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Déchiquetée Dragon Décébale
Infestée Incube Ile
Lacérée Lynx Lucifer
Abîmée Alligator Apsara
Ciselée Chat Calin
Esquintée Eau Enescu
Ravagée Rongée Ravinée
Eventrée Enceinte Emiettée
Etranglée Etrillée Ensanglantée
Ce feu oiseau de feu que tu dédaignes
Dont tu refuses d'être la marraine
Quoi que tu en dises
Sera ton éternel filleul.
Chétif il sommeille au creux de ta nuque
Et quand il prend son envol lent
C'est pour guider de son bec funambule
Comme un chef d'orchestre
Tes pas sur le chemin de la Délivrance.
Je t'ai rêvée, câline
Ogresse minérale,
Gazeuse et animale
Frémissante,
Offerte au sac et ressac des sables noirs,
Volcanique baïne !

J'ai cherché dans l'écume les coquelicots
Et les abeilles entre les raisiniers bord-de-mer
Je n'ai vu que lave moutonnante
Et crabes-violonistes qui jouaient au cerf-volant.

J'ai cherché le marbre des bas-reliefs en ruine
C'étaient les éclats de tes mille yeux
De cristal épars sur l'estran
Qui me brûlaient comme des phares engloutis
Dans un cimetière sous-marin.

Et soudain dans une déferlante
Surgie d'un galet bien lisse
J'ai vu les vingt-six os de ton pied droit
Reconnaissable entre tous
Juché sur ses orteils

Et j'ai crié : Apsara !

J'ai crié Zoé !

J 'ai crié Gradiva !

Et nous avons dansé et tournoyé

Au-dessus des trous noirs !
C 'est au coeur du punch
Que je vois le reflet de ton infidèle image
C 'est au fond du calice trouble
De pulpe de citron vert écrasé
Et de sirop de batterie
Que je vois enfin le reflet de ton infidèle image.

C'est une image qui tourbillonne
Comme un aiguillon kaléidoscopique
Car tu es cent et un oiseaux orange
A la fois dans la charmille.

Une image, que dis-je, un flot d'images
Secrètes et sourdes qui t'exhibent
Au goutte à goutte
Des lèvres au gosier
Et du gosier au cerveau.

C'est à cinquante-cinq degrés
Dans le coeur de chauffe du rhum blanc
Cent pour cent agricole
Que ton souvenir me vampirise
De ses poèmes lubriques
Et que j'offre mon cou et ma nuque à ta morsure
Douce, nue et sincère,
et à tes griffes amères comme le schrubb !
Muse, Fée Ensorceleuse,
Lucinda Darling !
Ce matin je me suis réveillé
Castrat
Enlacéré
Strephon et Philander
Avec un air sur l'oreiller
Ton parfum libertin qui dansait baroque
Au milieu d'une jungle d'alto, violoncelles,
Violons et contrebasse.
Entre couplets et refrain
Cet air pour soprano
Cette douce suite incidentale
M'a envahi dès la première mesure de l'été
Tu étais Aphra. J'étais Jemmy
Et en même temps Maure,
Abdelazer défiguré
Et toi Lucinda, transfigurée par Purcell,
Tu fredonnais en anglais
"Lucinda is bewitching fair
All o'er engaging is her Air
In ev'ry song Lucinda's fam'd
She is the Queen of Love proclaim'd "
Gaga, ma filleule,
C'est une chatte très artiste
Surdouée
Pour son âge,
Musicienne, écrivaine,
Indianiste, védisante
Elle miaule des dos parfaits
Comme des câlins de lynx sauvage.
Et chaque matin avant que le soleil s'étire
Et ne la lacère de ses griffes
Elle bâille de ses grand yeux
Et commence sa séance de yoga-sutra
Dans le silence éveillé,
Chemin de délivrance.
Esquissant, apsara féline
La posture du lotus,
Elle médite en roumain
Et me dicte en sanskrit
Son aphorisme du jour !
Elle me scande ce matin :
Kanthakûpe ksutpipâsâ nivrittih
Et elle plonge, turbulente, dans le puits de ma gorge
Et se fraie au fur et à mesure
Un passage secret dans le flux
Tiède de mon inconscient
Qui ronronne.
Muse, j'aime tant ta fruité
Que je la distille à l'alambic en cuivre
Au feu de bois
En eaux-de-vie de mirabelle.
J'en garde précieusement
Une kyrielle de dames-jeannes en réserve
Et quelques bonnes bouteilles millésimées
Dans la cave et au grenier.
Ces cuvées prestigieuses
Je m'abreuve de leur moelleux,
Acidité et pointe d'amertume
Et je m'étanche de la fine longueur de bouche
De leur neige immortelle sur mes papilles
Frappées à la température de ton corps
Une cuillerée le matin
Et deux cuillerées le soir

J 'aime le nez envoûtant de ces esprits de vin
Au sortir de l'alambic
Et leurs arômes généreux de miel et de vanille
Mourir de soif je ne pourrai
Et de soirs et matins sans une seule goutte
De cet élixir de pruine instillée en moi
Souffrir je ne saurai

Alors chante avec moi à l 'unisson :

"Quand je bois du vin clairet
Ami tout tourne, tourne, tourne, tourne
Aussi désormais je bois Anjou ou Arbois"
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