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Paul d'Aubin Mar 2016
Radio Matin, mars 2016

Radio Matin, mars 2016 ; Tu écoutes la radio du matin ne pouvant te replonger dans l’oubli Et les nouvelles ne vont pas vont pas bien Il paraît que les Grecs auraient abusé, Des subventions de l'Europe se seraient gavés. Et, qu’horrible angoisse, Picsou craint de ne point être remboursé. Mais où va-t-on, si les créanciers rechignent à payer leur dus ? Tu écoutes la radio du matin Et les nouvelles ne vont pas bien. Les banques aussitôt sortis du coma, ont refilé en douce leurs pertes sur le déficit des Etats et ainsi créés un grand branle-bas Et se sont mises comme l’usurier Shylock A provoquer de grands entrechocs. Tu écoutes la radio du matin Il parait que les «marchés» ont le bourdon Car les européens du sud auraient croqué tout le pognon. Les marchés en perdent leur latin De voir la « dolce Vita de tous ces profiteurs. Quant à l’Espagne n’en parlons même pas ! C’est certainement la faute de la sangria. Tu écoutes la radio du matin Et les nouvelles ne vont pas bien. Il va falloir travailler plus longtemps, et du code du travail si ventripotent décréter la grande disette, d’ailleurs Manuel l’a dit, l’ « ancien socialisme » n’est pas « moderne » car il ne se plie pas aux contraintes de ce que nos gourous savants, nous dictent comme étant « la Modernité », d'ailleurs la barbe de Jean  Jaurès ne fait pas assez jeune cadre dynamique ! Et puis il paraît que nous vivons trop longtemps et pour les fonds de pension cela est certes démoralisant. Pourtant ne souhaitons guère tous atteindre cent-ans, Et préférerions disposer librement de notre temps. Tu écoutes encore la radio du matin Et les nouvelles ne vont pas bien. Un tanker s’est est échoué Laissant le pétrole s'écouler, qui sera difficilement colmaté et tue mouettes et cormorans. Les centaines de milliers de réfugiés, souvent par nos propres bombes déplacés ont le toupet de vouloir partager l’espoir de vivre dans un oasis de Paix ; mais pour combien de temps encor, cette paix des cimetières peut-elle durer, et bous laisser consommer seuls dans nos lits pas toujours si douillets ?
Tu n'écoutes plus désormais la radio du matin et la télévision encore moins. Car toutes ces nouvelles te rendaient zinzin. Tu n’es plus sûr, du tout, de la vérité apportée dans cette Babel sonore et tu es consterné par une vision si étriquée de l’humain.
Comment pouvons-nous tant ingurgiter d’insignifiances où se noie la lucidité ? Comment pouvons-nous partager les vrais progrès des sciences et du creuset Mondial des pensées ? Sans jamais nous interroger et garder le nez au raz de cette marée d’informations non triées ? Comment avoir un bon usage d'un village planétaire si divisé ? Et comment redonner le goût de l’Humain pour le plus grand nombre à la participation aux choix dont nous sommes si souvent exclus bien que surinformés ?

Paul Arrighi (Toulouse le vendredi 18 mars 2016)
Paul d'Aubin Mar 2017
« Des Hommes prophétiques en face de leurs époques face à la souffrance causée par les périodes de réaction et de reflux »

(Relation d’une conférence donnée le 13 janvier 1940 à Toulouse par Silvio Trentin sur le principal Poète romantique Italien Giacomo Leopardi)

Prélude à une commémoration

C'est à la bibliothèque interuniversitaire de l’Université de Toulouse-Capitole alors que je me plongeais avec ferveur dans la lecture des ouvrages sur les « fuorusciti » (appellation donnée aux exilés politiques Italiens) que je découvris un opuscule de 118 pages, issue d'une conférence prononcée à Toulouse, le 13 janvier 1940 devant le « Cercle des intellectuels Républicains espagnols » par Silvio Trentin. Cette conférence fut prononcée avec la gorge nouée, devant un public d'intellectuels espagnols et catalans, la plupart exilés depuis 1939, et quelques-uns de leurs amis toulousains non mobilisés.
L'intense gravité du moment ne les empêchait pas de partager une ferveur commune ce haut moment de culture la culture Européenne intitulée par Silvio Trentin : « D’un poète qui nous permettra de retrouver l'Italie Giacomo Leopardi »
L'émotion fut grande pour moi car cet ouvrage me parut comme le frêle esquif rescapé d'un temps de défaites, de souffrances, rendu perceptible par le crépitement des balles de mitrailleuses, des explosions d’obus s'abattant sur des soldats républicains écrasés par la supériorité des armes et condamnés à la défaite par le mol et lâche abandon des diplomaties. Silvio Trentin avait gravé dans sa mémoire des images récentes qui n'avaient rien à envier aux tableaux grimaçants de nouveaux Goya. Il avait tant vu d'images d'avions larguant leurs bombes sur les populations terrifiées et embraser les charniers de Guernica. Il venait de voir passer les longues files de civils, toujours harassés, souvent blessés, emportant leurs rares biens ainsi que les soldats vaincus mais fiers de «la Retirada ». Il venait de visiter ces soldats dont parmi eux bon nombre de ses amis de combat, parqués sommairement dans des camps d'infortune.
Ces Catalans et Espagnols, qui s'étaient battus jusqu'au bout des privations et des souffrances endurées, étaient comme écrasés par le sentiment d'avoir été laissés presque seuls à lutter contre les fascismes, unis et comme pétrifiés par un destin d'injustice et d'amertume.
Mais ces premiers déchainements impunis d'injustices et de violences avaient comme ouverts la porte aux «trois furies» de la mythologie grecque et une semaine exactement après la conclusion du pacte de non-agression germano-soviétique, signé le 23 août 1939, par Molotov et Ribbentrop, les troupes allemandes se jetaient, dès le 1er septembre, sur la Pologne qu'elles écrasaient sous le nombre des stukas et des chars, en raison ce que le Général de Gaulle nomma ultérieurement « une force mécanique supérieure».
Une armée héroïque, mais bien moins puissante, était défaite. Et il ne nous en reste en guise de témoignage dérisoire que les images du cinéaste Andrei Wajda, nous montrant de jeunes cavaliers munis de lances se rendant au combat, à cheval, à la fin de cet été 1939, images d'une fallacieuse et vénéneuse beauté. Staline rendu avide par ce festin de peuples attaqua la Finlande, un mois après, le 30 septembre 1940, après s'être partagé, avec l'Allemagne hitlérienne, une partie de la Pologne. Depuis lors la « drôle de guerre » semblait en suspension, attendant pétrifiée dans rien faire les actes suivants de la tragédie européenne.

- Qu'est ce qui pouvait amener Silvio Trentin en ces jours de tragédie, à sacrifier à l'exercice d'une conférence donnée sur un poète italien né en 1798, plus d'un siècle avant ce nouvel embrasement de l'Europe qui mourut, si jeune, à trente-neuf ans ?
- Comment se fait-il que le juriste antifasciste exilé et le libraire militant devenu toulousain d'adoption, plus habitué à porter son éloquence reconnue dans les meetings organisés à Toulouse en soutien au Front à s'exprimer devant un cercle prestigieux de lettrés, comme pour magnifier la poésie même parmi ses sœurs et frères d'armes et de malheurs partagés ?
I °) L’opposition de tempéraments de Silvio Trentin et Giacomo Leopardi
L'intérêt porté par Silvio Trentin aux textes de Percy Shelley et au geste héroïco-romantique du poète Lauro de Bosis qui dépeignit dans son dernier texte le choix de sa mort héroïque pourrait nous laisser penser que le choix, en 1940, de Giacomo Leopardi comme sujet de médiation, s'inscrivait aussi dans une filiation romantique. Certes il y a bien entre ces deux personnalités si différentes que sont Giacomo Leopardi et Silvio Trentin une même imprégnation romantique. Le critique littéraire hors pair que fut Sainte-Beuve ne s'y est pourtant pas trompé. Dans l'un des premiers portraits faits en France de Leopardi, en 1844, dans la ***** des deux Mondes, Sainte-Beuve considère comme Leopardi comme un « Ancien » : (...) Brutus comme le dernier des anciens, mais c'est bien lui qui l'est. Il est triste comme un Ancien venu trop **** (...) Leopardi était né pour être positivement un Ancien, un homme de la Grèce héroïque ou de la Rome libre. »
Giacomo Leopardi vit au moment du plein essor du romantisme qui apparaît comme une réaction contre le formalisme de la pâle copie de l'Antique, de la sécheresse de la seule raison et de l'occultation de la sensibilité frémissante de la nature et des êtres. Mais s'il partage pleinement les obsessions des écrivains et poètes contemporains romantiques pour les héros solitaires, les lieux déserts, les femmes inaccessibles et la mort, Leopardi, rejette l'idée du salut par la religion et tout ce qui lui apparaît comme lié à l'esprit de réaction en se plaignant amèrement du caractère étroitement provincial et borné de ce qu'il nomme « l’aborrito e inabitabile Recanati ». En fait, la synthèse de Giacomo Leopardi est bien différente des conceptions d'un moyen âge idéalisé des romantiques. Elle s'efforce de dépasser le simple rationalisme à l'optimisme naïf, mais ne renie jamais l'aspiration aux « Lumières » qui correspond pour lui à sa passion tumultueuse pour les sciences. Il s'efforce, toutefois, comme par deux ponts dressés au travers de l'abime qui séparent les cultures et les passions de siècles si différents, de relier les idéaux des Antiques que sont le courage civique et la vertu avec les feux de la connaissance que viennent d'attiser les encyclopédistes. A cet effort de confluence des vertus des langues antiques et des sciences nouvelles se mêle une recherche constante de la lucidité qui le tient toujours comme oscillant sur les chemins escarpés de désillusions et aussi du rejet des espoirs fallacieux dans de nouvelles espérances d'un salut terrestre.
De même Silvio Trentin, de par sa haute formation juridique et son engagement constant dans les tragédies et péripéties quotidienne du militantisme, est **** du secours de la religion et de toute forme d'idéalisation du passé. Silvio Trentin reste pleinement un homme de progrès et d'idéal socialiste fortement teinté d'esprit libertaire pris à revers par la barbarie d'un siècle qui s'ouvre par la première guerre mondiale et la lutte inexpiable engagée entre la réaction des fascismes contre l'esprit des Lumières.
Mais, au-delà d'un parcours de vie très éloigné et d'un pessimisme historique premier et presque fondateur chez Leopardi qui l'oppose à l'obstination civique et démocratique de Silvio Trentin qui va jusqu'à prôner une utopie sociétale fondée sur l'autonomie, deux sentiments forts et des aspirations communes les font se rejoindre.

II °) Le même partage des désillusions et de la douleur :
Ce qui relie les existences si différentes de Giacomo Leopardi et de Silvio Trentin c'est une même expérience existentielle de la désillusion et de la douleur. Elle plonge ses racines chez Giacomo Leopardi dans une vie tronquée et comme recroquevillée par la maladie et un sentiment d'enfermement. Chez Silvio Trentin, c'est l'expérience historique même de la première moitié du vingtième siècle dont il est un des acteurs engagés qui provoque, non pas la désillusion, mais le constat lucide d'un terrible reflux historique qui culmine jusqu'à la chute de Mussolini et d'Hilter. A partir de retour dans sa patrie, le 4 septembre 1943, Silvio Trentin débute une période de cinq jours de vie intense et fiévreuse emplie de liberté et de bonheur, avant de devoir replonger dans la clandestinité, en raison de la prise de contrôle du Nord et du centre de l'Italie par l'armée allemande et ses alliés fascistes. Bien entendu il n'y a rien de comparable en horreur entre le sentiment d'un reflux des illusions causé par l'échec historique de la Révolution française et de son héritier infidèle l'Empire et le climat de réaction qui suit le congrès de Vienne et la violence implacable qui se déchaine en Europe en réaction à la tragédie de la première mondiale et à la Révolution bolchevique.


III °) Le partage de la souffrance par deux Esprits dissemblables :
Silvio Trentin retrace bien le climat commun des deux périodes : « Son œuvre se situe bien (...) dans cette Europe de la deuxième décade du XIXe siècle qui voit s'éteindre les dernières flammèches de la Grand Révolution et s'écrouler, dans un fracas de ruines, la folle aventure tentée par Bonaparte et se dresser impitoyablement sur son corps, à l'aide des baïonnettes et des potences, les solides piliers que la Sainte Alliance vient d'établir à Vienne. »
C'est donc durant deux périodes de reflux qu'ont vécu Giacomo Leopardi et Silvio Trentin avec pour effet d'entrainer la diffusion d'un grand pessimisme historique surtout parmi celles et ceux dont le tempérament et le métier est de penser et de décrire leur époque. Silvio Trentin a vu démocratie être progressivement étouffée, de 1922 à 1924, puis à partir de 1926, être brutalement écrasée en Italie. En 1933, il assisté à l'accession au gouvernement d'****** et à l'installation rapide d'un pouvoir impitoyable ouvrant des camps de concentration pour ses opposants et mettant en œuvre un antisémitisme d'Etat qui va basculer dans l'horreur. Il a personnellement observé, puis secouru, les républicains espagnols et catalans si peu aidés qu'ils ont fini par ployer sous les armes des dictatures fascistes, lesquelles ne ménagèrent jamais leurs appuis, argent, et armes et à leur allié Franco et à la « vieille Espagne ». Il a dû assurer personnellement la pénible tâche d'honorer ses amis tués, comme l'avocat républicain, Mario Angeloni, le socialiste Fernando de Rosa, son camarade de « Giustizia e Libertà », Libero Battistelli. Il a assisté à l'assassinat en France même de l'économiste Carlo Rosselli qui était son ami et qu'il estimait entre tous.

IV °) Sur le caractère de refuge ultime de la Poésie :
Silvio Trentin laisse percer la sensibilité et l'esprit d'un être sensible face aux inévitables limites des arts et techniques mises au service de l'émancipation humaine. A chaque époque pèsent sur les êtres humains les plus généreux les limites inévitables de toute création bridée par les préjugés, les égoïsmes et les peurs. Alors la poésie vient offrir à celles et ceux qui en souffrent le plus, une consolation et leur offre un univers largement ouvert à la magie créatrice des mots ou il n'est d'autres bornes que celles de la liberté et la créativité. C'est ce qui nous permet de comprendre qu'au temps où l'Espagne brulait et ou l'Europe se préparait à vivre l'une des époques les plus sombres de l'humanité, la fragile cohorte des poètes, tels Rafael Alberti, Juan Ramon Jiménez, Federico Garcia Lorca et Antonio Machado s'engagea comme les ruisseaux vont à la mer, aux côtés des peuples et des classes opprimées. Parmi les plus nobles et les plus valeureux des politiques, ceux qui ne se satisfont pas des effets de tribune ou des honneurs précaires, la poésie leur devient parfois indispensable ainsi que formule Silvio Trentin :
« [...] si la poésie est utile aux peuples libres, [...] elle est, en quelque sorte, indispensable — ainsi que l'oxygène aux êtres que menace l'asphyxie — aux peuples pour qui la liberté est encore un bien à conquérir] « [...] La poésie s'adresse aussi "à ceux parmi les hommes [...] qui ont fait l'expérience cruelle de la déception et de la douleur».
Le 16 03 2017 écrit par Paul Arrighi
Nielsen Mooken Feb 2015
Nous etions, en cet instant, prisonniers du bonheur.
Heritiers de cette douce mais, o combien lourde, ferveur
Brulant sous cette peau vernie de sueur, de sable et de sel,
Portes, en princes sous les ficelles des tisseuses de ciel.
Nous regardions le gris a nous ecorcher les yeux,
Aimant de la passion infidele du zenith bleu
Le vide encombrant de nos plus incroyables espoirs
Et le remou sans debut ni fin de nouvelles memoires.
Nous les connaissions, ces esprits, vagabonds des mers
Chassant, au milieu des vagues ces humeurs incidencieres,
Celles la meme qui jadis se prenommaient “reves d’enfance”
Et qui depuis de sont transformes en dependence.
Nous les connaissions, et meme si la nature de ce lien
M’est masque par un sacerdoce qui ne sera jamais mien,
Elle me dicte toujours chaque contour de leur lames grises
Qui de cet air sec et fier sont tragiquement eprises
Nous etions, en cet instant prisonniers de beaute,
Celle la meme qui voit nos poumons dechiquetes
A vouloir engouffrer ce monde entier sous nos pores
Que demain a travers ces lettres je puisse a nouveau le voir.
Paul d'Aubin Dec 2016
L'Espoir, quand même et malgré tout !

( Une poésie, bien pour notre temps )

L'Espoir, c'est le sourire entrevu
Qui interrompt les plombs de l'injustice.
C'est Malraux s'efforçant de lever des avions
Dans une Espagne en feu, abandonnée, trahie
L’espoir, ce sont ces humbles que l'on ne voit jamais,
À qui l'on sourit et propose un projet commun,
L’Espoir ce sont l'abbé Pierre et Coluche, délaissant leur confort,
Pour dire que la faim et l'absence de toit sont indignes de sociétés qui se prétendent démocratiques,
L'Espoir c'est la patience de reprendre l'explication si une première leçon n'a pas portée ses fruits,
L'Espoir c'est rejeter toute forme d'exclusion fondée sur la race, le sexe, l'âge ou la manière de croire ou de ne pas croire,
L'Espoir c'est l'évêque d'Hugo, laissant repartir le forçat Jean Valjean,
L'espoir c'est abandonner toute forme de vengeance et penser que l’être peut toujours s'améliorer, m^me s'il n'y mets pas toujours du sien,
L'espoir c'est refuser de hurler avec la meute sur l'homme seul que les médias exhibent au carcan avant de le conduire au gibet sous les clameurs de haine des foules.
L'espoir c'est penser que l'obscur employé et le simple ouvrier peuvent trouver et proposer ses solutions plus simples et plus efficaces que celles abstraitement élaborées par le chef ou par le patron.
L'Espoir c'est refuser de voir piétiner la planète et de laisser sans rien dire prendre des risques insensés au motif que certains puissants savent mieux que nous tous et ont le savoir.
L'espoir c'est se sentir rouge de honte en voyant des SDF allongés sur des cartons et entourés de l'affection de leurs seuls chiens.
L'espoir c'est découvrir des nouvelles et des sons nouveaux et ressentir que ce jaillissement de sons est une plénitude de l’Esprit et des sens,
L'Espoir, c'est parier sur la création des êtres et l'action personnelle et collective pour faire reculer la part de contraintes de la rareté et la résignation à ce persistant malheur.
L'espoir c'est refuser la facilité de désigner un bouc émissaire pour masquer son propre égoïsme ou fuir ses responsabilités et l'impératif de justice.
L'espoir, c'est regarder le ciel qui luit et la feuille d'automne qui tournoie comme l'aurore d'un premier jour,
C'est penser aux souffrances visibles et invisibles des malades et savoir relativiser ses propres succès comme ses prétendus échecs,
L'espoir, c'est s'abstenir de croire que l’on se dire citoyen en se contentant de paresseusement voter en déléguant toute sa vigilance et son action propre tous les cinq ans,
L'espoir c'est se demander si l'on a toujours bien exploré toutes les solutions et toutes les voies pour sortir d'un conflit et ne pas faire perdre sa dignité à son adversaire,
L'espoir c'est refuser de s'endormir dans l'indifférence des autres et de se sentir acteur et transformateur dans l'aventure de la vie,
L'espoir c'est savoir rendre l'espoir et la Dignité à celles et ceux qui sont tombés et désespèrent.

Paul Arrighi
brandon nagley Jun 2015
Whilst reality I seeketh
I still find hidden gestures
I seeketh just one phone call
A romance novel of letters!!!
Maby it wilt come
Maby never
Maby I seeketh to much
Just me
A romanced novel
Realist!!
DITHYRAMBE.

À M. Eugène de Genoude.

Son front est couronné de palmes et d'étoiles ;
Son regard immortel, que rien ne peut ternir,
Traversant tous les temps, soulevant tous les voiles,
Réveille le passé, plonge dans l'avenir !
Du monde sous ses yeux ses fastes se déroulent,
Les siècles à ses pieds comme un torrent s'écoulent ;
A son gré descendant ou remontant leurs cours,
Elle sonne aux tombeaux l'heure, l'heure fatale,
Ou sur sa lyre virginale
Chante au monde vieilli ce jour, père des jours !

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Ecoutez ! - Jéhova s'élance
Du sein de son éternité.
Le chaos endormi s'éveille en sa présence,
Sa vertu le féconde, et sa toute-puissance
Repose sur l'immensité !

Dieu dit, et le jour fut; Dieu dit, et les étoiles
De la nuit éternelle éclaircirent les voiles ;
Tous les éléments divers
A sa voix se séparèrent ;
Les eaux soudain s'écoulèrent
Dans le lit creusé des mers ;
Les montagnes s'élevèrent,
Et les aquilons volèrent
Dans les libres champs des airs !

Sept fois de Jéhova la parole féconde
Se fit entendre au monde,
Et sept fois le néant à sa voix répondit ;
Et Dieu dit : Faisons l'homme à ma vivante image.
Il dit, l'homme naquit; à ce dernier ouvrage
Le Verbe créateur s'arrête et s'applaudit !

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Mais ce n'est plus un Dieu ! - C'est l'homme qui soupire
Eden a fui !... voilà le travail et la mort !
Dans les larmes sa voix expire ;
La corde du bonheur se brise sur sa lyre,
Et Job en tire un son triste comme le sort.

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Ah ! périsse à jamais le jour qui m'a vu naître !
Ah ! périsse à jamais la nuit qui m'a conçu !
Et le sein qui m'a donné l'être,
Et les genoux qui m'ont reçu !

Que du nombre des jours Dieu pour jamais l'efface ;
Que, toujours obscurci des ombres du trépas,
Ce jour parmi les jours ne trouve plus sa place,
Qu'il soit comme s'il n'était pas !

Maintenant dans l'oubli je dormirais encore,
Et j'achèverais mon sommeil
Dans cette longue nuit qui n'aura point d'aurore,
Avec ces conquérants que la terre dévore,
Avec le fruit conçu qui meurt avant d'éclore
Et qui n'a pas vu le soleil.

Mes jours déclinent comme l'ombre ;
Je voudrais les précipiter.
O mon Dieu ! retranchez le nombre
Des soleils que je dois compter !
L'aspect de ma longue infortune
Eloigne, repousse, importune
Mes frères lassés de mes maux ;
En vain je m'adresse à leur foule,
Leur pitié m'échappe et s'écoule
Comme l'onde au flanc des coteaux.

Ainsi qu'un nuage qui passe,
Mon printemps s'est évanoui ;
Mes yeux ne verront plus la trace
De tous ces biens dont j'ai joui.
Par le souffle de la colère,
Hélas ! arraché à la terre,
Je vais d'où l'on ne revient pas !
Mes vallons, ma propre demeure,
Et cet oeil même qui me pleure,
Ne reverront jamais mes pas !

L'homme vit un jour sur la terre
Entre la mort et la douleur ;
Rassasié de sa misère,
Il tombe enfin comme la fleur ;
Il tombe ! Au moins par la rosée
Des fleurs la racine arrosée
Peut-elle un moment refleurir !
Mais l'homme, hélas!, après la vie,
C'est un lac dont l'eau s'est enfuie :
On le cherche, il vient de tarir.

Mes jours fondent comme la neige
Au souffle du courroux divin ;
Mon espérance, qu'il abrège,
S'enfuit comme l'eau de ma main ;
Ouvrez-moi mon dernier asile ;
Là, j'ai dans l'ombre un lit tranquille,
Lit préparé pour mes douleurs !
O tombeau ! vous êtes mon père !
Et je dis aux vers de la terre :
Vous êtes ma mère et mes sœurs !

Mais les jours heureux de l'impie
Ne s'éclipsent pas au matin ;
Tranquille, il prolonge sa vie
Avec le sang de l'orphelin !
Il étend au **** ses racines ;
Comme un troupeau sur les collines,
Sa famille couvre Ségor ;
Puis dans un riche mausolée
Il est couché dans la vallée,
Et l'on dirait qu'il vit encor.

C'est le secret de Dieu, je me tais et l'adore !
C'est sa main qui traça les sentiers de l'aurore,
Qui pesa l'Océan, qui suspendit les cieux !
Pour lui, l'abîme est nu, l'enfer même est sans voiles !
Il a fondé la terre et semé les étoiles !
Et qui suis-je à ses yeux ?

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Mais la harpe a frémi sous les doigts d'Isaïe ;
De son sein bouillonnant la menace à longs flots
S'échappe ; un Dieu l'appelle, il s'élance, il s'écrie :
Cieux et terre, écoutez ! silence au fils d'Amos !

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Osias n'était plus : Dieu m'apparut; je vis
Adonaï vêtu de gloire et d'épouvante !
Les bords éblouissants de sa robe flottante
Remplissaient le sacré parvis !

Des séraphins debout sur des marches d'ivoire
Se voilaient devant lui de six ailes de feux ;
Volant de l'un à l'autre, ils se disaient entre eux :
Saint, saint, saint, le Seigneur, le Dieu, le roi des dieux !
Toute la terre est pleine de sa gloire !

Du temple à ces accents la voûte s'ébranla,
Adonaï s'enfuit sous la nue enflammée :
Le saint lieu fut rempli de torrents de fumée.
La terre sous mes pieds trembla !

Et moi ! je resterais dans un lâche silence !
Moi qui t'ai vu, Seigneur, je n'oserais parler !
A ce peuple impur qui t'offense
Je craindrais de te révéler !

Qui marchera pour nous ? dit le Dieu des armées.
Qui parlera pour moi ? dit Dieu : Qui ? moi, Seigneur !
Touche mes lèvres enflammées !
Me voilà ! je suis prêt !... malheur !

Malheur à vous qui dès l'aurore
Respirez les parfums du vin !
Et que le soir retrouve encore
Chancelants aux bords du festin !
Malheur à vous qui par l'usure
Etendez sans fin ni mesure
La borne immense de vos champs !
Voulez-vous donc, mortels avides,
Habiter dans vos champs arides,
Seuls, sur la terre des vivants ?

Malheur à vous, race insensée !
Enfants d'un siècle audacieux,
Qui dites dans votre pensée :
Nous sommes sages à nos yeux :
Vous changez ma nuit en lumière,
Et le jour en ombre grossière
Où se cachent vos voluptés !
Mais, comme un taureau dans la plaine,
Vous traînez après vous la chaîne
Des vos longues iniquités !

Malheur à vous, filles de l'onde !
Iles de Sydon et de Tyr !
Tyrans ! qui trafiquez du monde
Avec la pourpre et l'or d'Ophyr !
Malheur à vous ! votre heure sonne !
En vain l'Océan vous couronne,
Malheur à toi, reine des eaux,
A toi qui, sur des mers nouvelles,
Fais retentir comme des ailes
Les voiles de mille vaisseaux !

Ils sont enfin venus les jours de ma justice ;
Ma colère, dit Dieu, se déborde sur vous !
Plus d'encens, plus de sacrifice
Qui puisse éteindre mon courroux !

Je livrerai ce peuple à la mort, au carnage ;
Le fer moissonnera comme l'herbe sauvage
Ses bataillons entiers !
- Seigneur ! épargnez-nous ! Seigneur ! - Non, point de trêve,
Et je ferai sur lui ruisseler de mon glaive
Le sang de ses guerriers !

Ses torrents sécheront sous ma brûlante haleine ;
Ma main nivellera, comme une vaste plaine,
Ses murs et ses palais ;
Le feu les brûlera comme il brûle le chaume.
Là, plus de nation, de ville, de royaume ;
Le silence à jamais !

Ses murs se couvriront de ronces et d'épines ;
L'hyène et le serpent peupleront ses ruines ;
Les hiboux, les vautours,
L'un l'autre s'appelant durant la nuit obscure,
Viendront à leurs petits porter la nourriture
Au sommet de ses tours !

------

Mais Dieu ferme à ces mots les lèvres d'Isaïe ;
Le sombre Ezéchiel
Sur le tronc desséché de l'ingrat Israël
Fait descendre à son tour la parole de vie.

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L'Eternel emporta mon esprit au désert :
D'ossements desséchés le sol était couvert ;
J'approche en frissonnant; mais Jéhova me crie :
Si je parle à ces os, reprendront-ils la vie ?
- Eternel, tu le sais ! - Eh bien! dit le Seigneur,
Ecoute mes accents ! retiens-les et dis-leur :
Ossements desséchés ! insensible poussière !
Levez-vous ! recevez l'esprit et la lumière !
Que vos membres épars s'assemblent à ma voix !
Que l'esprit vous anime une seconde fois !
Qu'entre vos os flétris vos muscles se replacent !
Que votre sang circule et vos nerfs s'entrelacent !
Levez-vous et vivez, et voyez qui je suis !
J'écoutai le Seigneur, j'obéis et je dis :
Esprits, soufflez sur eux du couchant, de l'aurore ;
Soufflez de l'aquilon, soufflez !... Pressés d'éclore,
Ces restes du tombeau, réveillés par mes cris,
Entrechoquent soudain leurs ossements flétris ;
Aux clartés du soleil leur paupière se rouvre,
Leurs os sont rassemblés, et la chair les recouvre !
Et ce champ de la mort tout entier se leva,
Redevint un grand peuple, et connut Jéhova !

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Mais Dieu de ses enfants a perdu la mémoire ;
La fille de Sion, méditant ses malheurs,
S'assied en soupirant, et, veuve de sa gloire,
Ecoute Jérémie, et retrouve des pleurs.

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Le seigneur, m'accablant du poids de sa colère,
Retire tour à tour et ramène sa main ;
Vous qui passez par le chemin,
Est-il une misère égale à ma misère ?

En vain ma voix s'élève, il n'entend plus ma voix ;
Il m'a choisi pour but de ses flèches de flamme,
Et tout le jour contre mon âme
Sa fureur a lancé les fils de son carquois !

Sur mes os consumés ma peau s'est desséchée ;
Les enfants m'ont chanté dans leurs dérisions ;
Seul, au milieu des nations,
Le Seigneur m'a jeté comme une herbe arrachée.

Il s'est enveloppé de son divin courroux ;
Il a fermé ma route, il a troublé ma voie ;
Mon sein n'a plus connu la joie,
Et j'ai dit au Seigneur : Seigneur, souvenez-vous,
Souvenez-vous, Seigneur, de ces jours de colère ;
Souvenez-vous du fiel dont vous m'avez nourri ;
Non, votre amour n'est point tari :
Vous me frappez, Seigneur, et c'est pourquoi j'espère.

Je repasse en pleurant ces misérables jours ;
J'ai connu le Seigneur dès ma plus tendre aurore :
Quand il punit, il aime encore ;
Il ne s'est pas, mon âme, éloigné pour toujours.

Heureux qui le connaît ! heureux qui dès l'enfance
Porta le joug d'un Dieu, clément dans sa rigueur !
Il croit au salut du Seigneur,
S'assied au bord du fleuve et l'attend en silence.

Il sent peser sur lui ce joug de votre amour ;
Il répand dans la nuit ses pleurs et sa prière,
Et la bouche dans la poussière,
Il invoque, il espère, il attend votre jour.

------

Silence, ô lyre ! et vous silence,
Prophètes, voix de l'avenir !
Tout l'univers se tait d'avance
Devant celui qui doit venir !
Fermez-vous, lèvres inspirées ;
Reposez-vous, harpes sacrées,
Jusqu'au jour où sur les hauts lieux
Une voix au monde inconnue,
Fera retentir dans la nue :
PAIX A LA TERRE, ET GLOIRE AUX CIEUX !
Nat Lipstadt May 2015
from the beckoning nookery
a firework sign comes,
a warning bow shot
of summer commencing,
the ever present
natural elemental companions
sun, sky, water, earth and wind
in unison,
their voices commanding,
calling out

write!

poet has painted this vista~poem
so so many times,
all is as before,
yet nature's sirening,
   a compulsed fierce fire catcall
poet once more,
endeavor,

write!

poet resists
for all seems a priori,
impossible to change his older visionaries,
defending himself to them

"all is before"
(except for the poet)

the Nookery is
the poet's corner,
self-proclaimed,
in soul warfare taken,
oasis of composition,
truthfully, a
confessional
seclusion salvation place,
within it heard only
the voices of
twinning earth and water,
sun and sky
striking poet's fomenting
heart~throat beating chest

other poets have been invited here,
for their solacing arrival
this poet attends,
perhaps only  together he thinks,
two poets with luck,
in contra-unison can devise
new ways of capture of  the
unceasing harmonies,
unnaturally eternal
ripened to perfection,
a constancy of hope,
in the unchanging, island setting

river and bay breeze,
sun-warmed waters
bring to him once again as in the past,
Shaker Melodies of West Side Stories,
Air adagio's of rock and roll anthems,
Pachelbel's Canon

this, nature's subtle way
of edging him on,
beseeching the poet

sit, rest,
one more time
upon the Adirondack wood worn throne,
pluck poems from us,
about us

write!

the environmentals,
so persistent -
refuseniks of the tyranny
of the past shout

lay us down to sleep
on coverlets of refreshed verse,
ours to keep,
when to the must of the city,
you
must

the poet,
contented
with the written word of
what has long ago
been removed from him,
fears plumbing yet again
the unoriginal error of repetition,
a sin of cardinals and small minds

the unrepentant wind whips
insistent,
seering sun shines
consistent,
water waves lap speak
one continuous shushing sound
persistent,
all together
demanding, non-stopping,
new homages and sacrifice
deny past connectivity

all is not as before
maintaining, complaining
(even the poet)

poet sees
the elements,
sees that all appear similar
in last year's' form,
and the year's before,
lacking the comprehension
of subtle modifications

eyes uncircumcised
see harder, look closer,
perceive
new combinations of
varicose veined blue shadings
in the waterways and the
fresh waving-hello colored whitecaps,
updated saluting salutations
quite like those of
friends past, rewelcoming him,
more real
than the error of self-delusion of
unchained unchanged
all, nothing
is as before

these waters molecules
have never been here before,
newly flowing nouvelles arrivées
from the South Seas and Antartica,
the Yangtze and the Amazon

today's temperate breeze
so adamant,
boasts of having come here first time
from cold Canada,
or balmy Bombay,
melting as immigrants to his sheltered island

all speak now in
new tongues, new accents,
all a collective
here,
come to me,
all the same quest

write!

the sun same,
yet newly born daily
burnished with a forever glory
send fresh light
to the poet's eyes,
each ray politely suggesting,
this summer's novice poet,
pay them
poetic obeisance dues,
and

write!

all is as surface as before,
but all have changed,
new summer, new elements,
decay wiped away,
man~poet must now speak too,
using uncovered new verbal molecules,,
recreating the ineffable solace
of a new summer
brought to him in the guise only of
familiar friends

all of us
have changed,
though seemingly minimally surficially,
Poet,
self-taught,
acknowledges, he too
evolves

it is this tale then,
the poet proffers
as his first serving of
summer-only fruits,
owning up now,
though man and nature
revolve in planetary unison,
all things change,
even the poet,
when in nature's nookery,
his compulsion
is sun blood heated,
and
skin breathes differently
in the nookery,
his natural old time, revival tent

happily now, he weeps
in tenderest of embraces,
when old, familiar
changelings
charge him

write!

Shelter Island
May 2015
Vauvenargues dit que dans les jardins publics il est des allées hantées principalement par l'ambition déçue, par les inventeurs malheureux, par les gloires avortées, par les cœurs brisés, par toutes ces âmes tumultueuses et fermées, en qui grondent encore les derniers soupirs d'un orage, et qui reculent **** du regard insolent des joyeux et des oisifs. Ces retraites ombreuses sont les rendez-vous des éclopés de la vie.

C'est surtout vers ces lieux que le poète et le philosophe aiment diriger leurs avides conjectures. Il y a là une pâture certaine. Car s'il est une place qu'ils dédaignent de visiter, comme je l'insinuais tout à l'heure, c'est surtout la joie des riches. Cette turbulence dans le vide n'a rien qui les attire. Au contraire, ils se sentent irrésistiblement entraînés vers tout ce qui est faible, ruiné, contristé, orphelin.

Un œil expérimenté ne s'y trompe jamais. Dans ces traits rigides ou abattus, dans ces yeux caves et ternes, ou brillants des derniers éclairs de la lutte, dans ces rides profondes et nombreuses, dans ces démarches si lentes ou si saccadées, il déchiffre tout de suite les innombrables légendes de l'amour trompé, du dévouement méconnu, des efforts non récompensés, de la faim et du froid humblement, silencieusement supportés.

Avez-vous quelquefois aperçu des veuves sur ces bancs solitaires, des veuves pauvres ? Qu'elles soient en deuil ou non, il est facile de les reconnaître. D'ailleurs il y a toujours dans le deuil du pauvre quelque chose qui manque, une absence d'harmonie qui le rend plus navrant. Il est contraint de lésiner sur sa douleur. Le riche porte la sienne au grand complet.

Quelle est la veuve la plus triste et la plus attristante, celle qui traîne à sa main un bambin avec qui elle ne peut pas partager sa rêverie, ou celle qui est tout à fait seule ? Je ne sais... Il m'est arrivé une fois de suivre pendant de longues heures une vieille affligée de cette espèce ; celle-là roide, droite, sous un petit châle usé, portait dans tout son être une fierté de stoïcienne.

Elle était évidemment condamnée, par une absolue solitude, à des habitudes de vieux célibataire, et le caractère masculin de ses mœurs ajoutait un piquant mystérieux à leur austérité. Je ne sais dans quel misérable café et de quelle façon elle déjeuna. Je la suivis au cabinet de lecture ; et je l'épiai longtemps pendant qu'elle cherchait dans les gazettes, avec des yeux actifs, jadis brûlés par les larmes, des nouvelles d'un intérêt puissant et personnel.

Enfin, dans l'après-midi, sous un ciel d'automne charmant, un de ces ciels d'où descendent en foule les regrets et les souvenirs, elle s'assit à l'écart dans un jardin, pour entendre, **** de la foule, un de ces concerts dont la musique des régiments gratifie le peuple parisien.

C'était sans doute là la petite débauche de cette vieille innocente (ou de cette vieille purifiée), la consolation bien gagnée d'une de ces lourdes journées sans ami, sans causerie, sans joie, sans confident, que Dieu laissait tomber sur elle, depuis bien des ans peut-être ! trois cent soixante-cinq fois par an.

Une autre encore :

Je ne puis jamais m'empêcher de jeter un regard, sinon universellement sympathique, au moins curieux, sur la foule de parias qui se pressent autour de l'enceinte d'un concert public. L'orchestre jette à travers la nuit des chants de fête, de triomphe ou de volupté. Les robes traînent en miroitant ; les regards se croisent ; les oisifs, fatigués de n'avoir rien fait, se dandinent, feignant de déguster indolemment la musique. Ici rien que de riche, d'heureux ; rien qui ne respire et n'inspire l'insouciance et le plaisir de se laisser vivre ; rien, excepté l'aspect de cette tourbe qui s'appuie là-bas sur la barrière extérieure, attrapant gratis, au gré du vent, un lambeau de musique, et regardant l'étincelante fournaise intérieure.

C'est toujours chose intéressante que ce reflet de la joie du riche au fond de l'œil du pauvre. Mais ce jour-là, à travers ce peuple vêtu de blouses et d'indienne, j'aperçus un être dont la noblesse faisait un éclatant contraste avec toute la trivialité environnante.

C'était une femme grande, majestueuse, et si noble dans tout son air, que je n'ai pas souvenir d'avoir vu sa pareille dans les collections des aristocratiques beautés du passé. Un parfum de hautaine vertu émanait de toute sa personne. Son visage, triste et amaigri, était en parfaite accordance avec le grand deuil dont elle était revêtue. Elle aussi, comme la plèbe à laquelle elle s'était mêlée et qu'elle ne voyait pas, elle regardait le monde lumineux avec un œil profond, et elle écoutait en hochant doucement la tête.

Singulière vision ! « À coup sûr, me dis-je, cette pauvreté-là, si pauvreté il y a, ne doit pas admettre l'économie sordide ; un si noble visage m'en répond. Pourquoi donc reste-t-elle volontairement dans un milieu où elle fait une tache si éclatante ? »

Mais en passant curieusement auprès d'elle, je crus en deviner la raison. La grande veuve tenait par la main un enfant comme elle vêtu de noir ; si modique que fût le prix d'entrée, ce prix suffisait peut-être pour payer un des besoins du petit être, mieux encore, une superfluité, un jouet.

Et elle sera rentrée à pied, méditant et rêvant, seule, toujours seule ; car l'enfant est turbulent, égoïste, sans douceur et sans patience ; et il ne peut même pas, comme le pur animal, comme le chien et le chat, servir de confident aux douleurs solitaires.
Paul d'Aubin Mar 2016
Blackine,  mordeuse de bonheur et de vie

Tu as bientôt cinq mois, et grandis inlassablement.
Ta vivacité s'aiguise comme tes dents nouvelles,
sur ma paume droite lorsque je téléphone.
Ton museau paraît de plus en plus pointu,
Comme si tu oscillais entre cocker et renarde.
Quand je te sors en laisse, j'ai du mal à tempérer ton élan.
Et je tire la laisse comme l'espoir perdu de dompter ta fougue.
Ton pelage noir paraît encore doux oison, entre plumes et velours.
Et tu grandis et tu grandis pour devenir grande chienne Cocker,
dont je serais si fier, un jour, Blackine la bourrasque. Blackine, la tant aimée.
Tu es ivre de bonheur débridé et de vie comme l'on est ivre d'amour et d'espoir.
Mais peu de plantes résistent à ta passion mordeuse.
Lorsque tu t’allonges avec ton pelage noir de geai,
tu parais épuisée mais ce n’est qu’un entracte,
et sitôt réveillée tu deviens antilope,
surtout lorsque tu cours pour libérer ta force.
Et cette vie, en toi, qui court comme un torrent,
Est jeunesse de feu et passion de la vie.
J'aime aussi, quand, sur tes deux pattes dressées, tu me montres ta joie,
et lorsque ton noir museau pointe sur mon bureau.
Comme pour demander la faveur que je t'y accueille aux côtés de l'ordi.

Paul Arrighi
I.

Retournons à l'école, ô mon vieux Juvénal.
Homme d'ivoire et d'or, descends du tribunal
Où depuis deux mille ans tes vers superbes tonnent.
Il paraît, vois-tu bien, ces choses nous étonnent,
Mais c'est la vérité selon monsieur Riancey,
Que lorsqu'un peu de temps sur le sang a passé,
Après un an ou deux, c'est une découverte,
Quoi qu'en disent les morts avec leur bouche verte,
Le meurtre n'est plus meurtre et le vol n'est plus vol.
Monsieur Veuillot, qui tient d'Ignace et d'Auriol,
Nous l'affirme, quand l'heure a tourné sur l'horloge,
De notre entendement ceci fait peu l'éloge,
Pourvu qu'à Notre-Dame on brûle de l'encens
Et que l'abonné vienne aux journaux bien pensants,
Il paraît que, sortant de son hideux suaire,
Joyeux, en panthéon changeant son ossuaire,
Dans l'opération par monsieur Fould aidé,
Par les juges lavé, par les filles fardé,
Ô miracle ! entouré de croyants et d'apôtres,
En dépit des rêveurs, en dépit de nous autres
Noirs poètes bourrus qui n'y comprenons rien,
Le mal prend tout à coup la figure du bien.

II.

Il est l'appui de l'ordre ; il est bon catholique
Il signe hardiment - prospérité publique.
La trahison s'habille en général français
L'archevêque ébloui bénit le dieu Succès
C'était crime jeudi, mais c'est haut fait dimanche.
Du pourpoint Probité l'on retourne la manche.
Tout est dit. La vertu tombe dans l'arriéré.
L'honneur est un vieux fou dans sa cave muré.
Ô grand penseur de bronze, en nos dures cervelles
Faisons entrer un peu ces morales nouvelles,
Lorsque sur la Grand'Combe ou sur le blanc de zinc
On a revendu vingt ce qu'on a payé cinq,
Sache qu'un guet-apens par où nous triomphâmes
Est juste, honnête et bon. Tout au rebours des femmes,
Sache qu'en vieillissant le crime devient beau.
Il plane cygne après s'être envolé corbeau.
Oui, tout cadavre utile exhale une odeur d'ambre.
Que vient-on nous parler d'un crime de décembre
Quand nous sommes en juin ! l'herbe a poussé dessus.
Toute la question, la voici : fils, tissus,
Cotons et sucres bruts prospèrent ; le temps passe.
Le parjure difforme et la trahison basse
En avançant en âge ont la propriété
De perdre leur bassesse et leur difformité
Et l'assassinat louche et tout souillé de lange
Change son front de spectre en un visage d'ange.

III.

Et comme en même temps, dans ce travail normal,
La vertu devient faute et le bien devient mal,
Apprends que, quand Saturne a soufflé sur leur rôle,
Néron est un sauveur et Spartacus un drôle.
La raison obstinée a beau faire du bruit ;
La justice, ombre pâle, a beau, dans notre nuit,
Murmurer comme un souffle à toutes les oreilles ;
On laisse dans leur coin bougonner ces deux vieilles.
Narcisse gazetier lapide Scévola.
Accoutumons nos yeux à ces lumières-là
Qui font qu'on aperçoit tout sous un nouvel angle,
Et qu'on voit Malesherbe en regardant Delangle.
Sachons dire : Lebœuf est grand, Persil est beau
Et laissons la pudeur au fond du lavabo.

IV.

Le bon, le sûr, le vrai, c'est l'or dans notre caisse.
L'homme est extravagant qui, lorsque tout s'affaisse,
Proteste seul debout dans une nation,
Et porte à bras tendu son indignation.
Que diable ! il faut pourtant vivre de l'air des rues,
Et ne pas s'entêter aux choses disparues.
Quoi ! tout meurt ici-bas, l'aigle comme le ver,
Le charançon périt sous la neige l'hiver,
Quoi ! le Pont-Neuf fléchit lorsque les eaux sont grosses,
Quoi ! mon coude est troué, quoi ! je perce mes chausses,
Quoi ! mon feutre était neuf et s'est usé depuis,
Et la vérité, maître, aurait, dans son vieux puits,
Cette prétention rare d'être éternelle !
De ne pas se mouiller quand il pleut, d'être belle
À jamais, d'être reine en n'ayant pas le sou,
Et de ne pas mourir quand on lui tord le cou !
Allons donc ! Citoyens, c'est au fait qu'il faut croire.

V.

Sur ce, les charlatans prêchent leur auditoire
D'idiots, de mouchards, de grecs, de philistins,
Et de gens pleins d'esprit détroussant les crétins
La Bourse rit ; la hausse offre aux badauds ses prismes ;
La douce hypocrisie éclate en aphorismes ;
C'est bien, nous gagnons gros et nous sommes contents
Et ce sont, Juvénal, les maximes du temps.
Quelque sous-diacre, éclos dans je ne sais quel bouge,
Trouva ces vérités en balayant Montrouge,
Si bien qu'aujourd'hui fiers et rois des temps nouveaux,
Messieurs les aigrefins et messieurs les dévots
Déclarent, s'éclairant aux lueurs de leur cierge,
Jeanne d'Arc courtisane et Messaline vierge.

Voilà ce que curés, évêques, talapoins,
Au nom du Dieu vivant, démontrent en trois points,
Et ce que le filou qui fouille dans ma poche
Prouve par A plus B, par Argout plus Baroche.

VI.

Maître ! voilà-t-il pas de quoi nous indigner ?
À quoi bon s'exclamer ? à quoi bon trépigner ?
Nous avons l'habitude, en songeurs que nous sommes,
De contempler les nains bien moins que les grands hommes
Même toi satirique, et moi tribun amer,
Nous regardons en haut, le bourgeois dit : en l'air ;
C'est notre infirmité. Nous fuyons la rencontre
Des sots et des méchants. Quand le Dombidau montre
Son crâne et que le Fould avance son menton,
J'aime mieux Jacques Coeur, tu préfères Caton
La gloire des héros, des sages que Dieu crée,
Est notre vision éternelle et sacrée ;
Eblouis, l'œil noyé des clartés de l'azur,
Nous passons notre vie à voir dans l'éther pur
Resplendir les géants, penseurs ou capitaines
Nous regardons, au bruit des fanfares lointaines,
Au-dessus de ce monde où l'ombre règne encor,
Mêlant dans les rayons leurs vagues poitrails d'or,
Une foule de chars voler dans les nuées.
Aussi l'essaim des gueux et des prostituées,
Quand il se heurte à nous, blesse nos yeux pensifs.
Soit. Mais réfléchissons. Soyons moins exclusifs.
Je hais les cœurs abjects, et toi, tu t'en défies ;
Mais laissons-les en paix dans leurs philosophies.

VII.

Et puis, même en dehors de tout ceci, vraiment,
Peut-on blâmer l'instinct et le tempérament ?
Ne doit-on pas se faire aux natures des êtres ?
La fange a ses amants et l'ordure a ses prêtres ;
De la cité bourbier le vice est citoyen ;
Où l'un se trouve mal, l'autre se trouve bien ;
J'en atteste Minos et j'en fais juge Eaque,
Le paradis du porc, n'est-ce pas le cloaque ?
Voyons, en quoi, réponds, génie âpre et subtil,
Cela nous touche-t-il et nous regarde-t-il,
Quand l'homme du serment dans le meurtre patauge,
Quand monsieur Beauharnais fait du pouvoir une auge,
Si quelque évêque arrive et chante alleluia,
Si Saint-Arnaud bénit la main qui le paya,
Si tel ou tel bourgeois le célèbre et le loue,
S'il est des estomacs qui digèrent la boue ?
Quoi ! quand la France tremble au vent des trahisons,
Stupéfaits et naïfs, nous nous ébahissons
Si Parieu vient manger des glands sous ce grand chêne !
Nous trouvons surprenant que l'eau coule à la Seine,
Nous trouvons merveilleux que Troplong soit Scapin,
Nous trouvons inouï que Dupin soit Dupin !

VIII.

Un vieux penchant humain mène à la turpitude.
L'opprobre est un logis, un centre, une habitude,
Un toit, un oreiller, un lit tiède et charmant,
Un bon manteau bien ample où l'on est chaudement.
L'opprobre est le milieu respirable aux immondes.
Quoi ! nous nous étonnons d'ouïr dans les deux mondes
Les dupes faisant chœur avec les chenapans,
Les gredins, les niais vanter ce guet-apens !
Mais ce sont là les lois de la mère nature.
C'est de l'antique instinct l'éternelle aventure.
Par le point qui séduit ses appétits flattés
Chaque bête se plaît aux monstruosités.
Quoi ! ce crime est hideux ! quoi ! ce crime est stupide !
N'est-il plus d'animaux pour l'admirer ? Le vide
S'est-il fait ? N'est-il plus d'êtres vils et rampants ?
N'est-il plus de chacals ? n'est-il plus de serpents ?
Quoi ! les baudets ont-ils pris tout à coup des ailes,
Et se sont-ils enfuis aux voûtes éternelles ?
De la création l'âne a-t-il disparu ?
Quand Cyrus, Annibal, César, montaient à cru
Cet effrayant cheval qu'on appelle la gloire,
Quand, ailés, effarés de joie et de victoire,
Ils passaient flamboyants au fond des cieux vermeils,
Les aigles leur craient : vous êtes nos pareils !
Les aigles leur criaient : vous portez le tonnerre !
Aujourd'hui les hiboux acclament Lacenaire.
Eh bien ! je trouve bon que cela soit ainsi.
J'applaudis les hiboux et je leur dis : merci.
La sottise se mêle à ce concert sinistre,
Tant mieux. Dans sa gazette, ô Juvénal, tel cuistre
Déclare, avec messieurs d'Arras et de Beauvais,
Mandrin très bon, et dit l'honnête homme mauvais,
Foule aux pieds les héros et vante les infâmes,
C'est tout simple ; et, vraiment, nous serions bonnes âmes
De nous émerveiller lorsque nous entendons
Les Veuillots aux lauriers préférer les chardons !

IX.

Donc laissons aboyer la conscience humaine
Comme un chien qui s'agite et qui tire sa chaîne.
Guerre aux justes proscrits ! gloire aux coquins fêtés !
Et faisons bonne mine à ces réalités.
Acceptons cet empire unique et véritable.
Saluons sans broncher Trestaillon connétable,
Mingrat grand aumônier, Bosco grand électeur ;
Et ne nous fâchons pas s'il advient qu'un rhéteur,
Un homme du sénat, un homme du conclave,
Un eunuque, un cagot, un sophiste, un esclave,
Esprit sauteur prenant la phrase pour tremplin,
Après avoir chanté César de grandeur plein,
Et ses perfections et ses mansuétudes,
Insulte les bannis jetés aux solitudes,
Ces brigands qu'a vaincus Tibère Amphitryon.
Vois-tu, c'est un talent de plus dans l'histrion ;
C'est de l'art de flatter le plus exquis peut-être ;
On chatouille moins bien Henri huit, le bon maître,
En louant Henri huit qu'en déchirant Morus.
Les dictateurs d'esprit, bourrés d'éloges crus,
Sont friands, dans leur gloire et dans leurs arrogances,
De ces raffinements et de ces élégances.
Poète, c'est ainsi que les despotes sont.
Le pouvoir, les honneurs sont plus doux quand ils ont
Sur l'échafaud du juste une fenêtre ouverte.
Les exilés, pleurant près de la mer déserte,
Les sages torturés, les martyrs expirants
Sont l'assaisonnement du bonheur des tyrans.
Juvénal, Juvénal, mon vieux lion classique,
Notre vin de Champagne et ton vin de Massique,
Les festins, les palais, et le luxe effréné,
L'adhésion du prêtre et l'amour de Phryné,
Les triomphes, l'orgueil, les respects, les caresses,
Toutes les voluptés et toutes les ivresses
Dont s'abreuvait Séjan, dont se gorgeait Rufin,
Sont meilleures à boire, ont un goût bien plus fin,
Si l'on n'est pas un sot à cervelle exiguë,
Dans la coupe où Socrate hier but la ciguë !

Jersey, le 5 février 1853.
À Madame *.

Il est donc vrai, vous vous plaignez aussi,
Vous dont l'oeil noir, *** comme un jour de fête,
Du monde entier pourrait chasser l'ennui.
Combien donc pesait le souci
Qui vous a fait baisser la tête ?
C'est, j'imagine, un aussi lourd fardeau
Que le roitelet de la fable ;
Ce grand chagrin qui vous accable
Me fait souvenir du roseau.
Je suis bien **** d'être le chêne,
Mais, dites-moi, vous qu'en un autre temps
(Quand nos aïeux vivaient en bons enfants)
J'aurais nommée Iris, ou Philis, ou Climène,
Vous qui, dans ce siècle bourgeois,
Osez encor me permettre parfois
De vous appeler ma marraine,
Est-ce bien vous qui m'écrivez ainsi,
Et songiez-vous qu'il faut qu'on vous réponde ?
Savez-vous que, dans votre ennui,
Sans y penser, madame et chère blonde,
Vous me grondez comme un ami ?
Paresse et manque de courage,
Dites-vous ; s'il en est ainsi,
Je vais me remettre à l'ouvrage.
Hélas ! l'oiseau revient au nid,
Et quelquefois même à la cage.
Sur mes lauriers on me croit endormi ;
C'est trop d'honneur pour un instant d'oubli,
Et dans mon lit les lauriers n'ont que faire ;
Ce ne serait pas mon affaire.
Je sommeillais seulement à demi,
À côté d'un brin de verveine
Dont le parfum vivait à peine,
Et qu'en rêvant j'avais cueilli.
Je l'avouerai, ce coupable silence,
Ce long repos, si maltraité de vous,
Paresse, amour, folie ou nonchalance,
Tout ce temps perdu me fut doux.
Je dirai plus, il me fut profitable ;
Et, si jamais mon inconstant esprit
Sait revêtir de quelque fable
Ce que la vérité m'apprit,
Je vous paraîtrai moins coupable.
Le silence est un conseiller
Qui dévoile plus d'un mystère ;
Et qui veut un jour bien parler
Doit d'abord apprendre à se taire.
Et, quand on se tairait toujours,
Du moment qu'on vit et qu'on aime,
Qu'importe le reste ? et vous-même,
Quand avez-vous compté les jours ?
Et puisqu'il faut que tout s'évanouisse,
N'est-ce donc pas une folle avarice,
De conserver comme un trésor
Ce qu'un coup de vent nous enlève ?
Le meilleur de ma vie a passé comme un rêve
Si léger, qu'il m'est cher encor.
Mais revenons à vous, ma charmante marraine.
Vous croyez donc vous ennuyer ?
Et l'hiver qui s'en vient, rallumant le foyer,
A fait rêver la châtelaine.
Un roman, dites-vous, pourrait vous égayer ;
Triste chose à vous envoyer !
Que ne demandez-vous un conte à La Fontaine ?
C'est avec celui-là qu'il est bon de veiller ;
Ouvrez-le sur votre oreiller,
Vous verrez se lever l'aurore.
Molière l'a prédit, et j'en suis convaincu,
Bien des choses auront vécu
Quand nos enfants liront encore
Ce que le bonhomme a conté,
Fleur de sagesse et de gaieté.
Mais quoi ! la mode vient, et tue un vieil usage.
On n'en veut plus, du sobre et franc langage
Dont il enseignait la douceur,
Le seul français, et qui vienne du cœur ;
Car, n'en déplaise à l'Italie,
La Fontaine, sachez-le bien,
En prenant tout n'imita rien ;
Il est sorti du sol de la patrie,
Le vert laurier qui couvre son tombeau ;
Comme l'antique, il est nouveau.
Ma protectrice bien-aimée,
Quand votre lettre parfumée
Est arrivée à votre. enfant gâté,
Je venais de causer en toute liberté
Avec le grand ami Shakespeare.
Du sujet cependant Boccace était l'auteur ;
Car il féconde tout, ce charmant inventeur ;
Même après l'autre, il fallait le relire.
J'étais donc seul, ses Nouvelles en main,
Et de la nuit la lueur azurée,
Se jouant avec le matin,
Etincelait sur la tranche dorée
Du petit livre florentin ;
Et je songeais, quoi qu'on dise ou qu'on fasse,
Combien c'est vrai que les Muses sont sœurs ;
Qu'il eut raison, ce pinceau plein de grâce,
Qui nous les montre au sommet du Parnasse,
Comme une guirlande de fleurs !
La Fontaine a ri dans Boccace,
Où Shakespeare fondait en pleurs.
Sera-ce trop que d'enhardir ma muse
Jusqu'à tenter de traduire à mon tour
Dans ce livre amoureux une histoire d'amour ?
Mais tout est bon qui vous amuse.
Je n'oserais, si ce n'était pour vous,
Car c'est beaucoup que d'essayer ce style
Tant oublié, qui fut jadis si doux,
Et qu'aujourd'hui l'on croit facile.

Il fut donc, dans notre cité,
Selon ce qu'on nous a conté
(Boccace parle ainsi ; la cité, c'est Florence),
Un gros marchand, riche, homme d'importance,
Qui de sa femme eut un enfant ;
Après quoi, presque sur-le-champ,
Ayant mis ordre à ses affaires,
Il passa de ce monde ailleurs.
La mère survivait ; on nomma des tuteurs,
Gens loyaux, prudents et sévères ;
Capables de se faire honneur
En gardant les biens d'un mineur.
Le jouvenceau, courant le voisinage,
Sentit d'abord douceur de cœur
Pour une fille de son âge,
Qui pour père avait un tailleur ;
Et peu à peu l'enfant devenant homme,
Le temps changea l'habitude en amour,
De telle sorte que Jérôme
Sans voir Silvia ne pouvait vivre un jour.
À son voisin la fille accoutumée
Aima bientôt comme elle était aimée.
De ce danger la mère s'avisa,
Gronda son fils, longtemps moralisa,
Sans rien gagner par force ou par adresse.
Elle croyait que la richesse
En ce monde doit tout changer,
Et d'un buisson peut faire un oranger.
Ayant donc pris les tuteurs à partie,
La mère dit : « Cet enfant que voici,
Lequel n'a pas quatorze ans, Dieu merci !
Va désoler le reste de ma vie.
Il s'est si bien amouraché
De la fille d'un mercenaire,
Qu'un de ces jours, s'il n'en est empêché,
Je vais me réveiller grand'mère.
Soir ni matin, il ne la quitte pas.
C'est, je crois, Silvia qu'on l'appelle ;
Et, s'il doit voir quelque autre dans ses bras,
Il se consumera pour elle.
Il faudrait donc, avec votre agrément,
L'éloigner par quelque voyage ;
Il est jeune, la fille est sage,
Elle l'oubliera sûrement ;
Et nous le marierons à quelque honnête femme. »
Les tuteurs dirent que la dame
Avait parlé fort sagement.
« Te voilà grand, dirent-ils à Jérôme,
Il est bon de voir du pays.
Va-t'en passer quelques jours à Paris,
Voir ce que c'est qu'un gentilhomme,
Le bel usage, et comme on vit là-bas ;
Dans peu de temps tu reviendras. »
À ce conseil, le garçon, comme on pense,
Répondit qu'il n'en ferait rien,
Et qu'il pouvait voir aussi bien
Comment l'on vivait à Florence.
Là-dessus, la mère en fureur
Répond d'abord par une grosse injure ;
Puis elle prend l'enfant par la douceur ;
On le raisonne, on le conjure,
À ses tuteurs il lui faut obéir ;
On lui promet de ne le retenir
Qu'un an au plus. Tant et tant on le prie,
Qu'il cède enfin. Il quitte sa patrie ;
Il part, tout plein de ses amours,
Comptant les nuits, comptant les jours,
Laissant derrière lui la moitié de sa vie.
L'exil dura deux ans ; ce long terme passé,
Jérôme revint à Florence,
Du mal d'amour plus que jamais blessé,
Croyant sans doute être récompensé.
Mais. c'est un grand tort que l'absence.
Pendant qu'au **** courait le jouvenceau,
La fille s'était mariée.
En revoyant les rives de l'Arno,
Il n'y trouva que le tombeau
De son espérance oubliée.
D'abord il n'en murmura point,
Sachant que le monde, en ce point,
Agit rarement d'autre sorte.
De l'infidèle il connaissait la porte,
Et tous les jours il passait sur le seuil,
Espérant un signe, un coup d'oeil,
Un rien, comme on fait quand on aime.
Mais tous ses pas furent perdus
Silvia ne le connaissait plus,
Dont il sentit une douleur extrême.
Cependant, avant d'en mourir,
Il voulut de son souvenir
Essayer de parler lui-même.
Le mari n'était pas jaloux,
Ni la femme bien surveillée.
Un soir que les nouveaux époux
Chez un voisin étaient à la veillée,
Dans la maison, au tomber de la nuit,
Jérôme entra, se cacha près du lit,
Derrière une pièce de toile ;
Car l'époux était tisserand,
Et fabriquait cette espèce de voile
Qu'on met sur un balcon toscan.
Bientôt après les mariés rentrèrent,
Et presque aussitôt se couchèrent.
Dès qu'il entend dormir l'époux,
Dans l'ombre vers Silvia Jérôme s'achemine,
Et lui posant la main sur la poitrine,
Il lui dit doucement : « Mon âme, dormez-vous ?
La pauvre enfant, croyant voir un fantôme,
Voulut crier ; le jeune homme ajouta
« Ne criez pas, je suis votre Jérôme.
- Pour l'amour de Dieu, dit Silvia,
Allez-vous-en, je vous en prie.
Il est passé, ce temps de notre vie
Où notre enfance eut loisir de s'aimer,
Vous voyez, je suis mariée.
Dans les devoirs auxquels je suis liée,
Il ne me sied plus de penser
À vous revoir ni vous entendre.
Si mon mari venait à vous surprendre,
Songez que le moindre des maux
Serait pour moi d'en perdre le repos ;
Songez qu'il m'aime et que je suis sa femme. »
À ce discours, le malheureux amant
Fut navré jusqu'au fond de l'âme.
Ce fut en vain qu'il peignit son tourment,
Et sa constance et sa misère ;
Par promesse ni par prière,
Tout son chagrin ne put rien obtenir.
Alors, sentant la mort venir,
Il demanda que, pour grâce dernière,
Elle le laissât se coucher
Pendant un instant auprès d'elle,
Sans bouger et sans la toucher,
Seulement pour se réchauffer,
Ayant au cœur une glace mortelle,
Lui promettant de ne pas dire un mot,
Et qu'il partirait aussitôt,
Pour ne la revoir de sa vie.
La jeune femme, ayant quelque compassion,
Moyennant la condition,
Voulut contenter son envie.
Jérôme profita d'un moment de pitié ;
Il se coucha près de Silvie.
Considérant alors quelle longue amitié
Pour cette femme il avait eue,
Et quelle était sa cruauté,
Et l'espérance à tout jamais perdue,
Il résolut de cesser de souffrir,
Et rassemblant dans un dernier soupir
Toutes les forces de sa vie,
Il serra la main de sa mie,
Et rendit l'âme à son côté.
Silvia, non sans quelque surprise,
Admirant sa tranquillité,
Resta d'abord quelque temps indécise.
« Jérôme, il faut sortir d'ici,
Dit-elle enfin, l'heure s'avance. »
Et, comme il gardait le silence,
Elle pensa qu'il s'était endormi.
Se soulevant donc à demi,
Et doucement l'appelant à voix basse,
Elle étendit la main vers lui,
Et le trouva froid comme glace.
Elle s'en étonna d'abord ;
Bientôt, l'ayant touché plus fort,
Et voyant sa peine inutile,
Son ami restant immobile,
Elle comprit qu'il était mort.
Que faire ? il n'était pas facile
De le savoir en un moment pareil.
Elle avisa de demander conseil
À son mari, le tira de son somme,
Et lui conta l'histoire de Jérôme,
Comme un malheur advenu depuis peu,
Sans dire à qui ni dans quel lieu.
« En pareil cas, répondit le bonhomme,
Je crois que le meilleur serait
De porter le mort en secret
À son logis, l'y laisser sans rancune,
Car la femme n'a point failli,
Et le mal est à la fortune.
- C'est donc à nous de faire ainsi, »
Dit la femme ; et, prenant la main de son mari
Elle lui fit toucher près d'elle
Le corps sur son lit étendu.
Bien que troublé par ce coup imprévu,
L'époux se lève, allume sa chandelle ;
Et, sans entrer en plus de mots,
Sachant que sa femme est fidèle,
Il charge le corps sur son dos,
À sa maison secrètement l'emporte,
Le dépose devant la porte,
Et s'en revient sans avoir été vu.
Lorsqu'on trouva, le jour étant venu,
Le jeune homme couché par terre,
Ce fut une grande rumeur ;
Et le pire, dans ce malheur,
Fut le désespoir de la mère.
Le médecin aussitôt consulté,
Et le corps partout visité,
Comme on n'y vit point de blessure,
Chacun parlait à sa façon
De cette sinistre aventure.
La populaire opinion
Fut que l'amour de sa maîtresse
Avait jeté Jérôme en cette adversité,
Et qu'il était mort de tristesse,
Comme c'était la vérité.
Le corps fut donc à l'église porté,
Et là s'en vint la malheureuse mère,
Au milieu des amis en deuil,
Exhaler sa douleur amère.
Tandis qu'on menait le cercueil,
Le tisserand qui, dans le fond de l'âme,
Ne laissait pas d'être inquiet :
« Il est bon, dit-il à sa femme,
Que tu prennes ton mantelet,
Et t'en ailles à cette église
Où l'on enterre ce garçon
Qui mourut hier à la maison.
J'ai quelque peur qu'on ne médise
Sur cet inattendu trépas,
Et ce serait un mauvais pas,
Tout innocents que nous en sommes.
Je me tiendrai parmi les hommes,
Et prierai Dieu, tout en les écoutant.
De ton côté, prends soin d'en faire autant
À l'endroit qu'occupent les femmes.
Tu retiendras ce que ces bonnes âmes
Diront de nous, et nous ferons
Selon ce que nous entendrons. »
La pitié trop **** à Silvie
Etait venue, et ce discours lui plut.
Celui dont un baiser eût conservé la vie,
Le voulant voir encore, elle s'en fut.
Il est étrange, il est presque incroyable
Combien c'est chose inexplicable
Que la puissance de l'amour.
Ce cœur, si chaste et si sévère,
Qui semblait fermé sans retour
Quand la fortune était prospère,
Tout à coup s'ouvrit au malheur.
À peine dans l'église entrée,
De compassion et d'horreur
Silvia se sentit pénétrée ;
L'ancien amour s'éveilla tout entier.
Le front baissé, de son manteau voilée,
Traversant la triste assemblée,
Jusqu'à la bière il lui fallut aller ;
Et là, sous le drap mortuaire
Sitôt qu'elle vit son ami,
Défaillante et poussant un cri,
Comme une sœur embrasse un frère,
Sur le cercueil elle tomba ;
Et, comme la douleur avait tué Jérôme,
De sa douleur ainsi mourut Silvia.
Cette fois ce fut au jeune homme
A céder la moitié du lit :
L'un près de l'autre on les ensevelit.
Ainsi ces deux amants, séparés sur la terre,
Furent unis, et la mort fit
Ce que l'amour n'avait pu faire.
Lorsque l'on veut monter aux tours des cathédrales,

On prend l'escalier noir qui roule ses spirales,

Comme un serpent de pierre au ventre d'un clocher.


L'on chemine d'abord dans une nuit profonde,

Sans trèfle de soleil et de lumière blonde,

Tâtant le mur des mains, de peur de trébucher ;


Car les hautes maisons voisines de l'église

Vers le pied de la tour versent leur ombre grise,

Qu'un rayon lumineux ne vient jamais trancher.


S'envolant tout à coup, les chouettes peureuses

Vous flagellent le front de leurs ailes poudreuses,

Et les chauves-souris s'abattent sur vos bras ;


Les spectres, les terreurs qui hantent les ténèbres,

Vous frôlent en passant de leurs crêpes funèbres ;

Vous les entendez geindre et chuchoter tout bas.


À travers l'ombre on voit la chimère accroupie

Remuer, et l'écho de la voûte assoupie

Derrière votre pas suscite un autre pas.


Vous sentez à l'épaule une pénible haleine,

Un souffle intermittent, comme d'une âme en peine

Qu'on aurait éveillée et qui vous poursuivrait.


Et si l'humidité fait des yeux de la voûte,

Larmes du monument, tomber l'eau goutte à goutte,

Il semble qu'on dérange une ombre qui pleurait.


Chaque fois que la vis, en tournant, se dérobe,

Sur la dernière marche un dernier pli de robe,

Irritante terreur, brusquement disparaît.


Bientôt le jour, filtrant par les fentes étroites,

Sur le mur opposé trace des lignes droites,

Comme une barre d'or sur un écusson noir.


L'on est déjà plus haut que les toits de la ville,

Édifices sans nom, masse confuse et vile,

Et par les arceaux gris le ciel bleu se fait voir.


Les hiboux disparus font place aux tourterelles,

Qui lustrent au soleil le satin de leurs ailes

Et semblent roucouler des promesses d'espoir.


Des essaims familiers perchent sur les tarasques,

Et, sans se rebuter de la laideur des masques,

Dans chaque bouche ouverte un oiseau fait son nid.


Les guivres, les dragons et les formes étranges

Ne sont plus maintenant que des figures d'anges,

Séraphiques gardiens taillés dans le granit,


Qui depuis huit cents ans, pensives sentinelles,

Dans leurs niches de pierre, appuyés sur leurs ailes,

Montent leur faction qui jamais ne finit.


Vous débouchez enfin sur une plate-forme,

Et vous apercevez, ainsi qu'un monstre énorme,

La Cité grommelante, accroupie alentour.


Comme un requin, ouvrant ses immenses mâchoires,

Elle mord l'horizon de ses mille dents noires,

Dont chacune est un dôme, un clocher, une tour.


À travers le brouillard, de ses naseaux de plâtre

Elle souffle dans l'air son haleine bleuâtre,

Que dore par flocons un chaud reflet de jour.


Comme sur l'eau qui bout monte et chante l'écume,

Sur la ville toujours plane une ardente brume,

Un bourdonnement sourd fait de cent bruits confus :


Ce sont les tintements et les grêles volées

Des cloches, de leurs voix sonores ou fêlées,

Chantant à plein gosier dans leurs beffrois touffus ;


C'est le vent dans le ciel et l'homme sur la terre ;

C'est le bruit des tambours et des clairons de guerre,

Ou des canons grondeurs sonnant sur leurs affûts ;


C'est la rumeur des chars, dont la prompte lanterne

File comme une étoile à travers l'ombre terne,

Emportant un heureux aux bras de son désir ;


Le soupir de la vierge au balcon accoudée,

Le marteau sur l'enclume et le fait sur l'idée,

Le cri de la douleur ou le chant du plaisir.


Dans cette symphonie au colossal orchestre,

Que n'écrira jamais musicien terrestre,

Chaque objet fait sa note impossible à saisir.


Vous pensiez être en haut ; mais voici qu'une aiguille,

Où le ciel découpé par dentelles scintille,

Se présente soudain devant vos pieds lassés.


Il faut monter encore dans la mince tourelle,

L'escalier qui serpente en spirale plus frêle,

Se pendant aux crampons de **** en **** placés.


Le vent, d'un air moqueur, à vos oreilles siffle,

La goule étend sa griffe et la guivre renifle,

Le vertige alourdit vos pas embarrassés.


Vous voyez **** de vous, comme dans des abîmes,

S'aplanir les clochers et les plus hautes cimes ;

Des aigles les plus fiers vous dominez l'essor.


Votre sueur se fige à votre front en nage ;

L'air trop vif vous étouffe : allons, enfant, courage !

Vous êtes près des cieux ; allons, un pas encore !


Et vous pourrez toucher, de votre main surprise,

L'archange colossal que fait tourner la brise,

Le saint Michel géant qui tient un glaive d'or ;


Et si, vous accoudant sur la rampe de marbre,

Qui palpite au grand vent, comme une branche d'arbre,

Vous dirigez en bas un œil moins effrayé,


Vous verrez la campagne à plus de trente lieues,

Un immense horizon, bordé de franges bleues,

Se déroulant sous vous comme un tapis rayé ;


Les carrés de blé d'or, les cultures zébrées,

Les plaques de gazon de troupeaux noirs tigrées ;

Et, dans le sainfoin rouge, un chemin blanc frayé ;


Les cités, les hameaux, nids semés dans la plaine,

Et partout, où se groupe une famille humaine,

Un clocher vers le ciel, comme un doigt s'allongeant.


Vous verrez dans le golfe, aux bras des promontoires,

La mer se diaprer et se gaufrer de moires,

Comme un kandjiar turc damasquiné d'argent ;


Les vaisseaux, alcyons balancés sur leurs ailes,

Piquer l'azur lointain de blanches étincelles

Et croiser en tous sens leur vol intelligent.


Comme un sein plein de lait gonflant leurs voiles ronde,

Sur la foi de l'aimant ils vont chercher des mondes,

Des rivages nouveaux sur de nouvelles mers :


Dans l'Inde, de parfums, d'or et de soleil pleine,

Dans la Chine bizarre, aux tours de porcelaine,

Chimérique pays peuplé de dragons verts ;


Ou vers Otaïti, la belle fleur des ondes,

De ses longs cheveux noirs tordant les perles blondes,

Comme une autre Vénus, fille des flots amers ;


À Ceylan, à Java, plus **** encore peut-être,

Dans quelque île déserte et dont on se rend maître,

Vers une autre Amérique échappée à Colomb.


Hélas ! Et vous aussi, sans crainte, ô mes pensées,

Livrant aux vents du ciel vos ailes empressées,

Vous tentez un voyage aventureux et long.


Si la foudre et le nord respectent vos antennes,

Des pays inconnus et des îles lointaines

Que rapporterez-vous ? De l'or, ou bien du plomb ?...


La spirale soudain s'interrompt et se brise.

Comme celui qui monte au clocher de l'église,

Me voici maintenant au sommet de ma tour.


J'ai planté le drapeau tout au haut de mon œuvre.

Ah ! Que depuis longtemps, pauvre et rude manœuvre,

Insensible à la joie, à la vie, à l'amour,


Pour garder mon dessin avec ses lignes pures,

J'émousse mon ciseau contre des pierres dures,

Élevant à grande peine une assise par jour !


Pendant combien de mois suis-je resté sous terre,

Creusant comme un mineur ma fouille solitaire,

Et cherchant le roc vif pour mes fondations !


Et pourtant le soleil riait sur la nature ;

Les fleurs faisaient l'amour, et toute créature

Livrait sa fantaisie au vent des passions ;


Le printemps dans les bois faisait courir la sève,

Et le flot, en chantant, venait baiser la grève ;

Tout n'était que parfum, plaisir, joie et rayons !


Patient architecte, avec mes mains pensives

Sur mes piliers trapus inclinant mes ogives,

Je fouillais sous l'église un temple souterrain ;


Puis l'église elle-même, avec ses colonnettes,

Qui semble, tant elle a d'aiguilles et d'arêtes,

Un madrépore immense, un polypier marin ;


Et le clocher hardi, grand peuplier de pierre,

Où gazouillent, quand vient l'heure de la prière,

Avec les blancs ramiers, des nids d'oiseaux d'airain.


Du haut de cette tour à grande peine achevée,

Pourrais-je t'entrevoir, perspective rêvée,

Terre de Chanaan où tendait mon effort ?


Pourrai-je apercevoir la figure du monde,

Les astres dans le ciel accomplissant leur ronde,

Et les vaisseaux quittant et regagnant le port ?


Si mon clocher passait seulement de la tête

Les toits ou les tuyaux de la ville, ou le faîte

De ce donjon aigu qui du brouillard ressort ;


S'il était assez haut pour découvrir l'étoile

Que la colline bleue avec son dos me voile,

Le croissant qui s'écorne au toit de la maison ;


Pour voir, au ciel de smalt, les flottantes nuées,

Par le vent du matin mollement remuées,

Comme un troupeau de l'air secouer leur toison ;


Et la gloire, la gloire, astre et soleil de l'âme,

Dans un océan d'or, avec le globe en flamme,

Majestueusement monter à l'horizon !
Avant de nous couvrir de l'or, de la myrrhe et de la rosée
Des eaux de nos volcans secrets
Je voudrais avant l'ultime explication
Avant qu'on n 'enterre sous nos mahots bleus,
Nos arbres à pluie et nos figuiers étrangleurs,
Panthéons naturels de nos divinités
Nos cordons ombilicaux amoureux,
Je voudrais, ma fine amour,
Qu'on fasse ripaille dans les Terres Inconnues
Qu'on fasse les 800 coups dans la Mer Dangereuse
Qu'on mange, qu'on rie, qu'on s'émeuve dans la Mer d'Inimitié
Qu'on prenne à bras le corps nos insaisissables cris et gémissements
Incompréhensibles de dugongs et de baleines à bosses
Qu'on s'en saisisse et qu'on les épingle
Comme des papillons rares sur une planche
Ou des fougères phosphorescentes sur un herbier
Sous du papier buvard avant de les faire sécher
A l'étuve de nos passions microendémiques.
Etudions la fréquence de nos cris
Et de nos épanchements
Grâce aux balises GPS
Inventorions les sauts intimes, les semences nouvelles, les racines-arceaux
Et donnons un nom local et scientifique à chaque nouvelle espèce
A chaque nouvelle danse, morsure, griffure ou caresse
Récupérons des spécimens de nos territoires
Identifions les hot spots de notre patrimoine amoureux
Et en fonction de leur risque d'extinction
Elaborons un plan de sauvegarde de la biodiversité
De notre Carte de Tendre
De nos fonds, de nos mangroves et de nos pitons.
Nous sommes botanistes, océanographes et naturalistes
Nous sommes vétérinaires de notre réserve naturelle
Notre jardin des plantes, notre forêt, notre laboratoire
Notre pépinière, notre refuge, notre corps tropical.
Naguiere chanter je voulois
Comme Francus au bord Gaulois
Avecq' sa troupe vint descendre,
Mais mon luc pinçé de mon doi,
Ne vouloit en dépit de moi
Que chanter Amour, et Cassandre.

Je pensoi pource que toujours
J'avoi dit sur lui mes amours,
Que ses cordes par long usage
Chantoient d'amour, et qu'il faloit
En mettre d'autres, s'on vouloit
Luy aprendre un autre langage.

Et pour ce faire, il n'y eut fust,
Archet, ne corde, qui ne fust
Echangée en d'autres nouvelles :
Mais apres qu'il fut remonté,
Plus haut que davant a chanté
Comme il souloit, les damoyselles.

Or adieu doncq' pauvre Francus,
Ta gloire, sous tes murs veinqus,
Se cachera toujours pressée,
Si, à ton neveu, nostre Roi,
Tu ne dis qu'en l'honneur de toi,
Il face ma Lyre crossée.
Satsuki Sep 2013
Cher amour
I love you no more
vous coupez moi profond mon amour
I love you no more
Mon amour, mon amour, mon amour.
I love you no more
J'ai trouvé de nouvelles façons de battre mon amour
I love you no more
Ces pilules sont mon nouvel amour
*I love you no more
Ils vont sans trêve ; ils vont sous le ciel bas et sombre,
Les Fugitifs, chassés des anciens paradis ;
Et toute la tribu, depuis des jours sans nombre,
Dans leur sillon fatal traîne ses pieds roidis.

Ils vont, les derniers-nés des races primitives,
Les derniers dont les yeux, sur les divins sommets,
Dans les herbes en fleur ont vu fuir les Eaux vives
Et grandir un Soleil, oublié désormais.

Tout est mort et flétri sur les plateaux sublimes
Où l'aurore du monde a lui pour leurs aïeux ;
Et voici que les fils, à l'étroit sur les cimes,
Vers l'Occident nocturne ont cherché d'autres cieux.

Ils ont fui. Le vent souffle et pousse dans l'espace
La neige inépuisable en tourbillons gonflés ;
Un hiver éternel suspend, en blocs de glace,
De rigides torrents aux flancs des monts gelés.

Des amas de rochers, blancs d'une lourde écume,
Témoins rugueux d'un monde informe et surhumain.
Visqueux, lavés de pluie et noyés dans la brume,
De leurs blocs convulsés ferment l'âpre chemin.

Des forêts d'arbres morts, tordus par les tempêtes,
S'étendent ; et le cri des voraces oiseaux,
Près de grands lacs boueux, répond au cri des bêtes
Qui râlent en glissant sur l'épaisseur des eaux.

Mais l'immense tribu, par les sentiers plus rudes,
Par les ravins fangeux où s'engouffre le vent,
Comme un troupeau perdu, s'enfonce aux solitudes,
Sans hâte, sans relâche et toujours plus avant.

En tête, interrogeant l'ombre de leurs yeux ternes,
Marchent les durs chasseurs, les géants et les forts,
Plus monstrueux que l'ours qu'au seuil de leurs cavernes
Ils étouffaient naguère en luttant corps à corps.

Leurs longs cheveux, pareils aux lianes farouches,
En lanières tombaient de leurs crânes étroits,
Tandis qu'en se figeant l'haleine de leurs bouchés
Hérissait de glaçons leurs barbes aux poils droits.

Les uns, ceints de roseaux tressés ou d'herbes sèches,
Aux rafales de grêle offraient leurs larges flancs ;
D'autres, autour du col attachant des peaux fraîches,
D'un manteau ******* couvraient leurs reins sanglants.

Et les femmes marchaient, lentes, mornes, livides,
Haletant et pliant sous les doubles fardeaux
Des blêmes nourrissons pendus à leurs seins vides
Et des petits enfants attachés sur leur dos.

En arrière, portés sur des branches unies,
De grands vieillards muets songeaient aux jours lointains
Et, soulevant parfois leurs paupières ternies,
Vers l'horizon perdu tournaient des yeux éteints.

Ils allaient. Mais soudain, quand la nuit dans, l'espace
Roulait, avec la peur, l'obscurité sans fin,
La tribu tout entière, épuisée et trop lasse,
Multipliait le cri terrible de sa faim.

Les chasseurs ont hier suivi des pistes fausses ;
Le renne prisonnier a rompu ses liens ;
L'ours défiant n'a pas trébuché dans les fosses ;
Le cerf n'est pas tombé sous les crocs blancs des chiens.

Le sol ne livre plus ni germes ni racines,
Le poisson se dérobe aux marais submergés ;
Rien, ni les acres fruits ni le flux des résines,
Ni la moelle épaisse au creux des os rongés.

Et voici qu'appuyés sur des haches de pierre,
Les mâles, dans l'horreur d'un songe inassouvi,
Ont compté tous les morts dont la chair nourricière
Fut le festin des loups, sur le chemin suivi.

Voici la proie humaine, offerte à leur délire,
Vieillards, femmes, enfants, les faibles, autour d'eux
Vautrés dans leur sommeil stupide, sans voir luire
Les yeux des carnassiers en un cercle hideux.

Les haches ont volé. Devant les corps inertes,
Dans la pourpre qui bout et coule en noirs ruisseaux,
Les meurtriers, fouillant les poitrines ouvertes,
Mangent les cœurs tout vifs, arrachés par morceaux.

Et tous, repus, souillés d'un sang qui fume encore,
Parmi les os blanchis épars sur le sol nu,
Aux blafardes lueurs de la nouvelle aurore,
Marchent, silencieux, vers le but inconnu.

Telle, de siècle en siècle incessamment errante,
Sur la neige durcie et le désert glacé
Ne laissant même pas sa trace indifférente,
La tribu, sans espoir et sans rêve, a passé.

Tels, les Fils de l'Exil, suivant le bord des fleuves
Dont les vallons emplis traçaient le large cours,
Sauvages conquérants des solitudes neuves,
Ont avancé, souffert et pullulé toujours ;

Jusqu'à l'heure où, du sein des vapeurs méphitiques,
Dont le rideau flottant se déchira soudain,
Une terre, pareille aux demeures antiques,
A leurs yeux éblouis fleurit comme un jardin.

Devant eux s'étalait calme, immense et superbe,
Comme un tapis changeant au pied des monts jeté,
Un pays, vierge encore, où, mugissant dans l'herbe,
Des vaches au poil blanc paissaient en liberté.

Et sous les palmiers verts, parmi les fleurs nouvelles,
Les étalons puissants, les cerfs aux pieds légers
Et les troupeaux épars des fuyantes gazelles
Écoutaient sans effroi les pas des étrangers.

C'était là. Le Destin, dans l'aube qui se lève,
Au terme de l'Exil ressuscitait pour eux,
Comme un réveil tardif après un sombre rêve,
Le vivant souvenir des siècles bienheureux.

La Vie a rejailli de la source féconde,
Et toute soif s'abreuve à son flot fortuné,
Et le désert se peuple et toute chair abonde,
Et l'homme pacifique est comme un nouveau-né.

Il revoit le Soleil, l'immortelle Lumière,
Et le ciel où, témoins des clémentes saisons,
Des astres reconnus, à l'heure coutumière,
Montent, comme autrefois, sur les vieux horizons.

Et plus ****, par delà le sable monotone,
Il voit irradier, comme un profond miroir,
L'étincelante mer dont l'infini frissonne
Quand le Soleil descend dans la rougeur du soir.

Et le Ciel sans limite et la Nature immense,
Les eaux, les bois, les monts, tout s'anime à ses yeux.
Moins aveugle et moins sourd, un univers commence
Où son cœur inquiet sent palpiter des Dieux.

Ils naissent du chaos où s'ébauchaient leurs formes,
Multiples et sans noms, l'un par l'autre engendrés ;
Et le reflet sanglant de leurs ombres énormes
D'une terreur barbare emplit les temps sacrés.

Ils parlent dans l'orage ; ils pleurent dans l'averse.
Leur bras libérateur darde et brandit l'éclair,
Comme un glaive strident qui poursuit et transperce
Les monstres nuageux accumulés dans l'air.

Sur l'abîme éternel des eaux primordiales
Nagent des Dieux prudents, tels que de grands poissons ;
D'infaillibles Esprits peuplent les nuits astrales ;
Des serpents inspirés sifflent dans les buissons.

Puis, lorsque surgissant comme un roi, dans l'aurore,
Le Soleil triomphal brille au firmament bleu,
L'homme, les bras tendus, chante, contemple, adore
La Majesté suprême et le plus ancien Dieu ;

Celui qui féconda la Vie universelle,
L'ancêtre vénéré du jour propice et pur,
Le guerrier lumineux dont le disque étincelle
Comme un bouclier d'or suspendu dans l'azur ;

Et celui qui parfois, formidable et néfaste,
Immobile au ciel fauve et morne de l'Été,
Flétrit, dévore, embrase, et du désert plus vaste
Fait, jusqu'aux profondeurs, flamber l'immensité.

Mais quand l'homme, éveillant l'éternelle Nature,
Ses formes, ses couleurs, ses clartés et ses voix,
Fut seul devant les Dieux, fils de son âme obscure,
Il tressaillit d'angoisse et supplia ses Rois.

Alors, ô Souverains ! les taureaux et les chèvres
D'un sang expiatoire ont inondé le sol ;
Et l'hymne évocateur, en s'échappant des lèvres,
Comme un aiglon divin tenta son premier vol.

Idoles de granit, simulacres de pierre,
Bétyles, Pieux sacrés, Astres du ciel serein,
Vers vous, avec l'offrande, a monté la prière,
Et la graisse a fumé sur les autels d'airain.

Les siècles ont passé ; les races successives
Ont bâti des palais, des tours et des cités
Et des temples jaloux, dont les parois massives
Aux profanes regards cachaient les Dieux sculptés.

Triomphants tour à tour ou livrés aux insultes,
Voluptueux, cruels, terribles ou savants,
Tels, vous avez versé pour jamais, ô vieux cultes !
L'ivresse du Mystère aux âmes des vivants.

Tels vous traînez encore, au fond de l'ombre ingrate,
Vos cortèges sacrés, lamentables et vains,
Du vieux Nil à la mer et du Gange à l'Euphrate,
Ô spectres innommés des ancêtres divins !

Et dans le vague abîme où gît le monde antique,
Luit, comme un astre mort, au ciel religieux,
La sombre majesté de l'Orient mystique,
Berceau des nations et sépulcre des Dieux.
Jeune homme ! je te plains ; et cependant j'admire
Ton grand parc enchanté qui semble nous sourire,
Qui fait, vu de ton seuil, le tour de l'horizon,
Grave ou joyeux suivant le jour et la saison,  
Coupé d'herbe et d'eau vive, et remplissant huit lieues
De ses vagues massifs et de ses ombres bleues.
J'admire ton domaine, et pourtant je te plains !
Car dans ces bois touffus de tant de grandeur pleins,
Où le printemps épanche un faste sans mesure,
Quelle plus misérable et plus pauvre masure
Qu'un homme usé, flétri, mort pour l'illusion,
Riche et sans volupté, jeune et sans passion,  
Dont le coeur délabré, dans ses recoins livides,
N'a plus qu'un triste amas d'anciennes coupes vides,  
Vases brisés qui n'ont rien gardé que l'ennui,
Et d'où l'amour, la joie et la candeur ont fui !

Oui, tu me fais pitié, toi qui crois faire envie !
Ce splendide séjour sur ton coeur, sur ta vie,
Jette une ombre ironique, et rit en écrasant
Ton front terne et chétif d'un cadre éblouissant.

Dis-moi, crois-tu, vraiment posséder ce royaume
D'ombre et de fleurs, où l'arbre arrondi comme un dôme,
L'étang, lame d'argent que le couchant fait d'or,
L'allée entrant au bois comme un noir corridor,
Et là, sur la forêt, ce mont qu'une tour garde,
Font un groupe si beau pour l'âme qui regarde !
Lieu sacré pour qui sait dans l'immense univers,
Dans les prés, dans les eaux et dans les vallons verts,
Retrouver les profils de la face éternelle
Dont le visage humain n'est qu'une ombre charnelle !

Que fais-tu donc ici ? Jamais on ne te voit,
Quand le matin blanchit l'angle ardoisé du toit,
Sortir, songer, cueillir la fleur, coupe irisée
Que la plante à l'oiseau tend pleine de rosée,
Et parfois t'arrêter, laissant pendre à ta main
Un livre interrompu, debout sur le chemin,
Quand le bruit du vent coupe en strophes incertaines
Cette longue chanson qui coule des fontaines.

Jamais tu n'as suivi de sommets en sommets
La ligne des coteaux qui fait rêve ; jamais
Tu n'as joui de voir, sur l'eau qui reflète,
Quelque saule noueux tordu comme un athlète.
Jamais, sévère esprit au mystère attaché,
Tu n'as questionné le vieux orme penché
Qui regarde à ses pieds toute la pleine vivre
Comme un sage qui rêve attentif à son livre.

L'été, lorsque le jour est par midi frappé,
Lorsque la lassitude a tout enveloppé,
A l'heure où l'andalouse et l'oiseau font la sieste,
Jamais le faon peureux, tapi dans l'antre agreste,
Ne te vois, à pas lents, **** de l'homme importun,
Grave, et comme ayant peur de réveiller quelqu'un,
Errer dans les forêts ténébreuses et douces
Où le silence dort sur le velours des mousses.

Que te fais tout cela ? Les nuages des cieux,
La verdure et l'azur sont l'ennui de tes yeux.
Tu n'est pas de ces fous qui vont, et qui s'en vantent,
Tendant partout l'oreille aux voix qui partout chantent,
Rendant au Seigneur d'avoir fait le printemps,
Qui ramasse un nid, ou contemple longtemps
Quelque noir champignon, monstre étrange de l'herbe.
Toi, comme un sac d'argent, tu vois passer la gerbe.
Ta futaie, en avril, sous ses bras plus nombreux
A l'air de réclamer bien des pas amoureux,
Bien des coeurs soupirants, bien des têtes pensives ;

Toi qui jouis aussi sous ses branches massives,
Tu songes, calculant le taillis qui s'accroît,
Que Paris, ce vieillard qui, l'hiver, a si froid,
Attend, sous ses vieux quais percés de rampes neuves,
Ces longs serpents de bois qui descendent les fleuves !
Ton regard voit, tandis que ton oeil flotte au ****,
Les blés d'or en farine et la prairie en foin ;
Pour toi le laboureur est un rustre qu'on paie ;
Pour toi toute fumée ondulant, noire ou gaie,
Sur le clair paysage, est un foyer impur
Où l'on cuit quelque viande à l'angle d'un vieux mur.
Quand le soir tend le ciel de ses moires ardentes
Au dos d'un fort cheval assis, jambes pendantes,
Quand les bouviers hâlés, de leur bras vigoureux
Pique tes boeufs géants qui par le chemin creux
Se hâtent pêle-mêle et s'en vont à la crèche,
Toi, devant ce tableau tu rêves à la brèche
Qu'il faudra réparer, en vendant tes silos,
Dans ta rente qui tremble aux pas de don Carlos !

Au crépuscule, après un long jour monotone,
Tu t'enfermes chez toi. Les tièdes nuits d'automne
Versent leur chaste haleine aux coteaux veloutés.
Tu n'en sais rien. D'ailleurs, qu'importe ! A tes côtés,
Belles, leur bruns cheveux appliqués sur les tempes,
Fronts roses empourprés par le reflet des lampes,
Des femmes aux yeux purs sont assises, formant
Un cercle frais qui borde et cause doucement ;
Toutes, dans leurs discours où rien n'ose apparaître,
Cachant leurs voeux, leur âmes et leur coeur que peut-être
Embaume un vague amour, fleur qu'on ne cueille pas,
Parfum qu'on sentirait en se baissant tout bas.
Tu n'en sais rien. Tu fais, parmi ces élégies,
Tomber ton froid sourire, où, sous quatre bougies,
D'autres hommes et toi, dans un coin attablés
Autour d'un tapis vert, bruyants, vous querellez
Les caprices du whist, du brelan ou de l'hombre.
La fenêtre est pourtant pleine de lune et d'ombre !

Ô risible insensé ! vraiment, je te le dis,
Cette terre, ces prés, ces vallons arrondis,
Nids de feuilles et d'herbe où jasent les villages,
Ces blés où les moineaux ont leurs joyeux pillages,
Ces champs qui, l'hiver même, ont d'austères appas,
Ne t'appartiennent point : tu ne les comprends pas.

Vois-tu, tous les passants, les enfants, les poètes,
Sur qui ton bois répand ses ombres inquiètes,
Le pauvre jeune peintre épris de ciel et d'air,
L'amant plein d'un seul nom, le sage au coeur amer,
Qui viennent rafraîchir dans cette solitude,
Hélas ! l'un son amour et l'autre son étude,
Tous ceux qui, savourant la beauté de ce lieu,
Aiment, en quittant l'homme, à s'approcher de Dieu,
Et qui, laissant ici le bruit vague et morose
Des troubles de leur âme, y prennent quelque chose
De l'immense repos de la création,
Tous ces hommes, sans or et sans ambition,
Et dont le pied poudreux ou tout mouillé par l'herbe
Te fait rire emporté par ton landau superbe,
Sont dans ce parc touffu, que tu crois sous ta loi,
Plus riches, plus chez eux, plus les maîtres que toi,
Quoique de leur forêt que ta main grille et mure
Tu puisses couper l'ombre et vendre le murmure !

Pour eux rien n'est stérile en ces asiles frais.
Pour qui les sait cueillir tout a des dons secrets.
De partout sort un flot de sagesse abondante.
L'esprit qu'a déserté la passion grondante,
Médite à l'arbre mort, aux débris du vieux pont.
Tout objet dont le bois se compose répond
A quelque objet pareil dans la forêt de l'âme.
Un feu de pâtre éteint parle à l'amour en flamme.
Tout donne des conseils au penseur, jeune ou vieux.
On se pique aux chardons ainsi qu'aux envieux ;
La feuille invite à croître ; et l'onde, en coulant vite,
Avertit qu'on se hâte et que l'heure nous quitte.
Pour eux rien n'est muet, rien n'est froid, rien n'est mort.
Un peu de plume en sang leur éveille un remord ;
Les sources sont des pleurs ; la fleur qui boit aux fleuves,
Leur dit : Souvenez-vous, ô pauvres âmes veuves !

Pour eux l'antre profond cache un songe étoilé ;
Et la nuit, sous l'azur d'un beau ciel constellé,
L'arbre sur ses rameaux, comme à travers ses branches,
Leur montre l'astre d'or et les colombes blanches,
Choses douces aux coeurs par le malheur ployés,
Car l'oiseau dit : Aimez ! et l'étoile : Croyez !

Voilà ce que chez toi verse aux âmes souffrantes
La chaste obscurité des branches murmurantes !
Mais toi, qu'en fais tu ? dis. - Tous les ans, en flots d'or,
Ce murmure, cette ombre, ineffable trésor,
Ces bruits de vent qui joue et d'arbre qui tressaille,
Vont s'enfouir au fond de ton coffre qui bâille ;
Et tu changes ces bois où l'amour s'enivra,
Toute cette nature, en loge à l'opéra !

Encor si la musique arrivait à ton âme !
Mais entre l'art et toi l'or met son mur infâme.
L'esprit qui comprend l'art comprend le reste aussi.
Tu vas donc dormir là ! sans te douter qu'ainsi
Que tous ces verts trésors que dévore ta bourse,
Gluck est une forêt et Mozart une source.

Tu dors ; et quand parfois la mode, en souriant,
Te dit : Admire, riche ! alors, joyeux, criant,
Tu surgis, demandant comment l'auteur se nomme,
Pourvu que toutefois la muse soit un homme !
Car tu te roidiras dans ton étrange orgueil
Si l'on t'apporte, un soir, quelque musique en deuil,
Urne que la pensée a chauffée à sa flamme,
Beau vase où s'est versé tout le coeur d'une femme.

Ô seigneur malvenu de ce superbe lieu !
Caillou vil incrusté dans ces rubis en feu !
Maître pour qui ces champs sont pleins de sourdes haines !
Gui parasite enflé de la sève des chênes !
Pauvre riche ! - Vis donc, puisque cela pour toi
C'est vivre. Vis sans coeur, sans pensée et sans foi.
Vis pour l'or, chose vile, et l'orgueil, chose vaine.
Végète, toi qui n'as que du sang dans la veine,
Toi qui ne sens pas Dieu frémir dans le roseau,
Regarder dans l'aurore et chanter dans l'oiseau !

Car, - et bien que tu sois celui qui rit aux belles
Et, le soir, se récrie aux romances nouvelles, -
Dans les coteaux penchants où fument les hameaux,
Près des lacs, près des fleurs, sous les larges rameaux,
Dans tes propres jardins, tu vas aussi stupide,
Aussi peu clairvoyant dans ton instinct cupide,
Aussi sourd à la vie à l'harmonie, aux voix,
Qu'un loup sauvage errant au milieu des grands bois !

Le 22 mai 1837.
Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage ;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.

Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.

Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l'esprit des poètes
L'image d'un ballet de fleurs.

Ces robes folles sont l'emblème
De ton esprit bariolé ;
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t'aime !

Quelquefois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J'ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein ;

Et le printemps et la verdure
Ont tant humilié mon coeur,
Que j'ai puni sur une fleur
L'insolence de la Nature.

Ainsi je voudrais, une nuit,
Quand l'heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit,

Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,

Et, vertigineuse douceur !
A travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T'infuser mon venin, ma soeur !
Audrey Frost Mar 2014
Volons au **** dans le ciel nocturne. Voyons voir les étoiles de toutes les galaxies. Disons s’endormir sur une nouvelle planète dans un nouveau plan entouré par de nouvelles personnes. Lançons à travers les parties les plus sombres de l’univers et pas peur. Disons-venture à travers tout le temps et l’espace ensemble. Vous et moi.

Let’s fly off into the night sky. Let’s see the stars of all the galaxies. Let’s fall asleep on a new planet in a new plane surrounded by new people. Let’s run through the darkest parts of the universe and not be scared. Let’s venture through all of time and space together. You and I.
Là-bas, sous les arbres s'abrite
Une chaumière au dos bossu ;
Le toit penche, le mur s'effrite,
Le seuil de la porte est moussu.

La fenêtre, un volet la bouche ;
Mais du taudis, comme au temps froid
La tiède haleine d'une bouche,
La respiration se voit.

Un tire-bouchon de fumée,
Tournant son mince filet bleu,
De l'âme en ce bouge enfermée
Porte des nouvelles à Dieu.
John F McCullagh Dec 2016
La ville de lumière porte une couverture de blanc
Comme les flocons de neige et l'obscurité, en tandem, descendre.
Je marche dans ses rues, seule, avec juste votre mémoire en tant que compagnie
La vieille librairie que nous avons aimé faire des emplettes
A fait sa dernière vente et fermé pour de bon.
Notre restaurant préféré est toujours là, ouvert pour les affaires,
Mais de nouvelles personnes l'ont maintenant.
Elle aussi est changée.
Dans les temps plus heureux, nous nous sommes assis à cette table extérieure
Et regardé, ensemble, les nuances subtiles de la lumière
Réfracté sur les eaux de la Seine.

Dans votre entreprise, une simple croûte de pain
Et une bouteille, ou deux, de calvados semblait un festin.
En votre absence, les meilleurs aliments sont, pour moi, la paille et la paille.

Années de vie dans votre amour
Ne m'a pas préparé
Pour cette vie seule
Je regarde les flocons de neige tomber, vers le bas.
À travers le froid sombre de cette soirée parisienne
Et les envie de leur résolution que je ne peux pas encore partager.
French translation of the English original
Verson ces roses pres ce vin,
De ce vin verson ces roses,
Et boyvon l'un à l'autre, afin
Qu'au coeur noz tristesses encloses
Prennent en boyvant quelque fin.

La belle Rose du Printemps
Aubert, admoneste les hommes
Passer joyeusement le temps,
Et pendant que jeunes nous sommes
Esbatre la fleur de noz ans.

Tout ainsi qu'elle défleurit
Fanie en une matinée,
Ainsi nostre âge se flestrit,
Làs ! et en moins d'une journée
Le printemps d'un homme perit.

Ne veis-tu pas hier Brinon
Parlant, et faisant bonne chere,
Qui làs ! aujourd'huy n'est sinon
Qu'un peu de poudre en une biere,
Qui de luy n'a rien que le nom ?

Nul ne desrobe son trespas,
Caron serre tout en sa nasse,
Rois et pauvres tombent là bas :
Mais ce-pendant le temps se passe
Rose, et je ne te chante pas.

La Rose est l'honneur d'un pourpris,
La Rose est des fleurs la plus belle,
Et dessus toutes a le pris :
C'est pour cela que je l'appelle
La violette de Cypris.

La Rose est le bouquet d'Amour,
La Rose est le jeu des Charites,
La Rose blanchit tout au tour
Au matin de perles petites
Qu'elle emprunte du Poinct du jour.

La Rose est le parfum des Dieux,
La Rose est l'honneur des pucelles,
Qui leur sein beaucoup aiment mieux
Enrichir de Roses nouvelles,
Que d'un or, tant soit precieux.

Est-il rien sans elle de beau ?
La Rose embellit toutes choses,
Venus de Roses a la peau,
Et l'Aurore a les doigts de Roses,
Et le front le Soleil nouveau.

Les Nymphes de Rose ont le sein,
Les coudes, les flancs et les hanches :
Hebé de Roses a la main,
Et les Charites, tant soient blanches,
Ont le front de Roses tout plein.

Que le mien en soit couronné,
Ce m'est un Laurier de victoire :
Sus, appellon le deux-fois-né,
Le bon pere, et le fàison boire
De ces Roses environné.

Bacchus espris de la beauté
Des Roses aux fueilles vermeilles,
Sans elles n'a jamais esté,
Quand en chemise sous les treilles
Beuvoit au plus chaud de l'Esté.
A look Un regard
I keep receiving Je recois

two in the 2 dans ma poitrine
chest

rapists violeurs

have invented ont invente

new ways de nouvelles facons

of being d'etne assassines
murdered

I hope they J'espere qu'ils ouvrent

open their leur

gun safes coffres d'amunition

or hang ou pende
translated for free in a mental health ward by a french woman
Pren ceste rose aimable comme toy,
Qui sers de rose aux roses les plus belles,
Qui sers de fleur aux fleurs les plus nouvelles,
Qui sers de Muse aux Muses et à moy.

Pren ceste rose, et ensemble reçoy
Dedans ton sein mon coeur qui n'a point d'ailes :
Il vit blessé de cent playes cruelles,
Opiniastre à garder trop sa foy.

La rose et moy differons d'une chose :
Un Soleil voit naistre et mourir la rose,
Mille Soleils ont veu naistre m'amour

Qui ne se passe, et jamais ne repose.
Que pleust à Dieu que mon amour éclose,
Comme une fleur, ne m'eust duré qu'un jour.
Sonnet.

Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur ?

- Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
Déjà j'ai vu le verger
Se parer de fleurs nouvelles ;
Le Zéphyr, toujours léger,
Déjà folâtre autour d'elles.

L'hiver fuit ; tout va changer,
Tout renaît : à ce bocage
Le printemps rend le feuillage,
Aux verts tapis leur fraîcheur,
Aux rossignols leur ramage ;
Et non la paix à mon cœur.

Le soleil, fondant la glace
Qui blanchissait le coteau,
Revêt d'un éclat nouveau
Le gazon qui la remplace.

Le ruisseau libre en son cours,
Avec son ancien murmure,
Reprend ses anciens détours.
Son eau, plus calme et plus pure,
Suit sa pente sans efforts ;
Et, fuyant dans la prairie,
Féconde l'herbe fleurie
Dont Flore embellit ses bords.

Voyez-vous le vieil érable
Couronner de rameaux verts
Son front large et vénérable
Qui se rit de cent hivers ?
Une naissante verdure
Revêt aussi ses vieux bras,
Dégagés des longs frimas
Que suspendait la froidure.

Oh ! que les champs ont d'appas !
La plaine, au ****, se colore
De l'émail changeant des fleurs,
Que n'outragea pas encore
Le fer cruel des faneurs.

La passagère hirondelle
À son nid est de retour :
La douce saison d'amour
Dans nos climats la rappelle.
Elle accourt à tire-d'aile,
L'imprudente, et ne voit pas
L'insidieuse ficelle
Dont l'homme a tissu ses lacs :
À travers l'onde et l'orage,
Quand elle affrontait la mort,
La pauvrette, **** du port,
Ne prévoyait pas le sort
Qui l'attendait au rivage !

Désormais en liberté,
La pastourelle enflammée
Court à l'onde accoutumée
Qui lui peignait sa beauté.
Contre l'infidélité
Le clair miroir la rassure,
Et lui dit que les autans,
Ces fléaux de la nature,
Moins à craindre que le temps,
N'ont pas gâté sa figure.

Déjà j'ai vu les agneaux,
Oubliant la bergerie,
Brouter l'herbe des coteaux
Et bondir dans la prairie.
L'impatient voyageur
Sort de sa retraite oisive,
Et la barque du pêcheur
Flotte plus **** de la rive.

De la cime du rocher
D'où son regard se promène,
Déjà le hardi nocher
Affronte l'humide plaine ;
Fatigué du long repos
Dans lequel l'hiver l'enchaîne,
Il retourne sur les flots.
**** des paternels rivages
Qu'il ne doit jamais revoir,
Il court, hélas ! plein d'espoir,
Chercher de plus riches plages.
Intrépide, il fuit le port.
À la gaîté qui l'anime,
Le croirait-on sur l'abîme
Où cent fois il vit la mort ?

Et moi seul, quand l'espérance
Luit au fond de tous les cœurs,
Je vois la saison des fleurs,
Sans voir finir ma souffrance !
**** de partager mes feux,
Daphné rit de ma tristesse.
Hélas ! le trait qui me blesse
Ne part-il pas de ses yeux ?

Mille fois, dans mon délire,
Ceint de lauriers toujours verts,
J'ai célébré dans mes vers,
Et la beauté que je sers,
Et l'amour qu'elle m'inspire.

Ah ! si d'éternels mépris,
Daphné, sont encor le prix
D'une éternelle constance,
Tremble : l'amour outragé
Peut être à la fin vengé
De ta longue indifférence :
Je puis, de la même voix
Qui te chanta sur ma lyre,
Publier tout à la fois
Tes rigueurs et mon martyre.

Qu'ai-je dit ? pardonne-moi ;
Pardonne, ô ma douce amie !
D'un cœur qui se plaint de toi
Idole toujours chérie.
Un siècle entier, nuit et jour,
J'ai langui dans la contrainte ;
Et c'est un excès d'amour
Qui m'arrache cette plainte.

Mais, ô Daphné ! soit que ton cœur
Dédaigne ou partage ma flamme,
Dans ta pitié, dans ta rigueur,
Sois toujours l'âme de mon âme.

Écrit en 1785.
Je ne veux plus lire de lettre,
Sauf les lettres que le facteur
Sera chargé de me remettre,
Comme après tout on est le maître
De lire tel ou tel auteur.

Écoutez bien, gens de la ville :
Montrer, avec ou sans motif,
Lettre quelconque... est bien futile.
Lettre toute autre est chose... utile
Rarement portée à l'actif.

Que le Duc d'Aumale s'en foute,
Il ne vaut pas un sous-préfet ;
Et... si j'eusse été... sur ma route,
Le Général... Mignonne, écoute,
Je sais fort ce que j'aurais fait.

Ce n'est rien moins qu'une merveille,
On le peut, sans se déranger.
C'est le secret de ma bouteille.
Je pourrais le dire à l'oreille
Du beau Général Boulanger.

Vous qui devinez tout, Madame,
Ne divulguez rien, s'il vous plaît,
Sinon, je vous écris : infâme !
Et si vous tirez votre lame,
Je vous avance... mon valet.

Hé ! là ! ce que je viens de dire,
Ma mignonne, c'était en l'air :
On ne te voit jamais écrire.
Moi, je chante et ne veut que rire :
Il me semble que c'est très clair.

Je me dis avec insistance :
Je n'attacherai plus de prix,
Ni la plus petite importance,
Qu'à ma propre correspondance,
Si je me suis bien, bien compris.

Lettres laides ou Lettres belles,
J'y suis doucement résigné,
Je n'en lirai pas de nouvelles,
Je ne lirai plus même celles
De Madame de Sévigné.

Et si cette admirable Brune
Me trouvait vilain garnement,
Elle n'a, pour que j'en lise une,
Par le facteur Rayon-de-Lune
Qu'à me l'adresser, simplement.
Heureuses pastourelles,

Qui cherchez, sous l'ormeau,

Des lits de fleurs nouvelles

Et la fraîcheur de l'eau,

Par vos danses légères,

Appelez-vous mes pas ?

Faites rire, bergères,

Celle qui ne rit pas.


Ruisseaux, où mes compagnes

Brûlent de se revoir,

Coulez de nos montagnes,

Rendez-leur un miroir :

Votre onde, qui soupire,

Attirera mes pas ;

Ruisseaux, faites sourire

Celle qui ne rit pas.


Comme les hirondelles,

J'ai chanté le printemps ;

Mais je n'aurai point d'ailes,

Quand fuira le beau temps...

Ah ! si ma douce aurore

Revenait sur ses pas,

Elle rirait encore,

Celle qui ne rit pas !
Unis dès leurs jeunes ans
D'une amitié fraternelle,
Un lapin, une sarcelle,
Vivaient heureux et contents.
Le terrier du lapin était sur la lisière
D'un parc bordé d'une rivière.
Soir et matin nos bons amis,
Profitant de ce voisinage,
Tantôt au bord de l'eau, tantôt sous le feuillage,
L'un chez l'autre étaient réunis.
Là, prenant leurs repas, se contant des nouvelles,
Ils n'en trouvaient point de si belles
Que de se répéter qu'ils s'aimeraient toujours.
Ce sujet revenait sans cesse en leurs discours.
Tout était en commun, plaisir, chagrin, souffrance ;
Ce qui manquait à l'un, l'autre le regrettait ;
Si l'un avait du mal, son ami le sentait ;
Si d'un bien au contraire il goûtait l'espérance,
Tous deux en jouissaient d'avance.
Tel était leur destin, lorsqu'un jour, jour affreux !
Le lapin, pour dîner venant chez la sarcelle,
Ne la retrouve plus : inquiet, il l'appelle ;
Personne ne répond à ses cris douloureux.
Le lapin, de frayeur l'âme toute saisie,
Va, vient, fait mille tours, cherche dans les roseaux,
S'incline par-dessus les flots,
Et voudrait s'y plonger pour trouver son amie.
Hélas ! S'écriait-il, m'entends-tu ? Réponds-moi,
Ma sœur, ma compagne chérie ;
Ne prolonge pas mon effroi :
Encor quelques moments, c'en est fait de ma vie ;
J'aime mieux expirer que de trembler pour toi.
Disant ces mots, il court, il pleure,
Et, s'avançant le long de l'eau,
Arrive enfin près du château
Où le seigneur du lieu demeure.
Là, notre désolé lapin
Se trouve au milieu d'un parterre,
Et voit une grande volière
Où mille oiseaux divers volaient sur un bassin.
L'amitié donne du courage.
Notre ami, sans rien craindre, approche du grillage,
Regarde et reconnaît... ô tendresse ! ô bonheur !
La sarcelle : aussitôt il pousse un cri de joie ;
Et, sans perdre de temps à consoler sa sœur,
De ses quatre pieds il s'emploie
À creuser un secret chemin
Pour joindre son amie, et par ce souterrain
Le lapin tout-à-coup entre dans la volière,
Comme un mineur qui prend une place de guerre.
Les oiseaux effrayés se pressent en fuyant.
Lui court à la sarcelle ; il l'entraîne à l'instant
Dans son obscur sentier, la conduit sous la terre ;
Et, la rendant au jour, il est prêt à mourir
De plaisir.
Quel moment pour tous deux ! Que ne sais-je le peindre
Comme je saurais le sentir !
Nos bons amis croyaient n'avoir plus rien à craindre ;
Ils n'étaient pas au bout. Le maître du jardin,
En voyant le dégât commis dans sa volière,
Jure d'exterminer jusqu'au dernier lapin :
Mes fusils ! Mes furets ! Criait-il en colère.
Aussitôt fusils et furets
Sont tout prêts.
Les gardes et les chiens vont dans les jeunes tailles,
Fouillant les terriers, les broussailles ;
Tout lapin qui paraît trouve un affreux trépas :
Les rivages du Styx sont bordés de leurs mânes ;
Dans le funeste jour de Cannes
On mit moins de romains à bas.
La nuit vient ; tant de sang n'a point éteint la rage
Du seigneur, qui remet au lendemain matin
La fin de l'horrible carnage.
Pendant ce temps, notre lapin,
Tapi sous des roseaux auprès de la sarcelle,
Attendait en tremblant la mort,
Mais conjurait sa sœur de fuir à l'autre bord
Pour ne pas mourir devant elle.
Je ne te quitte point, lui répondait l'oiseau ;
Nous séparer serait la mort la plus cruelle.
Ah ! Si tu pouvais passer l'eau !
Pourquoi pas ? Attends-moi... la sarcelle le quitte,
Et revient traînant un vieux nid
Laissé par des canards : elle l'emplit bien vite
De feuilles de roseau, les presse, les unit
Des pieds, du bec, en forme un batelet capable
De supporter un lourd fardeau ;
Puis elle attache à ce vaisseau
Un brin de jonc qui servira de câble.
Cela fait, et le bâtiment
Mis à l'eau, le lapin entre tout doucement
Dans le léger esquif, s'assied sur son derrière,
Tandis que devant lui la sarcelle nageant
Tire le brin de jonc, et s'en va dirigeant
Cette nef à son cœur si chère.
On aborde, on débarque ; et jugez du plaisir !
Non **** du port on va choisir
Un asile où, coulant des jours dignes d'envie,
Nos bons amis, libres, heureux,
Aimèrent d'autant plus la vie
Qu'ils se la devaient tous les deux.
Leydis Sep 2018
Nouvelles erótica

Usted desea una nouvelle
donde yo tomo el papel
de amante insaciable;
Que rompa sus cables,
Que hable con sus señales,
apagando sus raudales deseos
a base de besos con sabor a cerezo.
Astillar nuestros cuerpos
hasta que encontrar aliento,
mientras se esfuma la bruma
y mis miedos en su boca se
convierten en blanca espuma.

Usted me toma como núbil pupila,
Toma mi cintura como si supiera mi holgura,
Enjambra mi apetito y ultraja mis sentidos.
Me hace sentir mujer,
embriagándome en ese placer
de ser tomada por un hombre
que sabe la morfología de la pasión,
y no pide permisos y ni perdón,
y sin gentileza alguna toma posesión mis temblorosas piernas,
haciendo de ellas lo que usted quiera,
doblegando mi cabeza, la acerca y la aleja como desea, imponiendo su firmeza hasta estallar de conmoción.

Toma mi cuello como si del fuera su dueño,
Su boca insensata alborota mis plazas,
Su lengua canora le canta a mis magnolias,
Por primera vez sutilmente me abriga la aurora,
me abarca el ardor y en usted me acomodo
- como lo hace el sereno en la alborada.
Grito y clamo saber su nombre
mientras los soplos de su respiración
se descargan sobre mi cuerpo,
que busca encontrar alivio en su perdición.

Usted es mi desdoro,
Y no me importa tener honra
si habita su lengua en mi boca
Y me lleve a esos espacios
donde mi cuerpo revive en sus brazos.
********************­***
****************­*******You want a soap opera
where I take the role
of an insatiable lover;
That rips apart your shackles,
that speaks to your gestures,
that dims down your abundant desires
with cherry-flavored filled kisses…  
Splinting our bodies until
you find encouragement,
while the haze disappears and
my fears in your mouth become ivory spume.

You take me as a young novice,
Taking my waist as if I knowing my depth,
Widening my appetite and insulting my senses.
You make me feel like a woman,
Inebriating me in that insoluble pleasure
Of being made love to by a man who
knows the morphology of passion.
Who does not ask for permission
and, or forgiveness,
unkindly taking possession of my trembling legs,
controlling them as you wish,
manipulating my head, pulling closer
and then apart, while imposing
your firmness as you burst with excitement.

You take my neck as if you’re its owner,
your reckless mouth flusters my organism
as your harmonious tongue sings to my magnolias.
I am delicately shielded into the aurora,
Covered in heat and I nestle in your aroma
Wail to know your name
Whilst your breath discharges in my burrows
And I finally find relief in your perdition.

You are my dishonor,
I care not for morality
if your tongue resides within me
- taking me to those places
where my body is revived in your imposing essence.  

©LeydisProse
9/26/2018
https://m.facebook.com/LeydisProse//


Sonnet.


Grand ciel, tu m'es témoin que j'étais tout enfant
Quand par témérité j'ai demandé des ailes ;
Convoitant de si bas les voûtes éternelles,
Mes vœux n'altéraient pas ton calme triomphant.

Je me sentais mourir dans un air étouffant,
Ciel pur ! et j'aspirais à des saisons nouvelles ;
Et c'est ta faute aussi, puisque tu nous appelles
Par ton sublime azur, par l'oiseau qui le fend !

Maintenant qu'épuisé, vaincu, je te proclame
Trop vaste pour tenir tout entier dans mon âme,
Pourquoi te venges-tu d'impuissantes amours ?

Et quel jaloux archange aux gaîtés malfaisantes
M'a planté dans le dos ses deux ailes géantes
Qui palpitent sans cesse en m'accablant toujours ?
Quiconque a peint Amour, il fut ingenieux,
Non le faisant enfant chargé de traicts et d'ailes,
Non luy chargeant les mains de flames eternelles,
Mais bien d'un double crespe enveloppant ses yeux.


Amour hait la clarté, le jour m'est odieux :
J'ay, qui me sert de jour, mes propres estincelles,
Sans qu'un Soleil jaloux de ses flames nouvelles
S'amuse si long temps à tourner dans les cieux.


Argus regne en Esté, qui d'une œillade espesse
Espie l'amoureux parlant à sa maistresse
Le jour est de l'Amour ennemy dangereux.


Soleil, tu me desplais : la nuict m'est bien meilleure :
Pren pitié de mon mal, cache toy de bonne heure :
Tu fus, comme je suis, autrefois amoureux.
NC Mar 2019
Ressentir le regard de l’autre,
À l’extrême opposé d’une pièce bruyante,
Suspend momentanément le temps,  
Pour voir chaque battements de cils,
Et le pouls de son cou prendre,
Un rythme effréné.

Le désir de bien agir à ses yeux pour,
Séduire celui qui ne peux détacher,
Son esprit rêveur de celle,
Qui lui susurre des mots doux,
Dans l’intimité veloutée de la nuit.

À peine le jour levé,
Les vestiges de leur amour s’estompe,
Comme le fait un hiver trop long,
Qui laisse peu à peu naître les fleurs nouvelles,
Au cœur d’un monde cruellement inchangé.

De retour à la réalité,
Le regret amère des moments passés,
Laisse place à l’impuissance ravageuse,
D’une âme implorant le courage,
D’être le premier à la conquérir.

La plus mystique des créatures,
À la fois le yin et le yang,
Fleuretant avec l’attirante noirceur,
Et valsant au gré de la clarté,
Incarnant le suprême désirable.
De plus, cette ignorance de Vous !

Avoir des yeux et ne pas vous voir,

Une âme et ne pas vous concevoir.

Un esprit sans nouvelles de Vous !


O temps, ô mœurs qu'il en soit ainsi,

Et que ce vase de belles fleurs,

Qu'un tel vase, précieux d'ailleurs,

De la plus belle se passe ainsi !


Religion, unique raison,

Et seule règle et loi, piété,

Rien, là, de vous n'a jamais été,

Pas un penser juste, une oraison !


Aussi cette ignorance de tout !

Et de soi-même, droits et devoirs

Et des autres, leurs justes pouvoirs,

Leur action légitime et tout !


Jusqu'à méconnaître en moi quel nom,

Quel titre augural et de par Dieu !

Et six ans passés à plaire à Dieu,

Vertu réelle, effort bel et bon !


Jusqu'à ne pas se douter vraiment

Du tour affreux et plus que cruel

Qu'un sot grief, à peine réel,

Inflige à ses revanches vraiment.


Éclairez ces ténêbres de mort,

C'est votre créature après tout.

L'ignorance invincible l'absout.

Bah ! claire et bonne lui soit la mort.
Les plus belles voix

De la Confrérie

Célèbrent le mois

Heureux de Marie.

Ô les douces voix !


Monsieur le curé

L'a dit à la Messe :

C'est le mois sacré.

Écoutons sans cesse

Monsieur le Curé.


Faut nous distinguer,

Faut, mesdemoiselles,

Bien dire et fuguer

Les hymnes nouvelles.

Faut nous distinguer,


Bien dire et filer

Les motets antiques,

Bien dire et couler

Les anciens cantiques,

Filer et couler.


Dieu nous bénira,

Nous et nos familles.

Marie ouïra

Les vœux de ses filles,

Dieu nous bénira.


Elle est la bonté,

C'est comme la Mère

Dans la Trinité,

La Fille et la Mère.

Elle est la bonté,


La compassion,

Sans fin et sans trêve,

L'intercession

Qu'appuie et soulève

La compassion.


Avant le salut,

Chantons ses louanges ;

Pendant le salut,

Chantons ses louanges

Après le salut


Chantons ses louanges.
NGANGO HONORÉ Dec 2021
Pas quelle ma appartenu jadis
Mais j'étais pas **** du compte
Sauf s'il faut avouer que j'étais dans un rêve éveillé
Du moins ce que je sais c'est que :
Toutes les cases étaient cochées
Les météorologues m'ont affirmé avec certitude que les nouvelles recherches prouvait qu la lune avec un coeur d'homme

Cette histoire est mienne
Elle es vrai
Elle à ses façades
...
Je ne veux pas dormir. Ô ma chère insomnie !
Quel sommeil aurait ta douceur ?
L'ivresse qu'il accorde est souvent une erreur,
Et la tienne est réelle, ineffable, infinie.
Quel calme ajouterait au calme que je sens ?
Quel repos plus profond guérirait ma blessure ?
Je n'ose pas dormir ; non, ma joie est trop pure ;
Un rêve en distrairait mes sens.

Il me rappellerait peut-être cet orage
Dont tu sais enchanter jusques au souvenir ;
Il me rendrait l'effroi d'un douteux avenir,
Et je dois à ma veille une si douce image !
Un bienfait de l'Amour a changé mon destin :
Oh ! qu'il m'a révélé de touchantes nouvelles !
Son message est rempli ; je n'entends plus ses ailes :
J'entends encor : demain, demain !

Berce mon âme en son absence,
Douce insomnie, et que l'Amour
Demain me trouve, à son retour,
Riante comme l'espérance.
Pour éclairer l'écrit qu'il laissa sur mon cœur,
Sur ce cœur qui tressaille encore,
Ma lampe a ranimé sa propice lueur,
Et ne s'éteindra qu'à l'aurore.

Laisse à mes yeux ravis briller la vérité ;
Écarte le sommeil, défends-moi de tout songe :
Il m'aime, il m'aime encore ! Ô Dieu ! pour quel mensonge
Voudrais-je me soustraire à la réalité ?

— The End —