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Ms Levinson May 2015
lawn nowms are they alive are they elfs do they **** .Whats the pont of lawn noms.Noms are related to elfs.
J'adore la Mythologie,
Sa science en fleurs, sa magie,
Ses Dieux... souvent si singuliers,
Et ses Femmes surnaturelles
Qui mêlent leurs noms aux querelles
Des peuples et des écoliers.

Cachés parfois dans les nuages,
Leurs noms luisent... sur nos voyages.
J'ai vu leurs temples phéniciens ;
Et je songe, quand bat la diane,
Involontairement à Diane
Battant les bois avec ses chiens.

Tenez, Madame, je l'adore
Pour une autre raison encore :
C'est qu'elle offre à tous les amants,
Pour leur Belle entre les plus belles,
Des compliments par ribambelles
Dans d'éternels rapprochements.

Car toutes, ce sont des Déesses,
Leur inspirant mille prouesses
Dans le présent et l'avenir,
Comme dans le passé... farouche ;
Je me ferai casser la... bouche
Plutôt que n'en pas... convenir !

Mais Vous, Madame, l'Immortelle
Que vous êtes, qui donc est-elle ?
Est-ce Junon, Reine des Dieux,
À qui le plus... joyeux des Faunes,
Son homme en faisait voir de jaunes,
Étant coureur de... jolis lieux ?

Avec son beau masque de plâtre
Et sa lèvre blanche, idolâtre
D'Endymion, froid sigisbé,
Qui, dans sa clarté léthargique,
Dort au moment psychologique,
Est-ce la Déesse Phœbé ?

Foutre non !... Vous voyant si belle
Je dirais bien que c'est Cybèle,
S'il n'était de ces calembours
Qu'il faut laisser fleurir aux Halles...
Pourtant ces jeux pleins de cymbales
Égayaient Rome, et les faubourgs...

Je me hâte, est-ce Proserpine,
Reine des enfers ? quelle épine
Ce serait dans mon madrigal,
Sacré nom de Dieu !... ça vous blesse ?
Eh ! bien ! Sacré nom de Déesse !
Si vous voulez, ça m'est égal !

Je vous servirais Amphitrite
Comme on sert bien frite ou peu frite
Une friture de poissons,
Sans le : « Perfide comme l'onde »,
Car, vous avez pour tout le monde
Le cœur le plus loyal... passons.

Oui, passons ta plus belle éponge
Sur ces noms, Neptune ! eh ! j'y songe :
Pourquoi prendrais-je... trop de gants ?
À contempler votre visage
Plus doux qu'un profond paysage,
Ton galbe des plus élégants,

Vous êtes ?... Vous êtes ?... Vous êtes ?...
Je le donne en deux aux poètes,
Je le donne en trois aux sculpteurs,
Je le donne en quatre aux artistes,
En quatre ou cinq aux coloristes
De l'École des amateurs...

Puisqu'il faut que je vous le... serve,
Vous êtes Vénus, ou Minerve...
Mais laquelle, en réalité ?
Oui, la femme à qui je songe, est-ce
Minerve, ce Puits de Sagesse,
Ou Vénus, Astre de Beauté ?

Êtes-Vous puits ? Êtes-Vous Astre ?
Vous un puits ! quel affreux désastre !
Autant Te jeter dans un puits,
La plaisanterie est permise,
Sans Te retirer ta chemise,
Le temps de dire : Je Te suis.

Vous seriez la vérité fausse,
Qui tient trop à son haut-de-chausse,
Tandis que l'Astre de Beauté
C'est la Vérité qui ne voile
Pas plus la femme que l'étoile,
La véritable Vérité.

Vous êtes Vénus qui se lève
Au firmament ; mais... est-ce un rêve ?
Où ?... Je Vous vois... rougir... un peu,
Comme si je disais des choses...
Où si j'allais sans fins ni causes
Répéter : Sacré nom de Dieu !

Vous rougissez... oui, c'est le signe
Auquel on connaît si la vigne
Et si la femme sont à point :
C'est Cérès aussi qu'on vous nomme ?
Tant mieux ! Sacré nom... d'une pomme !
Pour moi je n'y contredis point.

Non ?... ce n'est pas Cérès ? bizarre !
Cependant, Madame, il est rare,
Rare... que je frappe à côté.
Quelle est donc, voyons ? par la cuisse
De Jupin ! la femme qui puisse
Ainsi rougir de sa beauté ?

Ce n'est pas Bellone ? la Guerre,
Nom de Dieu ! ça ne rougit guère...
Qu'un champ,... un fleuve... ou le terrain ;
Ce n'est pas Diane chasseresse,
Car cette bougre de Bougresse
Doit être un démon à tous crins !

Serait-ce ?... Serait-ce ?... Serait-ce ?
Minerve ? Après tout, la Sagesse
Est bien capable de rougir ;
Mais ce n'est qu'une mijaurée,
Les trois quarts du temps éplorée
Et qui tremble au moment d'agir...

Tiens ! Cependant, ce serait drôle !
Je percherais sur ton épaule,
Je me frotterais à ton cou,
Je serais votre oiseau, Madame,
J'ai les yeux ronds pleins de ta flamme
Et plus éblouis qu'un hibou...

Voilà deux heures que je cherche,
Personne ne me tend la perche :
C'est donc une énigme, cela ?
Oui... quant à moi, de guerre lasse,
Madame, je demande grâce ;
Tiens ! Grâce !... et pardieu ! la voilà !

C'est la Grâce, oui, c'est bien la Grâce,
La Grâce, ni maigre ni grasse,
Tenez, justement, comme Vous !
Vous êtes, souffrez que je beugle,
Vénus l'Astre qui nous aveugle,
Et la Grâce qui nous rend fous.

Et si quelqu'un venait me dire
Qu'elles sont trois, je veux en rire
Avec tout l'Olympe à la fois !
Celle du corps, celle de l'âme,
Et celle du cœur, oui, Madame,
Vous les avez toutes les trois.

Vous êtes Vénus naturelle,
Entraînant un peu derrière Elle
Les trois Grâces par les chemins,
Comme Vous-même toutes nues,
Dans notre Monde revenues,
Vous tenant toutes par les mains.

Vénus, née au bord de la Manche,
Pareille à l'Aphrodite blanche
Que l'onde aux mortels révéla ;
Au bord... où fleurit... la Cabine :
Sacré nom... d'une carabine !
Quel calibre Vous avez là !
Nat Lipstadt May 2019
I slept with her, my rapacious pen, took me in quiet vengeance in
full on conjugation

raken and taken, me,
her overlording me now, her authorship, so long held
in my maledom abeyance,
a kept imprisonment, unleashing at last, a tongue lashing~leashing,
de-spite my un-desirous craven lying supplications,
excuses of innocence and accident, coincidence and conflation,
ashes, ashes, denials incinerated, all fall down

she wrote/stabbed upon my heartless chest,
in the cheap crudités colors of a prisoner’s inking,
“user of words mine, all mine”

gathered up my innards of loose words,
speculative notes & titles yet to be,
born and kept hid in password protected silent back labor files,
now hers, leaving me sputtering, unable to create,
a homeless mute citizen, possession-less,
helplessly hoping her hovering harlequin might relent,
without any shelter, even a glimmering, a single aleph or bet

she celebratory cackled and clawed,
professed her reclamation ownership of all my poems predecessors,
zola j’accusing that I, ripped from her forcibly,
with no granted permission, her womanly touché of my scribing,
warning of no more global warming for my unprivileged hands,
daren’t try for pretenses of stolen legal guardianship,
warning of a new, forced caining inscription,
a tattooing of  “thief” upon my 5 knuckled right ******,
“plagiarist” boldly inked in back & blue upon my left palm

I, predator,
she, victim,
of my now self-professed, admitted confess,
she, my single victim,
of a decade long serializing criminal coverup

her parting poem a threatening,
herein issued in this very verse,
damning all who would falsely credit themselves,
to suffer shame and an unimaginable curse,
this, the newborn eleventh of ten commandments

parting, she kissing my lips, even my emptied apertures,
with warning bitings,
she knew all my
my numerous noms de guerre,
no dead scrolls caves to hid in, and to be discovered some future day,
and if ever marked as copyrighted,
’twas no tunneling escape,
the exposed truth to be over-stamped
upon all, upon each, in every language,

copied right from the tongue of a woman!


and she would be wright...
complementary to
https://hellopoetry.com/poem/3155692/excerpt-my-muddled-woman-mind/
a tribute to all the women that have inspired so many of my poems

19/23/05
I’ve been made sick by technology.
Those key boards & keypads,
The roving mouse,
The touch pad, and ultimately,
That telepathic chip
Implanted while I slept—
Who-da thunk those fingers doing the walking
Would become tendrils of the Watching Class?
Surveillance inroads to your cerebral cortex,
Ultimately taking command.
“Pilot on the bridge,” the Bosun screams,
Whenever we needed reminding
That even our Captain,
“Oh Captain, My Captain,”
I would console my crew:
“Even the Boss has a boss.”
Interesting liability issues could be raised here.
How can a human being
Be held culpable for crimes,
Any crime or thought crime,
When their mind, body & soul
Has been wired to the mainframe,
Stored in some remote Deseret,
Like that secret NSA facility,
They are building
Out in the middle of nowhere,
***-**** Utah?
So what if the people there
Are descendants of the
Original Apostles of Joseph Smith,
With a deep genetic recognition
That there was a time
When no one wanted
These Latter Day gypsies
Putting down roots.
Anywhere.
It was simply out of the question.
“Practice polygamy, really?”
That’s like wearing a sign round your neck,
A neon ankle bracelet round your crotch,
An in-your-face bright warning & caveat:
Men with wives or daughters--
**** wives and young daughters, or
Young ****, daughters--
Or old wives in any condition
& Mothers.
Are considered fair game for *******.
No thank you!
There’s the highway, Mr. Smith and
Take Brigham with you.
Cause nobody’s gonna sell you land,
Land around here.
Let alone there,
Or anywhere.
No one will sell you squat
This side, 500 miles from water.
Good water.
Farm-good water.
Wet navigable water.
By the 1830s,
The free soil
East of Ole Miss
Had pretty much dried up.
Those wacky bigamists
Pushed west again to Illinois—
The Prairie State, after all--
Raw land; still.
Raw people too,
Fearful, intolerant rubes,
Barely familiar with their own Book;
Scarcely needing another.
Our wacky gypsy Saints,
Treated like Christ deniers,
Treated like Jews, for Christ sake!
Joseph & Hiram--
The Smith Brothers
(Note to self:
Check on Mormon cough drop connection)
Slaughtered at Nauvoo.
Their Mormon brethren dispossessed of land again,
Try Missouri next--
Missouri, the show-me the door state--
These so-called Latter Day Saints
Get expelled by gubernatorial proclamation.
Saints pushed ever westward.
Until finding themselves in a place that
Even the ******* Indians didn’t want.
They dug their wells around the Great Salt Lake,
An American Negev chosen by prophecy,
They hunkered down in their desert Tel Beersheba.

But I digress.
We were talking about
That secret NSA complex
Being built in Utah,
Being built right now, July 2013.
When complete
The Watching Class will surely tune
Their screen resolutions
To those of us evincing
An unusually keen interest in
Issues like privacy.
Those among us, for example,
Using noms de internet,
Maintaining multiple email accounts,
Changing passwords
Randomly yet frequently,
Clearing browsing histories hourly,
Deploying anti-viral applications—
People: perhaps, with something to hide.
Those of us driven to paranoia
By the shape of things to come,
Those of us afraid of exposure,
Yet, incapable of staying off-screen,
Impelled by conspiracy fever,
Betraying ourselves on
Blogs and websites,
Leaving digital breadcrumbs behind.
I.

À présent que c'est fait, dans l'avilissement
Arrangeons-nous chacun notre compartiment
Marchons d'un air auguste et fier ; la honte est bue.
Que tout à composer cette cour contribue,
Tout, excepté l'honneur, tout, hormis les vertus.
Faites vivre, animez, envoyez vos foetus
Et vos nains monstrueux, bocaux d'anatomie
Donne ton crocodile et donne ta momie,
Vieille Égypte ; donnez, tapis-francs, vos filous ;
Shakespeare, ton Falstaff ; noires forêts, vos loups ;
Donne, ô bon Rabelais, ton Grandgousier qui mange ;
Donne ton diable, Hoffmann ; Veuillot, donne ton ange ;
Scapin, apporte-nous Géronte dans ton sac ;
Beaumarchais, prête-nous Bridoison ; que Balzac
Donne Vautrin ; Dumas, la Carconte ; Voltaire,
Son Frélon que l'argent fait parler et fait taire ;
Mabile, les beautés de ton jardin d'hiver ;
Le Sage, cède-nous Gil Blas ; que Gulliver
Donne tout Lilliput dont l'aigre est une mouche,
Et Scarron Bruscambille, et Callot Scaramouche.
Il nous faut un dévot dans ce tripot payen ;
Molière, donne-nous Montalembert. C'est bien,
L'ombre à l'horreur s'accouple, et le mauvais au pire.
Tacite, nous avons de quoi faire l'empire ;
Juvénal, nous avons de quoi faire un sénat.

II.

Ô Ducos le gascon, ô Rouher l'auvergnat,
Et vous, juifs, Fould Shylock, Sibour Iscariote,
Toi Parieu, toi Bertrand, horreur du patriote,
Bauchart, bourreau douceâtre et proscripteur plaintif,
Baroche, dont le nom n'est plus qu'un vomitif,
Ô valets solennels, ô majestueux fourbes,
Travaillant votre échine à produire des courbes,
Bas, hautains, ravissant les Daumiers enchantés
Par vos convexités et vos concavités,
Convenez avec moi, vous tous qu'ici je nomme,
Que Dieu dans sa sagesse a fait exprès cet homme
Pour régner sur la France, ou bien sur Haïti.
Et vous autres, créés pour grossir son parti,
Philosophes gênés de cuissons à l'épaule,
Et vous, viveurs râpés, frais sortis de la geôle,
Saluez l'être unique et providentiel,
Ce gouvernant tombé d'une trappe du ciel,
Ce césar moustachu, gardé par cent guérites,
Qui sait apprécier les gens et les mérites,
Et qui, prince admirable et grand homme en effet,
Fait Poissy sénateur et Clichy sous-préfet.

III.

Après quoi l'on ajuste au fait la théorie
« A bas les mots ! à bas loi, liberté, patrie !
Plus on s'aplatira, plus ou prospérera.
Jetons au feu tribune et presse, et cætera.

Depuis quatre-vingt-neuf les nations sont ivres.
Les faiseurs de discours et les faiseurs de livres
Perdent tout ; le poëte est un fou dangereux ;
Le progrès ment, le ciel est vide, l'art est creux,
Le monde est mort. Le peuple ? un âne qui se cabre !
La force, c'est le droit. Courbons-nous. Gloire au sabre !
À bas les Washington ! vivent les Attila ! »
On a des gens d'esprit pour soutenir cela.

Oui, qu'ils viennent tous ceux qui n'ont ni cœur ni flamme,
Qui boitent de l'honneur et qui louchent de l'âme ;
Oui, leur soleil se lève et leur messie est né.
C'est décrété, c'est fait, c'est dit, c'est canonné
La France est mitraillée, escroquée et sauvée.
Le hibou Trahison pond gaîment sa couvée.

IV.

Et partout le néant prévaut ; pour déchirer
Notre histoire, nos lois, nos droits, pour dévorer
L'avenir de nos fils et les os de nos pères,
Les bêtes de la nuit sortent de leurs repaires
Sophistes et soudards resserrent leur réseau
Les Radetzky flairant le gibet du museau,
Les Giulay, poil tigré, les Buol, face verte,
Les Haynau, les Bomba, rôdent, la gueule ouverte,
Autour du genre humain qui, pâle et garrotté,
Lutte pour la justice et pour la vérité ;
Et de Paris à Pesth, du Tibre aux monts Carpathes,
Sur nos débris sanglants rampent ces mille-pattes.

V.

Du lourd dictionnaire où Beauzée et Batteux
Ont versé les trésors de leur bon sens goutteux,
Il faut, grâce aux vainqueurs, refaire chaque lettre.
Ame de l'homme, ils ont trouvé moyen de mettre
Sur tes vieilles laideurs un tas de mots nouveaux,
Leurs noms. L'hypocrisie aux yeux bas et dévots
À nom Menjaud, et vend Jésus dans sa chapelle ;
On a débaptisé la honte, elle s'appelle
Sibour ; la trahison, Maupas ; l'assassinat
Sous le nom de Magnan est membre du Sénat ;
Quant à la lâcheté, c'est Hardouin qu'on la nomme ;
Riancey, c'est le mensonge, il arrive de Rome
Et tient la vérité renfermée en son puits ;
La platitude a nom Montlaville-Chapuis ;
La prostitution, ingénue, est princesse ;
La férocité, c'est Carrelet ; la bassesse
Signe Rouher, avec Delangle pour greffier.
Ô muse, inscris ces noms. Veux-tu qualifier
La justice vénale, atroce, abjecte et fausse ?
Commence à Partarieu pour finir par Lafosse.
J'appelle Saint-Arnaud, le meurtre dit : c'est moi.
Et, pour tout compléter par le deuil et l'effroi,
Le vieux calendrier remplace sur sa carte
La Saint-Barthélemy par la Saint-Bonaparte.

Quant au peuple, il admire et vote ; on est suspect
D'en douter, et Paris écoute avec respect
Sibour et ses sermons, Trolong et ses troplongues.
Les deux Napoléon s'unissent en diphthongues,
Et Berger entrelace en un chiffre hardi
Le boulevard Montmartre entre Arcole et Lodi.
Spartacus agonise en un bagne fétide ;
On chasse Thémistocle, on expulse Aristide,
On jette Daniel dans la fosse aux lions ;
Et maintenant ouvrons le ventre aux millions !

Jersey, novembre 1852.
Gabrielle Ayoub Jul 2014
Citoyens du monde,
Un climat d'intolérence et de fanatisme s'installe, des révolutions menées au nom de fausses idéologies font tache d'huile. A l'heure ou' fleurit l'obscurantisme des sociétés qui se transforment en moutons de panurge, en foules violées par la propagande politique et empetrées dans une conception maladroite de la révolution et du changement, l'individu doit se distinguer de son groupe.
Le XXème a été le siècle des guerres mondiales, ne laissons pas le XXIème devenir le siècle des persécutions aux noms d'idéologies et de conceptions délirantes.
Sachons au moins nous reconnaitre entre nous, nous reconnaitre en tant qu'individus pensants et non en moutons de panurge aliénés. Nous sommes certes influencés par les sollicitations immédiates de la situation et ce que font les autres autour de nous. Si l'homme, de nature est un etre autonome, comment se permet-il d'abandonner son sens critique et de se faire embrigader au nom de théories insensées? Eduquons nos  gosses, saisissons toutes les occasions de sauver ces foules fanatisées!
"Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde", disait Gandhi. Le changement commence par chacun d'entre nous, ici-meme, aujourd'hui, nous sommes le changement de demain.
Ceci est un discours que j'ai rédigé pour mon projet de TPE "individu et société".
Sur un écueil battu par la vague plaintive,
Le nautonier de **** voit blanchir sur la rive
Un tombeau près du bord par les flots déposé ;
Le temps n'a pas encor bruni l'étroite pierre,
Et sous le vert tissu de la ronce et du lierre
On distingue... un sceptre brisé !

Ici gît... point de nom !... demandez à la terre !
Ce nom ? il est inscrit en sanglant caractère
Des bords du Tanaïs au sommet du Cédar,
Sur le bronze et le marbre, et sur le sein des braves,
Et jusque dans le cœur de ces troupeaux d'esclaves
Qu'il foulait tremblants sous son char.

Depuis ces deux grands noms qu'un siècle au siècle annonce,
Jamais nom qu'ici-bas toute langue prononce
Sur l'aile de la foudre aussi **** ne vola.
Jamais d'aucun mortel le pied qu'un souffle efface
N'imprima sur la terre une plus forte trace,
Et ce pied s'est arrêté là !...

Il est là !... sous trois pas un enfant le mesure !
Son ombre ne rend pas même un léger murmure !
Le pied d'un ennemi foule en paix son cercueil !
Sur ce front foudroyant le moucheron bourdonne,
Et son ombre n'entend que le bruit monotone
D'une vague contre un écueil !

Ne crains rien, cependant, ombre encore inquiète,
Que je vienne outrager ta majesté muette.
Non. La lyre aux tombeaux n'a jamais insulté.
La mort fut de tout temps l'asile de la gloire.
Rien ne doit jusqu'ici poursuivre une mémoire.
Rien !... excepté la vérité !

Ta tombe et ton berceau sont couverts d'un nuage,
Mais pareil à l'éclair tu sortis d'un orage !
Tu foudroyas le monde avant d'avoir un nom !
Tel ce Nil dont Memphis boit les vagues fécondes
Avant d'être nommé fait bouilloner ses ondes
Aux solitudes de Memnom.

Les dieux étaient tombés, les trônes étaient vides ;
La victoire te prit sur ses ailes rapides
D'un peuple de Brutus la gloire te fit roi !
Ce siècle, dont l'écume entraînait dans sa course
Les mœurs, les rois, les dieux... refoulé vers sa source,
Recula d'un pas devant toi !

Tu combattis l'erreur sans regarder le nombre ;
Pareil au fier Jacob tu luttas contre une ombre !
Le fantôme croula sous le poids d'un mortel !
Et, de tous ses grands noms profanateur sublime,
Tu jouas avec eux, comme la main du crime
Avec les vases de l'autel.

Ainsi, dans les accès d'un impuissant délire
Quand un siècle vieilli de ses mains se déchire
En jetant dans ses fers un cri de liberté,
Un héros tout à coup de la poudre s'élève,
Le frappe avec son sceptre... il s'éveille, et le rêve
Tombe devant la vérité !

Ah ! si rendant ce sceptre à ses mains légitimes,
Plaçant sur ton pavois de royales victimes,
Tes mains des saints bandeaux avaient lavé l'affront !
Soldat vengeur des rois, plus grand que ces rois même,
De quel divin parfum, de quel pur diadème
L'histoire aurait sacré ton front !

Gloire ! honneur! liberté ! ces mots que l'homme adore,
Retentissaient pour toi comme l'airain sonore
Dont un stupide écho répète au **** le son :
De cette langue en vain ton oreille frappée
Ne comprit ici-bas que le cri de l'épée,
Et le mâle accord du clairon !

Superbe, et dédaignant ce que la terre admire,
Tu ne demandais rien au monde, que l'empire !
Tu marchais !... tout obstacle était ton ennemi !
Ta volonté volait comme ce trait rapide
Qui va frapper le but où le regard le guide,
Même à travers un cœur ami !

Jamais, pour éclaircir ta royale tristesse,
La coupe des festins ne te versa l'ivresse ;
Tes yeux d'une autre pourpre aimaient à s'enivrer !
Comme un soldat debout qui veille sous les armes,
Tu vis de la beauté le sourire ou les larmes,
Sans sourire et sans soupirer !

Tu n'aimais que le bruit du fer, le cri d'alarmes !
L'éclat resplendissant de l'aube sur tes armes !
Et ta main ne flattait que ton léger coursier,
Quand les flots ondoyants de sa pâle crinière
Sillonnaient comme un vent la sanglante poussière,
Et que ses pieds brisaient l'acier !

Tu grandis sans plaisir, tu tombas sans murmure !
Rien d'humain ne battait sous ton épaisse armure :
Sans haine et sans amour, tu vivais pour penser :
Comme l'aigle régnant dans un ciel solitaire,
Tu n'avais qu'un regard pour mesurer la terre,
Et des serres pour l'embrasser !

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S'élancer d'un seul bon au char de la victoire,
Foudroyer l'univers des splendeurs de sa gloire,
Fouler d'un même pied des tribuns et des rois ;
Forger un joug trempé dans l'amour et la haine,
Et faire frissonner sous le frein qui l'enchaîne
Un peuple échappé de ses lois !

Etre d'un siècle entier la pensée et la vie,
Emousser le poignard, décourager l'envie ;
Ebranler, raffermir l'univers incertain,
Aux sinistres clarté de ta foudre qui gronde
Vingt fois contre les dieux jouer le sort du monde,
Quel rêve ! et ce fut ton destin !...

Tu tombas cependant de ce sublime faîte !
Sur ce rocher désert jeté par la tempête,
Tu vis tes ennemis déchirer ton manteau !
Et le sort, ce seul dieu qu'adora ton audace,
Pour dernière faveur t'accorda cet espace
Entre le trône et le tombeau !

Oh ! qui m'aurait donné d'y sonder ta pensée,
Lorsque le souvenir de te grandeur passée
Venait, comme un remords, t'assaillir **** du bruit !
Et que, les bras croisés sur ta large poitrine,
Sur ton front chauve et nu, que la pensée incline,
L'horreur passait comme la nuit !

Tel qu'un pasteur debout sur la rive profonde
Voit son ombre de **** se prolonger sur l'onde
Et du fleuve orageux suivre en flottant le cours ;
Tel du sommet désert de ta grandeur suprême,
Dans l'ombre du passé te recherchant toi-même,
Tu rappelais tes anciens jours !

Ils passaient devant toi comme des flots sublimes
Dont l'oeil voit sur les mers étinceler les cimes,
Ton oreille écoutait leur bruit harmonieux !
Et, d'un reflet de gloire éclairant ton visage,
Chaque flot t'apportait une brillante image
Que tu suivais longtemps des yeux !

Là, sur un pont tremblant tu défiais la foudre !
Là, du désert sacré tu réveillais la poudre !
Ton coursier frissonnait dans les flots du Jourdain !
Là, tes pas abaissaient une cime escarpée !
Là, tu changeais en sceptre une invincible épée !
Ici... Mais quel effroi soudain ?

Pourquoi détournes-tu ta paupière éperdue ?
D'où vient cette pâleur sur ton front répandue ?
Qu'as-tu vu tout à coup dans l'horreur du passé ?
Est-ce d'une cité la ruine fumante ?
Ou du sang des humains quelque plaine écumante ?
Mais la gloire a tout effacé.

La gloire efface tout !... tout excepté le crime !
Mais son doigt me montrait le corps d'une victime ;
Un jeune homme! un héros, d'un sang pur inondé !
Le flot qui l'apportait, passait, passait, sans cesse ;
Et toujours en passant la vague vengeresse
Lui jetait le nom de Condé !...

Comme pour effacer une tache livide,
On voyait sur son front passer sa main rapide ;
Mais la trace du sang sous son doigt renaissait !
Et, comme un sceau frappé par une main suprême,
La goutte ineffaçable, ainsi qu'un diadème,
Le couronnait de son forfait !

C'est pour cela, tyran! que ta gloire ternie
Fera par ton forfait douter de ton génie !
Qu'une trace de sang suivra partout ton char !
Et que ton nom, jouet d'un éternel orage,
Sera par l'avenir ballotté d'âge en âge
Entre Marius et César !

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Tu mourus cependant de la mort du vulgaire,
Ainsi qu'un moissonneur va chercher son salaire,
Et dort sur sa faucille avant d'être payé !
Tu ceignis en mourant ton glaive sur ta cuisse,
Et tu fus demander récompense ou justice
Au dieu qui t'avait envoyé !

On dit qu'aux derniers jours de sa longue agonie,
Devant l'éternité seul avec son génie,
Son regard vers le ciel parut se soulever !
Le signe rédempteur toucha son front farouche !...
Et même on entendit commencer sur sa bouche
Un nom !... qu'il n'osait achever !

Achève... C'est le dieu qui règne et qui couronne !
C'est le dieu qui punit ! c'est le dieu qui pardonne !
Pour les héros et nous il a des poids divers !
Parle-lui sans effroi ! lui seul peut te comprendre !
L'esclave et le tyran ont tous un compte à rendre,
L'un du sceptre, l'autre des fers !

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Son cercueil est fermé ! Dieu l'a jugé ! Silence !
Son crime et ses exploits pèsent dans la balance :
Que des faibles mortels la main n'y touche plus !
Qui peut sonder, Seigneur, ta clémence infinie ?
Et vous, fléaux de Dieu ! qui sait si le génie
N'est pas une de vos vertus ?...
Les champs n'étaient point noirs, les cieux n'étaient pas mornes.
Non, le jour rayonnait dans un azur sans bornes
Sur la terre étendu,
L'air était plein d'encens et les prés de verdures
Quand il revit ces lieux où par tant de blessures
Son cœur s'est répandu !

L'automne souriait ; les coteaux vers la plaine
Penchaient leurs bois charmants qui jaunissaient à peine ;
Le ciel était doré ;
Et les oiseaux, tournés vers celui que tout nomme,
Disant peut-être à Dieu quelque chose de l'homme,
Chantaient leur chant sacré !

Il voulut tout revoir, l'étang près de la source,
La masure où l'aumône avait vidé leur bourse,
Le vieux frêne plié,
Les retraites d'amour au fond des bois perdues,
L'arbre où dans les baisers leurs âmes confondues
Avaient tout oublié !

Il chercha le jardin, la maison isolée,
La grille d'où l'œil plonge en une oblique allée,
Les vergers en talus.
Pâle, il marchait. - Au bruit de son pas grave et sombre,
Il voyait à chaque arbre, hélas ! se dresser l'ombre
Des jours qui ne sont plus !

Il entendait frémir dans la forêt qu'il aime
Ce doux vent qui, faisant tout vibrer en nous-même,
Y réveille l'amour,
Et, remuant le chêne ou balançant la rose,
Semble l'âme de tout qui va sur chaque chose
Se poser tour à tour !

Les feuilles qui gisaient dans le bois solitaire,
S'efforçant sous ses pas de s'élever de terre,
Couraient dans le jardin ;
Ainsi, parfois, quand l'âme est triste, nos pensées
S'envolent un moment sur leurs ailes blessées,
Puis retombent soudain.

Il contempla longtemps les formes magnifiques
Que la nature prend dans les champs pacifiques ;
Il rêva jusqu'au soir ;
Tout le jour il erra le long de la ravine,
Admirant tour à tour le ciel, face divine,
Le lac, divin miroir !

Hélas ! se rappelant ses douces aventures,
Regardant, sans entrer, par-dessus les clôtures,
Ainsi qu'un paria,
Il erra tout le jour. Vers l'heure où la nuit tombe,
Il se sentit le cœur triste comme une tombe,
Alors il s'écria :

« Ô douleur ! j'ai voulu, moi dont l'âme est troublée,
Savoir si l'urne encor conservait la liqueur,
Et voir ce qu'avait fait cette heureuse vallée
De tout ce que j'avais laissé là de mon cœur !

« Que peu de temps suffit pour changer toutes choses !
Nature au front serein, comme vous oubliez !
Et comme vous brisez dans vos métamorphoses
Les fils mystérieux où nos cœurs sont liés !

« Nos chambres de feuillage en halliers sont changées !
L'arbre où fut notre chiffre est mort ou renversé ;
Nos roses dans l'enclos ont été ravagées
Par les petits enfants qui sautent le fossé !

« Un mur clôt la fontaine où, par l'heure échauffée,
Folâtre, elle buvait en descendant des bois ;
Elle prenait de l'eau dans sa main, douce fée,
Et laissait retomber des perles de ses doigts !

« On a pavé la route âpre et mal aplanie,
Où, dans le sable pur se dessinant si bien,
Et de sa petitesse étalant l'ironie,
Son pied charmant semblait rire à côté du mien !

« La borne du chemin, qui vit des jours sans nombre,
Où jadis pour m'attendre elle aimait à s'asseoir,
S'est usée en heurtant, lorsque la route est sombre,
Les grands chars gémissants qui reviennent le soir.

« La forêt ici manque et là s'est agrandie.
De tout ce qui fut nous presque rien n'est vivant ;
Et, comme un tas de cendre éteinte et refroidie,
L'amas des souvenirs se disperse à tout vent !

« N'existons-nous donc plus ? Avons-nous eu notre heure ?
Rien ne la rendra-t-il à nos cris superflus ?
L'air joue avec la branche au moment où je pleure ;
Ma maison me regarde et ne me connaît plus.

« D'autres vont maintenant passer où nous passâmes.
Nous y sommes venus, d'autres vont y venir ;
Et le songe qu'avaient ébauché nos deux âmes,
Ils le continueront sans pouvoir le finir !

« Car personne ici-bas ne termine et n'achève ;
Les pires des humains sont comme les meilleurs ;
Nous nous réveillons tous au même endroit du rêve.
Tout commence en ce monde et tout finit ailleurs.

« Oui, d'autres à leur tour viendront, couples sans tache,
Puiser dans cet asile heureux, calme, enchanté,
Tout ce que la nature à l'amour qui se cache
Mêle de rêverie et de solennité !

« D'autres auront nos champs, nos sentiers, nos retraites ;
Ton bois, ma bien-aimée, est à des inconnus.
D'autres femmes viendront, baigneuses indiscrètes,
Troubler le flot sacré qu'ont touché tes pieds nus !

« Quoi donc ! c'est vainement qu'ici nous nous aimâmes !
Rien ne nous restera de ces coteaux fleuris
Où nous fondions notre être en y mêlant nos flammes !
L'impassible nature a déjà tout repris.

« Oh ! dites-moi, ravins, frais ruisseaux, treilles mûres,
Rameaux chargés de nids, grottes, forêts, buissons,
Est-ce que vous ferez pour d'autres vos murmures ?
Est-ce que vous direz à d'autres vos chansons ?

« Nous vous comprenions tant ! doux, attentifs, austères,
Tous nos échos s'ouvraient si bien à votre voix !
Et nous prêtions si bien, sans troubler vos mystères,
L'oreille aux mots profonds que vous dites parfois !

« Répondez, vallon pur, répondez, solitude,
Ô nature abritée en ce désert si beau,
Lorsque nous dormirons tous deux dans l'attitude
Que donne aux morts pensifs la forme du tombeau ;

« Est-ce que vous serez à ce point insensible
De nous savoir couchés, morts avec nos amours,
Et de continuer votre fête paisible,
Et de toujours sourire et de chanter toujours ?

« Est-ce que, nous sentant errer dans vos retraites,  
Fantômes reconnus par vos monts et vos bois,
Vous ne nous direz pas de ces choses secrètes
Qu'on dit en revoyant des amis d'autrefois ?

« Est-ce que vous pourriez, sans tristesse et sans plainte,
Voir nos ombres flotter où marchèrent nos pas,
Et la voir m'entraîner, dans une morne étreinte,
Vers quelque source en pleurs qui sanglote tout bas ?

« Et s'il est quelque part, dans l'ombre où rien ne veille,
Deux amants sous vos fleurs abritant leurs transports,
Ne leur irez-vous pas murmurer à l'oreille :
- Vous qui vivez, donnez une pensée aux morts !

« Dieu nous prête un moment les prés et les fontaines,
Les grands bois frissonnants, les rocs profonds et sourds
Et les cieux azurés et les lacs et les plaines,
Pour y mettre nos cœurs, nos rêves, nos amours !

« Puis il nous les retire. Il souffle notre flamme ;
Il plonge dans la nuit l'antre où nous rayonnons ;
Et dit à la vallée, où s'imprima notre âme,
D'effacer notre trace et d'oublier nos noms.

« Eh bien ! oubliez-nous, maison, jardin, ombrages !
Herbe, use notre seuil ! ronce, cache nos pas !
Chantez, oiseaux ! ruisseaux, coulez ! croissez, feuillages !
Ceux que vous oubliez ne vous oublieront pas.

« Car vous êtes pour nous l'ombre de l'amour même !
Vous êtes l'oasis qu'on rencontre en chemin !
Vous êtes, ô vallon, la retraite suprême
Où nous avons pleuré nous tenant par la main !

« Toutes les passions s'éloignent avec l'âge,
L'une emportant son masque et l'autre son couteau,
Comme un essaim chantant d'histrions en voyage
Dont le groupe décroît derrière le coteau.

« Mais toi, rien ne t'efface, amour ! toi qui nous charmes,
Toi qui, torche ou flambeau, luis dans notre brouillard !
Tu nous tiens par la joie, et surtout par les larmes ;
Jeune homme on te maudit, on t'adore vieillard.

« Dans ces jours où la tête au poids des ans s'incline,
Où l'homme, sans projets, sans but, sans visions,
Sent qu'il n'est déjà plus qu'une tombe en ruine
Où gisent ses vertus et ses illusions ;

« Quand notre âme en rêvant descend dans nos entrailles,
Comptant dans notre cœur, qu'enfin la glace atteint,
Comme on compte les morts sur un champ de batailles,
Chaque douleur tombée et chaque songe éteint,

« Comme quelqu'un qui cherche en tenant une lampe,
**** des objets réels, **** du monde rieur,
Elle arrive à pas lents par une obscure rampe
Jusqu'au fond désolé du gouffre intérieur ;

« Et là, dans cette nuit qu'aucun rayon n'étoile,
L'âme, en un repli sombre où tout semble finir,
Sent quelque chose encor palpiter sous un voile...
C'est toi qui dors dans l'ombre, ô sacré souvenir ! »

Le 21 octobre 1837.
marriegegirl Jul 2014
Ça a été une semaine de l'absurde jolis traits .mais puis-je vous laisser sur un petit secret ?Nous aurions enregistré un des meilleurs pour la fin.Judy Pak .Loli événements et Matthew Ree sont que quelques-uns des grands noms derrière ce printemps swoonfest .et vous pouvez visiter la galerie complète pour beaucoup.beaucoup plus .Vendredi heureux .mes enfants !xoxo\u003cp\u003ePartager cette superbe galerie ColorsSeasonsSpringSettingsGardenStylesRomantic de Lauren de Loli événements .Bien que brève .printemps à New York est toujours rajeunissant et passionnant .Tout semble plus lumineux .plus heureux et tout plein de vie .Ce tournage a capturé exactement cela avec une parfaite dose de glamour et de fantaisie .Les beaux motifs des jardins d'Old Westbury était une évidence comme toile de fond .Tout y est luxuriante .réfléchi et tout simplement magnifique .Notre objectif en tant que fournisseurs de mariage de luxe était de capturer une certaine beauté grave tout en s'amusant et profiter du moment .Il est si facile de se laisser prendre et d'oublier de faire une pause et de prendre dans votre environnement .Cette séance est consacrée à créer un peu d' esprit d'aventure et un besoin de juste prendre une profonde respiration lente .

Photographie : Judy Pak | Photographie : Matthew Ree | Floral Design : Tashi et Bobo | Robe : Jenny Packham | gâteau : Ana Parzych | Coiffeur : Seonghee Park | Bridal Boutique : Gabriella New York | Location de robe : petite robe empruntée |postiches : Emily Riggs | Maquillage : Seunghyn robes demoiselles d honneur Seo de KAKABOKA | Props / table : Caverne de coquelicots et Posies | Styling / Set de table design: Loli Evénements | mariage Lieu: Old Westbury Gardens

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Samual Hidden Nov 2020
Oh stuffy how you are so soft
So perfect and held aloft
On your soft cushion of stuffing you sit
Even as i age and grow my first zit
Oh stuffy how you are so great
So perfect and the size of a plate
The perfect companion
Through the treacherous
Canyon of age.

Never let me enter the haze
For i shall be lost in a daze
Waiting for the phase
Of being old to slowly encroach.
Never let me enter that haze
And remind me of the days
Where books ended in rhymes
And we played in our minds
Never let me forget the time
When time simply forgot to tick
Stretching between naps and noms.
Reminding me of my first tooth
This is an ode to youth
= ) smile
Le roi brillant du jour, se couchant dans sa gloire,
Descend avec lenteur de son char de victoire.
Le nuage éclatant qui le cache à nos yeux
Conserve en sillons d'or sa trace dans les cieux,
Et d'un reflet de pourpre inonde l'étendue.
Comme une lampe d'or, dans l'azur suspendue,
La lune se balance aux bords de l'horizon ;
Ses rayons affaiblis dorment sur le gazon,
Et le voile des nuits sur les monts se déplie :
C'est l'heure où la nature, un moment recueillie,
Entre la nuit qui tombe et le jour qui s'enfuit,
S'élève au Créateur du jour et de la nuit,
Et semble offrir à Dieu, dans son brillant langage,
De la création le magnifique hommage.
Voilà le sacrifice immense, universel !
L'univers est le temple, et la terre est l'autel ;
Les cieux en sont le dôme : et ces astres sans nombre,
Ces feux demi-voilés, pâle ornement de l'ombre,
Dans la voûte d'azur avec ordre semés,
Sont les sacrés flambeaux pour ce temple allumés :
Et ces nuages purs qu'un jour mourant colore,
Et qu'un souffle léger, du couchant à l'aurore,
Dans les plaines de l'air, repliant mollement,
Roule en flocons de pourpre aux bords du firmament,
Sont les flots de l'encens qui monte et s'évapore
Jusqu'au trône du Dieu que la nature adore.
Mais ce temple est sans voix. Où sont les saints concerts ?
D'où s'élèvera l'hymne au roi de l'univers ?
Tout se tait : mon coeur seul parle dans ce silence.
La voix de l'univers, c'est mon intelligence.
Sur les rayons du soir, sur les ailes du vent,
Elle s'élève à Dieu comme un parfum vivant ;
Et, donnant un langage à toute créature,
Prête pour l'adorer mon âme à la nature.
Seul, invoquant ici son regard paternel,
Je remplis le désert du nom de I'Eternel ;
Et celui qui, du sein de sa gloire infinie,
Des sphères qu'il ordonne écoute l'harmonie,
Ecoute aussi la voix de mon humble raison,
Qui contemple sa gloire et murmure son nom.
Salut, principe et fin de toi-même et du monde,
Toi qui rends d'un regard l'immensité féconde ;
Ame de l'univers, Dieu, père, créateur,
Sous tous ces noms divers je crois en toi, Seigneur ;
Et, sans avoir besoin d'entendre ta parole,
Je lis au front des cieux mon glorieux symbole.
L'étendue à mes yeux révèle ta grandeur,
La terre ta bonté, les astres ta splendeur.
Tu t'es produit toi-même en ton brillant ouvrage ;
L'univers tout entier réfléchit ton image,
Et mon âme à son tour réfléchit l'univers.
Ma pensée, embrassant tes attributs divers,
Partout autour de soi te découvre et t'adore,
Se contemple soi-même et t'y découvre encore
Ainsi l'astre du jour éclate dans les cieux,
Se réfléchit dans l'onde et se peint à mes yeux.
C'est peu de croire en toi, bonté, beauté suprême ;
Je te cherche partout, j'aspire à toi, je t'aime ;
Mon âme est un rayon de lumière et d'amour
Qui, du foyer divin, détaché pour un jour,
De désirs dévorants **** de toi consumée,
Brûle de remonter à sa source enflammée.
Je respire, je sens, je pense, j'aime en toi.
Ce monde qui te cache est transparent pour moi ;
C'est toi que je découvre au fond de la nature,
C'est toi que je bénis dans toute créature.
Pour m'approcher de toi, j'ai fui dans ces déserts ;
Là, quand l'aube, agitant son voile dans les airs,
Entr'ouvre l'horizon qu'un jour naissant colore,
Et sème sur les monts les perles de l'aurore,
Pour moi c'est ton regard qui, du divin séjour,
S'entr'ouvre sur le monde et lui répand le jour :
Quand l'astre à son midi, suspendant sa carrière,
M'inonde de chaleur, de vie et de lumière,
Dans ses puissants rayons, qui raniment mes sens,
Seigneur, c'est ta vertu, ton souffle que je sens ;
Et quand la nuit, guidant son cortège d'étoiles,
Sur le monde endormi jette ses sombres voiles,
Seul, au sein du désert et de l'obscurité,
Méditant de la nuit la douce majesté,
Enveloppé de calme, et d'ombre, et de silence,
Mon âme, de plus près, adore ta présence ;
D'un jour intérieur je me sens éclairer,
Et j'entends une voix qui me dit d'espérer.
Oui, j'espère, Seigneur, en ta magnificence :
Partout à pleines mains prodiguant l'existence,
Tu n'auras pas borné le nombre de mes jours
A ces jours d'ici-bas, si troublés et si courts.
Je te vois en tous lieux conserver et produire ;
Celui qui peut créer dédaigne de détruire.
Témoin de ta puissance et sûr de ta bonté
J'attends le jour sans fin de l'immortalité.
La mort m'entoure en vain de ses ombres funèbres,
Ma raison voit le jour à travers ces ténèbres.
C'est le dernier degré qui m'approche de toi,
C'est le voile qui tombe entre ta face et moi.
Hâte pour moi, Seigneur, ce moment que j'implore ;
Ou, si, dans tes secrets tu le retiens encore,
Entends du haut du ciel le cri de mes besoins ;
L'atome et l'univers sont l'objet de tes soins,
Des dons de ta bonté soutiens mon indigence,
Nourris mon corps de pain, mon âme d'espérance ;
Réchauffe d'un regard de tes yeux tout-puissants
Mon esprit éclipsé par l'ombre de mes sens
Et, comme le soleil aspire la rosée,
Dans ton sein, à jamais, absorbe ma pensée.
On y revient ; il faut y revenir moi-même.
Ce qu'on attaque en moi, c'est mon temps, et je l'aime.
Certes, on me laisserait en paix, passant obscur,
Si je ne contenais, atome de l'azur,
Un peu du grand rayon dont notre époque est faite.

Hier le citoyen, aujourd'hui le poète ;  
Le « romantique » après le « libéral ». -  Allons,
Soit ; dans mes deux sentiers mordez mes deux talons.
Je suis le ténébreux par qui tout dégénère.
Sur mon autre côté lancez l'autre tonnerre.

Vous aussi, vous m'avez vu tout jeune, et voici
Que vous me dénoncez, bonhomme, vous aussi ;
Me déchirant le plus allégrement du monde,
Par attendrissement pour mon enfance blonde.
Vous me criez : « Comment, Monsieur ! qu'est-ce que c'est ?
- La stance va nu-pieds ! le drame est sans corset !
- La muse jette au vent sa robe d'innocence !
- Et l'art crève la règle et dit : C'est la croissance ! »
Géronte littéraire aux aboiements plaintifs,
Vous vous ébahissez, en vers rétrospectifs,
Que ma voix trouble l'ordre, et que ce romantique
Vive, et que ce petit, à qui l'Art Poétique
Avec tant de bonté donna le pain et l'eau,
Devienne si pesant aux genoux de Boileau !
Vous regardez mes vers, pourvus d'ongles et d'ailes,
Refusant de marcher derrière les modèles,
Comme après les doyens marchent les petits clercs ;
Vous en voyez sortir de sinistres éclairs ;
Horreur ! et vous voilà poussant des cris d'hyène
A travers les barreaux de la Quotidienne.

Vous épuisez sur moi tout votre calepin,
Et le père Bouhours et le père Rapin ;
Et m'écrasant avec tous les noms qu'on vénère,
Vous lâchez le grand mot : Révolutionnaire.

Et, sur ce, les pédants en choeur disent : Amen !
On m'empoigne ; on me fait passer mon examen ;
La Sorbonne bredouille et l'école griffonne ;
De vingt plumes jaillit la colère bouffonne :
« Que veulent ces affreux novateurs ? ça des vers ?
- Devant leurs livres noirs, la nuit, dans l'ombre ouverts,
- Les lectrices ont peur au fond de leurs alcôves.
- Le Pinde entend rugir leurs rimes bêtes fauves,
- Et frémit. Par leur faute aujourd'hui tout est mort ;
- L'alexandrin saisit la césure, et la mord ;
- Comme le sanglier dans l'herbe et dans la sauge,
- Au beau milieu du vers l'enjambement patauge ;
- Que va-t-on devenir ? Richelet s'obscurcit.
- Il faut à toute chose un magister dixit.
- Revenons à la règle, et sortons de l'opprobre ;
- L'hippocrène est de l'eau ; donc le beau, c'est le sobre.
- Les vrais sages ayant la raison pour lien,
- Ont toujours consulté, sur l'art, Quintilien ;
- Sur l'algèbre, Leibnitz; sur la guerre, Végèce. »

Quand l'impuissance écrit, elle signe : Sagesse.

Je ne vois pas pourquoi je ne vous dirais point
Ce qu'à d'autres j'ai dit sans leur montrer le poing.
Eh bien, démasquons-nous ! c'est vrai, notre âme est noire ;
Sortons du domino nommé forme oratoire.
On nous a vus, poussant vers un autre horizon
La langue, avec la rime entraînant la raison,

Lancer au pas de charge, en batailles rangées,
Sur Laharpe éperdu, toutes ces insurgées.
Nous avons au vieux style attaché ce brûlot :
Liberté ! Nous avons, dans le même complot,
Mis l'esprit, pauvre diable, et le mot, pauvre hère ;
Nous avons déchiré le capuchon, la haire,
Le froc, dont on couvrait l'Idée aux yeux divins.
Tous on fait rage en foule. Orateurs, écrivains,
Poètes, nous avons, du doigt avançant l'heure,
Dit à la rhétorique : - Allons, fille majeure,
Lève les yeux ! - et j'ai, chantant, luttant, bravant,
Tordu plus d'une grille au parloir du couvent ;
J'ai, torche en main, ouvert les deux battants du drame ;
Pirates, nous avons, à la voile, à la rame,
De la triple unité pris l'aride archipel ;
Sur l'Hélicon tremblant j'ai battu le rappel.
Tout est perdu ! le vers vague sans muselière !
A Racine effaré nous préférons Molière ;
O pédants ! à Ducis nous préférons Rotrou.
Lucrèce Borgia sort brusquement d'un trou,
Et mêle des poisons hideux à vos guimauves ;
Le drame échevelé fait peur à vos fronts chauves ;
C'est horrible ! oui, brigand, jacobin, malandrin,
J'ai disloqué ce grand niais d'alexandrin ;
Les mots de qualité, les syllabes marquises,
Vivaient ensemble au fond de leurs grottes exquises,
Faisaient la bouche en coeur et ne parlant qu'entre eux,
J'ai dit aux mots d'en bas : Manchots, boiteux, goîtreux,
Redressez-vous ! planez, et mêlez-vous, sans règles,
Dans la caverne immense et farouche des aigles !
J'ai déjà confessé ce tas de crimes-là ;
Oui, je suis Papavoine, Érostrate, Attila :
Après ?

Emportez-vous, et criez à la garde,
Brave homme ! tempêtez ! tonnez ! je vous regarde.

Nos progrès prétendus vous semblent outrageants ;
Vous détestez ce siècle où, quand il parle aux gens,
Le vers des trois saluts d'usage se dispense ;
Temps sombre où, sans pudeur, on écrit comme on pense,
Où l'on est philosophe et poète crûment,
Où de ton vin sincère, adorable, écumant,
O sévère idéal, tous les songeurs sont ivres.
Vous couvrez d'abat-jour, quand vous ouvrez nos livres,
Vos yeux, par la clarté du mot propre brûlés ;
Vous exécrez nos vers francs et vrais, vous hurlez
De fureur en voyant nos strophes toutes nues.
Mais où donc est le temps des nymphes ingénues,
Qui couraient dans les bois, et dont la nudité
Dansait dans la lueur des vagues soirs d'été ?
Sur l'aube nue et blanche, entr'ouvrant sa fenêtre,
Faut-il plisser la brume honnête et *****, et mettre
Une feuille de vigne à l'astre dans l'azur ?
Le flot, conque d'amour, est-il d'un goût peu sûr ?
Ô Virgile, Pindare, Orphée ! est-ce qu'on gaze,
Comme une obscénité, les ailes de Pégase,
Qui semble, les ouvrant au haut du mont béni,
L'immense papillon du baiser infini ?
Est-ce que le soleil splendide est un cynique ?
La fleur a-t-elle tort d'écarter sa tunique ?
Calliope, planant derrière un pan des cieux,
Fait donc mal de montrer à Dante soucieux
Ses seins éblouissants à travers les étoiles ?
Vous êtes un ancien d'hier. Libre et sans voiles,
Le grand Olympe nu vous ferait dire : Fi !
Vous mettez une jupe au Cupidon bouffi ;
Au clinquant, aux neuf soeurs en atours, au Parnasse
De Titon du Tillet, votre goût est tenace ;
Apollon vous ferait l'effet d'un Mohican ;
Vous prendriez Vénus pour une sauvagesse.

L'âge - c'est là souvent toute notre sagesse -

A beau vous bougonner tout bas : « Vous avez tort,
- Vous vous ferez tousser si vous criez si fort ;
- Pour quelques nouveautés sauvages et fortuites,
- Monsieur, ne troublez pas la paix de vos pituites.
- Ces gens-ci vont leur train ; qu'est-ce que ça vous fait ?
- Ils ne trouvent que cendre au feu qui vous chauffait.
- Pourquoi déclarez-vous la guerre à leur tapage ?
- Ce siècle est libéral comme vous fûtes page.
- Fermez bien vos volets, tirez bien vos rideaux,
- Soufflez votre chandelle, et tournez-lui le dos !
- Qu'est l'âme du vrai sage ? Une sourde-muette.
- Que vous importe, à vous, que tel ou tel poète,
- Comme l'oiseau des cieux, veuille avoir sa chanson ;
- Et que tel garnement du Pinde, nourrisson
- Des Muses, au milieu d'un bruit de corybante,
- Marmot sombre, ait mordu leur gorge un peu tombante ? »

Vous n'en tenez nul compte, et vous n'écoutez rien.
Voltaire, en vain, grand homme et peu voltairien,
Vous murmure à l'oreille : « Ami, tu nous assommes ! »
- Vous écumez ! - partant de ceci : que nous, hommes
De ce temps d'anarchie et d'enfer, nous donnons
L'assaut au grand Louis juché sur vingt grands noms ;
Vous dites qu'après tout nous perdons notre peine,
Que haute est l'escalade et courte notre haleine ;
Que c'est dit, que jamais nous ne réussirons ;
Que Batteux nous regarde avec ses gros yeux ronds,
Que Tancrède est de bronze et qu'Hamlet est de sable.
Vous déclarez Boileau perruque indéfrisable ;
Et, coiffé de lauriers, d'un coup d'oeil de travers,
Vous indiquez le tas d'ordures de nos vers,
Fumier où la laideur de ce siècle se guinde
Au pauvre vieux bon goût, ce balayeur du Pinde ;
Et même, allant plus ****, vaillant, vous nous criez :
« Je vais vous balayer moi-même ! »

Balayez.

Paris, novembre 1834.
« Amis et frères ! en présence de ce gouvernement infâme, négation de toute morale, obstacle à tout progrès social, en présence de ce gouvernement meurtrier du peuple, assassin de la République et violateur des lois, de ce gouvernement né de la force et qui doit périr par la force, de ce gouvernement élevé par le crime et qui doit être terrassé par le droit, le français digne du nom de citoyen ne sait pas, ne veut pas savoir s'il y a quelque part des semblants de scrutin, des comédies de suffrage universel et des parodies d'appel à la nation ; il ne s'informe pas s'il y a des hommes qui votent et des hommes qui font voter, s'il y a un troupeau qu'on appelle le sénat et qui délibère et un autre troupeau qu'on appelle le peuple et qui obéit ; il ne s'informe pas si le pape va sacrer au maître-autel de Notre-Dame l'homme qui - n'en doutez pas, ceci est l'avenir inévitable - sera ferré au poteau par le bourreau ; - en présence de M. Bonaparte et de son gouvernement, le citoyen digne de ce nom ne fait qu'une chose et n'a qu'une chose à faire : charger son fusil, et attendre l'heure.

Jersey, le 31 octobre 1852.


Déclaration des proscrits républicains de Jersey, à propos de l'empire, publiée par le Moniteur, signée pour copie conforme :

VICTOR HUGO, FAURE, FOMBERTAUX.


« Nous flétrissons de l'énergie la plus vigoureuse de notre âme les ignobles et coupables manifestes du Parti du Crime. »

(RIANCEY, JOURNAL L'UNION, 22 NOVEMBRE.)

« Le Parti du Crime relève la tête. »

(TOUS LES JOURNAUX ÉLYSÉENS EN CHOEUR.)



Ainsi ce gouvernant dont l'ongle est une griffe,
Ce masque impérial, Bonaparte apocryphe,
À coup sûr Beauharnais, peut-être Verhueil,
Qui, pour la mettre en croix, livra, sbire cruel,
Rome républicaine à Rome catholique,
Cet homme, l'assassin de la chose publique,
Ce parvenu, choisi par le destin sans yeux,
Ainsi, lui, ce glouton singeant l'ambitieux,
Cette altesse quelconque habile aux catastrophes,
Ce loup sur qui je lâche une meute de strophes,
Ainsi ce boucanier, ainsi ce chourineur
À fait d'un jour d'orgueil un jour de déshonneur,
Mis sur la gloire un crime et souillé la victoire
Il a volé, l'infâme, Austerlitz à l'histoire ;
Brigand, dans ce trophée il a pris un poignard ;
Il a broyé bourgeois, ouvrier, campagnard ;
Il a fait de corps morts une horrible étagère
Derrière les barreaux de la cité Bergère ;
Il s'est, le sabre en main, rué sur son serment ;
Il a tué les lois et le gouvernement,
La justice, l'honneur, tout, jusqu'à l'espérance
Il a rougi de sang, de ton sang pur, ô France,
Tous nos fleuves, depuis la Seine jusqu'au Var ;
Il a conquis le Louvre en méritant Clamar ;
Et maintenant il règne, appuyant, ô patrie,
Son vil talon fangeux sur ta bouche meurtrie
Voilà ce qu'il a fait ; je n'exagère rien ;
Et quand, nous indignant de ce galérien,
Et de tous les escrocs de cette dictature,
Croyant rêver devant cette affreuse aventure,
Nous disons, de dégoût et d'horreur soulevés :
- Citoyens, marchons ! Peuple, aux armes, aux pavés !
À bas ce sabre abject qui n'est pas même un glaive !
Que le jour reparaisse et que le droit se lève ! -
C'est nous, proscrits frappés par ces coquins hardis,
Nous, les assassinés, qui sommes les bandits !
Nous qui voulons le meurtre et les guerres civiles !
Nous qui mettons la torche aux quatre coins des villes !

Donc, trôner par la mort, fouler aux pieds le droit
Etre fourbe, impudent, cynique, atroce, adroit ;
Dire : je suis César, et n'être qu'un maroufle
Etouffer la pensée et la vie et le souffle ;
Forcer quatre-vingt-neuf qui marche à reculer ;
Supprimer lois, tribune et presse ; museler
La grande nation comme une bête fauve ;
Régner par la caserne et du fond d'une alcôve ;
Restaurer les abus au profit des félons
Livrer ce pauvre peuple aux voraces Troplongs,
Sous prétexte qu'il fut, **** des temps où nous sommes,
Dévoré par les rois et par les gentilshommes
Faire manger aux chiens ce reste des lions ;
Prendre gaîment pour soi palais et millions ;
S'afficher tout crûment satrape, et, sans sourdines,
Mener joyeuse vie avec des gourgandines
Torturer des héros dans le bagne exécré ;
Bannir quiconque est ferme et fier ; vivre entouré
De grecs, comme à Byzance autrefois le despote
Etre le bras qui tue et la main qui tripote
Ceci, c'est la justice, ô peuple, et la vertu !
Et confesser le droit par le meurtre abattu
Dans l'exil, à travers l'encens et les fumées,
Dire en face aux tyrans, dire en face aux armées
- Violence, injustice et force sont vos noms
Vous êtes les soldats, vous êtes les canons ;
La terre est sous vos pieds comme votre royaume
Vous êtes le colosse et nous sommes l'atome ;
Eh bien ! guerre ! et luttons, c'est notre volonté,
Vous, pour l'oppression, nous, pour la liberté ! -
Montrer les noirs pontons, montrer les catacombes,
Et s'écrier, debout sur la pierre des tombes.
- Français ! craignez d'avoir un jour pour repentirs
Les pleurs des innocents et les os des martyrs !
Brise l'homme sépulcre, ô France ! ressuscite !
Arrache de ton flanc ce Néron parasite !
Sors de terre sanglante et belle, et dresse-toi,
Dans une main le glaive et dans l'autre la loi ! -
Jeter ce cri du fond de son âme proscrite,
Attaquer le forban, démasquer l'hypocrite
Parce que l'honneur parle et parce qu'il le faut,
C'est le crime, cela ! - Tu l'entends, toi, là-haut !
Oui, voilà ce qu'on dit, mon Dieu, devant ta face !
Témoin toujours présent qu'aucune ombre n'efface,
Voilà ce qu'on étale à tes yeux éternels !

Quoi ! le sang fume aux mains de tous ces criminels !
Quoi ! les morts, vierge, enfant, vieillards et femmes grosses
Ont à peine eu le temps de pourrir dans leurs fosses !
Quoi ! Paris saigne encor ! quoi ! devant tous les yeux,
Son faux serment est là qui plane dans les cieux !
Et voilà comme parle un tas d'êtres immondes
Ô noir bouillonnement des colères profondes !

Et maint vivant, gavé, triomphant et vermeil,
Reprend : « Ce bruit qu'on fait dérange mon sommeil.
Tout va bien. Les marchands triplent leurs clientèles,
Et nos femmes ne sont que fleurs et que dentelles !
- De quoi donc se plaint-on ? crie un autre quidam ;
En flânant sur l'asphalte et sur le macadam,
Je gagne tous les jours trois cents francs à la Bourse.
L'argent coule aujourd'hui comme l'eau d'une source ;
Les ouvriers maçons ont trois livres dix sous,
C'est superbe ; Paris est sens dessus dessous.
Il paraît qu'on a mis dehors les démagogues.
Tant mieux. Moi j'applaudis les bals et les églogues
Du prince qu'autrefois à tort je reniais.
Que m'importe qu'on ait chassé quelques niais ?
Quant aux morts, ils sont morts. Paix à ces imbéciles !
Vivent les gens d'esprit ! vivent ces temps faciles
Où l'on peut à son choix prendre pour nourricier
Le crédit mobilier ou le crédit foncier !
La république rouge aboie en ses cavernes,
C'est affreux ! Liberté, droit, progrès, balivernes
Hier encor j'empochais une prime d'un franc ;
Et moi, je sens fort peu, j'en conviens, je suis franc,
Les déclamations m'étant indifférentes,
La baisse de l'honneur dans la hausse des rentes. »

Ô langage hideux ! on le tient, on l'entend !
Eh bien, sachez-le donc ; repus au cœur content,
Que nous vous le disions bien une fois pour toutes,
Oui, nous, les vagabonds dispersés sur les routes,
Errant sans passe-port, sans nom et sans foyer,
Nous autres, les proscrits qu'on ne fait pas ployer,
Nous qui n'acceptons point qu'un peuple s'abrutisse,
Qui d'ailleurs ne voulons, tout en voulant justice,
D'aucune représaille et d'aucun échafaud,
Nous, dis-je, les vaincus sur qui Mandrin prévaut,
Pour que la liberté revive, et que la honte
Meure, et qu'à tous les fronts l'honneur serein remonte,
Pour affranchir romains, lombards, germains, hongrois,
Pour faire rayonner, soleil de tous les droits,
La république mère au centre de l'Europe,
Pour réconcilier le palais et l'échoppe,
Pour faire refleurir la fleur Fraternité,
Pour fonder du travail le droit incontesté,
Pour tirer les martyrs de ces bagnes infâmes,
Pour rendre aux fils le père et les maris aux femmes,
Pour qu'enfin ce grand siècle et cette nation
Sortent du Bonaparte et de l'abjection,
Pour atteindre à ce but où notre âme s'élance,
Nous nous ceignons les reins dans l'ombre et le silence
Nous nous déclarons prêts, prêts, entendez-vous bien ?
- Le sacrifice est tout, la souffrance n'est rien, -
Prêts, quand Dieu fera signe, à donner notre vie
Car, à voir ce qui vit, la mort nous fait envie,
Car nous sommes tous mal sous ce drôle effronté,
Vivant, nous sans patrie, et vous sans liberté !

Oui, sachez-le, vous tous que l'air libre importune
Et qui dans ce fumier plantez votre fortune,
Nous ne laisserons pas le peuple s'assoupir ;
Oui, nous appellerons, jusqu'au dernier soupir,
Au secours de la France aux fers et presque éteinte,
Comme nos grands -aïeux, l'insurrection sainte
Nous convierons Dieu même à foudroyer ceci
Et c'est notre pensée et nous sommes ainsi,
Aimant mieux, dût le sort nous broyer sous sa roue,
Voir couler notre sang que croupir votre boue.

Jersey, le 28 janvier 1853.
His spring was short, and he wore it
damp and dreary with query bulbs lightly
weaved in a soiled waistcoat. He will be
ready for summer.

His summer comes modest, not hot
enough for milking. Answers flower few,
so he dons a leaf-cushioned jacket
and waits for the fall.

His fall arrives late, too sweetly
burning assents of decay. Cracks branch thin,
and he slaps on a sappy topcoat,
with dread of winter.

His winter bustles with a bite,
but its nibbles and noms are blessedly
brief. He sighs, "It's a shame my seasons
can only be four."
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C'était au beau milieu de notre tragédie
Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or Je croyais voir
Ses patientes mains calmer un incendie
C'était au beau milieu de notre tragédie

Et pendant un long jour assise à son miroir
Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit
C'était au beau milieu de notre tragédie
Qu'elle jouait un air de harpe sans y croire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir

Elle peignait ses cheveux d'or et j'aurais dit
Qu'elle martyrisait à plaisir sa mémoire
Pendant tout ce long jour assise à son miroir
À ranimer les fleurs sans fin de l'incendie
Sans dire ce qu'une autre à sa place aurait dit

Elle martyrisait à plaisir sa mémoire
C'était au beau milieu de notre tragédie
Le monde ressemblait à ce miroir maudit
Le peigne partageait les feux de cette moire
Et ces feux éclairaient des coins de ma mémoire

C'était un beau milieu de notre tragédie
Comme dans la semaine est assis le jeudi

Et pendant un long jour assise à sa mémoire
Elle voyait au **** mourir dans son miroir

Un à un les acteurs de notre tragédie
Et qui sont les meilleurs de ce monde maudit

Et vous savez leurs noms sans que je les aie dits
Et ce que signifient les flammes des longs soirs

Et ses cheveux dorés quand elle vient s'asseoir
Et peigner sans rien dire un reflet d'incendie.
Hymne aux morts de juillet.

Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie
Ont droit qu'à leur cercueil la foule vienne et prie.
Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau.
Toute gloire près d'eux passe et tombe éphémère ;
Et, comme ferait une mère,
La voix d'un peuple entier les berce en leur tombeau.

Gloire à notre France éternelle !
Gloire à ceux qui sont morts pour elle !
Aux martyrs ! aux vaillants ! aux forts !
A ceux qu'enflamme leur exemple,
Qui veulent place dans le temple,
Et qui mourrons comme ils sont morts !

C'est pour ces morts, dont l'ombre est ici bienvenue,
Que le haut Panthéon élève dans la nue,
Au-dessus de Paris, la ville aux mille tours,
La reine de nos Tirs et de nos Babylone,
Cette couronne de colonnes
Que le soleil levant redore tous les jours !

Gloire à notre France éternelle !
Gloire à ceux qui sont morts pour elle !
Aux martyrs ! aux vaillants ! aux forts !
A ceux qu'enflamme leur exemple,
Qui veulent place dans le temple,
Et qui mourrons comme ils sont morts !

Ainsi, quand de tels morts sont couchés dans la tombe,
En vain l'oubli, nuit sombre où va tout ce qui tombe,
Passe sur leur sépulcre où nous inclinons ;
Chaque jour, pour eux seuls se levant plus fidèle,
La gloire, aube toujours nouvelle,
Fait luire leur mémoire et redore leurs noms !

Gloire à notre France éternelle !
Gloire à ceux qui sont morts pour elle !
Aux martyrs ! aux vaillants ! aux forts !
A ceux qu'enflamme leur exemple,
Qui veulent place dans le temple,
Et qui mourrons comme ils sont morts !

Juillet 1831.
Une pitié me prend quand à part moi je songe

À cette ambition terrible qui nous ronge

De faire parmi tous reluire notre nom,

De ne voir s'élever par-dessus nous personne,

D'avoir vivant encore le nimbe et la couronne,

D'être salué grand comme Gœthe ou Byron.


Les peintres jusqu'au soir courbés sur leurs palettes,

Les Amphions frappant leurs claviers, les poètes,

Tous les blêmes rêveurs, tous les croyants de l'art,

Dans ces noms éclatants et saints sur tous les autres,

Prennent un nom pour Dieu, dont ils se font apôtres,

Un de vos noms, Shakespeare, Michel-Ange ou Mozart  !


C'est là le grand souci qui tous, tant que nous sommes,

Dans cet âge mauvais, austères jeunes hommes,

Nous fait le teint livide et nous cave les yeux ;

La passion du beau nous tient et nous tourmente,

La sève sans issue au fond de nous fermente,

Et de ceux d'aujourd'hui bien peu deviendront vieux.


De ces frêles enfants, la terreur de leur mère,

Qui s'épuisent en vain à suivre leur chimère,

Combien déjà sont morts ! Combien encore mourront !

Combien au beau moment, gloire, ô froide statue,

Gloire que nous aimons et dont l'amour nous tue,

Pâles, sur ton épaule ont incliné le front !


Ah ! chercher sans trouver et suer sur un livre,

Travailler, oublier d'être heureux et de vivre ;

Ne pas avoir une heure à dormir au soleil,

À courir dans les bois sans arrière-pensée ;

Gémir d'une minute au plaisir dépensée,

Et faner dans sa fleur son beau printemps vermeil ;


Jeter son âme au vent et semer sans qu'on sache

Si le grain sortira du sillon qui le cache,

Et si jamais l'été dorera le blé vert ;

Faire comme ces vieux qui vont plantant des arbres,

Entassant des trésors et rassemblant des marbres,

Sans songer qu'un tombeau sous leurs pieds est ouvert !


Et pourtant chacun n'a que sa vie en ce monde,

Et pourtant du cercueil la nuit est bien profonde ;

Ni lune, ni soleil : c'est un sommeil bien long ;

Le lit est dur et froid ; les larmes que l'on verse,

La terre les boit vite, et pas une ne perce,

Pour arriver à vous, le suaire et le plomb.


Dieu nous comble de biens ; notre mère Nature

Rit amoureusement à chaque créature ;

Le spectacle du ciel est admirable à voir ;

La nuit a des splendeurs qui n'ont pas de pareilles ;

Des vents tout parfumés nous chantent aux oreilles :

« Vivre est doux, et pour vivre il ne faut que vouloir. »


Pourquoi ne vouloir pas ? Pourquoi ? Pour que l'on dise,

Quand vous passez : « C'est lui ! » Pour que dans une église,

Saint-Denis, Westminster, sous un pavé noirci,

On vous couche à côté de rois que le ver mange,

N'ayant pour vous pleurer qu'une figure d'ange

Et cette inscription : « Un grand homme est ici. »


En vérité, c'est tout. - Ô néant ! Ô folie !

Vouloir qu'on se souvienne alors que tout oublie,

Vouloir l'éternité lorsque l'on n'a qu'un jour !

Rêver, chercher le beau, fonder une mémoire,

Et forger un par un les rayons de sa gloire,

Comme si tout cela valait un mot d'amour !
Exténué de nuit
Rompu par le sommeil
Comment ouvrir les yeux
Réveil-matin.
Le corps fuit dans les draps mystérieux du rêve
Toute la fatigue du monde
Le regret du roman de l'ombre
Le songe
où je mordais Pastèque interrompue
Mille raisons de faire le sourd
La pendule annonce le jour d'une voix blanche
Deuil d'enfant paresser encore
Lycéen j'avais le dimanche
comme un ballon dans les deux mains
Le jour du cirque et des amis
Les amis
Des pommes des pêches
sous leurs casquettes genre anglais
Mollets nus et nos lavalières
Au printemps
On voit des lavoirs sur la Seine
des baleines couleur de nuée
L'hiver
On souffle en l'air Buée
À qui en fera le plus
Pivoine de Mars Camarades
Vos cache-nez volent au vent
par élégance
L'âge ingrat sortes de mascarades
Drôles de voix hors des faux-cols
On rit trop fort pour être gais
Je me sens gauche rouge Craintes
Mes manches courtes
Toutes les femmes sont trop peintes
et portent des jupons trop propres
CHAMBRES GARNIES

Quand y va-t-on

HOTEL MEUBLÉ
Boutonné jusqu'au menton
J'essaierai à la mi-carême
Aux vacances de Pâques
on balance encore
Les jours semblent longs et si pâles
Il vaut mieux attendre l'été
les grandes chaleurs
la paille des granges
le pré libre et large
au bout de l'année scolaire
la campagne en marge du temps
les costumes de toile clairs
On me donnerait dix-sept ans
Avec mon canotier
mon auréole
Elle tombe et roule
sur le plancher des stations balnéaires
Le sable qu'on boit dans la brise
Eau-de-vie à paillettes d'or
La saison me grise.
Mais surtout
Ce qui va droit au cœur
Ce qui parle.
La mer
La perfidie amère des marées
Les cheveux longs du flot
Les algues s'enroulent au bras du nageur
Parfois la vague
Musique du sol et de l'eau
me soulève comme une plume
En haut
L'écume danse le soleil
Alors
l'émoi me prend par la taille
Descente à pic
Jusqu'à l'orteil
un frisson court Oiseau des îles
Le désir me perd par les membres
Tout retourne à son élément
Mensonge
Ici le dormeur fait gémir le sommier
Les cartes brouillées
Les cartes d'images

Dans le Hall de la galerie des Machines les mains
fardées pour l'amour les mannequins passent d'un air
prétentieux comme pendant un steeple-chase Les
pianos de l'Æolian Company assurent le succès de la
fête Les mendiants apportent tout leur or pour assister
au spectacle On a dépensé sans compter et personne
ne songe plus au lendemain Personne excepté l'ibis
lumineux suspendu par erreur au plafond en guise de
lustre

La lumière tombe d'aplomb sur les paupières
Dans la chambre nue à dessein
DEBOUT
L'ombre recule et le dessin du papier
sur les murs
se met à grimacer des visages bourgeois
La vie
le repas froid commence
Le plus dur  les pieds sur les planches
et la glace renvoie une figure longue

Un miracle d'éponge et de bleu de lessive
La cuvette et le jour
Ellipse
qu'on ferme d'une main malhabile
Les objets de toilette
Je ne sais plus leur noms
trop tendres à mes lèvres
Le *** à eau si lourd
La houppe charmante
Le prestige inouï de l'alcool de menthe
Le souffle odorant de l'amour
Le miroir ce matin me résume le monde
Pièce ébauchée
Le regard monte
et suit le geste des bras qui s'achève en linge
en pitié
Mon portrait me fixe et dit Songe
sans en mourir au gagne-pain
au travail tout le long du jour
L'habitude
Le pli pris
L'habit gris
Servitude
Une fois par hasard
regarde le soleil en face
Fais crouler les murs les devoirs
Que sais-tu si j'envie être libre et sans place
simple reflet peint sur le verre
Donc écris
À l'étude
Faux Latude
Et souris

que les châles
les yeux morts
les fards pâles
et les corps
n'appartiennent
qu'aux riches
Le tapis déchiré par endroits
Le plafond trop voisin
Que la vie est étroite
Tout de même j'en ai assez
Sortira-t-on  Je suis à bout
Casser cet univers sur le genou ployé
Bois sec dont on ferait des flammes singulières
Ah taper sur la table à midi
que le vin se renverse
qu'il submerge
les hommes à la mâchoire carrée
marteaux pilons
Alors se lèveront les poneys
les jeunes gens
en bande par la main par les villes
en promenade
pour chanter
à bride abattue à gorge déployée
comme un drapeau
la beauté la seule vertu
qui tende encore ses mains pures.
Colin Kohlsmith Feb 2010
Qui sont les noms
Sur ta liste?
As tu suivi
La meillure piste?
Oui, on est sain
Et on est sauf
Mais l’ amour n’est pas
Un sale boulot
C’est ironique
Les choix qu’on fait
Quand l’avenir
Est decidé
Donc, ouvre le livre
Et trouve un vers
Et vis ta vie
A l’envers
Mais tu connais
La verité
On peut la voir
Dans tes yeux
Tu as tes rêves
Et tes espoirs
Et l’essentiel
Est en vue
Ton coeur te mene
Et ne ment pas
Tu sens cette
Realité
Fais attention
Aux signes reçus
On ne peut pas
Les ignorer

Your List

What are the names
On your list?
What path did you follow
Or did you miss?
Yes, you are safe
And you are sound
But the search for love
Won’t wear you down
It’s funny all
The choices we make
When what’s decided
Is at stake
Right! Use the book
And find a verse
And live your life
In reverse!
But I can see
You know the truth
It is written in your eyes
Your hopes and dreams
And all that counts
Are there for you
To realize
You know it is
Your faithful heart
That will lead you
To what’s in store
Just pay attention
To all the signs
That’s one thing
That you can’t ignore
C'était le sept août. Ô sombre destinée !
C'était le premier jour de leur dernière année.

Seuls dans un lieu royal, côte à côté marchant,
Deux hommes, par endroits du coude se touchant,
Causaient. Grand souvenir qui dans mon cœur se grave !
Le premier avait l'air fatigué, triste et grave,
Comme un trop faible front qui porte un lourd projet.
Une double épaulette à couronne chargeait
Son uniforme vert à ganse purpurine,
Et l'ordre et la toison faisaient sur sa poitrine,
Près du large cordon moiré de bleu changeant,
Deux foyers lumineux, l'un d'or, l'autre d'argent.
C'était un roi ; vieillard à la tête blanchie,
Penché du poids des ans et de la monarchie.
L'autre était un jeune homme étranger chez les rois,
Un poète, un passant, une inutile voix.

Ils se parlaient tous deux, sans témoins, sans mystère,
Dans un grand cabinet, simple, nu, solitaire,
Majestueux pourtant. Ce que les hommes font
Laisse une empreinte aux murs. Sous ce même plafond
Avaient passé jadis, ô splendeurs effacées !
De grands événements et de grandes pensées.
Là, derrière son dos, croisant ses fortes mains,
Ébranlant le plancher sous ses pas surhumains,
Bien souvent l'empereur quand il était le maître,
De la porte en rêvant allait à la fenêtre.

Dans un coin une table, un fauteuil de velours,
Miraient dans le parquet leurs pieds dorés et lourds.
Par une porte en vitre, au dehors, l'œil en foule
Apercevait au **** des armoires de Boulle,
Des vases du Japon, des laques, des émaux,
Et des chandeliers d'or aux immenses rameaux.
Un salon rouge orné de glaces de Venise,
Plein de ces bronzes grecs que l'esprit divinise,
Multipliait sans fin ses lustres de cristal ;
Et, comme une statue à lames de métal,
On voyait, casque au front, luire dans l'encoignure
Un garde argent et bleu d'une fière tournure.

Or entre le poète et le vieux roi courbé,
De quoi s'agissait-il ?

D'un pauvre ange tombé
Dont l'amour refaisait l'âme avec son haleine ;
De Marion, lavée ainsi que Madeleine,
Qui boitait et traînait son pas estropié,
La censure, serpent, l'ayant mordue au pied.

Le poète voulait faire un soir apparaître
Louis treize, ce roi sur qui régnait un prêtre ;
- Tout un siècle, marquis, bourreaux, fous, bateleurs ;
Et que la foule vînt, et qu'à travers des pleurs,
Par moments, dans un drame étincelant et sombre,
Du pâle cardinal on crût voir passer l'ombre.

Le vieillard hésitait : - Que sert de mettre à nu
Louis treize, ce roi chétif et mal venu ?
A quoi bon remuer un mort dans une tombe ?
Que veut-on ? où court-on ? sait-on bien où l'on tombe ?
Tout n'est-il pas déjà croulant de tout côté ?
Tout ne s'en va-t-il pas dans trop de liberté ?
N'est-il pas temps plutôt, après quinze ans d'épreuve,
De relever la digue et d'arrêter le fleuve ?
Certes, un roi peut reprendre alors qu'il a donné.
Quant au théâtre, il faut, le trône étant miné,
Étouffer des deux mains sa flamme trop hardie ;
Car la foule est le peuple, et d'une comédie
Peut jaillir l'étincelle aux livides rayons
Qui met le feu dans l'ombre aux révolutions. -
Puis il niait l'histoire, et, quoi qu'il puisse en être,
A ce jeune rêveur disputait son ancêtre ;
L'accueillant bien d'ailleurs, bon, royal, gracieux,
Et le questionnant sur ses propres aïeux.

Tout en laissant aux rois les noms dont on les nomme,
Le poète luttait fermement, comme un homme
Épris de liberté, passionné pour l'art,
Respectueux pourtant pour ce noble vieillard.

Il disait : - Tout est grave en ce siècle où tout penche.
L'art, tranquille et puissant, veut une allure franche.
Les rois morts sont sa proie ; il faut la lui laisser.
Il n'est pas ennemi ; pourquoi le courroucer,
Et le livrer dans l'ombre à des tortionnaires,
Lui dont la main fermée est pleine de tonnerres ?
Cette main, s'il l'ouvrait, redoutable envoyé,
Sur la France éblouie et le Louvre effrayé,
On l'épouvanterait - trop ****, s'il faut le dire -
D'y voir subitement tant de foudres reluire !
Oh ! les tyrans d'en bas nuisent au roi d'en haut.
Le peuple est toujours là qui prend la muse au mot,
Quand l'indignation, jusqu'au roi qu'on révère,
Monte du front pensif de l'artiste sévère !
- Sire à ce qui chancelle est-on bien appuyé ?
La censure est un toit mauvais, mal étayé,
Toujours prêt à tomber sur les noms qu'il abrite.
Sire, un souffle imprudent, **** de l'éteindre, irrite
Le foyer, tout à coup terrible et tournoyant,
Et d'un art lumineux fait un art flamboyant !

D'ailleurs, ne cherchât-on que la splendeur royale,
Pour cette nation moqueuse, mais loyale,
Au lieu des grands tableaux qu'offrait le grand Louis,
Roi-soleil, fécondant les lys épanouis,
Qui, tenant sous son sceptre un monde en équilibre,
Faisait Racine heureux, laissait Molière libre,
Quel spectacle, grand Dieu ! qu'un groupe de censeurs
Armés et parlant bas, vils esclaves chasseurs,
À plat ventre couchés, épiant l'heure où rentre
Le drame, fier lion, dans l'histoire, son antre ! -

Ici, voyant vers lui, d'un front plus incliné,
Se tourner doucement ce vieillard étonné,
Il hasardait plus **** sa pensée inquiète,
Et, laissant de côté le drame et le poète,
Attentif, il sondait le dessein vaste et noir
Qu'au fond de ce roi triste il venait d'entrevoir.
Se pourrait-il ? quelqu'un aurait cette espérance ?
Briser le droit de tous ! retrancher à la France,
Comme on ôte un jouet à l'enfant dépité,
De l'air, de la lumière, et de la liberté !
Le roi ne voudrait pas ! lui, roi sage et roi juste !

Puis, choisissant les mots pour cette oreille auguste,
Il disait que les temps ont des flots souverains ;
Que rien, ni ponts hardis, ni canaux souterrains,
Jamais, excepté Dieu, rien n'arrête et ne dompte
Le peuple qui grandit ou l'océan qui monte ;
Que le plus fort vaisseau sombre et se perd souvent
Qui veut rompre de front et la vague et le vent ;
Et que, pour s'y briser, dans la lutte insensée,
On a derrière soi, roche partout dressée,
Tout son siècle, les mœurs, l'esprit qu'on veut braver,
Le port même où la nef aurait pu se sauver !
Il osait s'effrayer. Fils d'une Vendéenne,
Cœur n'ayant plus d'amour, mais n'ayant pas de haine,
Il suppliait qu'au moins on l'en crût un moment,
Lui qui sur le passé s'incline gravement,
Et dont la piété, lierre qui s'enracine,
Hélas, s'attache aux rois comme à toute ruine !
Le destin a parfois de formidable jeux.
Les rois doivent songer dans ces jours orageux
Où, mer qui vient, esprit des temps, nuée obscure,
Derrière l'horizon quelque chose murmure !
A quoi bon provoquer d'avance et soulever
Les générations qu'on entend arriver ?
Pour des regards distraits la France était sereine ;
Mais dans ce ciel troublé d'un peu de brume à peine,
Où tout semblait azur, où rien n'agitait l'air,
Lui, rêveur, il voyait par instants un éclair ! -

Charles dix souriant répondit : - O poète !

Le soir, tout rayonnait de lumière et de fête.
Regorgeant de soldats, de princes, de valets,
Saint-Cloud joyeux et vert, autour du fier palais
Dont la Seine en fuyant reflète les beaux marbres,
Semblait avec amour presser sa touffe d'arbres.
L'arc de triomphe orné de victoires d'airain,
Le Louvre étincelant, fleurdelysé, serein,
Lui répondaient de **** du milieu de la ville ;
Tout ce royal ensemble avait un air tranquille,
Et, dans le calme aspect d'un repos solennel,
Je ne sais quoi de grand qui semblait éternel.


*

Holyrood ! Holyrood ! Ô fatale abbaye,
Où la loi du destin, dure, amère, obéie,
S'inscrit de tous côtés !
Cloître ! palais ! tombeau ! qui sous tes murs austères
Gardes les rois, la mort et Dieu ; trois grands mystères,
Trois sombres majestés !

Château découronné ! vallée expiatoire !
Où le penseur entend dans l'air et dans l'histoire,
Comme un double conseil pour nos ambitions,
Comme une double voix qui se mêle et qui gronde,
La rumeur de la mer profonde,
Et le bruit éloigné des révolutions !

Solitude où parfois des collines prochaines
On voit venir les faons qui foulent sous les chênes
Le gazon endormi,
Et qui, pour aspirer le vent dans la clairière,
Effarés, frissonnants, sur leurs pieds de derrière
Se dressent à demi !

Fière église où priait le roi des temps antiques,
Grave, ayant pour pavé sous les arches gothiques
Les tombeaux paternels qu'il usait du genou !
Porte où superbement tant d'archers et de gardes
Veillaient, multipliant l'éclair des hallebardes,
Et qu'un pâtre aujourd'hui ferme avec un vieux clou !

Patrie où, quand la guerre agitait leurs rivages,
Les grands lords montagnards comptaient leurs clans sauvages
Et leurs noirs bataillons ;
Où maintenant sur l'herbe, au soleil, sous des lierres,
Les vieilles aux pieds nus qui marchent dans les pierres
Font sécher des haillons !

Holyrood ! Holyrood ! la ronce est sur tes dalles.  
Le chevreau broute au bas de tes tours féodales.
Ô fureur des rivaux ardents à se chercher !
Amours ! - Darnley ! Rizzio ! quel néant est le vôtre !
Tous deux sont là, - l'un près de l'autre ; -
L'un est une ombre, et l'autre une tâche au plancher !

Hélas ! que de leçons sous tes voûtes funèbres !  
Oh ! que d'enseignements on lit dans les ténèbres  
Sur ton seuil renversé,
Sur tes murs tout empreints d'une étrange fortune,
Vaguement éclairés dans ce reflet de lune
Que jette le passé !

Ô palais, sois béni ! soyez bénie, ô ruine !
Qu'une auguste auréole à jamais t'illumine !
Devant tes noirs créneaux, pieux, nous nous courbons,
Car le vieux roi de France a trouvé sous ton ombre
Cette hospitalité mélancolique et sombre
Qu'on reçoit et qu'on rend de Stuarts à Bourbons !

Les 10 - 13 juin 1839.
to hide, to lie
to string dangling participles
along on metaphors

use poetry
where lips won't work
and mind can't find
The Way

let crystal crimsom flow
from serrated wrists

obscurity allows for
solshimmers of the ineffable
so don't eff it in the a
like a persie Snap channel

in the event that may potentially be a thing possibly occurring perhaps I dunno and I don't know what I don't know but it sureasshit would be nice to because me and truth are like this [crossies] and on occasion it comes and knocks on my door so the Uni bringeth and I laugheth all the way to the wet sodium facepalm speaking of which I don't like the taste of that **** I like my truth rare and still mooing would you believe I'm a vegetarian tho but still **** ******* like it raw crunch munch nom noms even though I slurp soup like there's no phoking tomorrow also down af for digressing and running onward and sideways stories from where the sidewalk never ends and I really don't think ours does plus it sure is the weirdest neatest thing ever did you bring the proper shoes darling I sure hope you can keep up in all the ways and FYI my door is not blasted off the hinges it's wisened and slightly ajar and I'm standing over threshold with eyes wide and slightly red because I waved goodbye to sunsets left for mf good but never got to see our light rise so just know that these wrung hands are actually open palms crippled from reaching and being singed on handles that seemed oh-so cool from my limited optical view like a mountain of honeycombed Dixie Crystal dust knees that you had been on yours praying for but gave the **** up on long before he walked in and changed EVERYTHING and I am so grateful but I am sad and I am hurt and I am confused but I am not scared like I once was of you and All our tea leaves foretold but scared I am of never really knowing you and the accompanying truths so please give it to me dagger deep I meant what I said and I said what I meant I like my men sharp and penetrative 100% and if you can't handle being earnestly struck by your own syntactic constructs direct in the ******* whinging outta my sometimes salty sacrosanct then me and you just won't do since that happens to be my forte as it were and maybe you're not up for the uphill to heaven with this mystical inferno but if you think perhaps maybe your life will never be the same without me in it someway somehow then let's fill the grey unnamed with a foundation of friendship where all is safe and found and all that means to me is everything so if you trust me to know the things about love a.k.a. the holy mystery which you ahem did as I recall with glowing warm curled around my formerly shaking cold then don't worry about getting back to it there's no such way to a thing it's there - always was, is, will be - it's just we're having this hooded entourage over for dinner first and honey I don't know if we have enough chairs but I'll sit on the floor with you and we can laugh and cry and eat sixteen courses of humble pie until the holy ghost enters the room which she undoubtedly will do and leave periodically only to return when we get all cozy and still or maybe upon the exodus of tears when all the walls have been torn down and we finally see clear through that one room has indeed been forged from two

or whatever
Remportée aux cris de Vive l'Empereur !

Au milieu, l'Empereur, dans une apothéose
Bleue et jaune, s'en va, raide, sur son dada
Flamboyant ; très heureux, - car il voit tout en rose,
Féroce comme Zeus et doux comme un papa ;

En bas, les bons Pioupious qui faisaient la sieste
Près des tambours dorés et des rouges canons,
Se lèvent gentiment. Piton remet sa veste,
Et, tourné vers le Chef, s'étourdit de grands noms !

A droite, Dumanet, appuyé sur la crosse
De son chassepot, sent frémir sa nuque en brosse,
Et : " Vive l'Empereur !!! " - Son voisin reste coi...

Un schako surgit, comme un soleil noir... - Au centre,
Boquillon rouge et bleu, très naïf, sur son ventre
Se dresse, et, - présentant ses derrières - : " De quoi ?..."
À Madame L. sur son album.

Amitié, doux repos de l'âme,
Crépuscule charmant des cœurs,
Pourquoi dans les yeux d'une femme
As-tu de plus tendres langueurs ?

Ta nature est pourtant la même !
Dans le cœur dont elle a fait don
Ce n'est plus la femme qu'on aime,
Et l'amour a perdu son nom.

Mais comme en une pure glace
Le crayon se colore mieux,
Le sentiment qui le remplace
Est plus visible en deux beaux yeux.

Dans un timbre argentin de femme
Il a de plus tendres accents :
La chaste volupté de l'âme
Devient presque un plaisir des sens.

De l'homme la mâle tendresse
Est le soutien d'un bras nerveux,
Mais la vôtre est une caresse
Qui frissonne dans les cheveux.

Oh ! laissez-moi, vous que j'adore
Des noms les plus doux tour à tour,
O femmes, me tromper encore
Aux ressemblances de l'amour !

Douce ou grave, tendre ou sévère,
L'amitié fut mon premier bien :
Quelque soit la main qui me serre,
C'est un cœur qui répond au mien.

Non, jamais ma main ne repousse
Ce symbole d'un sentiment ;
Mais lorsque la main est plus douce,
Je la serre plus tendrement.
Ils vont sans trêve ; ils vont sous le ciel bas et sombre,
Les Fugitifs, chassés des anciens paradis ;
Et toute la tribu, depuis des jours sans nombre,
Dans leur sillon fatal traîne ses pieds roidis.

Ils vont, les derniers-nés des races primitives,
Les derniers dont les yeux, sur les divins sommets,
Dans les herbes en fleur ont vu fuir les Eaux vives
Et grandir un Soleil, oublié désormais.

Tout est mort et flétri sur les plateaux sublimes
Où l'aurore du monde a lui pour leurs aïeux ;
Et voici que les fils, à l'étroit sur les cimes,
Vers l'Occident nocturne ont cherché d'autres cieux.

Ils ont fui. Le vent souffle et pousse dans l'espace
La neige inépuisable en tourbillons gonflés ;
Un hiver éternel suspend, en blocs de glace,
De rigides torrents aux flancs des monts gelés.

Des amas de rochers, blancs d'une lourde écume,
Témoins rugueux d'un monde informe et surhumain.
Visqueux, lavés de pluie et noyés dans la brume,
De leurs blocs convulsés ferment l'âpre chemin.

Des forêts d'arbres morts, tordus par les tempêtes,
S'étendent ; et le cri des voraces oiseaux,
Près de grands lacs boueux, répond au cri des bêtes
Qui râlent en glissant sur l'épaisseur des eaux.

Mais l'immense tribu, par les sentiers plus rudes,
Par les ravins fangeux où s'engouffre le vent,
Comme un troupeau perdu, s'enfonce aux solitudes,
Sans hâte, sans relâche et toujours plus avant.

En tête, interrogeant l'ombre de leurs yeux ternes,
Marchent les durs chasseurs, les géants et les forts,
Plus monstrueux que l'ours qu'au seuil de leurs cavernes
Ils étouffaient naguère en luttant corps à corps.

Leurs longs cheveux, pareils aux lianes farouches,
En lanières tombaient de leurs crânes étroits,
Tandis qu'en se figeant l'haleine de leurs bouchés
Hérissait de glaçons leurs barbes aux poils droits.

Les uns, ceints de roseaux tressés ou d'herbes sèches,
Aux rafales de grêle offraient leurs larges flancs ;
D'autres, autour du col attachant des peaux fraîches,
D'un manteau ******* couvraient leurs reins sanglants.

Et les femmes marchaient, lentes, mornes, livides,
Haletant et pliant sous les doubles fardeaux
Des blêmes nourrissons pendus à leurs seins vides
Et des petits enfants attachés sur leur dos.

En arrière, portés sur des branches unies,
De grands vieillards muets songeaient aux jours lointains
Et, soulevant parfois leurs paupières ternies,
Vers l'horizon perdu tournaient des yeux éteints.

Ils allaient. Mais soudain, quand la nuit dans, l'espace
Roulait, avec la peur, l'obscurité sans fin,
La tribu tout entière, épuisée et trop lasse,
Multipliait le cri terrible de sa faim.

Les chasseurs ont hier suivi des pistes fausses ;
Le renne prisonnier a rompu ses liens ;
L'ours défiant n'a pas trébuché dans les fosses ;
Le cerf n'est pas tombé sous les crocs blancs des chiens.

Le sol ne livre plus ni germes ni racines,
Le poisson se dérobe aux marais submergés ;
Rien, ni les acres fruits ni le flux des résines,
Ni la moelle épaisse au creux des os rongés.

Et voici qu'appuyés sur des haches de pierre,
Les mâles, dans l'horreur d'un songe inassouvi,
Ont compté tous les morts dont la chair nourricière
Fut le festin des loups, sur le chemin suivi.

Voici la proie humaine, offerte à leur délire,
Vieillards, femmes, enfants, les faibles, autour d'eux
Vautrés dans leur sommeil stupide, sans voir luire
Les yeux des carnassiers en un cercle hideux.

Les haches ont volé. Devant les corps inertes,
Dans la pourpre qui bout et coule en noirs ruisseaux,
Les meurtriers, fouillant les poitrines ouvertes,
Mangent les cœurs tout vifs, arrachés par morceaux.

Et tous, repus, souillés d'un sang qui fume encore,
Parmi les os blanchis épars sur le sol nu,
Aux blafardes lueurs de la nouvelle aurore,
Marchent, silencieux, vers le but inconnu.

Telle, de siècle en siècle incessamment errante,
Sur la neige durcie et le désert glacé
Ne laissant même pas sa trace indifférente,
La tribu, sans espoir et sans rêve, a passé.

Tels, les Fils de l'Exil, suivant le bord des fleuves
Dont les vallons emplis traçaient le large cours,
Sauvages conquérants des solitudes neuves,
Ont avancé, souffert et pullulé toujours ;

Jusqu'à l'heure où, du sein des vapeurs méphitiques,
Dont le rideau flottant se déchira soudain,
Une terre, pareille aux demeures antiques,
A leurs yeux éblouis fleurit comme un jardin.

Devant eux s'étalait calme, immense et superbe,
Comme un tapis changeant au pied des monts jeté,
Un pays, vierge encore, où, mugissant dans l'herbe,
Des vaches au poil blanc paissaient en liberté.

Et sous les palmiers verts, parmi les fleurs nouvelles,
Les étalons puissants, les cerfs aux pieds légers
Et les troupeaux épars des fuyantes gazelles
Écoutaient sans effroi les pas des étrangers.

C'était là. Le Destin, dans l'aube qui se lève,
Au terme de l'Exil ressuscitait pour eux,
Comme un réveil tardif après un sombre rêve,
Le vivant souvenir des siècles bienheureux.

La Vie a rejailli de la source féconde,
Et toute soif s'abreuve à son flot fortuné,
Et le désert se peuple et toute chair abonde,
Et l'homme pacifique est comme un nouveau-né.

Il revoit le Soleil, l'immortelle Lumière,
Et le ciel où, témoins des clémentes saisons,
Des astres reconnus, à l'heure coutumière,
Montent, comme autrefois, sur les vieux horizons.

Et plus ****, par delà le sable monotone,
Il voit irradier, comme un profond miroir,
L'étincelante mer dont l'infini frissonne
Quand le Soleil descend dans la rougeur du soir.

Et le Ciel sans limite et la Nature immense,
Les eaux, les bois, les monts, tout s'anime à ses yeux.
Moins aveugle et moins sourd, un univers commence
Où son cœur inquiet sent palpiter des Dieux.

Ils naissent du chaos où s'ébauchaient leurs formes,
Multiples et sans noms, l'un par l'autre engendrés ;
Et le reflet sanglant de leurs ombres énormes
D'une terreur barbare emplit les temps sacrés.

Ils parlent dans l'orage ; ils pleurent dans l'averse.
Leur bras libérateur darde et brandit l'éclair,
Comme un glaive strident qui poursuit et transperce
Les monstres nuageux accumulés dans l'air.

Sur l'abîme éternel des eaux primordiales
Nagent des Dieux prudents, tels que de grands poissons ;
D'infaillibles Esprits peuplent les nuits astrales ;
Des serpents inspirés sifflent dans les buissons.

Puis, lorsque surgissant comme un roi, dans l'aurore,
Le Soleil triomphal brille au firmament bleu,
L'homme, les bras tendus, chante, contemple, adore
La Majesté suprême et le plus ancien Dieu ;

Celui qui féconda la Vie universelle,
L'ancêtre vénéré du jour propice et pur,
Le guerrier lumineux dont le disque étincelle
Comme un bouclier d'or suspendu dans l'azur ;

Et celui qui parfois, formidable et néfaste,
Immobile au ciel fauve et morne de l'Été,
Flétrit, dévore, embrase, et du désert plus vaste
Fait, jusqu'aux profondeurs, flamber l'immensité.

Mais quand l'homme, éveillant l'éternelle Nature,
Ses formes, ses couleurs, ses clartés et ses voix,
Fut seul devant les Dieux, fils de son âme obscure,
Il tressaillit d'angoisse et supplia ses Rois.

Alors, ô Souverains ! les taureaux et les chèvres
D'un sang expiatoire ont inondé le sol ;
Et l'hymne évocateur, en s'échappant des lèvres,
Comme un aiglon divin tenta son premier vol.

Idoles de granit, simulacres de pierre,
Bétyles, Pieux sacrés, Astres du ciel serein,
Vers vous, avec l'offrande, a monté la prière,
Et la graisse a fumé sur les autels d'airain.

Les siècles ont passé ; les races successives
Ont bâti des palais, des tours et des cités
Et des temples jaloux, dont les parois massives
Aux profanes regards cachaient les Dieux sculptés.

Triomphants tour à tour ou livrés aux insultes,
Voluptueux, cruels, terribles ou savants,
Tels, vous avez versé pour jamais, ô vieux cultes !
L'ivresse du Mystère aux âmes des vivants.

Tels vous traînez encore, au fond de l'ombre ingrate,
Vos cortèges sacrés, lamentables et vains,
Du vieux Nil à la mer et du Gange à l'Euphrate,
Ô spectres innommés des ancêtres divins !

Et dans le vague abîme où gît le monde antique,
Luit, comme un astre mort, au ciel religieux,
La sombre majesté de l'Orient mystique,
Berceau des nations et sépulcre des Dieux.
I.

DAVID ! comme un grand roi qui partage à des princes
Les états paternels provinces par provinces,
Dieu donne à chaque artiste un empire divers ;
Au poète le souffle épars dans l'univers,
La vie et la pensée et les foudres tonnantes,
Et le splendide essaim des strophes frissonnantes
Volant de l'homme à l'ange et du monstre à la fleur ;
La forme au statuaire ; au peintre la couleur ;
Au doux musicien, rêveur limpide et sombre,
Le monde obscur des sons qui murmure dans l'ombre.

La forme au statuaire ! - Oui, mais, tu le sais bien,
La forme, ô grand sculpteur, c'est tout et ce n'est rien.
Ce n'est rien sans l'esprit, c'est tout avec l'idée !
Il faut que, sous le ciel, de soleil inondée,
Debout sous les flambeaux d'un grand temple doré,
Ou seule avec la nuit dans un antre sacré,
Au fond des bois dormants comme au seuil d'un théâtre,
La figure de pierre, ou de cuivre, ou d'albâtre,
Porte divinement sur son front calme et fier
La beauté, ce rayon, la gloire, cet éclair !
Il faut qu'un souffle ardent lui gonfle la narine,
Que la force puissante emplisse sa poitrine,
Que la grâce en riant ait arrondi ses doigts,
Que sa bouche muette ait pourtant une voix !
Il faut qu'elle soit grave et pour les mains glacée,
Mais pour les yeux vivante, et, devant la pensée,
Devant le pur regard de l'âme et du ciel bleu,
Nue avec majesté comme Adam devant Dieu !
Il faut que, Vénus chaste, elle sorte de l'onde,
Semant au **** la vie et l'amour sur le monde,
Et faisant autour d'elle, en son superbe essor,
Partout où s'éparpille et tombe en gouttes d'or,
L'eau de ses longs cheveux, humide et sacré voile,
De toute herbe une fleur, de tout œil une étoile !
Il faut, si l'art chrétien anime le sculpteur,
Qu'avec le même charme elle ait plus de hauteur ;
Qu'Âme ailée, elle rie et de Satan se joue ;
Que, Martyre, elle chante à côté de la roue ;
Ou que, Vierge divine, astre du gouffre amer,
Son regard soit si doux qu'il apaise la mer !

II.

Voilà ce que tu sais, ô noble statuaire !
Toi qui dans l'art profond, comme en un sanctuaire,
Entras bien jeune encor pour n'en sortir jamais !
Esprit, qui, te posant sur les plus purs sommets
Pour créer ta grande œuvre, où sont tant d'harmonies,
Près de la flamme au front de tous les fiers génies !
Voilà ce que tu sais, toi qui sens, toi qui vois !
Maître sévère et doux qu'éclairent à la fois,
Comme un double rayon qui jette un jour étrange,
Le jeune Raphaël et le vieux Michel-Ange !
Et tu sais bien aussi quel souffle inspirateur
Parfois, comme un vent sombre, emporte le sculpteur,
Âme dans Isaïe et Phidias trempée,
De l'ode étroite et haute à l'immense épopée !

III.

Les grands hommes, héros ou penseurs, - demi-dieux ! -  
Tour à tour sur le peuple ont passé radieux,
Les uns armés d'un glaive et les autres d'un livre,
Ceux-ci montrant du doigt la route qu'il faut suivre,
Ceux-là forçant la cause à sortir de l'effet ;
L'artiste ayant un rêve et le savant un fait ;
L'un a trouvé l'aimant, la presse, la boussole,
L'autre un monde où l'on va, l'autre un vers qui console ;
Ce roi, juste et profond, pour l'aider en chemin,
A pris la liberté franchement par la main ;
Ces tribuns ont forgé des freins aux républiques ;
Ce prêtre, fondateur d'hospices angéliques,
Sous son toit, que réchauffe une haleine de Dieu,
A pris l'enfant sans mère et le vieillard sans feu,
Ce mage, dont l'esprit réfléchit les étoiles,
D'Isis l'un après l'autre a levé tous les voiles ;
Ce juge, abolissant l'infâme tombereau,
A raturé le code à l'endroit du bourreau ;
Ensemençant malgré les clameurs insensées,
D'écoles les hameaux et les cœurs de pensées,
Pour nous rendre meilleurs ce vrai sage est venu ;
En de graves instant cet autre a contenu,
Sous ses puissantes mains à la foule imposées,
Le peuple, grand faiseur de couronnes brisées ;
D'autres ont traversé sur un pont chancelant,
Sur la mine qu'un fort recelait en son flanc,
Sur la brèche par où s'écroule une muraille,
Un horrible ouragan de flamme et de mitraille ;
Dans un siècle de haine, âge impie et moqueur,
Ceux-là, poètes saints, ont fait entendre en chœur,
Aux sombres nations que la discorde pousse,
Des champs et des forêts la voix auguste et douce
Car l'hymne universel éteint les passions ;
Car c'est surtout aux jours des révolutions,
Morne et brûlant désert où l'homme s'aventure,
Que l'art se désaltère à ta source, ô nature !
Tous ces hommes, cœurs purs, esprits de vérité,
Fronts où se résuma toute l'humanité,
Rêveurs ou rayonnants, sont debout dans l'histoire,
Et tous ont leur martyre auprès de leur victoire.
La vertu, c'est un livre austère et triomphant
Où tout père doit faire épeler son enfant ;
Chaque homme illustre, ayant quelque divine empreinte,
De ce grand alphabet est une lettre sainte.
Sous leurs pieds sont groupés leurs symboles sacrés,
Astres, lyres, compas, lions démesurés,
Aigles à l'œil de flamme, aux vastes envergures.
- Le sculpteur ébloui contemple ces figures ! -
Il songe à la patrie, aux tombeaux solennels,
Aux cités à remplir d'exemples éternels ;
Et voici que déjà, vision magnifique !
Mollement éclairés d'un reflet pacifique,
Grandissant hors du sol de moment en moment,
De vagues bas-reliefs chargés confusément,
Au fond de son esprit, que la pensée encombre,
Les énormes frontons apparaissent dans l'ombre !

IV.

N'est-ce pas ? c'est ainsi qu'en ton cerveau, sans bruit,
L'édifice s'ébauche et l'œuvre se construit ?
C'est là ce qui se passe en ta grande âme émue
Quand tout un panthéon ténébreux s'y remue ?
C'est ainsi, n'est-ce pas, ô maître ! que s'unit
L'homme à l'architecture et l'idée au granit ?
Oh ! qu'en ces instants-là ta fonction est haute !
Au seuil de ton fronton tu reçois comme un hôte
Ces hommes plus qu'humains. Sur un bloc de Paros
Tu t'assieds face à face avec tous ces héros
Et là, devant tes yeux qui jamais ne défaillent,
Ces ombres, qui seront bronze et marbre, tressaillent.
L'avenir est à toi, ce but de tous leurs vœux,
Et tu peux le donner, ô maître, à qui tu veux !
Toi, répandant sur tous ton équité complète,
Prêtre autant que sculpteur, juge autant que poète,
Accueillant celui-ci, rejetant celui-là,
Louant Napoléon, gourmandant Attila,
Parfois grandissant l'un par le contact de l'autre,
Dérangeant le guerrier pour mieux placer l'apôtre,
Tu fais des dieux ! - tu dis, abaissant ta hauteur,
Au pauvre vieux soldat, à l'humble vieux pasteur :
- Entrez ! je vous connais. Vos couronnes sont prêtes.
Et tu dis à des rois : - Je ne sais qui vous êtes.

V.

Car il ne suffit point d'avoir été des rois,
D'avoir porté le sceptre, et le globe, et la croix,
Pour que le fier poète et l'altier statuaire
Étoilent dans sa nuit votre drap mortuaire,
Et des hauts panthéons vous ouvrent les chemins !

C'est vous-mêmes, ô rois, qui de vos propres mains  
Bâtissez sur vos noms ou la gloire ou la honte !
Ce que nous avons fait tôt ou **** nous raconte.
On peut vaincre le monde, avoir un peuple, agir
Sur un siècle, guérir sa plaie ou l'élargir, -
Lorsque vos missions seront enfin remplies,
Des choses qu'ici-bas vous aurez accomplies
Une voix sortira, voix de haine ou d'amour,
Sombre comme le bruit du verrou dans la tour,
Ou douce comme un chant dans le nid des colombes,
Qui fera remuer la pierre de vos tombes.
Cette voix, l'avenir, grave et fatal témoin,
Est d'avance penché qui l'écoute de ****.
Et là, point de caresse et point de flatterie,
Point de bouche à mentir façonnée et nourrie,
Pas d'hosanna payé, pas d'écho complaisant
Changeant la plainte amère en cri reconnaissant.
Non, les vices hideux, les trahisons, les crimes,
Comme les dévouements et les vertus sublimes,
Portent un témoignage intègre et souverain.
Les actions qu'on fait ont des lèvres d'airain.

VI.

Que sur ton atelier, maître, un rayon demeure !
Là, dans le silence, l'art, l'étude oubliant l'heure,
Dans l'ombre les essais que tu répudias,
D'un côté Jean Goujon, de l'autre Phidias,
Des pierres, de pensée à demi revêtues,
Un tumulte muet d'immobiles statues,
Les bustes méditant dans les coins assombris,
Je ne sais quelle paix qui tombe des labris,
Tout est grand, tout est beau, tout charme et tout domine.
Toi qu'à l'intérieur l'art divin illumine,
Tu regardes passer, grave et sans dire un mot,
Dans ton âme tranquille où le jour vient d'en haut,
Tous les nobles aspects de la figure humaine.
Comme dans une église à pas lents se promène
Un grand peuple pensif auquel un dieu sourit,
Ces fantômes sereins marchent dans ton esprit.
Ils errent à travers tes rêves poétiques
Faits d'ombres et de lueurs et de vagues portiques,
Parfois palais vermeil, parfois tombeau dormant,
Secrète architecture, immense entassement
Qui, jetant des rumeurs joyeuses et plaintives,
De ta grande pensée emplit les perspectives,
Car l'antique Babel n'est pas morte, et revit
Sous les front des songeurs. Dans ta tête, ô David !
La spirale se tord, le pilier se projette ;
Et dans l'obscurité de ton cerveau végète
La profonde forêt, qu'on ne voit point ailleurs,
Des chapiteaux touffus pleins d'oiseaux et de fleurs !

VII.

Maintenant, - toi qui vas hors des routes tracées,  
Ô pétrisseur de bronze, ô mouleur de pensées,
Considère combien les hommes sont petits,
Et maintiens-toi superbe au-dessus des partis !
Garde la dignité de ton ciseau sublime.
Ne laisse pas toucher ton marbre par la lime
Des sombres passions qui rongent tant d'esprits.
Michel-Ange avait Rome et David a Paris.
Donne donc à ta ville, ami, ce grand exemple
Que, si les marchands vils n'entrent pas dans le temple,
Les fureurs des tribuns et leur songe abhorré
N'entrent pas dans le cœur de l'artiste sacré.
Refuse aux cours ton art, donne aux peuples tes veilles,
C'est bien, ô mon sculpteur ! mais **** de tes oreilles
Chasse ceux qui s'en vont flattant les carrefours.
Toi, dans ton atelier, tu dois rêver toujours,
Et, de tout vice humain écrasant la couleuvre,
Toi-même par degrés t'éblouir de ton œuvre !
Ce que ces hommes-là font dans l'ombre ou défont
Ne vaut pas ton regard levé vers le plafond
Cherchant la beauté pure et le grand et le juste.
Leur mission est basse et la tienne est auguste.
Et qui donc oserait mêler un seul moment
Aux mêmes visions, au même aveuglement,
Aux mêmes vœux haineux, insensés ou féroces,
Eux, esclaves des nains, toi, père des colosses !

Avril 1840.
Hôtes de ce séjour d'angoisse et de souffrance,

Où Satan sur le seuil a mis : Plus d'espérance !

Qui vous brisez le front contre ses murs de fer,

Et vîntes échanger, dans cette fange immonde,

La perpétuité des peines de ce monde

Pour l'éternité de l'enfer !


Ô vous, bandits, larrons d'Italie ou d'Espagne,

Hôtes des grands chemins, qui courez la campagne

De Tarente à Venise, et de Rome au Simplon ;

Et vous, concitoyens, voleurs de ma patrie.

Qui, les cheveux rasés et l'épaule flétrie.

Ramiez dans Brest ou dans Toulon !


Et vous qui, franchissant les monts et les cascades,

Imploriez la madone, et braviez les alcades,

Castillans, Grenadins ! et vous qui, sourdement,

Sous le ciel de l'Écosse, alliez dans les ténèbres

Ressusciter les morts dans leurs linceuls funèbres

Avant le jour du jugement !


Filles de joie, ô vous qu'on voyait dans la rue.

Autour d'un mauvais lieu, faire le pied de grue.

Dont l'amour fut mortel, et le baiser fatal ;

Vous tous, morts dans le crime et dans l'impénitence,

Spectres, qu'ont ainsi faits la roue ou la potence,

La guillotine ou l'hôpital !


Vous tous, mes vieux damnés, races de Dieu maudites,

Approchez-vous ici, parlez-nous, et nous dites

Aux gouffres de Satan combien a rapporté

Chaque péché mortel qui damne l'autre vie ;

Combien l'Orgueil, combien l'Avarice ou l'Envie,

Combien surtout la Pauvreté ?


C'est Elle qui flétrit une âme encor novice,

L'enlace, et la conduit au crime par le vice.

Courbant les plus hauts fronts avec sa main de fer ;

Qui mêle le poison et qui tire l'épée :

Elle, la plus féconde et la mieux occupée

Des pourvoyeuses de l'enfer !


Pauvreté ! vaste mot. Puissances de la terre,

Qui portez de vos noms l'orgueil héréditaire,

Savez-vous ce que c'est qu'avoir soif, avoir faim :

L'hiver, dans un grabat juché sous la toiture,

Passer le jour sans feu, la nuit sans couverture ;

Ce que c'est que le pauvre, enfin ?


- C'est un homme qui va, sur les places publiques,

Colporter, tout perclus, une boîte à reliques ;

Un aveugle en haillons, qu'on voit par les chemins

Accompagné d'un chien qui porte une sébile,

Agenouillé par terre, et qui chante, immobile,

Un cantique, en joignant les mains :


C'est un homme qui veille au seuil la nuit entière,

Et vient, sortants du bal, vous ouvrir la portière,

Recommandant sa peine aux cœurs compatissants ;

C'est une femme en pleurs qui voile son visage

Et tient à ses côtés deux enfants en bas-âge

Dressés à suivre les passants.


C'est cela : rien de plus. D'ailleurs, c'est une classe,

Les pauvres : il faut bien que chacun ait sa place ;

Dieu seul sait comme tout ici doit s'ordonner :

Il a mis la santé près de la maladie,

Le riche près du pauvre : il faut que l'un mendie

Pour que l'autre puisse donner.


Et quand, lassés de voir qu'on vous suit à la trace,

Vous vous êtes saignés, à grand'peine, et par grâce,

Du denier qu'un laquais insolent a jeté :

Grands seigneurs, financiers, belles dames, duchesses.

Vous vous tenez contenus, et croyez vos richesses

Quittes envers la pauvreté !


Mais il en est une autre, une autre cent fois pire,

Qui n'a point de haillons, celle-là, qui n'inspire

Ni pitié, ni dégoût, qui se pare de fleurs :

Qui ne se montre point, mendiante et quêteuse,

Mais, sous de beaux habits, cache, toute honteuse.

Ses ulcères et ses douleurs.


Elle vient au concert, et chante : au bal, et danse :

Jamais, jamais un geste, un mot dont l'imprudence

Trahirait des tourments qui ne sont point compris ;

C'est un combat sans fin, une longue détresse,

Une fièvre qui mine, un cauchemar qui presse

Et tue en étouffant vos cris.


C'est ce mal qui travaille une âme bien placée,

Qui s'indigne du rang où le sort l'a laissée ;

Qui demeure toujours triste au sein des plaisirs,

Parce qu'elle en sait bien le terme, et s'importune

De n'égaler jamais ses vœux à sa fortune,

Ni son espoir à ses désirs.


C'est le fléau du siècle, et cette maladie

Gagne de proche en proche, ainsi qu'un incendie :

Le monde dans son sein porte un hôte inconnu :

C'est un ver dans le cœur, c'est le cheval de Troie,

D'où les Grecs tout armés tomberont sur leur proie

Quand le moment sera venu.


Or, quand cela se voit, c'est une marque sûre

Qu'il s'est fait au-dedans une grande blessure.

Enseignement certain, par où Dieu nous apprend

Qu'une société vieillie et décrépite

S'émeut au plus profond de sa base, et palpite

Du dernier râle d'un mourant.


Je vous en avertis, riches ; prenez-y garde !

L'édifice est usé : si quelqu'un par mégarde

Passe trop chargé d'or sur ses planchers pourris,

- Un grain de blé suffit pour combler la mesure :

Au choc le plus léger cette vieille masure

Vous étouffe sous ses débris.


Peu de jours sont passés depuis qu'en sa colère

Lyon a vu rugir le monstre populaire :

Vous aviez cru le voir arriver en trois bonds,

Le sang dans les regards, le feu dans les narines.

Et vous aviez serré votre or sur vos poitrines.

Pâles comme des moribonds.


S'il n'a pas cette fois encor, rompu sa chaîne,

Si la porte est de fer et la cage de chêne,

Pourtant n'approchez pas des barreaux trop souvent.

Car sa force s'accroît, et sa rage, en silence ;

Et gare qu'un beau jour il les brise, et s'élance

Libre enfin, et les crins au vent !
À M. de Bonald.

Ainsi, quand parmi les tempêtes,
Au sommet brûlant du Sina,
Jadis le plus grand des prophètes
Gravait les tables de Juda ;
Pendant cet entretien sublime,
Un nuage couvrait la cime
Du mont inaccessible aux yeux,
Et, tremblant aux coups du tonnerre,
Juda, couché dans la poussière,
Vit ses lois descendre des cieux.

Ainsi des sophistes célèbres
Dissipant les fausses clartés,
Tu tires du sein des ténèbres
D'éblouissantes vérités.
Ce voile qui des lois premières
Couvrait les augustes mystères,
Se déchire et tombe à ta voix ;
Et tu suis ta route assurée,
Jusqu'à cette source sacrée
Où le monde a puisé ses lois.

Assis sur la base immuable
De l'éternelle vérité,
Tu vois d'un oeil inaltérable
Les phases de l'humanité.
Secoués de leurs gonds antiques,
Les empires, les républiques
S'écroulent en débris épars ;
Tu ris des terreurs où nous sommes :
Partout où nous voyons les hommes,
Un Dieu se montre à tes regards !

En vain par quelque faux système,
Un système faux est détruit ;
Par le désordre à l'ordre même,
L'univers moral est conduit.
Et comme autour d'un astre unique,
La terre, dans sa route oblique,
Décrit sa route dans les airs ;
Ainsi, par une loi plus belle,
Ainsi la justice éternelle
Est le pivot de l'univers !

Mais quoi ! tandis que le génie
Te ravit si **** de nos yeux,
Les lâches clameurs de l'envie
Te suivent jusque dans les cieux !
Crois-moi, dédaigne d'en descendre ;
Ne t'abaisse pas pour entendre
Ces bourdonnements détracteurs.
Poursuis ta sublime carrière,
Poursuis ; le mépris du vulgaire
Est l'apanage des grands coeurs.

Objet de ses amours frivoles,
Ne l'as-tu pas vu tour à tour
Se forger de frêles idoles
Qu'il adore et brise en un jour ?
N'as-tu pas vu son inconstance
De l'héréditaire croyance
Eteindre les sacrés flambeaux ?
Brûler ce qu'adoraient ses pères,
Et donner le nom de lumières
A l'épaisse nuit des tombeaux ?

Secouant ses antiques rênes,
Mais par d'autres tyrans flatté,
Tout meurtri du poids de ses chaînes,
L'entends-tu crier : Liberté ?
Dans ses sacrilèges caprices,
Le vois-tu, donnant à ses vices
Les noms de toutes les vertus ;
Traîner Socrate aux gémonies,
Pour faire, en des temples impies,
L'apothéose d'Anitus ?

Si pour caresser sa faiblesse,
Sous tes pinceaux adulateurs,
Tu parais du nom de sagesse
Les leçons de ses corrupteurs,
Tu verrais ses mains avilies,
Arrachant des palmes flétries
De quelque front déshonoré,
Les répandre sur ton passage.
Et, changeant la gloire en outrage,
T'offrir un triomphe abhorré !

Mais **** d'abandonner la lice
Où ta jeunesse a combattu,
Tu sais que l'estime du vice
Est un outrage à la vertu !
Tu t'honores de tant de haine,
Tu plains ces faibles coeurs qu'entraîne
Le cours de leur siècle égaré ;
Et seul contre le flot rapide,
Tu marches d'un pas intrépide
Au but que la gloire a montré !

Tel un torrent, fils de l'orage,
En roulant du sommet des monts,
S'il rencontre sur son passage
Un chêne, l'orgueil des vallons ;
Il s'irrite, il écume, il gronde,
Il presse des plis de son onde
L'arbre vainement menacé ;
Mais debout parmi les ruines,
Le chêne aux profondes racines
Demeure; et le fleuve a passé !

Toi donc, des mépris de ton âge
Sans être jamais rebuté,
Retrempe ton mâle courage
Dans les flots de l'adversité !
Pour cette lutte qui s'achève,
Que la vérité soit ton glaive,
La justice ton bouclier.
Va ! dédaigne d'autres armures ;
Et si tu reçois des blessures,
Nous les couvrirons de laurier !

Vois-tu dans la carrière antique,
Autour des coursiers et des chars,
Jaillir la poussière olympique
Qui les dérobe à nos regards ?
Dans sa course ainsi le génie,
Par les nuages de l'envie
Marche longtemps environné ;
Mais au terme de la carrière,
Des flots de l'indigne poussière
Il sort vainqueur et couronné.
Sana Jan 2015
Laisse-moi m'en aller
Laisse-moi m'évader
Je crève des vies que je ne suis pas
Je crève des noms que je ne porte pas
Laisse-moi courir sans fin
Ode XXVIII.

Si j'avois un riche tresor,
Ou des vaisseaux engravez d'or,
Tableaux ou medailles de cuivre,
Ou ces joyaux qui font passer
Tant de mers pour les amasser,
Où le jour se laisse revivre,

Je t'en ferois un beau present.
Mais quoy ! cela ne t'est plaisant,
Aux richesses tu ne t'amuses
Qui ne font que nous estonner ;
C'est pourquoy je te veux donner
Le bien que m'ont donné les Muses.

Je sçay que tu contes assez
De biens l'un sur l'autre amassez,
Qui perissent comme fumée,
Ou comme un songe qui s'enfuit
Du cerveau si tost que la nuit
Au second somme est consumée.

L'un au matin s'enfle en son bien,
Qui au soleil couchant n'a rien,
Par défaveur, ou par disgrace,
Ou par un changement commun,
Ou par l'envie de quelqu'un
Qui ravit ce que l'autre amasse.

Mais les beaux vers ne changent pas,
Qui durent contre le trespas,
Et en devançant les années,
Hautains de gloire et de bonheur,
Des hommes emportent l'honneur
Dessur leurs courses empennées.

Dy-moy, Verdun, qui penses-tu
Qui ait deterré la vertu
D'Hector, d'Achille et d'Alexandre,
Envoyé Bacchus dans les Cieux,
Et Hercule au nombre des dieux,
Et de Junon l'a fait le gendre,

Sinon le vers bien accomply,
Qui tirant leurs noms de l'oubly,
Plongez au plus profond de l'onde
De Styx, les a remis au jour,
Les relogeant au grand sejour
Par deux fois de nostre grand monde ?

Mort est l'honneur de tant de rois
Espagnols, germains et françois,
D'un tombeau pressant leur mémoire ;
Car les rois et les empereurs
Ne different aux laboureurs
Si quelcun ne chante leur gloire.

Quant à moy, je ne veux souffrir
Que ton beau nom se vienne offrir
A la Mort, sans que je le vange,
Pour n'estre jamais finissant,
Mais d'âge en âge verdissant,
Surmonter la Mort et le change.

Je veux, malgré les ans obscurs,
Que tu sois des peuples futurs
Cognu sur tous ceux de nostre âge,
Pour avoir conçeu volontiers
Des neuf Pucelles les mestiers,
Qui t'ont enflamé le courage,

Non pas au gain ny au vil prix,
Mais pour estre des mieux appris
Entre les hommes qui s'assemblent
Sur Parnasse au double sourci ;
C'est pourquoy tu aimes aussi
Les bons esprits qui te ressemblent.

Or pour le plaisir, quant à moy,
Verdun, que j'ay reçeu de toy,
Tu n'auras rien de ton poète
Sinon ces vers que je t'ay faits,
Et avec ces vers les souhaits
Que pour bonheur je te souhaite.

Dieu vueille benir ta maison
De beaux enfans naiz à foison
De ta femme belle et pudique ;
La concorde habite en ton lit,
Et bien **** de toy soit le bruit
De toute noise domestique.

Sois gaillard, dispost et joyeux,
Ny convoiteux ny soucieux
Des choses qui nous rongent l'âme ;
Fuy toutes sortes de douleurs,
Et ne pren soucy des malheurs
Qui sont predits par Nostradame.

Ne romps ton tranquille repos
Pour papaux, ny pour huguenots,
Ny amy d'eux, ny adversaire,
Croyant que Dieu père très doux
(Qui n'est partial comme nous)
Sçait ce qui nous est nécessaire.

N'ayes soucy du lendemain,
Mais, serrant le temps en la main,
Vy joyeusement la journée
Et l'heure en laquelle seras :
Et que sçais-tu si tu verras
L'autre lumiere retournée ?

Couche-toy à l'ombre d'un bois,
Ou près d'un rivage où la vois
D'une fontaine jazeresse
Tressaute, et tandis que tes ans
Sont encore et verds et plaisans,
Par le jeu trompe la vieillesse.

Tout incontinent nous mourrons,
Et bien **** bannis nous irons
Dedans une nacelle obscure
Où plus de rien ne nous souvient,
Et d'où jamais on ne revient :
Car ainsi l'a voulu Nature.
Parqués entre des bancs de chêne, aux coins d'église
Qu'attiédit puamment leur souffle, tous leurs yeux
Vers le choeur ruisselant d'orrie et la maîtrise
Aux vingt gueules gueulant les cantiques pieux ;

Comme un parfum de pain humant l'odeur de cire,
Heureux, humiliés comme des chiens battus,
Les Pauvres au bon Dieu, le patron et le sire,
Tendent leurs oremus risibles et têtus.

Aux femmes, c'est bien bon de faire des bancs lisses,
Après les six jours noirs ou Dieu les fait souffrir !
Elles bercent, tordus dans d'étranges pelisses,
Des espèces d'enfants qui pleurent à mourir.

Leurs seins crasseux dehors, ces mangeuses de soupe,
Une prière aux yeux et ne priant jamais,
Regardent parader mauvaisement un groupe
De gamines avec leurs chapeaux déformés.

Dehors, le froid, la faim, l'homme en ribote :
C'est bon. Encore une heure ; après, les maux sans noms !
- Cependant, alentour, geint, nasille, chuchote
Une collection de vieilles à fanons :

Ces effarés y sont et ces épileptiques
Dont on se détournait hier aux carrefours ;
Et, fringalant du nez dans des missels antiques,
Ces aveugles qu'un chien introduit dans les cours.

Et tous, bavant la foi mendiante et stupide,
Récitent la complainte infinie à Jésus,
Qui rêve en haut, jauni par le vitrail livide,
**** des maigres mauvais et des méchants pansus,

**** des senteurs de viande et d'étoffes moisies,
Farce prostrée et sombre aux gestes repoussants ;
- Et l'oraison fleurit d'expressions choisies,
Et les mysticités prennent des tons pressants,

Quand, des nefs où périt le soleil, plis de soie
Banals, sourires verts, les Dames des quartiers
Distingués, - ô Jésus ! - les malades du foie
Font baiser leurs longs doigts jaunes aux bénitiers.
Saint-Valery-Sur-Somme.

Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfouis !

Combien de patrons morts avec leurs équipages !
L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages
Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots !
Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ;
L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots !

Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !
Vous roulez à travers les sombres étendues,
Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus.
Oh ! que de vieux parents, qui n'avaient plus qu'un rêve,
Sont morts en attendant tous les jours sur la grève
Ceux qui ne sont pas revenus !

On s'entretient de vous parfois dans les veillées.
Maint joyeux cercle, assis sur des ancres rouillées,
Mêle encor quelque temps vos noms d'ombre couverts
Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventures,
Aux baisers qu'on dérobe à vos belles futures,
Tandis que vous dormez dans les goémons verts !

On demande : - Où sont-ils ? sont-ils rois dans quelque île ?
Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile ? -
Puis votre souvenir même est enseveli.
Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire.
Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli.

Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue ?
Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur,
Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
Parlent encor de vous en remuant la cendre
De leur foyer et de leur coeur !

Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,
Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre
Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond,
Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne,
Pas même la chanson naïve et monotone
Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont !

Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?
Ô flots, que vous savez de lugubres histoires !
Flots profonds redoutés des mères à genoux !
Vous vous les racontez en montant les marées,
Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées
Que vous avez le soir quand vous venez vers nous !
« Je lui dis : La rose du jardin, comme tu sais, dure peu ;
Et la saison des roses est bien vite écoulée. »

Saadi (Gulistan ou Le jardin des roses.)


Quand l'Automne, abrégeant les jours qu'elle dévore,
Éteint leurs soirs de flamme et glace leur aurore,
Quand Novembre de brume inonde le ciel bleu,
Que le bois tourbillonne et qu'il neige des feuilles,
Ô ma muse ! en mon âme alors tu te recueilles,
Comme un enfant transi qui s'approche du feu.

Devant le sombre hiver de Paris qui bourdonne,
Ton soleil d'orient s'éclipse, et t'abandonne,
Ton beau rêve d'Asie avorte, et tu ne vois
Sous tes yeux que la rue au bruit accoutumée,
Brouillard à ta fenêtre, et longs flots de fumée
Qui baignent en fuyant l'angle noirci des toits.

Alors s'en vont en foule et sultans et sultanes,
Pyramides, palmiers, galères capitanes,
Et le tigre vorace et le chameau frugal,
Djinns au vol furieux, danses des bayadères,
L'Arabe qui se penche au cou des dromadaires,
Et la fauve girafe au galop inégal !

Alors, éléphants blancs chargés de femmes brunes,
Cités aux dômes d'or où les mois sont des lunes,
Imans de Mahomet, mages, prêtres de Bel,
Tout fuit, tout disparaît : - plus de minaret maure,
Plus de sérail fleuri, plus d'ardente Gomorrhe
Qui jette un reflet rouge au front noir de Babel !

C'est Paris, c'est l'hiver. - À ta chanson confuse
Odalisques, émirs, pachas, tout se refuse.
Dans ce vaste Paris le klephte est à l'étroit ;
Le Nil déborderait ; les roses du Bengale
Frissonnent dans ces champs où se tait la cigale ;
A ce soleil brumeux les Péris auraient froid.

Pleurant ton Orient, alors, muse ingénue,
Tu viens à moi, honteuse, et seule, et presque nue.
- N'as-tu pas, me dis-tu, dans ton coeur jeune encor
Quelque chose à chanter, ami ? car je m'ennuie
A voir ta blanche vitre où ruisselle la pluie,
Moi qui dans mes vitraux avais un soleil d'or !

Puis, tu prends mes deux mains dans tes mains diaphanes ;
Et nous nous asseyons, et, **** des yeux profanes,
Entre mes souvenirs je t'offre les plus doux,
Mon jeune âge, et ses jeux, et l'école mutine,
Et les serments sans fin de la vierge enfantine,
Aujourd'hui mère heureuse aux bras d'un autre époux.

Je te raconte aussi comment, aux Feuillantines,
Jadis tintaient pour moi les cloches argentines ;
Comment, jeune et sauvage, errait ma liberté,
Et qu'à dix ans, parfois, resté seul à la brune,
Rêveur, mes yeux cherchaient les deux yeux de la lune,
Comme la fleur qui s'ouvre aux tièdes nuits d'été.

Puis tu me vois du pied pressant l'escarpolette
Qui d'un vieux marronnier fait crier le squelette,
Et vole, de ma mère éternelle terreur !
Puis je te dis les noms de mes amis d'Espagne,
Madrid, et son collège où l'ennui t'accompagne,
Et nos combats d'enfants pour le grand Empereur !

Puis encor mon bon père, ou quelque jeune fille
Morte à quinze ans, à l'âge où l'oeil s'allume et brille.
Mais surtout tu te plais aux premières amours,
Frais papillons dont l'aile, en fuyant rajeunie,
Sous le doigt qui la fixe est si vite ternie,
Essaim doré qui n'a qu'un jour dans tous nos jours.

Le 15 novembre 1828.
Enfants ! - Oh ! revenez ! Tout à l'heure, imprudent,
Je vous ai de ma chambre exilés en grondant,
Rauque et tout hérissé de paroles moroses.
Et qu'aviez-vous donc fait, bandits aux lèvres roses ?
Quel crime ? quel exploit ? quel forfait insensé ?
Quel vase du Japon en mille éclats brisé ?
Quel vieux portrait crevé ? Quel beau missel gothique
Enrichi par vos mains d'un dessin fantastique ?
Non, rien de tout cela. Vous aviez seulement,
Ce matin, restés seuls dans ma chambre un moment,
Pris, parmi ces papiers que mon esprit colore,
Quelques vers, groupe informe, embryons près d'éclore,
Puis vous les aviez mis, prompts à vous accorder,
Dans le feu, pour jouer, pour voir, pour regarder
Dans une cendre noire errer des étincelles,
Comme brillent sur l'eau de nocturnes nacelles,
Ou comme, de fenêtre en fenêtre, on peut voir
Des lumières courir dans les maisons le soir.

Voilà tout. Vous jouiez et vous croyiez bien faire.

Belle perte, en effet ! beau sujet de colère !
Une strophe, mal née au doux bruit de vos jeux,
Qui remuait les mots d'un vol trop orageux !
Une ode qui chargeait d'une rime gonflée
Sa stance paresseuse en marchant essoufflée !
De lourds alexandrins l'un sur l'autre enjambant
Comme des écoliers qui sortent de leur banc !
Un autre eût dit : - Merci ! Vous ôtez une proie
Au feuilleton méchant qui bondissait de joie
Et d'avance poussait des rires infernaux
Dans l'antre qu'il se creuse au bas des grands journaux.
Moi, je vous ai grondés. Tort grave et ridicule !

Nains charmants que n'eût pas voulu fâcher Hercule,
Moi, je vous ai fait peur. J'ai, rêveur triste et dur,
Reculé brusquement ma chaise jusqu'au mur,
Et, vous jetant ces noms dont l'envieux vous nomme,
J'ai dit : - Allez-vous-en ! laissez-moi seul ! - Pauvre homme !
Seul ! le beau résultat ! le beau triomphe ! seul !
Comme on oublie un mort roulé dans son linceul,
Vous m'avez laissé là, l'oeil fixé sur ma porte,
Hautain, grave et puni. - Mais vous, que vous importe !
Vous avez retrouvé dehors la liberté,
Le grand air, le beau parc, le gazon souhaité,
L'eau courante où l'on jette une herbe à l'aventure,
Le ciel bleu, le printemps, la sereine nature,
Ce livre des oiseaux et des bohémiens,
Ce poème de Dieu qui vaut mieux que les miens,
Où l'enfant peut cueillir la fleur, strophe vivante,
Sans qu'une grosse voix tout à coup l'épouvante !
Moi, je suis resté seul, toute joie ayant fui,
Seul avec ce pédant qu'on appelle l'ennui.
Car, depuis le matin assis dans l'antichambre,
Ce docteur, né dans Londres, un dimanche, en décembre,
Qui ne vous aime pas, ô mes pauvres petits,
Attendait pour entrer que vous fussiez sortis.
Dans l'angle où vous jouiez il est là qui soupire,
Et je le vois bâiller, moi qui vous voyais rire !

Que faire ? lire un livre ? oh non ! - dicter des vers ?
A quoi bon ? - Emaux bleus ou blancs, céladons verts,
Sphère qui fait tourner tout le ciel sur son axe,
Les beaux insectes peints sur mes tasses de Saxe,
Tout m'ennuie, et je pense à vous. En vérité,
Vous partis, j'ai perdu le soleil, la gaîté,
Le bruit joyeux qui fait qu'on rêve, le délire
De voir le tout petit s'aider du doigt pour lire,
Les fronts pleins de candeur qui disent toujours oui,
L'éclat de rire franc, sincère, épanoui,
Qui met subitement des perles sur les lèvres,
Les beaux grands yeux naïfs admirant mon vieux Sèvres,
La curiosité qui cherche à tout savoir,
Et les coudes qu'on pousse en disant : Viens donc voir !

Oh ! certes, les esprits, les sylphes et les fées
Que le vent dans ma chambre apporte par bouffées,
Les gnomes accroupis là-haut, près du plafond,
Dans les angles obscurs que mes vieux livres font,
Les lutins familiers, nains à la longue échine,
Qui parlent dans les coins à mes vases de Chine.
Tout l'invisible essaim de ces démons joyeux
A dû rire aux éclats, quand là, devant leurs yeux,
Ils vous ont vus saisir dans la boîte aux ébauches
Ces hexamètres nus, boiteux, difformes, gauches,
Les traîner au grand jour, pauvres hiboux fâchés,
Et puis, battant des mains, autour du feu penchés,
De tous ces corps hideux soudain tirant une âme,
Avec ces vers si laids faire une belle flamme !

Espiègles radieux que j'ai fait envoler,
Oh ! revenez ici chanter, danser, parler,
Tantôt, groupe folâtre, ouvrir un gros volume,
Tantôt courir, pousser mon bras qui tient ma plume,
Et faire dans le vers que je viens retoucher
Saillir soudain un angle aigu comme un clocher
Qui perce tout à coup un horizon de plaines.
Mon âme se réchauffe à vos douces haleines.
Revenez près de moi, souriant de plaisir,
Bruire et gazouiller, et sans peur obscurcir
Le vieux livre où je lis de vos ombres penchées,
Folles têtes d'enfants ! gaîtés effarouchées !

J'en conviens, j'avais tort, et vous aviez raison.
Mais qui n'a quelquefois grondé hors de saison ?
Il faut être indulgent. Nous avons nos misères.
Les petits pour les grands ont tort d'être sévères.
Enfants ! chaque matin, votre âme avec amour
S'ouvre à la joie ainsi que la fenêtre au jour.
Beau miracle, vraiment, que l'enfant, *** sans cesse,
Ayant tout le bonheur, ait toute la sagesse !
Le destin vous caresse en vos commencements.
Vous n'avez qu'à jouer et vous êtes charmants.
Mais nous, nous qui pensons, nous qui vivons, nous sommes
Hargneux, tristes, mauvais, ô mes chers petits hommes !
On a ses jours d'humeur, de déraison, d'ennui.
Il pleuvait ce matin. Il fait froid aujourd'hui.
Un nuage mal fait dans le ciel tout à l'heure
A passé. Que nous veut cette cloche qui pleure ?
Puis on a dans le coeur quelque remords. Voilà
Ce qui nous rend méchants. Vous saurez tout cela,
Quand l'âge à votre tour ternira vos visages,
Quand vous serez plus grands, c'est-à-dire moins sages.

J'ai donc eu tort. C'est dit. Mais c'est assez punir,
Mais il faut pardonner, mais il faut revenir.
Voyons, faisons la paix, je vous prie à mains jointes.
Tenez, crayons, papiers, mon vieux compas sans pointes,
Mes laques et mes grès, qu'une vitre défend,
Tous ces hochets de l'homme enviés par l'enfant,
Mes gros chinois ventrus faits comme des concombres,
Mon vieux tableau trouvé sous d'antiques décombres,
Je vous livrerai tout, vous toucherez à tout !
Vous pourrez sur ma table être assis ou debout,
Et chanter, et traîner, sans que je me récrie,
Mon grand fauteuil de chêne et de tapisserie,
Et sur mon banc sculpté jeter tous à la fois
Vos jouets anguleux qui déchirent le bois !
Je vous laisserai même, et gaîment, et sans crainte,
Ô prodige ! en vos mains tenir ma bible peinte,
Que vous n'avez touchée encor qu'avec terreur,
Où l'on voit Dieu le père en habit d'empereur !

Et puis, brûlez les vers dont ma table est semée,
Si vous tenez à voir ce qu'ils font de fumée !
Brûlez ou déchirez ! - Je serais moins clément
Si c'était chez Méry, le poète charmant,
Que Marseille la grecque, heureuse et noble ville,
Blonde fille d'Homère, a fait fils de Virgile.
Je vous dirais : - " Enfants, ne touchez que des yeux
A ces vers qui demain s'envoleront aux cieux.
Ces papiers, c'est le nid, retraite caressée,
Où du poète ailé rampe encor la pensée.
Oh ! n'en approchez pas ! car les vers nouveau-nés,
Au manuscrit natal encore emprisonnés,
Souffrent entre vos mains innocemment cruelles.
Vous leur blessez le pied, vous leur froissez les ailes ;
Et, sans vous en douter, vous leur faites ces maux
Que les petits enfants font aux petits oiseaux. "

Mais qu'importe les miens ! - Toute ma poésie,
C'est vous, et mon esprit suit votre fantaisie.
Vous êtes les reflets et les rayonnements
Dont j'éclaire mon vers si sombre par moments.
Enfants, vous dont la vie est faite d'espérance,
Enfants, vous dont la joie est faite d'ignorance,
Vous n'avez pas souffert et vous ne savez pas,
Quand la pensée en nous a marché pas à pas,
Sur le poète morne et fatigué d'écrire
Quelle douce chaleur répand votre sourire !
Combien il a besoin, quand sa tête se rompt,
De la sérénité qui luit sur votre front ;
Et quel enchantement l'enivre et le fascine,
Quand le charmant hasard de quelque cour voisine,
Où vous vous ébattez sous un arbre penchant,
Mêle vos joyeux cris à son douloureux chant !

Revenez donc, hélas ! revenez dans mon ombre,
Si vous ne voulez pas que je sois triste et sombre,
Pareil, dans l'abandon où vous m'avez laissé,
Au pêcheur d'Etretat, d'un long hiver lassé,
Qui médite appuyé sur son coude, et s'ennuie
De voir à sa fenêtre un ciel rayé de pluie.
Ma muse, j'ai un tout petit dilemne.
Il est écrit qu'il y a en tout et pour tout neuf muses
Qui ont pour nom par ordre alphabétique
Calliope, Clio, Erato, Euterpe
Melpomène, Polymnie, Terspichore, Thalia et Uranie
Nulle trace d'Aura.

Es-tu vraiment celle que tu prétends être ?
Aimes-tu vraiment le chant de deux voix qui s'alternent ?

Et dans le cas où tu serais bien l'une des neuf
Pourquoi m'as-tu dit que tu étais le huit ?

Si je te pose la question
C'est que j'avais accès à ton site sur muses.com/aura
et j'ai égaré mon mot de passe.
Tu sais, ce mot de passe sécurisé
Qui nous permettait de nous exhiber tranquillement
A l'abri des regards indiscrets.
Je ne me souviens pas s'il y avait douze, quatorze ou vingt caractères.
mais il y en avait plus que huit
Il était fort et aléatoire
Entre majuscules, minuscules, symboles et chiffres
Impossible à craquer
C'était mieux que Fort Knox
Dedans tu avais mis ton âge, ton poids, ta taille, ta pointure
Et les lettres, arbmu et umz
Et un symbole étrange un t avec une virgule souscrite.
J'ai appelé à gauche et à droite les Muses pour retrouver ta trace,
Je t'ai googlisé. En vain.
Es tu vraiment ma Muse ou Furie ?
Par acquit de conscience j 'ai vérifié les noms des Furies
Tisiphone, Mégère et Alecton.
Et j'en reviens à la seule et unique question :
Qui es-tu ? Mon ombre, certes, mais encore ?

J'ai rêvé que tu étais astronaute et moi Martien.
Tu m'avais réduit de la taille d'un minuscule atome
Que tu gardais bien au chaud dans son berceau
Au fond de la planète Utérus.
Et tu m'allaitais d'eau de vie de mirabelle et me berçais
De câlins sucrés. Et je gazouillais
En regardant tes yeux, Aura,
A l'époque rouges jaunes orange bleus
Puis un jour tes yeux sont passé au vert
Et tu m'as sevré sans un mot, sans une parole.
Tu m'as mis hors du miroir
Et tu m'as dit d'aller caresser l'oiseau.

Et depuis j'erre comme un bateau ivre
Mais revenons à nos orphies :
Le mot de passe !!!
Pour simplifier je te propose
Qu'on efface tout ça et qu'on mette à la place
Juste une phrase comme :

Amant alterna camenae (Virg. egl III,59)
(Au Marquis de Lamaisonfort)

Oh ! qui m'emportera vers les tièdes rivages,
Où l'Arno couronné de ses pâles ombrages,
Aux murs des Médicis en sa course arrêté,
Réfléchit le palais par un sage habité,
Et semble, au bruit flatteur de son onde plus lente,
Murmurer les grands noms de Pétrarque et du Dante ?
Ou plutôt, que ne puis-je, au doux tomber du jour,
Quand le front soulagé du fardeau de la cour,
Tu vas sous tes bosquets chercher ton Égérie,
Suivre, en rêvant, tes pas de prairie en prairie ;
Jusqu'au modeste toit par tes mains embelli,
Où tu cours adorer le silence et l'oubli !
J'adore aussi ces dieux : depuis que la sagesse
Aux rayons du malheur a mûri ma jeunesse,
Pour nourrir ma raison des seuls fruits immortels,
J'y cherche en soupirant l'ombre de leurs autels ;
Et, s'il est au sommet de la verte colline,
S'il est sur le penchant du coteau qui s'incline,
S'il est aux bords déserts du torrent ignoré
Quelque rustique abri, de verdure entouré,
Dont le pampre arrondi sur le seuil domestique
Dessine en serpentant le flexible portique ;
Semblable à la colombe errante sur les eaux,
Qui, des cèdres d'Arar découvrant les rameaux,
Vola sur leur sommet poser ses pieds de rose,
Soudain mon âme errante y vole et s'y repose !
Aussi, pendant qu'admis dans les conseils des rois,
Représentant d'un maître honoré par son choix,
Tu tiens un des grands fils de la trame du monde ;
Moi, parmi les pasteurs, assis aux bords de l'onde,
Je suis d'un oeil rêveur les barques sur les eaux ;
J'écoute les soupirs du vent dans les roseaux ;
Nonchalamment couché près du lit des fontaines,
Je suis l'ombre qui tourne autour du tronc des chênes,
Ou je grave un vain nom sur l'écorce des bois,
Ou je parle à l'écho qui répond à ma voix,
Ou dans le vague azur contemplant les nuages,
Je laisse errer comme eux mes flottantes images ;
La nuit tombe, et le Temps, de son doigt redouté,
Me marque un jour de plus que je n'ai pas compté !

Quelquefois seulement quand mon âme oppressée
Sent en rythmes nombreux déborder ma pensée ;
Au souffle inspirateur du soir dans les déserts,
Ma lyre abandonnée exhale encor des vers !
J'aime à sentir ces fruits d'une sève plus mûre,
Tomber, sans qu'on les cueille, au gré de la nature,
Comme le sauvageon secoué par les vents,
Sur les gazons flétris, de ses rameaux mouvants
Laisse tomber ces fruits que la branche abandonne,
Et qui meurent au pied de l'arbre qui les donne !
Il fut un temps, peut-être, où mes jours mieux remplis,
Par la gloire éclairés, par l'amour embellis,
Et fuyant **** de moi sur des ailes rapides,
Dans la nuit du passé ne tombaient pas si vides.
Aux douteuses clartés de l'humaine raison,
Egaré dans les cieux sur les pas de Platon,
Par ma propre vertu je cherchais à connaître
Si l'âme est en effet un souffle du grand être ;
Si ce rayon divers, dans l'argile enfermé,
Doit être par la mort éteint ou rallumé ;
S'il doit après mille ans revivre sur la terre ;
Ou si, changeant sept fois de destins et de sphère,
Et montant d'astre en astre à son centre divin,
D'un but qui fuit toujours il s'approche sans fin ?
Si dans ces changements nos souvenirs survivent ?
Si nos soins, nos amours, si nos vertus nous suivent
S'il est un juge assis aux portes des enfers,
Qui sépare à jamais les justes des pervers ?
S'il est de saintes lois qui, du ciel émanées,
Des empires mortels prolongent les années,
Jettent un frein au peuple indocile à leur voix,
Et placent l'équité sous la garde des rois ?
Ou si d'un dieu qui dort l'aveugle nonchalance
Laisse au gré du destin trébucher sa balance,
Et livre, en détournant ses yeux indifférents,
La nature au hasard, et la terre aux tyrans ?
Mais ainsi que des cieux, où son vol se déploie,
L'aigle souvent trompé redescend sans sa proie,
Dans ces vastes hauteurs où mon oeil s'est porté
Je n'ai rien découvert que doute et vanité !
Et las d'errer sans fin dans des champs sans limite,
Au seul jour où je vis, au seul bord que j'habite,
J'ai borné désormais ma pensée et mes soins :
Pourvu qu'un dieu caché fournisse à mes besoins !
Pourvu que dans les bras d'une épouse chérie
Je goûte obscurément les doux fruits de ma vie !
Que le rustique enclos par mes pères planté
Me donne un toit l'hiver, et de l'ombre l'été ;
Et que d'heureux enfants ma table couronnée
D'un convive de plus se peuple chaque année !
Ami ! je n'irai plus ravir si **** de moi,
Dans les secrets de Dieu ces comment ; ces pourquoi,
Ni du risible effort de mon faible génie,
Aider péniblement la sagesse infinie !
Vivre est assez pour nous ; un plus sage l'a dit :
Le soin de chaque jour à chaque jour suffit.
Humble, et du saint des saints respectant les mystères,
J'héritai l'innocence et le dieu de mes pères ;
En inclinant mon front j'élève à lui mes bras,
Car la terre l'adore et ne le comprend pas :
Semblable à l'Alcyon, que la mer dorme ou gronde,
Qui dans son nid flottant s'endort en paix sur l'onde,
Me reposant sur Dieu du soin de me guider
A ce port invisible où tout doit aborder,
Je laisse mon esprit, libre d'inquiétude,
D'un facile bonheur faisant sa seule étude,
Et prêtant sans orgueil la voile à tous les vents,
Les yeux tournés vers lui, suivre le cours du temps.

Toi, qui longtemps battu des vents et de l'orage,
Jouissant aujourd'hui de ce ciel sans nuage,
Du sein de ton repos contemples du même oeil
Nos revers sans dédain, nos erreurs sans orgueil ;
Dont la raison facile, et chaste sans rudesse,
Des sages de ton temps n'a pris que la sagesse,
Et qui reçus d'en haut ce don mystérieux
De parler aux mortels dans la langue des dieux ;
De ces bords enchanteurs où ta voix me convie,
Où s'écoule à flots purs l'automne de ta vie,
Où les eaux et les fleurs, et l'ombre, et l'amitié,
De tes jours nonchalants usurpent la moitié,
Dans ces vers inégaux que ta muse entrelace,
Dis-nous, comme autrefois nous l'aurait dit Horace,
Si l'homme doit combattre ou suivre son destin ?
Si je me suis trompé de but ou de chemin ?
S'il est vers la sagesse une autre route à suivre ?
Et si l'art d'être heureux n'est pas tout l'art de vivre.
Ô mon enfant, tu vois, je me soumets.
Fais comme moi : vis du monde éloignée ;
Heureuse ? non ; triomphante ? jamais.
-- Résignée ! --

Sois bonne et douce, et lève un front pieux.
Comme le jour dans les cieux met sa flamme,
Toi, mon enfant, dans l'azur de tes yeux
Mets ton âme !

Nul n'est heureux et nul n'est triomphant.
L'heure est pour tous une chose incomplète ;
L'heure est une ombre, et notre vie, enfant,
En est faite.

Oui, de leur sort tous les hommes sont las.
Pour être heureux, à tous, -- destin morose !
Tout a manqué. Tout, c'est-à-dire, hélas !
Peu de chose.

Ce peu de chose est ce que, pour sa part,
Dans l'univers chacun cherche et désire :
Un mot, un nom, un peu d'or, un regard,
Un sourire !

La gaîté manque au grand roi sans amours ;
La goutte d'eau manque au désert immense.
L'homme est un puits où le vide toujours
Recommence.

Vois ces penseurs que nous divinisons,
Vois ces héros dont les fronts nous dominent,
Noms dont toujours nos sombres horizons
S'illuminent !

Après avoir, comme fait un flambeau,
Ébloui tout de leurs rayons sans nombre,
Ils sont allés chercher dans le tombeau
Un peu d'ombre.

Le ciel, qui sait nos maux et nos douleurs,
Prend en pitié nos jours vains et sonores.
Chaque matin, il baigne de ses pleurs
Nos aurores.

Dieu nous éclaire, à chacun de nos pas,
Sur ce qu'il est et sur ce que nous sommes ;
Une loi sort des choses d'ici-bas,
Et des hommes !

Cette loi sainte, il faut s'y conformer.
Et la voici, toute âme y peut atteindre :
Ne rien haïr, mon enfant ; tout aimer,
Ou tout plaindre !

Paris, octobre 1842.
Et j'ai dit dans mon coeur : Que faire de la vie ?
Irai-je encor, suivant ceux qui m'ont devancé,
Comme l'agneau qui passe où sa mère a passé,
Imiter des mortels l'immortelle folie ?

L'un cherche sur les mers les trésors de Memnom,
Et la vague engloutit ses voeux et son navire ;
Dans le sein de la gloire où son génie aspire,
L'autre meurt enivré par l'écho d'un vain nom.

Avec nos passions formant sa vaste trame,
Celui-là fonde un trône, et monte pour tomber ;
Dans des pièges plus doux aimant à succomber,
Celui-ci lit son sort dans les yeux d'une femme.

Le paresseux s'endort dans les bras de la faim ;
Le laboureur conduit sa fertile charrue ;
Le savant pense et lit, le guerrier frappe et tue ;
Le mendiant s'assied sur les bords du chemin.

Où vont-ils cependant ? Ils vont où va la feuille
Que chasse devant lui le souffle des hivers.
Ainsi vont se flétrir dans leurs travaux divers
Ces générations que le temps sème et cueille !

Ils luttaient contre lui, mais le temps a vaincu ;
Comme un fleuve engloutit le sable de ses rives,
Je l'ai vu dévorer leurs ombres fugitives.
Ils sont nés, ils sont morts : Seigneur, ont-ils vécu ?

Pour moi, je chanterai le maître que j'adore,
Dans le bruit des cités, dans la paix des déserts,
Couché sur le rivage, ou flottant sur les mers,
Au déclin du soleil, au réveil de l'aurore.

La terre m'a crié : Qui donc est le Seigneur ?
Celui dont l'âme immense est partout répandue,
Celui dont un seul pas mesure l'étendue,
Celui dont le soleil emprunte sa splendeur ;

Celui qui du néant a tiré la matière,
Celui qui sur le vide a fondé l'univers,
Celui qui sans rivage a renfermé les mers,
Celui qui d'un regard a lancé la lumière ;

Celui qui ne connaît ni jour ni lendemain,
Celui qui de tout temps de soi-même s'enfante,
Qui vit dans l'avenir comme à l'heure présente,
Et rappelle les temps échappés de sa main :

C'est lui ! c'est le Seigneur : que ma langue redise
Les cent noms de sa gloire aux enfants des mortels.
Comme la harpe d'or pendue à ses autels,
Je chanterai pour lui, jusqu'à ce qu'il me brise...
Je plante en ta faveur cet arbre de Cybelle,
Ce Pin, où tes honneurs se liront tous les jours ;
J'ai gravé sur le tronc nos noms et nos amours,
Qui croîtront à l'envie de l'écorce nouvelle.

Faunes, qui habitez ma terre paternelle,
Qui menez sur le Loir vos danses et vos tours,
Favorisez la plante et lui donnez secours,
Que l'Été ne la brûle et l'Hiver ne la gèle.

Pasteur, qui conduira en ce lieu ton troupeau,
Flageolant une Éclogue (1) en ton tuyau d'aveine,
Attache tous les ans à cet arbre un tableau,

Qui témoigne aux passants mes amours et ma peine :
Puis l'arrosant de lait et du sang d'un agneau,
Dit : « Ce Pin est sacré, c'est la plante d'Hélène. »


1. Éclogue : Élégie.
Non, sous quelque drapeau que le barde se range,
La muse sert sa gloire et non ses passions !
Non, je n'ai pas coupé les ailes de cet ange
Pour l'atteler hurlant au char des factions !
Non, je n'ai point couvert du masque populaire
Son front resplendissant des feux du saint parvis,
Ni pour fouetter et mordre, irritant sa colère,
Changé ma muse en Némésis !

D'implacables serpents je ne l'ai point coiffée ;
Je ne l'ai pas menée une verge à la main,
Injuriant la gloire avec le luth d'Orphée,
Jeter des noms en proie au vulgaire inhumain.
Prostituant ses vers aux clameurs de la rue,
Je n'ai pas arraché la prêtresse au saint lieu ;
A ses profanateurs je ne l'ai pas vendue,
Comme Sion vendit son Dieu !

Non, non : je l'ai conduite au fond des solitudes,
Comme un amant jaloux d'une chaste beauté ;
J'ai gardé ses beaux pieds des atteintes trop rudes
Dont la terre eût blessé leur tendre nudité :
J'ai couronné son front d'étoiles immortelles,
J'ai parfumé mon coeur pour lui faire un séjour,
Et je n'ai rien laissé s'abriter sous ses ailes
Que la prière et que l'amour !

L'or pur que sous mes pas semait sa main prospère
N'a point payé la vigne ou le champ du potier ;
Il n'a point engraissé les sillons de mon père
Ni les coffres jaloux d'un avide héritier :
Elle sait où du ciel ce divin denier tombe.
Tu peux sans le ternir me reprocher cet or !
D'autres bouches un jour te diront sur ma tombe
Où fut enfoui mon trésor.

Je n'ai rien demandé que des chants à sa lyre,
Des soupirs pour une ombre et des hymnes pour Dieu,
Puis, quand l'âge est venu m'enlever son délire,
J'ai dit à cette autre âme un trop précoce adieu :
"Quitte un coeur que le poids de la patrie accable !
Fuis nos villes de boue et notre âge de bruit !
Quand l'eau pure des lacs se mêle avec le sable,
Le cygne remonte et s'enfuit."

Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle,
S'il n'a l'âme et la lyre et les yeux de Néron,
Pendant que l'incendie en fleuve ardent circule
Des temples aux palais, du Cirque au Panthéon !
Honte à qui peut chanter pendant que chaque femme
Sur le front de ses fils voit la mort ondoyer,
Que chaque citoyen regarde si la flamme
Dévore déjà son foyer !

Honte à qui peut chanter pendant que les sicaires
En secouant leur torche aiguisent leurs poignards,
Jettent les dieux proscrits aux rires populaires,
Ou traînent aux égouts les bustes des Césars !
C'est l'heure de combattre avec l'arme qui reste ;
C'est l'heure de monter au rostre ensanglanté,
Et de défendre au moins de la voix et du geste
Rome, les dieux, la liberté !

La liberté ! ce mot dans ma bouche t'outrage ?
Tu crois qu'un sang d'ilote est assez pur pour moi,
Et que Dieu de ses dons fit un digne partage,
L'esclavage pour nous, la liberté pour toi ?
Tu crois que de Séjan le dédaigneux sourire
Est un prix assez noble aux coeurs tels que le mien,
Que le ciel m'a jeté la bassesse et la lyre,
A toi l'âme du citoyen ?

Tu crois que ce saint nom qui fait vibrer la terre,
Cet éternel soupir des généreux mortels,
Entre Caton et toi doit rester un mystère ;
Que la liberté monte à ses premiers autels ?
Tu crois qu'elle rougit du chrétien qui l'épaule,
Et que nous adorons notre honte et nos fers
Si nous n'adorons pas ta liberté jalouse
Sur l'autel d'airain que tu sers ?

Détrompe-toi, poète, et permets-nous d'être hommes !
Nos mères nous ont faits tous du même limon,
La terre qui vous porte est la terre où nous sommes,
Les fibres de nos coeurs vibrent au même son !
Patrie et liberté, gloire, vertu, courage,
Quel pacte de ces biens m'a donc déshérité ?
Quel jour ai-je vendu ma part de l'héritage,
Esaü de la liberté ?

Va, n'attends pas de moi que je la sacrifie
Ni devant vos dédains ni devant le trépas !
Ton Dieu n'est pas le mien, et je m'en glorifie :
J'en adore un plus grand qui ne te maudit pas !
La liberté que j'aime est née avec notre âme,
Le jour où le plus juste a bravé le plus fort,
Le jour où Jehovah dit au fils de la femme :
" Choisis, des fers ou de la mort ! "

Que ces tyrans divers, dont la vertu se joue,
Selon l'heure et les lieux s'appellent peuple ou roi,
Déshonorent la pourpre ou salissent la boue,
La honte qui les flatte est la même pour moi !
Qu'importe sous quel pied se courbe un front d'esclave !
Le joug, d'or ou de fer, n'en est pas moins honteux !
Des rois tu l'affrontas, des tribuns je le brave :
Qui fut moins libre de nous deux ?

Fais-nous ton Dieu plus beau, si tu veux qu'on l'adore ;
Ouvre un plus large seuil à ses cultes divers !
Repousse du parvis que leur pied déshonore
La vengeance et l'injure aux portes des enfers !
Ecarte ces faux dieux de l'autel populaire,
Pour que le suppliant n'y soit pas insulté !
Sois la lyre vivante, et non pas le Cerbère
Du temple de la Liberté !

Un jour, de nobles pleurs laveront ce délire ;
Et ta main, étouffant le son qu'elle a tiré,
Plus juste arrachera des cordes de ta lyre
La corde injurieuse où la haine a vibré !
Mais moi j'aurai vidé la coupe d'amertume
Sans que ma lèvre même en garde un souvenir ;
Car mon âme est un feu qui brûle et qui parfume
Ce qu'on jette pour la ternir.

— The End —