Submit your work, meet writers and drop the ads. Become a member
Michael R Burch Dec 2021
These are my modern English translations of sonnets by the French poet Stephane Mallarme.

The Tomb of Edgar Poe
by Stéphane Mallarmé
loose translation/interpretation by Michael R. Burch

Transformed into himself by Death, at last,
the Bard unsheathed his Art’s recondite blade
to duel with dullards, blind & undismayed,
who’d never heard his ardent Voice, aghast!

Like dark Medusan demons of the past
who’d failed to heed such high, angelic words,
men called him bendered, his ideas absurd,
discounting all the warlock’s spells he’d cast.

The wars of heaven and hell? Earth’s senseless grief?
Can sculptors carve from myths a bas-relief
to illuminate the sepulcher of Poe?

No, let us set in granite, here below,
a limit and a block on this disaster:
this Blasphemy, to not acknowledge a Master!

The original French poem appears after the translations

"Le Cygne" ("The Swan")
by Stéphane Mallarmé
this untitled poem is also called Mallarmé's "White Sonnet"
loose translation/interpretation by Michael R. Burch

The virginal, the vivid, the vivacious day:
can its brilliance be broken by a wild wing-blow
delivered to this glacial lake
whose frozen ice-falls impede flight? No.

In past reflections on its thoughts today
the Swan remembers freedom, but can’t make
a song from its surroundings, only take
on the winter's ghostly hue of snow.

In the Swan's white agony its bared neck lies
within a guillotine its sense denies.
Slowly being frozen to its inner being,
the body ignores the phantom spirit fleeing...

Cold contempt for its captor
is of no use to the raptor.



Le tombeau d’Edgar Poe
by Stéphane Mallarmé

Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change,
Le Poète suscite avec un glaive nu
Son siècle épouvanté de n’avoir pas connu
Que la mort triomphait dans cette voix étrange!
Eux, comme un vil sursaut d’hydre oyant jadis l’ange
Donner un sens plus pur aux mots de la tribu,
Proclamèrent très haut le sortilège bu
Dans le flot sans honneur de quelque noir mélange.
Du sol et de la nue hostiles, ô grief!
Si notre idée avec ne sculpte un bas-relief
Dont la tombe de Poe éblouissante s’orne
Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur
Que ce granit du moins montre à jamais sa borne
Aux noirs vols du Blasphème épars dans le futur.



Le Cygne
by Stéphane Mallarmé

Le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui
Va-t-il nous déchirer avec un coup d'aile ivre
Ce lac dur oublié que hante sous le givre
Le transparent glacier des vols qui n'ont pas fui !
Un cygne d'autrefois se souvient que c'est lui
Magnifique mais qui sans espoir se délivre
Pour n'avoir pas chanté la région où vivre
Quand du stérile hiver a resplendi l'ennui.
Tout son col secouera cette blanche agonie
Par l'espace infligée à l'oiseau qui le nie,
Mais non l'horreur du sol où le plumage est pris.
Fantôme qu'à ce lieu son pur éclat assigne,
Il s'immobilise au songe froid de mépris
Que vêt parmi l'exil inutile le Cygne.

Stephane Mallarme was a major French poet and one of the leading French symbolist poets.

Keywords/Tags: Stephane Mallarme, France, French poet, symbolism, symbolist, symbolic, poetry, Edgar Allan Poe, grave, tomb, sepulcher, memorial, elegy, eulogy, epitaph, sonnet
L'autel bas s'orne de hautes mauves,

La chasuble blanche est toute en fleurs,

A travers les pâles vitraux jaunes

Le soleil se répand comme un fleuve ;


On chante au graduel : Fi-li-a !

D'une voix si lentement joyeuse

Qu'il faudrait croire que c'est l'extase

D'à-jamais voir la Reine des cieux ;


Le sermon du tremblotant vicaire

Est gentil plus que par un dimanche,

Qui dit que pour s'élever dans l'air

Faut être humble et de foi cordiale ;


Il ajoute, le cher vieux bonhomme,

Que la gloire ultime est réservée

Sur tous ceux qui vivent dans la pompe,

Aux pauvres d'esprit et de monnaie ;


On sort de l'église, après les vêpres,

Pour la procession si touchante

Qui a nom : du Vœu de Louis Treize

C'est le cas de prier pour la France.
Or ce vieillard était horrible : un de ses yeux,

Crevé, saignait, tandis que l'autre, chassieux,

Brutalement luisait sous son sourcil en brosse ;

Les cheveux se dressaient d'une façon féroce,

Blancs, et paraissaient moins des cheveux que des crins ;

Le vieux torse solide encore sur les reins,

Comme au ressouvenir des balles affrontées,

Cambré, contrariait les épaules voûtées ;

La main gauche avait l'air de chercher le pommeau

D'un sabre habituel et dont le long fourreau

Semblait, s'embarrassant avec la sabretache,

Gêner la marche et vers la tombante moustache

La main droite parfois montait, la retroussant.


Il était grand et maigre et jurait en toussant.


Fils d'un garçon de ferme et d'une lavandière,

Le service à seize ans le prit. Il fit entière,

La campagne d'Égypte. Austerlitz, Iéna,

Le virent. En Espagne un moine l'éborgna :

- Il tua le bon père, et lui vola sa bourse, -

Par trois fois traversa la Prusse au pas de course,

En Hesse eut une entaille épouvantable au cou,

Passa brigadier lors de l'entrée à Moscou,

Obtint la croix et fut de toutes les défaites

D'Allemagne et de France, et gagna dans ces fêtes

Trois blessures, plus un brevet de lieutenant

Qu'il résigna bientôt, les Bourbons revenant,

À Mont-Saint-Jean, bravant la mort qui l'environne,

Dit un mot analogue à celui de Cambronne,

Puis quand pour un second exil et le tombeau,

La Redingote grise et le petit Chapeau

Quittèrent à jamais leur France tant aimée

Et que l'on eut, hélas ! dissous la grande armée,

Il revint au village, étonné du clocher.


Presque forcé pendant un an de se cacher,

Il braconna pour vivre, et quand des temps moins rudes

L'eurent, sans le réduire à trop de platitudes,

Mis à même d'écrire en hauts lieux à l'effet

D'obtenir un secours d'argent qui lui fut fait,

Logea moyennant deux cents francs par an chez une

Parente qu'il avait, dont toute la fortune

Consistait en un champ cultivé par ses fieux,

L'un marié depuis longtemps et l'autre vieux

Garçon encore, et là notre foudre de guerre

Vivait et bien qu'il fût tout le jour sans rien faire

Et qu'il eût la charrue et la terre en horreur,

C'était ce qu'on appelle un soldat laboureur.

Toujours levé dès l'aube et la pipe à la bouche

Il allait et venait, engloutissait, farouche,

Des verres d'eau-de-vie et parfois s'enivrait,

Les dimanches tirait à l'arc au cabaret,

Après dîner faisait un quart d'heure sans faute

Sauter sur ses genoux les garçons de son hôte

Ou bien leur apprenait l'exercice et comment

Un bon soldat ne doit songer qu'au fourniment.

Le soir il voisinait, tantôt pinçant les filles,

Habitude un peu trop commune aux vieux soudrilles,

Tantôt, geste ample et voix forte qui dominait

Le grillon incessant derrière le chenet,

Assis auprès d'un feu de sarments qu'on entoure

Confusément disait l'Elster, l'Estramadoure,

Smolensk, Dresde, Lutzen et les ravins vosgeois

Devant quatre ou cinq gars attentifs et narquois

S'exclamant et riant très fort aux endroits farce.


Canonnade compacte et fusillade éparse,

Chevaux éventrés, coups de sabre, prisonniers

Mis à mal entre deux batailles, les derniers

Moments d'un officier ajusté par derrière,

Qui se souvient et qu'on insulte, la barrière

Clichy, les alliés jetés au fond des puits,

La fuite sur la Loire et la maraude, et puis

Les femmes que l'on force après les villes prises,

Sans choix souvent, si bien qu'on a des mèches grises

Aux mains et des dégoûts au cœur après l'ébat

Quand passe le marchef ou que le rappel bat,

Puis encore, les camps levés et les déroutes.


Toutes ces gaîtés, tous ces faits d'armes et toutes

Ces gloires défilaient en de longs entretiens,

Entremêlés de gros jurons très peu chrétiens

Et de grands coups de poing sur les cuisses voisines.


Les femmes cependant, sœurs, mères et cousines,

Pleuraient et frémissaient un peu, conformément

À l'usage, tout en se disant : « Le vieux ment. »


Et les hommes fumaient et crachaient dans la cendre.


Et lui qui quelquefois voulait bien condescendre

À parler discipline avec ces bons lourdauds

Se levait, à grands pas marchait, les mains au dos

Et racontait alors quelque fait politique

Dont il se proclamait le témoin authentique,

La distribution des Aigles, les Adieux,

Le Sacre et ce Dix-huit Brumaire radieux,

Beau jour où le soldat qu'un bavard importune

Brisa du même coup orateurs et tribune,

Où le dieu Mars mis par la Chambre hors la Loi

Mit la Loi hors la Chambre et, sans dire pourquoi,

Balaya du pouvoir tous ces ergoteurs glabres,

Tous ces législateurs qui n'avaient pas de sabres !


Tel parlait et faisait le grognard précité

Qui mourut centenaire à peu près l'autre été.

Le maire conduisit le deuil au cimetière.

Un feu de peloton fut tiré sur la bière

Par le garde champêtre et quatorze pompiers

Dont sept revinrent plus ou moins estropiés

À cause des mauvais fusils de la campagne.

Un tertre qu'une pierre assez grande accompagne

Et qu'orne un saule en pleurs est l'humble monument

Où notre héros dort perpétuellement.

De plus, suivant le vœu dernier du camarade,

On grava sur la pierre, après ses nom et grade,

Ces mots que tout Français doit lire en tressaillant :

« Amour à la plus belle et gloire au plus vaillant. »
Qu'il est joyeux aujourd'hui
Le chêne aux rameaux sans nombre,
Mystérieux point d'appui
De toute la forêt sombre !

Comme quand nous triomphons,
Il frémit, l'arbre civique ;
Il répand à plis profonds
Sa grande ombre magnifique.

D'où lui vient cette gaieté ?
D'où vient qu'il vibre et se dresse,
Et semble faire à l'été
Une plus fière caresse ?

C'est le quatorze juillet.
À pareil jour, sur la terre
La liberté s'éveillait
Et riait dans le tonnerre.

Peuple, à pareil jour râlait
Le passé, ce noir pirate ;
Paris prenait au collet
La Bastille scélérate.

À pareil jour, un décret
Chassait la nuit de la France,
Et l'infini s'éclairait
Du côté de l'espérance.

Tous les ans, à pareil jour,
Le chêne au Dieu qui nous crée
Envoie un frisson d'amour,
Et rit à l'aube sacrée.

Il se souvient, tout joyeux,
Comme on lui prenait ses branches !
L'âme humaine dans les cieux,
Fière, ouvrait ses ailes blanches.

Car le vieux chêne est gaulois :
Il hait la nuit et le cloître ;
Il ne sait pas d'autres lois
Que d'être grand et de croître.

Il est grec, il est romain ;
Sa cime monte, âpre et noire,
Au-dessus du genre humain
Dans une lueur de gloire.

Sa feuille, chère aux soldats,
Va, sans peur et sans reproche,
Du front d'Epaminondas
À l'uniforme de Hoche.

Il est le vieillard des bois ;
Il a, richesse de l'âge,
Dans sa racine Autrefois,
Et Demain dans son feuillage.

Les rayons, les vents, les eaux,
Tremblent dans toutes ses fibres ;
Comme il a besoin d'oiseaux,
Il aime les peuples libres.

C'est son jour. Il est content.
C'est l'immense anniversaire.
Paris était haletant.
La lumière était sincère.

Au **** roulait le tambour...?
Jour béni ! jour populaire,
Où l'on vit un chant d'amour
Sortir d'un cri de colère !

Il tressaille, aux vents bercé,
Colosse où dans l'ombre austère
L'avenir et le passé
Mêlent leur double mystère.

Les éclipses, s'il en est,
Ce vieux naïf les ignore.
Il sait que tout ce qui naît,
L'oeuf muet, le vent sonore,

Le nid rempli de bonheur,
La fleur sortant des décombres,
Est la parole d'honneur
Que Dieu donne aux vivants sombres.

Il sait, calme et souriant,
Sérénité formidable !
Qu'un peuple est un orient,
Et que l'astre est imperdable.

Il me salue en passant,
L'arbre auguste et centenaire ;
Et dans le bois innocent
Qui chante et que je vénère,

Étalant mille couleurs,
Autour du chêne superbe
Toutes les petites fleurs
Font leur toilette dans l'herbe.

L'aurore aux pavots dormants
Verse sa coupe enchantée ;
Le lys met ses diamants ;
La rose est décolletée.

Aux chenilles de velours
Le jasmin tend ses aiguières ;
L'arum conte ses amours,
Et la garance ses guerres.

Le moineau-franc, ***, taquin,
Dans le houx qui se pavoise,
D'un refrain républicain
Orne sa chanson grivoise.

L'ajonc rit près du chemin ;
Tous les buissons des ravines
Ont leur bouquet à la main ;
L'air est plein de voix divines.

Et ce doux monde charmant,
Heureux sous le ciel prospère,
Épanoui, dit gaiement :
C'est la fête du grand-père.
Adam brady Oct 2017
I have no one to blame but me
Its a shame you see
addiction
Lays it claim on me
I am no longer free
Who am i to be
Or not to be
Surrounded by this dark energy
I watch as it consumes me
Slowly owning me
Behind closed doors
Pretending not to be loanly
Hoping no orne notices
Every time i flee

I'v been
Denying the severity
Of this disease
Even though
Its so clear to me
I think i pull it off so cleverly
How deceitful I can be
Im a stones throw from the sea
Its water now approaches me
With rapid speed
Its a trap indeed
This selfish greed as I feed
My desire to consume
All the drugs I think I need
My future looking bleak
I feel to weak
To turn my cheek
When someone offers
it to me for free
when really its never free
Look at what its costing me
Im loosing my ability
To function in this reality

Silly me
choosing that which
Is killing me
Overindulging
In my dark side
That can only be described
As prolonged suicide
A choice which seems so easy

As the waves now come over me
Im in to deep
Im drowning and i cannot breath
Nor see
The direction of the shore
Eludes me
I conclude this to be my destiny
I sink to the bottom of what i
Hoped I'd never be
And then it came to me
I need to start
Excepting this demonic
Side of me
My whole life I'v been lied
To by so many people close to me
And treated differently
By most people who
don't know me
Now i see
I was the one
who let this effect me

At a young age
During the developmental stage
I learned behaviours
That would develop
Into some kind of mental cage
Now its time to turn the page
Release this rage
And take responsibility
For the way i respond
to this reality
In this new age
Mental clarity
was always hard for me
I seem to see beyond
The beauty
that surrounds me
And view this world as
A catastrophe
Always fearing the worst
This mental curse
Nearly makes my head burst
this always ends in hurt

For a long time
I thought everyones perception
Was like mine
Turns out
i have a different kind of mind
I'v learnt in time
I cannot expect
Others to reflect each others own
unique Intellect
not evan for a sec
This i have come to accept
and the more i accept
The better i will get
At understanding me
And the things that keep
Me from my sobriety
Églantine ! Humble fleur, comme moi solitaire,
Ne crains pas que sur toi j'ose étendre ma main.
Sans en être arrachée orne un moment la terre,
Et comme un doux rayon console mon chemin.
Quand les tièdes zéphirs s'endorment sous l'ombrage,
Quand le jour fatigué ferme ses yeux brûlants,
Quand l'ombre se répand et brunit le feuillage,
Par ton souffle, vers toi, guide mes pas tremblants.

Mais ton front, humecté par le froid crépuscule,
Se penche tristement pour éviter ses pleurs ;
Tes parfums sont enclos dans leur blanche cellule,
Et le soir a changé ta forme et tes couleurs.
Rose, console-toi ! Le jour qui va paraître,
Rouvrira ton calice à ses feux ranimé ;
Ta mourante auréole, il la fera renaître,
Et ton front reprendra son éclat embaumé.

Fleur au monde étrangère, ainsi que toi, dans l'ombre
Je me cache et je cède à l'abandon du jour ;
Mais un rayon d'espoir enchante ma nuit sombre :
Il vient de l'autre rive... et j'attends son retour.
Ô fontaine Bellerie,
Belle fontaine chérie
De nos Nymphes, quand ton eau
Les cache au creux de ta source
Fuyantes le Satyreau,
Qui les pourchasse à la course
Jusqu'au bord de ton ruisseau.

Tu es la Nymphe éternelle
De ma terre paternelle :
Pour ce, en ce pré verdelet
Vois ton Poète qui t'orne
D'un petit chevreau de lait,
A qui l'une et l'autre corne
Sortent du front nouvelet.

L'Été, je dors ou repose
Sur ton herbe, où je compose,
Caché sous tes saules verts,
Je ne sais quoi, qui ta gloire
Enverra par l'Univers,
Commandant à la Mémoire
Que tu vives par mes vers.

L'ardeur de la Canicule
Ton vert rivage ne brûle,
Tellement qu'en toutes parts
Ton ombre est épaisse et drue
Aux pasteurs venants des parcs,
Aux bœufs las de la charrue,
Et au ******* épars.

Ô ! tu seras sans cesse
Des fontaines la princesse,
Moi célébrant le conduit
Du rocher percé, qui darde,
Avec un enroué bruit,
L'eau de ta source jazarde
Qui trépidante se suit.
I.

Je disais : - Ces soldats ont la tête trop basse.
Il va leur ouvrir des chemins.
Le peuple aime la poudre, et quand le clairon passe
La France chante et bat des mains.
La guerre est une pourpre où le meurtre se drape ;
Il va crier son : quos ego !
Un beau jour, de son crime, ainsi que d'une trappe,
Nous verrons sortir Marengo.
Il faut bien qu'il leur jette enfin un peu de gloire
Après tant de honte et d'horreur !
Que, vainqueur, il défile avec tout son prétoire
Devant Troplong le procureur ;
Qu'il tâche de cacher son carcan à l'histoire,
Et qu'il fasse par le doreur
Ajuster sa sellette au vieux char de victoire
Où monta le grand empereur.
Il voudra devenir César, frapper, dissoudre
Les anciens états ébranlés,
Et, calme, à l'univers montrer, tenant la foudre,
La main qui fit des fausses clés.
Il fera du vieux monde éclater la machine ;
Il voudra vaincre et surnager.
Hudson Lowe, Blücher, Wellington, Rostopschine,
Que de souvenirs à venger !
L'occasion abonde à l'époque où nous sommes.
Il saura saisir le moment.
On ne peut pas rester avec cinq cent mille hommes
Dans la fange éternellement.
Il ne peut les laisser courbés sous leur sentence
Il leur faut les hauts faits lointains
À la meute guerrière il faut une pitance
De lauriers et de bulletins.
Ces soldats, que Décembre orne comme une dartre,
Ne peuvent pas, chiens avilis,
Ronger à tout jamais le boulevard Montmartre,
Quand leurs pères ont Austerlitz ! -

II.

Eh bien non ! je rêvais. Illusion détruite !
Gloire ! songe, néant, vapeur !
Ô soldats ! quel réveil ! l'empire, c'est la fuite.
Soldats ! l'empire, c'est la peur.
Ce Mandrin de la paix est plein d'instincts placides ;
Ce Schinderhannes craint les coups.
Ô châtiment ! pour lui vous fûtes parricides,
Soldats, il est poltron pour vous.
Votre gloire a péri sous ce hideux incube
Aux doigts de fange, au cœur d'airain.
Ah ! frémissez ! le czar marche sur le Danube,
Vous ne marchez pas sur le Rhin !

III.

Ô nos pauvres enfants ! soldats de notre France !
Ô triste armée à l'œil terni !
Adieu la tente ! Adieu les camps ! plus d'espérance !
Soldats ! soldats ! tout est fini !
N'espérez plus laver dans les combats le crime
Dont vous êtes éclaboussés.
Pour nous ce fut le piège et pour vous c'est l'abîme.
Cartouche règne ; c'est assez.
Oui, Décembre à jamais vous tient, hordes trompées !
Oui, vous êtes ses vils troupeaux !
Oui, gardez sur vos mains, gardez sur vos épées,
Hélas ! gardez sur vos drapeaux
Ces souillures qui font horreur à vos familles
Et qui font sourire Dracon,
Et que ne voudrait pas avoir sur ses guenilles
L'équarrisseur de Montfaucon !
Gardez le deuil, gardez le sang, gardez la boue !
Votre maître hait le danger,
Il vous fait reculer ; gardez sur votre joue
L'âpre soufflet de l'étranger !
Ce nain à sa stature a rabaissé vos tailles.
Ce n'est qu'au vol qu'il est hardi.
Adieu la grande guerre et les grandes batailles !
Adieu Wagram ! adieu Lodi !
Dans cette horrible glu votre aile est prisonnière.
Derrière un crime il faut marcher.
C'est fini. Désormais vous avez pour bannière
Le tablier de ce boucher !
Renoncez aux combats, au nom de Grande Armée,
Au vieil orgueil des trois couleurs ;
Renoncez à l'immense et superbe fumée,
Aux femmes vous jetant des fleurs,
À l'encens, aux grands ares triomphaux que fréquentent
Les ombres des héros le soir ;
Hélas ! contentez-vous de ces prêtres qui chantent
Des Te Deum dans l'abattoir !
Vous ne conquerrez point la palme expiatoire,
La palme des exploits nouveaux,
Et vous ne verrez pas se dorer dans la gloire
La crinière de vos chevaux !

IV.

Donc l'épopée échoue avant qu'elle commence !
Annibal a pris un calmant ;
L'Europe admire, et mêle une huée immense
À cet immense avortement.
Donc ce neveu s'en va par la porte bâtarde !
Donc ce sabreur, ce pourfendeur,
Ce masque moustachu dont la bouche vantarde
S'ouvrait dans toute sa grandeur,
Ce césar qu'un valet tous les matins harnache
Pour s'en aller dans les combats,
Cet ogre galonné dont le hautain panache
Faisait oublier le front bas,
Ce tueur qui semblait l'homme que rien n'étonne,
Qui jouait, dans les hosanna,
Tout barbouillé du sang du ruisseau Tiquetonne,
La pantomime d'Iéna,
Ce héros que Dieu fit général des jésuites,
Ce vainqueur qui s'est dit absous,
Montre à Clio son nez meurtri de pommes cuites,
Son œil éborgné de gros sous !
Et notre armée, hélas ! sa dupe et sa complice,
Baisse un front lugubre et puni,
Et voit sous les sifflets s'enfuir dans la coulisse
Cet écuyer de Franconi !
Cet histrion, qu'on cingle à grands coups de lanière,
À le crime pour seul talent ;
Les Saint-Barthélemy vont mieux à sa manière
Qu'Aboukir et que Friedland.
Le cosaque stupide arrache à ce superbe
Sa redingote à brandebourgs ;
L'âne russe a brouté ce Bonaparte en herbe.
Sonnez, clairons ! battez, tambours !
Tranche-Montagne, ainsi que Basile, a la fièvre ;
La colique empoigne Agramant ;
Sur le crâne du loup les oreilles du lièvre
Se dressent lamentablement.
Le fier-à-bras tremblant se blottit dans son antre
Le grand sabre a peur de briller ;
La fanfare bégaie et meurt ; la flotte rentre
Au port, et l'aigle au poulailler.

V.

Et tous ces capitans dont l'épaulette brille
Dans les Louvres et les châteaux
Disent : « Mangeons la France et le peuple en famille.
Sire, les boulets sont brutaux. »
Et Forey va criant : « Majesté, prenez garde. »
Reibell dit : « Morbleu, sacrebleu !
Tenons-nous coi. Le czar fait manœuvrer sa garde.
Ne jouons pas avec le feu. »
Espinasse reprend : « César, gardez la chambre.
Ces kalmoucks ne sont pas manchots. »
Coiffez-vous, dit Leroy, du laurier de décembre,
Prince, et tenez-vous les pieds chauds. »
Et Magnan dit : « Buvons et faisons l'amour, sire ! »
Les rêves s'en vont à vau-l'eau.
Et dans sa sombre plaine, ô douleur, j'entends rire
Le noir lion de Waterloo !

Jersey, le  ler septembre 1853.
L'humble chambre a l'air de sourire ;
Un bouquet orne un vieux bahut ;
Cet intérieur ferait dire
Aux prêtres : Paix ! aux femmes : Chut !

Au fond une alcôve se creuse.
Personne. On n'entre ni ne sort.
Surveillance mystérieuse !
L'aube regarde : un enfant dort.

Une petite en ce coin sombre
Était là dans un berceau blanc,
Ayant je ne sais quoi dans l'ombre
De confiant et de tremblant.

Elle étreignait dans sa main calme
Un grelot d'argent qui penchait ;
L'innocence au ciel tient la palme
Et sur la terre le hochet.

Comme elle sommeille ! Elle ignore
Le bien, le mal, le cœur, les sens,
Son rêve est un sentier d'aurore
Dont les anges sont les passants.

Son bras, par instants, sans secousse,
Se déplace, charmant et pur ;
Sa respiration est douce
Comme une mouche dans l'azur.

Le regard de l'aube la couvre ;
Rien n'est auguste et triomphant
Comme cet œil de Dieu qui s'ouvre
Sur les yeux fermés de l'enfant.
Oh ! vous dont le travail est joie,
Vous qui n'avez pas d'autre proie
Que les parfums, souffles du ciel,
Vous qui fuyez quand vient décembre,
Vous qui dérobez aux fleurs l'ambre
Pour donner aux hommes le miel,

Chastes buveuses de rosée,
Qui, pareilles à l'épousée,
Visitez le lys du coteau,
Ô sœurs des corolles vermeilles,
Filles de la lumière, abeilles,
Envolez-vous de ce manteau !

Ruez-vous sur l'homme, guerrières !
Ô généreuses ouvrières,
Vous le devoir, vous la vertu,
Ailes d'or et flèches de flamme,
Tourbillonnez sur cet infâme !
Dites-lui : « Pour qui nous prends-tu ?

« Maudit ! nous sommes les abeilles !
Des chalets ombragés de treilles
Notre ruche orne le fronton ;
Nous volons, dans l'azur écloses,
Sur la bouche ouverte des roses
Et sur les lèvres de Platon.

« Ce qui sort de la fange y rentre.
Va trouver Tibère en son antre,
Et Charles neuf sur son balcon.
Va ! sur ta pourpre il faut qu'on mette,
Non les abeilles de l'Hymette,
Mais l'essaim noir de Montfaucon ! »

Et percez-le toutes ensemble,
Faites honte au peuple qui tremble,
Aveuglez l'immonde trompeur,
Acharnez-vous sur lui, farouches,
Et qu'il soit chassé par les mouches
Puisque les hommes en ont peur !

Jersey, juin 1853.

— The End —