Submit your work, meet writers and drop the ads. Become a member
solenn fresnay Nov 2012
A six heures trente- neuf ce matin le grand sourire et un peu trop de blush sur la joue gauche
J'ai senti qu'entre nous deux un léger décalage dans les pratiques professionnelles il y avait
Je n'ai pas su déterminer quel nombre exact de cuillères à café je devais mettre pour l'équivalent d'une cafetière pleine
J'en ai mis six
Il n'en fallait que deux
A midi moins deux minutes nous n'avions toujours pas fini nos toilettes
Il ne restait plus une goutte d'eau, juste des amas de mousse anti-cancer qui s'entassaient là à même le sol, noyés par des milliards de fourmis portant sur leurs dos trop courts des litres de caillots de sang
Le pire c'est le cancer de la vessie, on dirait de la porcelaine, j'osais à peine vous toucher, vous m'excusez?
En attendant le prochain voyage pour la planète cancer j'ai tartiné mon pain de confiture de groseilles, ou était-ce de la prune ?
Peu importe, je ne me sentais pas très bien et je voulais boire le sang de ma propre mère en prenant soin de m'étouffer avec ses quelques caillots restants, en hommage à ses quelques non-dits d'une vie plus que passée et depuis longtemps oubliée
Comme dans la cour d'école, vous ne m'avez pas choisi et j'ai senti que mes jambes me lâchaient
NE FAIRE QUE COMME VOUS ET ÉLIRE DOMICILE DANS VOTRE CAGE D'ESCALIER
J'ai dit "encombré", vous m'avez corrigée et ouvrez les guillemets, je cite: "Pas encombré, mais dyspnéique, cela s'appelle de la dyspnée"
CONN-ASSE
Je me suis appuyée contre le mur, vous ai simplement souri et tout n'allait pas trop bien avec mon blush en surdosage
Les mots étaient là coincés au travers de ma glotte, impossibles à sortir, je ne vous trouvais plus, vous ai simplement servi un café dans une petite tasse en ayant au préalable pensé y cracher toute ma morve dedans
CONNASSE, ON DIT PEUT ETRE DYSPNEIQUE ET PAS ENCOMBRE MAIS QUI DIT QUE TEL PATIENT EST P-SSSY A TOUT BOUT DE CHAMP CA VEUT DIRE QUOI D'AILLEURS ETRE P-SSSY SURTOUT QUAND ON VA CREVER?
Putain, j'ai rien pu dire du tout jusqu'au yaourt aux fruits rouges
Mes seules paroles formulées ne furent pas prises au sérieux et mon salaire ne fut plus qu’une avalanche de vers de terre en pente descendante
Comme un tel visage dépoussiéré et quelques centimètres d'un seul poumon à la surface de vos quatre-vingt trois printemps
Mais que nous reste-t-il donc à vivre ?
La tumeur est là bien visible et vous empêche de parler, presque, de respirer
Vous perdez la tête
Nous perdons la tête
Mais qu'avez-vous donc fait pour mériter telle souffrance?
Chaque nuit le même rêve d'un père que je tue de mes propres mains bouffées par la vermine
De là je l'entends geindre et ses draps sont tachés de sang mais je continue de courir
Je cours encore
Je cours toujours
Je ne sais faire que ça, courir
Je vais m'évanouir
Bon Dieu que je déteste les gens.

Mes cheveux me démangeaient alors dès la sortie des classes je suis allée m'acheter de la compote à la cerise et sur le chemin du retour mes cheveux continuaient à me démanger je les ai donc déposés bien délicatement au fond du caniveau de la rue Edgar Quinet
Je suis nulle, je suis nouille et je travaille à Convention
Et à Convention, vous faites quoi?
Dans le théâtre, je travaille dans le théâtre
Il s'appelle Boris et en fait c'est pas ça du tout
Il n'y avait pas de chauffage chez moi et la femme n'était pas enceinte
Je n'ai jamais rien compris au fonctionnement propre d'un miroir et j'ai mes derniers textes qui attendent d'être classés ainsi que la syntaxe à rafraîchir
Appelez-moi comme vous voulez et arrachez moi toutes mes dents, peu m’importe
J'ai le poste de télévision qui dérive sur la droite
Laissez-moi finir mon chapitre et surtout ne dites à personne ce que je vous ai dit
Oubliez l’écrivaine qui écrit comme elle respire
Je ne fais que torcher des culs comme on emballe des endives, le monde tourne à l'envers, le bateau coule, c'est la crise, non l'escroquerie pardon, te souviens-tu du jour où tu as rêvé...
Prendre un paquebot à l'amiante et t'envoler pour la planète Néant
N'oubliez jamais que peut-être demain matin de votre lit vous ne pourrez plus parler car durant une nuit sans fin votre tête rongée par la culpabilité aura été tranchée
Je sens je pisse encore du sang et ma vie n'est plus qu'un cargo à la dérive
Baissez donc le rideau et laissez-moi, vous m'avez assez emmerdé pour aujourd'hui.

.../...

Je l'ai vraiment tué ?

.../...

Je ne sais plus
Alors j'ai avalé les derniers débris de glace
Il respirait encore quand je suis partie
J'ai chié dans mon jean troué aux deux genoux et j'ai simplement continué de courir.
Chaque poème que je sculpte dans le bois pour ma muse égarée
Est un bout de sentier lumineux que je façonne
Dans la glaise de la route de mon pèlerinage infatigable
A la recherche des volcans éteints de ma muse.
C'est un chemin de Compostelle
Que j 'ai semé de ma trace d'olisbos de bois noir tendus vers le cosmos
avec son image gravée
Qui stridulent de plaisir à l 'approche de la lune descendante.

C'est seulement hors sève que mes mots acceptent
En holocauste que ce bel ébène de bonne grâce
Soit coupé scié laminé en bonne lune
Pour servir de festin lubrique à ma muse.

Oh my God, dit ma muse
Qui pourtant ne parle pas la langue de Shakespeare,
Eblouie par la majestueuse forêt de godemichés
De belle patine couleur miel
En repos végétal.
In God we trust, lui répond en stridulant
toute l 'animalité volatile perchée au sommet de Priape
Entre roses et croix :
Ultreïa ! Ultreïa ! Et Suseïa ! Musa adjuva nos !

Ma muse devant un tel charivari frissonne
Prend ses jambes à mon cou
et dégouline du diable vauvert
Sans demander son reste de canon à cent voix
Maudissant les molles bandaisons du poète infidèle
et vouant aux gémonies la lune, cette dévergondée,
L 'accusant de guet-apens et autres sornettes
Artificielles et sordides.

Ultreïa ! Ultreïa ! Et Suseïa ! Musa adjuva nos !
Gradiva, c'est moi
Kamadeva,
Ecoute ton roi !
Il est moins huit
Dans huit minutes
Huit petites minutes
Ce sera l'heure
Le jour va croître de ton plus long pas d'oie
Ce sera alors l'heure du solstice d'été,
L'heure bénie où les vierges éternelles dansent dans les bois
Avec le soleil sans corps qui dort au fond des loups .
L 'heure, Gradiva, où tu devras passer le témoin
Le pied droit horizontal campé sur sa voûte plantaire
Le pied gauche vertical comme ancré à ses orteils

Comme chaque mois de juin
En ces jour et heure
J'accomplis ma promesse solennelle
J'accède à ta prière
Je te libère pour huit heures
De ce bas-relief de marbre blanc de Carrare
Cette prison où j'ai sculpté jadis ta démarche rare.

T'en souviens tu ?

Tu marchais alors, svelte et alerte
Et l'air sous tes pas se dérobait
Et chantait. Tu paraissais danser
Flotter sur un nuage de cendre
Et tu riais à gorge déployée
Et ton ombre était lustrée de la semence du soleil.

Tu sentais l'amour et le plaisir resplendissait et rejaillissait
En rosée ardente sur mon royaume
Tu tourbillonnais et nue sous ta robe de satin
Tu étais Vénus, tu étais Vésuve.
Tu chaussais du 38, si je ne m'abuse.

Dans huit minutes ce sera au tour de Rediviva
La Reine Pédauque de surgir en arabesques du royaume de Perséphone
Et d'assumer la garde de ta danse immobile
De ressusciter en tes lieux et place l'envol de oiseau de feu
Pour juste ces quelques heures nocturnes.

Pendant que Gradiva éternellement pétrifiée dans sa marche
Brillera de sa langueur immortelle et lascive
Profite de cet instant de liesse du solstice d'été
Dans huit minutes le soleil tombera des nues
Dans huit minutes il fera noir.
Jette au diable ces habits de deuil
Et mets tes colliers blancs et bleus
Pour couronner tes chevilles.

Va, vole, virevolte et décolle, ma mortelle,
Marche en long en large et en travers
Redeviens Arria Marcella, l'orchidée Volcanique et sage,
Descendante millénaire des Aglaurides,
Filles d'Aglaure et Cecrops,
Aglaure fille, Hersé et Pandrose
Viens voltiger dans la cendre chaude et familière.
De l'ombre de tes soeurs et foule Majestueuse les pieds fardés
La forêt frivole. De cette nuit au pied du volcan
On a vue sur la mer
Et sur les îles.
Marche entre les coquillages et les pierres de rosée
Et que ta musique résonne comme le chant de la houle
Entre pins sylvestres et cocotiers
Portée par le cyclone tantrique qui s'annonce
Escorté de ses oiseaux funambules.

Ton pied gauche est un hexamètre dactylique
Et le droit un pentamètre iambique
Déambule, c'est ta nuit, c'est notre nuit,
C'est la nuit nue
Et nu-pieds
Eclaire-la de ton soleil intime
Ton aura lentement emmagasinée

De pas, chants et sève
sur ta chair de pierre
A longueur d'année

Gradiva, c'est moi
Kamadeva,
Ecoute ton roi !
Il est moins huit
Dans huit minutes
Huit petites minutes
Ce sera l'heure
Des feux de joie.
Sous les draps de ta pyramide

On a vue en 3D sur la mangrove

Rhomboïde

De rhizomes entrelacés

À perte de vue.

Et j'essaie le sabre aux lèvres

Grâce à mon géo-radar

De me frayer un chemin dans le feu inextricable

Vers ta chambre nuptiale

D'eau enchevêtrée d'éclairs et de lave en fusion.

Sous les draps de ta pyramide

J'emprunte ta face Nord

À travers une oubliette à l'abri des regards

Des crabes et des salamandres

J'emprunte la descenderie

Et au bout du couloir

Me voici à l'antichambre

Et un sphynx exige de moi un mot de passe

Pour accéder au nec plus ultra de tes entrailles.

Et je dis : soldat du feu !

Et ce que je croyais être un simple feu de broussailles

De mangle rouge momifié

Se révèle un feu de jungle folle

Où sauterelles et criquets grésillent

Sous les flammes humides de ta chrysalide.

Et j'ouvre ma pompe et j'arrose

De mon eau de rose ton sanctuaire

De fleur de grenade inviolée

Et je comble ta faim

D'un bon mortier fait de venin de sable et de sève d'argile

Montante et descendante

Que tu dégustes en te pourléchant les lèvres.

Pour ne pas en perdre une miette.

— The End —