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Caroline Oct 2019
Le malheur se cache derrière milles profils ténébreux,
Et attend que le match insignifiant de vermine,
Infirme mon idée tordue de l'être amoureux.

Le malheur séduit au lit par ses promesses d'ivresse sauvage,
Qu'attendez-vous pour m'écrire,
Et m'aplatir dans ma désolante dignité au passage?

Le malheur s'invite seul à mes soupers assourdissants de vide,
Et exhume les faux espoirs assommés
De mensonges médiocres; alors je me les imagine...

**** de moi, et moi, **** de leurs pensées,
Entre les espérances dupées et celles perforées d'épines,
Le malheur me couve, le malheur se rend légitime.
Peins-moi, Janet, peins-moi, je te supplie
Dans ce tableau les beautés de m'amie
De la façon que je te les dirai.
Comme importun je ne te supplierai
D'un art menteur quelque faveur lui faire :
Il suffit bien si tu la sais portraire
Ainsi qu'elle est, sans vouloir déguiser
Son naturel pour la favoriser,
Car la faveur n'est bonne que pour celles
Qui se font peindre, et qui ne sont pas belles.

Fais-lui premier les cheveux ondelés,
Noués, retors, recrêpés, annelés,
Qui de couleur le cèdre représentent ;
Ou les démêle, et que libres ils sentent
Dans le tableau, si par art tu le peux,
La même odeur de ses propres cheveux,
Car ses cheveux comme fleurettes sentent,
Quand les Zéphyrs au printemps les éventent.

Que son beau front ne soit entrefendu
De nul sillon en profond étendu,
Mais qu'il soit tel qu'est la pleine marine,
Quand tant soit peu le vent ne la mutine,
Et que gisante en son lit elle dort,
Calmant ses flots sillés d'un somme mort.
Tout au milieu par la grève descende
Un beau rubis, de qui l'éclat s'épande
Par le tableau, ainsi qu'on voit de nuit
Briller les rais de la Lune qui luit
Dessus la neige au fond d'un val coulée,
De trace d'homme encore non foulée.

Après fais-lui son beau sourcil voûtis
D'ébène noir, et que son pli tortis
Semble un croissant qui montre par la nue
Au premier mois sa voûture cornue.
Ou si jamais tu as vu l'arc d'Amour,
Prends le portrait dessus le demi-tour
De sa courbure à demi-cercle dose,
Car l'arc d'Amour et lui n'est qu'une chose.
Mais las ! mon Dieu, mon Dieu je ne sais pas
Par quel moyen, ni comment, tu peindras
(Voire eusses-tu l'artifice d'Apelle)
De ses beaux yeux la grâce naturelle,
Qui font vergogne aux étoiles des Cieux.
Que l'un soit doux, l'autre soit furieux,
Que l'un de Mars, l'autre de Vénus tienne ;
Que du bénin toute espérance vienne,

Et du cruel vienne tout désespoir ;
L'un soit piteux et larmoyant à voir,
Comme celui d'Ariane laissée
Aux bords de Die, alors que l'insensée,
Près de la mer, de pleurs se consommait,
Et son Thésée en vain elle nommait ;
L'autre soit ***, comme il est bien croyable
Que l'eut jadis Pénélope louable
Quand elle vit son mari retourné,
Ayant vingt ans **** d'elle séjourné.
Après fais-lui sa rondelette oreille,
Petite, unie, entre blanche et vermeille,
Qui sous le voile apparaisse à l'égal
Que fait un lis enclos dans un cristal,
Ou tout ainsi qu'apparaît une rose
Tout fraîchement dedans un verre enclose.

Mais pour néant tu aurais fait si beau
Tout l'ornement de ton riche tableau,
Si tu n'avais de la linéature
De son beau nez bien portrait la peinture.
Peins-le-moi donc grêle, long, aquilin,
Poli, traitis, où l'envieux malin,
Quand il voudrait, n'y saurait que reprendre,
Tant proprement tu le feras descendre
Parmi la face, ainsi comme descend
Dans une plaine un petit mont qui pend.
Après au vif peins-moi sa belle joue
Pareille au teint de la rose qui noue
Dessus du lait, ou au teint blanchissant
Du lis qui baise un oeillet rougissant.
Dans le milieu portrais une fossette,
Fossette, non, mais d'Amour la cachette,
D'où ce garçon de sa petite main
Lâche cent traits, et jamais un en vain,
Que par les yeux droit au coeur il ne touche.

Hélas ! Janet, pour bien peindre sa bouche,
A peine Homère en ses vers te dirait
Quel vermillon égaler la pourrait,
Car pour la peindre ainsi qu'elle mérite,
Peindre il faudrait celle d'une Charite.
Peins-la-moi donc, qu'elle semble parler,
Ores sourire, ores embaumer l'air
De ne sais quelle ambrosienne haleine.
Mais par sur tout fais qu'elle semble pleine
De la douceur de persuasion.
Tout à l'entour attache un million
De ris, d'attraits, de jeux, de courtoisies,
Et que deux rangs de perlettes choisies
D'un ordre égal en la place des dents
Bien poliment soient arrangés dedans.
Peins tout autour une lèvre bessonne,
Qui d'elle-même, en s'élevant, semonne,
D'être baisée, ayant le teint pareil
Ou de la rose, ou du corail vermeil,
Elle flambante au Printemps sur l'épine,
Lui rougissant au fond de la marine.

Peins son menton au milieu fosselu,
Et que le bout en rondeur pommelu
Soit tout ainsi que l'on voit apparaître
Le bout d'un coin qui jà commence à croître.

Plus blanc que lait caillé dessus le jonc
Peins-lui le col, mais peins-le un petit long,
Grêle et charnu, et sa gorge douillette
Comme le col soit un petit longuette.

Après fais-lui, par un juste compas,
Et de Junon les coudes et les bras,
Et les beaux doigts de Minerve, et encore
La main pareille à celle de l'Aurore.

Je ne sais plus, mon Janet, où j'en suis,
Je suis confus et muet : je ne puis,
Comme j'ai fait, te déclarer le reste
De ses beautés, qui ne m'est manifeste.
Las ! car jamais tant de faveurs je n'eus
Que d'avoir vu ses beaux tétins à nu.
Mais si l'on peut juger par conjecture,
Persuadé de raisons, je m'assure
Que la beauté qui ne s'apparaît, doit
Du tout répondre à celle que l'on voit.
Doncque peins-la, et qu'elle me soit faite

Parfaite autant comme l'autre est parfaite.
Ainsi qu'en bosse élève-moi son sein,
Net, blanc, poli, large, profond et plein,
Dedans lequel mille rameuses veines
De rouge sang tressaillent toutes pleines.
Puis, quand au vif tu auras découvert
Dessous la peau les muscles et les nerfs,
Enfle au-dessus deux pommes nouvelettes,
Comme l'on voit deux pommes verdelettes
D'un oranger, qui encore du tout
Ne font qu'à l'heure à se rougir au bout.

Tout au plus haut des épaules marbrines,
Peins le séjour des Charites divines,
Et que l'Amour sans cesse voletant
Toujours les couve, et les aille éventant,
Pensant voler avec le Jeu son frère
De branche en branche ès vergers de Cythère.

Un peu plus bas, en miroir arrondi,
Tout poupellé, grasselet, rebondi,
Comme celui de Vénus, peins son ventre ;
Peins son nombril ainsi qu'un petit centre,
Le fond duquel paraisse plus vermeil
Qu'un bel oeillet entrouvert au Soleil.

Qu'attends-tu plus ? portrais-moi l'autre chose
Qui est si belle, et que dire je n'ose,
Et dont l'espoir impatient me point ;
Mais je te prie, ne me l'ombrage point,
Si ce n'était d'un voile fait de soie,
Clair et subtil, à fin qu'on l'entrevoie.

Ses cuisses soient comme faites au tour
A pleine chair, rondes tout à l'entour,
Ainsi qu'un Terme arrondi d'artifice
Qui soutient ferme un royal édifice.

Comme deux monts enlève ses genoux,
Douillets, charnus, ronds, délicats et mous,
Dessous lesquels fais-lui la grève pleine,
Telle que l'ont les vierges de Lacène,
Allant lutter au rivage connu
Du fleuve Eurote, ayant le corps tout nu,
Ou bien chassant à meutes découplées
Quelque grand cerf ès forêts Amyclées.
Puis, pour la fin, portrais-lui de Thétis
Les pieds étroits, et les talons petits.

Ha, je la vois ! elle est presque portraite,
Encore un trait, encore un, elle est faite !
Lève tes mains, ha mon Dieu ! je la vois !
Bien peu s'en faut qu'elle ne parle à moi.
Je ne sais pourquoi

Mon esprit amer

D'une aile inquiète et folle vole sur la mer,

Tout ce qui m'est cher,

D'une aile d'effroi

Mon amour le couve au ras des flots. Pourquoi, pourquoi ?


Mouette à l'essor mélancolique.

Elle suit la vague, ma pensée,

À tous les vents du ciel balancée

Et biaisant quand la marée oblique,

Mouette à l'essor mélancolique.


Ivre de soleil

Et de liberté,

Un instinct la guide à travers cette immensité.

La brise d'été

Sur le flot vermeil

Doucement la porte en un tiède demi-sommeil.


Parfois si tristement elle crie

Qu'elle alarme au lointain le pilote

Puis au gré du vent se livre et flotte

Et plonge, et l'aile toute meurtrie

Revole, et puis si tristement crie !


Je ne sais pourquoi

Mon esprit amer

D'une aile inquiète et folle vole sur la mer.

Tout ce qui m'est cher,

D'une aile d'effroi

Mon amour le couve au ras des flots. Pourquoi, pourquoi ?
À L. De V*.

Le feu divin qui nous consume
Ressemble à ces feux indiscrets
Qu'un pasteur imprudent allume
Aux bord de profondes forêts ;
Tant qu'aucun souffle ne l'éveille,
L'humble foyer couve et sommeille ;
Mais s'il respire l'aquilon,
Tout à coup la flamme engourdie
S'enfle, déborde ; et l'incendie
Embrase un immense horizon !

Ô mon âme, de quels rivages
Viendra ce souffle inattendu ?
Serait-ce un enfant des orages ?
Un soupir à peine entendu ?
Viendra-t-il, comme un doux zéphyre,
Mollement caresser ma lyre,
Ainsi qu'il caresse une fleur ?
Ou sous ses ailes frémissantes,
Briser ses cordes gémissantes
Du cri perçant de la douleur ?

Viens du couchant ou de l'aurore !
Doux ou terrible au gré du sort,
Le sein généreux qui t'implore
Brave la souffrance ou la mort !
Aux coeurs altérés d'harmonie
Qu'importe le prix du génie ?
Si c'est la mort, il faut mourir !...
On dit que la bouche d'Orphée,
Par les flots de l'Ebre étouffée,
Rendit un immortel soupir !

Mais soit qu'un mortel vive ou meurt,
Toujours rebelle à nos souhaits,
L'esprit ne souffle qu'à son heure,
Et ne se repose jamais !
Préparons-lui des lèvres pures,
Un oeil chaste, un front sans souillures,
Comme, aux approches du saint lieu,
Des enfants, des vierges voilées,
Jonchent de roses effeuillées
La route où va passer un Dieu !

Fuyant des bords qui l'ont vu naître,
De Jéthro l'antique berger
Un jour devant lui vit paraître
Un mystérieux étranger ;
Dans l'ombre, ses larges prunelles
Lançaient de pâles étincelles,
Ses pas ébranlaient le vallon ;
Le courroux gonflait sa poitrine,
Et le souffle de sa narine
Résonnait comme l'aquilon !

Dans un formidable silence
Ils se mesurent un moment ;
Soudain l'un sur l'autre s'élance,
Saisi d'un même emportement :
Leurs bras menaçants se replient,
Leurs fronts luttent, leurs membres crient,
Leurs flancs pressent leurs flancs pressés ;
Comme un chêne qu'on déracine
Leur tronc se balance et s'incline
Sur leurs genoux entrelacés !

Tous deux ils glissent dans la lutte,
Et Jacob enfin terrassé
Chancelle, tombe, et dans sa chute
Entraîne l'ange renversé :
Palpitant de crainte et de rage,
Soudain le pasteur se dégage
Des bras du combattant des cieux,
L'abat, le presse, le surmonte,
Et sur son sein gonflé de honte
Pose un genou victorieux !

Mais, sur le lutteur qu'il domine,
Jacob encor mal affermi,
Sent à son tour sur sa poitrine
Le poids du céleste ennemi !...
Enfin, depuis les heures sombres
Où le soir lutte avec les ombres,
Tantôt vaincu, tantôt vainqueur,
Contre ce rival qu'il ignore
Il combattit jusqu'à l'aurore...
Et c'était l'esprit du Seigneur !

Ainsi dans les ombres du doute
L'homme, hélas! égaré souvent,
Se trace à soi-même sa route,
Et veut voguer contre le vent ;
Mais dans cette lutte insensée,
Bientôt notre aile terrassée
Par le souffle qui la combat,
Sur la terre tombe essoufflée
Comme la voile désenflée
Qui tombe et dort le long du mât.

Attendons le souffle suprême ;
Dans un repos silencieux ;
Nous ne sommes rien de nous-même
Qu'un instrument mélodieux !
Quand le doigt d'en haut se retire,
Restons muets comme la lyre
Qui recueille ses saints transports
Jusqu'à ce que la main puissante
Touche la corde frémissante
Où dorment les divins accords !
Ode XXIX.

Sans avoir lien qui m'estraigne,
Sans cordons, ceinture ny nouds,
Et sans jartiere à mes genous
Je vien dessus ceste montaigne,

Afin qu'autant soit relasché
Mon cœur d'amoureuses tortures,
Comme de nœuds et de ceintures
Mon corps est franc et détaché.

Demons, seigneurs de ceste terre,
Volez en troupe à mon secours,
Combattez pour moi les Amours :
Contre eux je ne veux plus de guerre.

Vents qui soufflez par ceste plaine,
Et vous, Seine, qui promenez
Vos flots par ces champs, emmenez
En l'Océan noyer ma peine.

Va-t'en habiter tes Cytheres,
Ton Paphos, Prince idalien :
Icy pour rompre ton lien
Je n ay besoin de tes mysteres.

Anterot, preste-moy la main,
Enfonce tes fleches diverses ;
II faut que pour moy tu renverses
Cet ennemy du genre humain.

Je te pry, grand Dieu, ne m'oublie !
Sus, page, verse à mon costé
Le sac que tu as apporté,
Pour me guarir de ma folie !

Brusle du soufre et de l'encens.
Comme en l'air je voy consommée
Leur vapeur, se puisse en fumée
Consommer le mal que je sens !

Verse-moy l'eau de ceste esguiere ;
Et comme à bas tu la respans,
Qu'ainsi coule en ceste riviere
L'amour, duquel je me répans.

Ne tourne plus ce devideau :
Comme soudain son cours s'arreste,
Ainsi la fureur de ma *****
Ne tourne plus en mon cerveau.

Laisse dans ce geniévre prendre
Un feu s'enfumant peu à peu :
Amour ! je ne veux plus de feu,
Je ne veux plus que de la cendre.

Vien viste, enlasse-moy le flanc,
Non de thym ny de marjolaine,
Mais bien d'armoise et de vervaine,
Pour mieux me rafraischir le sang.

Verse du sel en ceste place :
Comme il est infertile, ainsi
L'engeance du cruel soucy
Ne couve en mon cœur plus de race.

Romps devant moy tous ses presens,
Cheveux, gands, chifres, escriture,
Romps ses lettres et sa peinture,
Et jette les morceaux aux vens.

Vien donc, ouvre-moy ceste cage,
Et laisse vivre en libertez
Ces pauvres oiseaux arrestez,
Ainsi que j'estois en servage.

Passereaux, volez à plaisir ;
De ma cage je vous delivre,
Comme desormais je veux vivre
Au gré de mon premier desir.

Vole, ma douce tourterelle,
Le vray symbole de l'amour ;
Je ne veux plus ni nuit ni jour
Entendre ta plainte fidelle.

Pigeon, comme tout à l'entour
Ton corps emplumé je desplume,
Puissé-je, en ce feu que j allume,
Déplumer les ailes d'Amour ;

Je veux à la façon antique
Bastir un temple de cyprès,
Où d'Amour je rompray les traits
Dessus l'autel anterotique.

Vivant il ne faut plus mourir,
Il faut du cœur s'oster la playe :
Dix lustres veulent que j'essaye
Le remede de me guarir.

Adieu, Amour, adieu tes flames,
Adieu ta douceur, ta rigueur,
Et bref, adieu toutes les dames
Qui m'ont jadis bruslé le cœur.

Adieu le mont Valerien,
Montagne par Venus nommée,
Quand Francus conduit son armée
Dessus le bord Parisien.
Oui, vous avez un ange ; un jeune ange qui pleure ;
Il pleure, car il aime... et vous ne pleurez pas ;
Il s'en plaint doucement dans le ciel, puis dans l'heure,
Quand elle sonne triste à ralentir vos pas.
Voyez comme il vous donne et couve sous son aile
Des mots harmonieux tièdes d'âme et d'encens :
Et, quand vous les prenez dans sa main fraternelle,
Comme ils forment aux yeux de célestes accents.

Nous avons tous notre ange, et je tiens de ma mère,
Qu'on ne marche pas seul dans une voie amère.
Le rayon de soleil qui passe et vient vous voir,
L'haleine de vos fleurs que vous buvez le soir ;
Un pauvre qui bénit votre obole furtive,
Dont la prière à Dieu s'achève moins plaintive ;
La fraîche voix d'enfant qui vous jette : Bonjour !
Comptez que c'est votre ange et votre ange d'amour !

D'autres fois, je croyais qu'on nous coupait les ailes,
Pour nous faire oublier le chemin des oiseaux.
Puis, qu'elles renaissaient plus vives et plus belles,
Quand nous avions marché longtemps, quand les roseaux
Ne se relevaient plus près des dormantes eaux :
Nous remontions alors raconter nos voyages
Aux frères parcourant leurs villes de nuages ;
Et las de cette terre où tombent toutes fleurs,
Nous chantions au soleil avec des voix sans pleurs !
Rêves d'enfant pensif et bercé de prières,
Dont quelque doux cantique assoupit les paupières ;
Indigent, mais comblé de biens mystérieux,
Au foyer calme et nu qu'ornait le buis pieux !

À présent je suis femme à la terre exilée,
Descendue à l'école où vous brûlez vos jours ;
Toujours en pénitence ou d'un livre accablée,
N'apprenant rien du monde et l'épelant toujours !

Ce livre, c'est ma vie et ses mobiles pages
Où le cyprès serpente à chaque ligne. Eh quoi !
N'avez-vous pas des pleurs à cacher comme moi,
Sous l'album périssable et lourd de trop d'images ?

Dans ces jours embaumés respirés par le cœur,
N'avez-vous pas aussi vu tomber bien des roses ?
N'aviez-vous pas choisi parmi ces frêles choses,  
Un intime trésor qui s'appela : Malheur !

Mais je crois ! mais quelque ange à l'aveugle écolière,
Ouvre parfois son aile et sa pitié de feu :
Il me laisse à genoux ; mais il desserre un peu
L'anneau qui **** de lui me retient prisonnière !
Partout pleurs, sanglots, cris funèbres.
Pourquoi dors-tu dans les ténèbres ?
Je ne veux pas que tu sois mort.
Pourquoi dors-tu dans les ténèbres ?
Ce n'est pas l'instant où l'on dort.
La pâle Liberté gît sanglante à ta porte.
Tu le sais, toi mort, elle est morte.
Voici le chacal sur ton seuil,
Voici les rats et les belettes,
Pourquoi t'es-tu laissé lier de bandelettes ?
Ils te mordent dans ton cercueil !
De tous les peuples on prépare
Le convoi... -
Lazare ! Lazare ! Lazare !
Lève-toi !

Paris sanglant, au clair de lune,
Rêve sur la fosse commune ;
Gloire au général Trestaillon !
Plus de presse, plus de tribune.
Quatre-vingt-neuf porte un bâillon.
La Révolution, terrible à qui la touche,
Est couchée à terre ! un Cartouche
Peut ce qu'aucun titan ne put.
Escobar rit d'un rire oblique.
On voit traîner sur toi, géante République,
Tous les sabres de Lilliput.
Le juge, marchand en simarre,
Vend la loi... -
Lazare ! Lazare ! Lazare !
Lève-toi !

Sur Milan, sur Vienne punie,
Sur Rome étranglée et bénie,
Sur Pesth, torturé sans répit,
La vieille louve Tyrannie,
Fauve et joyeuse, s'accroupit.
Elle rit ; son repaire est orné d'amulettes
Elle marche sur des squelettes
De la Vistule au Tanaro ;
Elle a ses petits qu'elle couve.
Qui la nourrit ? qui porte à manger à la louve ?
C'est l'évêque, c'est le bourreau.
Qui s'allaite à son flanc barbare ?
C'est le roi... -
Lazare ! Lazare ! Lazare !
Lève-toi !

Jésus, parlant à ses apôtres,
Dit : Aimez-vous les uns les autres.
Et voilà bientôt deux mille ans
Qu'il appelle nous et les nôtres
Et qu'il ouvre ses bras sanglants.
Rome commande et règne au nom du doux prophète.
De trois cercles sacrés est faite
La tiare du Vatican ;
Le premier est une couronne,
Le second est le nœud des gibets de Vérone,
Et le troisième est un carcan.
Mastaï met cette tiare
Sans effroi... -
Lazare ! Lazare ! Lazare !
Lève-toi !

Ils bâtissent des prisons neuves.
Ô dormeur sombre, entends les fleuves
Murmurer, teints de sang vermeil ;
Entends pleurer les pauvres veuves,
Ô noir dormeur au dur sommeil !
Martyrs, adieu ! le vent souffle, les pontons flottent ;
Les mères au front gris sanglotent ;
Leurs fils sont en proie aux vainqueurs ;
Elles gémissent sur la route ;
Les pleurs qui de leurs yeux s'échappent goutte à goutte
Filtrent en haine dans nos coeurs.
Les juifs triomphent, groupe avare
Et sans foi... -
Lazare ! Lazare ! Lazare !
Lève-toi !

Mais il semble qu'on se réveille !
Est-ce toi que j'ai dans l'oreille,
Bourdonnement du sombre essaim ?
Dans la ruche frémit l'abeille ;
J'entends sourdre un vague tocsin.
Les Césars, oubliant qu'il est des gémonies,
S'endorment dans les symphonies
Du lac Baltique au mont Etna ;
Les peuples sont dans la nuit noire
Dormez, rois ; le clairon dit aux tyrans : victoire !
Et l'orgue leur chante : hosanna !
Qui répond à cette fanfare ?
Le beffroi... -
Lazare ! Lazare ! Lazare !
Lève-toi !

Jersey, mai 1853.
Une colombe gémissait
De ne pouvoir devenir mère :
Elle avait fait cent fois tout ce qu'il fallait faire
Pour en venir à bout, rien ne réussissait.
Un jour, se promenant dans un bois solitaire,
Elle rencontre en un vieux nid
Un œuf abandonné, point trop gros, point petit,
Semblable aux œufs de tourterelle.
Ah ! Quel bonheur ! S'écria-t-elle :
Je pourrai donc enfin couver,
Et puis nourrir, puis élever
Un enfant qui fera le charme de ma vie !
Tous les soins qu'il me coûtera,
Les tourments qu'il me causera,
Seront encor des biens pour mon âme ravie :
Quel plaisir vaut ces soucis-là ?
Cela dit, dans le nid la colombe établie
Se met à couver l'œuf, et le couve si bien,
Qu'elle ne le quitte pour rien,
Pas même pour manger : l'amour nourrit les mères.
Après vingt et un jours elle voit naître enfin
Celui dont elle attend son bonheur, son destin,
Et ses délices les plus chères.
De joie elle est prête à mourir ;
Auprès de son petit nuit et jour elle veille,
L'écoute respirer, le regarde dormir,
S'épuise pour le mieux nourrir.
L'enfant chéri vient à merveille,
Son corps grossit en peu de temps :
Mais son bec, ses yeux et ses ailes,
Différent fort des tourterelles ;
La mère les voit ressemblants.
À bien élever sa jeunesse
Elle met tous ses soins, lui prêche la sagesse,
Et surtout l'amitié, lui dit à chaque instant :
Pour être heureux, mon cher enfant,
Il ne faut que deux points, la paix avec soi-même,
Puis quelques bons amis dignes de nous chérir.
La vertu de la paix nous fait seule jouir ;
Et le secret pour qu'on nous aime,
C'est d'aimer les premiers, facile et doux plaisir.
Ainsi parlait la tourterelle,
Quand, au milieu de sa leçon,
Un malheureux petit pinson
Échappé de son nid vient s'abattre auprès d'elle.
Le jeune nourrisson à peine l'aperçoit,
Qu'il court à lui : sa mère croit
Que c'est pour le traiter comme ami, comme frère,
Et pour offrir au voyageur
Une retraite hospitalière.
Elle applaudit déjà : mais quelle est sa douleur,
Lorsqu'elle voit son fils, ce fils dont la jeunesse
N'entendit que leçons de vertu, de sagesse,
Saisir le faible oiseau, le plumer, le manger,
Et garder au milieu de l'horrible carnage
Ce tranquille sang froid, assuré témoignage
Que le cœur désormais ne peut se corriger !
Elle en mourut, la pauvre mère.
Quel triste prix des soins donnés à cet enfant !
Mais c'était le fils d'un milan :
Rien ne change le caractère.
Peut-être un jour l'époux selon l'amour, l'épouse
Selon l'amour, selon l'ordre d'Emmanuel,
Sans que lui soit jaloux, sans qu'elle soit jalouse,

Leurs doigts libres pliés au travail manuel,
Fervents comme le jour où leurs cœurs s'épousèrent,
Nourriront dans leur âme un feu venu du ciel ;

Le feu du dieu charmant que les bourreaux brisèrent,
Le feu délicieux du véritable amour,
Dont les âmes des Saints lucides s'embrasèrent ;

Tourterelle et ramier, au sommet de leur tour
Mystique, ils placeront leur nid sur lequel règne
La chasteté, couleur de l'aurore et du jour,

L'entière chasteté, celle où l'âme se baigne,
Qui prend l'encens de l'âme et les roses du corps,
Que symbolise un lis et que l'enfant enseigne ;

Celle qui fait les saints, celle qui fait les forts,
Mystérieuse loi que notre âme devine
En voyant les yeux clos et les doigts joints des morts

Rêvant de Nazareth, sous cette loi divine,
Ils fondront leurs regards et marieront leurs voix
Dans l'idéal baiser que l'âme s'imagine.

Qu'ils dorment sur la planche ou sur le lit des rois,
Le monde les ignore, et leur secret sommeille
Mieux qu'un trésor caché sous l'herbe au fond des bois.

La nuit seule le conte à l'étoile vermeille ;
Pour eux, laissant la route aux cavaliers fougueux
Dans le discret sentier où l'âme les surveille,

Ils ne sont jamais deux, le nombre belliqueux,
Jamais deux, car l'amour sans fin les accompagne,
Toujours ''Trois'', car Jésus est sans cesse avec eux.

Paisibles pèlerins à travers la campagne
Et la ville où leurs pieds fleurent l'odeur du thym ;
Et l'époux reste amant, et la Vierge est compagne.

De l'aurore de soie au couchant de satin,
Leur doux travail embaume, et leur pur sommeil prie,
De l'étoile du soir et celle du matin.

Ce sont des enfants blancs de la Vierge Marie,
Rose de l'univers par la simplicité,
Et mère glorieuse autant qu'endolorie.

C'est Elle qui leur ouvre, étonnant la clarté,
Sur ses genoux un livre, où leur cœur voit le rêve,
Sous son manteau céleste et bleu comme l'été.

Pudique autant que Jeanne, autant que Geneviève,
L'épouse file et songe au lys du charpentier ;
L'époux travaille et songe à l'innocence d'Ève.

Avec sa main trempée au flot du bénitier,
Chaque jour dans l'Église où son âme s'abreuve,
Les doigts fiers de tourner les pages du psautier,

Pour les pauvres amours qui marchent dans l'épreuve,
Les membres de Jésus dont le faubourg est plein,
Pour le lit du vieillard et l'habit de la veuve,

Elle file le chanvre, elle file le lin,
Comme elle file aussi le sommeil du malade,
Et le rire innocent du petit orphelin.

Musique d'or du cœur qui vibre et persuade,
Sa parole fait croire et se mettre à genoux
Le plus méchant, qu'elle aime ainsi qu'un camarade.

Elle est plus sérieuse et meilleure que nous ;
Il n'a que les beaux traits de notre ressemblance ;
Couple prédestiné, délicieux époux !

Ils ont la joie, ils ont l'amour par excellence !
Leurs cœurs extasiés de grâce sont vêtus ;
Car ils ont dépouillé toute la violence.

Sortis forts des combats vaillamment combattus,
Ils font vaguer leur corps et se mouvoir leur âme
Dans le jardin vivant de toutes les vertus.

Pour plaire à la beauté pure qui les réclame,
Elle veut demeurer intacte, ainsi qu'un fruit,
Dans la virginité naturelle à la femme.

Docile au rayon d'or qui traverse sa nuit,
Écoutant vaguement le monde qui va naître,
Comme des grandes eaux dont on entend le bruit,

Pour lui, content d'aimer Jésus et de connaître
Le sens prodigieux de ses simples discours,
Il met en Dieu son cœur, ses sens et tout son être,

Respirant l'humble fleur de ses chastes amours,
Ne prenant que l'odeur de la race éternelle,
Ne cueillant pas le fruit qui réjouit toujours.

Car cette part amère à la race charnelle,
C'est la part du mystère et la part du lion,
Et c'est votre avenir, Seigneur, qui couve en elle.

Car nous sommes les fils de la rébellion ;
Nos fronts sont irrités et nos cœurs taciturnes,
Et la mort est pour nous la loi du talion.

Fils du désir d'Adam sous des ailes nocturnes,
Engendrés hors la loi des chastes paradis,
Nous errons sur la terre, et puisons dans nos urnes,

Avec des vins impurs l'oubli des jours maudits ;
Partageant nos trésors tout pleins de convoitise,
Tel autour d'une table un groupe de bandits.

Mais peut-être qu'un jour, sous les yeux de l'Église,
Verra luire l'époux comme un diamant pur,
Et l'épouse fleurir comme une perle exquise.

Et ce couple idéal brûlera d'un feu sûr.
Seul Décébale et nul Autre, me dis-tu, pourrait de sa dague d'eau bénite
Eteindre le feu qui couve sous ta carapace douce et soyeuse!
Décébale le Dace seul aurait la fougue et le courage nécessaires
Pour te faire tournoyer
Et tu dis encore que toi et Décébale ne font quasiment qu'un.

Je ne suis pas jaloux !
A Décébale ce qui appartient à Décébale
A Nul Autre ce qui appartient à Nul Autre.

Moi, comme Nul Autre pareil
Je veux juste apaiser ton feu
L'apprivoiser, l'amadouer
Pour qu'il ne te brûle pas.
Pour cela il faut que je me muscle :
Affronter le feu de Décébale n 'est pas rien,
Décébale c'est dix hommes à la fois.
Je pourrais, s'il le fallait, convoquer dix diablotins,
Dix chats-huants pour me porter assistance
Et défier Décébale en combat singulier.
Sur l'échiquier de ton corps
Mais ce serait tricher
Et tricher n'est pas jouer.
Et à vaincre sans péril on triomphe sans gloire

En conclusion :
Je cède en vertu du droit d'aînesse
A Décébale le feu. A moi le sirocco, la glace !
Pistache, coco et rhum raisins si tu le permets !

Vois-tu ce sont tes lacs glacés que je veux réchauffer,
Tes pics et tes pitons enneigés que je veux faire fondre
A petit feu sous mon vent de braise
Et que la chevauchée prenne des lustres à se consommer
Je veux que partout où tu es
Tu saches
Que je suis là au fond de toi !

Je nage comme un saumon ivre dans tes eaux glacées.
C'est seulement dans ces criques et ces fjords que j'arrive à nager
Je fais du crawl, de la brasse, du ski nautique, du paddle.
Je suis casse-cou dans tes eaux
Comme jamais je ne l'ai été.

Je fais même du surf, du plongeon
et du water polo.
Tant que tu joues avec moi
Je flotte sans bouée
Tant que tu es généreuse
Je dérive
Tant que tu te donnes sans compter
Dans notre nage synchronisée
J'existe de figures en figures.

Et pendant que je te dis tout ça
Voila que ce fieffé diablotin lève la tête,
Bombe le torse,
Et se prend pour Décébale.
Ce n'est qu'un petit pétrel diablotin,
Un simple et infime cottous à peine sorti du nid
Mais j'ai beau lui dire
Qu'il n'est pas multiple de quatre
Il se prend pour Décébale
"Tu n'es pas Dace ",
Lui ai-je pourtant dit cent fois ce matin
Mais il persiste et signe.
Il chante même à tue-tête l'hymne :
Je suis Dacien, voila ma gloire, mon espérance et mon soutien
Sur cette place je m'ennuie,
Obélisque dépareillé ;
Neige, givre, bruine et pluie
Glacent mon flanc déjà rouillé ;

Et ma vieille aiguille, rougie
Aux fournaises d'un ciel de feu,
Prend des pâleurs de nostalgie
Dans cet air qui n'est jamais bleu.

Devant les colosses moroses
Et les pylônes de Luxor,
Près de mon frère aux teintes roses
Que ne suis-je debout encor,

Plongeant dans l'azur immuable
Mon pyramidion vermeil
Et de mon ombre, sur le sable,
Écrivant les pas du soleil !

Rhamsès, un jour mon bloc superbe,
Où l'éternité s'ébréchait,
Roula fauché comme un brin d'herbe,
Et Paris s'en fit un hochet.

La sentinelle granitique,
Gardienne des énormités,
Se dresse entre un faux temple antique
Et la chambre des députés.

Sur l'échafaud de Louis seize,
Monolithe au sens aboli,
On a mis mon secret, qui pèse
Le poids de cinq mille ans d'oubli.

Les moineaux francs souillent ma tête,
Où s'abattaient dans leur essor
L'ibis rose et le gypaëte
Au blanc plumage, aux serres d'or.

La Seine, noir égout des rues,
Fleuve immonde fait de ruisseaux,
Salit mon pied, que dans ses crues
Baisait le Nil, père des eaux,

Le Nil, géant à barbe blanche
Coiffé de lotus et de joncs,
Versant de son urne qui penche
Des crocodiles pour goujons !

Les chars d'or étoilés de nacre
Des grands pharaons d'autrefois
Rasaient mon bloc heurté du fiacre
Emportant le dernier des rois.

Jadis, devant ma pierre antique,
Le pschent au front, les prêtres saints
Promenaient la bari mystique
Aux emblèmes dorés et peints ;

Mais aujourd'hui, pilier profane
Entre deux fontaines campé,
Je vois passer la courtisane
Se renversant dans son coupé.

Je vois, de janvier à décembre,
La procession des bourgeois,
Les Solons qui vont à la chambre,
Et les Arthurs qui vont au bois.

Oh ! dans cent ans quels laids squelettes
Fera ce peuple impie et fou,
Qui se couche sans bandelettes
Dans des cercueils que ferme un clou,

Et n'a pas même d'hypogées
A l'abri des corruptions,
Dortoirs où, par siècles rangées,
Plongent les générations !

Sol sacré des hiéroglyphes
Et des secrets sacerdotaux,
Où les sphinx s'aiguisent les griffes
Sur les angles des piédestaux ;

Où sous le pied sonne la crypte,
Où l'épervier couve son nid,
Je te pleure, ô ma vieille Égypte,
Avec des larmes de granit !
Que je prenne un moment de repos ? Impossible.
Koran, Zend-Avesta, livres sibyllins, Bible,
Talmud, Toldos Jeschut, Védas, lois de Manou,
Brahmes sanglants, santons fléchissant le genou,
Les contes, les romans, les terreurs, les croyances,
Les superstitions fouillant les consciences,
Puis-je ne pas sentir ces creusements profonds ?
J'en ai ma part. Veaux d'or, sphinx, chimères, griffons,
Les princes des démons et les princes des prêtres,
Synodes, sanhédrins, vils muphtis, scribes traîtres,
Ceux qui des empereurs bénissaient les soldats,
Ceux que payait Tibère et qui payaient Judas,
Ceux qui tendraient encore à Socrate le verre,
Ceux qui redonneraient à Jésus le calvaire,
Tous ces sadducéens, tous ces pharisiens,
Ces anges, que Satan reconnaît pour les siens,
Tout cela, c'est partout. C'est la puissance obscure.

Plaie énorme que fait une abjecte piqûre !

Ce contre-sens : Dieu vrai, les dogmes faux ; cuisson
Du mensonge qui s'est glissé dans la raison !
Démangeaison saignante, incurable, éternelle,
Que sent l'homme en son âme et l'oiseau sous son aile !

Oh ! L'infâme travail ! Ici Mahomet ; là
Cette tête, Wesley, sur ce corps, Loyola ;
Cisneros et Calvin, dont on sent les brûlures.
Ô faux révélateurs ! Ô jongleurs ! Vos allures
Sont louches, et vos pas sont tortueux ; l'effroi,
Et non l'amour, tel est le fond de votre loi ;
Vous faites grimacer l'éternelle figure ;
Vous naissez du sépulcre, et l'on sent que l'augure
Et le devin son pleins de l'ombre du tombeau,
Et que tous ces rêveurs, compagnons du corbeau,
Tous ces fakirs d'Ombos, de Stamboul et de Rome,
N'ont pu faire tomber tant de fables sur l'homme
Qu'en secouant les plis sinistres des linceuls.
Dieu n'étant aperçu que par les astres seuls,
Les penseurs, sachant bien qu'il est là sous ses voiles,
Ont toujours conseillé d'en croire les étoiles ;
Dieu, c'est un lieu fermé dont l'aurore a la clé,
Et la religion, c'est le ciel contemplé.

Mais vous ne voulez pas, prêtres, de cette église.
Vous voulez que la terre en votre livre lise
Tous vos songes, moloch, Vénus, Ève, Astarté,
Au lieu de lire au front des cieux la vérité.
De là la foi changée en crédulité ; l'âme
Éclipsant la raison dans une sombre flamme ;
De là tant d'êtres noirs serpentant dans la nuit.

L'imposture, par qui le vrai temple est détruit,
Est un colosse fait d'un amas de pygmées ;
Les sauterelles sont d'effrayantes armées ;
Ô mages grecs, romains, payens, indous, hébreux,
Le genre humain, couvert de rongeurs ténébreux,
Sent s'élargir sur lui vos hordes invisibles ;
Vous lui faites rêver tous les enfers possibles ;
Le peuple infortuné voit dans son cauchemar
Surgir Torquemada quand disparaît Omar.
Nul répit. Vous aimez les ténèbres utiles,
Et vous y rôdez, vils et vainqueurs, ô reptiles !
Sur toute cette terre, en tous lieux, dans les bois,
Dans le lit nuptial, dans l'alcôve des rois,
Dans les champs, sous l'autel sacré, dans la cellule,
Ce qui se traîne, couve, éclôt, va, vient, pullule,
C'est vous. Vous voulez tout, vous savez tout ; damner,
Bénir, prendre, jurer, tromper, servir, régner,
Briller même ; ramper n'empêche pas de luire.
Chuchotement hideux ! Je vous entends bruire.
Vous mangez votre proie énorme avec bonheur,
Et vous vous appelez entre vous monseigneur.
L'acarus au ciron doit donner de l'altesse.
Quelles que soient votre ombre et votre petitesse,
Je devine, malgré vos soins pour vous cacher,
Que vous êtes sur nous, et je vous sens marcher
Comme on sent remuer les mineurs dans la mine,
Et je ne puis dormir, tant je hais la vermine !
Vous êtes ce qui hait, ce qui mord, ce qui ment.
Vous êtes l'implacable et noir fourmillement.
Vous êtes ce prodige affreux, l'insaisissable.
Qu'on suppose vivants tous les vils grains de sable,
Ce sera vous. Rien, tout. Zéro, des millions.
L'horreur. Moins que des vers et plus que des lions.
L'insecte formidable. Ô monstrueux contraste !
Pas de nains plus chétifs, pas de pouvoir plus vaste.
L'univers est à vous, puisque vous l'emplissez.
Vous possédez les jours futurs, les jours passés,
Le temps, l'éternité, le sommeil, l'insomnie.
Vous êtes l'innombrable, et, dans l'ombre infinie,
Fétides, sur nos peaux mêlant vos petits pas,
Vous vous multipliez ; et je ne comprends pas
Dans quel but Dieu livra les empires, le monde,
Les âmes, les enfants dressant leur tête blonde,
Les temples, les foyers, les vierges, les époux,
L'homme, à l'épouvantable immensité des poux.

Le 26 juillet 1874.
À François Coppée


Don Juan qui fut grand Seigneur en ce monde

Est aux enfers ainsi qu'un pauvre immonde

Pauvre, sans la barbe faite, et pouilleux,

Et si n'étaient la lueur de ses yeux

Et la beauté de sa maigre figure,

En le voyant ainsi quiconque jure

Qu'il est un gueux et non ce héros fier

Aux dames comme au poète si cher

Et dont l'auteur de ces humbles chroniques

Vous va parler sur des faits authentiques.


Il a son front dans ses mains et paraît

Penser beaucoup à quelque grand secret.


Il marche à pas douloureux sur la neige :

Car c'est son châtiment que rien n'allège

D'habiter seul et vêtu de léger

**** de tout lieu où fleurit l'oranger

Et de mener ses tristes promenades

Sous un ciel veuf de toutes sérénades

Et qu'une lune morte éclaire assez

Pour expier tous ses soleils passés.

Il songe. Dieu peut gagner, car le Diable

S'est vu réduire à l'état pitoyable

De tourmenteur et de geôlier gagé

Pour être las trop tôt, et trop âgé.

Du Révolté de jadis il ne reste

Plus qu'un bourreau qu'on paie et qu'on moleste

Si bien qu'enfin la cause de l'Enfer

S'en va tombant comme un fleuve à la mer,

Au sein de l'alliance primitive.

Il ne faut pas que cette honte arrive.


Mais lui, don Juan, n'est pas mort, et se sent

Le coeur vif comme un coeur d'adolescent

Et dans sa tête une jeune pensée

Couve et nourrit une force amassée ;

S'il est damné c'est qu'il le voulut bien,

Il avait tout pour être un bon chrétien,

La foi, l'ardeur au ciel, et le baptême,

Et ce désir de volupté lui-même,

Mais s'étant découvert meilleur que Dieu,

Il résolut de se mettre en son lieu.

À cet effet, pour asservir les âmes

Il rendit siens d'abord les cœurs des femmes.

Toutes pour lui laissèrent là Jésus,

Et son orgueil jaloux monta dessus

Comme un vainqueur foule un champ de bataille.

Seule la mort pouvait être à sa taille.

Il l'insulta, la défit. C'est alors

Qu'il vint à Dieu, lui parla face à face

Sans qu'un instant hésitât son audace.

Le défiant, Lui, son Fils et ses saints !

L'affreux combat ! Très calme et les reins ceints

D'impiété cynique et de blasphème,

Ayant volé son verbe à Jésus même,

Il voyagea, funeste pèlerin,

Prêchant en chaire et chantant au lutrin,

Et le torrent amer de sa doctrine,

Parallèle à la parole divine,

Troublait la paix des simples et noyait

Toute croyance et, grossi, s'enfuyait.


Il enseignait : « Juste, prends patience.

Ton heure est proche. Et mets ta confiance

En ton bon coeur. Sois vigilant pourtant,

Et ton salut en sera sûr d'autant.

Femmes, aimez vos maris et les vôtres

Sans cependant abandonner les autres...

L'amour est un dans tous et tous dans un,

Afin qu'alors que tombe le soir brun

L'ange des nuits n'abrite sous ses ailes

Que cœurs mi-clos dans la paix fraternelle. »


Au mendiant errant dans la forêt

Il ne donnait un sol que s'il jurait.

Il ajoutait : « De ce que l'on invoque

Le nom de Dieu, celui-ci s'en choque,

Bien au contraire, et tout est pour le mieux.

Tiens, prends, et bois à ma santé, bon vieux. »

Puis il disait : « Celui-là prévarique

Qui de sa chair faisant une bourrique

La subordonne au soin de son salut

Et lui désigne un trop servile but.

La chair est sainte ! Il faut qu'on la vénère.

C'est notre fille, enfants, et notre mère,

Et c'est la fleur du jardin d'ici-bas !

Malheur à ceux qui ne l'adorent pas !

Car, non contents de renier leur être,

Ils s'en vont reniant le divin maître,

Jésus fait chair qui mourut sur la croix,

Jésus fait chair qui de sa douce voix

Ouvrait le coeur de la Samaritaine,

Jésus fait chair qu'aima la Madeleine ! »


À ce blasphème effroyable, voilà

Que le ciel de ténèbres se voila.

Et que la mer entrechoqua les îles.

On vit errer des formes dans les villes

Les mains des morts sortirent des cercueils,

Ce ne fut plus que terreurs et que deuils

Et Dieu voulant venger l'injure affreuse

Prit sa foudre en sa droite furieuse

Et maudissant don Juan, lui jeta bas

Son corps mortel, mais son âme, non pas !

Non pas son âme, on l'allait voir ! Et pâle

De male joie et d'audace infernale,

Le grand damné, royal sous ses haillons,

Promène autour son œil plein de rayons,

Et crie : « À moi l'Enfer ! ô vous qui fûtes

Par moi guidés en vos sublimes chutes,

Disciples de don Juan, reconnaissez

Ici la voix qui vous a redressés.-

Satan est mort, Dieu mourra dans la fête,

Aux armes pour la suprême conquête !


Apprêtez-vous, vieillards et nouveau-nés,

C'est le grand jour pour le tour des damnés. »

Il dit. L'écho frémit et va répandre

L'appel altier, et don Juan croit entendre

Un grand frémissement de tous côtés.

Ses ordres sont à coup sûr écoutés :

Le bruit s'accroît des clameurs de victoire,

Disant son nom et racontant sa gloire.

« À nous deux, Dieu stupide, maintenant ! »

Et don Juan a foulé d'un pied tonnant


Le sol qui tremble et la neige glacée

Qui semble fondre au feu de sa pensée...

Mais le voilà qui devient glace aussi

Et dans son coeur horriblement transi

Le sang s'arrête, et son geste se fige.

Il est statue, il est glace. Ô prodige

Vengeur du Commandeur assassiné !

Tout bruit s'éteint et l'Enfer réfréné

Rentre à jamais dans ses mornes cellules.

« Ô les rodomontades ridicules »,


Dit du dehors Quelqu'un qui ricanait,

« Contes prévus ! farces que l'on connaît !

Morgue espagnole et fougue italienne !

Don Juan, faut-il afin qu'il t'en souvienne,

Que ce vieux Diable, encore que radoteur,

Ainsi te prenne en délit de candeur ?

Il est écrit de ne tenter... personne

L'Enfer ni ne se prend ni ne se donne.

Mais avant tout, ami, retiens ce point :

On est le Diable, on ne le devient point. »
Pourquoi pas montés sur des ânes ?
Pourquoi pas au bois de Meudon ?
Les sévères sont les profanes ;
Ici tout est joie et pardon.

Rien n'est tel que cette ombre verte,
Et que ce calme un peu moqueur,
Pour aller à la découverte
Tout au fond de son propre coeur.

On chante. L'été nous procure
Un bois pour nous perdre. Ô buissons !
L'amour met dans la mousse obscure
La fin de toutes les chansons.

Paris foule ces violettes ;
Breda, terre où Ninon déchut,
Y répand ces vives toilettes
À qui l'on dirait presque : Chut !

Prenez garde à ce lieu fantasque !
Ève à Meudon achèvera
Le rire ébauché sous le masque
Avec le diable à l'Opéra.

Le démon dans ces bois repose ;
Non le grand vieux Satan fourchu ;
Mais ce petit Belzébuth rose
Qu'Agnès cache dans son fichu.

On entre plein de chaste flamme,
L'oeil au ciel, le coeur dilaté ;
On est ici conduit par l'âme,
Mais par le faune on est guetté.

La source, c'est la nymphe nue ;
L'ombre au doigt vous passe un anneau ;
Et le liseron insinue
Ce que conseille le moineau.

Tout chante ; et pas de fausses notes.
L'hymne est tendre ; et l'esprit de corps
Des fauvettes et des linottes
Éclate en ces profonds accords.

Ici l'aveu que l'âme couve
Échappe aux coeurs les plus discrets ;
La clef des champs qu'à terre on trouve
Ouvre le tiroir aux secrets.

Ici l'on sent, dans l'harmonie,
Tout ce que le grand Pan caché
Peut mêler de vague ironie
Au bois sombre où rêve Psyché.

Les belles deviennent jolies ;
Les cupidons viennent et vont ;
Les roses disent des folies
Et les chardonnerets en font.

La vaste genèse est tournée
Vers son but : renaître à jamais.
Tout vibre ; on sent de l'hyménée
Et de l'amour sur les sommets.

Tout veut que tout vive et revive,
Et que les coeurs et que les nids,
L'aube et l'azur, l'onde et la rive,
Et l'âme et Dieu, soient infinis.

Il faut aimer. Et sous l'yeuse,
On sent, dans les beaux soirs d'été,
La profondeur mystérieuse
De cette immense volonté.

Cachant son feu sous sa main rose,  
La vestale ici n'entendrait
Que le sarcasme grandiose
De l'aurore et de la forêt.

Le printemps est une revanche.
Ce bois sait à quel point les thyms,
Les joncs, les saules, la pervenche,
Et l'églantier, sont libertins.

La branche cède, l'herbe plie ;
L'oiseau rit du prix Montyon ;
Toute la nature est remplie
De rappels à la question.

Le hallier sauvage est bien aise
Sous l'oeil serein de Jéhovah,
Quand un papillon déniaise
Une violette, et s'en va.

Je me souviens qu'en mon bas âge,
Ayant à peine dix-sept ans,
Ma candeur un jour fit usage
De tous ces vieux rameaux flottants.

J'employai, rôdant avec celle
Qu'admiraient mes regards heureux,
Toute cette ombre où l'on chancelle,
À me rendre plus amoureux.

Nous fîmes des canapés d'herbes ;
Nous nous grisâmes de lilas ;
Nous palpitions, joyeux, superbes,
Éblouis, innocents, hélas !

Penchés sur tout, nous respirâmes
L'arbre, le pré, la fleur, Vénus ;
Ivres, nous remplissions nos âmes
De tous les souffles inconnus.

Nos baisers devenaient étranges,
De sorte que, sous ces berceaux,
Après avoir été deux anges,
Nous n'étions plus que deux oiseaux.

C'était l'heure où le nid se couche,
Où dans le soir tout se confond ;
Une grande lune farouche
Rougissait dans le bois profond.

L'enfant, douce comme une fête,
Qui m'avait en chantant suivi,
Commençait, pâle et stupéfaite,
À trembler de mon oeil ravi ;

Son sein soulevait la dentelle...
Homère ! ô brouillard de l'Ida :
- Marions-nous ! s'écria-t-elle,
Et la belle fille gronda :

- Cherche un prêtre, et sans plus attendre,
Qu'il nous marie avec deux mots.
Puis elle reprit, sans entendre
Le chuchotement des rameaux,

Sans remarquer dans ce mystère
Le profil des buissons railleurs :
- Mais où donc est le presbytère ?
Quel est le prêtre de ces fleurs ?

Un vieux chêne était là ; sa tige
Eût orné le seuil d'un palais.
- Le curé de Meudon ? Lui dis-je.
L'arbre me dit : - C'est Rabelais.
Ces liens d'or, cette bouche vermeille,
Pleine de lis, de roses et d'oeillets,
Et ces coraux chastement vermeillets,
Et cette joue à l'Aurore pareille ;

Ces mains, ce col, ce front, et cette oreille,
Et de ce sein les boutons verdelets,
Et de ces yeux les astres jumelés,
Qui font trembler les âmes de merveille,

Firent nicher Amour dedans mon sein,
Qui gros de germe avait le ventre plein
D'œufs non formés qu'en notre sang il couve.

Comment vivrai-je autrement qu'en langueur,
Quand une engeance immortelle je trouve
D'Amours éclos et couvés en mon cœur ?
De vous gronder je n'ai plus le courage,
Enfants ! ma voix s'enferme trop souvent.
Vous grandissez, impatients d'orage ;
Votre aile s'ouvre, émue au moindre vent.
Affermissez votre raison qui chante ;
Veillez sur vous comme a fait mon amour ;
On peut gronder sans être bien méchante :
Embrassez-moi, grondez à votre tour.

Vous n'êtes plus la sauvage couvée,
Assaillant l'air d'un tumulte innocent ;
Tribu sans art, au désert préservée,
Bornant vos voeux à mon zèle incessant :
L'esprit vous gagne, ô ma rêveuse école,
Quand il fermente, il étourdit l'amour.
Vous adorez le droit de la parole :
Anges, parlez, grondez à votre tour.

Je vous fis trois pour former une digue
Contre les flots qui vont vous assaillir :
L'un vigilant, l'un rêveur, l'un prodigue,
Croissez unis pour ne jamais faillir,
Mes trois échos ! l'un à l'autre, à l'oreille,
Redites-vous les cris de mon amour ;
Si l'un s'endort, que l'autre le réveille ;
Embrassez-le, grondez à votre tour !

Je demandais trop à vos jeunes âmes ;
Tant de soleil éblouit le printemps !
Les fleurs, les fruits, l'ombre mêlée aux flammes,
La raison mûre et les joyeux instants,
Je voulais tout, impatiente mère,
Le ciel en bas, rêve de tout amour ;
Et tout amour couve une larme amère :
Punissez-moi, grondez à votre tour.

Toi, sur qui Dieu jeta le droit d'aînesse,
Dis aux petits que les étés sont courts ;
Sous le manteau flottant de la jeunesse,
D'une lisière enferme le secours !
Parlez de moi, surtout dans la souffrance ;
Où que je sois, évoquez mon amour :
Je reviendrai vous parler d'espérance ;
Mais gronder... non : grondez à votre tour !
Sonnet.

Du temps que la Nature en sa verve puissante
Concevait chaque jour des enfants monstrueux,
J'eusse aimé vivre auprès d'une jeune géante,
Comme aux pieds d'une reine un chat voluptueux.

J'eusse aimé voir son corps fleurir avec son âme
Et grandit librement dans ses terribles jeux ;
Deviner si son coeur couve une sombre flamme
Aux humides brouillards qui nagent dans ses yeux ;

Parcourir à loisir ses magnifiques formes ;
Ramper sur le versant de ses genoux énormes,
Et parfois en été, quand les soleils malsains,

Lasse, la font s'étendre à travers la campagne,
Dormir nonchalamment à l'ombre de ses seins,
Comme un hameau paisible au pied d'une montagne.
Sonnet.


Pendant avril et mai, qui sont les plus doux mois,
Les couples, enchantés par l'éther frais et rose,
Ont ressenti l'amour comme une apothéose ;
Ils cherchent maintenant l'ombre et la paix des bois.

Ils rêvent, étendus sans mouvement, sans voix ;
Les cœurs désaltérés font ensemble une pause,
Se rappelant l'aveu dont un lilas fut cause
Et le bonheur tremblant qu'on ne sent pas deux fois.

Lors le soleil riait sous une fine écharpe,
Et, comme un papillon dans les fils d'une harpe,
Dans ses rayons encore un peu de neige errait.

Mais aujourd'hui ses feux tombent déjà torrides,
Un orageux silence emplit le ciel sans rides,
Et l'amour exaucé couve un premier regret.

— The End —