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La conscience humaine est morte ; dans l'orgie,
Sur elle il s'accroupit ; ce cadavre lui plaît ;
Par moments, ***, vainqueur, la prunelle rougie,
Il se retourne et donne à la morte un soufflet.

La prostitution du juge est la ressource.
Les prêtres font frémir l'honnête homme éperdu ;
Dans le champ du potier ils déterrent la bourse ;
Sibour revend le Dieu que Judas a vendu.

Ils disent : - César règne, et le Dieu des armées
L'a fait son élu. Peuple, obéis, tu le dois ! -
Pendant qu'ils vont chantant, tenant leurs mains fermées,
On voit le sequin d'or qui passe entre leurs doigts.

Oh ! tant qu'on le verra trôner, ce gueux, ce prince,
Par le pape béni, monarque malandrin,
Dans une main le sceptre et dans l'autre la pince,
Charlemagne taillé par Satan dans Mandrin ;

Tant qu'il se vautrera, broyant dans ses mâchoires
Le serment, la vertu, l'honneur religieux,
Ivre, affreux, vomissant sa honte sur nos gloires ;
Tant qu'on verra cela sous le soleil des cieux ;

Quand même grandirait l'abjection publique
À ce point d'adorer l'exécrable trompeur ;
Quand même l'Angleterre et même l'Amérique
Diraient à l'exilé : - Va-t'en ! nous avons peur !

Quand même nous serions comme la feuille morte ;
Quand, pour plaire à César, on nous renierait tous ;
Quand le proscrit devrait s'enfuir de porte en porte,
Aux hommes déchiré comme un haillon aux clous ;

Quand le désert, où Dieu contre l'homme proteste
Bannirait les bannis, chasserait les chassés ;
Quand même, infâme aussi, lâche comme le reste,
Le tombeau jetterait dehors les trépassés ;

Je ne fléchirai pas ! Sans plainte dans la bouche,
Calme, le deuil au cœur, dédaignant le troupeau,
Je vous embrasserai dans mon exil farouche,
Patrie, ô mon autel ! Liberté, mon drapeau !

Mes nobles compagnons, je garde votre culte
Bannis, la république est là qui nous unit.
J'attacherai la gloire à tout ce qu'on insulte
Je jetterai l'opprobre à tout ce qu'on bénit !

Je serai, sous le sac de cendre qui me couvre,
La voix qui dit : malheur ! la bouche qui dit : non !
Tandis que tes valets te montreront ton Louvre,
Moi, je te montrerai, César, ton cabanon.

Devant les trahisons et les têtes courbées,
Je croiserai les bras, indigné, mais serein.
Sombre fidélité pour les choses tombées,
Sois ma force et ma joie et mon pilier d'airain !

Oui, tant qu'il sera là, qu'on cède ou qu'on persiste,
Ô France ! France aimée et qu'on pleure toujours,
Je ne reverrai pas ta terre douce et triste,
Tombeau de mes aïeux et nid de mes amours !

Je ne reverrai pas ta rive qui nous tente,
France ! hors le devoir, hélas ! j'oublierai tout.
Parmi les éprouvés je planterai ma tente.
Je resterai proscrit, voulant rester debout.

J'accepte l'âpre exil, n'eût-il ni fin ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme,
Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer.

Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis ! Si même
Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;
S'il en demeure dix, je serai le dixième ;
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !

Jersey, le 2 décembre 1852.
« Du vin ! Nous sommes trois ; du vin, allons, du vin !
Hôtesse ! nous voulons chanter jusqu'au matin.
As-tu toujours ta vigne et ta fille jolie ?
L'amour, le vin, voilà les seuls biens de la vie.

- Entrez, seigneurs, entrez.... le vent est froid, la nuit.
Ma vigne donne un vin qui brûle et réjouit ;
Le soleil a mûri les raisins qu'elle porte,
Mon vin est clair et bon : buvez !... Ma fille est morte !

- Morte ? - Depuis un jour. - Morte, la belle enfant !
Laisse-nous la revoir. Plus de vin, plus de chant !
Que ta lampe un instant éclaire son visage ;
Chapeau bas, nous dirons la prière d'usage. »

Et les passants criaient : « Du vin, allons, du vin !
Hôtesse ! nous voulons chanter jusqu'au matin.
As-tu toujours ta vigne et ta fille jolie ?
L'amour, le vin, voilà les seuls biens de la vie. »

Le premier voyageur s'inclina près du lit,
Écartant les rideaux, à demi-voix il dit :
« Belle enfant, maintenant glacée, inanimée,
Pourquoi mourir si tôt ? Moi, je t'aurais aimée ! »

Et l'on disait en bas : « Du vin, allons, du vin !
Hôtesse ! nous voulons chanter jusqu'au matin.
As-tu toujours ta vigne et ta fille jolie ?
L'amour, le vin, voilà les seuls biens de la vie. »

Le second voyageur s'inclina près du lit,
Et fermant les rideaux, à demi-voix il dit :
« Moi, je t'aimais, enfant ; j'aurais été fidèle
Adieu donc pour toujours, à toi qui fus si belle ! »

Et l'on disait en bas : « Du vin, allons, du vin !
Hôtesse ! nous voulons chanter jusqu'au matin.
As-tu toujours ta vigne et ta fille jolie ?
L'amour, le vin, voilà les seuls biens de la vie. »

Le dernier voyageur s'inclina près du lit ;
Baisant ce front de marbre, à demi-voix il dit :
« Je t'aimais et je t'aime, enfant si tôt enfuie !
Je n'aimerai que toi jusqu'au soir de ma vie. »

Et l'on disait en bas : « Du vin, allons, du vin !
Hôtesse ! nous voulons chanter jusqu'au matin.
As-tu toujours ta vigne et ta fille jolie ?
L'amour, le vin, voilà les seuls biens de la vie. »

Et la mère à genoux disait, mais sans pleurer :
« Un cœur pur en ces lieux ne pouvait demeurer ;
Un bon ange veillait sur ma fille innocente...
Elle pleurait ici, dans le ciel elle chante ! »

Et l'on disait en bas : « Du vin, allons, du vin !
Hôtesse ! nous voulons chanter jusqu'au matin.
As-tu toujours ta vigne et ta fille jolie ?
L'amour, le vin, voilà les seuls biens de la vie.

- Entrez, seigneurs, entrez ! le vent est froid, la nuit.
Ma vigne donne un vin qui brûle et réjouit ;
Le soleil a mûri les raisins qu'elle porte,
Mon vin est clair et bon ; buvez !... Ma fille est morte !
evocatory Sep 2015
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer **** de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au **** descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Quinze longs jours encore et plus de six semaines

Déjà ! Certes, parmi les angoisses humaines

La plus dolente angoisse est celle d'être ****.


On s'écrit, on se dit que l'on s'aime ; on a soin

D'évoquer chaque jour la voix, les yeux, le geste

De l'être en qui l'on mit son bonheur, et l'on reste

Des heures à causer tout seul avec l'absent.

Mais tout ce que l'on pense et tout ce que l'on sent

Et tout ce dont on parle avec l'absent, persiste

À demeurer blafard et fidèlement triste.


Oh ! l'absence ! le moins clément de tous les maux !

Se consoler avec des phrases et des mots,

Puiser dans l'infini morose des pensées

De quoi vous rafraîchir, espérances lassées,

Et n'en rien remonter que de fade et d'amer !

Puis voici, pénétrant et froid comme le fer,

Plus rapide que les oiseaux et que les balles

Et que le vent du sud en mer et ses rafales

Et portant sur sa pointe aiguë un fin poison,

Voici venir, pareil aux flèches, le soupçon

Décoché par le Doute impur et lamentable.


Est-ce bien vrai ? tandis qu'accoudé sur ma table

Je lis sa lettre avec des larmes dans les yeux,

Sa lettre, où s'étale un aveu délicieux,

N'est-elle pas alors distraite en d'autres choses ?

Qui sait ? Pendant qu'ici pour moi lents et moroses

Coulent les jours, ainsi qu'un fleuve au bord flétri,

Peut-être que sa lèvre innocente a souri ?

Peut-être qu'elle est très joyeuse et qu'elle oublie ?


Et je relis sa lettre avec mélancolie.
Quenouille, de Pallas la compagne et l'amie,
Cher présent que je porte à ma chère Marie,
Afin de soulager l'ennui qu'elle a de moi,
Disant quelque chanson en filant dessur toi,
Faisant pirouetter, à son huys amusée,
Tout le jour son rouet et sa grosse fusée.

Quenouille, je te mène où je suis arrêté,
Je voudrais racheter par toi ma liberté.
Tu ne viendras és mains d'une mignonne oisive,
Qui ne fait qu'attifer sa perruque lascive.
Et qui perd tout son temps à mirer et farder
Sa face, à celle fin qu'en l'aille regarder ;
Mais bien entre les mains d'une dispote fille,
Qui dévide, qui coud, qui ménage et qui file
Avecque ses deux sœurs pour tromper ses ennuis,
L'hiver devant le feu, l'été devant son huis.

Aussi je ne voudrais que toi, Quenouille, faite
En notre Vendomois (eu le peuple regrette
Le jour qui passe en vain) allasses en Anjou
Pour demeurer oisive et te rouiller au clou.
Je te puis assurer que sa main délicate
Filera doucement quelque drap d'escarlate,
Qui si fin et si doux en sa laine sera,
Que pour un jour de fête un roi le vêtira.

Suis-moi donc, tu seras la plus que bienvenue,
Quenouille, des deux bouts et greslette et menue
Un peu grosse au milieu où la filasse tient,
Etreinte d'un ruban qui de Montoire vient,
Aime-laine, aime-fil, aime-estaim maisonière,
Longue, palladienne, enflée, chansonnière ;
Suis-moi, laisse Cousture, et allons à Bourgueil,
Où, Quenouille, on te doit recevoir d'un bon œil :
Car le petit présent qu'un loyal ami donne,
Passe des puissants rois le sceptre et la couronne.
À cette terre, où l'on ploie
Sa tente au déclin du jour,
Ne demande pas la joie.
Contente-toi de l'amour !

Excepté lui, tout s'efface.
La vie est un sombre lieu
Où chaque chose qui passe
Ébauche l'homme pour Dieu.

L'homme est l'arbre à qui la sève
Manque avant qu'il soit en fleur.
Son sort jamais ne s'achève
Que du côté du malheur.

Tous cherchent la joie ensemble ;
L'esprit rit à tout venant ;
Chacun tend sa main qui tremble
Vers quelque objet rayonnant.

Mais vers toute âme, humble ou fière,
Le malheur monte à pas lourds,
Comme un spectre aux pieds de pierre ;
Le reste flotte toujours !

Tout nous manque, hormis la peine !
Le bonheur, pour l'homme en pleurs,
N'est qu'une figure vaine
De choses qui sont ailleurs.

L'espoir c'est l'aube incertaine ;
Sur notre but sérieux
C'est la dorure lointaine
D'un rayon mystérieux.

C'est le reflet, brume ou flamme,
Que dans leur calme éternel
Versent d'en haut sur notre âme
Les félicités du ciel.

Ce sont les visions blanches
Qui, jusqu'à nos yeux maudits,
Viennent à travers les branches
Des arbres du paradis !

C'est l'ombre que sur nos grèves
Jettent ces arbres charmants
Dont l'âme entend dans ses rêves
Les vagues frissonnements !

Ce reflet des biens sans nombre,
Nous l'appelons le bonheur ;
Et nous voulons saisir l'ombre
Quand la chose est au Seigneur !

Va, si haut nul ne s'élève ;
Sur terre il faut demeurer ;
On sourit de ce qu'on rêve,
Mais ce qu'on a, fait pleurer.

Puisqu'un Dieu saigne au Calvaire,
Ne nous plaignons pas, crois-moi.
Souffrons ! c'est la loi sévère.
Aimons ! c'est la douce loi.

Aimons ! soyons deux ! Le sage
N'est pas seul dans son vaisseau.
Les deux yeux font le visage ;
Les deux ailes font l'oiseau.

Soyons deux ! - Tout nous convie
À nous aimer jusqu'au soir.
N'ayons à deux qu'une vie !
N'ayons à deux qu'un espoir !

Dans ce monde de mensonges,
Moi, j'aimerai mes douleurs,
Si mes rêves sont tes songes,
Si mes larmes sont tes pleurs !

Le 20 mai 1838.
Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans
Vous vous étiez servis simplement de vos armes
La mort n'éblouit pas les yeux des Partisans

Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L'affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu'à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE

Et les mornes matins en étaient différents
Tout avait la couleur uniforme du givre
À la fin février pour vos derniers moments
Et c'est alors que l'un de vous dit calmement
Bonheur à tous Bonheur à ceux qui vont survivre
Je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand

Adieu la peine et le plaisir Adieu les roses
Adieu la vie adieu la lumière et le vent
Marie-toi sois heureuse et pense à moi souvent
Toi qui vas demeurer dans la beauté des choses
Quand tout sera fini plus **** en Erivan

Un grand soleil d'hiver éclaire la colline
Que la nature est belle et que le coeur me fend
La justice viendra sur nos pas triomphants
Ma Mélinée ô mon amour mon orpheline
Et je te dis de vivre et d'avoir un enfant

Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le coeur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant.
Peut-être un jour l'époux selon l'amour, l'épouse
Selon l'amour, selon l'ordre d'Emmanuel,
Sans que lui soit jaloux, sans qu'elle soit jalouse,

Leurs doigts libres pliés au travail manuel,
Fervents comme le jour où leurs cœurs s'épousèrent,
Nourriront dans leur âme un feu venu du ciel ;

Le feu du dieu charmant que les bourreaux brisèrent,
Le feu délicieux du véritable amour,
Dont les âmes des Saints lucides s'embrasèrent ;

Tourterelle et ramier, au sommet de leur tour
Mystique, ils placeront leur nid sur lequel règne
La chasteté, couleur de l'aurore et du jour,

L'entière chasteté, celle où l'âme se baigne,
Qui prend l'encens de l'âme et les roses du corps,
Que symbolise un lis et que l'enfant enseigne ;

Celle qui fait les saints, celle qui fait les forts,
Mystérieuse loi que notre âme devine
En voyant les yeux clos et les doigts joints des morts

Rêvant de Nazareth, sous cette loi divine,
Ils fondront leurs regards et marieront leurs voix
Dans l'idéal baiser que l'âme s'imagine.

Qu'ils dorment sur la planche ou sur le lit des rois,
Le monde les ignore, et leur secret sommeille
Mieux qu'un trésor caché sous l'herbe au fond des bois.

La nuit seule le conte à l'étoile vermeille ;
Pour eux, laissant la route aux cavaliers fougueux
Dans le discret sentier où l'âme les surveille,

Ils ne sont jamais deux, le nombre belliqueux,
Jamais deux, car l'amour sans fin les accompagne,
Toujours ''Trois'', car Jésus est sans cesse avec eux.

Paisibles pèlerins à travers la campagne
Et la ville où leurs pieds fleurent l'odeur du thym ;
Et l'époux reste amant, et la Vierge est compagne.

De l'aurore de soie au couchant de satin,
Leur doux travail embaume, et leur pur sommeil prie,
De l'étoile du soir et celle du matin.

Ce sont des enfants blancs de la Vierge Marie,
Rose de l'univers par la simplicité,
Et mère glorieuse autant qu'endolorie.

C'est Elle qui leur ouvre, étonnant la clarté,
Sur ses genoux un livre, où leur cœur voit le rêve,
Sous son manteau céleste et bleu comme l'été.

Pudique autant que Jeanne, autant que Geneviève,
L'épouse file et songe au lys du charpentier ;
L'époux travaille et songe à l'innocence d'Ève.

Avec sa main trempée au flot du bénitier,
Chaque jour dans l'Église où son âme s'abreuve,
Les doigts fiers de tourner les pages du psautier,

Pour les pauvres amours qui marchent dans l'épreuve,
Les membres de Jésus dont le faubourg est plein,
Pour le lit du vieillard et l'habit de la veuve,

Elle file le chanvre, elle file le lin,
Comme elle file aussi le sommeil du malade,
Et le rire innocent du petit orphelin.

Musique d'or du cœur qui vibre et persuade,
Sa parole fait croire et se mettre à genoux
Le plus méchant, qu'elle aime ainsi qu'un camarade.

Elle est plus sérieuse et meilleure que nous ;
Il n'a que les beaux traits de notre ressemblance ;
Couple prédestiné, délicieux époux !

Ils ont la joie, ils ont l'amour par excellence !
Leurs cœurs extasiés de grâce sont vêtus ;
Car ils ont dépouillé toute la violence.

Sortis forts des combats vaillamment combattus,
Ils font vaguer leur corps et se mouvoir leur âme
Dans le jardin vivant de toutes les vertus.

Pour plaire à la beauté pure qui les réclame,
Elle veut demeurer intacte, ainsi qu'un fruit,
Dans la virginité naturelle à la femme.

Docile au rayon d'or qui traverse sa nuit,
Écoutant vaguement le monde qui va naître,
Comme des grandes eaux dont on entend le bruit,

Pour lui, content d'aimer Jésus et de connaître
Le sens prodigieux de ses simples discours,
Il met en Dieu son cœur, ses sens et tout son être,

Respirant l'humble fleur de ses chastes amours,
Ne prenant que l'odeur de la race éternelle,
Ne cueillant pas le fruit qui réjouit toujours.

Car cette part amère à la race charnelle,
C'est la part du mystère et la part du lion,
Et c'est votre avenir, Seigneur, qui couve en elle.

Car nous sommes les fils de la rébellion ;
Nos fronts sont irrités et nos cœurs taciturnes,
Et la mort est pour nous la loi du talion.

Fils du désir d'Adam sous des ailes nocturnes,
Engendrés hors la loi des chastes paradis,
Nous errons sur la terre, et puisons dans nos urnes,

Avec des vins impurs l'oubli des jours maudits ;
Partageant nos trésors tout pleins de convoitise,
Tel autour d'une table un groupe de bandits.

Mais peut-être qu'un jour, sous les yeux de l'Église,
Verra luire l'époux comme un diamant pur,
Et l'épouse fleurir comme une perle exquise.

Et ce couple idéal brûlera d'un feu sûr.
Jésu Jackna Feb 2020
Un amant ailé

Soleil éthéré d’été
Laissez-moi être ton Icare
Même si je tombe sur la mer
Blessez mes faibles ailes
Brûlez mes yeux du cristal
Pour avoir du plaisir de vous regarder
Seulement une fois dans l’aube

Tomber amoureux, ce n’est pas un canular
Mais comment peux-je dire si vous me trompez ou pas ?
Serez-vous capable de me susurrer des illusions ?
Serais-je capable d’être le guignol de tes mains ?




Larmes d’or
Dessous kilos du sel
Personne n’écoute le son des souffrances invisibles
Néanmoins, comment pourrais-je demeurer dans vos oreilles ?  
Quand l’air, c’est l’eau
Et quand mes veines ont des poissons,
Toujours cannibales,
En nageant dans le liquide sanglant.

Serra ici le vide n’est plus un chose à craindre ?
Serra l’amour qui donne l’heure obscure ?
Alors, on paralysera et tombera sur un dimensionnelle lagune ?
Sans savoir où ou qui je serais
Malgré une existence n’est pas une réalité
Sans vous, les flammes, dans mon cœur avare
À Stéphane Mallarmé


Il parle italien avec un accent russe.

Il dit : « Chère, il serait précieux que je fusse

Riche, et seul, tout demain et tout après-demain.

Mais riche à paver d'or monnayé le chemin

De l'Enfer, et si seul qu'il vous va falloir prendre

Sur vous de m'oublier jusqu'à ne plus entendre

Parler de moi sans vous dire de bonne foi :

Qu'est-ce que ce monsieur Félice ? Il vend de quoi ? »


Cela s'adresse à la plus blanche des comtesses.


Hélas ! toute grandeurs, toutes délicatesses,

Cœur d'or, comme l'on dit, âme de diamant,

Riche, belle, un mari magnifique et charmant

Qui lui réalisait toute chose rêvée,

Adorée, adorable, une Heureuse, la Fée,

La Reine, aussi la Sainte, elle était tout cela,

Elle avait tout cela.

Cet homme vint, vola

Son cœur, son âme, en fit sa maîtresse et sa chose

Et ce que la voilà dans ce doux peignoir rose

Avec ses cheveux d'or épars comme du feu,

Assise, et ses grands yeux d'azur tristes un peu.


Ce fut une banale et terrible aventure

Elle quitta de nuit l'hôtel. Une voiture

Attendait. Lui dedans. Ils restèrent six mois

Sans que personne sût où ni comment. Parfois

On les disait partis à toujours. Le scandale

Fut affreux. Cette allure était par trop brutale

Aussi pour que le monde ainsi mis au défi

N'eût pas frémi d'une ire énorme et poursuivi

De ses langues les plus agiles l'insensée.

Elle, que lui faisait ? Toute à cette pensée,

Lui, rien que lui, longtemps avant qu'elle s'enfuît,

Ayant réalisé son avoir (sept ou huit

Millions en billets de mille qu'on liasse

Ne pèsent pas beaucoup et tiennent peu de place.)

Elle avait tassé tout dans un coffret mignon

Et le jour du départ, lorsque son compagnon

Dont du rhum bu de trop rendait la voix plus tendre

L'interrogea sur ce colis qu'il voyait pendre

À son bras qui se lasse, elle répondit : « Ça

C'est notre bourse. »

Ô tout ce qui se dépensa !

Il n'avait rien que sa beauté problématique

(D'autant pire) et que cet esprit dont il se pique

Et dont nous parlerons, comme de sa beauté,

Quand il faudra... Mais quel bourreau d'argent ! Prêté,

Gagné, volé ! Car il volait à sa manière,

Excessive, partant respectable en dernière

Analyse, et d'ailleurs respectée, et c'était

Prodigieux la vie énorme qu'il menait

Quand au bout de six mois ils revinrent.


Le coffre

Aux millions (dont plus que quatre) est là qui s'offre

À sa main. Et pourtant cette fois - une fois

N'est pas coutume - il a gargarisé sa voix

Et remplacé son geste ordinaire de prendre

Sans demander, par ce que nous venons d'entendre.

Elle s'étonne avec douceur et dit : « Prends tout

Si tu veux. »

Il prend tout et sort.


Un mauvais goût

Qui n'avait de pareil que sa désinvolture

Semblait pétrir le fond même de sa nature,

Et dans ses moindres mots, dans ses moindres clins d'yeux,

Faisait luire et vibrer comme un charme odieux.

Ses cheveux noirs étaient trop bouclés pour un homme,

Ses yeux très grands, tout verts, luisaient comme à Sodome.

Dans sa voix claire et lente un serpent s'avançait,

Et sa tenue était de celles que l'on sait :

Du vernis, du velours, trop de linge, et des bagues.

D'antécédents, il en avait de vraiment vagues

Ou pour mieux dire, pas. Il parut un beau soir,

L'autre hiver, à Paris, sans qu'aucun pût savoir

D'où venait ce petit monsieur, fort bien du reste

Dans son genre et dans son outrecuidance leste.

Il fit rage, eut des duels célèbres et causa

Des morts de femmes par amour dont on causa.

Comment il vint à bout de la chère comtesse,

Par quel philtre ce gnome insuffisant qui laisse

Une odeur de cheval et de femme après lui

A-t-il fait d'elle cette fille d'aujourd'hui ?

Ah, ça, c'est le secret perpétuel que berce

Le sang des dames dans son plus joli commerce,

À moins que ce ne soit celui du Diable aussi.

Toujours est-il que quand le tour eut réussi

Ce fut du propre !


Absent souvent trois jours sur quatre,

Il rentrait ivre, assez lâche et vil pour la battre,

Et quand il voulait bien rester près d'elle un peu,

Il la martyrisait, en manière de jeu,

Par l'étalage de doctrines impossibles.


· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·


Mia, je ne suis pas d'entre les irascibles,

Je suis le doux par excellence, mais, tenez,

Ça m'exaspère, et je le dis à votre nez,

Quand je vous vois l'œil blanc et la lèvre pincée,

Avec je ne sais quoi d'étroit dans la pensée

Parce que je reviens un peu soûl quelquefois.

Vraiment, en seriez-vous à croire que je bois

Pour boire, pour licher, comme vous autres chattes,

Avec vos vins sucrés dans vos verres à pattes

Et que l'Ivrogne est une forme du Gourmand ?

Alors l'instinct qui vous dit ça ment plaisamment

Et d'y prêter l'oreille un instant, quel dommage !

Dites, dans un bon Dieu de bois est-ce l'image

Que vous voyez et vers qui vos vœux vont monter ?

L'Eucharistie est-elle un pain à cacheter

Pur et simple, et l'amant d'une femme, si j'ose

Parler ainsi consiste-t-il en cette chose

Unique d'un monsieur qui n'est pas son mari

Et se voit de ce chef tout spécial chéri ?

Ah, si je bois c'est pour me soûler, non pour boire.

Être soûl, vous ne savez pas quelle victoire

C'est qu'on remporte sur la vie, et quel don c'est !

On oublie, on revoit, on ignore et l'on sait ;

C'est des mystères pleins d'aperçus, c'est du rêve

Qui n'a jamais eu de naissance et ne s'achève

Pas, et ne se meut pas dans l'essence d'ici ;

C'est une espèce d'autre vie en raccourci,

Un espoir actuel, un regret qui « rapplique »,

Que sais-je encore ? Et quant à la rumeur publique,

Au préjugé qui hue un homme dans ce cas,

C'est hideux, parce que bête, et je ne plains pas

Ceux ou celles qu'il bat à travers son extase,

Ô que nenni !


· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·


« Voyons, l'amour, c'est une phrase

Sous un mot, - avouez, un écoute-s'il-pleut,

Un calembour dont un chacun prend ce qu'il veut,

Un peu de plaisir fin, beaucoup de grosse joie

Selon le plus ou moins de moyens qu'il emploie,

Ou pour mieux dire, au gré de son tempérament,

Mais, entre nous, le temps qu'on y perd ! Et comment !

Vrai, c'est honteux que des personnes sérieuses

Comme nous deux, avec ces vertus précieuses

Que nous avons, du cœur, de l'esprit, - de l'argent,

Dans un siècle que l'on peut dire intelligent

Aillent !... »


· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·


Ainsi de suite, et sa fade ironie

N'épargnait rien de rien dans sa blague infinie.

Elle écoutait le tout avec les yeux baissés

Des cœurs aimants à qui tous torts sont effacés,

Hélas !

L'après-demain et le demain se passent.

Il rentre et dit : « Altro ! Que voulez-vous que fassent

Quatre pauvres petits millions contre un sort ?

Ruinés, ruinés, je vous dis ! C'est la mort

Dans l'âme que je vous le dis. »

Elle frissonne

Un peu, mais sait que c'est arrivé.

- « Ça, personne,

« Même vous, diletta, ne me croit assez sot

Pour demeurer ici dedans le temps d'un saut

De puce. »

Elle pâlit très fort et frémit presque,

Et dit : « Va, je sais tout. » - « Alors c'est trop grotesque

Et vous jouez là sans atouts avec le feu.

- « Qui dit non ? » - « Mais je suis spécial à ce jeu. »

- « Mais si je veux, exclame-t-elle, être damnée ? »

- « C'est différent, arrange ainsi ta destinée,

« Moi, je sors. » « Avec moi ! » - « Je ne puis aujourd'hui. »

Il a disparu sans autre trace de lui

Qu'une odeur de soufre et qu'un aigre éclat de rire.


Elle tire un petit couteau.

Le temps de luire

Et la lame est entrée à deux lignes du cœur.

Le temps de dire, en renfonçant l'acier vainqueur :

« À toi, je t'aime ! » et la justice la recense.


Elle ne savait pas que l'Enfer c'est l'absence.
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer **** de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au **** descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Je veus lire en trois jours l'Iliade d'Homere,
Et pour-ce, Corydon, ferme bien l'huis sur moy.
Si rien me vient troubler, je t'asseure ma foy
Tu sentiras combien pesante est ma colere.


Je ne veus seulement que nostre chambriere
Vienne faire mon lit, ton compagnon, ny toy,
Je veus trois jours entiers demeurer à requoy,
Pour follastrer apres une sepmaine entiere.


Mais si quelqu'un venoit de la part de Cassandre,
Ouvre lui tost la porte, et ne le fais attendre,
Soudain entre en ma chambre, et me vien accoustrer.


Je veus tant seulement à luy seul me monstrer :
Au reste, si un Dieu vouloit pour moy descendre
Du ciel, ferme la porte, et ne le laisse entrer.
On dit que les désirs des mères
Pendant qu'elles portent l'enfant,
Fussent-ils d'étranges chimères,
Le marquent d'un signe vivant ;

Que ce stigmate est une image
De l'objet qu'elles ont rêvé,
Qu'il croît et s'incruste avec l'âge,
Qu'il ne peut pas être lavé !

Et le vœu, bizarre ou sublime,
Formé dès avant le berceau,
Comme dans la chair il s'imprime,
Peut marquer l'âme de son sceau.

Quel fut donc ton cruel caprice,
Le jour où tu conçus mon cœur,
Ô toi, pourtant ma bienfaitrice,
Toi qui m'as légué ta douleur ?

Quand tu m'aimais sans me connaître,
Pâle et déjà ma mère un peu,
Un nuage voguait peut-être
Comme une île blanche au ciel bleu ;

Et n'as-tu pas dit : « Qu'on m'y mène !
C'est là que je veux demeurer ! »
L'oasis était surhumaine,
Et l'infini t'a fait pleurer.

Tu crias : « Des ailes, des ailes ! »
Te soulevant pour défaillir...
Et ces heures-là furent celles
Où tu m'as senti tressaillir.

De là vient que toute ma vie,
Halluciné, faible, incertain,
Je traîne l'incurable envie
De quelque paradis lointain...

— The End —