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solenn fresnay Jul 2012
Je n’y arriverai pas alors autant tout faire

…/…

Je t’emmerde ?

…/…

Je veux combattre des chattes puantes et dégoulinantes en me défonçant la
cervelle sous la rame d’un métro
Les poubelles ce soir débordaient de litres de sperme dégorgés pendant le week-end
Vous aviez dans le passé un bien joli cul
Mais je ne suce pas monsieur
Je rêve simplement

…/…

Je n’ai plus qu’à me faire kidnapper
Il ne me reste plus rien d’autre

…/…

Ceci est mon testament

…/…

Tu m’aimes ?
Parce que moi je n’aime que moi

…/…

Je ne suis que veines nécrosées, désabusées, vaine écrivaine immortelle, ivre de mots ensanglantés, qui mange des glaces dans la nuit noire en se faisant vomir de folie

…/…

Elle s’est réveillée un matin
Elle avait rêvé toute la nuit, elle se sentait plutôt bien
Elle ouvrit les yeux et se rendit compte que tout autour d’elle
lui était devenu étranger
Tout son monde, le meilleur comme le pire, avait disparu
Elle n’était plus que vide dans un corps qui ne bougeait plus.
AndSoOn Nov 2014
C’était encore un de ces mois incertains, indécis, entre l’hiver et le printemps. Comme s’ils avaient choisi de nous laisser dans ce froid fatiguant , tout en nous permettant de redécouvrir les couleurs de la nature, Mars, et peut-être Avril, étaient mes mois favoris. Par ma fenêtre, je voyais la nuit endormir en douceur le monde extérieur. C’était encore tôt. L’été s’approchait et la nuit se faisait de plus en plus tardive. Quelques fois, j’hésitais : étais-ce un supplice ou un bonheur ?  La nuit était pour moi un cocon où le froid, les cris et les colères n’étaient pas présents. Et soudain, le vent soufflait dans le jardin, forçant le bois de mes murs à résister, comme pour repousser cet air presque violent. Je souris encore en entendant le craquement du bois contre le vent. J’avais ce sentiment de paix. Peut-être était-ce moi qui redécouvrait les petits plaisirs de la vie ou tout simplement le bois qui me montrait son soutien et sa présence par un petit chuchotement comme un signe de vie. Dans ces moments, je m’enterrais dans mes duvets d’hiver que Maman allait bientôt remplacer par d’autres moins chauds. Que je détestais ces duvets si froids, si plats et si peu accueillants. Mais pendant le mois de mars, ou le mois d’avril, je pouvais encore me blottir dans les gros bras de ma couette. La solitude en devenait moins pesante. Il y avait moi, le bois, le vent, mon duvet.

Ce que je préférais c’était les orages. En plus du vent, les murs de ma chambre devaient combattre la pluie et le tonnerre. Ce concert de bruits naturels était un de mes meilleurs somnifères. Ma chambre était sous les toits. Elle l’est encore. Allongée sur mon lit, je me laissais bercer par la fatigue, perdant mon regard de plus en plus lourd dans les lattes du plafond. Le bruit de la pluie résonnait si délicieusement dans le cocon que je m’étais construit. La pluie sonne encore comme autrefois : un bruit de clavier ou de triangle. C’était un bruit exquis, rare et faible. Elle était là la beauté de ce son. Sa faiblesse le rendait indispensable. Les instruments à vent s’ajoutaient avec magie, suivis des percussions tremblantes créées par le tonnerre. Et l’orchestre devenait apaisant. Je pouvais sentir la pluie s’infiltrer entre les tuiles. Je l’entendais glisser comme au ralentit jusqu’à ce qu’une goutte imaginaire tombe sur mon visage.

Je n’arrivais jamais à complètement apprécier ces moments. J’avais tant envie qu’ils durent à jamais que je résistais au sommeil jusqu’à en souffrir. La fatigue avait cette force que la pluie et le vent ne possédaient pas. Elle pouvait me rendre si lourde et si crispée. En m’en souvenant, je la trouve en quelques points perverse. Elle est à la fois celle qui vous endort et celle qui vous maintient éveillé. Je ne pouvais que garder les yeux ouverts tellement l’envie d’écouter ces sons merveilleux m’obsédait. Mon corps se fatiguait à défaut de pouvoir se crisper. Et je devais abandonner, dans l’espoir que le beau temps ne s’attarde pas. Malgré cela, je pouvais encore rester là, à peine présente, perdue entre la léthargie de mon corps et la vivacité de mon esprit. Je pouvais imaginer avoir les yeux ouverts, les oreilles attentives. Enfin, la paix reprenait le dessus.
Inspired by Proust
Paul d'Aubin Oct 2016
Peire-Roger, le Chevalier Faydit.

C'est Peire-Roger le Faydit
regardant la vie avec hauteur
Comme l'aigrette flottant
sur son heaume argenté.
Ses terres furent mises en proie
Par les prélats du Pape
Au profit de barons pillards.
Venus de Septentrion.
Il était Languedocien,
Par la langue et le cœur
Sa sœur Esclarmonde, était une «Cathare»,
l’une de ces chrétiens hétérodoxes,
Se vouant à l'Esprit,
Et disant rejeter ce mal
Qui corrompt l'esprit humain,
En colorant de sombre
Les œuvres terrestres.
Très jeune, les jeux de guerre
Furent, pour lui, comme un breuvage ardent.
Il éprouva l'amour brûlant
Pour de belles châtelaines,
Si dures à séduire,
Au jeu du «fin Amor».
Mais il était certes moins aimé
Pour ses vers d'ingénieux troubadour,
Que comme homme fort,
ayant belle prestance,
Et apparaissant triomphant,
dans ses courses au galop,
Et les grands coups
Qu'il donnait pour se frayer
Un passage dans la mêlée,
Dans les éclats, les étincelles
De l'entrechoc des épées.
Bien jeune, il vit son père
Spolié de sa seigneurie,
Confisquée au bénéfice
de la lignée maudite
De la maison de Montfort.
Il fut tout jeune humilié
par la tourbe des seigneurs pillards
Conduite par des fanatiques
Et masquant sous l'apparence
De religion, leur vile convoitise
Et leur voracité de loups.
Une fausse paix obligea son père
A rompre l'allégeance
Avec les comtes de Toulouse.
Alors que la persécution
Des «bonshommes» s'amplifiait,
Et que les libertés Toulousaines
Étaient sous le talon de fer.
Son père s'en vint en Aragon
Parmi tant d'autres hommes,
droits et valeureux,
Pour sauvegarder l'honneur,
Et préparer la reconquête
Des terres confisquées,
par l'avidité de ces nuées
De corbeaux et des loups
Venus faire bombance
De terres Languedociennes.
Comme plus ****,
les Lys viendraient agrandir,
Leurs fiefs pour le seul profit
De Paris la dominante et la vorace.
Sa jeunesse se passa à s'entraîner
Et à rêver au jour où
Il traverserait les cols
Pour la revanche de son sang
Et la mémoire de son père,
Mort en exil en Aragon.
Enfin les appels de Raymond VII de Toulouse,
De Trencavel et du peuple de Tolosa révolté,
Résonnèrent comme buccin
Dans tout le Languedoc sous le joug,
Et l'oriflamme de Tolosa fut levé
Qui embrasa plaines et collines.
Le temps était venu de combattre
Et ce fut une guerre
Aussi ardente que cruelle,
comme une chasse à courre,
Faite de sièges et d'escarmouches
Contre les troupes du Roi Louis VIII.
Peirce-Roger chevaucha et guerroya
Donnant tout son corps et son âme,
Et fut maintes fois blessé,
Mais il lui fallut bien du courage
Pour déposer les armes
Quand les chefs s'entendirent
Pour donner en mariage
Jeanne de Toulouse
A Alphonse de France.
Ce mariage funeste,
annonçait et scellait la perte,
Des libertés et de la tolérance
De la haute civilisation
des pays Tolédans et Languedociens.
Aussi Peire-Roger, l'esprit blessé
Plus encore que ses chairs
Meurtries et tailladées,
Décida de consacrer sa vie
Au soutien et a la protection,
Des «bonshommes» traqués,
Par cette infamie nommée l'inquisition,
Usant des pires moyens,
Dont la délation et la torture,
Pour extirper par les cordes,
les tenailles et le feu,
Ce que la Papauté ne pouvait obtenir
Du choix des consciences,
Par le libre débat et le consentement.
Peire-Roger vint à Montségur
Sur les hauteurs du Po
Transforme en abri, en refuge et en temple,
Sur les terres du comte de Foix.
Il admira Esclarmonde la pure, la parfaite,
Et la pureté de mœurs
De cette communauté de «Bonhommes»,
de Femmes et d'Hommes libres,
Bien divers, mais si fraternels,
Ayant choisi de vivre leur spiritualité.
Contrairement aux calomnies,
Qui les disait adorateurs du Diable,
Ils mettaient par-dessus tout
Leur vie spirituelle et leur idéal commun.
Et leurs autres vertus étaient
Le dépouillement et la simplicité.
Hélas vautours et corbeaux,
Planaient autour de l'altier Pog.
Alors que la bise des premiers froids
Se faisait sentir les matins.
C'est alors qu'un groupe d'inquisiteurs
Chevaucha jusqu'à Avignonet
pour y chercher des proies.
Cela embrasa de colère
nombre de Chevaliers Faydits,
Dont les parents avaient tant soufferts
Le feu de la vengeance l’emporta
Sur la prudente et sage patience.
Et Peire-Roger lui-même
Pris le commandement de la troupe.
Qui arriva de nuit à Avignonet
Pour punir la cruauté par le fer.
Le Bayle, Raymond d'Alfaro
Ouvrit les portes aux vengeurs,
Et un nouveau crime s'ajouta
Aux précédents crimes innombrables.
L’inquisiteur Guillaume Arnaud
Et Étienne de Saint Thibery,
furent massacres avec leurs compagnons.
Leurs cris d'épouvante et d'agonie
Résonnèrent dans cette Avignonet
Qui huma l'acre parfum du sang,
La peur semblait disparue
Et la vengeance rendue.
Mais la lune aussi pleura du sang
Dans le ciel blafard et blême
Vengeance fut ainsi accomplie
Pour les chairs et les âmes martyrisées.
Mais le sang répandu appelle
Toujours plus de sang encore.
Quelques mois après un ost
De plusieurs centaines de soldats,
Sous le commandement
D'Hugues des Arcis.
Vint en mai 1243,
Mettre le siège de la place fortifiée.
Peire-Roger se battit comme un Lion
Avec ses compagnons Faydits,
Ils accomplirent des prouesses
De courage et de vaillance
Furent données.
Mais lorsque de nuit par un chemin secret
Qui leur avait été révélé,
Les assaillant s'emparèrent
Du roc de la tour,
Et y posèrent une Perrière
Pour jeter des projectiles
Sur les fortifications et les assiégés.
L'espoir de Peire-Roger,
des défenseurs et des bonshommes,
Commença à fléchir.
Et une reddition fut conclue
Le 1er mars 1244 laissant aux cathares,
Le choix de la conversion ou de la mort dans les flammes.
Ce fut grand pitié ce 16 mars de voir
Plus de deux cent femmes et hommes bons et justes,
Choisir en conscience de ne pas renier leur choix et leur foi,
Préférant terminer leur vie
D'une manière aussi affreuse,
en ce début du printemps
Qui pointait ses lumières.
Et jusqu'à l'ignoble bûcher,
Leurs chants d'amour,
Furent entendus puis couvert,
Par leurs cris de douleur
Et les crépitements des buches.
Aussi; qu’une honte dans pareille
En retombe sur le Pape si mal nomme, Innovent III
Et sur le roi Louis IX, sanctifié par imposture,
Et sur l'archevêque de Narbonne, Pierre Amiel.
Que surtout vienne le temps
Où la Paix aux doux, aux justes
Et aux Pacifiques s'établisse.
Et qu'une honte et un remord sans fin
Punissent ceux et celles qui continuent
A se comporter en inquisiteurs
qu'elle qu'en soient les raisons et les circonstances.
Il semblerait sans aucune certitude
Que Peire-Roger, le chevalier Faydit
Témoin de ces temps de fer et de feu.
Soit allé, au ****, se retirer et prier
Dans une communauté de bonshommes
En Aragon ou en Lombardie.

Paul Arrighi
Le personnage de Peire-Vidal n'est pas imaginaire. Il a bien existe mais je rassemble en lui les qualités de plusieurs Chevaliers Faydits qui se battirent pour la sauvegarde de leurs terres et des libertés des pays d'Oc et du Languedoc face a l'avidité et au fanatisme - Paul Arrighi
blue Nov 2013
Amoncellement de papiers
De travaux à complèter

Accumulation de pensées
À jamais terminer

Mon esprit vagabonde
Dans des réfléxions profondes

Remarques et insultes
Sans cesse, me tumultent

La peur s'installe en moi
Adieu estime de soi

J'espère sans cesse
De combattre cette tristesse

Étendue sur mon lit
Je laisse sortir mes mots par écrit

Esquissant des dessins
Je souhaite pour un meilleur lendemain
Puisque c'est ton métier, misérable poète,
Même en ces temps d'orage, où la bouche est muette,
Tandis que le bras parle, et que la fiction
Disparaît comme un songe au bruit de l'action ;
Puisque c'est ton métier de faire de ton âme
Une prostituée, et que, joie ou douleur,
Tout demande sans cesse à sortir de ton coeur ;
Que du moins l'histrion, couvert d'un masque infâme,
N'aille pas, dégradant ta pensée avec lui,
Sur d'ignobles tréteaux la mettre au pilori ;
Que nul plan, nul détour, nul voile ne l'ombrage.
Abandonne aux vieillards sans force et sans courage
Ce travail d'araignée, et tous ces fils honteux
Dont s'entoure en tremblant l'orgueil qui craint les yeux.
Point d'autel, de trépied, point d'arrière aux profanes !
Que ta muse, brisant le luth des courtisanes,
Fasse vibrer sans peur l'air de la liberté ;
Qu'elle marche pieds nus, comme la vérité.

O Machiavel ! tes pas retentissent encore
Dans les sentiers déserts de San Casciano.
Là, sous des cieux ardents dont l'air sèche et dévore,
Tu cultivais en vain un sol maigre et sans eau.
Ta main, lasse le soir d'avoir creusé la terre,
Frappait ton pâle front dans le calme des nuits.
Là, tu fus sans espoir, sans proches, sans amis ;
La vile oisiveté, fille de la misère,
A ton ombre en tous lieux se traînait lentement,
Et buvait dans ton coeur les flots purs de ton sang :
"Qui suis-je ? écrivais-tu; qu'on me donne une pierre,
"Une roche à rouler ; c'est la paix des tombeaux
"Que je fuis, et je tends des bras las du repos."

C'est ainsi, Machiavel, qu'avec toi je m'écrie :
O médiocre, celui qui pour tout bien
T'apporte à ce tripot dégoûtant de la vie,
Est bien poltron au jeu, s'il ne dit : Tout ou rien.
Je suis jeune; j'arrive. A moitié de ma route,
Déjà las de marcher, je me suis retourné.
La science de l'homme est le mépris sans doute ;
C'est un droit de vieillard qui ne m'est pas donné.
Mais qu'en dois-je penser ? Il n'existe qu'un être
Que je puisse en entier et constamment connaître
Sur qui mon jugement puisse au moins faire foi,
Un seul !... Je le méprise. - Et cet être, c'est moi.

Qu'ai-je fait ? qu'ai-je appris ? Le temps est si rapide !
L'enfant marche joyeux, sans songer au chemin ;
Il le croit infini, n'en voyant pas la fin.
Tout à coup il rencontre une source limpide,
Il s'arrête, il se penche, il y voit un vieillard.
Que me dirai-je alors ? Quand j'aurai fait mes peines,
Quand on m'entendra dire : Hélas ! il est trop **** ;
Quand ce sang, qui bouillonne aujourd'hui dans mes veines
Et s'irrite en criant contre un lâche repos,
S'arrêtera, glacé jusqu'au fond de mes os...
O vieillesse ! à quoi donc sert ton expérience ?
Que te sert, spectre vain, de te courber d'avance
Vers le commun tombeau des hommes, si la mort
Se tait en y rentrant, lorsque la vie en sort ?
N'existait-il donc pas à cette loterie
Un joueur par le sort assez bien abattu
Pour que, me rencontrant sur le seuil de la vie,
Il me dît en sortant : N'entrez pas, j'ai perdu !

Grèce, ô mère des arts, terre d'idolâtrie,
De mes voeux insensés éternelle patrie,
J'étais né pour ces temps où les fleurs de ton front
Couronnaient dans les mers l'azur de l'Hellespont.
Je suis un citoyen de tes siècles antiques ;
Mon âme avec l'abeille erre sous tes portiques.
La langue de ton peuple, ô Grèce, peut mourir ;
Nous pouvons oublier le nom de tes montagnes ;
Mais qu'en fouillant le sein de tes blondes campagnes
Nos regards tout à coup viennent à découvrir
Quelque dieu de tes bois, quelque Vénus perdue...
La langue que parlait le coeur de Phidias
Sera toujours vivante et toujours entendue ;
Les marbres l'ont apprise, et ne l'oublieront pas.
Et toi, vieille Italie, où sont ces jours tranquilles
Où sous le toit des cours Rome avait abrité
Les arts, ces dieux amis, fils de l'oisiveté ?
Quand tes peintres alors s'en allaient par les villes,
Elevant des palais, des tombeaux, des autels,
Triomphants, honorés, dieux parmi les mortels ;
Quand tout, à leur parole, enfantait des merveilles,
Quand Rome combattait Venise et les Lombards,
Alors c'étaient des temps bienheureux pour les arts !
Là, c'était Michel-Ange, affaibli par les veilles,
Pâle au milieu des morts, un scalpel à la main,
Cherchant la vie au fond de ce néant humain,
Levant de temps en temps sa tête appesantie,
Pour jeter un regard de colère et d'envie
Sur les palais de Rome, où, du pied de l'autel,
A ses rivaux de **** souriait Raphaël.
Là, c'était le Corrège, homme pauvre et modeste,
Travaillant pour son coeur, laissant à Dieu le reste ;
Le Giorgione, superbe, au jeune Titien
Montrant du sein des mers son beau ciel vénitien ;
Bartholomé, pensif, le front dans la poussière,
Brisant son jeune coeur sur un autel de pierre,
Interrogé tout bas sur l'art par Raphaël,
Et bornant sa réponse à lui montrer le ciel...
Temps heureux, temps aimés ! Mes mains alors peut-être,
Mes lâches mains, pour vous auraient pu s'occuper ;
Mais aujourd'hui pour qui ? dans quel but ? sous quel maître ?
L'artiste est un marchand, et l'art est un métier.
Un pâle simulacre, une vile copie,
Naissent sous le soleil ardent de l'Italie...
Nos oeuvres ont un an, nos gloires ont un jour ;
Tout est mort en Europe, - oui, tout, - jusqu'à l'amour.

Ah ! qui que vous soyez, vous qu'un fatal génie
Pousse à ce malheureux métier de poésie
Rejetez **** de vous, chassez-moi hardiment
Toute sincérité; gardez que l'on ne voie
Tomber de votre coeur quelques gouttes de sang ;
Sinon, vous apprendrez que la plus courte joie
Coûte cher, que le sage est ami du repos,
Que les indifférents sont d'excellents bourreaux.

Heureux, trois fois heureux, l'homme dont la pensée
Peut s'écrire au tranchant du sabre ou de l'épée !
Ah ! qu'il doit mépriser ces rêveurs insensés
Qui, lorsqu'ils ont pétri d'une fange sans vie
Un vil fantôme, un songe, une froide effigie,
S'arrêtent pleins d'orgueil, et disent : C'est assez !
Qu'est la pensée, hélas ! quand l'action commence ?
L'une recule où l'autre intrépide s'avance.
Au redoutable aspect de la réalité,
Celle-ci prend le fer, et s'apprête à combattre ;
Celle-là, frêle idole, et qu'un rien peut abattre,
Se détourne, en voilant son front inanimé.

Meurs, Weber ! meurs courbé sur ta harpe muette ;
Mozart t'attend. - Et toi, misérable poète,
Qui que tu sois, enfant, homme, si ton coeur bat,
Agis ! jette ta lyre; au combat, au combat !
Ombre des temps passés, tu n'es pas de cet âge.
Entend-on le nocher chanter pendant l'orage ?
A l'action ! au mal ! Le bien reste ignoré.
Allons ! cherche un égal à des maux sans remède.
Malheur à qui nous fit ce sens dénaturé !
Le mal cherche le mal, et qui souffre nous aide.
L'homme peut haïr l'homme, et fuir; mais malgré lui,
Sa douleur tend la main à la douleur d'autrui.
C'est tout. Pour la pitié, ce mot dont on nous leurre,
Et pour tous ces discours prostitués sans fin,
Que l'homme au coeur joyeux jette à celui qui pleure,
Comme le riche jette au mendiant son pain,
Qui pourrait en vouloir ? et comment le vulgaire,
Quand c'est vous qui souffrez, pourrait-il le sentir,
Lui que Dieu n'a pas fait capable de souffrir ?

Allez sur une place, étalez sur la terre
Un corps plus mutilé que celui d'un martyr,
Informe, dégoûtant, traîné sur une claie,
Et soulevant déjà l'âme prête à partir ;
La foule vous suivra. Quand la douleur est vraie,
Elle l'aime. Vos maux, dont on vous saura gré,
Feront horreur à tous, à quelques-uns pitié.
Mais changez de façon : découvrez-leur une âme
Par le chagrin brisée, une douleur sans fard,
Et dans un jeune coeur des regrets de vieillard ;
Dites-leur que sans mère, et sans soeur, et sans femme,
Sans savoir où verser, avant que de mourir,
Les pleurs que votre sein peut encor contenir,
Jusqu'au soleil couchant vous n'irez point peut-être...
Qui trouvera le temps d'écouter vos malheurs ?
On croit au sang qui coule, et l'on doute des pleurs.
Votre ami passera, mais sans vous reconnaître.

Tu te gonfles, mon coeur?... Des pleurs, le croirais-tu,
Tandis que j'écrivais ont baigné mon visage.
Le fer me manque-t-il, ou ma main sans courage
A-t-elle lâchement glissé sur mon sein nu ?
Non, rien de tout cela. Mais si **** que la haine
De cette destinée aveugle et sans pudeur
Ira, j'y veux aller. - J'aurai du moins le coeur
De la mener si bas que la honte l'en prenne.
L'ennui de vivre avec les gens et dans les choses

Font souvent ma parole et mon regard moroses.


Mais d'avoir conscience et souci dans tel cas

Exhausse ma tristesse, ennoblit mon tracas.


Alors mon discours chante et mes yeux de sourire

Où la divine certitude s'en vient luire.


Et la divine patience met son sel

Dans mon long bon conseil d'usage universel.


Car non pas tout à fait par effet de l'âge

A mes heures je suis une façon de sage,


Presque un sage sans trop d'emphase ou d'embarras.

Répandant quelque bien et faisant des ingrats.


Or néanmoins la vie et son morne problème

Rendent parfois ma voix maussade et mon front blême.


De ces tentations je me sauve à nouveau

En des moralités juste à mon seul niveau ;


Et c'est d'un examen méthodique et sévère,

Dieu qui sondez les reins ! que je me considère.


Scrutant mes moindres torts et jusques aux derniers,

Tel un juge interroge à fond des prisonniers.


Je poursuis à ce point l'humeur de mon scrupule,

Que de gens ont parlé qui m'ont dit ridicule.


N'importe ! en ces moments est-ce d'humilité ?

Je me semble béni de quelque charité,


De quelque loyauté, pour parler en pauvre homme.

De quelque encore charité. - Folie en somme !


Nous ne sommes rien. Dieu c'est tout. Dieu nous créa,

Dieu nous sauve. Voilà ! Voici mon aléa :


Prier obstinément. Plonger dans la prière,

C'est se tremper aux flots d'une bonne rivière


C'est faire de son être un parfait instrument

Pour combattre le mal et courber l'élément.


Prier intensément. Rester dans la prière

C'est s'armer pour l'élan et s'assurer derrière.


C'est de paraître doux et ferme pour autrui

Conformément à ce qu'on se rend envers lui.


La prière nous sauve après nous faire vivre,

Elle est le gage sûr et le mot qui délivre


Elle est l'ange et la dame, elle est la grande sœur

Pleine d'amour sévère et de forte douceur.


La prière a des pieds légers comme des ailes ;

Et des ailes pour que ses pieds volent comme elles ;


La prière est sagace ; elle pense, elle voit,

Scrute, interroge, doute, examine, enfin croit.


Elle ne peut nier, étant par excellence

La crainte salutaire et l'effort en silence.


Elle est universelle et sanglante ou sourit,

Vole avec le génie et court avec l'esprit.


Elle est ésotérique ou bégaie, enfantine

Sa langue est indifféremment grecque ou latine,


Ou vulgaire, ou patoise, argotique s'il faut !

Car souvent plus elle est bas, mieux elle vaut.


Je me dis tout cela, je voudrais bien le faire,

Seigneur, donnez-moi de m'élever de terre


En l'humble vœu que seul peut former un enfant

Vers votre volonté d'après comme d'avant.


Telle action quelconque en tel temps de ma vie

Et que cette action quelconque soit suivie


D'un abandon complet en vous que formulât

Le plus simple et le plus ponctuel postulat,


Juste pour la nécessité quotidienne

En attendant, toujours sans fin, ma mort chrétienne.
Jamais Hector aux guerres n'était lâche
Lorsqu'il allait combattre les Grégeois :
Toujours sa femme attachait son harnois,
Et sur l'armet (1) lui plantait son panache.

Il ne craignait la Péléenne (2) hache
Du grand Achille, ayant deux ou trois fois
Baisé sa femme, et tenant en ses doigts
Une faveur de sa belle Andromache.

Heureux cent fois, toi chevalier errant,
Que ma déesse allait hier parant,
Et qu'en armant baisait, comme je pense.

De sa vertu procède ton honneur :
Que plût à Dieu, pour avoir ce bonheur
Avoir changé mes plumes à ta lance.


1. L'armet est un casque.
2. La hache d'Achille, fils de Pélée.
Marie-Lyne Dec 2018
If we fight ourselves
How do we know that we won or lost?
How do we know when to continue
When to stop
When to be more of ourselves
Can we do it alone?
Or do we need constant support
From people
Book and songs
Do we have to listen to other’s people stories
In order to feel better
Will our fight make more sense when it is experienced by someone else who was been through it all
Someone who will know our story just by looking into our eyes
They will say to us
“I’ve know what you’re going through
And I am gonna help you elevate yourself
You’ll know how to do it the secomd time alone”

If we abondon our own fights
Is it a relief
Or a failure?

Combattre soi-même
Devrait être une des choses les
Plus difficiles à faire
(Au Marquis de Lamaisonfort)

Oh ! qui m'emportera vers les tièdes rivages,
Où l'Arno couronné de ses pâles ombrages,
Aux murs des Médicis en sa course arrêté,
Réfléchit le palais par un sage habité,
Et semble, au bruit flatteur de son onde plus lente,
Murmurer les grands noms de Pétrarque et du Dante ?
Ou plutôt, que ne puis-je, au doux tomber du jour,
Quand le front soulagé du fardeau de la cour,
Tu vas sous tes bosquets chercher ton Égérie,
Suivre, en rêvant, tes pas de prairie en prairie ;
Jusqu'au modeste toit par tes mains embelli,
Où tu cours adorer le silence et l'oubli !
J'adore aussi ces dieux : depuis que la sagesse
Aux rayons du malheur a mûri ma jeunesse,
Pour nourrir ma raison des seuls fruits immortels,
J'y cherche en soupirant l'ombre de leurs autels ;
Et, s'il est au sommet de la verte colline,
S'il est sur le penchant du coteau qui s'incline,
S'il est aux bords déserts du torrent ignoré
Quelque rustique abri, de verdure entouré,
Dont le pampre arrondi sur le seuil domestique
Dessine en serpentant le flexible portique ;
Semblable à la colombe errante sur les eaux,
Qui, des cèdres d'Arar découvrant les rameaux,
Vola sur leur sommet poser ses pieds de rose,
Soudain mon âme errante y vole et s'y repose !
Aussi, pendant qu'admis dans les conseils des rois,
Représentant d'un maître honoré par son choix,
Tu tiens un des grands fils de la trame du monde ;
Moi, parmi les pasteurs, assis aux bords de l'onde,
Je suis d'un oeil rêveur les barques sur les eaux ;
J'écoute les soupirs du vent dans les roseaux ;
Nonchalamment couché près du lit des fontaines,
Je suis l'ombre qui tourne autour du tronc des chênes,
Ou je grave un vain nom sur l'écorce des bois,
Ou je parle à l'écho qui répond à ma voix,
Ou dans le vague azur contemplant les nuages,
Je laisse errer comme eux mes flottantes images ;
La nuit tombe, et le Temps, de son doigt redouté,
Me marque un jour de plus que je n'ai pas compté !

Quelquefois seulement quand mon âme oppressée
Sent en rythmes nombreux déborder ma pensée ;
Au souffle inspirateur du soir dans les déserts,
Ma lyre abandonnée exhale encor des vers !
J'aime à sentir ces fruits d'une sève plus mûre,
Tomber, sans qu'on les cueille, au gré de la nature,
Comme le sauvageon secoué par les vents,
Sur les gazons flétris, de ses rameaux mouvants
Laisse tomber ces fruits que la branche abandonne,
Et qui meurent au pied de l'arbre qui les donne !
Il fut un temps, peut-être, où mes jours mieux remplis,
Par la gloire éclairés, par l'amour embellis,
Et fuyant **** de moi sur des ailes rapides,
Dans la nuit du passé ne tombaient pas si vides.
Aux douteuses clartés de l'humaine raison,
Egaré dans les cieux sur les pas de Platon,
Par ma propre vertu je cherchais à connaître
Si l'âme est en effet un souffle du grand être ;
Si ce rayon divers, dans l'argile enfermé,
Doit être par la mort éteint ou rallumé ;
S'il doit après mille ans revivre sur la terre ;
Ou si, changeant sept fois de destins et de sphère,
Et montant d'astre en astre à son centre divin,
D'un but qui fuit toujours il s'approche sans fin ?
Si dans ces changements nos souvenirs survivent ?
Si nos soins, nos amours, si nos vertus nous suivent
S'il est un juge assis aux portes des enfers,
Qui sépare à jamais les justes des pervers ?
S'il est de saintes lois qui, du ciel émanées,
Des empires mortels prolongent les années,
Jettent un frein au peuple indocile à leur voix,
Et placent l'équité sous la garde des rois ?
Ou si d'un dieu qui dort l'aveugle nonchalance
Laisse au gré du destin trébucher sa balance,
Et livre, en détournant ses yeux indifférents,
La nature au hasard, et la terre aux tyrans ?
Mais ainsi que des cieux, où son vol se déploie,
L'aigle souvent trompé redescend sans sa proie,
Dans ces vastes hauteurs où mon oeil s'est porté
Je n'ai rien découvert que doute et vanité !
Et las d'errer sans fin dans des champs sans limite,
Au seul jour où je vis, au seul bord que j'habite,
J'ai borné désormais ma pensée et mes soins :
Pourvu qu'un dieu caché fournisse à mes besoins !
Pourvu que dans les bras d'une épouse chérie
Je goûte obscurément les doux fruits de ma vie !
Que le rustique enclos par mes pères planté
Me donne un toit l'hiver, et de l'ombre l'été ;
Et que d'heureux enfants ma table couronnée
D'un convive de plus se peuple chaque année !
Ami ! je n'irai plus ravir si **** de moi,
Dans les secrets de Dieu ces comment ; ces pourquoi,
Ni du risible effort de mon faible génie,
Aider péniblement la sagesse infinie !
Vivre est assez pour nous ; un plus sage l'a dit :
Le soin de chaque jour à chaque jour suffit.
Humble, et du saint des saints respectant les mystères,
J'héritai l'innocence et le dieu de mes pères ;
En inclinant mon front j'élève à lui mes bras,
Car la terre l'adore et ne le comprend pas :
Semblable à l'Alcyon, que la mer dorme ou gronde,
Qui dans son nid flottant s'endort en paix sur l'onde,
Me reposant sur Dieu du soin de me guider
A ce port invisible où tout doit aborder,
Je laisse mon esprit, libre d'inquiétude,
D'un facile bonheur faisant sa seule étude,
Et prêtant sans orgueil la voile à tous les vents,
Les yeux tournés vers lui, suivre le cours du temps.

Toi, qui longtemps battu des vents et de l'orage,
Jouissant aujourd'hui de ce ciel sans nuage,
Du sein de ton repos contemples du même oeil
Nos revers sans dédain, nos erreurs sans orgueil ;
Dont la raison facile, et chaste sans rudesse,
Des sages de ton temps n'a pris que la sagesse,
Et qui reçus d'en haut ce don mystérieux
De parler aux mortels dans la langue des dieux ;
De ces bords enchanteurs où ta voix me convie,
Où s'écoule à flots purs l'automne de ta vie,
Où les eaux et les fleurs, et l'ombre, et l'amitié,
De tes jours nonchalants usurpent la moitié,
Dans ces vers inégaux que ta muse entrelace,
Dis-nous, comme autrefois nous l'aurait dit Horace,
Si l'homme doit combattre ou suivre son destin ?
Si je me suis trompé de but ou de chemin ?
S'il est vers la sagesse une autre route à suivre ?
Et si l'art d'être heureux n'est pas tout l'art de vivre.
Non, sous quelque drapeau que le barde se range,
La muse sert sa gloire et non ses passions !
Non, je n'ai pas coupé les ailes de cet ange
Pour l'atteler hurlant au char des factions !
Non, je n'ai point couvert du masque populaire
Son front resplendissant des feux du saint parvis,
Ni pour fouetter et mordre, irritant sa colère,
Changé ma muse en Némésis !

D'implacables serpents je ne l'ai point coiffée ;
Je ne l'ai pas menée une verge à la main,
Injuriant la gloire avec le luth d'Orphée,
Jeter des noms en proie au vulgaire inhumain.
Prostituant ses vers aux clameurs de la rue,
Je n'ai pas arraché la prêtresse au saint lieu ;
A ses profanateurs je ne l'ai pas vendue,
Comme Sion vendit son Dieu !

Non, non : je l'ai conduite au fond des solitudes,
Comme un amant jaloux d'une chaste beauté ;
J'ai gardé ses beaux pieds des atteintes trop rudes
Dont la terre eût blessé leur tendre nudité :
J'ai couronné son front d'étoiles immortelles,
J'ai parfumé mon coeur pour lui faire un séjour,
Et je n'ai rien laissé s'abriter sous ses ailes
Que la prière et que l'amour !

L'or pur que sous mes pas semait sa main prospère
N'a point payé la vigne ou le champ du potier ;
Il n'a point engraissé les sillons de mon père
Ni les coffres jaloux d'un avide héritier :
Elle sait où du ciel ce divin denier tombe.
Tu peux sans le ternir me reprocher cet or !
D'autres bouches un jour te diront sur ma tombe
Où fut enfoui mon trésor.

Je n'ai rien demandé que des chants à sa lyre,
Des soupirs pour une ombre et des hymnes pour Dieu,
Puis, quand l'âge est venu m'enlever son délire,
J'ai dit à cette autre âme un trop précoce adieu :
"Quitte un coeur que le poids de la patrie accable !
Fuis nos villes de boue et notre âge de bruit !
Quand l'eau pure des lacs se mêle avec le sable,
Le cygne remonte et s'enfuit."

Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle,
S'il n'a l'âme et la lyre et les yeux de Néron,
Pendant que l'incendie en fleuve ardent circule
Des temples aux palais, du Cirque au Panthéon !
Honte à qui peut chanter pendant que chaque femme
Sur le front de ses fils voit la mort ondoyer,
Que chaque citoyen regarde si la flamme
Dévore déjà son foyer !

Honte à qui peut chanter pendant que les sicaires
En secouant leur torche aiguisent leurs poignards,
Jettent les dieux proscrits aux rires populaires,
Ou traînent aux égouts les bustes des Césars !
C'est l'heure de combattre avec l'arme qui reste ;
C'est l'heure de monter au rostre ensanglanté,
Et de défendre au moins de la voix et du geste
Rome, les dieux, la liberté !

La liberté ! ce mot dans ma bouche t'outrage ?
Tu crois qu'un sang d'ilote est assez pur pour moi,
Et que Dieu de ses dons fit un digne partage,
L'esclavage pour nous, la liberté pour toi ?
Tu crois que de Séjan le dédaigneux sourire
Est un prix assez noble aux coeurs tels que le mien,
Que le ciel m'a jeté la bassesse et la lyre,
A toi l'âme du citoyen ?

Tu crois que ce saint nom qui fait vibrer la terre,
Cet éternel soupir des généreux mortels,
Entre Caton et toi doit rester un mystère ;
Que la liberté monte à ses premiers autels ?
Tu crois qu'elle rougit du chrétien qui l'épaule,
Et que nous adorons notre honte et nos fers
Si nous n'adorons pas ta liberté jalouse
Sur l'autel d'airain que tu sers ?

Détrompe-toi, poète, et permets-nous d'être hommes !
Nos mères nous ont faits tous du même limon,
La terre qui vous porte est la terre où nous sommes,
Les fibres de nos coeurs vibrent au même son !
Patrie et liberté, gloire, vertu, courage,
Quel pacte de ces biens m'a donc déshérité ?
Quel jour ai-je vendu ma part de l'héritage,
Esaü de la liberté ?

Va, n'attends pas de moi que je la sacrifie
Ni devant vos dédains ni devant le trépas !
Ton Dieu n'est pas le mien, et je m'en glorifie :
J'en adore un plus grand qui ne te maudit pas !
La liberté que j'aime est née avec notre âme,
Le jour où le plus juste a bravé le plus fort,
Le jour où Jehovah dit au fils de la femme :
" Choisis, des fers ou de la mort ! "

Que ces tyrans divers, dont la vertu se joue,
Selon l'heure et les lieux s'appellent peuple ou roi,
Déshonorent la pourpre ou salissent la boue,
La honte qui les flatte est la même pour moi !
Qu'importe sous quel pied se courbe un front d'esclave !
Le joug, d'or ou de fer, n'en est pas moins honteux !
Des rois tu l'affrontas, des tribuns je le brave :
Qui fut moins libre de nous deux ?

Fais-nous ton Dieu plus beau, si tu veux qu'on l'adore ;
Ouvre un plus large seuil à ses cultes divers !
Repousse du parvis que leur pied déshonore
La vengeance et l'injure aux portes des enfers !
Ecarte ces faux dieux de l'autel populaire,
Pour que le suppliant n'y soit pas insulté !
Sois la lyre vivante, et non pas le Cerbère
Du temple de la Liberté !

Un jour, de nobles pleurs laveront ce délire ;
Et ta main, étouffant le son qu'elle a tiré,
Plus juste arrachera des cordes de ta lyre
La corde injurieuse où la haine a vibré !
Mais moi j'aurai vidé la coupe d'amertume
Sans que ma lèvre même en garde un souvenir ;
Car mon âme est un feu qui brûle et qui parfume
Ce qu'on jette pour la ternir.
Fable IX, Livre II.


Au temps où les bêtes parlaient
Non pas hier pourtant, un grave personnage,
Un dindon, le Nestor des dindons de son âge,
Elevait quinze enfants, qui tous lui ressemblaient.
Tous, j'ai tort ; car l'un d'eux, et la chose est prouvée,
Éclos de la même couvée,
Des autres, toutefois, croissait fort différent :
Bien qu'il fût le plus jeune, il était le plus grand ;
S'il ne disputait pas la noirceur à l'ébène,
La blancheur de l'albâtre éclatait sur son corps ;
Son bec tranchant était retors
Comme un nez dit à la romaine ;
Ces yeux, si peu malins que ses jeunes amis
Portaient enchâssés sous leur crête,
Chez ce dindon manqué, pareils à deux rubis,
Etincelaient enfoncés dans sa tête.
Au lieu de ces ergots dont le coq orgueilleux
Laboure obscurément le fumier et la terre,
Ses pieds étaient armés de cette double serre
Qui porte l'échanson des dieux,
Et se joue avec le tonnerre.
On conçoit qu'un tel écolier
Aux leçons d'un coq-d'inde était fort peu docile ;
Chaque jour son humeur, de moins en moins facile,
Scandalisait le poulailler.
Le chat paraissait-il : « Vite, enfants, qu'on se cache ! »
Criait le surveillant, le premier à partir.
Dindonneaux de rentrer, mon drôle de sortir,
Et de narguer Raton jusque sous sa moustache.
L'autour ou l'épervier, sur le troupeau gloussant,
Faisaient-ils mine de s'abattre ;
Tandis que tout fuyait, sur ses pieds se dressant,
Le bec en l'air, mon drôle attendait pour combattre.
Ami des jeux, bien moins qu'ennemi du repos,
Jouait-il une fois ; il jouait Dieu sait comme !
De la cage à poulets se faisant un champ clos :
Tel, déjà capitaine au milieu des marmots,
Guesclin, dans un enfant, faisait voir un grand homme.
Bref, maint ami plumé se plaignait du héros.
Dindons étaient toujours les dindons de l'affaire ;
Dindons de répéter leur éternel propos :
C'est un mauvais sujet ; on n'en pourra rien faire.
Ce mauvais sujet, un beau jour,
Quand ses ailes furent venues,
Prit congé de la basse-cour,
Et, du premier essor, se perdit dans les nues.

Ainsi plus d'un héros futur,
Elevé dans un rang obscur,
En suivant son génie, agit contre la règle :
Dans le comptoir, Fabert ne rêvait que combats.
Mais pourquoi ? mais comment ? Amis, n'oubliez pas
Qu'une dinde parfois peut couver l'œuf d'un aigle.
Mon âge et mon sang ne sont plus en vigueur,
Les ardents pensers ne m'eschauffent le cœur ;
Plus mon chef grison ne se veut enfermer
Sous le joug d'aimer.

En mon jeune avril, d'Amour je fus soudart,
Et, vaillant guerrier, portay son estendart ;
Ores à l'autel de Venus je l'appens,
Et forcé me rens.

Plus ne veux ouyr ces mots delicieux :
« Ma vie, mon sang, ma chere âme, mes yeux. »
C'est pour les amants à qui le sang plus chaud
Au cœur ne défaut.

Je veux d'autre feu ma poitrine eschaufer,
Cognoistre nature et bien philosopher,
Du monde sçavoir et des astres le cours,
Retours et destours.

Donc, sonnets, adieu ! adieu, douces chansons !
Adieu, dance ! adieu de la lyre les sons !
Adieu, traits d'Amour ! volez en autre part
Qu'au cœur de Ronsard.

Je veux estre à moy, non plus servir autruy ;
Pour autruy ne veux me donner plus d'ennuy.
Il faut essayer, sans plus me tourmenter,
De me contenter.

L'oiseau prisonnier, tant soit-il bien traité,
Sa cage rompant, cherche sa liberté :
Servage d'esprit tient de liens plus forts
Que celuy du corps.

Vostre affection m'a servy de bonheur.
D'estre aimé de vous ce m'est un grand honneur.
Tant que l'air vital en moy se respandra,
II m'en souviendra.

Plus ne veut mon âge à l'amour consentir,
Repris de nature et d'un **** repentir.
Combattre contre elle et luy estre odieux,
C'est forcer les dieux.
Fable VII, Livre V.


Hercule avait chassé sur le mont Pélion.
Percés de traits inévitables,
Frappés de coups épouvantables,
Que de monstres défaits ! Un énorme lion
À l'œil étincelant, à la voix menaçante,
À la faim toujours renaissante,
Depuis dix ans la crainte et l'horreur de ces lieux,
Ou le roi, si vous l'aimez mieux,
Malgré sa griffe aiguë et sa dent meurtrière,
Vaincu lui-même enfin gisait sur la poussière.
Du lion Néméen c'était l'affreux pendant.
Expirant comme lui sur une roche aride,
Il menaçait encor son vainqueur intrépide,
Dont la suite de **** tremble en le regardant.
Quelques vermisseaux cependant,
Qui, vils rebuts de la nature,
Sur quiconque a vécu s'arrogeant certains droits,
Des ânes, des lions, des goujats et des rois
Et des dieux mêmes, que je crois,
Font également leur pâture,
Quelques vermisseaux prétendaient
Qu'à tort on avait fait le défunt si terrible ;
À leur gré, rien de plus risible
Que les bruits qui s'en répandaient.
« Trois coups ont suffi pour l'abattre.
« Il serait dès longtemps ce qu'il est aujourd'hui
« Si, **** de trembler devant lui,
« Tel qu'il a digéré l'avait osé combattre.
« S'il a vaincu, s'il a régné,
« Sa force était dans leur faiblesse.
« - Cessez, dit Hercule indigné,
« Cessez un discours qui me blesse :
« Pareils à maint historien
« Qui dans sa nullité dissèque aussi la gloire,
« Vous réduisez l'obstacle à rien
« Pour réduire à rien la victoire.
« Quoi que vous en disiez, le roi de ces forêts
« N'était ni faible, ni timide.
« Songez que pour le vaincre il a fallu les traits,
« La massue et le bras d'Alcide. »
I.

Quand la terre engloutit les cités qui la couvrent,
Que le vent sème au **** un poison voyageur,
Quand l'ouragan mugit, quand des monts brûlants s'ouvrent,
C'est le réveil du Dieu vengeur.
Et si, lassant enfin les clémences célestes,
Le monde à ces signes funestes
Ose répondre en les bravant,
Un homme alors, choisi par la main qui foudroie,
Des aveugles fléaux ressaisissant la proie,
Paraît, comme un fléau vivant !

Parfois, élus maudits de la fureur suprême,
Entre les nations des hommes sont passés,
Triomphateurs longtemps armés de l'anathème,
Par l'anathème renversés.
De l'esprit de Nemrod héritiers formidables,
Ils ont sur les peuples coupables
Régné par la flamme et le fer ;
Et dans leur gloire impie, en désastres féconde,
Ces envoyés du ciel sont apparus au monde,
Comme s'ils venaient de l'enfer !

II.

Naguère, de lois affranchis,
Quand la reine des nations
Descendit de la monarchie,
Prostituée aux factions,
On vit, dans ce chaos fétide
Naître de l'hydre régicide
Un despote, empereur d'un camp.
Telle souvent la mer qui gronde
Dévore une plaine féconde
Et ***** un sombre volcan.

D'abord, troublant du Nil les hautes catacombes,
Il vint, chef populaire, y combattre en courant,
Comme pour insulter des tyrans dans leurs tombes,
Sous sa tente de conquérant. -
Il revint pour régner sur ses compagnons d'armes.
En vain l'auguste France en larmes
Se promettait des jours plus beaux ;
Quand des vieux pharaons il foulait la couronne,
Sourd à tant de néant, ce n'était qu'un grand trône
Qu'il rêvait sur leurs grands tombeaux.

Un sang royal teignit sa pourpre usurpatrice ;
Un guerrier fut frappé par ce guerrier sans foi ;
L'anarchie, à Vincennes, admira son complice,
Au Louvre elle adora son roi.
Il fallut presque un Dieu pour consacrer cet homme.
Le Prêtre-Monarque de Rome
Vint bénir son front menaçant ;
Car, sans doute en secret effrayé de lui-même,
Il voulait recevoir son sanglant diadème
Des mains d'où le pardon descend.

III.

Lorsqu'il veut, le Dieu secourable,
Qui livre au méchant les pervers,
Brise le jouet formidable
Dont il tourmentait l'univers.
Celui qu'un instant il seconde
Se dit le seul maître du monde ;
Fier, il s'endort dans son néant ;
Enfin, bravant la loi commune,
Quand il croit tenir sa fortune,
Le fantôme échappe au géant.

IV.

Dans la nuit des forfaits, dans l'éclat des victoires,
Cet homme, ignorant Dieu qui l'avait envoyé,
De cités en cités promenant ses prétoires,
Marchait, sur sa gloire appuyé.
Sa dévorante armée avait, dans son passage,
Asservi les fils de Pélage
Devant les fils de Galgacus ;
Et, quand dans leurs foyers il ramenait ses braves
Aux fêtes qu'il vouait à ces vainqueurs esclaves,
Il invitait les rois vaincus !

Dix empires conquis devinrent ses provinces.
Il ne fut pas content dans son orgueil fatal.
Il ne voulait dormir qu'en une cour de princes,
Sur un trône continental.
Ses aigles, qui volaient sous vingt cieux parsemées,
Au nord, de ses longues armées
Guidèrent l'immense appareil ;
Mais là parut l'écueil de se course hardie,
Les peuples sommeillaient : un sanglant incendie
Fut l'aurore du grand réveil.

Il tomba roi ; - puis, dans sa route,
Il voulut, fantôme ennemi,
Se relever, afin sans doute
De ne plus tomber à demi.
Alors, **** de sa tyrannie,
Pour qu'une effrayante harmonie
Frappât l'orgueil anéanti,
On jeta ce captif suprême
Sur un rocher, débris lui-même
De quelque ancien monde englouti !

Là, se refroidissant comme un torrent de lave,
Gardé par ses vaincus, chassé de l'univers,
Ce reste d'un tyran, en s'éveillant esclave,
N'avait fait que changer de fers.
Des trônes restaurés écoutant la fanfare,
Il brillait de **** comme un phare,
Montrant l'écueil au nautonier.
Il mourut. - Quand ce bruit éclata dans nos villes,
Le monde respira dans les fureurs civiles,
Délivré de son prisonnier.

Ainsi l'orgueil s'égare en sa marche éclatante,
Colosse né d'un souffle et qu'un regard abat.
Il fit du glaive un sceptre, et du trône une tente.
Tout son règne fut un combat.
Du fléau qu'il portait lui-même tributaire,
Il tremblait, prince de la terre ;
Soldat, on vantait sa valeur.
Retombé dans son cœur comme dans un abîme,
Il passa par la gloire, il passa par le crime,
Et n'est arrivé qu'au malheur.

V.

Peuples, qui poursuivez d'hommages
Les victimes et les bourreaux,
Laissez-le fuir seul dans les âges ; -
Ce ne sont point là les héros.
Ces faux dieux, que leur siècle encense,
Dont l'avenir hait la puissance,
Vous trompent dans votre sommeil ;
Tels que ces nocturnes aurores
Où passent de grands météores,
Mais que ne suit pas le soleil.

Mars 1822.
Fable VII, Livre I.


Qui découvre une vérité,
A dit un grave personnage,
La gardera pour soi, s'il est quelque peu sage
Et chérit sa tranquillité.
Socrate, Galilée, et gens de cette étoffe,
Ont méconnu ce dogme, et s'en sont mal trouvés.
Quels maux n'ont-ils pas éprouvés !
D'abord c'est Anitus qui crie au philosophe ;
Mélitus applaudit ; et mon sage, en prison,
Reconnaît, mais trop ****, le tort d'avoir raison :
Socrate y but la mort : mais quoi ! son infortune,
Qui n'a fait qu'assurer son immortalité,
Pourrait-elle étonner mon intrépidité ?
Ce qu'il osa cent fois, je ne l'oserais une !  
Non, non, je veux combattre un préjugé reçu.
Dût l'Anitus du jour, aboyant au scandale,
Calomnier mes mœurs pour venger la morale,
Je rectifie un fait qu'on n'a jamais bien su ;
Des générations erreur héréditaire,
Erreur qu'avec Fréron partage aussi Voltaire ;
Polichinelle, amis, n'était pas né bossu.
L'histoire universelle affirme le contraire ;
Je le sais fort bien ; mais-qu'y faire ?
Ne pas lui céder sur ce point,
Ni sur cet autre encor : monsieur Polichinelle
Grasseyait bien un peu, mais ne bredouillait point,
Quoi qu'en ait dit aussi l'histoire universelle.
Du reste, en fait d'esprit, se croyant tout donné,
Pour avoir un peu de mémoire,
Monsieur Polichinelle, au théâtre adonné,
Fondait sur ce bel art sa fortune et sa gloire :
Il voulait l'une et l'autre. Assez mal à propos,
Un soir donc il débute en costume tragique,
Ignorant, l'idiot, qu'un habit héroïque
Veut une taille de héros.
Aussi la pourpre et l'or dont mon vilain rayonne,
Font-ils voir aux plus étourdis
Ce qui, sous ses simples habits,
N'avait encor frappé personne ;
Son dos un peu trop arrondi,
Son ventre un peu trop rebondi,
Sa figure un peu trop vermeille.
De plus, si ce n'est trop de la plus douce voix
Pour dire ces beaux vers qui charment à la fois  
L'esprit, et le cœur et l'oreille,
Imaginez-vous mon grivois
Psalmodiant Racine et grasseyant Corneille.
On n'y tint pas : il fut hué,
Siffle, bafoué, conspué.
Un autre en serait mort, ou de honte ou de rage.
Lui, plus sensé, n'en mourut pas ;
Et crut même de ce faux pas
Pouvoir tirer quelqu'avantage.
Mes défauts sont connus : pourquoi m'en affliger ?
Mieux vaudrait les mettre à la mode.
Je ne saurais les corriger,
Affichons-les ; c'est si commode !
Il est plusieurs célébrités,
Hommes de goût, gens à scrupules,
La vôtre est dans vos qualités,
La nôtre est dans nos ridicules.
Il dit, et sur son dos, qui n'était que voûté,
il ajuste une bosse énorme ;
Puis un ventre de même forme
À son gros ventre est ajouté.
**** d'imiter ce Démosthènes,
Qui, bredouilleur ambitieux,
Devant les flots séditieux,
Image du peuple d'Athènes,
S'exerçait à briser les chaînes
De son organe vicieux,
Confiait aux vents la harangue
Où des Grecs il vengeait les droits,
Et, pour mieux triompher des rois,
S'efforçait à dompter sa langue,
Polichinelle croit qu'on peut encore charmer
Sans être plus intelligible
Que tel que je pourrais nommer,
Et met son art à se former  
Un parlage un peu plus risible.
Puis, vêtu d'un habit de maint échantillon,
Il barbouille de vermillon
Sa face déjà rubiconde ;
Prend des manchettes, des sabots ;
Dit des sentences, des gros mots ;
Bref, n'omet rien pour plaire aux sots
Et plaît à presque tout le monde.
Quels succès, par les siens, ne sont pas effacés ?
Les Roussels passeront, les Janots sont passés !
Lui seul, toujours de mode, à Paris comme à Rome,
Peut se prodiguer sans s'user ;
Lui seul, toujours sûr d'amuser,
Pour les petits enfants est toujours un grand homme.
Ajoutons à ce que j'ai dit,
Que tel qui tout bas s'applaudit
De la faveur universelle,
Ne doit sa vogue et son crédit
Qu'au secret de Polichinelle.
I.

Mon besoin de songe et de fable,
La soif malheureuse que j'ai
De quelque autre vie ineffable,
Me laisse tout découragé.

Quand d'un beau vouloir je m'avise,
Je me répète en vain : « Je veux. »
- « À quoi bon ? » répond la devise
Qui rend stériles tous les voeux.

À quoi bon nos miettes d'automne ?
Si la plèbe veut s'assouvir ;
Ou nos rêves d'état sans trône ?
S'il plaît au peuple de servir.

À quoi bon rapprendre la guerre ?
S'il faut toujours qu'elle ait pour but
Le gain menteur, cher au vulgaire,
D'une auréole et d'un tribut.

À quoi bon la lente science ?
Si l'homme ne peut entrevoir,
Après tant d'âpre patience,
Que les bornes de son savoir.

À quoi bon l'amour ? Si l'on aime
Pour propager un cœur souffrant,
Le cœur humain, toujours le même
Sous le costume différent.

À quoi bon, si la terre est ronde,
Notre infinie avidité ?
On est si vite au bout d'un monde,
Quand il n'est pas illimité !

Or ma soif est celle de l'homme ;
Je n'ai pas de désir moyen,
Il me faut l'élite et la somme,
Il me faut le souverain bien !

II.

Ainsi mon orgueil dissimule
Les défaillances de ma foi,
Mais je sens bientôt un scrupule
Qui s'élève et murmure en moi :

Mon fier désespoir n'est peut-être
Qu'une excuse à ne point agir,
Et, comme au fond je me sens traître,
Un prétexte à n'en point rougir,

Un dédain paresseux qui ruse
Avec la rigueur du devoir,
Et de l'idéal même abuse
Pour me dispenser de vouloir.

Parce que la terre est bornée,
N'y faut-il voir qu'une prison,
Et faillir à la destinée
Qu'embrasse et clôt son horizon ?

Parce que l'amour perpétue
La vie et ses âpres combats,
Vaudra-t-il mieux qu'Adam se tue
Et qu'Athènes n'existe pas ?

Parce que la science est brève
Et le mystère illimité,
Faut-il lui préférer le rêve
Ou la complète cécité ?

Parce que la guerre nous lasse,
Faut-il, par mépris des plus forts,
Tendant la gorge au coup de grâce,
Leur fumer nos champs de nos corps ?

Parce que la force nombreuse
Appelle droit son bon plaisir,
Songe creux le savoir qui creuse,
Et l'art qui plane : vain loisir,

Faut-il laisser cette sauvage
Brûler les œuvres des neuf soeurs
Pour venger l'antique esclavage
Nourricier des premiers penseurs ?

Ah ! Faut-il que de la justice
Et de l'amour, désespérant,
Le cœur déçu se rapetisse
Dans un exil indifférent ?

Non, toute la phalange auguste
Des créateurs doit pour ses dieux,
Qui sont le vrai, le beau, le juste,
Combattre en dessillant les yeux,

Et du temple où chaque âge apporte
Le fruit sacré de ses efforts,
Ouvrir à deux battants la porte,
En défendre à mort les trésors !
Va dire, Amour, ce qui cause ma peine,
A mon seigneur, que je m'en vais mourir,
Et, par pitié, venant me secourir,
Qu'il m'eût rendu la Mort moins inhumaine.

A deux genoux je demande merci.
Par grâce, Amour, va-t'en vers sa demeure.
Dis-lui comment je prie et pleure ici,
Tant et si bien qu'il faudra que je meure
Tout enflammée, et ne sachant point l'heure
Où finira mon adoré souci.
La Mort m'attend, et s'il ne me relève
De ce tombeau prêt à me recevoir,
J'y vais dormir, emportant mon doux rêve ;
Hélas ! Amour, fais-lui mon mal savoir.

Depuis le jour où, le voyant vainqueur,
D'être amoureuse, Amour, tu m'as forcée,
Fût-ce un instant, je n'ai pas eu le coeur
De lui montrer ma craintive pensée,
Dont je me sens à tel point oppressée,
Mourant ainsi, que la Mort me fait peur.
Qui sait pourtant, sur mon pâle visage,
Si ma douleur lui déplairait à voir ?
De l'avouer je n'ai pas le courage.
Hélas ! Amour, fais-lui mon mal savoir.

Puis donc, Amour, que tu n'as pas voulu
A ma tristesse accorder cette joie
Que dans mon coeur mon doux seigneur ait lu,
Ni vu les pleurs où mon chagrin se noie,
Dis-lui du moins, et tâche qu'il le croie,
Que je vivrais, si je ne l'avais vu.
Dis-lui qu'un jour, une Sicilienne
Le vit combattre et faire son devoir.
Dans son pays, dis-lui qu'il s'en souvienne,
Et que j'en meurs, faisant mon mal savoir.
Fable VIII, Livre IV.


Pour complaire aux goûts innocents
Des grands et des petits enfants,
De pauvres baladins allaient de foire en foire,
Représentant les faits les plus intéressants
Ou de la fable ou de l'histoire.
Ressuscitant les vieux héros
De l'Italie et de la Grèce,
Casque en tête, cuirasse au dos,
Epée au poing, c'est en champ clos
Qu'ils faisaient briller leur adresse.
Or, un beau jour (et, cette fois,
On avait mis la scène en France),
Sous les murs d'Orléans , et, pour leur délivrance,
Contre Jean Chandos, Jean Dunois
Devait combattre à toute outrance.
Sous le fer du Français, notez bien ce point-ci,
Le Breton, dans cette aventure,
Devait mourir ; mais, Dieu merci,
Mourir sans une égratignure.
Il en advint tout autrement,
Au détriment du pauvre sire,
Qui fut estropié très sérieusement,
Au lieu d'être tué pour rire.
- Et que fit le public ? - Le public ? il siffla
Et le vainqueur et sa prouesse.
J'aurais fait comme lui si j'avais été là.
Dans un jeu, mes amis, quelle qu'en soit l'espèce,
Jeu d'esprit, jeu de main, retenez bien cela,
On doit siffler celui qui blesse.
NGANGO HONORÉ Nov 2019
Un souci s'abat
Un problème s'abat
Des situations s'abattent
Des circonstances inexprimable
Qu'on ne peut comprendre. Combattre
Nous tombent sur la tête

Alors on se met à questionner la vie, pour quoi moi ??

Alors on dirait que l'existence es en pause et nous regarde pendant que la douleur nous écrase
Elas telle est l'illusion d'un monde Cruelle.
La vie continue dans la maison d'a côte
On est Seul

On est victime sans causer de victimes
On écope
On est sans défense,
pourtant on dirait que nous sommes des cibles

Alors ce qui serait pour nous le Carrefour  de l'arrêt ou de la Suite de Dessine, .
On a un devoir avancer même si on ne trouve pas de raison de le faire.
Parce que  c'est une raison suffisante que la vie et l'existence se sont entendu pour ne pas faire d'arrêt
La vie est devant Nous .La vie c'est nous qui vivons.

Arrêtons la vérité de ce monde par la main , qui dit je cite
La cruauté n'est pas nouveau à l'humanité
Le mal n'est pas encore à sa fin
BONSOIR À TOUS CE  SONT MES DEBUTS IL Y A ENCORE DES ERREURS
Éloigné de vos yeux, Madame, par des soins

Impérieux (j'en prends tous les dieux à témoins),

Je languis et je meurs, comme c'est ma coutume

En pareil cas, et vais, le cœur plein d'amertume,

À travers des soucis où votre ombre me suit,

Le jour dans mes pensers, dans mes rêves la nuit,

Et, la nuit et le jour, adorable, Madame !

Si bien qu'enfin, mon corps faisant place à mon âme,

Je deviendrai fantôme à mon tour aussi, moi,

Et qu'alors, et parmi le lamentable émoi

Des enlacements vains et des désirs sans nombre,

Mon ombre se fondra en jamais en votre ombre.


En attendant, je suis, très chère, ton valet.


Tout se comporte-t-il là-bas comme il te plaît,

Ta perruche, ton chat, ton chien ? La compagnie

Est-elle toujours belle ? et cette Silvanie


Dont j'eusse aimé l'œil noir si le tien n'était bleu,

Et qui parfois me fit des signes, palsambleu !

Te sert-elle toujours de douce confidente ?


Or, Madame, un projet impatient me hante

De conquérir le monde et tous ses trésors pour

Mettre à vos pieds ce gage - indigne - d'un amour

Égal à toutes les flammes les plus célèbres

Qui des grands cœurs aient fait resplendir les ténèbres.

Cléopâtre fut moins aimée, oui, sur ma foi !

Par Marc-Antoine et par César que vous par moi,

N'en doutez pas, Madame, et je saurai combattre

Comme César pour un sourire, ô Cléopâtre,

Et comme Antoine fuir au seul prix d'un baiser.


Sur ce, très chère, adieu. Car voilà trop causer,

Et le temps que l'on perd à lire une missive

N'aura jamais valu la peine qu'on l'écrive.
Dans un missel datant du roi François premier,
Dont la rouille des ans a jauni le papier
Et dont les doigts dévots ont usé l'armoirie,
Livre mignon, vêtu d'argent sur parchemin,
L'un de ces fins travaux d'ancienne orfèvrerie
Où se sentent l'audace et la peur de la main,
J'ai trouvé cette fleur flétrie.

On voit qu'elle est très vieille au vélin traversé
Par sa profonde empreinte où la sève a percé.
Il se pourrait qu'elle eût trois cents ans ; mais n'importe,
Elle n'a rien perdu qu'un peu de vermillon,
Fard qu'elle eût vu tomber même avant d'être morte,
Qui ne brille qu'un jour, et que le papillon,
En passant, d'un coup d'aile emporte ;

Elle n'a pas perdu de son cœur un pistil,
Ni du frêle tissu de sa corolle un fil ;
La page ondule encore où sécha la rosée
De son dernier matin, mêlée à d'autres pleurs ;
La mort en la cueillant l'a seulement baisée,
Et, soigneuse, n'a fait qu'éteindre ses couleurs,
Mais ne l'a pas décomposée.

Une mélancolique et subtile senteur,
Pareille au souvenir qui monte avec lenteur,
L'arome du secret dans les cassettes closes,
Révèle l'âge ancien de ce mystique herbier ;
Il semble que les jours se parfument des choses,
Et qu'un passé d'amour ait l'odeur d'un sentier
Où le vent balaya des roses.

Et peut-être, dans l'air sombre et léger du soir,
Un cœur, comme une flamme, autour du vieux fermoir,
S'efforce, en palpitant, de se frayer passage ;
Et chaque soir peut-être il attend l'angelus,
Dans l'espoir qu'une main viendra tourner la page
Et qu'il pourra savoir si rien ne reste plus
De la fleur qui fut son hommage.

Eh bien ! Rassure-toi, chevalier qui partais
Pour combattre à Pavie et ne revins jamais ;
Ou page qui, tout bas, aimant comme on adore,
Fis un aveu d'amour d'un Ave Maria :
Cette fleur qui mourut sous des yeux que j'ignore,
Depuis les trois cents ans qu'elle repose là,
Où tu l'as mise elle est encore.

— The End —