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Ce n'est pas parce que
Ce sont des mots doux
Que
Les mots sont confits et éternels.
Les mots peuvent aussi bien être
Fumés,
Salés
Sans sel,
Cochons,
Tabous,
Amers ou aigres-doux.

Il y a des mots qui fondent dans la bouche
Comme des bonbons acidulés
Et d'autres qu'il faut mâcher
Consciencieusement
Pendant des heures
Pour qu'ils rendent leur jus de jade pressé.

D'autres qu'on congèle
Qu'on conserve dans l 'alcool
Ou le formol.

Il y a des mots qu'on préserve
Dans des réserves indigènes
Et d'autres qu'on fume à froid
Au bois de hêtre :
Tous meurent un jour ou l'autre
Sans crier gare
Dans un quart de soupir
De la même mort douce.

Il y a même les mots sans sel,
Fades,
Sans saumure,
Qui sont des nébuleuses
Des nids à étoiles
Qui piquent
Comme le piment et les fourmis rouges
Et qui vous embaument de mer lente
Aux alentours de la onzième heure.

Ceux-là comme les autres
Sont voués à disparaître de mort douce.
Cette petite mort en pente douce.

Et ils y vont en bégayant leur mot de passe
A travers les chemins de traverse
Dans le parc sous-marin de nos mémoires
Jusqu'à ce qu'ils trouvent leur place réservée
Au  cimetière des mots morts
De leur belle mort
De leur bonne mort
De leur petite mort.
Certains d'envie
Certains de crise cardiaque
Certains de soif
Certains de noyade
Certains de peur
Certains d'avoir trop vécu
Certains de faim
Certains de honte
Certains de n'avoir pas assez vécu
Certains de rire.
Muse méduse, vierge et tremblante séductrice
Tu m'as demandé de te conter fleurette
Avec des mots fleuris
Avec des mots obscènes
Une fois qu'on serait intimes
Des mots cochons
Des mots sales, crus, cuits et recuits
Des mots tabous, interdits
Indécents et lubriques
Et je t'ai demandé de me fournir un échantillon
Et tu m'as dit que tu n'en possédais aucun.

J'ai cherché en vain un mot qui pourrait te plaire à entendre,
Ma chérie miel
Et aussi bien me plaire à te murmurer à l'oreille
En plein badinage et tripotage
Quelque chose qui véhicule l'idée de muse
Et dans allumeuse il y a muse
Mais allumeuse n 'est pas cochon
J 'ai pensé à fille de joie, fille de vie, traînée, souillon,
Ma cochonne, ma gueuse
Obscènes d'un tout autre âge
Et c'est alors que j'ai entrevu un instant
De te chuchoter catin à l'oreille.
Catin ça fait penser à câlin c'est un avantage
Mais ça fait aussi penser à salope et ça je n 'ai pas trouvé très élégant,
Même quitte à ajouter merveilleuse juste devant,
Ni putain ni **** d'ailleurs, même avec magnifique ou tendre,
Je suis donc revenu en catimini à catin.
Catin de katharina la parfaite, de katharos, pur en grec
Catin de Catherine le diminutif
Ma petite muse catin à moi, ma poupée dévote orthodoxe
Et perverse juste à point comme j'aime
Catin precieuse comme Manon Lescaut, soprano
Et j 'ai laissé le mot tabou macérer dans ma bouche vile quatre jours et quart.
Un jour peut-être j'aurai l 'envie et le courage de te le dire en plein déluge.
Peut-être dans une autre langue.
En anglais par exemple strumpet, trollop, bawd
En portugais meretriz
En roumain cocota
En allemand wanderhure
Tu m'appelleras alors fripon, chevalier des Grieux, ténor,
Tu me demanderas alors de te chanter des chansons cochonnes
Sur des airs de Massenet ou de Puccini
Des chansons à boire, polissonnes
Que je te chanterai à tue-tête pendant l'acte.
Tu voudras me cravacher avec une plume de paon
Pendant que tu me monteras
Ou joueras à l'infirmière
On fera l'amour sur les bancs publics
Discrètement et sûrement
Et tu ne porteras pas ta petite culotte bleue
Imprimée de rares papillons morpho
On échangera nos fantasmes
Comme quand petits on échangeait nos images ou nos billes
Tout ce que nous n'avons jamais fait
Tout ce que nous rêvons de faire ensemble
On parlera de se baîllonner, de s'entraver, de s'attacher
de se mettre un bandeau sur les yeux
On improvisera
Tu seras Poppy la cosmonaute
Et moi E.T. le martien.
Tu seras Apollo VIII
Et moi Cap Canaveral
Obscènes et heureux
Complices
Nus et sincères et amoureux
Dans un voyage intersidéral d'aller-retours
Entre la Terre et la Lune
Saturne et ses lunes
En apesanteur
Pour deux éternités.

— The End —