Submit your work, meet writers and drop the ads. Become a member
Paul d'Aubin Dec 2013
Ulysse, la Méditerranée et ses rapports avec les  Femmes.

Parti à contre cœur, ayant même contrefait le fou, pour se soustraire à la guerre et élever ton fils Télémaque, tu dus partir à Troie, et sus t'y montrer brave, mais surtout fin stratège.
La guerre fut bien longue, pas du tout comme celle que chantait les Aèdes. L'ennemi ressemblait tant à nos guerriers Achéens, courageux et aussi sûrs de leur droit que nous l'étions du notre. Que de sang, que de peine ! Tu vis périr Patrocle, ne pus sauver Achille ; et les morts aux corps déchiquetés par les épées se substituèrent aux coupes de ce vin si enivrant qu'est la rhétorique guerrière et à la funeste illusion d'une victoire facile. Ulysse tu eus l'idée de bâtir ce grand vaisseau dont la proue figurait une tête de cheval. Ainsi les Achéens purent entrer dans le port forteresse si bien gardé. Mais quand la nuit noire et le vin mêlés ôtèrent aux courageux Troyens leur vigilance et leur garde, vous sortirent alors des flancs du bateau et vous précipitèrent pour ouvrir grands les portes aux guerriers Achéens. La suite fut un grand carnage de guerriers Troyens mais aussi de non combattants et même de femmes. Et Troie, la fière, la courageuse ne fut plus ville libre et les survivants de son Peuple connurent l'esclavage. Aussi quand Troie fut conquise et que ses rue coulèrent rouges du sang vermeil de ses défenseur, mais aussi de nombreux civils, tu songeas à retourner chez toi, car tu étais roi, et ton fils Télémaque aurait besoin de toi et Pénélope t'aimait. Les souvenirs d'émois et de tendres caresses faisaient encore frissonner la harpe de ton corps de souvenirs très doux. C'est alors que tu dus affronter la Déesse Athéna et ton double, tous deux vigilants, à tester ta sincérité et ta constance. Oh, toi Homme volage et point encore rassasié de voyages et de conquêtes. L'étendue de la mer te fut donnée comme le théâtre même de ta vérité profonde. Après bien des voyages et avoir perdu nombre de tes compagnons, tu fus poussé dans l'île de la nymphe Calypso. Cette immortelle à la chevelure, si joliment bouclée se trouvait dans son île d'arbustes odoriférants. Aussi fit-elle tout pour te garder. Toi-même, tu lui trouvas de l'ardeur et des charmes même si durant le jour tu te laissais aller à la nostalgie d'Ithaque. La belle immortelle te proposas, pour te garder, de te donner cet attribut si recherché qui empêche à jamais de sombrer dans le sommeil perpétuel. Mais toi, Ulysse, tu préféras garder ton destin d'homme mortel et ton inguérissable blessure pour Ithaque. Après sept années d’une prison si douce, l'intervention d'Athéna te rendit aux aventures de la Mer. Tu accostas, avec tes compagnons sur la côte d’une île malfaisante. C'était la demeure des Cyclopes. Parmi ce Peuple de géants, le cyclope Polyphème habitait une grotte profonde d'où il faisait rentrer chaque soir son troupeau. Ulysse quelle folie traversa ton esprit et celui de tes compagnons que de vouloir pénétrer dans cette antre maudite, mû à la fois par la curiosité et la volonté de faire quelques larcins de chèvres ? Vous payèrent bien cher cette offense par la cruelle dévoration que fit l'infâme Polyphème de plusieurs de tes compagnons dont vous entendîtes craquer les os sous la mâchoire du sauvage. Aussi votre courage fut renforcé par votre haine lorsque vous lui plantèrent l'épieu dans son œil unique alors que sa vigilance venait d'être endormie par le vin. Les barques ayant mouillés dans l'île d'Aiaé, tes compagnons imprudents furent transformés en pourceaux par la belle et cruelle Magicienne Circée. Doté d'un contre poison à ses filtres, tu ne restas cependant pas insensible aux charmes de la belle Magicienne mais tu lui fis prononcer le grand serment avant de répondre à tes avances. Elle accepta pour faire de toi son amant de redonner leur forme humaine à tes compagnons, Et vos nuits furent tendres, sensuelles et magiques car la Magicienne excellait dans les arts de l'amour et il en naquit un fils. Toi le rusé et courageux Ulysse, tu espérais enfin voguer avec délice sur une mer d'huile parcourue par les reflets d'argent des poissons volants et te réjouir des facéties des dauphins, Mais c'était oublier et compter pour peu la rancune de Poséidon, le maître des eaux, rendu furieux par le traitement subi par son fils Polyphème. C'est pour cela qu'une masse d'eau compacte, haute comme une haute tour avançant au grand galop ébranla et engloutit ton solide radeau. Seul ton réflexe prompt de t'accrocher au plus grand des troncs te permis de plonger longuement au fonds des eaux en retenant longtemps ton souffle avant d’émerger à nouveaux. La troisième des belles que ton voyage tumultueux te fit rencontrer fut la jeune Nausicaa, fille du roi des Phéaciens, Alcinoos. Celle-ci, dans la floraison de sa jeunesse, ardente et vive, ne cédait en rien à l'éclat des plus belles et subtiles fleurs. Guidée par la déesse Athéna, elle vint auprès du fleuve ou tu dormais laver les habits royaux avec ses suivantes. Les voix des jeunes filles t'éveillèrent. Dans ta détresse et ta nudité, tu jetas l'effroi parmi les jeunes filles. Seule Nausicaa eut le courage de ne pas fuir et d'écouter ta demande d'aide. Elle rappela ses suivantes et te fit vêtir après que ton corps ait été lavé par l'eau du fleuve et enduit d'huile fine. Tu retrouvas ta force et ta beauté. Aussi Nausicaa vit en toi l'époux qu'elle désirait. Mais, ta nostalgie d'Ithaque fut encore plus forte. Alors Nausicaa te pria seulement, en ravalant ses larmes, de ne point oublier qu'elle t'avait sauvé des flots. Amené tout ensommeillé dans le vaisseau mené par les rameurs Phéaciens si bien aguerris à leur tâche, tu étais comme bercé par le bruit régulier des rames et le mouvement profond d'une mer douce mais étincelante. C'était comme dans ces rêves très rares qui vous mènent sur l'Olympe. Jamais tu ne te sentis si bien avec ce goût d’embrun salé sur tes lèvres et ce bruit régulier et sec du claquement des rames sur les flots. Tu éprouvas la sensation de voguer vers un nouveau Monde. Ce fut, Ulysse, l'un des rares moments de félicité absolue dans une vie de combats, de feu et du malheur d'avoir vu périr tous tes valeureux compagnons. Ulysse revenu dans ton palais, déguisé en mendiants pour châtier les prétendants, tu triomphas au tir à l'arc. Mais l'heure de la vindicte avait sonné. La première de tes flèches perça la gorge d'Antinoos, buvant sa coupe. Nul ne put te fléchir Ulysse, pas même, l'éloquent Eurymaque qui t'offrait de t'apporter réparations pour tes provisions goulument mangés et tes biens dilapidés. Le pardon s'effaça en toi car l'offense faite à ta femme et à ton fils et à ton honneur était trop forte. Aussi tu n'eus pas la magnanimité de choisir la clémence et le sang coula dans ton palais comme le vin des outres. Pas un des prétendants ne fut épargné à l'exception du chanteur de Lyre, Phénios et du héraut Médon qui avait protégé Télémaque.
Mais Ulysse, tu ne fus pas grand en laissant condamner à la pendaison hideuse, douze servantes qui avaient outragé Pénélope et partagé leur couche avec les prétendants. Ulysse tu fus tant aimé des déesses, des nymphes et des femmes et souvent sauvé du pire par celles qui te donnèrent plaisir et descendance. Mais obsédé par tes roches d'Ithaque ne sus pas leur rendre l'amour qu'elles te portèrent. Tu ne fus pas non plus à la hauteur de la constance et de la fidélité de Pénélope. Mais Ulysse poursuivi par la fatalité de l'exil et de l'errance et la rancune de Poséidon, tu fus aussi le préféré de la déesse Athéna qui fit tant et plus pour te sauver maintes fois de ta perte. Cette déesse fut la vraie sauvegarde de ta vie aventureuse et les femmes qui te chérirent t'apportèrent maintes douceurs et consolations dans ta vie tumultueuse.

Paul Arrighi, Toulouse, (France) 2013.
EM Dec 2014
Il avait le regard le plus doux qu'elle n'aie jamais vu et un sourire a en mourir.. pour combien de temps celui ci va t'il durer? Ce demande -elle en le contemplant.. Elle adorait le regarder entrain d’étudier. elle trouvait un grand charme dans son côté travailleur. Les opposés s'attirent se dit elle avec un léger sourire.. Évidement ils étaient des opposés. Il était romantique, elle ne l'était pas. Il était sérieux, elle ne l'était pas du tout. Il aimait le chocolat blanc, elle le détestait. Il aimait le whisky, elle ne le supportait pas.. mais pourtant il a su la conquérir: ce qu'elle n'aimait pas admettre; elle a toujours essayer d'éviter l'amour qui, pour elle, était un synonyme de peine et misère, dieu sait que sa dernière -et d’ailleurs première- confrontation avec ce dernier n'as pas était des plus joyeuse et elle aurait préférer mourir mille fois avant de retomber dans ce tourbillon de pleurs et d'agonie amoureuse, mais pourtant maintenant plus que tout elle adorait sa présence, entendre sa respiration de bébé, son rire, ses mots doux, son tout, elle l'adorait finalement lui ,car, voyez vous, certains gens donnent valeur au choses, certains gens on devrait jamais les laisser partir, certains gens méritent tout l'amour qu'on leur donne, ils rendent les choses meilleur, ils sont tout simplement des anges, des cadeaux de dieu et lui faisait partie de ces gens ce qui fait qu'il a vite pris une place dans son cœur en dissipant ses doutes et ses peurs, prenant possession complète de celui ci et a fait de sa présence un élément indispensable chez elle, qui trouvait quelque chose de dévastateur, voir effrayant dans son absence.. tel faire face à sa plus grande peur.. un mélange de tristesse, de peur, de curiosité et en même temps un immense vide s'emparent d'elle a chaque fois qu'il s'en va..  elle ne sait pas, elle ne sait juste pas comment ce gars est devenu si important, si vital pour elle mais il l'est, peut être serait-il "le bon"? elle l’espérait anxieusement. elle avait hâte de se réveiller chaque matin a ses cotés, de passer ses jours avec lui ayant des fous rires, parlant de tout et de rien, jouant comme des gamins, construisant leurs rêves ensemble et de passer ses nuits a lui faire passionnément l'amour ou a se blottir dans ses bras en attendant que Morphée vienne l'emmener ****, **** dans un monde ou elle rêvera de lui, de ses lèvres parfaites, de sa douce barbe et  la chaleur de son enlacement. oui, elle avait hâte pour tout ça, elle avait hâte pour lui, mais quelque chose en elle, un monstre habitant les pénombres de son âme, lui disait de se méfier et de prendre ses distances avec lui, se monstre était sa raison. dans le monde fou, absurde, empirique, irrationnel, farfelue,fantaisiste, antilogique, et confus de l'amour la raison est un monstre désastreux, se trouvant alors déchirée entre son idiot de cœur et sa stricte raison elle se rappela de quelque chose qu'il lui a dit. "quand j'ai des doutes,quand des questions mal saines me tiennent, quand n'importe quel chose arrive, je ne donne a moi même qu'une seule repense, je me dit que je t'aime, et cela est toujours suffisant pour faire disparaître tout de mal, rien d'autre n'as d'importance" "je l'aime" se dit-elle alors écrasant le monstre de son jugement et en se rapprochant de lui avec un regard coquin qui en disait long sur ses intentions pour ce soir.
Paul d'Aubin Jul 2014
Ulysse adoré par les Femmes, les  Nymphes , protégé par Athéna et traqué par Poséidon.


Parti à contrecœur, ayant même contrefait le fou, pour se soustraire à la guerre et élever ton fils Télémaque, tu dus partir à Troie, et sus t'y montrer brave mais surtout fin stratège.
La guerre fut bien longue, pas du tout comme celle que chantaient les Aèdes. L'ennemi ressemblait tant à nos guerriers Achéens, courageux et aussi sûrs de leur droit que nous l'étions du notre.
Que de sang, que de peine ! Tu vis périr Patrocle, ne pus sauver Achille; et les morts aux corps déchiquetés par les épées se substituèrent aux coupes de ce vin si enivrant qu'est la rhétorique guerrière et à la funeste illusion d'une victoire facile.

Ulysse tu eus l'idée de bâtir ce grand vaisseau dont la proue figurait une tête de cheval. Ainsi les Achéens purent entrer dans le port forteresse si bien gardé. Mais quand la nuit noire et le vin mêlés ôtèrent aux courageux Troyens leur vigilance et leur garde, vous sortirent alors des flancs du bateau et vous précipitèrent pour ouvrir grands les portes aux guerriers Achéens.
La suite fut un grand carnage de guerriers Troyens mais aussi de non combattants et même de femmes. Et Troie, la fière, la courageuse ne fut plus ville libre et les survivants de son Peuple connurent l'esclavage.

Aussi quand Troie fut conquise et que ses rue coulèrent rouges du sang vermeil de ses défenseur, mais aussi de nombreux civils, tu songeas à retourner chez toi, car tu étais roi, et ton fils Télémaque aurait besoin de toi et Pénélope t'aimait. Les souvenirs d'émois et de tendres caresses faisaient encore frissonner la harpe de ton corps de souvenirs très doux.
C'est alors que tu dus affronter la Déesse Athéna et ton double, tous deux vigilants, a tester ta sincérité et ta constance. Oh, toi Homme volage et point encore rassasié de voyages et de conquêtes. L'étendue de la mer te fut donnée comme le théâtre même de ta vérité profonde.


Après bien des voyages et avoir perdu nombre de tes compagnons, tu fus poussé dans l'île de la nymphe Calypso.
Cette immortelle à la chevelure, si joliment bouclée se trouvait dans son île d'arbustes odoriférants. Aussi fit-elle tout pour te garder. Toi-même, tu lui trouvas de l'ardeur et des charmes même si durant le jour tu te laissais aller à la nostalgie d'Ithaque.
La belle immortelle te proposas, pour te garder, de te donner cet attribut si recherché qui empêche à jamais de sombrer dans le sommeil perpétuel.
Mais toi, Ulysse, tu préféras garder ton destin d'homme mortel et ton inguérissable blessure pour Ithaque.

Après sept années d’une prison si douce, l'intervention d'Athéna te rendit aux aventures de la Mer. Tu accostas, avec tes compagnons sur la côte d’une île malfaisante. C’était la demeure des Cyclopes. Parmi ce Peuple de géants, le cyclope Polyphème habitait une grotte profonde d'où il faisait rentrer chaque soir son troupeau.
Ulysse quelle folie traversa ton esprit et celui de tes compagnons que de vouloir pénétrer dans cette antre maudite, mû à la fois par la curiosité et la volonté de faire quelques larcins de chèvres ? Vous payèrent bien cher cette offense par la cruelle dévoration que fit l'infâme Polyphème de plusieurs de tes compagnons dont vous entendîtes craquer les os sous la mâchoire du sauvage. Aussi votre courage fut renforcé par votre haine lorsque vous lui plantèrent l'épieu dans son œil unique alors que sa vigilance venait d'être endormie par le vin.

Les barques ayant mouillés dans l'île d'Aiaé, tes compagnons imprudents furent transformés en pourceaux par la belle et cruelle Magicienne Circée.
Doté d'un contre poison à ses filtres, tu ne restas cependant pas insensible aux charmes de la belle Magicienne mais tu lui fis prononcer le grand serment avant de répondre à tes avances.
Elle accepta pour faire de toi son amant de redonner leur forme humaine à tes compagnons,
Et vos nuits furent tendres, sensuelles et magiques car la Magicienne excellait dans les arts de l'amour et il en naquit un fils.

Toi le rusé et courageux Ulysse, tu espérais enfin voguer avec délice sur une mer d'huile parcourue par les reflets d'argent des poissons volants et te réjouir des facéties des dauphins,
Mais c'était oublier et compter pour peu la rancune de Poséidon, le maître des eaux, rendu furieux par le traitement subi par son fils Polyphème.
C'est pour cela qu'une masse d'eau compacte, haute comme une haute tour avançant au grand galop ébranla et engloutit ton solide radeau.
Seul ton réflexe prompt de t'accrocher au plus grand des troncs te permis de plonger longuement au fonds des eaux en retenant longtemps ton souffle avant d’émerger à nouveaux.

La troisième des belles que ton voyage tumultueux te fit rencontrer fut la jeune Nausicaa, fille du roi des Phéaciens, Alcinoos.
Celle-ci, dans la floraison de sa jeunesse, ardente et vive, ne cédait en rien à l'éclat des plus belles et subtiles fleurs. Guidée par la déesse Athéna, elle vint auprès du fleuve ou tu dormais laver les habits royaux avec ses suivantes. Les voix des jeunes filles t'éveillèrent. Dans ta détresse et ta nudité, tu jetas l'effroi parmi les jeunes filles. Seule Nausicaa eut le courage de ne pas fuir et d'écouter ta demande d'aide. Elle rappela ses suivantes et te fit vêtir après que ton corps ait été lavé par l'eau du fleuve et enduit d'huile fine. Tu retrouvas ta force et ta beauté. Aussi Nausicaa vit en toi l'époux qu'elle désirait. Mais, ta nostalgie d'Ithaque fut encore plus forte. Alors Nausicaa te pria seulement, en ravalant ses larmes, de ne point oublier qu'elle t'avait sauvé des flots.

Amené tout ensommeillé dans le vaisseau mené par les rameurs Phéaciens si bien aguerris à leur tâche, tu étais comme bercé par le bruit régulier des rames et le mouvement profond d'une mer douce mais étincelante. C'était comme dans ces rêves très rares qui vous mènent sur l'Olympe. Jamais tu ne te sentis si bien avec ce goût d’embrun salé sur tes lèvres et ce bruit régulier et sec du claquement des rames sur les flots. Tu éprouvas la sensation de voguer vers un nouveau Monde. Ce fut, Ulysse, l'un des rares moments de félicité absolue dans une vie de combats, de feu et du malheur d'avoir vu périr tous tes valeureux compagnons.

Ulysse revenu dans ton palais, déguisé en mendiants pour châtier les prétendants, tu triomphas au tir à l'arc. Mais l'heure de la vindicte avait sonné. La première de tes flèches perça la gorge d'Antinoüs, buvant sa coupe. Nul ne put te fléchir Ulysse, pas même, l'éloquent Eurymaque qui t'offrait de t'apporter réparations pour tes provisions goulument mangés et tes biens dilapidés. Le pardon s'effaça en toi car l'offense faite à ta femme et à ton fils et à ton honneur était trop forte. Aussi tu n'eus pas la magnanimité de choisir la clémence et le sang coula dans ton palais comme le vin des outres. Pas un des prétendants ne fut épargné à l'exception du chanteur de Lyre, Phénios et du héraut Médon qui avait protégé Télémaque. Mais Ulysse, tu ne fus pas grand en laissant condamner à la pendaison hideuse, douze servantes qui avaient outragé Pénélope et partagé leur couche avec les prétendants.

Ulysse tu fus tant aimé des déesses, des nymphes et des femmes et souvent sauvé du pire par celles qui te donnèrent plaisir et descendance. Mais obsédé par tes roches d'Ithaque ne sus pas leur rendre l'amour qu'elles te portèrent. Tu ne fus pas non plus à la hauteur de la constance et de la fidélité de Pénélope.
Mais Ulysse poursuivi par la fatalité de l'exil et de l'errance et la rancune de Poséidon, tu fus aussi le préféré de la déesse Athéna qui fit tant et plus pour te sauver maintes fois de ta perte. Cette déesse fut la vraie sauvegarde de ta vie aventureuse et les femmes qui te chérirent t'apportèrent maintes douceurs et consolations dans ta vie tumultueuse.

Paul Arrighi
The adventures of Ulysses in the Odyssey as beloved by Women and Nymphs protected by Athena and pursue by Poseidon
Dans le ciel gris des anges de faïence
Dans le ciel gris des sanglots étouffés
Il me souvient de ces jours de Mayence
Dans le Rhin noir pleuraient des filles-fées

On trouvait parfois au fond des ruelles
Un soldat tué d'un coup de couteau
On trouvait parfois cette paix cruelle
Malgré le jeune vin blanc des coteaux

J'ai bu l'alcool transparent des cerises
J'ai bu les serments échangés tout bas
Qu'ils étaient beaux les palais les églises
J'avais vingt ans Je ne comprenais pas

Qu'est-ce que je savais de la défaite
Quand ton pays est amour défendu
Quand il te faut la voix des faux-prophètes
Pour redonner vie à l'espoir perdu

Il me souvient de chansons qui m'émurent
Il me souvient des signes à la craie
Qu'on découvrait au matin sur les murs
Sans en pouvoir déchiffrer les secrets

Qui peut dire où la mémoire commence
Qui peut dire où le temps présent finit
Où le passé rejoindra la romance
Où le malheur n'est qu'un papier jauni

Comme l'enfant surprit parmi ses rêves
Les regards bleus des vaincus sont gênants
Le pas des pelotons à la relève
Faisait frémir le silence rhénan.
Adam était fort amoureux.
Maigre comme un clou, les yeux creux ;
Son Ève était donc bien heureuse
D'être sa belle Ève amoureuse,
Mais... fiez-vous donc à demain !
Un soir, en promenant sa main
Sur le moins beau torse du monde,
Ah !... sa surprise fut profonde !
Il manquait une côte... là.
Tiens ! Tiens ! que veut dire cela ?
Se dit Ève, en baissant la tête.
Mais comme Ève n'était pas bête,
Tout d'abord Ève ne fit rien
Que s'en assurer bel et bien.
« Vous, Madame, avec cette mine ?
Qu'avez-vous donc qui vous chagrine ? »
Lui dit Adam, le jour suivant.
« Moi, rien... dit Ève... c'est... le vent. »
Or, le vent donnait sous la plume,
Contrairement à sa coutume.
Un autre eût été dépité,
Mais comme il avait la gaieté
Inaltérable de son âge,
Il s'en fut à son jardinage
Tout comme si de rien n'était.

Cependant, Ève s'em...bêtait
Comme s'ennuie une Princesse.
« Il faut, nom de Dieu ! que ça cesse »,
Se dit Ève, d'un ton tranchant.
« Je veux le voir, oui, sur-le-champ »,
Je dirai : « Sire, il manque à l'homme
Une côte, c'est sûr ; en somme,
En général, ça ne fait rien,
Mais ce général, c'est le mien.
Il faut donc la lui donner vite.
Moi, j'ai mon compte, ça m'évite
De vous importuner ; mais lui,
N'a pas le sien, c'est un ennui.
Ce détail me gâte la fête.
Puisque je suis toute parfaite,
J'ai bien droit au mari parfait.
Il ne peut que dire : en effet »,
Ici la Femme devint... rose,

« Et s'il dit, prenant mal la chose :
« Ton Adam n'est donc plus tout nu !
Que lui-même il n'est pas venu ?
A-t-il sa langue dans sa poche ?
Sur la mèche où le cœur s'accroche,
La casquette à n'en plus finir ?
Est-il en train de devenir...
Soutenu ?... » Que répliquerai-je ?
La Femme ici devint... de neige.

Sitôt qu'Adam fut de retour
Ève passa ses bras autour
Du cou, le plus fort de son monde,
Et, renversant sa tête blonde,
Reçut deux grands baisers joyeux ;
Puis fermant à demi les yeux,
Pâmée au rire de sa bouche,
Elle l'attira vers sa couche,
Où, commençant à s'incliner,
L'on se mit à se lutiner.
Soudain : « Ah ! qu'as-tu là ? » fit Ève.
Adam parut sortir d'un rêve.
« Là... mais, rien... », dit-il. « Justement,
Tu n'as rien, comme c'est charmant !
Tu vois, il te manque une côte.
Après tout, ce n'est pas ta faute,
Tu ne dois pas te tourmenter ;
Mais sur l'heure, il faut tout quitter,
Aller voir le Prince, et lui dire
Ce qu'humblement ton cœur désire ;
Que tu veux ta côte, voilà.
Or, pour lui, qu'est-ce que cela ?
Moins que rien, une bagatelle. »
Et prenant sa voix d'Immortelle :
« Allons ! Monsieur... tout de ce pas. »
Ève changea de ritournelle,
Et lorsqu'Adam était... sur elle,
Elle répétait d'un ton las :
« Pourquoi, dis, que tu m'aimes pas ? »
« Mais puisque ça ne se voit pas »,
Dit Adam. « Ça se sent », dit Ève,
Avec sa voix sifflante et brève.

Adam partit à contrecœur,
Car dans le fond il avait peur
De dire, en cette conjoncture,
À l'Auteur de la créature :
Vous avez fait un pas de clerc
En ratant ma côte, c'est clair.
Sa démarche impliquait un blâme.
Mais il voulait plaire à sa femme.

Ève attendit une heure vingt
Bonnes minutes ; il revint
Souriant, la mine attendrie,
Et, baisant sa bouche fleurie,
L'étreignant de son bras musclé :
« Je ne l'ai pas, pourtant je l'ai.
Je la tiens bien puisque je t'aime,
Sans l'avoir, je l'ai tout de même. »

Ève, sentant que ça manquait
Toujours, pensa qu'il se moquait ;
Mais il lui raconta l'histoire
Qu'il venait d'apprendre, il faut croire,
De l'origine de son corps,
Qu'Ève était sa côte, et qu'alors...
La chose...

« Ah ! c'est donc ça..., dit-elle,
Que le jour, oui, je me rappelle,
Où nous nous sommes rencontrés
Dans les parterres diaprés,
Tu m'as, en tendant tes mains franches,
Dit : « Voici la fleur de mes branches,
Et voilà le fruit de ma chair ! »
« En effet, ma chère ! »

« Ah !... mon cher !
J'avais pris moi cette parole
Au figuré... Mais j'étais folle ! »

« Je t'avais prise au figuré
Moi-même », dit Adam, paré
De sa dignité fraîche éclose
Et qui lui prêtait quelque chose
Comme un ton de maître d'hôtel,
Déjà suffisamment mortel ;
« L'ayant dit un peu comme on tousse.
Vois, quand la vérité nous pousse,
Il faut la dire, malgré soi. »

« Je ne peux pas moi comme toi »,
Fut tout ce que répondit Ève.

La nuit s'en va, le jour se lève,
Adam saisit son arrosoir,
Et : « Ma belle enfant, à ce soir ! »
Sa belle enfant ! pauvre petite !
Elle, jadis sa... favorite,
Était son enfant, à présent.
Quoi ? Ce n'était pas suffisant
Qu'Adam n'eût toujours pas sa côte,
À présent c'était de sa faute !
Elle en avait les bras cassés !
Et ce n'était encore assez.
Il fallait cette côte absente
Qu'elle en parût reconnaissante !

Doux Jésus !
Tout fut bien changé.

Ève prit son air affligé,
Et lorsqu'Adam parmi les branches
Voyait bouder ses... formes blanches
Et que, ne pouvant s'en passer,
Il accourait, pour l'embrasser,
Tout rempli d'une envie affreuse :
« Ah ! que je suis donc malheureuse ! »
Disait Ève, qui s'affalait.

Enfin, un jour qu'Adam parlait
D'une voix trop brusque et trop haute :
« Pourquoi, dis, que t'as pas ta côte ? »

« Voyons ! vous vous... fichez de moi !
Tu le sais bien,... comment, c'est toi,
Toi, ma côte, qui se réclame ! »
« Ça n'empêche pas, dit la Femme,
À ta place, j'insisterais. »

« Si je faisais de nouveaux frais,
Dit Adam, j'aurais trop de honte.
Nous avons chacun notre compte,
Toi comme moi, tu le sais bien,
Et le Prince ne nous doit rien ;
Car nul en terme de boutique
Ne tient mieux son arithmétique. »
Ce raisonnement était fort,
Ève pourtant n'avait pas tort.

Sur ces entrefaites, la femme
S'en vint errer, le vague à l'âme,
Autour de l'arbre défendu.
Le serpent s'y trouvait pendu
Par la queue, il leva la tête.
« Ève, comme vous voilà faite ! »
Dit-il, en la voyant venir.

La pauvre Ève n'y put tenir ;
Elle lui raconta sa peine,
Et même fit voir... une veine.
Le bon Vieux en parut navré.
« Tiens ! Tiens ! dit-il ; c'est pourtant vrai.
Eh ! bien ! moi : j'ai votre remède ;
Et je veux vous venir en aide,
Car je sais où tout ça conduit.
Écoute-moi, prends de ce fruit. »
« Oh ! non ! » dit Ève « Et la défense ? »
« Ton prince est meilleur qu'il ne pense
Et ne peut vous faire mourir.
Prends cette pomme et va l'offrir
À ton mari, pour qu'il en mange,
Et, dit, entr'autres choses, l'Ange,
Parfaits alors, comme des Dieux,
En lui, plus de vide odieux !
Vois quelle épine je vous ôte.
Ce pauvre Adam aura sa côte. »
C'était tout ce qu'Ève voulait.
Le fruit était là qui parlait,
Ève étendît donc sa main blanche
Et le fit passer de la branche
Sous sa nuque, dans son chignon.

Ève trouva son compagnon
Qui dormait étendu sur l'herbe,
Dans une pose peu superbe,
Le front obscurci par l'ennui.

Ève s'assit auprès de lui,
Ève s'empara de la pomme,
Se tourna du côté de l'Homme
Et la plaçant bien sous son nez,
**** de ses regards étonnés :
« Tiens ! regarde ! la belle pêche ! »
- « Pomme », dit-il d'une voix sèche.
« Pêche ! Pêche ! » - « Pomme. » - « Comment ?
Ce fruit d'or, d'un rose charmant,
N'est pas une pomme bien ronde ?
Voyons !... demande à tout le monde ? »
- « Qui, tout le monde ? » Ève sourit :
« J'ai dit tout le monde ? » et reprit,
Lui prenant doucement la tête :
« Eh ! oui, c'est une pomme, bête,
Qui ne comprends pas qu'on voulait
T'attraper... Ah ! fi ! que c'est laid !
Pour me punir, mon petit homme,
Je vais t'en donner, de ma pomme. »
Et l'éclair de son ongle luit,
Qui se perd dans la peau du fruit.

On était au temps des cerises,
Et justement l'effort des brises,
Qui soufflait dans les cerisiers,
En fit tomber une à leurs pieds !

« Malheureuse ! que vas-tu faire ? »
Crie Adam, rouge de colère,
Qui soudain a tout deviné,
Veut se saisir du fruit damné,
Mais l'homme avait trouvé son maître.
« Je serai seule à la commettre »,
Dit Ève en éloignant ses bras,
Si hautaine... qu'il n'osa pas.

Puis très tranquillement, sans fièvres,
Ève met le fruit sur ses lèvres,
Ève le mange avec ses dents.

L'homme baissa ses yeux ardents
Et de ses mains voila sa face.

« Moi, que voulez-vous que j'y fasse ?
Dit Ève ; c'est mon bon plaisir ;
Je n'écoute que mon désir
Et je le contente sur l'heure.
Mieux que vous... qu'a-t-il donc ? il pleure !
En voulez-vous ?
Non, et pourquoi ?
Vous voyez, j'en mange bien, moi.
D'ailleurs, songez qu'après ma faute
Nous ne vivrons plus côte à côte,
On va nous séparer... c'est sûr,
On me l'a dit, par un grand mur.
En voulez-vous ? »
Lui, tout en larmes,
S'enfonçait, songeant à ses charmes,
Dans le royaume de Sa voix.
Enfin, pour la dernière fois
Prenant sa tête qu'Ève couche,
« En veux-tu, dis ? Ouvre ta bouche ! »

Et c'est ainsi qu'Adam mangea
À peu près tout, Ève déjà
N'en ayant pris qu'une bouchée ;
Mais Ève eût été bien fâchée
Du contraire, pour l'avenir.
Il a besoin de devenir
Dieu, bien plus que moi, pensait-Elle.

Quand l'homme nous l'eut baillé belle,
Tu sais ce qui lors arriva ;
Le pauvre Adam se retrouva
Plus bête qu'avant, par sa faute.
Car s'il eût su plaindre sa côte,
Son Ève alors n'eût point péché ;
De plus, s'il se fût attaché
À son Prince, du fond de l'âme,
S'il n'eût point écouté sa femme,
Ton cœur a déjà deviné
Que le Seigneur eût pardonné,
Le motif d'Ève, au fond valable,
N'ayant pas eu pour détestable
Suite la faute du mari.

Lequel plus **** fut bien chéri
Et bien dorloté par « sa chère »,
Mais quand, mécontent de la chère,
Il disait : « Je suis trop bon, moi !
- Sans doute, disait Ève, toi,
T'es-un-bon-bonhomme, sur terre,
Mais... tu n'as pas de caractère ! »
C'était l'heure chantante où, plus doux que l'aurore,
Le jour en expirant semble sourire encore,
Et laisse le zéphyr dormant sous les rameaux
En descendre avec l'ombre et flotter sur les eaux ;
La cloche dans la tour, lentement ébranlée,
Roulait ses longs soupirs de vallée en vallée,
Comme une voix du soir qui, mourant sur les flots,
Rappelle avant la nuit la nature au repos.
Les villageois, épars autour de leurs chaumières,
Cadençaient à ses sons leurs rustiques prières,
Rallumaient en chantant la flamme des foyers,
Suspendaient les filets aux troncs des peupliers,
Ou, déliant le joug de leurs taureaux superbes,
Répandaient devant eux l'or savoureux des gerbes ;
Puis, assis en silence au seuil de leurs séjours,
Attendaient le sommeil, ce doux prix de leurs jours.

Deux enfants du hameau, l'un pasteur du bocage,
L'autre jeune pêcheur de l'orageuse plage,
Consacrant à l'amour l'heure oisive du soir,
A l'ombre du même arbre étaient venus s'asseoir ;
Là, pour goûter le frais au pied du sycomore,
Chacun avait conduit la vierge qu'il adore :
Néaere et Naela, deux jeunes sœurs, deux lis
Que sur la même tige un seul souffle a cueillis.
Les deux amants, couchés aux genoux des bergères,
Les regardaient tresser les tiges des fougères.
Un tertre de gazon, d'anémones semé,
Étendait sous la pente un tapis parfumé ;
La mer le caressait de ses vagues plaintives ;
Douze chênes, courbant leurs vieux troncs sur ses rives,
Ne laissaient sous leurs feuilles entrevoir qu'à demi
Le bleu du firmament dans son flot endormi.
Un arbre dont la vigne enlaçait le feuillage
Leur versait la fraîcheur de son mobile ombrage ;
Et non **** derrière eux, dans un champ déjà mûr,
Où le pampre et l'érable entrelaçaient leur mur,
Ils entendaient le bruit de la brise inégale
Tomber, se relever, gémir par intervalle,
Et, ranimant les airs par le jour assoupis,
Glisser en bruissant entre l'or des épis.

Ils disputaient entre eux des doux soins de leur vie ;
Chacun trouvait son sort le plus digne d'envie :
L'humble berger vantait les doux soins des troupeaux,
Le pêcheur sa nacelle et le charme des eaux ;
Quand un vieillard leur dit avec un doux sourire :
- Chantez ce que les champs ou l'onde vous inspire !
Chantez ! Celui des deux dont la touchante voix
Saura mieux faire aimer les vagues ou les bois,
Des mais de la maîtresse à qui sa voix est chère
Recevra le doux prix de ses accords: Néaere,
Offrant à son amant le prix des moissonneurs,
A sa dernière gerbe attachera des fleurs ;
Et Naela, tressant les roses qu'elle noue,
De l'esquif du pêcheur couronnera la proue,
Et son mât tout le jour, aux yeux des matelots,
De ses bouquets flottants parfumera les flots.
Ainsi dit le vieillard. On consent en silence :
Le beau pêcheur médite, et le pasteur commence.

LE PASTEUR.

Quand l'astre du printemps, au berceau d'un jour pur,
Lève à moitié son front dans la changeant azur ;
Quand l'aurore, exhalant sa matinale haleine,
Épand les doux parfums dont la vallée est pleine,
Et, faisant incliner le calice des fleurs,
De la nuit sur les prés laisse épancher les pleurs,
Alors que du matin la vive messagère,
L'alouette, quittant son lit dans la fougère,
Et modulant des airs gais comme le réveil,
Monte, plane et gazouille au-devant du soleil :
Saisissant mes taureaux par leur corne glissante,
Je courbe sous le joug leur tête mugissante,
Par des nœuds douze fois sur leurs fronts redoublés,
J'attache au bois polis leurs membres accouplés ;
L'anneau brillant d'acier au timon les enchaîne,
J'entrelace à leur joug de longs festons de chêne,
Dont la feuille mobile et les flottants rameaux
De l'ardeur du midi protègent leurs naseaux.
À Catulle Mendès


La petite marquise Osine est toute belle,

Elle pourrait aller grossir la ribambelle

Des folles de Watteau sous leur chapeau de fleurs

Et de soleil, mais comme on dit, elle aime ailleurs

Parisienne en tout, spirituelle et bonne

Et mauvaise à ne rien redouter de personne,

Avec cet air mi-faux qui fait que l'on vous croit,

C'est un ange fait pour le monde qu'elle voit,

Un ange blond, et même on dit qu'il a des ailes.


Vingt soupirants, brûlés du feu des meilleurs zèles

Avaient en vain quêté leur main à ses seize ans,

Quand le pauvre marquis, quittant ses paysans

Comme il avait quitté son escadron, vint faire

Escale au Jockey ; vous connaissez son affaire

Avec la grosse Emma de qui - l'eussions-nous cru ?

Le bon garçon était absolument féru,

Son désespoir après le départ de la grue,

Le duel avec Gontran, c'est vieux comme la rue ;

Bref il vit la petite un jour dans un salon,

S'en éprit tout d'un coup comme un fou ; même l'on

Dit qu'il en oublia si bien son infidèle

Qu'on le voyait le jour d'ensuite avec Adèle.

Temps et mœurs ! La petite (on sait tout aux Oiseaux)

Connaissait le roman du cher, et jusques aux

Moindres chapitres : elle en conçut de l'estime.

Aussi quand le marquis offrit sa légitime

Et sa main contre sa menotte, elle dit : Oui,

Avec un franc parler d'allégresse inouï.

Les parents, voyant sans horreur ce mariage

(Le marquis était riche et pouvait passer sage)

Signèrent au contrat avec laisser-aller.

Elle qui voyait là quelqu'un à consoler

Ouït la messe dans une ferveur profonde.


Elle le consola deux ans. Deux ans du monde !


Mais tout passe !

Si bien qu'un jour qu'elle attendait

Un autre et que cet autre atrocement tardait,

De dépit la voilà soudain qui s'agenouille

Devant l'image d'une Vierge à la quenouille

Qui se trouvait là, dans cette chambre en garni,

Demandant à Marie, en un trouble infini,

Pardon de son péché si grand, - si cher encore

Bien qu'elle croie au fond du cœur qu'elle l'abhorre.


Comme elle relevait son front d'entre ses mains

Elle vit Jésus-Christ avec les traits humains

Et les habits qu'il a dans les tableaux d'église.

Sévère, il regardait tristement la marquise.

La vision flottait blanche dans un jour bleu

Dont les ondes voilant l'apparence du lieu,

Semblaient envelopper d'une atmosphère élue

Osine qui tremblait d'extase irrésolue

Et qui balbutiait des exclamations.

Des accords assoupis de harpes de Sions

Célestes descendaient et montaient par la chambre

Et des parfums d'encens, de cinnamome et d'ambre

Fluaient, et le parquet retentissait des pas

Mystérieux de pieds que l'on ne voyait pas,

Tandis qu'autour c'était, en cadences soyeuses,

Un grand frémissement d'ailes mystérieuses

La marquise restait à genoux, attendant,

Toute admiration peureuse, cependant.


Et le Sauveur parla :

« Ma fille, le temps passe,

Et ce n'est pas toujours le moment de la grâce.

Profitez de cette heure, ou c'en est fait de vous. »


La vision cessa.

Oui certes, il est doux

Le roman d'un premier amant. L'âme s'essaie,

C'est un jeune coureur à la première haie.

C'est si mignard qu'on croit à peine que c'est mal.

Quelque chose d'étonnamment matutinal.

On sort du mariage habitueux. C'est comme

Qui dirait la lueur aurorale de l'homme

Et les baisers parmi cette fraîche clarté

Sonnent comme des cris d'alouette en été,

Ô le premier amant ! Souvenez-vous, mesdames !

Vagissant et timide élancement des âmes

Vers le fruit défendu qu'un soupir révéla...

Mais le second amant d'une femme, voilà !

On a tout su. La faute est bien délibérée

Et c'est bien un nouvel état que l'on se crée,

Un autre mariage à soi-même avoué.

Plus de retour possible au foyer bafoué.

Le mari, débonnaire ou non, fait bonne garde

Et dissimule mal. Déjà rit et bavarde

Le monde hostile et qui sévirait au besoin.

Ah, que l'aise de l'autre intrigue se fait **** !

Mais aussi cette fois comme on vit ; comme on aime,

Tout le cœur est éclos en une fleur suprême.

Ah, c'est bon ! Et l'on jette à ce feu tout remords,

On ne vit que pour lui, tous autres soins sont morts.

On est à lui, on n'est qu'à lui, c'est pour la vie,

Ce sera pour après la vie, et l'on défie

Les lois humaines et divines, car on est

Folle de corps et d'âme, et l'on ne reconnaît

Plus rien, et l'on ne sait plus rien, sinon qu'on l'aime !


Or cet amant était justement le deuxième

De la marquise, ce qui fait qu'un jour après,

- Ô sans malice et presque avec quelques regrets -

Elle le revoyait pour le revoir encore.

Quant au miracle, comme une odeur s'évapore,

Elle n'y pensa plus bientôt que vaguement.


Un matin, elle était dans son jardin charmant,

Un matin de printemps, un jardin de plaisance.

Les fleurs vraiment semblaient saluer sa présence,

Et frémissaient au vent léger, et s'inclinaient

Et les feuillages, verts tendrement, lui donnaient

L'aubade d'un timide et délicat ramage

Et les petits oiseaux, volant à son passage,

Pépiaient à plaisir dans l'air tout embaumé

Des feuilles, des bourgeons et des gommes de mai.

Elle pensait à lui ; sa vue errait, distraite,

À travers l'ombre jeune et la pompe discrète

D'un grand rosier bercé d'un mouvement câlin,

Quand elle vit Jésus en vêtements de lin

Qui marchait, écartant les branches de l'arbuste

Et la couvait d'un long regard triste. Et le Juste

Pleurait. Et tout en un instant s'évanouit.


Elle se recueillait.

Soudain un petit bruit

Se fit. On lui portait en secret une lettre,

Une lettre de lui, qui lui marquait peut-être

Un rendez-vous.


Elle ne put la déchirer.


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Marquis, pauvre marquis, qu'avez-vous à pleurer

Au chevet de ce lit de blanche mousseline ?

Elle est malade, bien malade.

« Sœur Aline,

A-t-elle un peu dormi ? »

- « Mal, monsieur le marquis. »

Et le marquis pleurait.

« Elle est ainsi depuis

Deux heures, somnolente et calme. Mais que dire

De la nuit ? Ah, monsieur le marquis, quel délire !

Elle vous appelait, vous demandait pardon

Sans cesse, encor, toujours, et tirait le cordon

De sa sonnette. »

Et le marquis frappait sa tête

De ses deux poings et, fou dans sa douleur muette

Marchait à grands pas sourds sur les tapis épais

(Dès qu'elle fut malade, elle n'eut pas de paix

Qu'elle n'eût avoué ses fautes au pauvre homme

Qui pardonna.) La sœur reprit pâle : « Elle eut comme

Un rêve, un rêve affreux. Elle voyait Jésus,

Terrible sur la nue et qui marchait dessus,

Un glaive dans la main droite, et de la main gauche

Qui ramait lentement comme une faux qui fauche,

Écartant sa prière, et passait furieux. »


. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Un prêtre, saluant les assistants des yeux,

Entre.

Elle dort.

Ô ses paupières violettes !

Ô ses petites mains qui tremblent maigrelettes !

Ô tout son corps perdu dans les draps étouffants !


Regardez, elle meurt de la mort des enfants.

Et le prêtre anxieux, se penche à son oreille.

Elle s'agite un peu, la voilà qui s'éveille,

Elle voudrait parler, la voilà qui s'endort

Plus pâle.

Et le marquis : « Est-ce déjà la mort ? »

Et le docteur lui prend les deux mains, et sort vite.


On l'enterrait hier matin. Pauvre petite !
Donc, c'est moi qui suis l'ogre et le bouc émissaire.
Dans ce chaos du siècle où votre coeur se serre,
J'ai foulé le bon goût et l'ancien vers françois
Sous mes pieds, et, hideux, j'ai dit à l'ombre : « Sois ! »
Et l'ombre fut. -- Voilà votre réquisitoire.
Langue, tragédie, art, dogmes, conservatoire,
Toute cette clarté s'est éteinte, et je suis
Le responsable, et j'ai vidé l'urne des nuits.
De la chute de tout je suis la pioche inepte ;
C'est votre point de vue. Eh bien, soit, je l'accepte ;
C'est moi que votre prose en colère a choisi ;
Vous me criez : « Racca » ; moi je vous dis : « Merci ! »
Cette marche du temps, qui ne sort d'une église
Que pour entrer dans l'autre, et qui se civilise ;
Ces grandes questions d'art et de liberté,
Voyons-les, j'y consens, par le moindre côté,
Et par le petit bout de la lorgnette. En somme,
J'en conviens, oui, je suis cet abominable homme ;
Et, quoique, en vérité, je pense avoir commis,
D'autres crimes encor que vous avez omis.
Avoir un peu touché les questions obscures,
Avoir sondé les maux, avoir cherché les cures,
De la vieille ânerie insulté les vieux bâts,
Secoué le passé du haut jusques en bas,
Et saccagé le fond tout autant que la forme.
Je me borne à ceci : je suis ce monstre énorme,
Je suis le démagogue horrible et débordé,
Et le dévastateur du vieil A B C D ;
Causons.

Quand je sortis du collège, du thème,
Des vers latins, farouche, espèce d'enfant blême
Et grave, au front penchant, aux membres appauvris ;
Quand, tâchant de comprendre et de juger, j'ouvris
Les yeux sur la nature et sur l'art, l'idiome,
Peuple et noblesse, était l'image du royaume ;
La poésie était la monarchie ; un mot
Était un duc et pair, ou n'était qu'un grimaud ;
Les syllabes, pas plus que Paris et que Londres,
Ne se mêlaient ; ainsi marchent sans se confondre
Piétons et cavaliers traversant le pont Neuf ;
La langue était l'état avant quatre-vingt-neuf ;
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes :
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versailles aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l'argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l'ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqué d'une F ;
N'exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : « Qu'il s'en aille ;  »
Et Voltaire criait :  « Corneille s'encanaille ! »
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins ; je m'écriai :  « Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ? »
Et sur l'Académie, aïeule et douairière,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d'alexandrins carrés,

Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l'encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées ;
Et je dis :  « Pas de mot où l'idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d'azur ! »
Discours affreux ! -- Syllepse, hypallage, litote,
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les Huns les Scythes et les Daces,
N'étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
Guichardin a nommé le Borgia ! Tacite
Le Vitellius ! Fauve, implacable, explicite,
J'ôtai du cou du chien stupéfait son collier
D'épithètes ; dans l'herbe, à l'ombre du hallier,
Je fis fraterniser la vache et la génisse,
L'une étant Margoton et l'autre Bérénice.
Alors, l'ode, embrassant Rabelais, s'enivra ;
Sur le sommet du Pinde on dansait Ça ira ;
Les neuf muses, seins nus, chantaient la Carmagnole ;
L'emphase frissonna dans sa fraise espagnole ;
Jean, l'ânier, épousa la bergère Myrtil.
On entendit un roi dire : « Quelle heure est-il ? »
Je massacrais l'albâtre, et la neige, et l'ivoire,
Je retirai le jais de la prunelle noire,
Et j'osai dire au bras : « Sois blanc, tout simplement. »
Je violai du vers le cadavre fumant ;
J'y fis entrer le chiffre ; ô terreur! Mithridate
Du siège de Cyzique eût pu citer la date.
Jours d'effroi ! les Laïs devinrent des catins.
Force mots, par Restaut peignés tous les matins,

Et de Louis-Quatorze ayant gardé l'allure,
Portaient encor perruque ; à cette chevelure
La Révolution, du haut de son beffroi,
Cria : « Transforme-toi ! c'est l'heure. Remplis-toi
- De l'âme de ces mots que tu tiens prisonnière ! »
Et la perruque alors rugit, et fut crinière.
Liberté ! c'est ainsi qu'en nos rébellions,
Avec des épagneuls nous fîmes des lions,
Et que, sous l'ouragan maudit que nous soufflâmes,
Toutes sortes de mots se couvrirent de flammes.
J'affichai sur Lhomond des proclamations.
On y lisait : « Il faut que nous en finissions !
- Au panier les Bouhours, les Batteux, les Brossettes
- A la pensée humaine ils ont mis les poucettes.
- Aux armes, prose et vers ! formez vos bataillons !
- Voyez où l'on en est : la strophe a des bâillons !
- L'ode a des fers aux pieds, le drame est en cellule.
- Sur le Racine mort le Campistron pullule ! »
Boileau grinça des dents ; je lui dis :  « Ci-devant,
Silence ! » et je criai dans la foudre et le vent :
« Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe ! »
Et tout quatre-vingt-treize éclata. Sur leur axe,
On vit trembler l'athos, l'ithos et le pathos.
Les matassins, lâchant Pourceaugnac et Cathos,
Poursuivant Dumarsais dans leur hideux bastringue,
Des ondes du Permesse emplirent leur seringue.
La syllabe, enjambant la loi qui la tria,
Le substantif manant, le verbe paria,
Accoururent. On but l'horreur jusqu'à la lie.
On les vit déterrer le songe d'Athalie ;
Ils jetèrent au vent les cendres du récit
De Théramène ; et l'astre Institut s'obscurcit.
Oui, de l'ancien régime ils ont fait tables rases,
Et j'ai battu des mains, buveur du sang des phrases,
Quand j'ai vu par la strophe écumante et disant
Les choses dans un style énorme et rugissant,
L'Art poétique pris au collet dans la rue,
Et quand j'ai vu, parmi la foule qui se rue,
Pendre, par tous les mots que le bon goût proscrit,
La lettre aristocrate à la lanterne esprit.
Oui, je suis ce Danton ! je suis ce Robespierre !
J'ai, contre le mot noble à la longue rapière,
Insurgé le vocable ignoble, son valet,
Et j'ai, sur Dangeau mort, égorgé Richelet.
Oui, c'est vrai, ce sont là quelques-uns de mes crimes.
J'ai pris et démoli la bastille des rimes.
J'ai fait plus : j'ai brisé tous les carcans de fer
Qui liaient le mot peuple, et tiré de l'enfer
Tous les vieux mots damnés, légions sépulcrales ;
J'ai de la périphrase écrasé les spirales,
Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel
L'alphabet, sombre tour qui naquit de Babel ;
Et je n'ignorais pas que la main courroucée
Qui délivre le mot, délivre la pensée.

L'unité, des efforts de l'homme est l'attribut.
Tout est la même flèche et frappe au même but.

Donc, j'en conviens, voilà, déduits en style honnête,
Plusieurs de mes forfaits, et j'apporte ma tête.
Vous devez être vieux, par conséquent, papa,
Pour la dixième fois j'en fais meâ culpâ.
Oui, si Beauzée est dieu, c'est vrai, je suis athée.
La langue était en ordre, auguste, époussetée,
Fleur-de-lys d'or, Tristan et Boileau, plafond bleu,
Les quarante fauteuils et le trône au milieu ;
Je l'ai troublée, et j'ai, dans ce salon illustre,
Même un peu cassé tout ; le mot propre, ce rustre,
N'était que caporal : je l'ai fait colonel ;
J'ai fait un jacobin du pronom personnel ;
Dur participe, esclave à la tête blanchie,
Une hyène, et du verbe une hydre d'anarchie.

Vous tenez le reum confitentem. Tonnez !
J'ai dit à la narine : « Eh mais ! tu n'es qu'un nez !  »
J'ai dit au long fruit d'or : « Mais tu n'es qu'une poire !  »
J'ai dit à Vaugelas : « Tu n'es qu'une mâchoire ! »
J'ai dit aux mots : « Soyez république ! soyez
La fourmilière immense, et travaillez ! Croyez,
Aimez, vivez ! » -- J'ai mis tout en branle, et, morose,
J'ai jeté le vers noble aux chiens noirs de la prose.

Et, ce que je faisais, d'autres l'ont fait aussi ;
Mieux que moi. Calliope, Euterpe au ton transi,
Polymnie, ont perdu leur gravité postiche.
Nous faisons basculer la balance hémistiche.
C'est vrai, maudissez-nous. Le vers, qui, sur son front
Jadis portait toujours douze plumes en rond,
Et sans cesse sautait sur la double raquette
Qu'on nomme prosodie et qu'on nomme étiquette,
Rompt désormais la règle et trompe le ciseau,
Et s'échappe, volant qui se change en oiseau,
De la cage césure, et fuit vers la ravine,
Et vole dans les cieux, alouette divine.

Tous les mots à présent planent dans la clarté.
Les écrivains ont mis la langue en liberté.
Et, grâce à ces bandits, grâce à ces terroristes,
Le vrai, chassant l'essaim des pédagogues tristes,
L'imagination, tapageuse aux cent voix,
Qui casse des carreaux dans l'esprit des bourgeois ;
La poésie au front triple, qui rit, soupire
Et chante, raille et croit ; que Plaute et Shakspeare
Semaient, l'un sur la plebs, et l'autre sur le mob ;
Qui verse aux nations la sagesse de Job
Et la raison d'Horace à travers sa démence ;
Qu'enivre de l'azur la frénésie immense,
Et qui, folle sacrée aux regards éclatants,
Monte à l'éternité par les degrés du temps,

La muse reparaît, nous reprend, nous ramène,
Se remet à pleurer sur la misère humaine,
Frappe et console, va du zénith au nadir,
Et fait sur tous les fronts reluire et resplendir
Son vol, tourbillon, lyre, ouragan d'étincelles,
Et ses millions d'yeux sur ses millions d'ailes.

Le mouvement complète ainsi son action.
Grâce à toi, progrès saint, la Révolution
Vibre aujourd'hui dans l'air, dans la voix, dans le livre ;
Dans le mot palpitant le lecteur la sent vivre ;
Elle crie, elle chante, elle enseigne, elle rit,
Sa langue est déliée ainsi que son esprit.
Elle est dans le roman, parlant tout bas aux femmes.
Elle ouvre maintenant deux yeux où sont deux flammes,
L'un sur le citoyen, l'autre sur le penseur.
Elle prend par la main la Liberté, sa soeur,
Et la fait dans tout homme entrer par tous les pores.
Les préjugés, formés, comme les madrépores,
Du sombre entassement des abus sous les temps,
Se dissolvent au choc de tous les mots flottants,
Pleins de sa volonté, de son but, de son âme.
Elle est la prose, elle est le vers, elle est le drame ;
Elle est l'expression, elle est le sentiment,
Lanterne dans la rue, étoile au firmament.
Elle entre aux profondeurs du langage insondable ;
Elle souffle dans l'art, porte-voix formidable ;
Et, c'est Dieu qui le veut, après avoir rempli
De ses fiertés le peuple, effacé le vieux pli
Des fronts, et relevé la foule dégradée,
Et s'être faite droit, elle se fait idée !

Paris, janvier 1834.
Un roi de Perse, certain jour,
Chassait avec toute sa cour.
Il eut soif, et dans cette plaine
On ne trouvait point de fontaine.
Près de là seulement était un grand jardin
Rempli de beaux cédrats, d'oranges, de raisin
A Dieu ne plaise que j'en mange !
Dit le roi ; ce jardin courrait trop de danger :
Si je me permettais d'y cueillir une orange,
Mes vizirs aussitôt mangeraient le verger.
Par je ne sais quelle aventure,
Un avare, un beau jour, voulant se bien traiter,
Au marché courut acheter
Des pommes pour sa nourriture.
Dans son armoire il les porta,
Les compta, rangea, recompta,
Ferma les doubles tours de sa double serrure,
Et chaque jour les visita.
Ce malheureux, dans sa folie,
Les bonnes pommes ménageait ;
Mais lorsqu'il en trouvait quelqu'une de pourrie,
En soupirant il la mangeait.
Son fils, jeune écolier, faisant fort maigre chère,
Découvrit à la fin les pommes de son père.
Il attrape les clefs, et va dans ce réduit,
Suivi de deux amis d'excellent appétit.
Or vous pouvez juger le dégât qu'ils y firent,
Et combien de pommes périrent.
L'avare arrive en ce moment,
De douleur, d'effroi palpitant.
Mes pommes ! Criait-il : coquins, il faut les rendre,
Ou je vais tous vous faire pendre.
Mon père, dit le fils, calmez-vous, s'il vous plaît ;
Nous sommes d'honnêtes personnes :
Et quel tort vous avons-nous fait ?
Nous n'avons mangé que les bonnes.
Élégie.


J'ai mendié seize ans le pain de chaque jour,
Ce pain noir, accordé, refusé tour à tour ;
Je bois l'eau du torrent, je couche sur la terre ;
Sur le bord d'un chemin j'ai vu mourir ma mère !
Et seule désormais, au **** portant mes pas,
Je souris à la foule et je pleure tout bas.

Je poursuis en tous lieux ma course vagabonde,
Avançant au hasard, je traverse le monde.
- C'est que, dans l'univers, nul pays n'est le mien ;
C'est que j'erre ici-bas, sans amis, sans lien.
Dieu me déshérita dans le commun partage
Des biens qu'il donne à tous pour les jours du voyage ;
Je n'ai reçu du ciel, depuis mes jeunes ans,
Que ma place au soleil, comme la fleur des champs !
Pour nous deux au printemps s'arrêtera la vie,
L'hiver est **** encore... et je tombe flétrie !

Dans ma peuplade errante on citait ma beauté,
Mais pour moi, parmi vous, nul cœur n'a palpité ;
Aux yeux des hommes blancs, je ne puis être belle :
Je ressemble à la nuit, je suis sombre comme elle.
Mon âme est à jamais vouée à la douleur,
Et je n'ai des heureux pas même la couleur !...
Si j'ose quelquefois approcher de leur fête,
C'est qu'aux pieds des passants je viens courber ma tête,
Je viens tendre vers eux une tremblante main ;
Je demande le soir le pain du lendemain,
Et quand, sur les pavés, une légère aumône
Retentit en glissant de la main qui la donne,
Je pars - sûre du moins d'un jour pour avenir !
Puis, lorsqu'à l'horizon la lune va venir,
Comme l'oiseau courbant sa tête sous son aile,
J'attends auprès de lui l'heure où son chant m'appelle.
Si de ma vie, hélas ! je remonte le cours,
Pas un seul souvenir ne marque un de mes jours...

Qu'ai-je dit ! - Au milieu des ennuis que je pleure,
Le passé m'a laissé le souvenir... d'une heure !
Triste et rapide éclair d'un seul instant d'espoir,
Qui laissait en fuyant le ciel encor plus noir.
J'aimai !... croyant l'amour une divine aumône,
Que Dieu réserve à ceux que le monde abandonne !

C'était un soir, je crois, que passant par hasard,
Il arrêta sur moi son triste et doux regard.
« Ce ciel brûlant, » dit-il, « annonce la tempête ;
« Va chercher, jeune fille, un abri pour ta tête. »
Sa main en se baissant s'approcha de mes mains...
Et je ne souffris plus des maux qu'il avait plaints !
- Depuis lors, chaque jour, j'allais, sur son passage,
Attendre son regard. À ce muet langage
Tout mon cœur répondait, et ce cœur isolé
Se trouvait, d'un sourire, heureux et consolé !
Je fuyais devant lui ; pour mon sort plein d'alarmes,
Je craignais son argent, ne voulant que ses larmes.
Sans doute, il l'a compris ; par un léger effort,
Un jour, il prit ma main sans y laisser de l'or !
Il la serra. - Voilà, pour le cours de ma vie,
La somme de bonheur que Dieu m'a répartie.

Un soir, près d'une femme, il marchait, parlait bas ;
J'attendis son regard.... son regard ne vint pas !...

J'ai repris, depuis lors, ma course monotone ;
Mais le sol est jonché des feuilles de l'automne ;
Comme elles, m'inclinant sous le souffle de l'air,
Sur l'herbe du coteau, je tombe avant l'hiver !
cindy Oct 2017
J’ai vu le démon dans ses yeux
J’ai vu le démon dans son regard
Malmenée, elle soupire de désespoir
Sa pudeur n’a pas fait long feu
Il a attrapé toutes les parcelles de son âme
Les a jetés par-dessus sa conscience
Il a l’habitude avec les femmes
Face à lui, elles perdent patience
Lui aussi, il porte   son    nom
Et porte les mêmes ambitions
« Mais ils ont l’air si différents »
Elle trouvait désormais son souvenir effrayant.
Fable I, Livre V.


« On suivait Paul hier, on le fuit aujourd'hui.
Me direz-vous, monsieur, à quelle circonstance
Il faut imputer l'inconstance
Que le public montre envers lui ? »
Après un moment de silence,
Monsieur l'abbé répond : « Mets d'abord, mets, mon fils,
« Ce bocal sur notre fenêtre.
« Est-il découvert ? - Non. - Découvre-le. - Mon maître,
Il est plein de sirop. - Fais ce que je te dis.
« - Vous en aurez regret. - Peut-être.
« Tu riras si je m'en repens.
« - Ne voyez-vous donc pas quel essaim nous arrive ?
« Voilà déjà plus d'un convive,
« Qui se régale à nos dépens.
« - Il faut que tout le monde vive, »
Répond le sage en souriant.
« Le sucre est un mets très friand ;
« Mais n'est-il fait que pour nos bouches ?
« Et la terre est-elle, entre nous,
« Chiche à ce point d'un mets si doux,
« Qu'on n'en puisse laisser aux mouches ?
« Il nous en reste assez pour toi.
« - Il est vrai. - Quant à Paul, quant à cette injustice
« Dont tu veux savoir le pourquoi,
« Nous en reparlerons ; pour l'instant laisse-moi :
« L'objet vaut qu'on y réfléchisse. »
Cependant autour du bocal
Bourdonne l'essaim parasite,
Et, comme à qui mieux mieux, chacun s'y précipite :
Si vaste qu'elle soit, la panse de cristal
Pour tant de commensaux bientôt est trop petite.
Ce spectacle amusa l'écolier jusqu'au soir.
N'ayant alors plus rien à voir,
Il reprit son propos. « - Un peu de patience.
« Est-ce en un jour, mon fils, que l'on peut tout savoir
« Demain peut-être, grâce à notre expérience,
« En dirai-je un peu plus. » De crainte d'accident,
L'enfant veut recouvrir le vase en attendant.
Mais notre précepteur autrement en décide.
Il avait ses raisons. Le sirop cependant,
De doux qu'il fut, devient acide.
Plus matinal que le soleil,
Notre écolier à son réveil
De courir au bocal. Mais quelle est sa surprise !
Il ne retrouve, au lieu de ce peuple goulu,
Q'une mouche confite, et qui, comme à la glu,
Dans le sucre se trouvait prise.
« D'où provient tout ce changement ?
« - Du motif qui, dans ce moment,
**** du malheureux Paul écarte tous les hommes.
« Les mouches, les amis dans le temps où nous sommes
« Se ressemblent plus qu'on ne croit.
« Cet essaim qui croît ou décroît,
« Suivant que la liqueur est plus douce ou plus aigre,
« T'apprend ce qu'entre humains parfois nous éprouvons,
« Suivant que le sort verse au vase où nous buvons,
« Ou du sirop, ou du vinaigre. »
J'aime le souvenir de ces époques nues,
Dont Phoebus se plaisait à dorer les statues.
Alors l'homme et la femme en leur agilité
Jouissaient sans mensonge et sans anxiété,
Et, le ciel amoureux leur caressant l'échine,
Exerçaient la santé de leur noble machine.
Cybèle alors, fertile en produits généreux,
Ne trouvait point ses fils un poids trop onéreux,
Mais, louve au coeur gonflé de tendresses communes,
Abreuvait l'univers à ses tétines brunes.
L'homme, élégant, robuste et fort, avait le droit
D'être fier des beautés qui le nommaient leur roi ;
Fruits purs de tout outrage et vierges de gerçures,
Dont la chair lisse et ferme appelait les morsures !

Le Poète aujourd'hui, quand il veut concevoir
Ces natives grandeurs, aux lieux où se font voir
La nudité de l'homme et celle de la femme,
Sent un froid ténébreux envelopper son âme
Devant ce noir tableau plein d'épouvantement.
Ô monstruosités pleurant leur vêtement !
Ô ridicules troncs ! torses dignes des masques !
Ô pauvres corps tordus, maigres, ventrus ou flasques,
Que le dieu de l'Utile, implacable et serein,
Enfants, emmaillota dans ses langes d'airain !
Et vous, femmes, hélas ! pâles comme des cierges,
Que ronge et que nourrit la débauche, et vous, vierges,
Du vice maternel traînant l'hérédité
Et toutes les hideurs de la fécondité !

Nous avons, il est vrai, nations corrompues,
Aux peuples anciens des beautés inconnues :
Des visages rongés par les chancres du coeur,
Et comme qui dirait des beautés de langueur ;
Mais ces inventions de nos muses tardives
N'empêcheront jamais les races maladives
De rendre à la jeunesse un hommage profonde,
- A la sainte jeunesse, à l'air simple, au doux front,
A l'oeil limpide et clair ainsi qu'une eau courante,
Et qui va répandant sur tout, insouciante
Comme l'azur du ciel, les oiseaux et les fleurs,
Ses parfums, ses chansons et ses douces chaleurs !
Un vieux renard cassé, goutteux, apoplectique,
Mais instruit, éloquent, disert,
Et sachant très bien sa logique,
Se mit à prêcher au désert.
Son style était fleuri, sa morale excellente.
Il prouvait en trois points que la simplicité,
Les bonnes moeurs, la probité,
Donnent à peu de frais cette félicité
Qu'un monde imposteur nous présente
Et nous fait payer cher sans la donner jamais.
Notre prédicateur n'avait aucun succès ;
Personne ne venait, hors cinq ou six marmottes,
Ou bien quelques biches dévotes
Qui vivaient **** du bruit, sans entour, sans faveur,
Et ne pouvaient pas mettre en crédit l'orateur.
Il prit le bon parti de changer de matière,
Prêcha contre les ours, les tigres, les lions,
Contre leurs appétits gloutons,
Leur soif, leur rage sanguinaire.
Tout le monde accourut alors à ses sermons :
Cerfs, gazelles, chevreuils, y trouvaient mille charmes ;
L'auditoire sortait toujours baigné de larmes ;
Et le nom du renard devint bientôt fameux.
Un ****, roi de la contrée,
Bon homme au demeurant, et vieillard fort pieux,
De l'entendre fut curieux.
Le renard fut charmé de faire son entrée
A la cour : il arrive, il prêche, et, cette fois,
Se surpassant lui-même, il tonne, il épouvante
Les féroces tyrans des bois,
Peint la faible innocence à leur aspect tremblante,
Implorant chaque jour la justice trop lente
Du maître et du juge des rois.
Les courtisans, surpris de tant de hardiesse,
Se regardaient sans dire rien ;
Car le roi trouvait cela bien.
La nouveauté parfois fait aimer la rudesse.
Au sortir du sermon, le monarque enchanté
Fit venir le renard : vous avez su me plaire,
Lui dit-il, vous m'avez montré la vérité ;
Je vous dois un juste salaire :
Que me demandez-vous pour prix de vos leçons ?
Le renard répondit : sire, quelques dindons.
Un jour, causant entre eux, différents animaux
Louaient beaucoup le ver à soie.
Quel talent, disaient-ils, cet insecte déploie
En composant ces fils si doux, si fins, si beaux,
Qui de l'homme font la richesse !
Tous vantaient son travail, exaltaient son adresse.
Une chenille seule y trouvait des défauts,
Aux animaux surpris en faisait la critique,
Disait des mais, et puis des si.
Un renard s'écria : messieurs, cela s'explique ;
C'est que madame file aussi.
Virginie Oct 2017
Vous voyez le désert ?
Ce néant ?
C'était l'état dans lequel se trouvait mon esprit.

Ensuite, arrive un moment où je rajoute
mes doutes et envies,
mes déceptions et satisfactions,
mes hésitations et décisions.

Le désert se retrouve en champs de bataille.
Fable XIII, Livre II.


En Chine, un animal, singe de son métier,
Crut, comme bien des gens, que, s'il changeait de cage,
Il changerait de personnage.
Profitant donc de l'heure où le saint du quartier,
Chez le peintre où le charpentier,
Se trouvait en raccommodage,
Il se loge en sa niche ; et, composant son ton,
Du béat qu'il supplée affectant l'air paterne,
Il se dit, on le croit le patron du canton.
Le petit peuple se prosterne ;
Mainte dévote aussi. Cent fois j'ai rencontré
Mainte dévote aux pieds de saints de moindre étoffe.
L'exemple avait gagné quand un jeune lettré,
Fils de Confucius, apprenti philosophe,
Avisant le magot, qui, toujours méconnu,
De sa guérite parfumée
Humait les vœux et la fumée,
Lui donna cet avis, qu'on a peu retenu :
« Hors d'ici, que l'on ne te chasse,
Sot qu'un plus sot vient adorer ;
La place ne peut t'honorer,
Et tu déshonores la place. »
Minos, ne pouvant plus suffire
Au fatigant métier d'entendre et de juger
Chaque ombre descendue au ténébreux empire,
Imagina, pour abréger,
De faire faire une balance
Où dans l'un des bassins il mettait à la fois
Cinq ou six morts, dans l'autre un certain poids
Qui déterminait la sentence.
Si le poids s'élevait, alors plus à loisir
Minos examinait l'affaire ;
Si le poids baissait au contraire,
Sans scrupule il faisait punir.
La méthode était sûre, expéditive et claire ;
Minos s'en trouvait bien. Un jour, en même temps,
Au bord du Styx la mort rassemble
Deux rois, un grand ministre, un héros, trois savants.
Minos les fait peser ensemble.
Le poids s'élève, il en met deux,
Et puis trois, c'est en vain ; quatre ne font pas mieux.
Minos, un peu surpris, ôte de la balance
Ces inutiles poids, cherche un autre moyen ;
Et, près de là voyant un pauvre homme de bien
Qui dans un coin obscur attendait en silence,
Il le met seul en contrepoids :
Les six ombres alors s'élèvent à la fois.
Malgré moi je reviens, et mes vers s'y résignent,
À cet homme qui fut si misérable, hélas !
Et dont Mathieu Molé, chez les morts qui s'indignent,
Parle à Boissy d'Anglas.

Ô loi sainte ! Justice ! où tout pouvoir s'étaie,
Gardienne de tout droit et de tout ordre humain !
Cet homme qui, vingt ans, pour recevoir sa paie,
T'avait tendu la main,

Quand il te vit sanglante et livrée à l'infâme,
Levant tes bras, meurtrie aux talons des soldats,
Tourna la tête et dit : Qu'est-ce que cette femme
Je ne la connais pas !

Les vieux partis avaient mis au fauteuil ce juste !
Ayant besoin d'un homme, on prit un mannequin.
Il eût fallu Caton sur cette chaise auguste
On y jucha Pasquin.

Opprobre ! il dégradait à plaisir l'assemblée
Souple, insolent, semblable aux valets familiers,
Ses gros lazzis marchaient sur l'éloquence allée
Avec leurs gros souliers.

Quand on ne croit à rien on est prêt à tout faire.
Il eût reçu Cromwell ou Monk dans Temple-Bar.
Suprême abjection ! riant avec Voltaire,
Votant pour Escobar !

Ne sachant que lécher à droite et mordre à gauche,
Aidant, à son insu, le crime ; vil pantin,
Il entrouvrait la porte aux sbires en débauche
Qui vinrent un matin.

Si l'on avait voulu, pour sauver du déluge,
Certes, son traitement, sa place, son trésor,
Et sa loque d'hermine et son bonnet de juge
Au triple galon d'or,

Il eût été complice, il eût rempli sa tâche
Mais les chefs sur son nom passèrent le charbon
Ils n'ont pas daigné faire un traître avec ce lâche
Ils ont dit : à quoi bon ?

Sous ce règne où l'on vend de la fange au pied cube,
Du moins cet homme a-t-il à jamais disparu,
Rustre exploiteur des rois, courtisan du Danube,
Hideux flatteur bourru !

Il s'offrit aux brigands après la loi tuée ;
Et pour qu'il lâchât prise, aux yeux de tout Paris,
Il fallut qu'on lui dît : Vieille prostituée,
Vois donc tes cheveux gris !

Aujourd'hui méprisé, même de cette clique,
On voit pendre la honte à son nom infamant,
Et le dernier lambeau de la pudeur publique
À son dernier serment.

Si par hasard, la nuit, dans les carrefours mornes,
Fouillant du croc l'ordure où dort plus d'un secret,
Un chiffonnier trouvait cette âme au coin des bornes,
Il la dédaignerait !

Jersey, le 25 décembre 1852.
Je ne veux plus lire de lettre,
Sauf les lettres que le facteur
Sera chargé de me remettre,
Comme après tout on est le maître
De lire tel ou tel auteur.

Écoutez bien, gens de la ville :
Montrer, avec ou sans motif,
Lettre quelconque... est bien futile.
Lettre toute autre est chose... utile
Rarement portée à l'actif.

Que le Duc d'Aumale s'en foute,
Il ne vaut pas un sous-préfet ;
Et... si j'eusse été... sur ma route,
Le Général... Mignonne, écoute,
Je sais fort ce que j'aurais fait.

Ce n'est rien moins qu'une merveille,
On le peut, sans se déranger.
C'est le secret de ma bouteille.
Je pourrais le dire à l'oreille
Du beau Général Boulanger.

Vous qui devinez tout, Madame,
Ne divulguez rien, s'il vous plaît,
Sinon, je vous écris : infâme !
Et si vous tirez votre lame,
Je vous avance... mon valet.

Hé ! là ! ce que je viens de dire,
Ma mignonne, c'était en l'air :
On ne te voit jamais écrire.
Moi, je chante et ne veut que rire :
Il me semble que c'est très clair.

Je me dis avec insistance :
Je n'attacherai plus de prix,
Ni la plus petite importance,
Qu'à ma propre correspondance,
Si je me suis bien, bien compris.

Lettres laides ou Lettres belles,
J'y suis doucement résigné,
Je n'en lirai pas de nouvelles,
Je ne lirai plus même celles
De Madame de Sévigné.

Et si cette admirable Brune
Me trouvait vilain garnement,
Elle n'a, pour que j'en lise une,
Par le facteur Rayon-de-Lune
Qu'à me l'adresser, simplement.
NC Nov 2019
T’en qu’à vivre jusqu’à ma mort avec ce corps-là, autant commencer tout de suite à l’aimer à sa juste valeur.
Manque plus qu’à me convaincre à croire en ce principe.
Malgré moi victime d’une image et des mots salaces qu’elle engendre.
C’est bien beau de dire : « Une chance que Ashley Graham est là pour montrer que les rondeurs c’est magnifique aussi ! »
Pourtant personne ne m’a dit qu’il me trouvait belle.  
Quelle est la différence entre elle et moi?
Il faut que le monde entier décide en silence si je suis acceptable ou non pour qu’une personne puisse le crier haut et fort?
L’opinion personnelle n’a donc plus aucune importance?
Presque aussi absurde que de ne pas voter pour simple argument que son vote ne fera pas la différence.
Pour moi, sa fait toute la différence.
Dis toi qu’un bon mot entraîne un sourire.
Dis toi que tu peux être la cause d’un changement majeur pour n’importe qui, si tu oses parler.
Pourquoi n’avoir aucun filtre à la méchanceté et se bâillonner quand il est le temps de répandre le bonheur?
Speak up and loud please, we need more love in our words
Un bonhomme de mes parents,
Que j'ai connu dans mon jeune âge,
Se faisait adorer de tout son voisinage ;
Consulté, vénéré des petits et des grands,
Il vivait dans sa terre en véritable sage.
Il n'avait pas beaucoup d'écus,
Mais cependant assez pour vivre dans l'aisance ;
En revanche force vertus,
Du sens, de l'esprit par-dessus,
Et cette aménité que donne l'innocence.
Quand un pauvre venait le voir,
S'il avait de l'argent, il donnait des pistoles ;
Et s'in n'en avait point, du moins par ses paroles
Il lui rendait un peu de courage et d'espoir.
Il raccommodait les familles,
Corrigeait doucement les jeunes étourdis,
Riait avec les jeunes filles,
Et leur trouvait de bons maris.
Indulgent aux défauts des autres,
Il répétait souvent : n'avons-nous pas les nôtres ?
Ceux-ci sont nés boiteux, ceux-là sont nés bossus,
L'un un peu moins, l'autre un peu plus :
La nature de cent manières
Voulut nous affliger : marchons ensemble en paix ;
Le chemin est assez mauvais
Sans nous jeter encor des pierres.
Or il arriva certain jour
Que notre bon vieillard trouva dans une tour
Un trésor caché sous la terre.
D'abord il n'y voit qu'un moyen
De pouvoir faire plus de bien ;
Il le prend, l'emporte et le serre.
Puis, en réfléchissant, le voilà qui se dit :
Cet or que j 'ai trouvé ferait plus de profit
Si j'en augmentais mon domaine ;
J'aurais plus de vassaux, je serais plus puissant.
Je peux mieux faire encor : dans la ville prochaine
Achetons une charge, et soyons président.
Président ! Cela vaut la peine.
Je n'ai pas fait mon droit ; mais, avec mon argent,
On m'en dispensera, puisque cela s'achète.
Tandis qu'il rêve et qu'il projette,
Sa servante vient l'avertir
Que les jeunes gens du village
Dans la cour du château sont à se divertir.
Le dimanche, c'était l'usage,
Le seigneur se plaisait à danser avec eux.
Oh ! Ma foi, répond-il, j'ai bien d'autres affaires ;
Que l'on danse sans moi. L'esprit plein de chimères,
Il s'enferme tout seul pour se tourmenter mieux.
Ensuite il va joindre à sa somme
Un petit sac d'argent, reste du mois dernier.
Dans l'instant arrive un pauvre homme
Qui tout en pleurs vient le prier
De vouloir lui prêter vingt écus pour sa taille :
Le collecteur, dit-il, va me mettre en prison,
Et n'a laissé dans ma maison
Que six enfants sur de la paille.
Notre nouveau Crésus lui répond durement
Qu'il n'est point en argent comptant.
Le pauvre malheureux le regarde, soupire,
Et s'en retourne sans mot dire.
Mais il n'était pas ****, que notre bon seigneur
Retrouve tout-à-coup son cœur ;
Il court au paysan, l'embrasse,
De cent écus lui fait don,
Et lui demande encor pardon.
Ensuite il fait crier que sur la grande place
Le village assemblé se rende dans l'instant.
On obéit : notre bonhomme
Arrive avec toute sa somme,
En un seul monceau la répand.
Mes amis, leur dit-il, vous voyez cet argent :
Depuis qu'il m'appartient, je ne suis plus le même,
Mon âme est endurcie et la voix du malheur
N'arrive plus jusqu'à mon cœur.
Mes enfants, sauvez-moi de ce péril extrême ;
Prenez et partagez ce dangereux métal ;
Emportez votre part chacun dans votre asile ;
Entre tous divisé, cet or peut être utile ;
Réuni chez un seul, il ne fait que du mal.
Soyons contents du nécessaire
Sans jamais souhaiter de trésors superflus :
Il faut les redouter autant que la misère,
Comme elle ils chassent les vertus.
À la barrière de l'étoile,
Un saltimbanque malfaisant
Dressait dans sa baraque en toile
Un chien de six mois fort plaisant.

Ce caniche, qui faisait rire
Le public au seuil rassemblé,
Était en conscrit de l'empire
Misérablement affublé.

Coiffé d'un bonnet de police,
Il restait là, fusil au flanc,
Debout, les jambes au supplice
Dans un piteux pantalon blanc ;

Le dos sous sa guenille bleue,
Il tentait un regard vainqueur,
Mais l'anxiété de sa queue
Trahissait l'état de son cœur.

Quand, las de sa fausse posture,
Le pauvre petit chien savant
Retombait, selon la nature,
Sur ses deux pattes de devant,

Il recevait une âpre insulte
Avec un lâche coup de fouet.
Mais, digne sous son poil inculte,
Sans crier il se secouait ;

Tandis qu'il étreignait son arme
Sous les horions sans broncher,
S'il se sentait poindre une larme,
Il s'efforçait de la lécher.

Ce qu'on trouvait surtout risible,
Et ce que j'admirais beaucoup,
C'est qu'il avait l'air plus sensible
Au reproche qu'au mauvais coup.

Son maître, pour sa part de lucre,
Lui posait sur le bout du nez
De vacillants morceaux de sucre,
Plus souvent promis que donnés.

Touché de voir dans ce novice
Tant de vrai zèle à si bas prix,
Quand, à la fin de son service,
Il rompit les rangs, je le pris.

Or, comme je tenais la bête
Par les oreilles, des deux mains,
L'élevant à hauteur de tête
Pour lire en ses yeux presque humains,

L'expression m'en parut double,
J'y sentais deux soucis jumeaux,
Comme dans l'histrion que trouble
L'obsession de ses vrais maux.

Un génie excédant sa taille
Me semblait étouffer en lui,
Et, du vieil habit de bataille,
Forcer le dérisoire étui.

Et j'eus l'illusion fantasque
Que, par les yeux de ce roquet,
Comme à travers les trous d'un masque,
Un regard d'homme m'invoquait...

Cet étrange regard fut cause,
J'en fais aux esprits forts l'aveu,
Qu'ami de la métempsycose,
En ce moment j'y crus un peu.

Mais bientôt, raillant le prodige :
« Ce bonnet, ce frac suranné,
Serait-ce, pauvre chien, lui dis-je,
Une géhenne de damné ? »

Lors j'ouïs une voix pareille
À quelque soupir m'effleurant,
Qui semblait me dire à l'oreille :
« Oui, plains-moi, j'étais conquérant. »
Un gros perroquet gris, échappé de sa cage,
Vint s'établir dans un bocage :
Et là, prenant le ton de nos faux connaisseurs,
Jugeant tout, blâmant tout, d'un air de suffisance,
Au chant du rossignol il trouvait des longueurs,
Critiquait surtout sa cadence.
Le linot, selon lui, ne savait pas chanter ;
La fauvette aurait fait quelque chose peut-être,
Si de bonne heure il eût été son maître
Et qu'elle eût voulu profiter.
Enfin aucun oiseau n'avait l'art de lui plaire ;
Et dès qu'ils commençaient leurs joyeuses chansons,
Par des coups de sifflet répondant à leurs sons,
Le perroquet les faisait taire.
Lassés de tant d'affronts, tous les oiseaux du bois
Viennent lui dire un jour : mais parlez donc, beau sire,
Vous qui sifflez toujours, faites qu'on vous admire ;
Sans doute vous avez une brillante voix,
Daignez chanter pour nous instruire.
Le perroquet, dans l'embarras,
Se gratte un peu la tête, et finit par leur dire :
Messieurs, je siffle bien, mais je ne chante pas.
VI.

Enfin, mort triomphant, il vit sa délivrance,
Et l'océan rendit son cercueil à la France.

L'homme, depuis douze ans, sous le dôme doré
Reposait, par l'exil et par la mort sacré.
En paix ! - Quand on passait près du monument sombre,
On se le figurait, couronne au front, dans l'ombre,
Dans son manteau semé d'abeilles d'or, muet,
Couché sous cette voûte où rien ne remuait,
Lui, l'homme qui trouvait la terre trop étroite,
Le sceptre en sa main gauche et l'épée en sa droite,
À ses pieds son grand aigle ouvrant l'œil à demi,
Et l'on disait : C'est là qu'est César endormi !

Laissant dans la clarté marcher l'immense ville,
Il dormait ; il dormait confiant et tranquille.

Jersey, du 25 au 30 novembre 1852.

— The End —