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Ô toi qui dans mon âme vibres,
Ô mon cher esprit familier,
Les espaces sont clairs et libres ;
J'y consens, défais ton collier,

Mêle les dieux, confonds les styles,
Accouple au poean les agnus ;
Fais dans les grands cloîtres hostiles
Danser les nymphes aux seins nus.

Sois de France, sois de Corinthe,
Réveille au bruit de ton clairon
Pégase fourbu qu'on éreinte
Au vieux coche de Campistron.

Tresse l'acanthe et la liane ;
Grise l'augure avec l'abbé ;
Que David contemple Diane,
Qu'Actéon guette Bethsabé.

Du nez de Minerve indignée
Au crâne chauve de saint Paul
Suspends la toile d'araignée
Qui prendra les rimes au vol.

Fais rire Marion courbée
Sur les oegipans ahuris.
Cours, saute, emmène Alphésibée
Souper au Café de Paris.

Sois ***, hardi, glouton, vorace ;
Flâne, aime ; sois assez coquin
Pour rencontrer parfois Horace
Et toujours éviter Berquin.

Peins le nu d'après l'Homme antique,
Païen et biblique à la fois,
Constate la pose plastique
D'Ève ou de Rhée au fond des bois.

Des amours observe la mue.
Défais ce que les pédants font,
Et, penché sur l'étang, remue
L'art poétique jusqu'au fond.

Trouble La Harpe, ce coq d'Inde,
Et Boileau, dans leurs sanhédrins ;
Saccage tout ; jonche le Pinde
De césures d'alexandrins.

Prends l'abeille pour soeur jumelle ;
Aie, ô rôdeur du frais vallon,
Un alvéole à miel, comme elle,
Et, comme elle, un brave aiguillon.

Plante là toute rhétorique,
Mais au vieux bon sens fais écho ;
Monte en croupe sur la bourrique,
Si l'ânier s'appelle Sancho.

Qu'Argenteuil soit ton Pausilippe.
Sois un peu diable, et point démon,
Joue, et pour Fanfan la Tulipe
Quitte Ajax fils de Télamon.

Invente une églogue lyrique
Prenant terre au bois de Meudon,
Où le vers danse une pyrrhique
Qui dégénère en rigodon.

Si Loque, Coche, Graille et Chiffe
Dans Versailles viennent à toi,
Présente galamment la griffe
À ces quatre filles de roi.

Si Junon s'offre, fais ta tâche ;
Fête Aspasie, admets Ninon ;
Si Goton vient, sois assez lâche
Pour rire et ne pas dire : Non.

Sois le chérubin et l'éphèbe.
Que ton chant libre et disant tout
Vole, et de la lyre de Thèbe
Aille au mirliton de Saint-Cloud.

Qu'en ton livre, comme au bocage,
On entende un hymne, et jamais
Un bruit d'ailes dans une cage !
Rien des bas-fonds, tout des sommets !

Fais ce que tu voudras, qu'importe !
Pourvu que le vrai soit content ;
Pourvu que l'alouette sorte
Parfois de ta strophe en chantant ;

Pourvu que Paris où tu soupes
N'ôte rien à ton naturel ;
Que les déesses dans tes groupes
Gardent une lueur du ciel ;

Pourvu que la luzerne pousse
Dans ton idylle, et que Vénus
Y trouve une épaisseur de mousse
Suffisante pour ses pieds nus ;

Pourvu que Grimod la Reynière
Signale à Brillat-Savarin
Une senteur de cressonnière
Mêlée à ton hymne serein ;

Pourvu qu'en ton poème tremble
L'azur réel des claires eaux ;
Pourvu que le brin d'herbe semble
Bon au nid des petits oiseaux ;

Pourvu que Psyché soit baisée
Par ton souffle aux cieux réchauffé ;
Pourvu qu'on sente la rosée
Dans ton vers qui boit du café.
Sois de bronze et de marbre et surtout sois de chair

Certes, prise l'orgueil nécessaire plus cher,

Pour ton combat avec les contingences vaines ;

Que les poils de ta barbe ou le sang de tes veines ;

Mais vis, vis pour souffrir, souffre pour expier,

Expie et va-t'en vivre et puis reviens prier,

Prier pour le courage et la persévérance

De vivre dans ce siècle, hélas ! et cette France,

Siècle et France ignorants et tristement railleurs.

(Mais le règne est plus haut et la patrie ailleurs

Et la solution est autre du problème.)

Sois de chair et même aime cette chair, la même

Que celle de Jésus sur terre et dans les cieux,

Et dans le Très Saint-Sacrement si précieux

Qu'il n'est de comparable à sa valeur que celle

De ta chair vénérable en sa moindre parcelle

Et dans le moindre grain de l'Hostie à l'autel ;

Car ce mystère, l'Incarnation, est tel,

Par l'exégèse autour comme par sa nature ;

Qu'il fait égale au Créateur la créature,

Cependant que, par un miracle encor plus grand,

L'Eucharistie, elle, les confond et les rend

Identiques. Or cette chair expiatoire.

Fais-t'en une arme douloureuse de victoire

Sur l'orgueil que Satan peut d'elle t'inspirer

Pour l'orgueil qu'à jamais tu peux considérer

Comme le prix suprême et le but enviable.

Tout le reste n'est rien que malice du diable !

Alors, oui, sois de bronze impassible, revêts

L'armure inaccessible à braver le Mauvais,

Pudeur, Calme, Respect, Silence et Vigilance.

Puis sois de marbre, et pur, sous le heaume qui lance

Par ses trous le regard de tes yeux assurés,

Marche à pas révérents sur les parvis sacrés.
I.

L'ÉGLISE est vaste et haute. À ses clochers superbes
L'ogive en fleur suspend ses trèfles et ses gerbes ;
Son portail resplendit, de sa rose pourvu ;
Le soir fait fourmiller sous la voussure énorme
Anges, vierges, le ciel, l'enfer sombre et difforme,
Tout un monde effrayant comme un rêve entrevu.

Mais ce n'est pas l'église, et ses voûtes, sublimes,
Ses porches, ses vitraux, ses lueurs, ses abîmes,
Sa façade et ses tours, qui fascinent mes yeux ;
Non ; c'est, tout près, dans l'ombre où l'âme aime à descendre
Cette chambre d'où sort un chant sonore et tendre,
Posée au bord d'un toit comme un oiseau joyeux.

Oui, l'édifice est beau, mais cette chambre est douce.
J'aime le chêne altier moins que le nid de mousse ;
J'aime le vent des prés plus que l'âpre ouragan ;
Mon cœur, quand il se perd vers les vagues béantes,
Préfère l'algue obscure aux falaises géantes.
Et l'heureuse hirondelle au splendide océan.

II.

Frais réduit ! à travers une claire feuillée
Sa fenêtre petite et comme émerveillée
S'épanouit auprès du gothique portail.
Sa verte jalousie à trois clous accrochée,
Par un bout s'échappant, par l'autre rattachée,
S'ouvre coquettement comme un grand éventail.

Au-dehors un beau lys, qu'un prestige environne,
Emplit de sa racine et de sa fleur couronne
- Tout près de la gouttière où dort un chat sournois -
Un vase à forme étrange en porcelaine bleue
Où brille, avec des paons ouvrant leur large queue,
Ce beau pays d'azur que rêvent les Chinois.

Et dans l'intérieur par moments luit et passe
Une ombre, une figure, une fée, une grâce,
Jeune fille du peuple au chant plein de bonheur,
Orpheline, dit-on, et seule en cet asile,
Mais qui parfois a l'air, tant son front est tranquille,
De voir distinctement la face du Seigneur.

On sent, rien qu'à la voir, sa dignité profonde.
De ce cœur sans limon nul vent n'a troublé l'onde.
Ce tendre oiseau qui jase ignore l'oiseleur.
L'aile du papillon a toute sa poussière.
L'âme de l'humble vierge a toute sa lumière.
La perle de l'aurore est encor dans la fleur.

À l'obscure mansarde il semble que l'œil voie
Aboutir doucement tout un monde de joie,
La place, les passants, les enfants, leurs ébats,
Les femmes sous l'église à pas lents disparues,
Des fronts épanouis par la chanson des rues,
Mille rayons d'en haut, mille reflets d'en bas.

Fille heureuse ! autour d'elle ainsi qu'autour d'un temple,
Tout est modeste et doux, tout donne un bon exemple.
L'abeille fait son miel, la fleur rit au ciel bleu,
La tour répand de l'ombre, et, devant la fenêtre,
Sans faute, chaque soir, pour obéir au maître,
L'astre allume humblement sa couronne de feu.

Sur son beau col, empreint de virginité pure,
Point d'altière dentelle ou de riche guipure ;
Mais un simple mouchoir noué pudiquement.
Pas de perle à son front, mais aussi pas de ride,
Mais un œil chaste et vif, mais un regard limpide.
Où brille le regard que sert le diamant ?

III.

L'angle de la cellule abrite un lit paisible.
Sur la table est ce livre où Dieu se fait visible,
La légende des saints, seul et vrai panthéon.
Et dans un coin obscur, près de la cheminée,
Entre la bonne Vierge et le buis de l'année,
Quatre épingles au mur fixent Napoléon.

Cet aigle en cette cage ! - et pourquoi non ? dans l'ombre
De cette chambre étroite et calme, où rien n'est sombre,
Où dort la belle enfant, douce comme son lys,
Où tant de paix, de grâce et de joie est versée,
Je ne hais pas d'entendre au fond de ma pensée
Le bruit des lourds canons roulant vers Austerlitz.

Et près de l'empereur devant qui tout s'incline,
- Ô légitime orgueil de la pauvre orpheline ! -
Brille une croix d'honneur, signe humble et triomphant,
Croix d'un soldat, tombé comme tout héros tombe,
Et qui, père endormi, fait du fond de sa tombe
Veiller un peu de gloire auprès de son enfant.

IV.

Croix de Napoléon ! joyau guerrier ! pensée !
Couronne de laurier de rayons traversée !
Quand il menait ses preux aux combats acharnés,
Il la laissait, afin de conquérir la terre,
Pendre sur tous les fronts durant toute la guerre ;
Puis, la grande œuvre faite, il leur disait : Venez !

Puis il donnait sa croix à ces hommes stoïques,
Et des larmes coulaient de leurs yeux héroïques ;
Muets, ils admiraient leur demi-dieu vainqueur ;
On eût dit qu'allumant leur âme avec son âme,
En touchant leur poitrine avec son doigt de flamme,
Il leur faisait jaillir cette étoile du cœur !

V.

Le matin elle chante et puis elle travaille,
Sérieuse, les pieds sur sa chaise de paille,
Cousant, taillant, brodant quelques dessins choisis ;
Et, tandis que, songeant à Dieu, simple et sans crainte,
Cette vierge accomplit sa tâche auguste et sainte,
Le silence rêveur à sa porte est assis.

Ainsi, Seigneur, vos mains couvrent cette demeure.
Dans cet asile obscur, qu'aucun souci n'effleure,
Rien qui ne soit sacré, rien qui ne soit charmant !
Cette âme, en vous priant pour ceux dont la nef sombre,
Peut monter chaque soir vers vous sans faire d'ombre
Dans la sérénité de votre firmament !

Nul danger ! nul écueil ! - Si ! l'aspic est dans l'herbe !
Hélas ! hélas ! le ver est dans le fruit superbe !
Pour troubler une vie il suffit d'un regard.
Le mal peut se montrer même aux clartés d'un cierge.
La curiosité qu'a l'esprit de la vierge
Fait une plaie au cœur de la femme plus ****.

Plein de ces chants honteux, dégoût de la mémoire,
Un vieux livre est là-haut sur une vieille armoire,
Par quelque vil passant dans cette ombre oublié ;
Roman du dernier siècle ! œuvre d'ignominie !
Voltaire alors régnait, ce singe de génie
Chez l'homme en mission par le diable envoyé.

VI.

Epoque qui gardas, de vin, de sang rougie,
Même en agonisant, l'allure de l'orgie !
Ô dix-huitième siècle, impie et châtié !
Société sans dieu, par qui Dieu fus frappée !
Qui, brisant sous la hache et le sceptre et l'épée,
Jeune offensas l'amour, et vieille la pitié !

Table d'un long festin qu'un échafaud termine !
Monde, aveugle pour Christ, que Satan illumine !
Honte à tes écrivains devant les nations !
L'ombre de tes forfaits est dans leur renommée
Comme d'une chaudière il sort une fumée,
Leur sombre gloire sort des révolutions !

VII.

Frêle barque assoupie à quelques pas d'un gouffre !
Prends garde, enfant ! cœur tendre où rien encor ne souffre !
Ô pauvre fille d'Ève ! ô pauvre jeune esprit !
Voltaire, le serpent, le doute, l'ironie,
Voltaire est dans un coin de ta chambre bénie !
Avec son œil de flamme il t'espionne, et rit.

Oh ! tremble ! ce sophiste a sondé bien des fanges !
Oh ! tremble ! ce faux sage a perdu bien des anges !
Ce démon, noir milan, fond sur les cœurs pieux,
Et les brise, et souvent, sous ses griffes cruelles,
Plume à plume j'ai vu tomber ces blanches ailles
Qui font qu'une âme vole et s'enfuit dans les cieux !

Il compte de ton sein les battements sans nombre.
Le moindre mouvement de ton esprit dans l'ombre,
S'il penche un peu vers lui, fait resplendir son œil.
Et, comme un loup rôdant, comme un tigre qui guette,
Par moments, de Satan, visible au seul poète,
La tête monstrueuse apparaît à ton seuil !

VIII.

Hélas ! si ta main chaste ouvrait ce livre infâme,
Tu sentirais soudain Dieu mourir dans ton âme.
Ce soir tu pencherais ton front triste et boudeur
Pour voir passer au **** dans quelque verte allée
Les chars étincelants à la roue étoilée,
Et demain tu rirais de la sainte pudeur !

Ton lit, troublé la nuit de visions étranges,
Ferait fuir le sommeil, le plus craintif des anges !
Tu ne dormirais plus, tu ne chanterais plus,
Et ton esprit, tombé dans l'océan des rêves,
Irait, déraciné comme l'herbe des grèves,
Du plaisir à l'opprobre et du flux au reflux !

IX.

Oh ! la croix de ton père est là qui te regarde !
La croix du vieux soldat mort dans la vieille garde !
Laisse-toi conseiller par elle, ange tenté !
Laisse-toi conseiller, guider, sauver peut-être
Par ce lys fraternel penché sur ta fenêtre,
Qui mêle son parfum à ta virginité !

Par toute ombre qui passe en baissant la paupière !
Par les vieux saints rangés sous le portail de pierre !
Par la blanche colombe aux rapides adieux !
Par l'orgue ardent dont l'hymne en longs sanglots se brise !
Laisse-toi conseiller par la pensive église !
Laisse-toi conseiller par le ciel radieux !

Laisse-toi conseiller par l'aiguille ouvrière,
Présente à ton labeur, présente à ta prière,
Qui dit tout bas : Travaille ! - Oh ! crois-la ! - Dieu, vois-tu,
Fit naître du travail, que l'insensé repousse,
Deux filles, la vertu, qui fait la gaîté douce,
Et la gaîté, qui rend charmante la vertu !

Entends ces mille voix, d'amour accentuées,
Qui passent dans le vent, qui tombent des nuées,
Qui montent vaguement des seuils silencieux,
Que la rosée apporte avec ses chastes gouttes,
Que le chant des oiseaux te répète, et qui toutes
Te disent à la fois : Sois pure sous les cieux !

Sois pure sous les cieux ! comme l'onde et l'aurore,
Comme le joyeux nid, comme la tour sonore,
Comme la gerbe blonde, amour du moissonneur,
Comme l'astre incliné, comme la fleur penchante,
Comme tout ce qui rit, comme tout ce qui chante,
Comme tout ce qui dort dans la paix du Seigneur !

Sois calme. Le repos va du cœur au visage ;
La tranquillité fait la majesté du sage.
Sois joyeuse. La foi vit sans l'austérité ;
Un des reflets du ciel, c'est le rire des femmes ;
La joie est la chaleur que jette dans les âmes
Cette clarté d'en haut qu'on nomme Vérité.

La joie est pour l'esprit une riche ceinture.
La joie adoucit tout dans l'immense nature.
Dieu sur les vieilles tours pose le nid charmant
Et la broussaille en fleur qui luit dans l'herbe épaisse ;
Car la ruine même autour de sa tristesse
A besoin de jeunesse et de rayonnement !

Sois bonne. La bonté contient les autres choses.
Le Seigneur indulgent sur qui tu te reposes
Compose de bonté le penseur fraternel.
La bonté, c'est le fond des natures augustes.
D'une seule vertu Dieu fait le cœur des justes,
Comme d'un seul saphir la coupole du ciel.

Ainsi, tu resteras, comme un lys, comme un cygne,
Blanche entre les fronts purs marqués d'un divin signe
Et tu seras de ceux qui, sans peur, sans ennuis,
Des saintes actions amassant la richesse,
Rangent leur barque au port, leur vie à la sagesse
Et, priant tous les soirs, dorment toutes les nuits !

Le poète à lui-même.

Tandis que sur les bois, les prés et les charmilles,
S'épanchent la lumière et la splendeur des cieux,
Toi, poète serein, répands sur les familles,
Répands sur les enfants et sur les jeunes filles,
Répands sur les vieillards ton chant religieux !

Montre du doigt la rive à tous ceux qu'une voile
Traîne sur le flot noir par les vents agité ;
Aux vierges, l'innocence, heureuse et noble étoile ;
À la foule, l'autel que l'impiété voile ;
Aux jeunes, l'avenir ; aux vieux, l'éternité !

Fais filtrer ta raison dans l'homme et dans la femme.
Montre à chacun le vrai du côté saisissant.
Que tout penseur en toi trouve ce qu'il réclame.
Plonge Dieu dans les cœurs, et jette dans chaque âme
Un mot révélateur, propre à ce qu'elle sent.

Ainsi, sans bruit, dans l'ombre, ô songeur solitaire,
Ton esprit, d'où jaillit ton vers que Dieu bénit,
Du peuple sous tes pieds perce le crâne austère ; -
Comme un coin lent et sûr, dans les flancs de la terre
La racine du chêne entr'ouvre le granit.

Du 24 au 29 juin 1839.
Mymai Yuan Sep 2010
Peeing: to ***; to urinate; to release the body of its liquid toxins; to pass or discharge *****; characteristically yellow- the strength of the color depending on the body’s hydration.
People have strange habits when peeing; urinating; releasing the body of their liquid toxins. Some people procrastinate it to the last minute and rush to the bathroom, barely yanking their pants down in time and shuddering in relief. They are those who habitually whip in and out, even when they don’t really need to. There’s the common usage of an escape from boredom in classes or meetings. Perhaps it even causes a slight blushing in the cheeks of painfully shy woman at hearing rushed tinkling so close by. And of course, they are also the people who love to leave surprises for the next person who uses the bathroom.
All in all, peeing seems to mean not much to people – a small part of life; but a very, very necessary part.  

                                 *                 *                    * .

The rain poured furiously outside the window as Emily sat, straining her brown eyes against the whiteboard flashing images of trigonometry from Mr. Well’s laptop, trying hard to concentrate. She was sitting in her usual seat in class, and also her favorite. It was a solitary table with a chair, away from the clusters of tables and the chattering children, and the only chair by the window. She liked to look out the window, even if it distracted her from Mr. Well’s loud explanations. The booming of “SOHCAHTOA” in her ears became distant as the wind’s movement caught her eye. She gazed out on sheets of rain flapping across the sky like giant teary spirits and pressed her fingertips on the glass. Cold.
Absent-mindedly, she pressed her cheek against the coolness and felt it absorb her body warmth. Her imagination kicked in and the glass became a panel of energy, ******* a little life from all those who touched it, vibrating with a strange purple light until it was so filled with energy the particles of the glass would explode and she would be the first to die from the sharp shatters that would spray across the room, causing droplets of blood to-
Ahem.
Mr. Well coughed meaningfully at her dreamy face. The class exploded into laughter and the bell rang. A skinny girl smiled at her but she was so lost in her own world, she forgot to smile back as she slung her bag on her shoulder and ran out. Maybe that’s why she didn’t have too many friends.
The dark skies were pouring furiously as only Bangkok in Monsoon weather can.
A walk home or a motorbike ride? A motorbike ride would be a little dangerous in this flooding… and with that reasoning she waved up a motorbike. The seat was soaked and so was the driver, whose brown leathered feet struggled to keep red flip-flops on as they sloshed through the flooded Sois.
Fat water bullets pelted her skin and the wind blew them ferociously into her face till her eyes stung. The motorbike swerved in and out of the cars stuck in traffic (slightly floating), the bottoms of their wheels immersed in ***** water.
The pockets of her school shorts were hastily rummaged through and she pulled out a soggy green twenty-baht note bank before running into the shelter of the lobby, dripping over the marble floor and completely drenched. The building-maid widened her eyes, and watched her horrified; knowing it meant extra work mopping and drying up the lobby floor as soon as Emily vanished into the elevator.
The plastic button with the circular metal piece glowed orange. It was strange how she was shivering with cold but her touch was still warm enough to light up the elevator buttons.
The usual itchy, impulsive, restlessness was building up inside her from the wet motorbike ride. Thunder roared and crackled through the lobby’s swinging glass doors and they vibrated slightly. Another flashing image of splintering glass splashed across her mind and in the split-second, she saw the diamond shards pierce the eye of the lobby’s guard and splinter across the floor-
She shook her head. This was what happened when she had too much pent-up energy. She had to do something- something reckless and fast and dangerous… now! A bolt of lightning went through her as a familiar wide open space came into her mind… the rooftop of her thirty-five floored building.
The elevator ride up was slow, much too slow for the fast pacing of her heart and she hit the metal doors with wet fists. Tearing out of the doors when it finally jolted to a stop, she climbed up to the top, running up the stairs two steps at a time and caught her breath. It was flooded up to her ankles and violent gusts of wind made her steady herself.
Emily’s Dad often told her stories of when he was child. “The winds in my home during Monsoon season were so strong we could lean into it with our fully body weight and we wouldn’t fall. It was almost as good as flying.”
Her lids squinted shut and the sensitive skin was immediately exposed to the pebbles of the rain and whipping wind; and in almost dream-like state, she leaned into the howling wind.
There was a comically slow fall and her bony knees hit the concrete flooring with a dull thud. She burst into tears of laughter in her own stupidity at thinking the wind could hold up against her gigantic frame and rubbed her ***** knees sorely. Reaching up to wipe her tears with muddy fingers, she laughed to herself again. There was no point in wiping away tears. They were so trivial in comparison to the current weeping of the skies.
Against the thick opaqueness of the wind, she could see how the view towered over a jungle of buildings as far as the eyes could see, with snaking concrete roads and skinny black canals. Slums scattered around nearby swanky hotels of the rich. The buildings faded into small dark shapes in the distance. Bangkok.
No matter how tall and industrial it tried to become, everyone ran for cover under this blinding rain.
Up here, completely a victim to nature’s power, she felt exposed; naked; real. The animalistic instincts inside her swelled up. Humans weren’t meant to wear these annoying pieces of material or shoved inside skinny architectural designs. With aggressive tearing motions, a pile of soggy clothes half lay, half floated on the flooded floor beside her and she stood there bare… and completely naked. Laughter spilled out from the depths of her naked chest with the two tiny hints of possible womanhood; it was louder than thunder. Screaming, laughing and gasping she stumbled around – climbing over objects and feeling the beautiful dizziness: a sweet, sweet dizzy. She stood up on a random block a meter high; spread her arms wide as her wet body shone with raindrops. The rain threatened to push her over, her soaked hair twitching heavily on her neck.
She ****** in her breath, ready to yell so that the heavens could hear but instead, the voice that came out was controlled with a shaky undertone of joy,
“I need to ***.”
And then she did.

                                                *         *            *.

His eyes are brown. Dark chocolate brown – a simple, solid color. Simple and solid like him.
Because he was so simple, people enjoyed his companionship. Though he was simple, he was not boring. Rather he was sharp-mouthed, quick on his feet, witty and observant speaking bald truths about people that either provoked them to scandalized laughter or humiliated fury.
What some people forgot to recognize was that he didn’t really love anyone. Plenty called him a close friend, but so absorbed were they in their own world; they seldom realized the fact that most of his thoughts were concealed. Kept in a little box of surprises in the back of his mind, and hidden so well nobody knew they existed.
He could spend months with a friend traveling in a different country, and return back home with no feelings of attachment. He could care for a friend while they were here and not really miss them while they were gone.
Most of the time his eyes were neutral and observing and they would sparkle amusedly when he had provoked someone with his words. This was how remained to almost everyone; everyone but one person. The one person that could turn his normally calm face even more still, the dark brows would rise slightly and a quick flash of fire would shoot through his eyes- and for a long while, they would burn slowly like two twin coals; the one person who could cloud his eyes dreamily; the one person who could make them glint wetly.  
He reached over and grabbed her hand. Emily turned smiling eyes at him.
A group of teenagers were strolling down the closed roads, armed with water guns, pasted in thick white powder, thoroughly drenched in the hot, dry weather and skipping over puddles (except for Emily who splashed into them).
Songkran in Bangkok: celebrated in the middle of April where temperatures reach forty-degrees Celsius, Thailand’s New Year and a time to pay respect to the elders in the family, but as most traditions, they became really just an excuse to enjoy oneself and in this case, one-year-olds to eighty-year-olds roamed the ***** streets splashing ice-cold water from hoses and water guns and smeared each other with chalk in buckets.
The street they were being shoved along was crowded with slick, drunk bodies. The heat of the afternoon sun shone down on their backs. The sign that introduced excited people in was sprayed by a passing pick-up truck filled with screaming locals. “WELCOME TO SOI COWBOY” printed the red letters.
Red-faced fat foreigners held in each arm a tiny ******* with their bright lace bras showing through the wet see-through shirt and their black eye shadow playing havoc with their cheeks.  Country-side Thai music blared in its jumpy, quirky manner with the over done sound effects. Those nasal voices of dark skinned women with their skins covered with make-up to an ashy white whined out of the stereos. A man with the head of a buffalo mask sauntered past. It was a mark of how wild things got at Songkran that eyes merely flickered over the shirtless buffalo briefly with a quick laugh. Transsexuals clad in diamond-studded flip-flops, wet white tank tops and mini jeans shorts the size of underwear danced to the blasting music from the open pubs down either side of the road. Their surgically-made ******* were all-too visible in the white shirts, their dark ******* poking out as they grabbed the crotches of good-looking men and boys that passed by, squealing and rubbing their bodies against white men especially. Most of these white foreigners had a look of bewildered pleased ness... for only a few realized that underneath that squeaky voice was a very deep rumble, and underneath those lacy thongs lay a very big surprise indeed.
One of the better-looking boys in the group, his green eyes and pointed chin drawing the fancy of many hookers, was pulled off by four pairs of wet skinny arms touching him and yelling in broken English, “Oh so handsome! You so handsome! I love you! What your name! You tell me your name, handsome boy!”
The handsome boy proceeded to manage some sort of scream for help while laughing until his stomach ached. It was Songkran; it was a merry time, and he knew he was good-looking. Kat, who held a secret crush on him laughed amusedly at his yelping.
Emily stumbled after him with Kat and parted through the crowd of ladies in time to see a tiny little ****** trip on her squeaking flip-flops and fall beside a sprawled figure, face down in the ***** road with a massive bag of ice on top of him.
“Hey! Are you alright?” Emily cried, half-amused and half-concerned, lifting the heavy ice bag off his shoulders.
Kat rushed forward, laughing but compromising her concern with furrowed brows and helped him up. “You okay Tom?”
He whimpered in pain and put a hand on his neck, rubbing it sorely. “That ice bag was ******* heavy.” The girls decided to make no note of his skinny arms.
They walked back to their group of friends who turned around and saw a limping green-eyed boy and roared with laughter. The noise caught the attention of predators searching for a good target and they were hosed down with water pipes.
Suddenly Emily felt a huge body lift her up and swing her around while hands plastered her with wet chalk.
“Emily!”
She felt safe hands grab her and looked up into the pair of dark chocolate eyes. They were a little annoyed as they flickered over the fat drunk man who released her heavily but it was Songkran, and he managed to laugh at her bewildered expression.
Just then they passed a horde of prostitutes and she felt him being ripped from her. “I like this one!” screeched a passing market lady who rushed in to jump on him. “I like this one! Let’s keep this one!” They dunk his head in a bucket of white goo.
She screeched with laughter and even at something that silly, felt protective of him. “Brad!”
He was too busy being attacked. “Brad!” she tried to reach in and he opened his mouth to call out to her. That was a big mistake, he realized, as he received a handful of powder in his mouth. Spitting, coughing, and trying to breathe through nostrils blocked with powder he managed to wipe his stinging eyes clean. The prostitutes released him but not before a huge ******* screamed with glee at his straight nose and thin red lips, and reached forward giving his crotch a good grab. He screeched in genuine disgust and fear, had a moments feeling of guilt in case he had offended the ******* which was immediately wept away as he, no she, no it, yelped joyfully and massaged his **** before trotting off to his, no her, no its next victim.
Where was Emily? With his height, he managed to see a brown head that stuck above the other dark-haired and light-haired heads being jostled out of the street by the moving crowd. He ran to catch up and grabbed Emily’s hand as the group of teenagers tripped out of “Soi Cowboy”.  
They stood for a moment catching their breath. Zoey, a tiny little girl with a chest that threatened to put her out of balance, pushed her brown curls out of her face. A red glow was starting to spread over her cheeks.
Kat laughed scornfully, her wide smile spreading generously over her face. “Sunburn?! You white girl!”  
They had all been out around the streets since early morning and it was late in the afternoon now. Rose’s cheeks were flushed and the tip of Kat’s nose was a little pink herself. The rest of them, with their darker skin, had tanned slightly but unnoticeably. They laughed at Zoey for a short while. It was an interesting group of friends: all of them of mixed heritages from around the world with different backgrounds that became common in the world of International schools. It was alright to tease Emily’s honey skin; it was funny to crack jokes about Stefan’s hairiness; it was hilarious when Zoey tried to tan.
Emily shot a picture of everyone laughing: their clothes wet, their faces scrunched up, eyeliner smudged (Kat and Rose had lined their eyes with water proof kohl that of course wasn’t really waterproof), their cheeks and chin caked a crumbly white.
Kat and Zoey clambered over her shoulders, peering at the little digital screen of the water proof camera. “Ew! Gross!” yelled Kat who was only used to pictures of her lips rosy from lipstick, camera at a flattering angle with a bright flash from her professional equipment that made her black-lined green eyes sparkle like emeralds.
“Delete! I look sick!”
Even Zoey, who admired Kat’s photogenic ness to a great extent, could find no words of solace except to say, “Me too! I look gross! Delete! Now!”
Emily just laughed and said, “No you don’t.” Of course it wasn’t a type of picture they’d profile on Facebook, but all the same it was beautiful with their wild-looking and uninhibited faces and un-posing body shapes, curled up in laughter.
Zoey snatched the camera from her and they fiddled with the buttons till the picture was deleted. It was regretful, annoying, but not unexpected.
Emily rubbed her sore knees and noticed how Tom was still rubbing his neck sorrowfully with Stefan laughing at him, shaking his head wearily. Brad was holding onto her arm a little tiredly, Kat and Zoey had their arms wrapped around each other’s shoulder for leaning support and Rose and Emily’s younger brother, Jason, were standing together, staring absen
Le poète

Le mal dont j'ai souffert s'est enfui comme un rêve.
Je n'en puis comparer le lointain souvenir
Qu'à ces brouillards légers que l'aurore soulève,
Et qu'avec la rosée on voit s'évanouir.

La muse

Qu'aviez-vous donc, ô mon poète !
Et quelle est la peine secrète
Qui de moi vous a séparé ?
Hélas ! je m'en ressens encore.
Quel est donc ce mal que j'ignore
Et dont j'ai si longtemps pleuré ?

Le poète

C'était un mal vulgaire et bien connu des hommes ;
Mais, lorsque nous avons quelque ennui dans le coeur,
Nous nous imaginons, pauvres fous que nous sommes,
Que personne avant nous n'a senti la douleur.

La muse

Il n'est de vulgaire chagrin
Que celui d'une âme vulgaire.
Ami, que ce triste mystère
S'échappe aujourd'hui de ton sein.
Crois-moi, parle avec confiance ;
Le sévère dieu du silence
Est un des frères de la Mort ;
En se plaignant on se console,
Et quelquefois une parole
Nous a délivrés d'un remord.

Le poète

S'il fallait maintenant parler de ma souffrance,
Je ne sais trop quel nom elle devrait porter,
Si c'est amour, folie, orgueil, expérience,
Ni si personne au monde en pourrait profiter.
Je veux bien toutefois t'en raconter l'histoire,
Puisque nous voilà seuls, assis près du foyer.
Prends cette lyre, approche, et laisse ma mémoire
Au son de tes accords doucement s'éveiller.

La muse

Avant de me dire ta peine,
Ô poète ! en es-tu guéri ?
Songe qu'il t'en faut aujourd'hui
Parler sans amour et sans haine.
S'il te souvient que j'ai reçu
Le doux nom de consolatrice,
Ne fais pas de moi la complice
Des passions qui t'ont perdu,

Le poète

Je suis si bien guéri de cette maladie,
Que j'en doute parfois lorsque j'y veux songer ;
Et quand je pense aux lieux où j'ai risqué ma vie,
J'y crois voir à ma place un visage étranger.
Muse, sois donc sans crainte ; au souffle qui t'inspire
Nous pouvons sans péril tous deux nous confier.
Il est doux de pleurer, il est doux de sourire
Au souvenir des maux qu'on pourrait oublier.

La muse

Comme une mère vigilante
Au berceau d'un fils bien-aimé,
Ainsi je me penche tremblante
Sur ce coeur qui m'était fermé.
Parle, ami, - ma lyre attentive
D'une note faible et plaintive
Suit déjà l'accent de ta voix,
Et dans un rayon de lumière,
Comme une vision légère,
Passent les ombres d'autrefois.

Le poète

Jours de travail ! seuls jours où j'ai vécu !
Ô trois fois chère solitude !
Dieu soit loué, j'y suis donc revenu,
À ce vieux cabinet d'étude !
Pauvre réduit, murs tant de fois déserts,
Fauteuils poudreux, lampe fidèle,
Ô mon palais, mon petit univers,
Et toi, Muse, ô jeune immortelle,
Dieu soit loué, nous allons donc chanter !
Oui, je veux vous ouvrir mon âme,
Vous saurez tout, et je vais vous conter
Le mal que peut faire une femme ;
Car c'en est une, ô mes pauvres amis
(Hélas ! vous le saviez peut-être),
C'est une femme à qui je fus soumis,
Comme le serf l'est à son maître.
Joug détesté ! c'est par là que mon coeur
Perdit sa force et sa jeunesse ;
Et cependant, auprès de ma maîtresse,
J'avais entrevu le bonheur.
Près du ruisseau, quand nous marchions ensemble,
Le soir, sur le sable argentin,
Quand devant nous le blanc spectre du tremble
De **** nous montrait le chemin ;
Je vois encore, aux rayons de la lune,
Ce beau corps plier dans mes bras...
N'en parlons plus... - je ne prévoyais pas
Où me conduirait la Fortune.
Sans doute alors la colère des dieux
Avait besoin d'une victime ;
Car elle m'a puni comme d'un crime
D'avoir essayé d'être heureux.

La muse

L'image d'un doux souvenir
Vient de s'offrir à ta pensée.
Sur la trace qu'il a laissée
Pourquoi crains-tu de revenir ?
Est-ce faire un récit fidèle
Que de renier ses beaux jours ?
Si ta fortune fut cruelle,
Jeune homme, fais du moins comme elle,
Souris à tes premiers amours.

Le poète

Non, - c'est à mes malheurs que je prétends sourire.  
Muse, je te l'ai dit : je veux, sans passion,
Te conter mes ennuis, mes rêves, mon délire,
Et t'en dire le temps, l'heure et l'occasion.
C'était, il m'en souvient, par une nuit d'automne,
Triste et froide, à peu près semblable à celle-ci ;
Le murmure du vent, de son bruit monotone,
Dans mon cerveau lassé berçait mon noir souci.
J'étais à la fenêtre, attendant ma maîtresse ;
Et, tout en écoutant dans cette obscurité,
Je me sentais dans l'âme une telle détresse
Qu'il me vint le soupçon d'une infidélité.
La rue où je logeais était sombre et déserte ;
Quelques ombres passaient, un falot à la main ;
Quand la bise sifflait dans la porte entr'ouverte,
On entendait de **** comme un soupir humain.
Je ne sais, à vrai dire, à quel fâcheux présage
Mon esprit inquiet alors s'abandonna.
Je rappelais en vain un reste de courage,
Et me sentis frémir lorsque l'heure sonna.
Elle ne venait pas. Seul, la tête baissée,
Je regardai longtemps les murs et le chemin,
Et je ne t'ai pas dit quelle ardeur insensée
Cette inconstante femme allumait en mon sein ;
Je n'aimais qu'elle au monde, et vivre un jour sans elle
Me semblait un destin plus affreux que la mort.
Je me souviens pourtant qu'en cette nuit cruelle
Pour briser mon lien je fis un long effort.
Je la nommai cent fois perfide et déloyale,
Je comptai tous les maux qu'elle m'avait causés.
Hélas ! au souvenir de sa beauté fatale,
Quels maux et quels chagrins n'étaient pas apaisés !
Le jour parut enfin. - Las d'une vaine attente,
Sur le bord du balcon je m'étais assoupi ;
Je rouvris la paupière à l'aurore naissante,
Et je laissai flotter mon regard ébloui.
Tout à coup, au détour de l'étroite ruelle,
J'entends sur le gravier marcher à petit bruit...
Grand Dieu ! préservez-moi ! je l'aperçois, c'est elle ;
Elle entre. - D'où viens-tu ? Qu'as-tu fait cette nuit ?
Réponds, que me veux-tu ? qui t'amène à cette heure ?
Ce beau corps, jusqu'au jour, où s'est-il étendu ?
Tandis qu'à ce balcon, seul, je veille et je pleure,
En quel lieu, dans quel lit, à qui souriais-tu ?
Perfide ! audacieuse ! est-il encor possible
Que tu viennes offrir ta bouche à mes baisers ?
Que demandes-tu donc ? par quelle soif horrible
Oses-tu m'attirer dans tes bras épuisés ?
Va-t'en, retire-toi, spectre de ma maîtresse !
Rentre dans ton tombeau, si tu t'en es levé ;
Laisse-moi pour toujours oublier ma jeunesse,
Et, quand je pense à toi, croire que j'ai rêvé !

La muse

Apaise-toi, je t'en conjure ;
Tes paroles m'ont fait frémir.
Ô mon bien-aimé ! ta blessure
Est encor prête à se rouvrir.
Hélas ! elle est donc bien profonde ?
Et les misères de ce monde
Sont si lentes à s'effacer !
Oublie, enfant, et de ton âme
Chasse le nom de cette femme,
Que je ne veux pas prononcer.

Le poète

Honte à toi qui la première
M'as appris la trahison,
Et d'horreur et de colère
M'as fait perdre la raison !
Honte à toi, femme à l'oeil sombre,
Dont les funestes amours
Ont enseveli dans l'ombre
Mon printemps et mes beaux jours !
C'est ta voix, c'est ton sourire,
C'est ton regard corrupteur,
Qui m'ont appris à maudire
Jusqu'au semblant du bonheur ;
C'est ta jeunesse et tes charmes
Qui m'ont fait désespérer,
Et si je doute des larmes,
C'est que je t'ai vu pleurer.
Honte à toi, j'étais encore
Aussi simple qu'un enfant ;
Comme une fleur à l'aurore,
Mon coeur s'ouvrait en t'aimant.
Certes, ce coeur sans défense
Put sans peine être abusé ;
Mais lui laisser l'innocence
Était encor plus aisé.
Honte à toi ! tu fus la mère
De mes premières douleurs,
Et tu fis de ma paupière
Jaillir la source des pleurs !
Elle coule, sois-en sûre,
Et rien ne la tarira ;
Elle sort d'une blessure
Qui jamais ne guérira ;
Mais dans cette source amère
Du moins je me laverai,
Et j'y laisserai, j'espère,
Ton souvenir abhorré !

La muse

Poète, c'est assez. Auprès d'une infidèle,
Quand ton illusion n'aurait duré qu'un jour,
N'outrage pas ce jour lorsque tu parles d'elle ;
Si tu veux être aimé, respecte ton amour.
Si l'effort est trop grand pour la faiblesse humaine
De pardonner les maux qui nous viennent d'autrui,
Épargne-toi du moins le tourment de la haine ;
À défaut du pardon, laisse venir l'oubli.
Les morts dorment en paix dans le sein de la terre :
Ainsi doivent dormir nos sentiments éteints.
Ces reliques du coeur ont aussi leur poussière ;
Sur leurs restes sacrés ne portons pas les mains.
Pourquoi, dans ce récit d'une vive souffrance,
Ne veux-tu voir qu'un rêve et qu'un amour trompé ?
Est-ce donc sans motif qu'agit la Providence
Et crois-tu donc distrait le Dieu qui t'a frappé ?
Le coup dont tu te plains t'a préservé peut-être,
Enfant ; car c'est par là que ton coeur s'est ouvert.
L'homme est un apprenti, la douleur est son maître,
Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert.
C'est une dure loi, mais une loi suprême,
Vieille comme le monde et la fatalité,
Qu'il nous faut du malheur recevoir le baptême,
Et qu'à ce triste prix tout doit être acheté.
Les moissons pour mûrir ont besoin de rosée ;
Pour vivre et pour sentir l'homme a besoin des pleurs ;
La joie a pour symbole une plante brisée,
Humide encor de pluie et couverte de fleurs.
Ne te disais-tu pas guéri de ta folie ?
N'es-tu pas jeune, heureux, partout le bienvenu ?
Et ces plaisirs légers qui font aimer la vie,
Si tu n'avais pleuré, quel cas en ferais-tu ?
Lorsqu'au déclin du jour, assis sur la bruyère,
Avec un vieil ami tu bois en liberté,
Dis-moi, d'aussi bon coeur lèverais-tu ton verre,
Si tu n'avais senti le prix de la gaîté ?
Aimerais-tu les fleurs, les prés et la verdure,
Les sonnets de Pétrarque et le chant des oiseaux,
Michel-Ange et les arts, Shakspeare et la nature,
Si tu n'y retrouvais quelques anciens sanglots ?
Comprendrais-tu des cieux l'ineffable harmonie,
Le silence des nuits, le murmure des flots,
Si quelque part là-bas la fièvre et l'insomnie
Ne t'avaient fait songer à l'éternel repos ?
N'as-tu pas maintenant une belle maîtresse ?
Et, lorsqu'en t'endormant tu lui serres la main,
Le lointain souvenir des maux de ta jeunesse
Ne rend-il pas plus doux son sourire divin ?
N'allez-vous pas aussi vous promener ensemble
Au fond des bois fleuris, sur le sable argentin ?
Et, dans ce vert palais, le blanc spectre du tremble
Ne sait-il plus, le soir, vous montrer le chemin ?
Ne vois-tu pas alors, aux rayons de la lune,
Plier comme autrefois un beau corps dans tes bras,
Et si dans le sentier tu trouvais la Fortune,
Derrière elle, en chantant, ne marcherais-tu pas ?
De quoi te plains-tu donc ? L'immortelle espérance
S'est retrempée en toi sous la main du malheur.
Pourquoi veux-tu haïr ta jeune expérience,
Et détester un mal qui t'a rendu meilleur ?
Ô mon enfant ! plains-la, cette belle infidèle,
Qui fit couler jadis les larmes de tes yeux ;
Plains-la ! c'est une femme, et Dieu t'a fait, près d'elle,
Deviner, en souffrant, le secret des heureux.
Sa tâche fut pénible ; elle t'aimait peut-être ;
Mais le destin voulait qu'elle brisât ton coeur.
Elle savait la vie, et te l'a fait connaître ;
Une autre a recueilli le fruit de ta douleur.
Plains-la ! son triste amour a passé comme un songe ;
Elle a vu ta blessure et n'a pu la fermer.
Dans ses larmes, crois-moi, tout n'était pas mensonge.
Quand tout l'aurait été, plains-la ! tu sais aimer.

Le poète

Tu dis vrai : la haine est impie,
Et c'est un frisson plein d'horreur
Quand cette vipère assoupie
Se déroule dans notre coeur.
Écoute-moi donc, ô déesse !
Et sois témoin de mon serment :
Par les yeux bleus de ma maîtresse,
Et par l'azur du firmament ;
Par cette étincelle brillante
Qui de Vénus porte le nom,
Et, comme une perle tremblante,
Scintille au **** sur l'horizon ;
Par la grandeur de la nature,
Par la bonté du Créateur,
Par la clarté tranquille et pure
De l'astre cher au voyageur.
Par les herbes de la prairie,
Par les forêts, par les prés verts,
Par la puissance de la vie,
Par la sève de l'univers,
Je te bannis de ma mémoire,
Reste d'un amour insensé,
Mystérieuse et sombre histoire
Qui dormiras dans le passé !
Et toi qui, jadis, d'une amie
Portas la forme et le doux nom,
L'instant suprême où je t'oublie
Doit être celui du pardon.
Pardonnons-nous ; - je romps le charme
Qui nous unissait devant Dieu.
Avec une dernière larme
Reçois un éternel adieu.
- Et maintenant, blonde rêveuse,
Maintenant, Muse, à nos amours !
Dis-moi quelque chanson joyeuse,
Comme au premier temps des beaux jours.
Déjà la pelouse embaumée
Sent les approches du matin ;
Viens éveiller ma bien-aimée,
Et cueillir les fleurs du jardin.
Viens voir la nature immortelle
Sortir des voiles du sommeil ;
Nous allons renaître avec elle
Au premier rayon du soleil !
Inútiles palabras para la rima. Nunca
De contacto supisteis para dar armonía.
Cual vírgenes en duelo, vuestra belleza trunca
Va triste y solitaria, sin el fulgor del día.

Alma tenéis, mas siempre sois como inútil lazo,
Ritmos que no se acuerdan con otros, y por eso
No habéis sabido nunca lo que es calor de abrazo,
Ni habéis sentido espasmos con la fruición del beso.

Inútiles palabras para rimar. De oro
Podréis ser, mas las otras de alianza son emblema;
Y cantáis, pero siempre seréis voz en un coro;
Y podréis ser engaste, pero jamás diadema.

Y os veo con tristeza cuando avanza el galope
Del lírico desfile por el radiante estadio.
Sois asta de la lanza, no de la lanza el tope,
Y sois empuñadura, pero jamás el gladio.

Las otras son las gemas donde la luz tremola
Y armonizan cuadrigas o multiformes galas.
Vosotras vibráis siempre, mas sois una ala sola,
Y el poeta requiere para volar dos alas.
No tengo miedo nombraros
ya con vuestros nombres,
cosas vivas, transitorias.
(Unidas sois un acorde
de la eternidad; dispersas
-nota a nota, nombre a nombre,
fecha a fecha-, vais muriendo
al son del tiempo que corre).

No tengo miedo nombraros.
Qué importa que no le importen
al que viva, cuando yo
haya muerto, vuestros nombres.
Qué importa que rían cuando
escuchen mis sinrazones.

Vosotras sois lo que sois
para mí: mágico bosque
perecedero, campanas
que regaláis vuestros sones
sólo al que os golpea. Cómo
darlos al que no os oye,
fundir para sus oídos
metal que el instante rompe,
metal que funde el instante
para un instante del hombre.

No tengo miedo nombraros
ya con vuestros nombres.
Sé que podría fingiros
eternidad. Vero adonde
elevaros, arrojaros,
hundiros en qué horizonte.
Por qué arrancaros los pétalos
que la lluvia descompone.

Mías sois, cosas fugaces,
bajo marchitables nombres
Actos, instantes que el viento
curva, azota, araña, rompe;
suma ardiente de relámpagos,
rueda de locos colores.
Otoños de pensamientos
sucesivos, liman, roen
vuestra realidad, la esfuman
como el sueño en el insomne.

Pero sois yo, soy vosotras,
astro viejo en vuestro orbe
perecedero, almas, alma.
Orquesta de ruiseñores,
soñáis al alba el recuerdo
de vuestro canto de anoche.

Nombraros ¿no es poseeros
para siempre, cosas, nombres?
Nacen puestos de gafas, y una piel de levita,
y una perilla obscena de culo de bellota,
y calvos, y caducos. Y nunca se les quita
la joroba que dentro del alma les explota.

Pedos con barbacana, ceremoniosos pedos,
de su senil niñez de polvo enlevitado,
pasan a la edad plena con polvo entre los dedos,
sonando a sepultura y oliendo a antepasado.

Parecen candeleros infelices, escobas
desplumadas, retiesas, con toga, con bonete:
una congregación de gallardas jorobas
con callos y verrugas al borde del retrete.

Con callos y verrugas, y coles y misales,
la dignidad del asno se rebela en la enjalma,
mirando estos cochinos tan espirituales
con callos y verrugas en la extension del alma.

Alma verruguicida, callicida la vuestra.
Habéis nacido tiesos como los monigotes,
y vivís de puntillas, levantando la diestra
para cornamentar la voz y los bigotes.

Saludáis con el ano, no arrugáis nunca el traje,
disimuláis los cuernos con laureles de lata.
No paráis en la tierra, siempre vais de viaje
por un pais de luna maquinal, mentecata.

Nacéis inventariados, morís previa promesa
de que seréis cubiertos de estatuas y coronas.
Vais como procesados por el sol, que procesa
aquello que señala delito en las personas.

Os alimenta el aire sangriento de un juzgado,
de un presidio siniestro de abogados y jueces.
Y concedéis los pedos por audiencia de un lado,
mientras del otro lado jodéis, meáis a veces.


Herís, crucificáis con ojos compasivos,
cadáveres de todas la horas y los días:
autos de poca fe, pastos de los archivos,
habláis desde los púlpitos de muchas tonterías.

Nunca tenga que ver yo con estos doctores,
estas enciclopedias ahumanas, aplastantes.
Nunca de estos filósofos me ataquen los humores,
porque sus agudezas me resultan laxantes.

Porque se ponen huecos igual que las gallinas
para eructar sandeces creyéndose profundos:
porque para pensar entran en las letrinas,
en abismos rellenos de folios moribundos.

Sentenciosas tinajas vacías, pero hinchadas,
se repliegan sus frentes igual que acordeones,
y ascienden y descienden, tortugas preocupadas,
y el corazón les late por no sé qué rincones.

No se han hecho para estos boñigos los barbechos,
no se han hecho para estos gusanos las manzanas.
Sólo hay chocolateras y sillones deshechos
para estas incoherencias reumáticas y canas.

Retretes de elegancia, cagan correctamente:
hijos de puta ansiosos de politiquerías,
publicidad y bombo, se corrigen la frente
y preparan el gesto de las fotografías.

Temblad, hijos de puta, por vuestra puta suerte,
que unos soldados de alma patética deciden:
ellos son los que tratan la verdadera muerte,
ellos la verdadera, la ruda vida piden.

La vida es otra cosa, sucios señores míos,
más clara, menos turbia de folios, de oficinas.
Nadan radiantemente sus cuerpos en los ríos
y no usan esa cara de múltiples esquinas.

Nunca fuisteis muchachos, y queréis que persista
un mundo aparatoso de cartón estirado,
por donde el cartón vaya paticojo y turista,
rey entre maniquíes de pulso congelado.

Venís de la Edad Media donde no habéis nacido,
porque no sois del tiempo presente ni del ausente.
Os mata una verdad en el caduco nido:
la que impone la vida del siempre adolescente.

Yo soy viejo: tan viejo, que el primer hombre late
dentro de mis vividos y veintisiete años,
porque combato al tiempo y el tiempo me combate.
A vosotros, vencidos, os trata como a extraños.
Trapos, calcomanías, defunciones, objetos,
muladares de todo, tinajas, oquedades,
lápidas, catafalcos, legajos, mamotretos,
inscripciones, sudarios, menudencias, ruindades.

Polvos, palabrería, carcoma y escritura,
cornisas; orinales que quieren ser severos,
y se llevan la barba de goma a la cintura,
y duermen rodeados de siglos y sombreros.

Vilmente descosidos, pálidos de avaricia,
lo que más les preocupa de todo es el bolsillo.
Gotosos, desastrosos, malvados, la injusticia
se viste de acta en ellos con papel amarillo.

Los veréis adheridos a varios ministerios,
a varias oficinas por el ocio amuebladas.
Con el **** en la boca canosa, van muy serios,
trucosos, maniobreros, persiguiendo embajadas.

Los veréis sumergidos entre trastos y coños
internacionalmente pagados, conocidos:
pasear por Ginebra los cojones bisoños
con cara de inventores mortalmente aburridos.

Son los que recomiendan y los recomendados.
La recomendación es su procedimiento.
Por recomendación agonizan sentados
donde la muerte cómoda pone su ayuntamiento.

Cuando van a acostarse, se quitan la careta,
el disfraz cotidiano, la diaria postura.
Ante su sordidez se nubla la peseta,
se agota en su paciencia la estatua más segura.

A veces de la mala digestión de estos cuervos
que quieren imponernos su vejez, su idioma,
que quieren que seamos lenguas esclavas, siervos,
dependen muchas vidas con signo de paloma.

A veces son marquesas íntimas de ambiciones,
insaciables de joyas, relumbronas de trato:
fracasadas de título, caballares de acciones,
dispuestas a llevar el mundo en el zapato.

Putonas de importancia, miden bien la sonrisa
con la categoría que quien las trata encierra:
políticas jetudas, desgastan la camisa
jodiendo mientras hablan del drama de la guerra.

Se cae de viejo el mundo con tanto malotaje.
Hijos de la rutina bisoja y contrahecha,
valoran a los hombres por el precio del traje,
cagan, y donde cagan colocan una fecha.

Van del hotel al banco, del hotel al paseo
con una cornamenta notable de aire insulso.
Es humillar al prójimo su más noble deseo,
y el esfuerzo mayor le hacen meando a pulso.

Hemos de destrozaros en vuestras legaciones,
en vuestros escenarios, en vuestras diplomacias.
Con ametralladoras cálidas y canciones
os ametralllaremos, prehistóricas desgracias.

Porque, sabed: llevamos mucha verdad metida
dentro del corazón, sangrando por la boca:
y os vencerá la ferrea juventud de la vida,
pues para tanta fuerza tanta maldad es poca.

La juventud, motores, ímpetus a raudales,
contra vosotros, viejos exhombres, plena llueve:
mueve unánimemente sus músculos frutales,
sus máquinas de abril contra vosotros mueve.

Viejos exhombres viejos: ni viejos tan siquiera.
La vejez es un don que cederá mi frente,
y a vuestro lado es joven como la primavera.
Sois la decrepitud andante y maloliente.

Sois mis enemiguitos: los del mundo que siento
rodar sobre mi pecho más claro cada día.
Y con un soplo sólo de mi caliente aliento,
con este soplo dicté vuestra agonía.
A la luz de la tarde moribunda
Recorro el olvidado cementerio,
Y una dulce piedad mi pecho inunda
Al pensar de la muerte en el misterio.

Del occidente a las postreras luces
Mi errabunda mirada sólo advierte
Los toscos leños de torcidas cruces,
Despojos en la playa de la Muerte.

De madreselvas que el Abril enflora,
Cercado humilde en torno se levanta,
Donde vierte sus lágrimas la aurora,
Y donde el ave, por las tardes, canta.

Corre cerca un arroyo en hondo cauce
Que a trechos lama verdinegra viste,
Y de la orilla se levanta un sauce,
Cual de la Muerte centinela triste.

Y al oír el rumor en la maleza,
Mi mente inquiere, de la sombra esclava,
Si es rumor de la vida que ya empieza,
O rumor de la vida que se acaba.

«¿Muere todo?» me digo. En el instante
Alzarse veo de las verdes lomas,
Para perderse en el azul radiante,
Una blanca bandada de palomas.

Y del bardo sajón el hondo verso,
Verso consolador, mi oído hiere:
No hay muerte porque es vida el universo;
Los muertos no están muertos...  ¡Nada muere!
¡No hay muerte! ¡todo es vida!...
                                                     
El sol que ahora,
Por entre nubes de encendida grana
Va llegando al ocaso, ya es aurora
Para otros mundos, en región lejana.

Peregrina en la sombra, el alma yerra
Cuando un perdido bien llora en su duelo.
Los dones de los cielos a la tierra
No mueren... ¡Tornan de la tierra al cielo!
Si ya llegaron a la eterna vida
Los que a la sima del sepulcro ruedan,
Con júbilo cantemos su partida,
¡Y lloremos más bien por los que quedan!

Sus ojos vieron, en la tierra, cardos,
Y sangraron sus pies en los abrojos...
¡Ya los abrojos son fragantes nardos,
Y todo es fiesta y luz para sus ojos!

Su pan fue duro, y largo su camino,
Su dicha terrenal fue transitoria...
Si ya la muerte a libertarlos vino,
¿Porqué no alzarnos himnos de victoria?
La dulce faz en el hogar querida,
Que fue en las sombras cual polar estrella:
La dulce faz, ausente de la vida,
¡Ya sonríe más fúlgida y más bella!

La mano que posada en nuestra frente,
En horas de dolor fue blanda pluma,
Transfigurada, diáfana, fulgente,
Ya como rosa de Sarón perfuma.

Y los ojos queridos, siempre amados,
Que alegraron los páramos desiertos,
Aunque entre sombras los miréis cerrados,
¡Sabed que están para la luz abiertos!

Y el corazón que nos amó, santuario
De todos nuestros sueños terrenales,
Al surgir de la noche del osario,
Es ya vaso de aromas edenales.

Para la nave errante ya hay remanso;
Para la mente humana, un mundo abierto;
Para los pies heridos... ya hay descanso,
Y para el pobre náufrago... ya hay puerto.
No hay muerte, aunque se apague a nuestros ojos
Lo que dio a nuestra vida luz y encanto;
¡Todo es vida, aunque en míseros despojos
Caiga en raudal copioso nuestro llanto!

No hay muerte, aunque a la tumba a los que amamos
(La frente baja y de dolor cubiertos),
Llevemos a dormir... y aunque creamos
Que los muertos queridos están muertos.

Ni fue su adiós eterna despedida...
Como buscando un sol de primavera
Dejaron las tinieblas de la vida
Por nueva vida, en luminosa esfera.

Padre, madre y hermanos, de fatigas
En el mundo sufridos compañeros,
Grermen fuisteis ayer... ¡hoy sois espigas,
Espigas del Señor en los graneros!

Dejaron su terrena vestidura
Y ya lauro inmortal radia en sus frentes;
Y aunque partieron para excelsa altura,
Con nosotros están... no están ausentes!
Son luz para el humano pensamiento,
Rayo en la estrella y música en la brisa.
¿Canta el aura en las frondas?...  ¡Es su acento!
¿Una estrella miráis?...  ¡Es su sonrisa!

Por eso cuando en horas de amargura
El horizonte ennegrecido vemos,
Oímos como voces de dulzura
Pero de dónde vienen... ¡no sabemos!

¡Son ellos... cerca están!  Y aunque circuya
Luz eterna a sus almas donde moran
En el placer nuestra alegría es suya,
Y en el dolor, con nuestro llanto lloran.

A nuestro lado van.  Son luz y egida
De nuestros pasos débiles e inciertos
No hay muerte...  ¡Todo alienta, todo es vida!
¡Y los muertos queridos no están muertos!

Porque al caer el corazón inerte
Un mundo se abre de infinitas galas,
¡Y como eterno galardón, la Muerte
Cambia el sudario del sepulcro, en alas!
Señor, deja que diga la gloria de tu raza,
la gloria de los hombres de bronce, cuya maza
melló de tantos yelmos y escudos la osadía:
!oh caballeros tigres!, oh caballeros leones!,
!oh! caballeros águilas!, os traigo mis canciones;
!oh enorme raza muerta!, te traigo mi elegía.Aquella tarde, en el Poniente augusto,
el crepúsculo audaz era en una pira
como de algún atrida o de algún justo;
llamarada de luz o de mentira
que incendiaba el espacio, y parecía
que el sol al estrellar sobre la cumbre
su mole vibradora de centellas,
se trocaba en mil átomos de lumbre,
y esos átomos eran las estrellas.Yo estaba solo en la quietud divina
del Valle. ¿Solo? ¡No! La estatua fiera
del héroe Cuauhtémoc, la que culmina
disparando su dardo a la pradera,
bajo del palio de pompa vespertina
era mi hermana y mi custodio era.Cuando vino la noche misteriosa
-jardín azul de margaritas de oro-
y calló todo ser y toda cosa,
cuatro sombras llegaron a mí en coro;
cuando vino la noche misteriosa
-jardín azul de margaritas de oro-.Llevaban una túnica espledente,
y eran tan luminosamente bellas
sus carnes, y tan fúlgida su frente,
que prolongaban para mí el Poniente
y eclipsaban la luz de las estrellas.Eran cuatro fantasmas, todos hechos
de firmeza, y los cuatro eran colosos
y fingían estatuas, y sus pechos
radiaban como bronces luminosos.Y los cuatro entonaron almo coro...
Callaba todo ser y toda cosa;
y arriba era la noche misteriosa
jardín azul de margaritas de oro.Ante aquella visión que asusta y pasma,
yo, como Hamlet, mi doliente hermano,
tuve valor e interrogué al fantasma;
mas mi espada temblaba entre mi mano.-¿Quién sois vosotros, exclamé, que en presto
giro bajáis al Valle mexicano?
Tuve valor para decirles esto;
mas mi espada temblaba entre mi mano.-¿Qué abismo os engendró? ¿De qué funesto
limbo surgís? ¿Sois seres, humo vano?
Tuve valor para decirles esto;
mas mi espada temblaba entre mi mano.-Responded, continué. Miradme enhiesto
y altivo y burlador ante el arcano.
Tuve valor para decirles esto;
¡mas mi espada temblaba entre mi mano...!Y un espectro de aquéllos, con asombros
vi que vino hacia mí, lento y sin ira,
y llevaba una piel sobre los hombros
y en las pálidas manos una lira;
y me dijo con voces resonantes
y en una lengua rítmica que entonces
comprendí: -«¿Que quiénes somos? Los gigantes
de una raza magnífica de bronces.»Yo me llamé Netzahualcóyotl y era
rey de Texcoco; tras de lid artera,
fui despojado de mi reino un día,
y en las selvas erré como alimaña,
y el barranco y la cueva y la montaña
me enseñaron su augusta poesía.»Torné después a mi sitial de plumas,
y fui sabio y fui bueno; entre las brumas
del paganismo adiviné al Dios Santo;
le erigí una pirámide, y en ella,
siempre al fulgor de la primera estrella
y al son del huéhuetl, le elevé mi canto.»Y otro espectro acercóse; en su derecha
levaba una macana, y una fina
saeta en su carcaje, de ónix hecha;
coronaban su testa plumas bellas,
y me dijo: -«Yo soy Ilhuicamina,
sagitario del éter, y mi flecha
traspasa el corazón de las estrellas.»Yo hice grande la raza de los lagos,
yo llevé la conquista y los estragos
a vastas tierras de la patria andina,
y al tornar de mis bélicas porfías
traje pieles de tigre, pedrerías
y oro en polvo... ¡Yo soy Ilhuicamina!»Y otro espectro me dijo: -«En nuestros cielos
las águilas y yo fuimos gemelos:
¡Soy Cuauhtémoc!  Luchando sin desmayo
caí... ¡porque Dios quiso que cayera!
Mas caí como águila altanera:
viendo al sol, y apedreada por el rayo.»El español martirizó mi planta
sin lograr arrancar de mi garganta
ni un grito, y cuando el rey mi compañero
temblaba entre las llamas del brasero:
-¿Estoy yo, por ventura, en un deleite?,
le dije, y continué, sañudo y fiero,
mirando hervir mis pies en el aceite...»Y el fantasma postrer llegó a mi lado:
no venía del fondo del pasado
como los otros; mas del bronce mismo
era su pecho, y en sus negros ojos
fulguraba, en vez de ímpetus y arrojos,
la tranquila frialdad del heroísmo.Y parecióme que aquel hombre era
sereno como el cielo en primavera
y glacial como cima que acoraza
la nieve, y que su sino fue, en la Historia,
tender puentes de bronce entre la gloria
de la raza de ayer y nuestra raza.Miróme con su límpida mirada,
y yo le vi sin preguntarle nada.
Todo estaba en su enorme frente escrito:
la hermosa obstinación de los castores,
la paciencia divina de las flores
y la heroica dureza del granito...¡Eras tú, mi Señor; tú que soñando
estás en el panteón de San Fernando
bajo el dórico abrigo en que reposas;
eras tú, que en tu sueño peregrino,
ves marchar a la Patria en su camino
rimando risas y regando rosas!Eras tú, y a tus pies cayendo al verte:
-Padre, te murmuré, quiero ser fuerte:
dame tu fe, tu obstinación extraña;
quiero ser como tú, firme y sereno;
quiero ser como tú, paciente y bueno;
quiero ser como tú, nieve y montaña.
Soy una chispa; ¡enséñame a ser lumbre!
Soy un gujarro; ¡enséñame a ser cumbre!
Soy una linfa: ¡enséñame a ser río!
Soy un harapo: ¡enséñame a ser gala!
Soy una pluma: ¡enséñame a ser ala,
y que Dios te bendiga, padre mío!.Y hablaron tus labios, tus labios benditos,
y así respondieron a todos mis gritos,
a todas mis ansias: -«No hay nada pequeño,
ni el mar ni el guijarro, ni el sol ni la rosa,
con tal de que el sueño, visión misteriosa,
le preste sus nimbos, ¡y tu eres el sueño!»Amar, ¡eso es todo!; querer, ¡todo es eso!
Los mundos brotaron el eco de un beso,
y un beso es el astro, y un beso es el rayo,
y un beso la tarde, y un beso la aurora,
y un beso los trinos del ave canora
que glosa las fiestas divinas de Mayo.»Yo quise a la Patria por débil y mustia,
la Patria me quiso con toda su angustia,
y entonces nos dimos los dos un gran beso;
los besos de amores son siempre fecundos;
un beso de amores ha creado los mundos;
amar... ¡eso es todo!; querer... ¡todo es eso!»Así me dijeron tus labios benditos,
así respondieron a todos mis gritos,
a todas mis ansias y eternos anhelos.
Después, los fantasmas volaron en coro,
y arriba los astros -poetas de oro-
pulsaban la lira de azur de los cielos.Mas al irte, Señor, hacia el ribazo
donde moran las sombras, un gran lazo
dejabas, que te unía con los tuyos,
un lazo entre la tierra y el arcano,
y ese lazo era otro indio: Altamirano;
bronce también, mas bronce con arrullos.Nos le diste en herencia, y luego, Juárez,
te arropaste en las noches tutelares
con tus amigos pálidos; entonces,
comprendiendo lo eterno de tu ausencia,
repitieron mi labio y mi conciencia:
-Señor, alma de luz, cuerpo de bronce.
Soy una chispa; ¡enséñame a ser lumbre!
Soy un gujarro; ¡enséñame a ser cumbre!
Soy una linfa: ¡enséñame a ser río!
Soy un harapo: ¡enséñame a ser gala!
Soy una pluma: ¡enséñame a ser ala,
y que Dios te bendiga, padre mío!.Tú escuchaste mi grito, sonreíste
y en la sombra infinita te perdiste
cantando con los otros almo coro.
Callaba todo ser y toda cosa;
y arriba era la noche misteriosa
jardín azul de margaritas de oro...
Que ce rameau béni protège ta demeure !

L'ange du souvenir me l'a donné pour toi :

Toi qui n'aimes pas que l'on pleure,

Sois heureux, plus heureux que moi !


Écoute : À ce rameau j'attache une espérance :

L'ange qui me conduit sait mon cœur comme toi ;

S'il a bien compris ma souffrance,

Sois heureux, plus heureux que moi !


J'ai respiré l'encens de ce vieux sanctuaire,

Et je m'y suis assise, et j'ai prié pour toi ;

Je n'ai dit que cette prière :

Sois heureux, plus heureux que moi !


Pour passer près de toi j'ai fait un long voyage ;

Mais l'ange me rappelle et veut m'ôter à toi.

Adieu... Donne-moi du courage :

Sois heureux, plus heureux que moi !
I

Que m'importe que tu sois sage ?
Sois belle ! et sois triste ! Les pleurs
Ajoutent un charme au visage,
Comme le fleuve au paysage ;
L'orage rajeunit les fleurs.

Je t'aime surtout quand la joie
S'enfuit de ton front terrassé ;
Quand ton coeur dans l'horreur se noie ;
Quand sur ton présent se déploie
Le nuage affreux du passé.

Je t'aime quand ton grand oeil verse
Une eau chaude comme le sang ;
Quand, malgré ma main qui te berce,
Ton angoisse, trop lourde, perce
Comme un râle d'agonisant.

J'aspire, volupté divine !
Hymne profond, délicieux !
Tous les sanglots de ta poitrine,
Et crois que ton coeur s'illumine
Des perles que versent tes yeux !

II

Je sais que ton coeur, qui regorge
De vieux amours déracinés,
Flamboie encor comme une forge,
Et que tu couves sous ta gorge
Un peu de l'orgueil des damnés ;

Mais tant, ma chère, que tes rêves
N'auront pas reflété l'Enfer,
Et qu'en un cauchemar sans trêves,
Songeant de poisons et de glaives,
Eprise de poudre et de fer,

N'ouvrant à chacun qu'avec crainte,
Déchiffrant le malheur partout,
Te convulsant quand l'heure tinte,
Tu n'auras pas senti l'étreinte
De l'irrésistible Dégoût,

Tu ne pourras, esclave reine
Qui ne m'aimes qu'avec effroi,
Dans l'horreur de la nuit malsaine,
Me dire, l'âme de cris pleine :
" Je suis ton égale, Ô mon Roi ! "
(Suite.)

Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant.
La main du songeur vibre et tremble en l'écrivant ;
La plume, qui d'une aile allongeait l'envergure,
Frémit sur le papier quand sort cette figure,
Le mot, le terme, type on ne sait d'où venu,
Face de l'invisible, aspect de l'inconnu ;
Créé, par qui ? forgé, par qui ? jailli de l'ombre ;
Montant et descendant dans notre tête sombre,
Trouvant toujours le sens comme l'eau le niveau ;
Formule des lueurs flottantes du cerveau.
Oui, vous tous, comprenez que les mots sont des choses.
Ils roulent pêle-mêle au gouffre obscur des proses,
Ou font gronder le vers, orageuse forêt.
Du sphinx Esprit Humain le mot sait le secret.
Le mot veut, ne veut pas, accourt, fée ou bacchante,
S'offre, se donne ou fuit ; devant Néron qui chante
Ou Charles-Neuf qui rime, il recule hagard ;
Tel mot est un sourire, et tel autre un regard ;
De quelque mot profond tout homme est le disciple ;
Toute force ici-bas à le mot pour multiple ;
Moulé sur le cerveau, vif ou lent, grave ou bref,
Le creux du crâne humain lui donne son relief ;
La vieille empreinte y reste auprès de la nouvelle ;
Ce qu'un mot ne sait pas, un autre le révèle ;
Les mots heurtent le front comme l'eau le récif ;
Ils fourmillent, ouvrant dans notre esprit pensif
Des griffes ou des mains, et quelques uns des ailes ;
Comme en un âtre noir errent des étincelles,

Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux,
Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous ;
Les mots sont les passants mystérieux de l'âme.

Chacun d'eux porte une ombre ou secoue une flamme ;
Chacun d'eux du cerveau garde une région ;
Pourquoi ? c'est que le mot s'appelle Légion ;
C'est que chacun, selon l'éclair qui le traverse,
Dans le labeur commun fait une oeuvre diverse ;
C'est que de ce troupeau de signes et de sons
Qu'écrivant ou parlant, devant nous nous chassons,
Naissent les cris, les chants, les soupirs, les harangues,
C'est que, présent partout, nain caché sous les langues,
Le mot tient sous ses pieds le globe et l'asservit ;
Et, de même que l'homme est l'animal où vit
L'âme, clarté d'en haut par le corps possédée,
C'est que Dieu fait du mot la bête de l'idée.
Le mot fait vibrer tout au fond de nos esprits.
Il remue, en disant : Béatrix, Lycoris,
Dante au Campo-Santo, Virgile au Pausilippe.
De l'océan pensée il est le noir polype.
Quand un livre jaillit d'Eschyle ou de Manou,
Quand saint Jean à Patmos écrit sur son genou,
On voit parmi leurs vers pleins d'hydres et de stryges,
Des mots monstres ramper dans ces oeuvres prodiges.

O main de l'impalpable ! ô pouvoir surprenant !
Mets un mot sur un homme, et l'homme frissonnant
Sèche et meurt, pénétré par la force profonde ;
Attache un mot vengeur au flanc de tout un monde,
Et le monde, entraînant pavois, glaive, échafaud,
Ses lois, ses moeurs, ses dieux, s'écroule sous le mot.
Cette toute-puissance immense sort des bouches.
La terre est sous les mots comme un champ sous les mouches

Le mot dévore, et rien ne résiste à sa dent.
A son haleine, l'âme et la lumière aidant,
L'obscure énormité lentement s'exfolie.
Il met sa force sombre en ceux que rien ne plie ;
Caton a dans les reins cette syllabe : NON.
Tous les grands obstinés, Brutus, Colomb, Zénon,
Ont ce mot flamboyant qui luit sous leur paupière :
ESPÉRANCE ! -- Il entr'ouvre une bouche de pierre
Dans l'enclos formidable où les morts ont leur lit,
Et voilà que don Juan pétrifié pâlit !
Il fait le marbre spectre, il fait l'homme statue.
Il frappe, il blesse, il marque, il ressuscite, il tue ;
Nemrod dit : « Guerre !  » alors, du Gange à l'Illissus,
Le fer luit, le sang coule. « Aimez-vous ! » dit Jésus.
Et se mot à jamais brille et se réverbère
Dans le vaste univers, sur tous, sur toi, Tibère,
Dans les cieux, sur les fleurs, sur l'homme rajeuni,
Comme le flamboiement d'amour de l'infini !

Quand, aux jours où la terre entr'ouvrait sa corolle,
Le premier homme dit la première parole,
Le mot né de sa lèvre, et que tout entendit,
Rencontra dans les cieux la lumière, et lui dit :
« Ma soeur !

Envole-toi ! plane ! sois éternelle !
Allume l'astre ! emplis à jamais la prunelle !
Échauffe éthers, azurs, sphères, globes ardents !
Éclaire le dehors, j'éclaire le dedans.
Tu vas être une vie, et je vais être l'autre.
Sois la langue de feu, ma soeur, je suis l'apôtre.
Surgis, effare l'ombre, éblouis l'horizon,
Sois l'aube ; je te vaux, car je suis la raison ;
A toi les yeux, à moi les fronts. O ma soeur blonde,
Sous le réseau Clarté tu vas saisir le monde ;
Avec tes rayons d'or, tu vas lier entre eux
Les terres, les soleils, les fleurs, les flots vitreux,  
Les champs, les cieux ; et moi, je vais lier les bouches ;
Et sur l'homme, emporté par mille essors farouches,
Tisser, avec des fils d'harmonie et de jour,
Pour prendre tous les coeurs, l'immense toile Amour.
J'existais avant l'âme, Adam n'est pas mon père.
J'étais même avant toi ; tu n'aurais pas pu, lumière,
Sortir sans moi du gouffre où tout rampe enchaîné ;
Mon nom est FIAT LUX, et je suis ton aîné ! »

Oui, tout-puissant ! tel est le mot. Fou qui s'en joue !
Quand l'erreur fait un noeud dans l'homme, il le dénoue.
Il est foudre dans l'ombre et ver dans le fruit mûr.
Il sort d'une trompette, il tremble sur un mur,
Et Balthazar chancelle, et Jéricho s'écroule.
Il s'incorpore au peuple, étant lui-même foule.
Il est vie, esprit, germe, ouragan, vertu, feu ;
Car le mot, c'est le Verbe, et le Verbe, c'est Dieu.

Jersey, juin 1855.
La frente apoyo en la vidriera...
el cielo azul se engalana
y en la fúlgida primavera
canta su canción la mañana.

La mente inclino a lo más hondo
del alma en campos del Ayer;
y marchito miro en el fondo
todo lo que vi florecer.

Soplan auras primaverales
dando más vigor a los músculos.
¡Aquí las brumas otoñales
y el silencio de los crepúsculos!

En el parque crece la yerba
bajo el radiante resplandor.
En el alma todo se enerva
al paso lento del dolor.

Y evoco alegres ilusiones,
campos azules, abrileños;
la juventud con sus canciones
iba entre rosas y entre ensueños.

Fulgurante el cielo reía:
¡Cuán hermoso era el porvenir!
Vino la tarde en pleno día
y todo comenzó a morir.
La frente apoyo en la vidriera...
Verdes árboles, sol radiante
¡Juventud!… ¡también primavera
Fuiste del corazón amante!

¡Días que el alma triste evoca,
alba rosada del amor!
¡Boca que buscaba otra boca,
polen que va de flor en flor!...

En jardines primaverales
las libélulas entre aromas;
rosas rojas en los rosales
y destilando miel las pomas.

Y van surgiendo en un ensueño
amores de la juventud.
Pasan con el labio risueño
en concento de arpa y laúd.

Entonces... retoño y retoño
en los rosales a la aurora...
¡Como lenta bruma de otoño
la tristeza bajando ahora!

En el alma, al ensueño abierta,
algo de antiguo trovador,
y de la vida en la áurea puerta
con sus promesas el Amor.

De la luna la luz de plata
brillaba en el barrio desierto,
y una canción de serenata
subía al balcón entreabierto.

Pendiente la escala de seda
de los barrotes del balcón...
Del pasado ya sólo queda
un rescoldo en el corazón.

Paseos bajo luz de luna
por alamedas de rosales;
dos bocas que el amor aúna
en claras noches estivales...

Entonces... cantos, alegría,
juramentos de eterna fe;
y ahora, gris melancolía
del dichoso tiempo que fue...
La frente apoyo en la vidriera:
en el parque, vestidos blancos,
y amantes en su primavera
bajo los pinos en bancos.

Primeros versos a la amada,
cantos primeros de ilusión...
Son hoy cual queja desolada
en el fondo del corazón.

Tú, flor de la tierra nativa,
de los ojos fuiste embeleso.
Sólo a tu boca, rosa viva,
le dio la muerte el primer beso.

Cuando se recuerda el pasado
hay un deseo de llorar.
¡El árido camino andado
si se pudiera desandar!...

Sombras doloridas que vagan
y esperanzas muertas deploran:
Astros que en tinieblas se apagan
y voces que en silencio lloran!...

A la claridad matutina
fragante erguíase el rosal...
¡ya sobre el agua gris se inclina
la amarilla rama otoñal!...

Una palabra... un juramento...
¿era verdad o era mentira?
Mentira o verdad es tormento
cuando sola el alma suspira.

Se abría a la luz la ventana
en un radioso amanecer,
la ilusión decía: «¡Mañana!»
y el corazón dice: «¡Ayer!».

¡Mañana! ¡Ayer! Polos remotos...
lo que es dolor y lo que salva.
Claros sueños y sueños rotos,
gris de la tarde y luz del alba.

Y el Amor, que en sombras se aleja,
el alma dice: «¿Volverás?»
Y como una lejana queja
se oye en el pasado: «¡Jamás!»

La hiedra fija sus raíces
aún bajo nieve en la piedra.
Recuerdos de días felices:
sois del corazón... ¡siempre hiedra!
Aromadas rosas de Francia
en los casinos y en el Ritz;
Rosas que dais vuestra fragancia
en Montecarlo y en Biarritz.

Reservados de restaurantes;
de vida de goce ansias locas;
El áureo champaña espumante;
temblando de ósculo las bocas.

Nerviosa espera la cita,
Penumbra de la «garconniére»,
Fausto a los pies de Margarita
En el rosado atardecer…

Otra... Extraño acento de arrullo,
honda nostalgia en su mirada,
y severo siempre su orgullo
en su dolor de desterrada.

Su imagen el pasado alegra,
y fijos en la mente están
su traje blanco y su capa negra
en las carreras de Longchamps.

Días lejanos de estudiante,
embriaguez de ideal divino,
El corazón, rosa fragante,
en noches del Barrio Latino...

Midineta bulevardina,
boca roja, frente de lis,
Incitadora, parlanchina,
jilguero alegre de Paris.

Y del «cabaret» la alegría...
¿Era del Rhin o era del Volga?
¿en su vida un misterio había...
¿era su nombre Elisa u Olga?

En otra, del vuelo al arranque,
mirar nostálgico... y ¡pasó!
Muchas veces junto a un estanque
soñando la luna nos vio.

Tú, mejicana-parisina,
de cabellos como aureola
de luz de sol, y habla divina
entre francesa y española.

En la tristeza de un suspiro,
lejos, a la orilla del mar,
una margarita aún te miro
melancólica deshojar.

Húngara triste, flor bohemia,
De ojos miosotis de Danubio:
¡cuán adorable era anemia
En marco de cabello rubio!

Tus pupilas vagas de Isis
fingía decir un adiós;
Y casi exangüe por la tisis
caíste en golpe de tos...
La frente apoyo en la vidriera...
Un claro sol el cielo dora,
riega rosas la primavera...
El otoño en el alma llora.

Se oye como una voz que ruega,
como un gemido de laúd...
¡Es en la tarde que llega
el adiós de la juventud!
ryn Nov 2014
Je suis exatlé de voir dans ce ciel de nuit,
Auquel je dois cette plaisante fortune.
En compagnie d’étoiles clignotantes,
Subjugué par ce spectacle, j’admire ma Lune.

Lave-moi dans ton eau argentée, translucide.
Sois près de moi lors de mes blanches nuits.
Veille sur moi tel un garde sans faille.
Enveloppe-moi de murmures, un calme répit.

Ô comme tu guides les flots ardents de mon âme!
Baisse les yeux, les eaux abordent ma plage…
Érode le fardeau qui étouffe mes écueils brûlants,
Des sables noyés, oppressé, tendres otages.

Peu de nuits à présent… Épris alors que tu t’en vas.
Des brins épais et sombres de cheveux en cascades,
Dissimulent ton visage d’une manière séduisante.
Il n’en reste qu’un croissant, qui s’efface dans le noir.

Les nuits s’écoulent… Maintenant la lune se délite
M’en laissant qu’une moitié; la nuit le veut ainsi.
Reste encore, plus longtemps; ne pars pas si tôt,
Je ne me sens pas prêt à être anéanti.

Je lève la tête sans dire un mot, alors que les nuits passent.
J’ai vu mon amour lunaire se dissoudre dans l’espace.
My coeur, aussi, déchiré bout par bout…
Enfin, elle était partie; partie, sans laisser de trace.

Depuis, chaque nuit abonde de vide et de souffrance.
Je supplie les étoiles d’apaiser le vide en moi…
Mais ils se contenteraient de briller, indifférents…
Même suite à tous mes appels, mes émois.

Desormais je suis incertain sur le nombre de passages.
Les nuits n’amenèrent que l’assaut des étoiles moqueuses.
Cependant je joue des promesses celestes,
Pour le retour de ma folle quête amoureuse.

Je sais que c’est frivole de penser que je suis le seul…
C’est vrai, ils languissent; ma souffrance est la leur.
Mais c’est moi qui désire le plus ton fameux regard,
Car nos coeurs ont chanté dans toutes les couleurs.

Ma détresse à son zénith, emplis, presque brisé,
Lorsque soudain j’entends une belle chanson, lointaine.
Une chanson pareille à celle que l’on prononçât,
Encore garnie d’argent translucide, je soupire avec peine…,
“Te voilà....”
"Moongazer" in French!
Translation courtesy of the fabulous Mia Barrat!!!
I.

Le ciel est calme et pur, la terre lui ressemble ;
Elle offre avec orgueil au soleil radieux
L'essaim tourbillonnant de ses enfants heureux.
Dans les parvis sacrés, la foule se rassemble.
Ô vous.... qui vous aimez et qui restez ensemble !
Vous qui pouvez encor prier en souriant,
Un mot à Dieu pour ceux qui pleurent en priant,
Vous qui restez ensemble !

Soleil ! du voyageur, toi, le divin secours,
En tous lieux brilles-tu comme au ciel de la France ?
N'as-tu pas en secret, parfois, de préférence,
Comme un cœur a souvent de secrètes amours ?
Ou, pour tous les pays, as-tu donc de beaux jours ?
Oh ! d'un rayon ami, protège le voyage !
Sur le triste exilé qui fuit **** du rivage,
Soleil, brille toujours !

Brise de nos printemps, qui courbes chaque branche,
Dont le souffle léger vient caresser les fleurs
Et s'imprègne en passant de leurs fraîches odeurs !
Au ****, du faible esquif qui s'incline et se penche,
Enfles-tu doucement l'humide voile blanche ?
Brise, sois douce et bonne au vaisseau qui s'enfuit ;
Comme un ange gardien, surveille jour et nuit
L'humide voile blanche.

Mer, dont l'immensité se dérobe à mes yeux !
Arrête la fureur de ta vague écumante,
Étouffe l'ouragan dont la voix se lamente,
Endors tes flots profonds, sombre miroir des cieux.
Que ton onde sommeille à l'heure des adieux ;
Renferme dans ton sein le vent de la tempête,
Et reçois mon ami, comme un ami qu'on fête,
À l'heure des adieux.

Mais pourquoi de la mer implorer la clémence,
Quand l'univers entier obéit au Seigneur ?
C'est lui qu'il faut prier quand se brise le cœur,
Quand sur nos fronts pâlis vient planer la souffrance,
Quand, pour nos yeux en pleurs, ton aurore commence,
Ô toi, de tous nos jours le jour le plus affreux,
- Que l'on achève seul, que l'on commence à deux
Premier jour de l'absence !

Mais n'est-il pas, mon Dieu ! dans tes divins séjours,
Un ange qui protège à l'ombre de ses ailes
Tous les amours bénis par tes mains paternelles :
Le bon ange, ô mon Dieu, des fidèles amours !
Il s'attriste aux départs et sourit aux retours,
Il rend au pèlerin la route plus unie ;
Oh ! veille donc sur lui, toi qui m'as tant bénie,
Bon ange des amours !

Le ciel est calme et pur, la terre lui ressemble ;
Elle offre avec orgueil au soleil radieux
L'essaim tourbillonnant de ses enfants heureux ;
Dans les parvis sacrés, la foule se rassemble.
Ô vous qui vous aimez et qui restez ensemble,
Vous qui pouvez encor prier en souriant,
Un mot à Dieu pour ceux qui pleurent en priant,
Vous qui restez ensemble !

II.

Voici l'heure du bal ; allez, hâtez vos pas !
De ces fleurs sans parfums couronnez voire tête ;
Allez danser ! mon cœur ne vous enviera pas.
Il est dans le silence aussi des jours de fête,
Et des chants intérieurs que vous n'entendez pas !...

Oh ! laissez-moi rêver, ne plaignez pas mes larmes !
Si souvent, dans le monde, on rit sans être heureux,
Que pleurer d'un regret est parfois plein de charmes,
Et vaut mieux qu'un bonheur qui ment à tous les yeux.

Je connais du plaisir le beau masque hypocrite,
La voix au timbre faux, et le rire trompeur
Que vos pleurs en secret vont remplacer bien vite,
Comme un fer retiré des blessures du cœur !

Pour moi, du moins, les pleurs n'ont pas besoin de voile ;
Sur mon front, ma douleur - comme au ciel, une étoile !

Béni sois-tu, Seigneur, qui vers de saints amours,
Toi-même, pour mon cœur, fraya la douce pente,
Comme en des champs fleuris, de l'onde murmurante
La main du laboureur sait diriger le cours !

Oh ! laissez-moi rêver **** du bal qui s'apprête ;
De ces fleurs sans parfums couronnez votre tête,
Allez danser ! mon cœur ne vous enviera pas.
Il est dans le silence aussi des jours de fête,
Et des chants intérieurs que vous n'entendez pas.

Oui, laissez-moi rêver, pour garder souvenance
Du dernier mot d'adieu qui précéda l'absence ;
Laissez vibrer en moi, dans l'ombre et **** du bruit,
Ce triste et doux écho qui me reste de lui !

Plus ****, on me verra me mêler à la foule ;
Mais dans son noir chaos où notre âme s'endort,
Où notre esprit s'éteint, - c'est un bonheur encor
D'espérer au delà de l'heure qui s'écoule,
D'attendre un jour parmi tous les jours à venir,
De marcher grave et triste au milieu de la foule,
Au front, une pensée ; au cœur, un souvenir !

III.

Tu me fuis, belle Étoile, Étoile du retour !
Toi, que mon cœur brisé cherchait avec amour,
Tu quittes l'horizon qu'obscurcit un nuage,
Tu disparais du ciel, tu fuis devant l'orage.
Depuis deux ans, pourtant, partout je te cherchais !
Les yeux fixés sur toi, j'espérais... je marchais.
Comme un phare brillant d'une lumière amie,
De ton espoir lointain, s'illuminait ma vie ;
J'avançais à ton jour, tu m'indiquais le port ;
Pour arriver vers toi, je redoublais d'effort.
De chacun de mes pas je comptais la distance,
Je disais : « C'est une heure ôtée à la souffrance ;
C'est une heure de moins, entre ce sombre jour
Et le jour radieux qui verra son retour ! »

Étoile d'espérance, appui d'une pauvre âme,
Pourquoi lui ravis-tu ta lumineuse flamme ?
Mon vol s'est arrêté dans ces obscurs déserts,
Mon aile vainement s'agite dans les airs ;
La nuit règne partout. - Sans lumière et sans guide,
En vain, vers l'Orient, de mon regard avide
J'appelle le soleil, qui chaque jour y luit...
Le soleil ne doit pas se lever aujourd'hui !
J'attends, et tour à tour ou je tremble ou j'espère.
Le vent souffle du ciel ou souffle de la terre ;
Il m'emporte à son gré dans son cours tortueux :
Ainsi, tourbillonnant, une feuille légère
Passe d'un noir ravin au calme azur des cieux.

Comme aux buissons l'agneau laisse un peu de sa laine,
Mon âme fatiguée, en sa course incertaine,
À force de douleurs perd l'espoir et la foi,
Et ne sait plus, mon Dieu, lever les yeux vers toi.
Étoile du retour, dissipe les orages !
Toi que j'ai tant priée, écarte les nuages !
Reviens à l'horizon me rendre le bonheur,
Et, du ciel où tu luis à côté du Seigneur,
Fais descendre, le soir, un rayon d'espérance
Sur les cœurs pleins d'amour que déchire l'absence !
Homme dont la tristesse est écrite d'un bout
Du monde à l'autre, et même aux murs de la campagne,
Forçat de l'hôpital et malade du bagne ;

Dormeur maussade, à qui chaque aube dit : « Debout ! »
Voyageur douloureux qu'attend la Mort, auberge
Où l'on vend le lit dur et les pleurs blancs du cierge,

Tu gémis, étonné de te sentir si las ;
Puis un jour tu te dis : « L'âme est un vain bagage,
Et mon cœur est bien lourd pour un pareil voyage ! »

Et, sans songer que Dieu te donne ses lilas,
Tu veux jeter ton cœur, tu veux jeter ton âme,
Pour alléger ta marche et mieux porter la Femme ;

Par ta route et ses ponts fiers de leur parapet,
Compagnon de l'orgueil, fils des froides études,
Tu vas vers le malheur et vers les solitudes.

Tout plein des arguments dont l'esprit se repaît,
Tu fais, pour savourer ta gloire monotone,
Taire ta conscience à l'heure où le ciel tonne.

Si pourtant à ce prix tu manges à ta faim,
Si tu dors calme, au creux de l'oreiller facile,
Ecoute ta science et reste-lui docile ;

Si ta libre raison, la plus forte à la fin,
Respire au coup mortel porté par elle au doute,
Pareil au Juif errant, homme, poursuis ta route.

Sois content sans ton âme, et joyeux sans ton cœur,
Sois ton corps tyran ni que et sois ta bête fauve,
Fais tes traits durs et froids, fais ton iront vaste et chauve !

Mais si ton fruit superbe engraisse un ver vainqueur,
Si tu bâilles, les soirs larmoyants, sous ta lampe,
Tâche de réfléchir, pose un doigt sur ta tempe.

Si tu n'as toujours pas trouvé sur ton chemin,
Qu'assourdit la rumeur des sabres et des chaînes
Repos pour tes amours et cesse pour tes haines ;

Si ton bâton usé tâtonne dans ta main,
Pauvre aveugle tremblant qui portes une sourde,
La Femme, chaque jour plus énorme et plus lourde ;

Si Tentant ancien sommeille encore en toi,
Gardant le souvenir de la faute première,
Dis : « J'ai le dos tourné peut-être à la Lumière » ;

Dis : « J'étais un esclave et croyais être un Roi ! »
Pour t'en aller gaiement, frère des hirondelles,
Reprends ton cœur, reprends ton âme, ces deux ailes ;

Et grâce à ce fardeau redevenu léger,
Emporte alors l'enfant, mère, sœur ou compagne,
Comme l'ange en ses bras emporte la montagne ;

Enivre-toi du long plaisir de voyager ;
Que ta faim soit paisible et que ta soif soit pure,
Bois à tout cœur ouvert, mange à toute âme mûre !
Ouvre ton aile au vent, mon beau ramier sauvage,
Laisse à mes doigts brisés ton anneau d'esclavage !
Tu n'as que trop pleuré ton élément, l'amour ;
Sois heureux comme lui : sauve-toi sans retour !

Que tu montes la nue, ou que tu rases l'onde,
Souviens-toi de l'esclave en traversant le monde :
L'esclave t'affranchit pour te rendre à l'amour ;
Quitte-moi comme lui : sauve-toi sans retour !

Va retrouver dans l'air la volupté de vivre !
Va boire les baisers de Dieu, qui te délivre !
Ruisselant de soleil et plongé dans l'amour,
Va-t-en ! Va-t-en ! Va-t-en ! Sauve-toi sans retour !

Moi, je garde l'anneau ; je suis l'oiseau sans ailes.
Les tiennes vont aux cieux ; mon âme est devant elles.
Va ! Je les sentirai frissonner dans l'amour !
Mon ramier, sois béni ! Sauve-toi sans retour !

Va demander pardon pour les faiseurs de chaînes ;
En fuyant les bourreaux, laisse tomber les haines.
Va plus haut que la mort, emporté dans l'amour ;
Sois clément comme lui... sauve-toi sans retour !
Sonnet.

Le soleil s'est couvert d'un crêpe. Comme lui,
Ô Lune de ma vie ! emmitoufle-toi d'ombre ;
Dors ou fume à ton gré ; sois muette, sois sombre,
Et plonge tout entière au gouffre de l'Ennui ;

Je t'aime ainsi ! Pourtant, si tu veux aujourd'hui,
Comme un astre éclipsé qui sort de la pénombre,
Te pavaner aux lieux que la Folie encombre,
C'est bien ! Charmant poignard, jaillis de ton étui !

Allume ta prunelle à la flamme des lustres !
Allume le désir dans les regards des rustres !
Tout de toi m'est plaisir, morbide ou pétulant ;

Sois ce que tu voudras, nuit noire, rouge aurore ;
Il n'est pas une fibre en tout mon corps tremblant
Qui ne crie : Ô mon cher Belzébuth, je t'adore !
Victor Marques Apr 2010
Olhar a  água do ribeiro,
Encostado ao sobreiro.
Paisagens feitas de qualquer jeito,
Douro e Tua sem leito.


Muros com primor e mestria,
Encantos teus que nos vicia,
Olivais que lindos sois assim,
Quimera do meu jardim.


Papoilas avermelhadas,
cepas mal tratadas.
Figueiras com figos,
Douro e amigos.



Não existe outro amor,
Douro te adorna com labor,
Os cavalos e rebanhos,
Rabelos dos teus enganos.


Victor Marques
Près du pêcheur qui ruisselle,
Quand tous deux, au jour baissant,
Nous errons dans la nacelle,
Laissant chanter l'homme frêle
Et gémir le flot puissant ;

Sous l'abri que font les voiles
Lorsque nous nous asseyons,
Dans cette ombre où tu te voiles
Quand ton regard aux étoiles
Semble cueillir des rayons ;

Quand tous deux nous croyons lire
Ce que la nature écrit,
Réponds, ô toi que j'admire,
D'où vient que mon cœur soupire ?
D'où vient que ton front sourit ?

Dis ? d'où vient qu'à chaque lame,
Comme une coupe de fiel,
La pensée emplit mon âme ?
C'est que moi je vois la rame
Tandis que tu vois le ciel !

C'est que je vois les flots sombres,
Toi, les astres enchantés !
C'est que, perdu dans leurs nombres,
Hélas, je compte les ombres
Quand tu comptes les clartés !

Chacun, c'est la loi suprême,
Rame, hélas ! jusqu'à la fin.
Pas d'homme, ô fatal problème !
Qui ne laboure ou ne sème
Sur quelque chose de vain !

L'homme est sur un flot qui gronde.
L'ouragan tord son manteau.
Il rame en la nuit profonde,
Et l'espoir s'en va dans l'onde
Par les fentes du bateau.

Sa voile que le vent troue
Se déchire à tout moment,
De sa route l'eau se joue,
Les obstacles sur sa proue
Écument incessamment !

Hélas ! hélas ! tout travaille
Sous tes yeux, ô Jéhovah !
De quelque côté qu'on aille,
Partout un flot qui tressaille,
Partout un homme qui va !

Où vas-tu ? - Vers la nuit noire.
Où vas-tu ? - Vers le grand jour.
Toi ? - Je cherche s'il faut croire.
Et toi ? - Je vais à la gloire.
Et toi ? - Je vais à l'amour.

Vous allez tous à la tombe !
Vous allez à l'inconnu !
Aigle, vautour, ou colombe,
Vous allez où tout retombe
Et d'où rien n'est revenu !

Vous allez où vont encore
Ceux qui font le plus de bruit !
Où va la fleur qu'avril dore !
Vous allez où va l'aurore !
Vous allez où va la nuit !

À quoi bon toutes ces peines ?
Pourquoi tant de soins jaloux ?
Buvez l'onde des fontaines,
Secouez le gland des chênes,
Aimez, et rendormez-vous !

Lorsque ainsi que des abeilles
On a travaillé toujours ;
Qu'on a rêvé des merveilles ;
Lorsqu'on a sur bien des veilles
Amoncelé bien des jours ;

Sur votre plus belle rose,
Sur votre lys le plus beau,
Savez-vous ce qui se pose ?
C'est l'oubli pour toute chose,
Pour tout homme le tombeau !

Car le Seigneur nous retire
Les fruits à peine cueillis.
Il dit : Échoue ! au navire.
Il dit à la flamme : Expire !
Il dit à la fleur : Pâlis !

Il dit au guerrier qui fonde :
- Je garde le dernier mot.
Monte, monte, ô roi du monde !
La chute la plus profonde
Pend au sommet le plus haut. -

Il a dit à la mortelle :
- Vite ! éblouis ton amant.
Avant de mourir sois belle.
Sois un instant étincelle,
Puis cendre éternellement ! -

Cet ordre auquel tu t'opposes
T'enveloppe et t'engloutit.
Mortel, plains-toi, si tu l'oses,
Au Dieu qui fit ces deux choses,
Le ciel grand, l'homme petit !

Chacun, qu'il doute ou qu'il nie,
Lutte en frayant son chemin ;
Et l'éternelle harmonie
Pèse comme une ironie
Sur tout ce tumulte humain !

Tous ces faux biens qu'on envie
Passent comme un soir de mai.
Vers l'ombre, hélas ! tout dévie.
Que reste-t-il de la vie,
Excepté d'avoir aimé !

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Ainsi je courbe ma tête
Quand tu redresses ton front.
Ainsi, sur l'onde inquiète,
J'écoute, sombre poète,
Ce que les flots me diront.

Ainsi, pour qu'on me réponde,
J'interroge avec effroi ;
Et dans ce gouffre où je sonde
La fange se mêle à l'onde... -
Oh ! ne fais pas comme moi !

Que sur la vague troublée
J'abaisse un sourcil hagard ;
Mais toi, belle âme voilée,
Vers l'espérance étoilée
Lève un tranquille regard !

Tu fais bien. Vois les cieux luire.
Vois les astres s'y mirer.
Un instinct là-haut t'attire.
Tu regardes Dieu sourire ;
Moi, je vois l'homme pleurer !

Le 9 septembre 1836.
Para goces o duelos que sienta España,
Cuando el llanto o la dicha su faz enciende,
Tengo una lira humilde que la acompaña
Y un corazón de hermano que la comprende.

Por eso aquí de nuevo mi voz levanto
Y pido a pobres cuerdas sus armonías;
Ya lo sabéis vosotros, la quiero tanto
Que sus penas intensas las hago mías.

Yo vi de cerca todo lo que se encierra
De noblezas hidalgas en su recinto;
Sentí el sol de la Historia sobre esa tierra
Que vio el sol sin ocaso de Carlos Quinto.

Si allí buscáis leyendas encantadoras
Soñaréis que os arrullan notas lejanas,
De rabeles cristianos y guzlas moras
Bajo los minaretes de las Sultanas.

Soñaréis cabe albercas con arrayanes
En cautivas que lloran por sus donceles;
En alquiceles blancos y en yataganes
Sobre la verde cuesta de los Gomeles.

¡Ah! yo he visto la hermosa vega extendida
Que el Genil argentado de flores cuaja
Y soñé en otros tiempos y en otra vida
Mirando los jardines de Lindaraja.

Recogí de Granada los alhelíes
Que un sol de fuego esmalta con luz divina,
Y al cruzar por el campo de los zegríes
Me hablaba de mi patria la golondrina.

España nos recibe con regocijos
Porque colmar supimos su afán profundo,
Siente orgullo de madre que ve a sus hijos
Honrar, ya independientes, el Nuevo Mundo.

En cada leal amigo me dio un hermano
Que hizo suyos mis goces y mir pesares,
¡Porque basta en España ser mejicano
Para encontrar abiertos pechos y hogares!

Allí ninguno alienta rencor ni dolo
Al vernos vivir libres en otra esfera,
Pues saben que ostentamos de polo a polo,
Con honor y sin mancha nuestra bandera.

Ya no existe la España dominadora
Sino la Iberia hermana, que he conocido,
Y cuya lengua rica, dulce y sonora,
Honramos en la tierra donde he nacido.

Ya no existe la España grave y austera
Que lanzó en sus legiones fieros aludes,
Que Cortés hizo odiosa con una hoguera
Y vindicó Las Casas con sus virtudes.

Soldados de Alvarado; reyes aztecas;
Todos sois polvo vano; ya nada existe;
De aquella edad aun tiemblan las hojas secas
Del árbol que recuerda «la noche triste».

Se quebró la macana que el casco abolla;
La inquisición no ostenta tizones rojos;
Y al fundirse dos razas nació la criolla
De apiñonado cutis y negros ojos.

La de pies diminutos y andar galano,
La que junta con dulce melancolía
Lo humilde y apacible del tipo indiano
Al garbo y a la gracia de Andalucía.

¡Oh España! ¡oh noble España! tú nos
legaste
Una fe y una lengua; tienes derecho
A buscar en los pueblos que aquí formaste
El corazón hidalgo que hay en tu pecho.

España es igual siempre bajo tu rayo
¡Oh sol del patriotismo que la iluminas!
¡Resucitó a sus héroes del Dos de Mayo
Al ver amenazadas las Carolinas!

¿Cómo no tributarle justos honores
Al laurel siempre vivo que la enguirnalda?
Unamos nuestra enseña de tres colores
A su gloriosa enseña de rojo y gualda.

Hoy que triste se envuelve con gasa negra
Que le atara un espectro de heladas manos;
Cual fraternal tributo llegue a Consuegra
El óbolo que mandan los mejicanos,

¡Oh caridad sublime! ¡Sol que derramas
De amor y de consuelo rayos ardientes!
Mira cómo a tu influjo son nuestras damas
Los ángeles de guarda de los ausentes.

Campos ayer hermosos, son tristes yermos;
Escombros los hogares; las dichas, penas;
Los espíritus sanos gimen enfermos
¡Aliviad tantos males las almas buenas!

¡Oh! bien hacéis vosotras en ser primeras
En consolar amantes, tanta agonía;
¡Para aliviar desgracias ya no hay fronteras!
¡La Caridad no tiene ciudadanía!

¡Damas que sois las joyas de nuestro suelo
Y galardón y gloria de sus hogares;
Vuestras altas virtudes bendice el cielo;
Vuestra piedad un pueblo tras de los mares!

A la ofrenda tan noble que haréis mañana,
Yo la inscripción pusiera cual la merece:
Los ángeles de Anáhuac, para su hermana
La España de Cristina y Alfonso Trece.
Mon aimée, ma presque feue
Chatte masquée
Qui se délecte à se faire désirer !
Je veux te mater.
Je suis désolé d'avoir à te le dire
Mais je vais devoir, oui, te mater
Avec et sans accent circonflexe
Ou plutôt te démâter d'abord
De poupe en proue
Pour te remâter ensuite.
Seul ainsi entre nous
L'extase sera envisageable.
Tu dis que tu m'aimes malgré toi
Mais tu refuses obstinément
De te montrer nue à distance
La nudité selon toi est affaire de présence
Quand je serai physiquement à portée de tes lèvres
Tu exauceras toutes mes volontés
Te bornes-tu à ma dire.
Tu m'invites même à venir sans tarder
Auprès de toi et là tu te montreras sous toutes les coutures
Et je pourrai te prendre sans limite, c'est promis.

Alors que nous pouvons rire à distance
Nous fâcher à distance, nous émouvoir et rêver de nous à distance
Tu te refuses à accéder à mon délire de te voir nue à distance
Nue et sincère nue et sincère nue et sincère.
Il te serait impossible de me montrer l'objet de mon désir fatal
Que je puisse boire des yeux jusqu'à la lie
Le calice de ta chatte démasquée, ta vulve fraîche et bombée
Nue et sincère
Dépouillée de toutes ses parures.

Sais tu ma chatte que l 'amour
C'est une steppe de petites morts
Et que pour chaque petite mort
Il faut franchir les sept portes de l'Enfer ?

Oui, je sais, tu te dis immortelle et divine
Tu es la Muse, les lois de l'Enfer ne s'appliquent pas à toi, penses-tu.

Voilà ce qu'il en coûte de s'acoquiner à un mortel !

En vue de notre premier congrès amoureux
Tu t'es déjà dépouillée de six de tes talismans
Tu as tour à tour,
Porte après porte,
Délaissé tes parures.

A la première porte tu m'as laissé
Ta couronne de buis odorant
Et j 'ai souri d'aise

A la deuxième porte tu m'as abandonné
Tes lunettes de vue et de soleil
Et j'ai souri d'aise

A la troisième porte tu t'es débarrassée
De tes boucles d'oreille en forme de piment rouge
Et j'ai souri d'aise

A la quatrième porte tu m'as décroché
Ton collier de perles noires
Et j'ai souri d'aise

A la cinquième porte tu as envoyé valdinguer
Ton soutien-gorge en velours côtelé
Et j'ai souri d'aise

A la sixième porte tu as désagrafé
Le collier de coquillages qui ceignait tes hanches
Et j'ai souri d'aise

Tu es désormais coincée entre la sixième et la septième porte
A cause de ce string où volettent de petits papillons farceurs
Ce string qui me prive de la jouissance visuelle de ton être intime.

Vas-tu enfin m'enlever cette toilette,
Prendre pied résolument dans l 'Enfer
Et laper les flammes de la petite mort primale ?

Vas-tu enfin me laisser m'assurer
Que tu n 'es ni satyre ni hermaphrodite
Mais au contraire femelle chatte muse
Dégoulinante de cyprine ?

Toi, tu me parles de blocage.
Moi, nue, au téléphone, jamais
Nu non niet
Moi, jouir, au téléphone, jamais
Nu non niet
retire ce cheval de la pluie !
Je t'aime malgré moi
C'est tout ce que tu trouves à me dire !
Accepte donc, ma chatte
Que je te mate malgré moi.
Car je te veux
Obéissante et docile
Apprivoisée
Je veux que tu couines, que tu miaules que tu frémisses
En te montrant à moi en tenue d'Eve
Je veux que tu t'exhibes à moi ton ******
Que tu sois impudique
Je veux j 'exige, ma presque feue,
Je suis Roi, souviens-toi !
Je ne te donne pas d'ultimatum !
Je suis avec mon temps ! Je suis post-moderne !
Car il est écrit dans les livres
Depuis plus de mille ans
Que les lois de l 'Amour
Sont comme les lois de l'Enfer
Incontournables et implacables :
En Enfer on arrive nu,
En Amour aussi !
Alors bien sûr je sais, tu trouveras bien quelque part
Une exégète pour me prouver l'exact contraire
Que l'amour c'est le paradis et la feuille de figuier
Et surtout pas l 'Enfer.
Alors explique-moi, je t'en conjure, mon archéologue,
Pourquoi l 'amour est fait de petites morts.

Moi, ma chatte, je te propose
Non pas une petite mort par ci, une petite mort par là
Mais un enterrement festif de première classe
Un Te Deum
Dans un sarcophage de marbre blanc
Sculpté de serpents et de figues
Evadés des prisons d'Eden.

Je veux t'aimer nue et sincère
Mortelle et vibrante de désir
Je veux jouir de toutes les parcelles de ta chair et de tes os
je veux pétrir ton sang sans artifices et sans blocages
Et je n 'ai d'autre choix
Que de te mater de ma fougue
A moins que tu ne préfères
Rester bloquée sempiternellement
Dans la solitude confortable
Entre la pénultième et l'ultime porte
Qui nous sépare de nos sourires d'aise

Complices et lubriques.
Laurent Nov 2015
Ainsi toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour?

O lac! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir
Regarde! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir!

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes;
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés:
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient-il? nous voguions en silence;
On n'entendait au ****, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots:

"O temps, suspends ton vol! et vous, heures propices,
Suspendez votre cours!
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours!

"Assez de malheureux ici-bas vous implorent:
Coulez, coulez pour eux;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent;
Oubliez les heureux."

Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit;
je dis à cette nuit: "Sois plus lente"; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

Aimons donc, aimons donc! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons!
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive;
Il coule, et nous passons!

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent **** de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur?

Hé quoi! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace?
Quoi! passés pour jamais? quoi! tout entiers perdus?
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus?

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez?
Parlez: nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez?

O lac! rochers muets! grottes! forêt obscure!
Vous que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir!

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux!

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés!

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise: "Ils ont aimé!"

In English :

So driven onward to new shores forever,
Into the night eternal swept away,
Upon the sea of time can we not ever
Drop anchor for one day?

O Lake! Scarce has a single year coursed past.
To waves that she was meant to see again,
I come alone to sit upon this stone
You saw her sit on then.

You lowed just so below those plunging cliffs.
Just so you broke about their riven flanks.
Just so the wind flung your spray forth to wash
Her feet which graced your banks.

Recall the evening we sailed out in silence?
On waves beneath the skies, afar and wide,
Naught but the rowers' rhythmic oars we heard
Stroking your tuneful tide.

Then of a sudden tones untold on earth,
Resounded round the sounding spellbound sea.
The tide attended; and I heard these words
From the voice dear to me:

Pause in your trek O Time! Pause in your flight,
Favorable hours, and stay!
Let us enjoy the transient delight
That fills our fairest day.

Unhappy crowds cry out to you in prayers.
Flow, Time, and set them free.
Run through their days and through their ravening cares!
But leave the happy be.

In vain I pray the hours to linger on
And Time slips into flight.
I tell this night: "Be slower!" and the dawn
Undoes the raveled night.

Let's love, then! Love, and feel while feel we can
The moment on its run.
There is no shore of Time, no port of Man.
It flows, and we go on.

Covetous Time! Our mighty drunken moments
When love pours forth huge floods of happiness;
Can it be true that they depart no faster
Than days of wretchedness?

Why can we not keep some trace at the least?
Gone wholly? Lost forever in the black?
Will Time that gave them, Time that now elides them
Never once bring them back?

Eternity, naught, past, dark gulfs: what do
You do with days of ours which you devour?
Speak! Shall you not bring back those things sublime?
Return the raptured hour?

O Lake, caves, silent cliffs and darkling wood,
Whom Time has spared or can restore to light,
Beautiful Nature, let there live at least
The memory of that night:

Let it be in your stills and in your storms,
Fair Lake, in your cavorting sloping sides,
In the black pine trees, in the savage rocks
That hang above your tides;

Let it be in the breeze that stirs and passes,
In sounds resounding shore to shore each night,
In the star's silver countenance that glances
Your surface with soft light.

Let the deep keening winds, the sighing reeds,
Let the light balm you blow through cliff and grove,
Let all that is beheld or heard or breathed
Say only "they did love."
Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine, chevalier de Pratz (21 October 1790 – 28 February 1869), was a French writer, poet and politician who was instrumental in the foundation of the Second Republic and the continuation of the Tricolore as the flag of France.
Lamartine is considered to be the first French romantic poet, and was acknowledged by Paul Verlaine and the Symbolists as an important influence.
In 1816, at Aix-les Bains near Lake Bourget, Lamartine made the acquaintance of one Julie Charles. The following year, he came back to the lake, expecting to meet her there again. But he waited in vain, and initially thought she had stood him up. A month later he learned that she had taken ill and died. The "she" in this semi-autobiographical poem refers to Julie. The "voice dear to me" which speaks the lines of stanzas 6-9 is also meant to be understood as Julie's voice.
Mia Barrat Oct 2014
Les amours ne sont rien que de piètres adieux;
Rah, n’en sois pas si fâché.
Eh, mer! Tu n’es qu’un serpent amoureux,
Tes mots sont des vagues gachées.

Love is nothing but needy goodbyes;
Rah, don’t act so angry about it.
Hey, sea! You’re nothing but a smitten snake,
Your words are wasted waves.


Les amours ne sont rien que des brindilles sèches;
Rah, n’en sois pas si fâché.
Eh, mer! Tu n’es qu’une bombe sans mèche,
Tes mots sont des ailes arrachées.

Love is nothing but brittle firewood;
Rah, don’t act so angry about it.
Hey, sea! You’re nothing but a defused bomb:
Your words are pluckèd wings.


Les amours ne sont rien que des choses éphémères;
Rah, tu t’en remettras vite.
Eh, mer! Te lasses-tu parfois d’être mère?
Tes mots sont des eaux sans mérite.

*Love is nothing but an ephemeral thing;
Rah, you’ll get over it soon.
Hey, sea! Do you sometimes have enough of being a mother?
Your words are worthless waters.
I like to translate poems back and forth because in my case, it adds something extra that wasn't there before. It forces me to look beyond the rhyme and into the content. I hope you enjoy!

(Ocean is a person, yes)
Re
A caída do tempo esmera-se no cuidado
Sonho que em câmara lenta a minha alma não se magoa
e a mágoa não se torna superior à vontade de viver
Por fim, desisto
Não acredito mais nas palavras que digo
Não tenho já certeza se vivo a sonhar
Ou se simplesmente gosto de me arrastar por entre a multidão
A sorrir, a mentir
Disseram-me um dia que partiria, sim
Mas que sozinha não iria a nenhures
Verdade
Tenho uma constante obsessão amarrada à perna
E cada passo que dou sinto a tonelada desse vazio
E os dois metro que ando entre o chão e o chão
São quilómetros na vida real
Que irreal 'e
Sinto a pedras na descida, mas não me magoam
São menos duras que a armadura que me venderam
E pregada esta já ao corpo está
Nada sinto
Nada quero sentir
Apenas jazo no poder do iniquo
Que diz-se Mundo
Que digo Inferno
O amor que tenho por vos faz-me ir devagar
Mas a raiva que sinto do estrume que sois
Apressa-me na descida
Sinto que equivocada estou com o Mundo que não me quer
E sei que ao rápido descer, rápido vou saber
Onde o futuro me leva
Me carrega
O medo que tenho de me trazer ao inicio do Tempo 'e muito
Mas o pavor de so nascer uma vez corroí-me os tímpanos.
Partem todos os que amo e vejo-os ao longe
Imagino se perto estivessem
Não conseguiria respirar o pouco ar que tenho
E se choro e agonizo
'e por este amor que me queria grande e forte
Mas que fraca me pôs no chão
Não julgarei ninguém ao querer cair
A paisagem 'e bonita e ao longe desfocada fica
Sentimos a analgesia de não se ser ninguém
Vem devagar, não me apresses o timbre
Afinal acredito em mim, acho que sempre acreditei
Apenas estava apagada na tua sombra
Que em cativeiro me deixava a alma
Amei-te como o Amor sente
Amo-te como a dor ama
E embora me empurres para baixo da ribanceira
Sorrio e minto
Para te ver feliz em cima da minha cabeça
Como sempre estiveste
Como sempre te deixei estar.
¿Quién es aquel Caballero
herido por tantas partes,
que está de expirar tan cerca,
y no le socorre nadie?
«Jesús Nazareno» dice
aquel rétulo notable.
¡Ay Dios, que tan dulce nombre
no promete muerte infame!
Después del nombre y la patria,
Rey dice más adelante,
pues si es rey, ¿cuándo de espinas
han usado coronarse?
Dos cetros tiene en las manos,
mas nunca he visto que claven
a los reyes en los cetros
los vasallos desleales.
Unos dicen que si es Rey,
de la cruz descienda y baje;
y otros, que salvando a muchos,
a sí no puede salvarse.
De luto se cubre el cielo,
y el sol de sangriento esmalte,
o padece Dios, o el mundo
se disuelve y se deshace.
Al pie de la cruz, María
está en dolor constante,
mirando al Sol que se pone
entre arreboles de sangre.
Con ella su amado primo
haciendo sus ojos mares,
Cristo los pone en los dos,
más tierno porque se parte.
¡Oh lo que sienten los tres!
Juan, como primo y amante,
como madre la de Dios,
y lo que Dios, Dios lo sabe.
Alma, mirad cómo Cristo,
para partirse a su Padre,
viendo que a su Madre deja,
le dice palabras tales:
Mujer, ves ahí a tu hijo
y a Juan: Ves ahí tu Madre.
Juan queda en lugar de Cristo,
¡ay Dios, qué favor tan grande!
Viendo, pues, Jesús que todo
ya comenzaba a acabarse,
Sed tengo, dijo, que tiene
sed de que el hombre se salve.
Corrió un hombre y puso luego
a sus labios celestiales
en una caña una esponja
llena de hiel y vinagre.
¿En la boca de Jesús
pones hiel?, hombre, ¿qué haces?
Mira que por ese cielo
de Dios las palabras salen.
Advierte que en ella puso
con sus pechos virginales
una ave su blanca leche
a cuya dulzura sabe.
Alma, sus labios divinos,
cuando vamos a rogarle,
¿cómo con vinagre y hiel
darán respuesta süave?
Llegad a la Virgen bella,
y decirle con el ángel:
«Ave, quitad su amargura,
pues que de gracia sois Ave».
Sepa al vientre el fruto santo,
y a la dulce palma el dátil;
si tiene el alma a la puerta
no tengan hiel los umbrales.
Y si dais leche a Bernardo,
porque de madre os alabe,
mejor Jesús la merece,
pues Madre de Dios os hace.
Dulcísimo Cristo mío,
aunque esos labios se bañen
en hiel de mis graves culpas,
Dios sois, como Dios habladme.
Habladme, dulce Jesús,
antes que la lengua os falte,
no os desciendan de la cruz
sin hablarme y perdonarme.
Le poète.

Du temps que j'étais écolier,
Je restais un soir à veiller
Dans notre salle solitaire.
Devant ma table vint s'asseoir
Un pauvre enfant vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Son visage était triste et beau :
À la lueur de mon flambeau,
Dans mon livre ouvert il vint lire.
Il pencha son front sur sa main,
Et resta jusqu'au lendemain,
Pensif, avec un doux sourire.

Comme j'allais avoir quinze ans
Je marchais un jour, à pas lents,
Dans un bois, sur une bruyère.
Au pied d'un arbre vint s'asseoir
Un jeune homme vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Je lui demandai mon chemin ;
Il tenait un luth d'une main,
De l'autre un bouquet d'églantine.
Il me fit un salut d'ami,
Et, se détournant à demi,
Me montra du doigt la colline.

À l'âge où l'on croit à l'amour,
J'étais seul dans ma chambre un jour,
Pleurant ma première misère.
Au coin de mon feu vint s'asseoir
Un étranger vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il était morne et soucieux ;
D'une main il montrait les cieux,
Et de l'autre il tenait un glaive.
De ma peine il semblait souffrir,
Mais il ne poussa qu'un soupir,
Et s'évanouit comme un rêve.

À l'âge où l'on est libertin,
Pour boire un toast en un festin,
Un jour je soulevais mon verre.
En face de moi vint s'asseoir
Un convive vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Il secouait sous son manteau
Un haillon de pourpre en lambeau,
Sur sa tête un myrte stérile.
Son bras maigre cherchait le mien,
Et mon verre, en touchant le sien,
Se brisa dans ma main débile.

Un an après, il était nuit ;
J'étais à genoux près du lit
Où venait de mourir mon père.
Au chevet du lit vint s'asseoir
Un orphelin vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Ses yeux étaient noyés de pleurs ;
Comme les anges de douleurs,
Il était couronné d'épine ;
Son luth à terre était gisant,
Sa pourpre de couleur de sang,
Et son glaive dans sa poitrine.

Je m'en suis si bien souvenu,
Que je l'ai toujours reconnu
À tous les instants de ma vie.
C'est une étrange vision,
Et cependant, ange ou démon,
J'ai vu partout cette ombre amie.

Lorsque plus ****, las de souffrir,
Pour renaître ou pour en finir,
J'ai voulu m'exiler de France ;
Lorsqu'impatient de marcher,
J'ai voulu partir, et chercher
Les vestiges d'une espérance ;

À Pise, au pied de l'Apennin ;
À Cologne, en face du Rhin ;
À Nice, au penchant des vallées ;
À Florence, au fond des palais ;
À Brigues, dans les vieux chalets ;
Au sein des Alpes désolées ;

À Gênes, sous les citronniers ;
À Vevey, sous les verts pommiers ;
Au Havre, devant l'Atlantique ;
À Venise, à l'affreux Lido,
Où vient sur l'herbe d'un tombeau
Mourir la pâle Adriatique ;

Partout où, sous ces vastes cieux,
J'ai lassé mon cœur et mes yeux,
Saignant d'une éternelle plaie ;
Partout où le boiteux Ennui,
Traînant ma fatigue après lui,
M'a promené sur une claie ;

Partout où, sans cesse altéré
De la soif d'un monde ignoré,
J'ai suivi l'ombre de mes songes ;
Partout où, sans avoir vécu,
J'ai revu ce que j'avais vu,
La face humaine et ses mensonges ;

Partout où, le long des chemins,
J'ai posé mon front dans mes mains,
Et sangloté comme une femme ;
Partout où j'ai, comme un mouton,
Qui laisse sa laine au buisson,
Senti se dénuder mon âme ;

Partout où j'ai voulu dormir,
Partout où j'ai voulu mourir,
Partout où j'ai touché la terre,
Sur ma route est venu s'asseoir
Un malheureux vêtu de noir,
Qui me ressemblait comme un frère.

Qui donc es-tu, toi que dans cette vie
Je vois toujours sur mon chemin ?
Je ne puis croire, à ta mélancolie,
Que tu sois mon mauvais Destin.
Ton doux sourire a trop de patience,
Tes larmes ont trop de pitié.
En te voyant, j'aime la Providence.
Ta douleur même est sœur de ma souffrance ;
Elle ressemble à l'Amitié.

Qui donc es-tu ? - Tu n'es pas mon bon ange,
Jamais tu ne viens m'avertir.
Tu vois mes maux (c'est une chose étrange !)
Et tu me regardes souffrir.
Depuis vingt ans tu marches dans ma voie,
Et je ne saurais t'appeler.
Qui donc es-tu, si c'est Dieu qui t'envoie ?
Tu me souris sans partager ma joie,
Tu me plains sans me consoler !

Ce soir encor je t'ai vu m'apparaître.
C'était par une triste nuit.
L'aile des vents battait à ma fenêtre ;
J'étais seul, courbé sur mon lit.
J'y regardais une place chérie,
Tiède encor d'un baiser brûlant ;
Et je songeais comme la femme oublie,
Et je sentais un lambeau de ma vie
Qui se déchirait lentement.

Je rassemblais des lettres de la veille,
Des cheveux, des débris d'amour.

Tout ce passé me criait à l'oreille
Ses éternels serments d'un jour.
Je contemplais ces reliques sacrées,
Qui me faisaient trembler la main :
Larmes du cœur par le cœur dévorées,
Et que les yeux qui les avaient pleurées
Ne reconnaîtront plus demain !

J'enveloppais dans un morceau de bure
Ces ruines des jours heureux.
Je me disais qu'ici-bas ce qui dure,
C'est une mèche de cheveux.
Comme un plongeur dans une mer profonde,
Je me perdais dans tant d'oubli.
De tous côtés j'y retournais la sonde,
Et je pleurais, seul, **** des yeux du monde,
Mon pauvre amour enseveli.

J'allais poser le sceau de cire noire
Sur ce fragile et cher trésor.
J'allais le rendre, et, n'y pouvant pas croire,
En pleurant j'en doutais encor.
Ah ! faible femme, orgueilleuse insensée,
Malgré toi, tu t'en souviendras !
Pourquoi, grand Dieu ! mentir à sa pensée ?
Pourquoi ces pleurs, cette gorge oppressée,
Ces sanglots, si tu n'aimais pas ?

Oui, tu languis, tu souffres, et tu pleures ;
Mais ta chimère est entre nous.
Eh bien ! adieu ! Vous compterez les heures
Qui me sépareront de vous.
Partez, partez, et dans ce cœur de glace
Emportez l'orgueil satisfait.
Je sens encor le mien jeune et vivace,
Et bien des maux pourront y trouver place
Sur le mal que vous m'avez fait.

Partez, partez ! la Nature immortelle
N'a pas tout voulu vous donner.
Ah ! pauvre enfant, qui voulez être belle,
Et ne savez pas pardonner !
Allez, allez, suivez la destinée ;
Qui vous perd n'a pas tout perdu.
Jetez au vent notre amour consumée ; -
Eternel Dieu ! toi que j'ai tant aimée,
Si tu pars, pourquoi m'aimes-tu ?

Mais tout à coup j'ai vu dans la nuit sombre
Une forme glisser sans bruit.
Sur mon rideau j'ai vu passer une ombre ;
Elle vient s'asseoir sur mon lit.
Qui donc es-tu, morne et pâle visage,
Sombre portrait vêtu de noir ?
Que me veux-tu, triste oiseau de passage ?
Est-ce un vain rêve ? est-ce ma propre image
Que j'aperçois dans ce miroir ?

Qui donc es-tu, spectre de ma jeunesse,
Pèlerin que rien n'a lassé ?
Dis-moi pourquoi je te trouve sans cesse
Assis dans l'ombre où j'ai passé.
Qui donc es-tu, visiteur solitaire,
Hôte assidu de mes douleurs ?
Qu'as-tu donc fait pour me suivre sur terre ?
Qui donc es-tu, qui donc es-tu, mon frère,
Qui n'apparais qu'au jour des pleurs ?

La vision.

- Ami, notre père est le tien.
Je ne suis ni l'ange gardien,
Ni le mauvais destin des hommes.
Ceux que j'aime, je ne sais pas
De quel côté s'en vont leurs pas
Sur ce peu de fange où nous sommes.

Je ne suis ni dieu ni démon,
Et tu m'as nommé par mon nom
Quand tu m'as appelé ton frère ;
Où tu vas, j'y serai toujours,
Jusques au dernier de tes jours,
Où j'irai m'asseoir sur ta pierre.

Le ciel m'a confié ton cœur.
Quand tu seras dans la douleur,
Viens à moi sans inquiétude.
Je te suivrai sur le chemin ;
Mais je ne puis toucher ta main,
Ami, je suis la Solitude.
I

Mets-toi sur ton séant, lève tes yeux, dérange
Ce drap glacé qui fait des plis sur ton front d'ange,
Ouvre tes mains, et prends ce livre : il est à toi.

Ce livre où vit mon âme, espoir, deuil, rêve, effroi,
Ce livre qui contient le spectre de ma vie,
Mes angoisses, mon aube, hélas ! de pleurs suivie,
L'ombre et son ouragan, la rose et son pistil,
Ce livre azuré, triste, orageux, d'où sort-il ?
D'où sort le blême éclair qui déchire la brume ?
Depuis quatre ans, j'habite un tourbillon d'écume ;
Ce livre en a jailli. Dieu dictait, j'écrivais ;
Car je suis paille au vent. Va ! dit l'esprit. Je vais.
Et, quand j'eus terminé ces pages, quand ce livre
Se mit à palpiter, à respirer, à vivre,
Une église des champs, que le lierre verdit,
Dont la tour sonne l'heure à mon néant, m'a dit :
Ton cantique est fini ; donne-le-moi, poëte.
- Je le réclame, a dit la forêt inquiète ;
Et le doux pré fleuri m'a dit : - Donne-le-moi.
La mer, en le voyant frémir, m'a dit : - Pourquoi
Ne pas me le jeter, puisque c'est une voile !
- C'est à moi qu'appartient cet hymne, a dit l'étoile.
- Donne-le-nous, songeur, ont crié les grands vents.
Et les oiseaux m'ont dit : - Vas-tu pas aux vivants
Offrir ce livre, éclos si **** de leurs querelles ?
Laisse-nous l'emporter dans nos nids sur nos ailes ! -
Mais le vent n'aura point mon livre, ô cieux profonds !
Ni la sauvage mer, livrée aux noirs typhons,
Ouvrant et refermant ses flots, âpres embûches ;
Ni la verte forêt qu'emplit un bruit de ruches ;
Ni l'église où le temps fait tourner son compas ;
Le pré ne l'aura pas, l'astre ne l'aura pas,
L'oiseau ne l'aura pas, qu'il soit aigle ou colombe,
Les nids ne l'auront pas ; je le donne à la tombe.

II

Autrefois, quand septembre en larmes revenait,
Je partais, je quittais tout ce qui me connaît,
Je m'évadais ; Paris s'effaçait ; rien, personne !
J'allais, je n'étais plus qu'une ombre qui frissonne,
Je fuyais, seul, sans voir, sans penser, sans parler,
Sachant bien que j'irais où je devais aller ;
Hélas ! je n'aurais pu même dire : Je souffre !
Et, comme subissant l'attraction d'un gouffre,
Que le chemin fût beau, pluvieux, froid, mauvais,
J'ignorais, je marchais devant moi, j'arrivais.
Ô souvenirs ! ô forme horrible des collines !
Et, pendant que la mère et la soeur, orphelines,
Pleuraient dans la maison, je cherchais le lieu noir
Avec l'avidité morne du désespoir ;
Puis j'allais au champ triste à côté de l'église ;
Tête nue, à pas lents, les cheveux dans la bise,
L'oeil aux cieux, j'approchais ; l'accablement soutient ;
Les arbres murmuraient : C'est le père qui vient !
Les ronces écartaient leurs branches desséchées ;
Je marchais à travers les humbles croix penchées,
Disant je ne sais quels doux et funèbres mots ;
Et je m'agenouillais au milieu des rameaux
Sur la pierre qu'on voit blanche dans la verdure.
Pourquoi donc dormais-tu d'une façon si dure
Que tu n'entendais pas lorsque je t'appelais ?

Et les pêcheurs passaient en traînant leurs filets,
Et disaient : Qu'est-ce donc que cet homme qui songe ?
Et le jour, et le soir, et l'ombre qui s'allonge,
Et Vénus, qui pour moi jadis étincela,
Tout avait disparu que j'étais encor là.
J'étais là, suppliant celui qui nous exauce ;
J'adorais, je laissais tomber sur cette fosse,
Hélas ! où j'avais vu s'évanouir mes cieux,
Tout mon coeur goutte à goutte en pleurs silencieux ;
J'effeuillais de la sauge et de la clématite ;
Je me la rappelais quand elle était petite,
Quand elle m'apportait des lys et des jasmins,
Ou quand elle prenait ma plume dans ses mains,
Gaie, et riant d'avoir de l'encre à ses doigts roses ;
Je respirais les fleurs sur cette cendre écloses,
Je fixais mon regard sur ces froids gazons verts,
Et par moments, ô Dieu, je voyais, à travers
La pierre du tombeau, comme une lueur d'âme !

Oui, jadis, quand cette heure en deuil qui me réclame
Tintait dans le ciel triste et dans mon coeur saignant,
Rien ne me retenait, et j'allais ; maintenant,
Hélas !... - Ô fleuve ! ô bois ! vallons dont je fus l'hôte,
Elle sait, n'est-ce pas ? que ce n'est pas ma faute
Si, depuis ces quatre ans, pauvre coeur sans flambeau,
Je ne suis pas allé prier sur son tombeau !

III

Ainsi, ce noir chemin que je faisais, ce marbre
Que je contemplais, pâle, adossé contre un arbre,
Ce tombeau sur lequel mes pieds pouvaient marcher,
La nuit, que je voyais lentement approcher,
Ces ifs, ce crépuscule avec ce cimetière,
Ces sanglots, qui du moins tombaient sur cette pierre,
Ô mon Dieu, tout cela, c'était donc du bonheur !

Dis, qu'as-tu fait pendant tout ce temps-là ? - Seigneur,
Qu'a-t-elle fait ? - Vois-tu la vie en vos demeures ?
A quelle horloge d'ombre as-tu compté les heures ?
As-tu sans bruit parfois poussé l'autre endormi ?
Et t'es-tu, m'attendant, réveillée à demi ?
T'es-tu, pâle, accoudée à l'obscure fenêtre
De l'infini, cherchant dans l'ombre à reconnaître
Un passant, à travers le noir cercueil mal joint,
Attentive, écoutant si tu n'entendais point
Quelqu'un marcher vers toi dans l'éternité sombre ?
Et t'es-tu recouchée ainsi qu'un mât qui sombre,
En disant : Qu'est-ce donc ? mon père ne vient pas !
Avez-vous tous les deux parlé de moi tout bas ?

Que de fois j'ai choisi, tout mouillés de rosée,
Des lys dans mon jardin, des lys dans ma pensée !
Que de fois j'ai cueilli de l'aubépine en fleur !
Que de fois j'ai, là-bas, cherché la tour d'Harfleur,
Murmurant : C'est demain que je pars ! et, stupide,
Je calculais le vent et la voile rapide,
Puis ma main s'ouvrait triste, et je disais : Tout fuit !
Et le bouquet tombait, sinistre, dans la nuit !
Oh ! que de fois, sentant qu'elle devait m'attendre,
J'ai pris ce que j'avais dans le coeur de plus tendre
Pour en charger quelqu'un qui passerait par là !

Lazare ouvrit les yeux quand Jésus l'appela ;
Quand je lui parle, hélas ! pourquoi les ferme-t-elle ?
Où serait donc le mal quand de l'ombre mortelle
L'amour violerait deux fois le noir secret,
Et quand, ce qu'un dieu fit, un père le ferait ?

IV

Que ce livre, du moins, obscur message, arrive,
Murmure, à ce silence, et, flot, à cette rive !
Qu'il y tombe, sanglot, soupir, larme d'amour !
Qu'il entre en ce sépulcre où sont entrés un jour
Le baiser, la jeunesse, et l'aube, et la rosée,
Et le rire adoré de la fraîche épousée,
Et la joie, et mon coeur, qui n'est pas ressorti !
Qu'il soit le cri d'espoir qui n'a jamais menti,
Le chant du deuil, la voix du pâle adieu qui pleure,
Le rêve dont on sent l'aile qui nous effleure !
Qu'elle dise : Quelqu'un est là ; j'entends du bruit !
Qu'il soit comme le pas de mon âme en sa nuit !

Ce livre, légion tournoyante et sans nombre
D'oiseaux blancs dans l'aurore et d'oiseaux noirs dans l'ombre,
Ce vol de souvenirs fuyant à l'horizon,
Cet essaim que je lâche au seuil de ma prison,
Je vous le confie, air, souffles, nuée, espace !
Que ce fauve océan qui me parle à voix basse,
Lui soit clément, l'épargne et le laisse passer !
Et que le vent ait soin de n'en rien disperser,
Et jusqu'au froid caveau fidèlement apporte
Ce don mystérieux de l'absent à la morte !

Ô Dieu ! puisqu'en effet, dans ces sombres feuillets,
Dans ces strophes qu'au fond de vos cieux je cueillais,
Dans ces chants murmurés comme un épithalame
Pendant que vous tourniez les pages de mon âme,
Puisque j'ai, dans ce livre, enregistré mes jours,
Mes maux, mes deuils, mes cris dans les problèmes sourds,
Mes amours, mes travaux, ma vie heure par heure ;
Puisque vous ne voulez pas encor que je meure,
Et qu'il faut bien pourtant que j'aille lui parler ;
Puisque je sens le vent de l'infini souffler
Sur ce livre qu'emplit l'orage et le mystère ;
Puisque j'ai versé là toutes vos ombres, terre,
Humanité, douleur, dont je suis le passant ;
Puisque de mon esprit, de mon coeur, de mon sang,
J'ai fait l'âcre parfum de ces versets funèbres,
Va-t'en, livre, à l'azur, à travers les ténèbres !
Fuis vers la brume où tout à pas lents est conduit !
Oui, qu'il vole à la fosse, à la tombe, à la nuit,
Comme une feuille d'arbre ou comme une âme d'homme !
Qu'il roule au gouffre où va tout ce que la voix nomme !
Qu'il tombe au plus profond du sépulcre hagard,
A côté d'elle, ô mort ! et que là, le regard,
Près de l'ange qui dort, lumineux et sublime,
Le voie épanoui, sombre fleur de l'abîme !

V

Ô doux commencements d'azur qui me trompiez,
Ô bonheurs ! je vous ai durement expiés !
J'ai le droit aujourd'hui d'être, quand la nuit tombe,
Un de ceux qui se font écouter de la tombe,
Et qui font, en parlant aux morts blêmes et seuls,
Remuer lentement les plis noirs des linceuls,
Et dont la parole, âpre ou tendre, émeut les pierres,
Les grains dans les sillons, les ombres dans les bières,
La vague et la nuée, et devient une voix
De la nature, ainsi que la rumeur des bois.
Car voilà, n'est-ce pas, tombeaux ? bien des années,
Que je marche au milieu des croix infortunées,
Échevelé parmi les ifs et les cyprès,
L'âme au bord de la nuit, et m'approchant tout près,
Et que je vais, courbé sur le cercueil austère,
Questionnant le plomb, les clous, le ver de terre
Qui pour moi sort des yeux de la tête de mort,
Le squelette qui rit, le squelette qui mord,
Les mains aux doigts noueux, les crânes, les poussières,
Et les os des genoux qui savent des prières !

Hélas ! j'ai fouillé tout. J'ai voulu voir le fond.
Pourquoi le mal en nous avec le bien se fond,
J'ai voulu le savoir. J'ai dit : Que faut-il croire ?
J'ai creusé la lumière, et l'aurore, et la gloire,
L'enfant joyeux, la vierge et sa chaste frayeur,
Et l'amour, et la vie, et l'âme, - fossoyeur.

Qu'ai-je appris ? J'ai, pensif , tout saisi sans rien prendre ;
J'ai vu beaucoup de nuit et fait beaucoup de cendre.
Qui sommes-nous ? que veut dire ce mot : Toujours ?
J'ai tout enseveli, songes, espoirs, amours,
Dans la fosse que j'ai creusée en ma poitrine.
Qui donc a la science ? où donc est la doctrine ?
Oh ! que ne suis-je encor le rêveur d'autrefois,
Qui s'égarait dans l'herbe, et les prés, et les bois,
Qui marchait souriant, le soir, quand le ciel brille,
Tenant la main petite et blanche de sa fille,
Et qui, joyeux, laissant luire le firmament,
Laissant l'enfant parler, se sentait lentement
Emplir de cet azur et de cette innocence !

Entre Dieu qui flamboie et l'ange qui l'encense,
J'ai vécu, j'ai lutté, sans crainte, sans remord.
Puis ma porte soudain s'ouvrit devant la mort,
Cette visite brusque et terrible de l'ombre.
Tu passes en laissant le vide et le décombre,
Ô spectre ! tu saisis mon ange et tu frappas.
Un tombeau fut dès lors le but de tous mes pas.

VI

Je ne puis plus reprendre aujourd'hui dans la plaine
Mon sentier d'autrefois qui descend vers la Seine ;
Je ne puis plus aller où j'allais ; je ne puis,
Pareil à la laveuse assise au bord du puits,
Que m'accouder au mur de l'éternel abîme ;
Paris m'est éclipsé par l'énorme Solime ;
La hauteNotre-Dame à présent, qui me luit,
C'est l'ombre ayant deux tours, le silence et la nuit,
Et laissant des clartés trouer ses fatals voiles ;
Et je vois sur mon front un panthéon d'étoiles ;
Si j'appelle Rouen, Villequier, Caudebec,
Toute l'ombre me crie : Horeb, Cédron, Balbeck !
Et, si je pars, m'arrête à la première lieue,
Et me dit: Tourne-toi vers l'immensité bleue !
Et me dit : Les chemins où tu marchais sont clos.
Penche-toi sur les nuits, sur les vents, sur les flots !
A quoi penses-tu donc ? que fais-tu, solitaire ?
Crois-tu donc sous tes pieds avoir encor la terre ?
Où vas-tu de la sorte et machinalement ?
Ô songeur ! penche-toi sur l'être et l'élément !
Écoute la rumeur des âmes dans les ondes !
Contemple, s'il te faut de la cendre, les mondes ;
Cherche au moins la poussière immense, si tu veux
Mêler de la poussière à tes sombres cheveux,
Et regarde, en dehors de ton propre martyre,
Le grand néant, si c'est le néant qui t'attire !
Sois tout à ces soleils où tu remonteras !
Laisse là ton vil coin de terre. Tends les bras,
Ô proscrit de l'azur, vers les astres patries !
Revois-y refleurir tes aurores flétries ;
Deviens le grand oeil fixe ouvert sur le grand tout.
Penche-toi sur l'énigme où l'être se dissout,
Sur tout ce qui naît, vit, marche, s'éteint, succombe,
Sur tout le genre humain et sur toute la tombe !

Mais mon coeur toujours saigne et du même côté.
C'est en vain que les cieux, les nuits, l'éternité,
Veulent distraire une âme et calmer un atome.
Tout l'éblouissement des lumières du dôme
M'ôte-t-il une larme ? Ah ! l'étendue a beau
Me parler, me montrer l'universel tombeau,
Les soirs sereins, les bois rêveurs, la lune amie ;
J'écoute, et je reviens à la douce endormie.

VII

Des fleurs ! oh ! si j'avais des fleurs ! si je pouvais
Aller semer des lys sur ces deux froids chevets !
Si je pouvais couvrir de fleurs mon ange pâle !
Les fleurs sont l'or, l'azur, l'émeraude, l'opale !
Le cercueil au milieu des fleurs veut se coucher ;
Les fleurs aiment la mort, et Dieu les fait toucher
Par leur racine aux os, par leur parfum aux âmes !
Puisque je ne le puis, aux lieux que nous aimâmes,
Puisque Dieu ne veut pas nous laisser revenir,
Puisqu'il nous fait lâcher ce qu'on croyait tenir,
Puisque le froid destin, dans ma geôle profonde,
Sur la première porte en scelle une seconde,
Et, sur le père triste et sur l'enfant qui dort,
Ferme l'exil après avoir fermé la mort,
Puisqu'il est impossible à présent que je jette
Même un brin de bruyère à sa fosse muette,
C'est bien le moins qu'elle ait mon âme, n'est-ce pas ?
Ô vent noir dont j'entends sur mon plafond le pas !
Tempête, hiver, qui bats ma vitre de ta grêle !
Mers, nuits ! et je l'ai mise en ce livre pour elle !

Prends ce livre ; et dis-toi : Ceci vient du vivant
Que nous avons laissé derrière nous, rêvant.
Prends. Et, quoique de ****, reconnais ma voix, âme !
Oh ! ta cendre est le lit de mon reste de flamme ;
Ta tombe est mon espoir, ma charité, ma foi ;
Ton linceul toujours flotte entre la vie et moi.
Prends ce livre, et fais-en sortir un divin psaume !
Qu'entre tes vagues mains il devienne fantôme !
Qu'il blanchisse, pareil à l'aube qui pâlit,
A mesure que l'oeil de mon ange le lit,
Et qu'il s'évanouisse, et flotte, et disparaisse,
Ainsi qu'un âtre obscur qu'un souffle errant caresse,
Ainsi qu'une lueur qu'on voit passer le soir,
Ainsi qu'un tourbillon de feu de l'encensoir,
Et que, sous ton regard éblouissant et sombre,
Chaque page s'en aille en étoiles dans l'ombre !

VIII

Oh ! quoi que nous fassions et quoi que nous disions,
Soit que notre âme plane au vent des visions,
Soit qu'elle se cramponne à l'argile natale,
Toujours nous arrivons à ta grotte fatale,
Gethsémani ! qu'éclaire une vague lueur !
Ô rocher de l'étrange et funèbre sueur !
Cave où l'esprit combat le destin ! ouverture
Sur les profonds effrois de la sombre nature !
Antre d'où le lion sort rêveur, en voyant
Quelqu'un de plus sinistre et de plus effrayant,
La douleur, entrer, pâle, amère, échevelée !
Ô chute ! asile ! ô seuil de la trouble vallée
D'où nous apercevons nos ans fuyants et courts,
Nos propres pas marqués dans la fange des jours,
L'échelle où le mal pèse et monte, spectre louche,
L'âpre frémissement de la palme farouche,
Les degrés noirs tirant en bas les blancs degrés,
Et les frissons aux fronts des anges effarés !

Toujours nous arrivons à cette solitude,
Et, là, nous nous taisons, sentant la plénitude !

Paix à l'ombre ! Dormez ! dormez ! dormez ! dormez !
Êtres, groupes confus lentement transformés !
Dormez, les champs ! dormez, les fleurs ! dormez, les tombes !
Toits, murs, seuils des maisons, pierres des catacombes,
Feuilles au fond des bois, plumes au fond des nids,
Dormez ! dormez, brins d'herbe, et dormez, infinis !
Calmez-vous, forêt, chêne, érable, frêne, yeuse !
Silence sur la grande horreur religieuse,
Sur l'océan qui lutte et qui ronge son mors,
Et sur l'apaisement insondable des morts !
Paix à l'obscurité muette et redoutée,
Paix au doute effrayant, à l'immense ombre athée,
A toi, nature, cercle et centre, âme et milieu,
Fourmillement de tout, solitude de Dieu !
Ô générations aux brumeuses haleines,
Reposez-vous ! pas noirs qui marchez dans les plaines !
Dormez, vous qui saignez ; dormez, vous qui pleurez !
Douleurs, douleurs, douleurs, fermez vos yeux sacrés !
Tout est religio
Paul d'Aubin Jul 2014
Samedi  12  juillet 2014
"FULGURANCE DES ETRES,  DES LIEUX ET DES MOTS" (RECEUIL DE PAUL ARRIGHI)
J’ai bonheur  de vous faire connaître  l’édition,  ce  mois de juin 2014,    du livret de mes  poésies intitulé : «Fulgurance des êtres, des Lieux et des Mots».
Ce livret édité à compte d’auteur par   "Paul Daubin éditeur" et imprimé par la COREP. Il  comprend 104 pages avec 21 pages d’  illustrations, provenant pour la plupart de mes photographies en couleur.
La belle préface, aussi perspicace qu’emphatique est l’œuvre de mon ami,  l’authentique Poète Toulousain Christian Saint-Paul.  
   Ce Livret traite  sous les cinq chapitres  suivants:
- 1°) « Souvenirs d’Enfance »; ce sont mes  souvenirs les plus lointains de mon enfance en  Kabylie (Bougie et Akbou)  et à Luchon dans les Pyrénées.
-  2° )  Dans « Sur  les Chemins de Toulouse »,  je dépeins le Toulouse des quartiers de ma jeunesse, le faubourg Bonnefoy, Croix-Daurade, le  Lycée Raymond Naves des "années ardentes et tumultueuses" (1965-1972) ,  puis les autres  quartiers  pittoresques de Toulouse où j’ai résidé,   après mon retour en 1992 dans cette belle ville,  sans bien entendu oublier la Bibliothèque de recherche "Périgord" qui est pour beaucoup  mon lieu havre de Paix intérieure et mon  "refuge spirituel".
-  3°) «La Corse, L’ile enchanteresse»,  correspond à des poèmes en Français sur La Corse surtout la région de Vicu et le canton des "Deux Sorru", sur les  lieux et les arbres souvent emblématiques de cette île qui aimante et capte ses amoureux et ses fidèles et leur rend leur attachement au centuple.
- 4°) Les «Poésies de Révolte et de Feu » décrivent mes passions parfois mes indignations. Aujourd’hui que j’ai  atteint soixante ans, l’âge de la sagesse, j’ai encore  gardé vivant cette faculté de m’indigner et parfois  de me révolter. Les poèmes nous parlent  du grand poète Italien Giacomo Leopardi,  de la « Retirada » blessure faite à l’Esprit jamais refermée pour les enfants et les amis de  "Toulouse l'Espagnole",  de Mikis Theodorakis, de l'assassinat de John Lennon et de l'action et de la dérision de  Coluche, etc  
- 5 °) Le  « Renouveau des saisons et petits bonheurs »  traite  des saisons tout particulièrement des somptuosités de l'automne,  des lieux que j’ai aimés,   de la création et de la boisson du  vin et ce n'est pas le moindre de mes reconnaissances,   de nos compagnons les Chiens.
Le prix de vente proposé de dix euros est au strict prix de revient.   Pour l'acquérir  il vous  suffit de m’envoyer un chèque d’un montant de dix euros et une enveloppe timbrée au tarif normal   mentionnant  votre adresse postale  pour que je sois en mesure d'effectuer  l' envoi postal.    
                            
    Paul Arrighi
  
  
Adresse : Paul Arrighi -  20 Bd de Bonrepos- Résidence "La Comtale" - Bat C - Bal 7 - 31000 – Toulouse (Francia)  
  
Courriels : paul54.arrighi@numericable.fr
Ami, cache ta vie et répands ton esprit.

Un tertre, où le gazon diversement fleurit ;
Des ravins où l'on voit grimper les chèvres blanches ;
Un vallon, abrité sous un réseau de branches
Pleines de nids d'oiseaux, de murmures, de voix,
Qu'un vent joyeux remue, et d'où tombe parfois,
Comme un sequin jeté par une main distraite,
Un rayon de soleil dans ton âme secrète ;
Quelques rocs, par Dieu même arrangés savamment
Pour faire des échos au fond du bois dormant ;
Voilà ce qu'il te faut pour séjour, pour demeure !
C'est là, - que ta maison chante, aime, rie ou pleure,
Qu'il faut vivre, enfouir ton toit, borner tes jours,
Envoyant un soupir à peine aux antres sourds,
Mirant dans ta pensée intérieure et sombre
La vie obscure et douce et les heures sans nombre,
Bon d'ailleurs, et tournant, sans trouble ni remords,
Ton coeur vers les enfants, ton âme vers les morts !
Et puis, en même temps, au hasard, par le monde,
Suivant sa fantaisie auguste et vagabonde,
**** de toi, par delà ton horizon vermeil,
Laisse ta poésie aller en plein soleil !
Dans les rauques cités, dans les champs taciturnes,
Effleurée en passant des lèvres et des urnes,
Laisse-la s'épancher, cristal jamais terni,
Et fuir, roulant toujours vers Dieu, gouffre infini,
Calme et pure, à travers les âmes fécondées,
Un immense courant de rêves et d'idées,
Qui recueille en passant, dans son flot solennel,
Toute eau qui sort de terre ou qui descend du ciel !
Toi, sois heureux dans l'ombre. En ta vie ignorée,
Dans ta tranquillité vénérable et sacrée,
Reste réfugié, penseur mystérieux !
Et que le voyageur malade et sérieux
Puisse, si le hasard l'amène en ta retraite,
Puiser en toi la paix, l'espérance discrète,
L'oubli de la fatigue et l'oubli du danger,
Et boire à ton esprit limpide, sans songer
Que, là-bas, tout un peuple aux mêmes eaux s'abreuve.

Sois petit comme source et sois grand comme fleuve.

Le 26 avril 1839.
Toi ! sois bénie à jamais !
Ève qu'aucun fruit ne tente Il !
Qui de la vertu contente
Habite les purs sommets !
Âme sans tache et sans rides,
Baignant tes ailes candides,
À l'ombre et bien **** des yeux,
Dans un flot mystérieux,
Moiré de reflets splendides !

Sais-tu ce qu'en te voyant
L'indigent dit quand tu passes ?
- « Voici le front plein de grâces
Qui sourit au suppliant !
Notre infortune la touche.
Elle incline à notre couche
Un visage radieux ;
Et les mots mélodieux
Sortent charmants de sa bouche ! » -

Sais-tu, les yeux vers le ciel,
Ce que dit la pauvre veuve ?
- « Un ange au fiel qui m'abreuve
Est venu mêler son miel.
Comme à l'herbe la rosée,
Sur ma misère épuisée,
Ses bienfaits sont descendus.
Nos cœurs se sont entendus,
Elle heureuse, et moi brisée !

J'ai senti que rien d'impur
Dans sa gaîté ne se noie,
Et que son front a la joie
Comme le ciel a l'azur.
Son œil de même a su lire
Que le deuil qui me déchire
N'a que de saintes douleurs.
Comme elle a compris mes pleurs,
Moi, j'ai compris son sourire ! » -

Pour parler des orphelins,
Quand, près du foyer qui tremble,
Dans mes genoux je rassemble
Tes enfants de ton cœur pleins ;
Quand je leur dis l'hiver sombre,
La faim, et les maux sans nombre
Des petits abandonnés,
Et qu'à peine sont-ils nés
Qu'ils s'en vont pieds nus dans l'ombre ;

Tandis que, silencieux,
Le groupe écoute et soupire,
Sais-tu ce que semblent dire
Leurs yeux pareils à tes yeux ?
- « Vous qui n'avez rien sur terre,
Venez chez nous ! pour vous plaire
Nous nous empresserons tous ;
Et vous aurez comme nous
Votre part de notre mère ! »

Sais-tu ce que dit mon cœur ?
- « Elle est indulgente et douce,
Et sa lèvre ne repousse
Aucune amère liqueur.
Mère pareille à sa fille,
Elle luit dans ma famille
Sur mon front que l'ombre atteint.
Le front se ride et s'éteint,
La couronne toujours brille ! » -

Au-dessus des passions,
Au-dessus de la colère,
Ton noble esprit ne sait faire
Que de nobles actions.
Quand jusqu'à nous tu te penches,
C'est ainsi que tu t'épanches
Sur nos cœurs que tu soumets.
D'un cygne il ne peut jamais
Tomber que des plumes blanches !

Octobre 18...
Donc, c'est moi qui suis l'ogre et le bouc émissaire.
Dans ce chaos du siècle où votre coeur se serre,
J'ai foulé le bon goût et l'ancien vers françois
Sous mes pieds, et, hideux, j'ai dit à l'ombre : « Sois ! »
Et l'ombre fut. -- Voilà votre réquisitoire.
Langue, tragédie, art, dogmes, conservatoire,
Toute cette clarté s'est éteinte, et je suis
Le responsable, et j'ai vidé l'urne des nuits.
De la chute de tout je suis la pioche inepte ;
C'est votre point de vue. Eh bien, soit, je l'accepte ;
C'est moi que votre prose en colère a choisi ;
Vous me criez : « Racca » ; moi je vous dis : « Merci ! »
Cette marche du temps, qui ne sort d'une église
Que pour entrer dans l'autre, et qui se civilise ;
Ces grandes questions d'art et de liberté,
Voyons-les, j'y consens, par le moindre côté,
Et par le petit bout de la lorgnette. En somme,
J'en conviens, oui, je suis cet abominable homme ;
Et, quoique, en vérité, je pense avoir commis,
D'autres crimes encor que vous avez omis.
Avoir un peu touché les questions obscures,
Avoir sondé les maux, avoir cherché les cures,
De la vieille ânerie insulté les vieux bâts,
Secoué le passé du haut jusques en bas,
Et saccagé le fond tout autant que la forme.
Je me borne à ceci : je suis ce monstre énorme,
Je suis le démagogue horrible et débordé,
Et le dévastateur du vieil A B C D ;
Causons.

Quand je sortis du collège, du thème,
Des vers latins, farouche, espèce d'enfant blême
Et grave, au front penchant, aux membres appauvris ;
Quand, tâchant de comprendre et de juger, j'ouvris
Les yeux sur la nature et sur l'art, l'idiome,
Peuple et noblesse, était l'image du royaume ;
La poésie était la monarchie ; un mot
Était un duc et pair, ou n'était qu'un grimaud ;
Les syllabes, pas plus que Paris et que Londres,
Ne se mêlaient ; ainsi marchent sans se confondre
Piétons et cavaliers traversant le pont Neuf ;
La langue était l'état avant quatre-vingt-neuf ;
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes :
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versailles aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l'argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l'ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqué d'une F ;
N'exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : « Qu'il s'en aille ;  »
Et Voltaire criait :  « Corneille s'encanaille ! »
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins ; je m'écriai :  « Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ? »
Et sur l'Académie, aïeule et douairière,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d'alexandrins carrés,

Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l'encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées ;
Et je dis :  « Pas de mot où l'idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d'azur ! »
Discours affreux ! -- Syllepse, hypallage, litote,
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les Huns les Scythes et les Daces,
N'étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
Guichardin a nommé le Borgia ! Tacite
Le Vitellius ! Fauve, implacable, explicite,
J'ôtai du cou du chien stupéfait son collier
D'épithètes ; dans l'herbe, à l'ombre du hallier,
Je fis fraterniser la vache et la génisse,
L'une étant Margoton et l'autre Bérénice.
Alors, l'ode, embrassant Rabelais, s'enivra ;
Sur le sommet du Pinde on dansait Ça ira ;
Les neuf muses, seins nus, chantaient la Carmagnole ;
L'emphase frissonna dans sa fraise espagnole ;
Jean, l'ânier, épousa la bergère Myrtil.
On entendit un roi dire : « Quelle heure est-il ? »
Je massacrais l'albâtre, et la neige, et l'ivoire,
Je retirai le jais de la prunelle noire,
Et j'osai dire au bras : « Sois blanc, tout simplement. »
Je violai du vers le cadavre fumant ;
J'y fis entrer le chiffre ; ô terreur! Mithridate
Du siège de Cyzique eût pu citer la date.
Jours d'effroi ! les Laïs devinrent des catins.
Force mots, par Restaut peignés tous les matins,

Et de Louis-Quatorze ayant gardé l'allure,
Portaient encor perruque ; à cette chevelure
La Révolution, du haut de son beffroi,
Cria : « Transforme-toi ! c'est l'heure. Remplis-toi
- De l'âme de ces mots que tu tiens prisonnière ! »
Et la perruque alors rugit, et fut crinière.
Liberté ! c'est ainsi qu'en nos rébellions,
Avec des épagneuls nous fîmes des lions,
Et que, sous l'ouragan maudit que nous soufflâmes,
Toutes sortes de mots se couvrirent de flammes.
J'affichai sur Lhomond des proclamations.
On y lisait : « Il faut que nous en finissions !
- Au panier les Bouhours, les Batteux, les Brossettes
- A la pensée humaine ils ont mis les poucettes.
- Aux armes, prose et vers ! formez vos bataillons !
- Voyez où l'on en est : la strophe a des bâillons !
- L'ode a des fers aux pieds, le drame est en cellule.
- Sur le Racine mort le Campistron pullule ! »
Boileau grinça des dents ; je lui dis :  « Ci-devant,
Silence ! » et je criai dans la foudre et le vent :
« Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe ! »
Et tout quatre-vingt-treize éclata. Sur leur axe,
On vit trembler l'athos, l'ithos et le pathos.
Les matassins, lâchant Pourceaugnac et Cathos,
Poursuivant Dumarsais dans leur hideux bastringue,
Des ondes du Permesse emplirent leur seringue.
La syllabe, enjambant la loi qui la tria,
Le substantif manant, le verbe paria,
Accoururent. On but l'horreur jusqu'à la lie.
On les vit déterrer le songe d'Athalie ;
Ils jetèrent au vent les cendres du récit
De Théramène ; et l'astre Institut s'obscurcit.
Oui, de l'ancien régime ils ont fait tables rases,
Et j'ai battu des mains, buveur du sang des phrases,
Quand j'ai vu par la strophe écumante et disant
Les choses dans un style énorme et rugissant,
L'Art poétique pris au collet dans la rue,
Et quand j'ai vu, parmi la foule qui se rue,
Pendre, par tous les mots que le bon goût proscrit,
La lettre aristocrate à la lanterne esprit.
Oui, je suis ce Danton ! je suis ce Robespierre !
J'ai, contre le mot noble à la longue rapière,
Insurgé le vocable ignoble, son valet,
Et j'ai, sur Dangeau mort, égorgé Richelet.
Oui, c'est vrai, ce sont là quelques-uns de mes crimes.
J'ai pris et démoli la bastille des rimes.
J'ai fait plus : j'ai brisé tous les carcans de fer
Qui liaient le mot peuple, et tiré de l'enfer
Tous les vieux mots damnés, légions sépulcrales ;
J'ai de la périphrase écrasé les spirales,
Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel
L'alphabet, sombre tour qui naquit de Babel ;
Et je n'ignorais pas que la main courroucée
Qui délivre le mot, délivre la pensée.

L'unité, des efforts de l'homme est l'attribut.
Tout est la même flèche et frappe au même but.

Donc, j'en conviens, voilà, déduits en style honnête,
Plusieurs de mes forfaits, et j'apporte ma tête.
Vous devez être vieux, par conséquent, papa,
Pour la dixième fois j'en fais meâ culpâ.
Oui, si Beauzée est dieu, c'est vrai, je suis athée.
La langue était en ordre, auguste, époussetée,
Fleur-de-lys d'or, Tristan et Boileau, plafond bleu,
Les quarante fauteuils et le trône au milieu ;
Je l'ai troublée, et j'ai, dans ce salon illustre,
Même un peu cassé tout ; le mot propre, ce rustre,
N'était que caporal : je l'ai fait colonel ;
J'ai fait un jacobin du pronom personnel ;
Dur participe, esclave à la tête blanchie,
Une hyène, et du verbe une hydre d'anarchie.

Vous tenez le reum confitentem. Tonnez !
J'ai dit à la narine : « Eh mais ! tu n'es qu'un nez !  »
J'ai dit au long fruit d'or : « Mais tu n'es qu'une poire !  »
J'ai dit à Vaugelas : « Tu n'es qu'une mâchoire ! »
J'ai dit aux mots : « Soyez république ! soyez
La fourmilière immense, et travaillez ! Croyez,
Aimez, vivez ! » -- J'ai mis tout en branle, et, morose,
J'ai jeté le vers noble aux chiens noirs de la prose.

Et, ce que je faisais, d'autres l'ont fait aussi ;
Mieux que moi. Calliope, Euterpe au ton transi,
Polymnie, ont perdu leur gravité postiche.
Nous faisons basculer la balance hémistiche.
C'est vrai, maudissez-nous. Le vers, qui, sur son front
Jadis portait toujours douze plumes en rond,
Et sans cesse sautait sur la double raquette
Qu'on nomme prosodie et qu'on nomme étiquette,
Rompt désormais la règle et trompe le ciseau,
Et s'échappe, volant qui se change en oiseau,
De la cage césure, et fuit vers la ravine,
Et vole dans les cieux, alouette divine.

Tous les mots à présent planent dans la clarté.
Les écrivains ont mis la langue en liberté.
Et, grâce à ces bandits, grâce à ces terroristes,
Le vrai, chassant l'essaim des pédagogues tristes,
L'imagination, tapageuse aux cent voix,
Qui casse des carreaux dans l'esprit des bourgeois ;
La poésie au front triple, qui rit, soupire
Et chante, raille et croit ; que Plaute et Shakspeare
Semaient, l'un sur la plebs, et l'autre sur le mob ;
Qui verse aux nations la sagesse de Job
Et la raison d'Horace à travers sa démence ;
Qu'enivre de l'azur la frénésie immense,
Et qui, folle sacrée aux regards éclatants,
Monte à l'éternité par les degrés du temps,

La muse reparaît, nous reprend, nous ramène,
Se remet à pleurer sur la misère humaine,
Frappe et console, va du zénith au nadir,
Et fait sur tous les fronts reluire et resplendir
Son vol, tourbillon, lyre, ouragan d'étincelles,
Et ses millions d'yeux sur ses millions d'ailes.

Le mouvement complète ainsi son action.
Grâce à toi, progrès saint, la Révolution
Vibre aujourd'hui dans l'air, dans la voix, dans le livre ;
Dans le mot palpitant le lecteur la sent vivre ;
Elle crie, elle chante, elle enseigne, elle rit,
Sa langue est déliée ainsi que son esprit.
Elle est dans le roman, parlant tout bas aux femmes.
Elle ouvre maintenant deux yeux où sont deux flammes,
L'un sur le citoyen, l'autre sur le penseur.
Elle prend par la main la Liberté, sa soeur,
Et la fait dans tout homme entrer par tous les pores.
Les préjugés, formés, comme les madrépores,
Du sombre entassement des abus sous les temps,
Se dissolvent au choc de tous les mots flottants,
Pleins de sa volonté, de son but, de son âme.
Elle est la prose, elle est le vers, elle est le drame ;
Elle est l'expression, elle est le sentiment,
Lanterne dans la rue, étoile au firmament.
Elle entre aux profondeurs du langage insondable ;
Elle souffle dans l'art, porte-voix formidable ;
Et, c'est Dieu qui le veut, après avoir rempli
De ses fiertés le peuple, effacé le vieux pli
Des fronts, et relevé la foule dégradée,
Et s'être faite droit, elle se fait idée !

Paris, janvier 1834.
Jerezanas, paisanas,
institutrices de mi corazón,
buenas mujeres y buenas cristianas...
Os retrató la señora que dijo:
«Cuando busque mi hijo
a su media naranja,
lo mandaré vendado hasta Jerez».
Porque jugando a la gallina ciega
con vosotras, el jugador
atrapa una alma linda y una púdica tez.
Jerezanas,
os debo mis virtudes católicas y humanas,
porque en el otro siglo, en vuestro hogar,
en los ceremoniosos estrados me eduqué,
velándome de amor, como las frentes
se velaban debajo del tupé.
Acababan de irse
la polisión y la crinolina,
pero alcancé las caudalosas colas
que alargan el imán del ave femenina
de las cinturas hasta las consolas.
Así se reveló, por las colas profusas,
mi cordial abundancia,
y también por los moños enormes que en mi infancia
trocaban a las plantas bizantinas
en rodel de palomas capuchinas.
  Jerezanas,
  genio y figura
  del tiempo en que los ávidos pimpollos
  teníamos, de pie,
  la misma clementísima estatura
  que tenía, sentada, nuestra Fe.
Jerezanas,
traslúcidas y beatas dentaduras
en que se filtra el sol, creando en cada boca
las atmósferas claroscuras
en que el Cielo y la Tierra se dan cita
y en que es visitada Bernardita.
Jerezanas,
de quien aprendí a ser generoso,
mirando que la mano anacoreta
era la propia que en la feria anual
aplaudía en el coso
y apostaba columnas de metal
en el escándalo de la ruleta.
Jerezanas,
grito y mueca de azoro
a las tres de la tarde, por el humor del toro
que en la sala se cuela babeando, y está
como un inofensivo calavera
ante la señorita tumbada en el sofá.
Jerezanas,
panes benditos,
por vosotras, el Miércoles de Ceniza, simula
el pueblo una gran frente llena de Jesusitos.
Jerezanas,
abísmase mi ser
en las aguas de la misericordia
al evocar la máquina de coser
que al impulso de vuestra zapatilla,
sobre mi vocación y vuestros linos
enhebraba una bastilla.
Dios quiera que esté salvada
la máquina de acústicos galopes,
por la cual fue mi ayer melódica jornada
y un sobresalto mi vida
ante los pulcros dedos hacendosos
resbalando a la aguja empedernida.
Jerezanas,
he visto el menoscabo
de los bucles que alabo,
de los undosos bucles
que enjugaron sin mofa mis pucheros,
de los bucles rielantes,
cabrilleo lunar, blanco de la llovizna
y trono de los lápices caseros;
he visto revolar la última brizna
de vuestras gracias proverbiales;
he visto deformada vuestra hermosura
por todas las dolencias y por todos los males;
he visto el manicomio en que murmura
vuestra cabeza rota sus delirios;
he visto que os ganáis
el pan con las agujas a la luz del quinqué;
he sido el centinela de vuestros cuatro cirios;
pero ninguna chanza del presente
logra desprestigiaros, porque sois el tupé,
los moños capuchinos y la gruta de Lourdes
de la boca indulgente.Jerezanas,
colibríes de tápalo y quitasol,
que vagabundas en la gloria matutina
paraban junto a mis rejas,
por espiar la joyante canción de mi madrina
rememorando a Serafín Bemol:
«Si soy la causa de lo que escucho,
amigo mío, lo siento mucho...»
Jerezanas,
a cuyos rostros que nimbaba el denso
vapor estimulante de la sopa,
el comensal airado y desairado
disparaba el suspiro a quemarropa.
Jerezanas,
que al cumplir con la ley
de la anual comunión, miráis a la primera
golondrina de marzo en la Casa del Rey
de los Reyes; la párvula golondrina que entró
a enseñarnos su pecho de mamey.
Jerezanas,
cuyo heroico destino
desemboca en la iglesia y lucha con el vino,
vistiendo santos
o desvistiendo ebrios, con la misma
caridad de los cantos
que os hinchan las arterias en el cuello.
Jerezanas,
briosas cual el galope que me llenó de espantos
al veros devorar la llanura y el río
sobre el raudo señorío
del albardón de las abuelas;
erguidas como la araucaria,
y débiles como el futuro
de un huevecillo de canaria.
Jerezanas,
cuando el sol vespertino amorate
vuestros vidrios, y os heléis
en el diario silencio del inútil combate,
tomad las flechas de mi vida
como hilas del pañuelo de un hermano
para curar vuestra herida
según la vieja usanza,
y para abrigar el nido
del pájaro consentido.
Jerezanas,
yo aspiro a ser el casto reyezuelo
de los días en que os sentí
probadas por el Cielo
Marchitas, locas o muertas,
sois las ondas del manantial
que ondula arriba de lo temporal,
y en el eterno friso de mi alma
cada paisana mía se eslabona
como la letra de la Virgen:
encima de una nube y con una corona.
Desde el pie hacia la cintura,
la música alza sus pámpanos
envolventes. Oleadas
de sombra ascienden, girando,
hasta los astros azules,
naranjas, verdes, dorados.

Una nebulosa quema
la sombra. Alcohólicos pájaros
cruzan palmeras de tela,
van a morir a mis brazos.
Y un humo que no es de hogueras.
Luciérnagas que ha inventado
el polvo...

            ¿Qué hago yo aquí?
Estoy, por dentro, llorando.
Como si ante mí pasaran
mudos los desenterrados
Como si solicitaran
todos los muertos mi llanto.

En un instante, se limpia
mi corazón del encanto.
Brazos de mujer, espaldas
bajo los pálidos astros
eléctricos bocas rojas
de carmines falsos.

Amo la vida. Algún día,
cuando esté dormido, bajo
sábanas frescas de tierra,
o en la mar, iré evocando
y evocando, repitiendo
y repitiendo, instantáneos
destellos que eran mi vida;
se derramarán los granos
diminutos de las horas
en mis manos de enterrado.

Ni un instante ha de perderse
siempre que surja sellado
por el triple sello (nada
es mínimo, ocurre en vano):
autenticidad, consciencia,
arrepentimiento...

                  ¿Qué hago
yo aquí? Evoco campos de oro
del estío, soles trágicos,
veredas que van hundiéndose
en el olvido; relámpagos,
arpegios de vida, sobre
los que sonaba mi canto.
Pero en todo estaba yo.
Mundo fugaz, desplomado
ahora en un instante, hundido
en el licor de mi vaso.
(Pasan, giran las muchachas,
fumando o bailando).
El vino recuerdo fue
mosto de instante, pisado
(autenticidad, etcétera...)
por los pies iluminados
de la verdad. Pues no hay nada
mínimo, o que ocurra en vano,
sin una razón...

                  Muchachas,
fumando o bailando,
giran en alas de músicas
podridas. ¿Quién ha inventado,
para vosotras, instantes
sin futuro y gloria?

                Falso
metal rey, enamoradas
de nadie, muertas errando
por la danza, hijas, amadas
por nadie, os estoy soñando
niñas de trenzas con lágrimas
o con risas, ojos claros
para la ilusión, el cuerpo
para la primaveral
muerte, el repentino tránsito
de los elegidos.

                Quiénes
sois, no quiénes parecéis,
las que ante mí vais llorando
o riendo, no las que
pasáis ante mí bailando
y fumando (Mambo)...

            Qué hago,
de qué noche paternal
y dolorosa (fumando,
Mambo), de qué sencillez
arranca mi mano un látigo,
empuña una antorcha, corre
tras de vosotras, buscándoos
en quienes sois, y os arropa
los delgados cuerpos pálidos,
os aconseja, os recuerda
que el tiempo pasa volando
(dicen los viejos, las madres)...
Muchachas fumando, Mambo.

Autenticidad, etcétera.
Debo de estar muy borracho
esta madrugada. O debo
de estar aún poco borracho.
Renuncio a lo que quisiera
para vosotras (fumando,
bailando, Mambo).

                    (No era
así: lavabais -los brazos
duros al sol- en un río
imaginado, o acaso
verdadero...) Pero aquello
que queráis, venga sellado
por el triple sello autenti-
cidad, etcétera...

                    Acato
la vida. Quiero creer
que nada sucede en vano.
Y persigo una razón
que os explique (fumando,
bailando, Mambo), razón
que me dé el descanso.

Cerré los ojos. La música
encadenada al piano.
Negabais vuestro destino
después de cantar el gallo.
Y así noche a noche. Así:
fumando y bailando. Mambo
Noche a noche así, Dios mío,
recitando vuestro falso
papel, hijas mías, lluvia
de juventud, de verano.
Bailando. Mambo. Riendo.
Mambo. Cantando. Bailando.
Sin un sueño roto
que valga la pena llorarlo.
¿Sevilla?... ¿Granada?... La noche de luna.
Angosta la calle, revuelta y moruna,
de blancas paredes y obscuras ventanas.
Cerrados postigos, corridas persianas...
El cielo vestía su gasa de abril.Un vino risueño me dijo el camino.
Yo escucho los áureos consejos del vino,
que el vino es a veces escala de ensueño.
Abril y la noche y el vino risueño
cantaron en coro su salmo de amor.La calle copiaba, con sombra en el muro,
el paso fantasma y el sueño maduro
de apuesto embozado, galán caballero:
espada tendida, calado sombrero...
La luna vertía su blanco soñar.Como un laberinto mi sueño torcía
de calle en calleja. Mi sombra seguía
de aquel laberinto la sierpe encantada,
en pos de una oculta plazuela cerrada.
La luna lloraba su dulce blancor.La casa y la clara ventana florida,
de blancos jazmines y nardos prendida,
más blancos que el blanco soñar de la luna...
-Señora, la hora, tal vez importuna...
¿Que espere? (La dueña se lleva el candil).Ya sé que sería quimera, señora, mi sombra
galante buscando a la aurora
en noches de estrellas y luna, si fuera
mentira la blanca nocturna quimera
que usurpa a la luna su trono de luz.¡Oh dulce señora, más cándida y bella
que la solitaria matutina estrella
tan clara en el cielo! ¿Por qué silenciosa
oís mi nocturna querella amorosa?
¿Quién hizo, señora, cristal vuestra voz?...La blanca quimera parece que sueña.
Acecha en la obscura estancia la dueña.
-Señora, si acaso otra sombra, emboscada
teméis, en la sombra, fiad en mi espada...
Mi espada se ha visto a la luna brillar.¿Acaso os parece mi gesto anacrónico?
El vuestro es, señora, sobrado lacónico.
¿Acaso os asombra mi sombra embozada,
de espada tendida y toca plumada?...
¿Seréis la cautiva del moro Gazul?Dijéraislo, y pronto mi amor os diría
el son de mi guzla y la algarabía
más dulce que oyera ventana moruna.
Mi guzla os dijera la noche de luna,
la noche de cándida luna de abril.Dijera la clara cantiga de plata
del patio moruno, y la serenata
que lleva el aroma de floridas preces
a los miradores y a los ajimeces,
los salmos de un blanco fantasma lunar.Dijera las danzas de trenzas lascivas,
las muelles cadencias de ensueños, las vivas
centellas de lánguidos rostros velados,
los tibios perfumes, los huertos cerrados;
dijera el aroma letal del harén.Yo guardo, señora, en viejo salterio
también una copla de blanco misterio,
la copla más suave, más dulce y más sabia
que evoca las claras estrellas de Arabia
y aromas de un moro jardín andaluz.Silencio... En la noche la paz de la luna
alumbra la blanca ventana moruna.
Silencio... Es el musgo que brota, y la hiedra
que lenta desgarra la tapia de piedra...
El llanto que vierte la luna de abril.-Si sois una sombra de la primavera
blanca entre jazmines, o antigua quimera
soñada en las trovas de dulces cantores,
yo soy una sombra de viejos cantares,
y el signo de un álgebra vieja de amores.Los gayos, lascivos decires mejores,
los árabes albos nocturnos soñares,
las coplas mundanas, los salmos talares,
poned en mis labios;
yo soy una sombra también del amor.Ya muerta la luna, mi sueño volvía
por la retorcida, moruna calleja.
El sol en Oriente reía
su risa más vieja.
Jeune fille, la grâce emplit tes dix-sept ans.
Ton regard dit : « Matin, » et ton front dit : « Printemps. »
Il semble que ta main porte un lys invisible.
Don Juan te voit passer et murmure : « Impossible ! »
Sois belle. Sois bénie, enfant, dans ta beauté.
La nature s'égaie à toute ta clarté ;
Tu fais une lueur sous les arbres ; la guêpe
Touche ta joue en fleur de son aile de crêpe ;
La mouche à tes yeux vole ainsi qu'à des flambeaux.
Ton souffle est un encens qui monte au ciel. ******
Et les marins d'Hydra, s'ils te voyaient sans voiles,
Te prendraient pour l'Aurore aux cheveux pleins d'étoiles.
Les êtres de l'azur froncent leur pur sourcil
Quand l'homme, spectre obscur du mal et de l'exil,
Ose approcher ton âme, aux rayons fiancée.
Sois belle. Tu te sens par l'ombre caressée,
Un ange vient baiser ton pied quand il est nu,
Et c'est ce qui te fait ton sourire ingénu.

Février 1843.
« Notre amour était mon seul arme
                                     Aujourd’hui  j’ai que des larmes
Notre confiance  était le seul accord
                    Maintenant le doute tue votre propre âme
J’ai compris votre jalousie mais
                            N’oublies pas que je suis une femme
Une femme amoureuse de toi ,fidèle
                        Et surtout confiante à toi et à moi-même
Oublies les paroles ,et les critiques des autres
         Laisses nous vivre une histoire pleine de charme
Pardonnes moi de tous ce que j’ai fait
                                 Stp pardonnes votre futur dame  »
Elle m’ a dit;
J’ai répondu:
  « personne ne mérite tes larmes
             Et celui qui les mérite ne fera surement pas pleurer
Sois sur que je te souhaite que de bonheur
             le bonhur… que t'  attends...
                                          avec quelqu'un que  tu admires
  Tu as choisi de jouer  tes cartes au profondeur
                 Et mon jeu était toujours à la hauteur
Tu as détruit ton propre  amour
  Tu m’as perdu pour toujours
                                pour m’oublier    ,  Tu as besoin du temps
                                mêmes les anges ont besoins du temps de repos
cherche quelqu’un qui fait rire ton cœur
moi je ne peux  t’assurer que de malheur
                                           la vie m’a donné une deuxième chance
                                              je vais rattraper mes fautes d’enfance  
tu étais la grande faute de ma vie
tu es la personne que  …………j’ ai pas envie.   »

Abdelkadir BELHADJ
Ode XXVIII.

Si j'avois un riche tresor,
Ou des vaisseaux engravez d'or,
Tableaux ou medailles de cuivre,
Ou ces joyaux qui font passer
Tant de mers pour les amasser,
Où le jour se laisse revivre,

Je t'en ferois un beau present.
Mais quoy ! cela ne t'est plaisant,
Aux richesses tu ne t'amuses
Qui ne font que nous estonner ;
C'est pourquoy je te veux donner
Le bien que m'ont donné les Muses.

Je sçay que tu contes assez
De biens l'un sur l'autre amassez,
Qui perissent comme fumée,
Ou comme un songe qui s'enfuit
Du cerveau si tost que la nuit
Au second somme est consumée.

L'un au matin s'enfle en son bien,
Qui au soleil couchant n'a rien,
Par défaveur, ou par disgrace,
Ou par un changement commun,
Ou par l'envie de quelqu'un
Qui ravit ce que l'autre amasse.

Mais les beaux vers ne changent pas,
Qui durent contre le trespas,
Et en devançant les années,
Hautains de gloire et de bonheur,
Des hommes emportent l'honneur
Dessur leurs courses empennées.

Dy-moy, Verdun, qui penses-tu
Qui ait deterré la vertu
D'Hector, d'Achille et d'Alexandre,
Envoyé Bacchus dans les Cieux,
Et Hercule au nombre des dieux,
Et de Junon l'a fait le gendre,

Sinon le vers bien accomply,
Qui tirant leurs noms de l'oubly,
Plongez au plus profond de l'onde
De Styx, les a remis au jour,
Les relogeant au grand sejour
Par deux fois de nostre grand monde ?

Mort est l'honneur de tant de rois
Espagnols, germains et françois,
D'un tombeau pressant leur mémoire ;
Car les rois et les empereurs
Ne different aux laboureurs
Si quelcun ne chante leur gloire.

Quant à moy, je ne veux souffrir
Que ton beau nom se vienne offrir
A la Mort, sans que je le vange,
Pour n'estre jamais finissant,
Mais d'âge en âge verdissant,
Surmonter la Mort et le change.

Je veux, malgré les ans obscurs,
Que tu sois des peuples futurs
Cognu sur tous ceux de nostre âge,
Pour avoir conçeu volontiers
Des neuf Pucelles les mestiers,
Qui t'ont enflamé le courage,

Non pas au gain ny au vil prix,
Mais pour estre des mieux appris
Entre les hommes qui s'assemblent
Sur Parnasse au double sourci ;
C'est pourquoy tu aimes aussi
Les bons esprits qui te ressemblent.

Or pour le plaisir, quant à moy,
Verdun, que j'ay reçeu de toy,
Tu n'auras rien de ton poète
Sinon ces vers que je t'ay faits,
Et avec ces vers les souhaits
Que pour bonheur je te souhaite.

Dieu vueille benir ta maison
De beaux enfans naiz à foison
De ta femme belle et pudique ;
La concorde habite en ton lit,
Et bien **** de toy soit le bruit
De toute noise domestique.

Sois gaillard, dispost et joyeux,
Ny convoiteux ny soucieux
Des choses qui nous rongent l'âme ;
Fuy toutes sortes de douleurs,
Et ne pren soucy des malheurs
Qui sont predits par Nostradame.

Ne romps ton tranquille repos
Pour papaux, ny pour huguenots,
Ny amy d'eux, ny adversaire,
Croyant que Dieu père très doux
(Qui n'est partial comme nous)
Sçait ce qui nous est nécessaire.

N'ayes soucy du lendemain,
Mais, serrant le temps en la main,
Vy joyeusement la journée
Et l'heure en laquelle seras :
Et que sçais-tu si tu verras
L'autre lumiere retournée ?

Couche-toy à l'ombre d'un bois,
Ou près d'un rivage où la vois
D'une fontaine jazeresse
Tressaute, et tandis que tes ans
Sont encore et verds et plaisans,
Par le jeu trompe la vieillesse.

Tout incontinent nous mourrons,
Et bien **** bannis nous irons
Dedans une nacelle obscure
Où plus de rien ne nous souvient,
Et d'où jamais on ne revient :
Car ainsi l'a voulu Nature.
No os espantéis, señora Notomía,
Que me atreva este día,
Con exprimida voz convaleciente,
A cantar vuestras partes a la gente:
Que de hombres es en casos importantes
El caer en flaquezas semejantes.

Cantó la pulga Ovidio, honor Romano,
Y la mosca Luciano,
De las ranas Homero; yo confieso
Que ellos cantaron cosas de más peso:
Yo escribiré con pluma más delgada
Materia más sutil y delicada.

Quien tan sin carne os viere, si no es ciego,
Yo sé que dirá luego,
Mirando en vos más puntas que en rastrillo,
Que os engendró algún miércoles Corvillo;
Y quien pez os llamó, no desatina,
Viendo que tras ser negra, sois espina.

Dios os defienda, dama, lo primero,
De sastre o zapatero,
Pues por punzón o alesna es caso llano
Que cada cual os cerrara en la mano;
Aunque yo pienso que por mil razones
Tenéis por alma un viernes con ciciones.

Mirad que miente vuestro amigo, dama,
Cuando «Mi carne» os llama,
Que no podéis jamás en carnes veros,
Aunque para ello os desnudéis en cueros;
Mas yo sé bien que quedan en la calle
Picados más de dos de vuestro talle.

Bien sé que apasionáis los corazones,
Porque dais más pasiones
Que tienen diez Cuaresmas con la cara,
Que Amor hiere con vos como con jara;
Que si va por lo flaco, tenéis voto
De que sois más sutil que lo fue Scoto.

Y aunque estáis tan angosta, flaca mía,
Tan estrecha y tan fría,
Tan mondada y enjuta y tan delgada,
Tan roída, exprimida y destilada,
Estrechamente os amaré con brío,
Que es amor de raíz el amor mío.

Aun la sarna no os come con su gula,
Y sola tenéis Bula
Para no sustentar cosas vivientes;
Por sólo ser de hueso tenéis dientes,
Y de acostarse ya en partes tan duras,
Vuestra alma diz que tiene mataduras.

Hijos somos de Adán en este suelo,
La Nada es nuestro abuelo,
Y salístele vos tan parecida
Que apenas fuisteis algo en esta vida.
De ser sombra os defiende no el donaire,
Sino la voz, y aqueso es cosa de aire.

De los tres enemigos que hay del alma
Llevárades la palma,
Y con valor y pruebas excelentes
Los venciérades vos entre las gentes,
Si por dejar la carne de que hablo,
El mundo no os tuviera por el diablo.

Díjome una mujer por cosa cierta,
Que nunca vuestra puerta
Os pudo un punto dilatar la entrada
Por causa de hallarla muy cerrada,
Pues por no deteneros aun llamando,
Por los resquicios os entráis volando.

Con mujer tan aguda y amolada,
Consumida, estrujada,
Sutil, dura, büida, magra y fiera,
Que ha menester, por no picar, contera,
No me entremeto: que si llego al toque,
Conocerá de mí el señor San Roque.

Con vos cuando muráis tras tanta guerra,
Segura está la tierra
Que no sacará el vientre de mal año;
Y pues habéis de ir flaca en modo extraño
(Sisándole las ancas y la panza)
Os podrán enterrar en una lanza.

Sólo os pido, por vuestro beneficio,
Que el día del juicio
Troquéis con otro muerto en las cavernas
Esas devanaderas y esas piernas,
Que si salís con huesos tan mondados,
Temo que haréis reír los condenados.

Salvaros vos tras esto es cosa cierta,
Dama, después de muerta,
Y tiénenlo por cosa muy sabida
Los que ven cuán estrecha es vuestra vida;
Y así, que os vendrá al justo, se sospecha,
Camino tan angosto y cuenta estrecha.

Canción, ved que es forzosa
Que os venga a vos muy ancha cualquier cosa:
Parad, pues es negocio averiguado
Que siempre quiebra por lo más delgado.
Fou
Que je sois un fou, qu'on le dise,
Je trouve ça tout naturel,
Ayant eu ma part de bêtise
Et commis plus d'une sottise,
Depuis que je suis... temporel.

Je suis un fou, quel avantage,
Madame ! un fou, songez-y bien,
Peut crier... se tromper d'étage,
Vous proposer... le mariage,
On ne lui dira jamais rien,

C'est un fou ; mais lui peut tout dire,
Lâcher parfois un terme vil,
Dans ce cas le mieux c'est d'en rire,
Se fâcher serait du délire,
À quoi cela servirait-il ?

C'est un fou. Si c'est un bonhomme
Laissant les gens à leurs métiers,
Peu contrariant, calme... en somme,
Distinguant un nez d'une pomme,
On lui pardonne volontiers.

Donc, je suis fou, je le révèle.
Nous l'avons, Madame, en dormant,
Comme dit l'autre, échappé belle ;
J'aime mieux être un sans cervelle
Que d'être un sage, assurément.

Songez donc ! si j'étais un sage,
Je fuirais les joyeux dîners ;
Je n'oserais voir ton corsage ;
J'aurais un triste et long visage
Et des lunettes sur le nez ;

Mais, je ne suis qu'un fou, je danse,
Je tambourine avec mes doigts
Sur la vitre de l'existence.
Qu'on excuse mon insistance,
C'est un fou qu'il faut que je sois !

C'est trop fort, me dit tout le monde,
Qu'est-ce que vous nous chantez là ?
Pourquoi donc, partout à la ronde,
À la brune comme à la blonde,
Parler de la sorte ? - Ah ! voilà !

Je vais même plus ****, personne
Ne pourra jamais me guérir,
Ni la sagesse qui sermonne,
Ni le bon Dieu, ni la Sorbonne,
Et c'est fou que je veux mourir.

C'est fou que je mourrai du reste,
Mais oui, Madame, j'en suis sûr,
Et d'abord... de ton moindre geste,
Fou... de ton passage céleste
Qui laisse un parfum de fruit mûr,

De ton allure alerte et franche,
Oui, fou d'amour, oui, fou d'amour,
Fou de ton sacré... coup de hanche,
Qui vous fiche au cœur la peur... blanche,
Mieux... qu'un roulement de tambour ;

Fou de ton petit pied qui vole
Et que je suivrais n'importe où,
Je veux dire... au Ciel ;... ma parole !
J'admire qu'on ne soit pas folle,
Je plains celui qui n'est pas fou.
Ce n'est pas Pierrot en herbe

Non plus que Pierrot en gerbe,

C'est Pierrot, Pierrot, Pierrot.

Pierrot gamin, Pierrot gosse,

Le cerneau hors de la cosse,

C'est Pierrot, Pierrot, Pierrot !


Bien qu'un rien plus haut qu'un mètre,

Le mignon drôle sait mettre

Dans ses yeux l'éclair d'acier

Qui sied au subtil génie

De sa malice infinie

De poète-grimacier.


Lèvres rouge-de-blessure

Où sommeille la luxure,

Face pâle aux rictus fins,

Longue, très accentuée,

Qu'on dirait habituée

À contempler toutes fins,


Corps fluet et non pas maigre,

Voix de fille et non pas aigre,

Corps d'éphèbe en tout petit,

Voix de tête, corps en fête,

Créature toujours prête

À soûler chaque appétit.


Va, frère, va, camarade,

Fais le diable, bats l'estrade

Dans ton rêve et sur Paris

Et par le monde, et sois l'âme

Vile, haute, noble, infâme

De nos innocents esprits !


Grandis, car c'est la coutume,

Cube ta riche amertume,

Exagère ta gaieté,

Caricature, auréole,

La grimace et le symbole

De notre simplicité !

— The End —