne, entonne l’odyssée perpétuelle,

Pion libre dans l’espace

Sempiternellement baigné par les baumes

Incendiaires du soleil obèse, son jumeau

Complice des moissons violées, œcuménique,

Humble, jadis et toujours, Terre :

Oasis, océan, oxygène, oeil

Revêtu d’or, jardin où les ombres basses

Exultent, balbutiant des airs amnésiques..."

PSAUME IV

Rebelle lascive

Telle la lune blette

Suçant les corps subtils

Des mangues sauvages

Enroulées dans la pluie d’obsidienne...

Courtisane de toutes les brousses

Avaleuse de poisson vivant

Pour mieux apprendre à nager

Dans les moues du fleuve douillet...

Les lacets se cabrent, dans un baiser de peaux, de tôles et de croix

Les laves du dernier décan affleurent,

Saupoudrent l’écloserie de marbre humide

Et la pellicule humide de feu cru

Enfouit les dieux écartelés

Aux moues du fleuve endiablé..."

PSAUME V

Soudain pagayer dans le vent et découdre l’odeur légère de la forêt

Chasser les désirs cueillis dans la poudre des oiseaux rares

Et repriser dans les entrailles des pétales juteux...

Puis amarrer à la lumière verticale des matins

Un éclair avec le mot “boum”.

PSAUME VI

"Nomades, où sont les nuits ?"

Grince l’arc débandé du soleil

Embrassé à la portée de cristal

Des nuages en menstrues...

Peut-être que la nuit décante
Blottie dans le nid du large

Faite une enfant, se vautre

Sous les flottilles de jasmin

Dévastant les marées,

Traquant le ressac du temps...

Peut-être que la nuit accouche
Bien après les chaleurs

Faite une gueuse, brise

De son cœur de soprano

Les rames de glace de la lune qui s’épand

Dans un banc d’aquarelles...

Ou peut-être, la nuit, peut-être

La nuit, lisse et lasse,

Allaite les étoiles prises

Aux moustiquaires de cendre

Où le ciel foudroyé

Bat en retraite la chamade.

Peut-être qu’elle arraisonne
Les frêles écailles de l’orgasme total

Pour que nul ne sache

Qu’elle est née sans nombril,

Pour que nul ne sache

Qu’elle est grosse d’un jour

Au goût de sel...

PSAUME VII

"Abysses en vue !" vocifère l’huile en larmes

Faisant voler dans l’onguent vagabond

Les feux follets sortis de leur miroir,

Condors de phosphore, cyclones désemparés

Où se bousculent, palefrenières distraites,

Les couleurs qui rient en allant au supplice...

En chapelets, la lumière débouche, foule, broute,

S’autodévore sous la caresse des truelles,

Moud les étincelles, les taches, les brèches

En route vers le seuil du sacrifice,

Et dans l’embellie de l’œil

Éclot le prétendant buriné

Dans l’apothéose du matin soigneusement peint...

PSAUME VIII

Noyée dans la saumure en flammes

Du soir délicieusement grand ouvert, l’indicible lueur

Cloîtrée dans son écrin liquide

Jalonné de boues, moustiques et palétuviers,

Harponne la braise moribonde de charbon rose

Innombrable qui serpente dans le cirque de sable

A force de nager, à force de nager

Éternellement à joncher les grèves de l’arc-en-ciel.

PSAUME IX

Dans la baie, un sein vert flambe

Campant dans un bain de coton...

L’écho, hypnotique, tourne, tourne, prolifique...

Ô îles, les îles

Notes en menottes, ailes balafrées,

Miels de sel, fiels de ciel...

Ô îles, les îles

Filaments de mangue, eaux assoiffées

Larmes chaudes de tambours incoagulables...

Ô îles, les îles

D’où venez-vous, miettes de sang ?

Comment vous êtes-vous posés, papillons,

Au milieu de la grande termitière d’or bleu ?

PSAUME X

Kaki, dans le jour rectiligne,

Le soleil, bibelot tiède et omniprésent,

Affalé dans les sortilèges

De la pluie ensorceleuse..

.
Incrustée dans son terrier maternel,

Luciole équilibriste,

A demi ivre souffre l’espérance,

Soufflant des goélettes de papier...

Les lunes se rétractent lestes et faibles,

La visibilité est bonne

De chenaux en détroits, vont, naufragées,

En débandade, les voluptés,

Roues flamboyantes

Dilacérant les haillons allumés

Des orbites sismiques..

PSAUME XI

Zéro heure, la chauve cascade

Où le délire se découd

Dans les courbes de l’ennui...

Zéro heure, l’édentée

Déchirant les échos

Des obsèques de minuit...

Zéro heure, poupée

Aptère, assoupie

A l’ombre des rêves...

Cartomancienne hérétique

Châtrant les éruptions chagrines,

Châtrant, multipliant les yeux

Vers les plages pourpres...

Zéro heure, nymphe sourde

Défunte à la canne bossue,

Hissant le grand pavois

De la couleur polyphonique,

L’accord,

La peau du poète,

Éclipse magique

De tous les déluges...

PSAUME XII

Songes dans l’extrême sud

Monochromatique

Ancres tapissées,

Couples éteints, inflorescences...

Chevaux cardiaques

Occultés dans un nid lunaire...

Passager de la nef du fou

Fouetté par le roi si bémol

Qui monte à l’échafaud...

Battements rupestres,

Sentiers crevant les lieues

Au rythme des ailes de nuages...

La pluie soudain s’est tue

La liesse s’est tue soudain

Dilapidée dans ce jour rongé...

PSAUME XIII

Éteint dans la lumière, le portraitiste

Brûle l’absence mate,

La suie insolite...

La haute mer se dilue..

L’arche hiberne aussi **** que porte la vie

Dans son sanctuaire de sève

Où la terre saigne ses eaux bouclées

Qui écument des épaves de pierre

Aussi **** que porte la vie.

PSAUME XIV

Les îles du matin m’embrassent

Après une nuit de lune rase

Le ronflement du rayon

Macule en naissant le chœur torride

De l’alcôve qui s’écaille émaillée.

Entre traits, tracés et rayures

Flottent des oranges polymorphes

A portée des mains...

Sous la ménagerie de ses eaux poissonneuses

La gomme méthylique du soleil

Frotte dans le bassin d’étincelles

L’orchestre infime de ce lointain carnaval renié

Qui crépite, savonné...

Entre gravillons et bulles

Flottent des oranges polymorphes

A portée des mains...

Devant l’horloge en rut

Se signent les orangers...

Le soleil consent à la lune

La mare de feu

Greffée dans le pouls vivace de l’ombre ivre...

Entre ruines et volutes

Flottent des oranges polymorphes

Scandaleusement

A portée des mains...

PSAUME XV

Le matin nage, innombrable

Salamandre aux cent venins de verre

Qui se distillent dans une encre de cendres

Offertes au soleil insatiable...

Dans le calice débordant

Des récoltes que la nuit

Ne grignote qu’à moitié,

Les sargasses du désir plongent,

Cinglant le silence des incohérences...

Hilare, la lune

Se réveille et butine

Le nectar indigo

Qui s’attarde

Comme une musique rétinienne

Aux confins du jour...

Ainsi emmurés vifs

Dans le flux impénétrable des reflets,

Vont à l’aveuglette

Dans le palais des singes volants

L’amour et ses tribus aborigènes

Veillant sur la toison rouge du ciel...

PSAUME XVI

Mon deuil échoue à l’aube

Les yeux ouverts sur les laves

De ce volcan éteint

Où s’apaisent les étoiles...

La flèche de l’archer s’évanouit, fauchée...

Le licol de mousseline de l’archipel précieux

Vacille, se dissout,

Orphelin mélancolique

Murmurant des baisers d’aniline

Aux marges du rêve...

Insomnuit d’été

Si seulement je pouvais rêver !

PSAUME XVII

Sur l’échiquier, la nuit chancelle, vénéneuse...

Un vaisseau de pierre au galop s’envole

Au chevet de la mer noyée

Suant la résine...

Sifflotant, le saltimbanque

Éconduit les horizons pétales

Pris du soleil gemme étanche

Dans les écumes du ciel d’étain...

Bientôt, les lunes oscillent

Ondulent, se dérobent frivoles,

L’étalon noir se dissipe

Décochant des flèches en forme de cœur...

Quelque chose se brise dans le noir :

Était-ce un masque ou un miroir ?

Quand luit la dernière tranche d’ombre

Déboussolées, dans la dune de verre, les étoiles

Bégaient...

Les coquilles se détellent de la terre réfractaire...

Le soleil dévastateur s’abreuve de ciel

Cachant les antres de brai...

Tâtant les décadences nacrées

Ointes de sueurs salines

L’amazone enfin répudiée

Chantonne aux aguets

Dans la baie couleur sépia...

PSAUME XVIII

Clic
Hennissement aveugle, l’île

Se déhanche

Toute soie et serpent

Contre l’épi de maïs vert...

Clac
“Marée basse”, dit la reine-mère...

Aucune abeille ne rame,

Ne laboure les pollens de la mer...

Clic
**** des brise-lames

Lisses et bouillonnants

Des crinières sans fin et du goémon,

L’iguane sous la villa jaune...

Le long des bougies

Coule le gouvernail du silence...

Clic
Sous les fleurs délabrées de l’éclair

Dans leur hamac vert

Les vagues veuves, les vagues nues

Courent après les lunes

Et lentement chantent les araignées...

Clic
Parfums de lumière

Qui jouent, jouent, jouent

Se décomposent

Dans une brise d’alcools...

Clic
Chimères de la mer, coup de sifflet final

Rongeant les sables glauques

Les tranchées dans le ciel ouvert

Tapis du soleil et son essaim de sujets...

Clic
La nuit, la mer fructifie

Au ralenti...

PSAUME XIX

"Au feu, au feu !

Feu à la dérive !"

Scandent deux coléoptères...

Le feu fuit !

Le magicien s’est brûlé

A faire sa magie.

Le pôle s’évapore,

Le puits fait l’aumône,

L’enfant aboie,

La moto boite,

La forêt détale,

Le lion se vêt de singe

Noir et doré

Et petit à petit

Va planer

Au-dessus de l’autel fugace

Où gît

Hululant, pullulant, virulent,

Le vol agile craché

Du saxophone ténor...

L’hiver fouette le ciel,

La terre meurt prématurée,

Liane après liane,

Sécrétant comme vestiges

Le tapis de talc

D’une aile de sirène

Et le vertige nuptial

De deux notes jaunes inachevées

Au sein des similitudes.

PSAUME **

Prunelle de gris jaune
Prunelle nuit et mer
Bleu coursier d’argile
Tigresse à la crinière couleur de brume.
Dans le rare verger qu’est l’amour
Audacieuse, elle va, incendiaire
Empaillée dans un paquebot hystérique
Vers le hasard des quais identiques
Les yeux pleins de chaux.

Dans ce chant veuf, dans cette capitale pyromane
La voilà, légère,
Aspirant les équinoxes dans cet air enchaîné
En selle pour un bain d’herbes monastique
Geôlière verte
D’émeraude pure...

PSAUME XXI

L’accordéoniste des abysses
Peint dans l’œil de l’obscur :
Un nuage en zigzaguant
Ancre aux eaux du vide.

Et le gong sue...timide.
Et comme en un tango antique
S’écoule le cri acide

Des teintes atteintes par les balles,
Hoquet du temps incarné
A l’aube d’une pluie sèche de chaleurs vertes.
Et le gong sue...tumide.

Et comme en un tango marin
Caracole la pirogue étoilée du tigre intime
Renversant de son parapluie
Les certitudes les plus ensevelies de la peur.

Et le gong sue...tumide.
Et les papillons enfantent
Des flammes dans les sables mouvants,
Des harpes éoliennes
Comme des gymnastes hués par le soleil en ruines
A la recherche des marées sèches.

Et le gong sue... tumide.
Et comme en un tango de funambules
Les œillères des brebis galeuses
Traversent la toile, vieillissent, exhument le salpêtre
D’un bandonéon dont la sueur incendie les cernes
De la nuit qui jazze...

PSAUME XXII

Tendrement
Le messager lit
Les lignes du vent,
Prend le pouls
Du ventre jaspé
De la basilique d’encre de chine :

-Là-bas, sous les monts de Vénus
Rode le messager,
Troubadour englouti
Par une lave obscure,

Passager invisible
Des failles muettes
Qu’il restaure encore...

Tendrement
Le messager
Harponne
Les coquilles du temps...
A la pointe de l’hameçon,

Un morceau de vitrail
Où à peine filtre
La lueur des entrailles,
On devine soudain
La forme d’un cheval marron
Qui hennit.

PSAUME XXIII

Bleu roi
De ces couleurs pièges.
Bleu de ces teintes imprévisibles.
Issu du venin tribal
Des roses du désert
Le bleu tombe,
Comme un nuage de coton doux,
Sur la brousse atlantique des lèvres
Enflées de secrets,
Où, hystérique, il donne le jour
Sous le kiosque sympathique des pluies cyanes
A une larme de sang,
Daltonienne.

Bleu roi
De ces couleurs mutantes :
Seul le baiser de cobalt réchauffe
Les escales mélancoliques
De ces ailes closes,
Révèle les jeux d’artifice,
Et murmurant des flammes,
Fait évanouir
Le deuil magnétique
Des rênes d’ivoire...

La flèche de l’archer pénètre,
Débridée,
Le voile de mousseline de l’archipel précieux
Qui vacille, se dissout,
Orphelin en suspens, spectre d’aniline
Aux gants d’émeraude
Et aux chaussons d’améthyste...

PSAUME XXIV

Dormir, virgule,
Souffler doucement
Des cases jumelles,
Ramper à nouveau, gigoter,
Jusqu’à ce que tout ne soit plus
Qu’une seule immensité...

Au lieu de l’abîme
La clairière dans la caféière.
Dormir, virgule,
Ça et là,
Lune bleue
Embuée
Sous la baguette du silence...

Le rêve entre et sort

Et jusqu’aux nuages
Craignent la chute
Vers le sommeil...

PSAUME XXV

Les îles et une nuits
Me font chavirer,
Je fuis,
Naufragée inlassable,
Hors du clan tentaculaire
Vers la clarté volatile
Des voiles incendiaires...

Mes nerfs à la fleur du large
Bifurquent,
S’évaporent en filigranes
Plus **** encore...

Bleu nuit devient la mer
Aux portes de son repaire
Ancré à la rive gauche du cœur.

La crique n’est plus ce qu’elle était :
La neige reptile teint les dauphins de rose...
Éden ?
De temps à autre

Passe un trapèze
Balayant le silence.

PSAUME XXVI

Ô Reine, Notre Duc
Sous tes ongles laqués
J’imagine un ciel rouge
Aux parfums de lait de cobra...
Le soleil fait pleuvoir des sceptres sur le fleuve
Et des piranhas aux dents d’eau
Larguent des cerfs-volants sans fin...

“Chantez les très riches heures de l’En-Dehors !”
Crie à la face du levant
Un caméléon qui lisse les ailes du hasard
Planté dans le dédale de ta langue baccarat.

PSAUME XXVII

Près de la passerelle d’ivoire :
“Odyssées,
Métamorphoses,
Mues,
Je vous aime !” "
I


« Minuit ! ma mère dort : je me suis relevée :

Je craignais de laisser ma lettre inachevée ;

J'ai voulu me hâter, car peut-être ma main

Ne sera-t-elle plus assez forte demain !

Tu connais mon malheur ; je t'ai dit que mon père

A voulu me dicter un choix, et qu'il espère

Sans doute me trouver trop faible pour oser

Refuser cet époux qu'il prétend m'imposer.

O toi qui m'appartiens ! ô toi qui me fis naître

Au bonheur, à l'amour que tu m'as fait connaître ;

Toi qui sus le premier deviner le secret

Et trouver le chemin d'un cœur qui s'ignorait,

Crois-tu qu'à d'autres lois ton amante enchaînée

Méconnaisse jamais la foi qu'elle a donnée ;

Qu'elle puisse oublier ces rapides momens

Où nos voix ont ensemble échangé leurs sermens,

Où sa tremblante main a frémi dans la tienne,

Et qu'à d'autre qu'à toi jamais elle appartienne ?

Tu veux fuir, m'as-tu dit : fuis ; mais n'espère pas

M'empêcher de te suivre attachée à tes pas !

Qu'importe où nous soyons si nous sommes ensemble ;

Est-il donc un désert si triste, qui ne semble

Plus riant qu'un palais, quand il est animé

Par l'aspect du bonheur et de l'objet aimé ?

Et que me font à moi tous ces biens qui m'attendent ?

Lorsqu'on s'est dit : je t'aime ! et que les cœurs s'entendent,

Que sont tous les trésors, qu'est l'univers pour eux.

Et que demandent-ils de plus pour être heureux ?

Mais comment fuir ? comment tromper la vigilance

D'un père soupçonneux qui m'épie en silence ?

Je m'abusais ! Eh bien, écoute le serment

Que te jure ma bouche en cet affreux moment :

Puisqu'on l'a résolu, puisqu'on me sacrifie.

Puisqu'on veut mon malheur, eh bien ! je les défie :

Ils ne m'auront que morte, et je n'aurai laissé

Pour traîner à l'autel qu'un cadavre glacé ! »


II


Lorsque je l'ai *****, elle était mariée

Depuis cinq ans passés : « Ah ! s'est-elle écriée,

C'est vous ! bien vous a pris d'être venu nous voir :

Mais où donc étiez-vous ? Et ne peut-on savoir

Pourquoi, depuis un siècle, éloigné de la France,

Vous nous avez ainsi laissés dans l'ignorance ?

Quant à nous, tout va bien : le sort nous a souri.

- J'ai parlé bien souvent de vous à mon mari ;

C'est un homme d'honneur, que j'aime et je révère,

Sage négociant, de probité sévère,

Qui par son zèle actif chaque jour agrandit

L'essor de son commerce, et double son crédit :

Et puisque le hasard à la fin nous rassemble ;

Je vous présenterai, vous causerez ensemble ;

Il vous recevra bien, empressé de saisir

Pareille occasion de me faire plaisir.

Vous verrez mes enfans : j'en ai trois. Mon aînée

Est chez mes belles-sœurs, qui me l'ont emmenée ;

Je l'attends samedi matin : vous la verrez.

Oh, c'est qu'elle est charmante ! ensuite, vous saurez

Qu'elle lit couramment, écrit même, et commence

A jouer la sonate et chanter la romance.

Et mon fils ! il aura ses trois ans et demi

Le vingt du mois prochain ; du reste, mon ami,

Vous verrez comme il est grand et fort pour son âge ;

C'est le plus bel enfant de tout le voisinage.

Et puis, j'ai mon petit. - Je ne l'ai pas nourri :

Mes couches ont été pénibles ; mon mari,

Qui craignait pour mon lait, a voulu que je prisse

Sur moi de le laisser aux mains d'une nourrice.

Mais de cet embarras je vais me délivrer,

Et le docteur a dit qu'on pouvait le sevrer.

- Ainsi dans mes enfans, dans un époux qui m'aime,

J'ai trouvé le bonheur domestique ; et vous même,

Vous dépendez de vous, j'imagine, et partant

Qui peut vous empêcher d'en faire un jour autant ?

Je sais qu'en pareil cas le choix est difficile.

Que vous avez parfois une humeur indocile ;

Mais on peut réussir, et vous réussirez :

Vous prendrez une femme, et nous l'amènerez,

Elle viendra passer l'été dans notre terre :

Jusque-là toutefois, libre et célibataire,

Pensez à vos amis, et venez en garçon

Nous demander dimanche à dîner sans façon. »
Et je t'attends en ce café,

Comme je le fis en tant d'autres.

Comme je le ferais, en outre.

Pour tout le bien que tu me fais.


Tu sais, parbleu ! que cela m'est

Égal aussi bien que possible :

Car mon cœur il n'est telles cibles...

Témoin les belles que j'aimais...


Et ce ne m'est plus un lapin

Que tu me poses, salle rosse,

C'est un civet que tu opposes

Vers midi à mes goûts sans freins.
Fable VII, Livre II.


Toi qui te dis mon camarade,
Devrais-je ici te rencontrer,
Bonnet ridicule et maussade ?
Le jour, peux-tu bien te montrer,
Si ce n'est au front d'un malade ?
Quel espoir te retient céans ?
De l'indolence épais emblème,
Te crois-tu chez ces fainéants
Qui te ceignaient pour diadème ?
Va, le prince à qui j'appartiens
Porte autrement qu'eux la couronne.
Vois tout l'éclat qui m'environne,
C'est de lui seul que je le tiens.
Actif dans la paix, dans la guerre,
Ce roi ne se repose guère ;
S'il me permet quelque repos,
C'est lorsque, des mains de la Gloire,
II prend le casque des héros
Ou le laurier de la Victoire.

Mais le bonnet, jusqu'à ce jour,
Vit-il jamais venir son tour ?
Pourquoi donc sort-il de l'armoire ?
Crois-moi, si tu crains les railleurs,
À la cour grand en est le nombre,
Crois-moi, rentre au plus tôt dans l'ombre,
Ou va chercher fortune ailleurs.
- C'est ici que je dois l'attendre.
Répond humblement le bonnet ;
Et je puis vous le prouver net,
Si vous consentez à m'entendre.
Partout où le trône est placé,
De droit vous vous dites admise ;
Eh bien ! moi, je me crois de mise
Partout où le lit est dressé.
N'en est-il en cette demeure ?
Nature y perd-elle ses droits ?
Ou, par bonheur, les yeux des rois
Seraient-ils ouverts à toute heure ?
Quand vient minuit, nous le voyons,
Votre noble poids les chagrine,
Et l'on dirait que quelque épine
Les tourmente sous vos rayons.
Mon règne alors succède au vôtre :
Le front de toute majesté
Qui veut dormir en liberté
Doit être coiffé comme un autre.
Et puis, mais soit dit entre nous,
N'est-il pas d'autres soins plus doux
Qui font quitter la compagnie
Et l'habit de cérémonie ?
À moi la nuit, à vous le jour :
Oui, bien que votre orgueil en gronde,
Mon crédit, même ici, se fonde
Sur les premiers besoins du monde :
Sur le sommeil et sur l'amour.
I

Vraiment, c'est bête, ces églises des villages
Où quinze laids marmots encrassant les piliers
Écoutent, grasseyant les divins babillages,
Un noir grotesque dont fermentent les souliers :
Mais le soleil éveille, à travers des feuillages,
Les vieilles couleurs des vitraux irréguliers.

La pierre sent toujours la terre maternelle.
Vous verrez des monceaux de ces cailloux terreux
Dans la campagne en rut qui frémit solennelle
Portant près des blés lourds, dans les sentiers ocreux,
Ces arbrisseaux brûlés où bleuit la prunelle,
Des noeuds de mûriers noirs et de rosiers fuireux.

Tous les cent ans on rend ces granges respectables
Par un badigeon d'eau bleue et de lait caillé :
Si des mysticités grotesques sont notables
Près de la Notre-Dame ou du Saint empaillé,
Des mouches sentant bon l'auberge et les étables
Se gorgent de cire au plancher ensoleillé.

L'enfant se doit surtout à la maison, famille
Des soins naïfs, des bons travaux abrutissants ;
Ils sortent, oubliant que la peau leur fourmille
Où le Prêtre du Christ plaqua ses doigts puissants.
On paie au Prêtre un toit ombré d'une charmille
Pour qu'il laisse au soleil tous ces fronts brunissants.

Le premier habit noir, le plus beau jour de tartes,
Sous le Napoléon ou le Petit Tambour
Quelque enluminure où les Josephs et les Marthes
Tirent la langue avec un excessif amour
Et que joindront, au jour de science, deux cartes,
Ces seuls doux souvenirs lui restent du grand Jour.
Les filles vont toujours à l'église, contentes
De s'entendre appeler garces par les garçons
Qui font du genre après messe ou vêpres chantantes.
Eux qui sont destinés au chic des garnisons
Ils narguent au café les maisons importantes,
Blousés neuf, et gueulant d'effroyables chansons.

Cependant le Curé choisit pour les enfances
Des dessins ; dans son clos, les vêpres dites, quand
L'air s'emplit du lointain nasillement des danses,
Il se sent, en dépit des célestes défenses,
Les doigts de pied ravis et le mollet marquant ;
- La Nuit vient, noir pirate aux cieux d'or débarquant.

II

Le Prêtre a distingué parmi les catéchistes,
Congrégés des Faubourgs ou des Riches Quartiers,
Cette petite fille inconnue, aux yeux tristes,
Front jaune. Les parents semblent de doux portiers.
" Au grand Jour le marquant parmi les Catéchistes,
Dieu fera sur ce front neiger ses bénitiers. "

III

La veille du grand Jour l'enfant se fait malade.
Mieux qu'à l'Église haute aux funèbres rumeurs,
D'abord le frisson vient, - le lit n'étant pas fade -
Un frisson surhumain qui retourne : " Je meurs... "

Et, comme un vol d'amour fait à ses soeurs stupides,
Elle compte, abattue et les mains sur son coeur
Les Anges, les Jésus et ses Vierges nitides
Et, calmement, son âme a bu tout son vainqueur.

Adonaï !... - Dans les terminaisons latines,
Des cieux moirés de vert baignent les Fronts vermeils
Et tachés du sang pur des célestes poitrines,
De grands linges neigeux tombent sur les soleils !

- Pour ses virginités présentes et futures
Elle mord aux fraîcheurs de ta Rémission,
Mais plus que les lys d'eau, plus que les confitures,
Tes pardons sont glacés, à Reine de Sion !
IV

Puis la Vierge n'est plus que la vierge du livre.
Les mystiques élans se cassent quelquefois...
Et vient la pauvreté des images, que cuivre
L'ennui, l'enluminure atroce et les vieux bois ;

Des curiosités vaguement impudiques
Épouvantent le rêve aux chastes bleuités
Qui s'est surpris autour des célestes tuniques,
Du linge dont Jésus voile ses nudités.

Elle veut, elle veut, pourtant, l'âme en détresse,
Le front dans l'oreiller creusé par les cris sourds,
Prolonger les éclairs suprêmes de tendresse,
Et bave... - L'ombre emplit les maisons et les cours.

Et l'enfant ne peut plus. Elle s'agite, cambre
Les reins et d'une main ouvre le rideau bleu
Pour amener un peu la fraîcheur de la chambre
Sous le drap, vers son ventre et sa poitrine en feu...

V

À son réveil, - minuit, - la fenêtre était blanche.
Devant le sommeil bleu des rideaux illunés,
La vision la prit des candeurs du dimanche ;
Elle avait rêvé rouge. Elle saigna du nez,

Et se sentant bien chaste et pleine de faiblesse
Pour savourer en Dieu son amour revenant,
Elle eut soif de la nuit où s'exalte et s'abaisse
Le coeur, sous l'oeil des cieux doux, en les devinant ;

De la nuit, Vierge-Mère impalpable, qui baigne
Tous les jeunes émois de ses silences gris ;
EIIe eut soif de la nuit forte où le coeur qui saigne
Ecoule sans témoin sa révolte sans cris.

Et faisant la victime et la petite épouse,
Son étoile la vit, une chandelle aux doigts,
Descendre dans la cour où séchait une blouse,
Spectre blanc, et lever les spectres noirs des toits.

VI

Elle passa sa nuit sainte dans les latrines.
Vers la chandelle, aux trous du toit coulait l'air blanc,
Et quelque vigne folle aux noirceurs purpurines,
En deçà d'une cour voisine s'écroulant.

La lucarne faisait un coeur de lueur vive
Dans la cour où les cieux bas plaquaient d'ors vermeils
Les vitres ; les pavés puant l'eau de lessive
Soufraient l'ombre des murs bondés de noirs sommeils.

VII

Qui dira ces langueurs et ces pitiés immondes,
Et ce qu'il lui viendra de haine, à sales fous
Dont le travail divin déforme encor les mondes,
Quand la lèpre à la fin mangera ce corps doux ?

VIII

Et quand, ayant rentré tous ses noeuds d'hystéries,
Elle verra, sous les tristesses du bonheur,
L'amant rêver au blanc million des Maries,
Au matin de la nuit d'amour avec douleur :

" Sais-tu que je t'ai fait mourir ? J'ai pris ta bouche,
Ton coeur, tout ce qu'on a, tout ce que vous avez ;
Et moi, je suis malade : Oh ! je veux qu'on me couche
Parmi les Morts des eaux nocturnes abreuvés !

" J'étais bien jeune, et Christ a souillé mes haleines.
Il me bonda jusqu'à la gorge de dégoûts !
Tu baisais mes cheveux profonds comme les laines
Et je me laissais faire... ah ! va, c'est bon pour vous,

" Hommes ! qui songez peu que la plus amoureuse
Est, sous sa conscience aux ignobles terreurs,
La plus prostituée et la plus douloureuse,
Et que tous nos élans vers vous sont des erreurs !

" Car ma Communion première est bien passée.
Tes baisers, je ne puis jamais les avoir sus :
Et mon coeur et ma chair par ta chair embrassée
Fourmillent du baiser putride de Jésus ! "

IX

Alors l'âme pourrie et l'âme désolée
Sentiront ruisseler tes malédictions.
- Ils auront couché sur ta Haine inviolée,
Échappés, pour la mort, des justes passions.

Christ ! ô Christ, éternel voleur des énergies,
Dieu qui pour deux mille ans vouas à ta pâleur
Cloués au sol, de honte et de céphalalgies,
Ou renversés, les fronts des femmes de douleur.
C'est plutôt le sabbat du second Faust que l'autre.

Un rhythmique sabbat, rhythmique, extrêmement

Rhythmique. - Imaginez un jardin de Lenôtre,

Correct, ridicule et charmant.


Des ronds-points ; au milieu, des jets d'eau ; des allées

Toutes droites ; sylvains de marbre ; dieux marins

De bronze ; çà et là, des Vénus étalées ;

Des quinconces, des boulingrins ;


Des châtaigniers ; des plants de fleurs formant la dune ;

Ici, des rosiers nains qu'un goût docte effila ;

Plus ****, des ifs taillés en triangles. La lune

D'un soir d'été sur tout cela.


Minuit sonne, et réveille au fond du parc aulique

Un air mélancolique, un sourd, lent et doux air

De chasse : tel, doux, lent, sourd et mélancolique,

L'air de chasse de Tannhauser.


Des chants voilés de cors lointains où la tendresse

Des sens étreint l'effroi de l'âme en des accords

Harmonieusement dissonnants dans l'ivresse ;

Et voici qu'à l'appel des cors


S'entrelacent soudain des formes toutes blanches,

Diaphanes, et que le clair de lune fait

Opalines parmi l'ombre verte des branches,

- Un Watteau rêvé par Raffet ! -


S'entrelacent parmi l'ombre verte des arbres

D'un geste alangui, plein d'un désespoir profond ;

Puis, autour des massifs, des bronzes et des marbres

Très lentement dansent en rond.


- Ces spectres agités, sont-ce donc la pensée

Du poète ivre, ou son regret, ou son remords,

Ces spectres agités en tourbe cadencée,

Ou bien tout simplement des morts ?


Sont-ce donc ton remords, ô rêvasseur qu'invite

L'horreur, ou ton regret, ou ta pensée, - hein ? - tous

Ces spectres qu'un vertige irrésistible agite,

Ou bien des morts qui seraient fous ? -


N'importe ! ils vont toujours, les fébriles fantômes,

Menant leur ronde vaste et morne et tressautant

Comme dans un rayon de soleil des atomes,

Et s'évaporent à l'instant


Humide et blême où l'aube éteint l'un après l'autre

Les cors, en sorte qu'il ne reste absolument

Plus rien - absolument - qu'un jardin de Lenôtre,

Correct, ridicule et charmant.
À Manoel de Barros

PSAUME I

Tapi dans la mangrove, bondissant...sautant-matant

Le ciel aux trois-quarts nu

De giraumon, de pissat et de sang...

Assis sur le trottoir, le ciel tousse

Kein-hein kein-hein

Ivre de parfums rouges errants,

De brocarts et de confettis à ses trousses.

Assis à marée basse, électrique...

Insensible aux chevaux des dieux

Qui tournoient

Au-dessus des tambours

Qui chavirent

Insensibles

Aux orgues charnelles

Des moites guérisseuses...

Le ciel caracole,

Glisse, contorsionniste,

Mascarade immobile

Démêlant le cours des amours burlesques

Entre les atolls obscurs

De pistaches et de bonbons,

D’anges et de démons...

Cabriole, tiède et poisseux,

Cisaille à contre-jour

L’orpailleur en transe

Aboyant dans le sérail de mes âmes

Sevrées, esseulées...

L’aube culbute

Dans les lambeaux du gouffre

Dans les calypsos du soleil

D’où sourdent, dégénérées,

Les jambes et les larmes

Qui fraient encore, exotiques

Sur les pilotis

Du carnaval nocturne

D’où va saillir le jour.

PSAUME II

Il pleut sur le kiosque des songes

Des encres mornes

Comme des brindilles

Enfantées de l’œuf tiède

Où s’aimante

Délicieusement noire

La mygale

Fleuve des nuages

Qui emballe

De son ouate ludique

Le rayon nain

Dérobé

Au serpent arc-en-ciel

Enfin rassasié

PSAUME III

Tellurique, dame Terre esquive les amarres

Effervescentes. Le ciel, hameçon entre les îles,

Rayonne, entonne l’odyssée perpétuelle,

Pion libre dans l’espace

Sempiternellement baigné par les baumes

Incendiaires du soleil obèse, son jumeau

Complice des moissons violées, œcuménique,

Humble, jadis et toujours, Terre :

Oasis, océan, oxygène, oeil

Revêtu d’or, jardin où les ombres basses

Exultent, balbutiant des airs amnésiques..."

PSAUME IV

Rebelle lascive

Telle la lune blette

Suçant les corps subtils

Des mangues sauvages

Enroulées dans la pluie d’obsidienne...

Courtisane de toutes les brousses

Avaleuse de poisson vivant

Pour mieux apprendre à nager

Dans les moues du fleuve douillet...

Les lacets se cabrent, dans un baiser de peaux, de tôles et de croix

Les laves du dernier décan affleurent,

Saupoudrent l’écloserie de marbre humide

Et la pellicule humide de feu cru

Enfouit les dieux écartelés

Aux moues du fleuve endiablé..."

PSAUME V

Soudain pagayer dans le vent et découdre l’odeur légère de la forêt

Chasser les désirs cueillis dans la poudre des oiseaux rares

Et repriser dans les entrailles des pétales juteux...

Puis amarrer à la lumière verticale des matins

Un éclair avec le mot “boum”.

PSAUME VI

"Nomades, où sont les nuits ?"

Grince l’arc débandé du soleil

Embrassé à la portée de cristal

Des nuages en menstrues...

Peut-être que la nuit décante
Blottie dans le nid du large

Faite une enfant, se vautre

Sous les flottilles de jasmin

Dévastant les marées,

Traquant le ressac du temps...

Peut-être que la nuit accouche
Bien après les chaleurs

Faite une gueuse, brise

De son cœur de soprano

Les rames de glace de la lune qui s’épand

Dans un banc d’aquarelles...

Ou peut-être, la nuit, peut-être

La nuit, lisse et lasse,

Allaite les étoiles prises

Aux moustiquaires de cendre

Où le ciel foudroyé

Bat en retraite la chamade.

Peut-être qu’elle arraisonne
Les frêles écailles de l’orgasme total

Pour que nul ne sache

Qu’elle est née sans nombril,

Pour que nul ne sache

Qu’elle est grosse d’un jour

Au goût de sel...

PSAUME VII

"Abysses en vue !" vocifère l’huile en larmes

Faisant voler dans l’onguent vagabond

Les feux follets sortis de leur miroir,

Condors de phosphore, cyclones désemparés

Où se bousculent, palefrenières distraites,

Les couleurs qui rient en allant au supplice...

En chapelets, la lumière débouche, foule, broute,

S’autodévore sous la caresse des truelles,

Moud les étincelles, les taches, les brèches

En route vers le seuil du sacrifice,

Et dans l’embellie de l’œil

Éclot le prétendant buriné

Dans l’apothéose du matin soigneusement peint...

PSAUME VIII

Noyée dans la saumure en flammes

Du soir délicieusement grand ouvert, l’indicible lueur

Cloîtrée dans son écrin liquide

Jalonné de boues, moustiques et palétuviers,

Harponne la braise moribonde de charbon rose

Innombrable qui serpente dans le cirque de sable

A force de nager, à force de nager

Éternellement à joncher les grèves de l’arc-en-ciel.

PSAUME IX

Dans la baie, un sein vert flambe

Campant dans un bain de coton...

L’écho, hypnotique, tourne, tourne, prolifique...

Ô îles, les îles

Notes en menottes, ailes balafrées,

Miels de sel, fiels de ciel...

Ô îles, les îles

Filaments de mangue, eaux assoiffées

Larmes chaudes de tambours incoagulables...

Ô îles, les îles

D’où venez-vous, miettes de sang ?

Comment vous êtes-vous posés, papillons,

Au milieu de la grande termitière d’or bleu ?

PSAUME X

Kaki, dans le jour rectiligne,

Le soleil, bibelot tiède et omniprésent,

Affalé dans les sortilèges

De la pluie ensorceleuse..

.
Incrustée dans son terrier maternel,

Luciole équilibriste,

A demi ivre souffre l’espérance,

Soufflant des goélettes de papier...

Les lunes se rétractent lestes et faibles,

La visibilité est bonne

De chenaux en détroits, vont, naufragées,

En débandade, les voluptés,

Roues flamboyantes

Dilacérant les haillons allumés

Des orbites sismiques..

PSAUME XI

Zéro heure, la chauve cascade

Où le délire se découd

Dans les courbes de l’ennui...

Zéro heure, l’édentée

Déchirant les échos

Des obsèques de minuit...

Zéro heure, poupée

Aptère, assoupie

A l’ombre des rêves...

Cartomancienne hérétique

Châtrant les éruptions chagrines,

Châtrant, multipliant les yeux

Vers les plages pourpres...

Zéro heure, nymphe sourde

Défunte à la canne bossue,

Hissant le grand pavois

De la couleur polyphonique,

L’accord,

La peau du poète,

Éclipse magique

De tous les déluges...

PSAUME XII

Songes dans l’extrême sud

Monochromatique

Ancres tapissées,

Couples éteints, inflorescences...

Chevaux cardiaques

Occultés dans un nid lunaire...

Passager de la nef du fou

Fouetté par le roi si bémol

Qui monte à l’échafaud...

Battements rupestres,

Sentiers crevant les lieues

Au rythme des ailes de nuages...

La pluie soudain s’est tue

La liesse s’est tue soudain

Dilapidée dans ce jour rongé...

PSAUME XIII

Éteint dans la lumière, le portraitiste

Brûle l’absence mate,

La suie insolite...

La haute mer se dilue..

L’arche hiberne aussi **** que porte la vie

Dans son sanctuaire de sève

Où la terre saigne ses eaux bouclées

Qui écument des épaves de pierre

Aussi **** que porte la vie.

PSAUME XIV

Les îles du matin m’embrassent

Après une nuit de lune rase

Le ronflement du rayon

Macule en naissant le chœur torride

De l’alcôve qui s’écaille émaillée.

Entre traits, tracés et rayures

Flottent des oranges polymorphes

A portée des mains...

Sous la ménagerie de ses eaux poissonneuses

La gomme méthylique du soleil

Frotte dans le bassin d’étincelles

L’orchestre infime de ce lointain carnaval renié

Qui crépite, savonné...

Entre gravillons et bulles

Flottent des oranges polymorphes

A portée des mains...

Devant l’horloge en rut

Se signent les orangers...

Le soleil consent à la lune

La mare de feu

Greffée dans le pouls vivace de l’ombre ivre...

Entre ruines et volutes

Flottent des oranges polymorphes

Scandaleusement

A portée des mains...

PSAUME XV

Le matin nage, innombrable

Salamandre aux cent venins de verre

Qui se distillent dans une encre de cendres

Offertes au soleil insatiable...

Dans le calice débordant

Des récoltes que la nuit

Ne grignote qu’à moitié,

Les sargasses du désir plongent,

Cinglant le silence des incohérences...

Hilare, la lune

Se réveille et butine

Le nectar indigo

Qui s’attarde

Comme une musique rétinienne

Aux confins du jour...

Ainsi emmurés vifs

Dans le flux impénétrable des reflets,

Vont à l’aveuglette

Dans le palais des singes volants

L’amour et ses tribus aborigènes

Veillant sur la toison rouge du ciel...

PSAUME XVI

Mon deuil échoue à l’aube

Les yeux ouverts sur les laves

De ce volcan éteint

Où s’apaisent les étoiles...

La flèche de l’archer s’évanouit, fauchée...

Le licol de mousseline de l’archipel précieux

Vacille, se dissout,

Orphelin mélancolique

Murmurant des baisers d’aniline

Aux marges du rêve...

Insomnuit d’été

Si seulement je pouvais rêver !

PSAUME XVII

Sur l’échiquier, la nuit chancelle, vénéneuse...

Un vaisseau de pierre au galop s’envole

Au chevet de la mer noyée

Suant la résine...

Sifflotant, le saltimbanque

Éconduit les horizons pétales

Pris du soleil gemme étanche

Dans les écumes du ciel d’étain...

Bientôt, les lunes oscillent

Ondulent, se dérobent frivoles,

L’étalon noir se dissipe

Décochant des flèches en forme de cœur...

Quelque chose se brise dans le noir :

Était-ce un masque ou un miroir ?

Quand luit la dernière tranche d’ombre

Déboussolées, dans la dune de verre, les étoiles

Bégaient...

Les coquilles se détellent de la terre réfractaire...

Le soleil dévastateur s’abreuve de ciel

Cachant les antres de brai...

Tâtant les décadences nacrées

Ointes de sueurs salines

L’amazone enfin répudiée

Chantonne aux aguets

Dans la baie couleur sépia...

PSAUME XVIII

Clic
Hennissement aveugle, l’île

Se déhanche

Toute soie et serpent

Contre l’épi de maïs vert...

Clac
“Marée basse”, dit la reine-mère...

Aucune abeille ne rame,

Ne laboure les pollens de la mer...

Clic
**** des brise-lames

Lisses et bouillonnants

Des crinières sans fin et du goémon,

L’iguane sous la villa jaune...

Le long des bougies

Coule le gouvernail du silence...

Clic
Sous les fleurs délabrées de l’éclair

Dans leur hamac vert

Les vagues veuves, les vagues nues

Courent après les lunes

Et lentement chantent les araignées...

Clic
Parfums de lumière

Qui jouent, jouent, jouent

Se décomposent

Dans une brise d’alcools...

Clic
Chimères de la mer, coup de sifflet final

Rongeant les sables glauques

Les tranchées dans le ciel ouvert

Tapis du soleil et son essaim de sujets...

Clic
La nuit, la mer fructifie

Au ralenti...

PSAUME XIX

"Au feu, au feu !

Feu à la dérive !"

Scandent deux coléoptères...

Le feu fuit !

Le magicien s’est brûlé

A faire sa magie.

Le pôle s’évapore,

Le puits fait l’aumône,

L’enfant aboie,

La moto boite,

La forêt détale,

Le lion se vêt de singe

Noir et doré

Et petit à petit

Va planer

Au-dessus de l’autel fugace

Où gît

Hululant, pullulant, virulent,

Le vol agile craché

Du saxophone ténor...

L’hiver fouette le ciel,

La terre meurt prématurée,

Liane après liane,

Sécrétant comme vestiges

Le tapis de talc

D’une aile de sirène

Et le vertige nuptial

De deux notes jaunes inachevées

Au sein des similitudes.

PSAUME **

Prunelle de gris jaune
Prunelle nuit et mer
Bleu coursier d’argile
Tigresse à la crinière couleur de brume.
Dans le rare verger qu’est l’amour
Audacieuse, elle va, incendiaire
Empaillée dans un paquebot hystérique
Vers le hasard des quais identiques
Les yeux pleins de chaux.

Dans ce chant veuf, dans cette capitale pyromane
La voilà, légère,
Aspirant les équinoxes dans cet air enchaîné
En selle pour un bain d’herbes monastique
Geôlière verte
D’émeraude pure...

PSAUME XXI

L’accordéoniste des abysses
Peint dans l’œil de l’obscur :
Un nuage en zigzaguant
Ancre aux eaux du vide.

Et le gong sue...timide.
Et comme en un tango antique
S’écoule le cri acide

Des teintes atteintes par les balles,
Hoquet du temps incarné
A l’aube d’une pluie sèche de chaleurs vertes.
Et le gong sue...tumide.

Et comme en un tango marin
Caracole la pirogue étoilée du tigre intime
Renversant de son parapluie
Les certitudes les plus ensevelies de la peur.

Et le gong sue...tumide.
Et les papillons enfantent
Des flammes dans les sables mouvants,
Des harpes éoliennes
Comme des gymnastes hués par le soleil en ruines
A la recherche des marées sèches.

Et le gong sue... tumide.
Et comme en un tango de funambules
Les œillères des brebis galeuses
Traversent la toile, vieillissent, exhument le salpêtre
D’un bandonéon dont la sueur incendie les cernes
De la nuit qui jazze...

PSAUME XXII

Tendrement
Le messager lit
Les lignes du vent,
Prend le pouls
Du ventre jaspé
De la basilique d’encre de chine :

-Là-bas, sous les monts de Vénus
Rode le messager,
Troubadour englouti
Par une lave obscure,

Passager invisible
Des failles muettes
Qu’il restaure encore...

Tendrement
Le messager
Harponne
Les coquilles du temps...
A la pointe de l’hameçon,

Un morceau de vitrail
Où à peine filtre
La lueur des entrailles,
On devine soudain
La forme d’un cheval marron
Qui hennit.

PSAUME XXIII

Bleu roi
De ces couleurs pièges.
Bleu de ces teintes imprévisibles.
Issu du venin tribal
Des roses du désert
Le bleu tombe,
Comme un nuage de coton doux,
Sur la brousse atlantique des lèvres
Enflées de secrets,
Où, hystérique, il donne le jour
Sous le kiosque sympathique des pluies cyanes
A une larme de sang,
Daltonienne.

Bleu roi
De ces couleurs mutantes :
Seul le baiser de cobalt réchauffe
Les escales mélancoliques
De ces ailes closes,
Révèle les jeux d’artifice,
Et murmurant des flammes,
Fait évanouir
Le deuil magnétique
Des rênes d’ivoire...

La flèche de l’archer pénètre,
Débridée,
Le voile de mousseline de l’archipel précieux
Qui vacille, se dissout,
Orphelin en suspens, spectre d’aniline
Aux gants d’émeraude
Et aux chaussons d’améthyste...

PSAUME XXIV

Dormir, virgule,
Souffler doucement
Des cases jumelles,
Ramper à nouveau, gigoter,
Jusqu’à ce que tout ne soit plus
Qu’une seule immensité...

Au lieu de l’abîme
La clairière dans la caféière.
Dormir, virgule,
Ça et là,
Lune bleue
Embuée
Sous la baguette du silence...

Le rêve entre et sort

Et jusqu’aux nuages
Craignent la chute
Vers le sommeil...

PSAUME XXV

Les îles et une nuits
Me font chavirer,
Je fuis,
Naufragée inlassable,
Hors du clan tentaculaire
Vers la clarté volatile
Des voiles incendiaires...

Mes nerfs à la fleur du large
Bifurquent,
S’évaporent en filigranes
Plus **** encore...

Bleu nuit devient la mer
Aux portes de son repaire
Ancré à la rive gauche du cœur.

La crique n’est plus ce qu’elle était :
La neige reptile teint les dauphins de rose...
Éden ?
De temps à autre

Passe un trapèze
Balayant le silence.

PSAUME XXVI

Ô Reine, Notre Duc
Sous tes ongles laqués
J’imagine un ciel rouge
Aux parfums de lait de cobra...
Le soleil fait pleuvoir des sceptres sur le fleuve
Et des piranhas aux dents d’eau
Larguent des cerfs-volants sans fin...

“Chantez les très riches heures de l’En-Dehors !”
Crie à la face du levant
Un caméléon qui lisse les ailes du hasard
Planté dans le dédale de ta langue baccarat.

PSAUME XXVII

Près de la passerelle d’ivoire :
“Odyssées,
Métamorphoses,
Mues,
Je vous aime !” "
Mère, quel doux chant me réveille ?
Minuit ! c'est l'heure où l'on sommeille.
Qui peut, pour moi, venir si ****
Veiller et chanter à l'écart ?

Dors, mon enfant, dors ! c'est un rêve.
En silence la nuit s'achève,
Mon front repose auprès du tien,
Je l'embrasse et je n'entends rien.
Nul ne donne de sérénade
À toi, ma pauvre enfant malade !

Ô mère ! ils descendent des cieux,
Ces sons, ces chants harmonieux ;
Nulle voix d'homme n'est si belle,
Et c'est un ange qui m'appelle !
Le soleil brille, il m'éblouit...
Adieu, ma mère, bonne nuit !

Le lendemain, quand vint l'aurore,
La blanche enfant dormait encore ;
Sa mère l'appelle en pleurant,
Nul baiser n'éveille l'enfant...
Son âme s'était envolée
Quand les chants l'avaient appelée.
Biorn, étrange cénobite,
Sur le plateau d'un roc pelé,
Hors du temps et du monde, habite
La tour d'un burg démantelé.

De sa porte l'esprit moderne
En vain soulève le marteau.
Biorn verrouille sa poterne
Et barricade son château.

Quand tous ont les yeux vers l'aurore
Biorn, sur son donjon perché,
A l'horizon contemple encore
La place du soleil couché.

Ame rétrospective, il loge
Dans son burg et dans le passé ;
Le pendule de son horloge
Depuis des siècles est cassé.

Sous ses ogives féodales
Il erre, éveillant les échos,
Et ses pas, sonnant sur les dalles,
Semblent suivis de pas égaux.

Il ne voit ni laïcs, ni prêtres,
Ni gentilshommes, ni bourgeois,
Mais les portraits de ses ancêtres
Causent avec lui quelquefois.

Et certains soirs, pour se distraire,
Trouvant manger seul ennuyeux,
Biorn, caprice funéraire,
Invite à souper ses aïeux.

Les fantômes, quand minuit sonne,
Viennent armés de pied en cap ;
Biorn, qui malgré lui frissonne,
Salue en haussant son hanap.

Pour s'asseoir, chaque panoplie
Fait un angle avec son genou,
Dont l'articulation plie
En grinçant comme un vieux verrou ;

Et tout d'une pièce, l'armure,
D'un corps absent gauche cercueil,
Rendant un creux et sourd murmure,
Tombe entre les bras du fauteuil.

Landgraves, rhingraves, burgraves,
Venus du ciel ou de l'enfer,
Ils sont tous là, muets et graves,
Les roides convives de fer !

Dans l'ombre, un rayon fauve indique
Un monstre, guivre, aigle à deux cous,
Pris au bestiaire héraldique
Sur les cimiers faussés de coups.

Du mufle des bêtes difformes
Dressant leurs ongles arrogants,
Partent des panaches énormes,
Des lambrequins extravagants ;

Mais les casques ouverts sont vides
Comme les timbres du blason ;
Seulement deux flammes livides
Y luisent d'étrange façon.

Toute la ferraille est assise
Dans la salle du vieux manoir,
Et, sur le mur, l'ombre indécise
Donne à chaque hôte un page noir.

Les liqueurs aux feux des bougies
Ont des pourpres d'un ton suspect ;
Les mets dans leurs sauces rougies
Prennent un singulier aspect.

Parfois un corselet miroite,
Un morion brille un moment ;
Une pièce qui se déboîte
Choit sur la nappe lourdement.

L'on entend les battements d'ailes
D'invisibles chauves-souris,
Et les drapeaux des infidèles
Palpitent le long du lambris.

Avec des mouvements fantasques
Courbant leurs phalanges d'airain,
Les gantelets versent aux casques
Des rasades de vin du Rhin,

Ou découpent au fil des dagues
Des sangliers sur des plats d'or...
Cependant passent des bruits vagues
Par les orgues du corridor.

D'une voix encore enrouée
Par l'humidité du caveau,
Max fredonne, ivresse enjouée,
Un lied, en treize cents, nouveau.

Albrecht, ayant le vin féroce,
Se querelle avec ses voisins,
Qu'il martèle, bossue et rosse,
Comme il faisait des Sarrasins.

Échauffé, Fritz ôte son casque,
Jadis par un crâne habité,
Ne pensant pas que sans son masque
Il semble un tronc décapité.

Bientôt ils roulent pêle-mêle
Sous la table, parmi les brocs,
Tête en bas, montrant la semelle
De leurs souliers courbés en crocs.

C'est un hideux champ de bataille
Où les pots heurtent les armets,
Où chaque mort par quelque entaille,
Au lieu de sang ***** des mets.

Et Biorn, le poing sur la cuisse,
Les contemple, morne et hagard,
Tandis que, par le vitrail suisse
L'aube jette son bleu regard.

La troupe, qu'un rayon traverse,
Pâlit comme au jour un flambeau,
Et le plus ivrogne se verse
Le coup d'étrier du tombeau.

Le coq chante, les spectres fuient
Et, reprenant un air hautain,
Sur l'oreiller de marbre appuient
Leurs têtes lourdes du festin !
Ballade.

La corde nue et maigre,
Grelottant sous le froid
Beffroi,
Criait d'une voix aigre
Qu'on oublie au couvent
L'Avent.

Moines autour d'un cierge,
Le front sur le pavé
Lavé,
Par décence, à la Vierge
Tenaient leurs gros péchés
Cachés ;

Et moi, dans mon alcôve,
Je ne songeais à rien
De bien ;
La lune ronde et chauve
M'observait avec soin
De **** ;

Et ma pensée agile,
S'en allant par degré,
Au gré
De mon cerveau fragile,
Autour de mon chevet
Rêvait.

- Ma marquise au pied leste !
Qui ses yeux noirs verra,
Dira
Qu'un ange, ombre céleste,
Des choeurs de Jéhova
S'en va !

Quand la harpe plaintive
Meurt en airs languissants,
Je sens,
De ma marquise vive,
Le lointain souvenir
Venir !

Marquise, une merveille,
C'est de te voir valser,
Passer,
Courir comme une abeille
Qui va cherchant les pleurs
Des fleurs !

Ô souris-moi, marquise !
Car je vais, à te voir,
Savoir
Si l'amour t'a conquise,
Au signal que me doit
Ton doigt.

Dieu ! si ton oeil complice
S'était de mon côté
Jeté !
S'il tombait au calice
Une goutte de miel
Du ciel !

Viens, faisons une histoire
De ce triste roman
Qui ment !
Laisse, en tes bras d'ivoire,
Mon âme te chérir,
Mourir !

Et que, l'aube venue,
Troublant notre sommeil
Vermeil,
Sur ton épaule nue
Se trouve encor demain
Ma main !

Et ma pensée agile,
S'en allant par degré
Au gré
De mon cerveau fragile,
Autour de mon chevet
Rêvait !

- Vois-tu, vois-tu, mon ange,
Ce nain qui sur mon pied
S'assied !
Sa bouche (oh ! c'est étrange !)
A chaque mot qu'il dit
Grandit.

Vois-tu ces scarabées
Qui tournent en croissant,
Froissant
Leurs ailes recourbées
Aux ailes d'or des longs
Frelons ?

- Non, rien ; non, c'est une ombre
Qui de mon fol esprit
Se rit,
C'est le feuillage sombre,
Sur le coin du mur blanc
Tremblant.

- Vois-tu ce moine triste,
Là, tout près de mon lit,
Qui lit ?
Il dit : " Dieu vous assiste ! "
A quelque condamné
Damné !

- Moi, trois fois sur la roue
M'a, le bourreau masqué,
Marqué,
Et j'eus l'os de la joue
Par un coup mal visé
Brisé.

- Non, non, ce sont les nonnes
Se parlant au matin
Latin ;
Priez pour moi, mignonnes,
Qui mon rêve trouvais
Mauvais.

- Reviens, oh ! qui t'empêche,
Toi, que le soir, longtemps,
J'attends !
Oh ! ta tête se sèche,
Ton col s'allonge, étroit
Et froid !

Otez-moi de ma couche
Ce cadavre qui sent
Le sang !
Otez-moi cette bouche
Et ce baiser de mort,
Qui mord !

- Mes amis, j'ai la fièvre,
Et minuit, dans les noirs
Manoirs,
Bêlant comme une chèvre,
Chasse les hiboux roux
Des trous.
Du malheur de recevoir
Un étranger, sans avoir
De lui quelque connaissance,
Tu as fait expérience,
Ménélas, ayant reçu
Pâris dont tu fus déçu :
Et moi je la viens de faire
Qui ore ai voulu retraire (1)
Sottement un étranger
Dans ma chambre, et le loger.

Il était minuit, et l'Ourse
De son char tournait la course
Entre les mains du Bouvier,
Quand le somme vint lier
D'une chaîne sommelière
Mes yeux clos sous la paupière.

Là je dormais en mon lit,
Lorsque j'entr'ouïs le bruit
D'un qui frappait à ma porte,
Et heurtait de telle sorte
Que mon dormir s'en alla :
Je demandai : Qu'est-ce là
Qui fait à mon huis (2) sa plainte ?
Je suis enfant, n'aye crainte,
Ce me dit-il, et adonc (3)
Je lui desserre le gond,  
De ma porte verrouillée.

J'ai la chemise mouillée
Qui me trempe jusqu'aux os,
Ce disait ; dessus le dos
Toute nuit j'ai eu la pluie :
Et pour ce je te supplie
De me conduire à ton feu
Pour m'aller sécher un peu.

Lors je pris sa main humide,
Et plein de pitié le guide
En ma chambre et le fis seoir
Au feu qui restait du soir :
Puis, allumant des chandelles,
Je vis qu'il portait des ailes,
Dans la main un arc turquois,
Et sous l'aisselle un carquois.
Adonc en mon cœur je pense
Qu'il avait quelque puissance.
Et qu'il fallait m'apprêter
Pour le faire banqueter.

Cependant il me regarde
D'un œil, de l'autre il prend garde
Si son arc était séché ;
Puis, me voyant empêché
A lui faire bonne chère,
Me tire une flèche amère
Droit en l'œil : le coup de là
Plus bas au cœur dévala :
Et m'y fit telle ouverture,
Qu'herbe, drogue ni murmure (4)
N'y serviraient plus de rien.

Voilà, Robertet, le bien,
(Mon Robertet qui embrasse  
Les neuf Muses et les Grâces)
Le bien qui m'est advenu
Pour loger un inconnu.


1. Retraire signifie abriter.
2. Huis est une porte.
3. Adonc veut dire alors.
4. Murmure ainsi indique prière.
Un gentil écureuil était le camarade,
Le tendre ami d'un beau danois.
Un jour qu'ils voyageaient comme Oreste et Pylade,
La nuit les surprit dans un bois.
En ce lieu point d'auberge ; ils eurent de la peine
À trouver où se bien coucher.
Enfin le chien se mit dans le creux d'un vieux chêne,
Et l'écureuil plus haut grimpa pour se nicher.
Vers minuit, c'est l'heure des crimes,
Longtemps après que nos amis
En se disant bon soir se furent endormis,
Voici qu'un vieux renard affamé de victimes
Arrive au pied de l'arbre, et, levant le museau,
Voit l'écureuil sur un rameau.
Il le mange des yeux, humecte de sa langue
Ses lèvres qui de sang brûlent de s'abreuver ;
Mais jusqu'à l'écureuil il ne peut arriver :
Il faut donc par une harangue
L'engager à descendre ; et voici son discours :
Ami, pardonnez, je vous prie,
Si de votre sommeil j'ose troubler le cours :
Mais le pieux transport dont mon âme est remplie
Ne peut se contenir ; je suis votre cousin
Germain :
Votre mère était sœur de feu mon digne père.
Cet honnête homme, hélas ! à son heure dernière,
M'a tant recommandé de chercher son neveu
Pour lui donner moitié du peu
Qu'il m'a laissé de bien ! Venez donc, mon cher frère,
Venez, par un embrassement,
Combler le doux plaisir que mon âme ressent.
Si je pouvais monter jusqu'aux lieux où vous êtes,
Oh ! J'y serais déjà, soyez-en bien certain.
Les écureuils ne sont pas bêtes,
Et le mien était fort malin ;
Il reconnaît le patelin,
Et répond d'un ton doux : je meurs d'impatience
De vous embrasser, mon cousin ;
Je descends : mais, pour mieux lier la connaissance,
Je veux vous présenter mon plus fidèle ami,
Un parent qui prit soin de nourrir mon enfance ;
Il dort dans ce trou-là : frappez un peu ; je pense
Que vous serez charmé de le connaître aussi.
Aussitôt maître renard frappe,
Croyant en manger deux : mais le fidèle chien
S'élance de l'arbre, le happe,
Et vous l'étrangle bel et bien.
Ceci prouve deux points : d'abord, qu'il est utile
Dans la douce amitié de placer son bonheur ;
Puis, qu'avec de l'esprit il est souvent facile
Au piège qu'il nous tend de surprendre un trompeur.
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front,
Ceux qui d'un haut. destin gravissent l'âpre cime,
Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime,
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour.
C'est le prophète saint prosterné devant l'arche,
C'est le travailleur, pâtre, ouvrier, patriarche,
Ceux dont le cœur est bon, ceux dont les jours sont pleins.
Ceux-là vivent, Seigneur ! les autres, je les plains.
Car de son vague ennui le néant les enivre,
Car le plus lourd fardeau, c'est d'exister sans vivre.
Inutiles, épars, ils traînent ici-bas
Le sombre accablement d'être en ne pensant pas.
Ils s'appellent vulgus, plebs, la tourbe, la foule.
Ils sont ce qui murmure, applaudit, siffle, coule,
Bat des mains, foule aux pieds, bâille, dit oui, dit non,
N'a jamais de figure et n'a jamais de nom ;
Troupeau qui va, revient, juge, absout, délibère,
Détruit, prêt à Marat comme prêt à Tibère,
Foule triste, joyeuse, habits dorés, bras nus,
Pêle-mêle, et poussée aux gouffres inconnus.
Ils sont les passants froids sans but, sans nœud, sans âge ;
Le bas du genre humain qui s'écroule en nuage ;
Ceux qu'on ne connaît pas, ceux qu'on ne compte pas,
Ceux qui perdent les mots, les volontés, les pas.
L'ombre obscure autour d'eux se prolonge et recule
Ils n'ont du plein midi qu'un lointain crépuscule,
Car, jetant au hasard les cris, les voix, le bruit,
Ils errent près du bord sinistre de la nuit.

Quoi ! ne point aimer ! suivre une morne carrière
Sans un songe en avant, sans un deuil en arrière,
Quoi ! marcher devant soi sans savoir où l'on va,
Rire de Jupiter sans croire à Jéhovah,
Regarder sans respect l'astre, la fleur, la femme,
Toujours vouloir le corps, ne jamais chercher l'âme,
Pour de vains résultats faire de vains efforts,
N'attendre rien d'en haut ! ciel ! oublier les morts !
Oh non, je ne suis point de ceux-là ! grands, prospères,
Fiers, puissants, ou cachés dans d'immondes repaires,
Je les fuis, et je crains leurs sentiers détestés
Et j'aimerais mieux être, ô fourmis des cités,
Tourbe, foule, hommes faux, cœurs morts, races déchues,
Un arbre dans les bois qu'une âme en vos cohues !

Paris, le 31 décembre 1848 à minuit.
Ave, Maria, gratia plena.


Oh ! votre oeil est timide et votre front est doux.
Mais quoique, par pudeur ou par pitié pour nous,
Vous teniez secrète votre âme,
Quand du souffle d'en haut votre coeur est touché,
Votre coeur, comme un feu sous la cendre caché,
Soudain étincelle et s'enflamme.

Élevez-là souvent cette voix qui se tait.
Quand vous vîntes au jour un rossignol chantait ;
Un astre charmant vous vit naître.
Enfant, pour vous marquer du poétique sceau,
Vous eûtes au chevet de votre heureux berceau
Un dieu, votre père peut-être !

Deux vierges, Poésie et Musique, deux soeurs,
Vous font une pensée infinie en douceurs ;
Votre génie a deux aurores,
Et votre esprit tantôt s'épanche en vers touchants,
Tantôt sur le clavier, qui frémit sous vos chants,
S'éparpille en notes sonores !

Oh ! vous faites rêver le poète, le soir !
Souvent il songe à vous, lorsque le ciel est noir,
Quand minuit déroule ses voiles ;
Car l'âme du poète, âme d'ombre et d'amour,
Est une fleur des nuits qui s'ouvre après le jour
Et s'épanouit aux étoiles !

Décembre 1830.
Un slow sobre à minuit
Une robe de matadore
De mousseline et taffetas
Bleu Klein
Muse danse avec son rêve les yeux clos
Muse se blottit contre le ventre atypique du vent
Muse bouge et épouse sans calcul la transe
De ce mâle équipage
Débordant de gammes et de dièse
Muse sent monter en elle une meute de renoncules dodues
Qui mordillent et desagrafent
Sa panoplie de lune et de lumière
Comme une œuvre d'art à la roue libre,
Un tableau vivant où les sueurs s'epanchent, vont et viennent
En une pluie de rires et d'étoiles filantes
En forme de notes bleues
Jaillies de l'outre-noir de l'outre-mer
De ses reins mouillés par ce bal musette invisible mais réel.
I

Vraiment, c'est bête, ces églises des villages
Où quinze laids marmots encrassant les piliers
Écoutent, grasseyant les divins babillages,
Un noir grotesque dont fermentent les souliers :
Mais le soleil éveille, à travers des feuillages,
Les vieilles couleurs des vitraux irréguliers.

La pierre sent toujours la terre maternelle.
Vous verrez des monceaux de ces cailloux terreux
Dans la campagne en rut qui frémit solennelle
Portant près des blés lourds, dans les sentiers ocreux,
Ces arbrisseaux brûlés où bleuit la prunelle,
Des noeuds de mûriers noirs et de rosiers fuireux.

Tous les cent ans on rend ces granges respectables
Par un badigeon d'eau bleue et de lait caillé :
Si des mysticités grotesques sont notables
Près de la Notre-Dame ou du Saint empaillé,
Des mouches sentant bon l'auberge et les étables
Se gorgent de cire au plancher ensoleillé.

L'enfant se doit surtout à la maison, famille
Des soins naïfs, des bons travaux abrutissants ;
Ils sortent, oubliant que la peau leur fourmille
Où le Prêtre du Christ plaqua ses doigts puissants.
On paie au Prêtre un toit ombré d'une charmille
Pour qu'il laisse au soleil tous ces fronts brunissants.

Le premier habit noir, le plus beau jour de tartes,
Sous le Napoléon ou le Petit Tambour
Quelque enluminure où les Josephs et les Marthes
Tirent la langue avec un excessif amour
Et que joindront, au jour de science, deux cartes,
Ces seuls doux souvenirs lui restent du grand Jour.
Les filles vont toujours à l'église, contentes
De s'entendre appeler garces par les garçons
Qui font du genre après messe ou vêpres chantantes.
Eux qui sont destinés au chic des garnisons
Ils narguent au café les maisons importantes,
Blousés neuf, et gueulant d'effroyables chansons.

Cependant le Curé choisit pour les enfances
Des dessins ; dans son clos, les vêpres dites, quand
L'air s'emplit du lointain nasillement des danses,
Il se sent, en dépit des célestes défenses,
Les doigts de pied ravis et le mollet marquant ;
- La Nuit vient, noir pirate aux cieux d'or débarquant.

II

Le Prêtre a distingué parmi les catéchistes,
Congrégés des Faubourgs ou des Riches Quartiers,
Cette petite fille inconnue, aux yeux tristes,
Front jaune. Les parents semblent de doux portiers.
" Au grand Jour le marquant parmi les Catéchistes,
Dieu fera sur ce front neiger ses bénitiers. "

III

La veille du grand Jour l'enfant se fait malade.
Mieux qu'à l'Église haute aux funèbres rumeurs,
D'abord le frisson vient, - le lit n'étant pas fade -
Un frisson surhumain qui retourne : " Je meurs... "

Et, comme un vol d'amour fait à ses soeurs stupides,
Elle compte, abattue et les mains sur son coeur
Les Anges, les Jésus et ses Vierges nitides
Et, calmement, son âme a bu tout son vainqueur.

Adonaï !... - Dans les terminaisons latines,
Des cieux moirés de vert baignent les Fronts vermeils
Et tachés du sang pur des célestes poitrines,
De grands linges neigeux tombent sur les soleils !

- Pour ses virginités présentes et futures
Elle mord aux fraîcheurs de ta Rémission,
Mais plus que les lys d'eau, plus que les confitures,
Tes pardons sont glacés, à Reine de Sion !
IV

Puis la Vierge n'est plus que la vierge du livre.
Les mystiques élans se cassent quelquefois...
Et vient la pauvreté des images, que cuivre
L'ennui, l'enluminure atroce et les vieux bois ;

Des curiosités vaguement impudiques
Épouvantent le rêve aux chastes bleuités
Qui s'est surpris autour des célestes tuniques,
Du linge dont Jésus voile ses nudités.

Elle veut, elle veut, pourtant, l'âme en détresse,
Le front dans l'oreiller creusé par les cris sourds,
Prolonger les éclairs suprêmes de tendresse,
Et bave... - L'ombre emplit les maisons et les cours.

Et l'enfant ne peut plus. Elle s'agite, cambre
Les reins et d'une main ouvre le rideau bleu
Pour amener un peu la fraîcheur de la chambre
Sous le drap, vers son ventre et sa poitrine en feu...

V

À son réveil, - minuit, - la fenêtre était blanche.
Devant le sommeil bleu des rideaux illunés,
La vision la prit des candeurs du dimanche ;
Elle avait rêvé rouge. Elle saigna du nez,

Et se sentant bien chaste et pleine de faiblesse
Pour savourer en Dieu son amour revenant,
Elle eut soif de la nuit où s'exalte et s'abaisse
Le coeur, sous l'oeil des cieux doux, en les devinant ;

De la nuit, Vierge-Mère impalpable, qui baigne
Tous les jeunes émois de ses silences gris ;
EIIe eut soif de la nuit forte où le coeur qui saigne
Ecoule sans témoin sa révolte sans cris.

Et faisant la victime et la petite épouse,
Son étoile la vit, une chandelle aux doigts,
Descendre dans la cour où séchait une blouse,
Spectre blanc, et lever les spectres noirs des toits.

VI

Elle passa sa nuit sainte dans les latrines.
Vers la chandelle, aux trous du toit coulait l'air blanc,
Et quelque vigne folle aux noirceurs purpurines,
En deçà d'une cour voisine s'écroulant.

La lucarne faisait un coeur de lueur vive
Dans la cour où les cieux bas plaquaient d'ors vermeils
Les vitres ; les pavés puant l'eau de lessive
Soufraient l'ombre des murs bondés de noirs sommeils.

VII

Qui dira ces langueurs et ces pitiés immondes,
Et ce qu'il lui viendra de haine, à sales fous
Dont le travail divin déforme encor les mondes,
Quand la lèpre à la fin mangera ce corps doux ?

VIII

Et quand, ayant rentré tous ses noeuds d'hystéries,
Elle verra, sous les tristesses du bonheur,
L'amant rêver au blanc million des Maries,
Au matin de la nuit d'amour avec douleur :

" Sais-tu que je t'ai fait mourir ? J'ai pris ta bouche,
Ton coeur, tout ce qu'on a, tout ce que vous avez ;
Et moi, je suis malade : Oh ! je veux qu'on me couche
Parmi les Morts des eaux nocturnes abreuvés !

" J'étais bien jeune, et Christ a souillé mes haleines.
Il me bonda jusqu'à la gorge de dégoûts !
Tu baisais mes cheveux profonds comme les laines
Et je me laissais faire... ah ! va, c'est bon pour vous,

" Hommes ! qui songez peu que la plus amoureuse
Est, sous sa conscience aux ignobles terreurs,
La plus prostituée et la plus douloureuse,
Et que tous nos élans vers vous sont des erreurs !

" Car ma Communion première est bien passée.
Tes baisers, je ne puis jamais les avoir sus :
Et mon coeur et ma chair par ta chair embrassée
Fourmillent du baiser putride de Jésus ! "

IX

Alors l'âme pourrie et l'âme désolée
Sentiront ruisseler tes malédictions.
- Ils auront couché sur ta Haine inviolée,
Échappés, pour la mort, des justes passions.

Christ ! ô Christ, éternel voleur des énergies,
Dieu qui pour deux mille ans vouas à ta pâleur
Cloués au sol, de honte et de céphalalgies,
Ou renversés, les fronts des femmes de douleur.
Quand la lune blanche
S'accroche à la branche
Pour voir
Si quelque feu rouge
Dans l'horizon bouge
Le soir,

Fol alors qui livre
A la nuit son livre
Savant,
Son pied aux collines,
Et ses mandolines
Au vent ;

Fol qui dit un conte,
Car minuit qui compte
Le temps,
Passe avec le prince
Des sabbats qui grince
Des dents.

L'amant qui compare
Quelque beauté rare
Au jour,
Tire une ballade
De son coeur malade
D'amour.

Mais voici dans l'ombre
Qu'une ronde sombre
Se fait,
L'enfer autour danse,
Tous dans un silence
Parfait.

Tout pendu de Grève,
Tout Juif mort soulève
Son front,
Tous noyés des havres
Pressent leurs cadavres
En rond.

Et les âmes feues
Joignent leurs mains bleues
Sans os ;
Lui tranquille chante
D'une voix touchante
Ses maux.

Mais lorsque sa harpe,
Où flotte une écharpe,
Se tait,
Il veut fuir... La danse
L'entoure en silence
Parfait.

Le cercle l'embrasse,
Son pied s'entrelace
Aux morts,
Sa tête se brise
Sur la terre grise !
Alors

La ronde contente,
En ris éclatante,
Le prend ;
Tout mort sans rancune
Trouve au clair de lune
Son rang.

Car la lune blanche
S'accroche à la branche
Pour voir
Si quelque feu rouge
Dans l'horizon bouge
Le soir.
Vous mîtes votre bras adroit,
Un soir d'été, sur mon bras... gauche.
J'aimerai toujours cet endroit,
Un café de la Rive-Gauche ;

Au bord de la Seine, à Paris :
Un homme y chante la Romance
Comme au temps... des lansquenets gris ;
Vous aviez emmené Clémence.

Vous portiez un chapeau très frais
Sous des nœuds vaguement orange,
Une robe à fleurs... sans apprêts,
Sans rien d'affecté ni d'étrange ;

Vous aviez un noir mantelet,
Une pèlerine, il me semble,
Vous étiez belle, et... s'il vous plaît,
Comment nous trouvions-nous ensemble ?

J'avais l'air, moi, d'un étranger ;
Je venais de la Palestine
À votre suite me ranger,
Pèlerin de ta Pèlerine.

Je m'en revenais de Sion,
Pour baiser sa frange en dentelle,
Et mettre ma dévotion
Entière à vos pieds d'Immortelle.

Nous causions, je voyais ta voix
Dorer ta lèvre avec sa crasse,
Tes coudes sur la table en bois,
Et ta taille pleine de grâce ;

J'admirais ta petite main
Semblable à quelque serre vague,
Et tes jolis doigts de gamin,
Si chics ! qu'ils se passent de bague ;

J'aimais vos yeux, où sans effroi
Battent les ailes de votre Âme,
Qui font se baisser ceux du roi
Mieux que les siens ceux d'une femme ;

Vos yeux splendidement ouverts
Dans leur majesté coutumière...
Étaient-ils bleus ? Étaient-ils verts ?
Ils m'aveuglaient de ta lumière.

Je cherchais votre soulier fin,
Mais vous rameniez votre robe
Sur ce miracle féminin,
Ton pied, ce Dieu, qui se dérobe !

Tu parlais d'un ton triomphant,
Prenant aux feintes mignardises
De tes lèvres d'amour Enfant
Les cœurs, comme des friandises,

La rue où rit ce cabaret,
Sur laquelle a pu flotter l'Arche,
Sachant que l'Ange y descendrait,
Porte le nom d'un patriarche.

Charmant cabaret de l'Amour !
Je veux un jour y peindre à fresque
Le Verre auquel je fis ma cour.
Juin, quatre-vingt-cinq, minuit... presque.
Nul troupeau n'erre ni ne broute ;
Le berger s'allonge à l'écart ;
La poussière dort sur la route,
Le charretier sur le brancard.

Le forgeron dort dans la forge ;
Le maçon s'étend sur un banc ;
Le boucher ronfle à pleine gorge,
Les bras rouges encor de sang.

La guêpe rôde au bord des jattes ;
Les ramiers couvrent les pignons ;
Et, la gueule entre les deux pattes,
Le dogue a des rêves grognons.

Les lavandières babillardes
Se taisent. Non **** du lavoir,
En plein azur, sèchent les hardes
D'une blancheur blessante à voir.

La férule à peine surveille
Les écoliers inattentifs ;
Le murmure épars d'une abeille
Se mêle aux alphabets plaintifs...

Un vent chaud traîne ses écharpes
Sur les grands blés lourds de sommeil,
Et les mouches se font des harpes
Avec des rayons de soleil.

Immobiles devant les portes
Sur la pierre des seuils étroits,
Les aïeules semblent des mortes
Avec leurs quenouilles aux doigts.

C'est alors que de la fenêtre
S'entendent, tout en parlant bas,
Plus libres qu'à minuit peut-être,
Les amants, qui ne dorment pas.
Pour sauver son époux, Çavitri fit le vœu

De se tenir trois jours entiers, trois nuits entières,

Debout, sans remuer jambes, buste ou paupières :

Rigide, ainsi que dit Vyaça, comme un pieu.


Ni, Curya, tes rais cruels, ni la langueur

Que Tchandra vient épandre à minuit sur les cimes

Ne firent défaillir, dans leurs efforts sublimes,

La pensée et la chair de la femme au grand cœur.


- Que nous cerne l'Oubli, noir et morne assassin,

Ou que l'Envie aux traits amers nous ait pour cibles.

Ainsi que Çavitri faisons-nous impassibles,

Mais, comme elle, dans l'âme ayons un haut dessein.
Ce n'est pas un portrait très orthodoxe
C 'est un autoportrait nu et sincère
Dans le miroir
Flou car la nudité l'exige
Mais néanmoins expressif
Voilà comment se présente ma Muse

Il est minuit
Ma Muse fait mumuse
Et médite sur la valeur lexicale du mot bandante
Que vient de lui chuchoter à l'oreille le prince
Et se proclame séance tenante
Bandante adjective et qualificative
Libertine dans une insouciance avide
Ses cuisses érotiques et bavardes
Solides quoique un peu fainéantes
S'offrent généreuses au miroir sans tain
De sa chambre
Le carrosse peut se transformer en citrouille
Elle n'en a que cure. elle est poissons
Et attend avec plaisir et impatience
Que Venus en feu, régie par Mars gradivus
Entre en bélier
Et lui envoie son ravisseur
Sous la forme d'un prince ******
Surgi du diable vauvert
Derrière le miroir sans tain

— The End —