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Je l'ai dit quelque part, les penseurs d'autrefois,
Épiant l'inconnu dans ses plus noires lois,
Ont tous étudié la formation d'Ève.
L'un en fit son problème et l'autre en fit son rêve.
L'horreur sacrée étant dans tout, se pourrait-il
Que la femme, cet être obscur, puissant, subtil,
Fût double, et, tout ensemble ignorée et charnelle,
Fît hors d'elle l'aurore, ayant la nuit en elle ?
Le hibou serait-il caché dans l'alcyon ?
Qui dira le secret de la création ?
Les germes, les aimants, les instincts, les effluves !
Qui peut connaître à fond toutes ces sombres cuves ?
Est-ce que le Vésuve et l'Etna, les reflux
Des forces s'épuisant en efforts superflus,
Le vaste tremblement des feuilles remuées,
Les ouragans, les fleurs, les torrents, les nuées,
Ne peuvent pas finir par faire une vapeur.
Qui se condense en femme et dont le sage a peur ?

Tout fait Tout, et le même insondable cratère
Crée à Thulé la lave et la rose à Cythère.
Rien ne sort des volcans qui n'entre dans les coeurs.
Les oiseaux dans les bois ont des rires moqueurs
Et tristes, au-dessus de l'amoureux crédule.
N'est-ce pas le serpent qui vaguement ondule
Dans la souple beauté des vierges aux seins nus ?
Les grands sages étaient d'immenses ingénus ;
Ils ne connaissaient pas la forme de ce globe,
Mais, pâles, ils sentaient traîner sur eux la robe
De la sombre passante, Isis au voile noir ;
Tout devient le soupçon quand Rien est le savoir ;
Pour Lucrèce, le dieu, pour Job, le kéroubime
Mentaient ; on soupçonnait de trahison l'abîme ;
On croyait le chaos capable d'engendrer
La femme, pour nous plaire et pour nous enivrer,
Et pour faire monter jusqu'à nous sa fumée ;
La Sicile, la Grèce étrange, l'Idumée,
L'Iran, l'Egypte et l'Inde, étaient des lieux profonds ;
Qui sait ce que les vents, les brumes, les typhons
Peuvent apporter d'ombre à l'âme féminine ?
Les tragiques forêts de la chaîne Apennine,
La farouche fontaine épandue à longs flots
Sous l'Olympe, à travers les pins et les bouleaux,
L'antre de Béotie où dans l'ombre diffuse
On sent on ne sait quoi qui s'offre et se refuse,
Chypre et tous ses parfums, Delphe et tous ses rayons,
Le lys que nous cueillons, l'azur que nous voyons,
Tout cela, c'est auguste, et c'est peut-être infâme.
Tout, à leurs yeux, était sphinx, et quand une femme
Venait vers eux, parlant avec sa douce voix,
Qui sait ? peut-être Hermès et Dédale, les bois,
Les nuages, les eaux, l'effrayante Cybèle,
Toute l'énigme était mêlée à cette belle.

L'univers aboutit à ce monstre charmant.
La ménade est déjà presque un commencement
De la femme chimère, et d'antiques annales
Disent qu'avril était le temps des bacchanales,
Et que la liberté de ces fêtes s'accrut
Des fauves impudeurs de la nature en rut ;
La nature partout donne l'exemple énorme
De l'accouplement sombre où l'âme étreint la forme ;
La rose est une fille ; et ce qu'un papillon
Fait à la plante, est fait au grain par le sillon.
La végétation terrible est ignorée.
L'horreur des bois unit Flore avec Briarée,
Et marie une fleur avec l'arbre aux cent bras.
Toi qui sous le talon d'Apollon te cabras,
Ô cheval orageux du Pinde, tes narines
Frémissaient quand passaient les nymphes vipérines,
Et, sentant là de l'ombre hostile à ta clarté,
Tu t'enfuyais devant la sinistre Astarté.
Et Terpandre le vit, et Platon le raconte.
La femme est une gloire et peut être une honte
Pour l'ouvrier divin et suspect qui la fit.
A tout le bien, à tout le mal, elle suffit.

Haine, amour, fange, esprit, fièvre, elle participe
Du gouffre, et la matière aveugle est son principe.
Elle est le mois de mai fait chair, vivant, chantant.
Qu'est-ce que le printemps ? une orgie. A l'instant,
Où la femme naquit, est morte l'innocence.
Les vieux songeurs ont vu la fleur qui nous encense
Devenir femme à l'heure où l'astre éclôt au ciel,
Et, pour Orphée ainsi que pour Ézéchiel,
La nature n'étant qu'un vaste *****, l'ébauche
D'un être tentateur rit dans cette débauche ;
C'est la femme. Elle est spectre et masque, et notre sort
Est traversé par elle ; elle entre, flotte et sort.
Que nous veut-elle ? A-t-elle un but ? Par quelle issue
Cette apparition vaguement aperçue
S'est-elle dérobée ? Est-ce un souffle de nuit
Qui semble une âme errante et qui s'évanouit ?
Les sombres hommes sont une forêt, et l'ombre
Couvre leurs pas, leurs voix, leurs yeux, leur bruit, leur nombre ;
Le genre humain, mêlé sous les hauts firmaments,
Est plein de carrefours et d'entre-croisements,
Et la femme est assez blanche pour qu'on la voie
A travers cette morne et blême claire-voie.
Cette vision passe ; et l'on reste effaré.
Aux chênes de Dodone, aux cèdres de Membré,
L'hiérophante ému comme le patriarche
Regarde ce fantôme inquiétant qui marche.

Non, rien ne nous dira ce que peut être au fond
Cet être en qui Satan avec Dieu se confond :
Elle résume l'ombre énorme en son essence.
Les vieux payens croyaient à la toute puissance
De l'abîme, du lit sans fond, de l'élément ;
Ils épiaient la mer dans son enfantement ;
Pour eux, ce qui sortait de la tempête immense,
De toute l'onde en proie aux souffles en démence
Et du vaste flot vert à jamais tourmenté,
C'était le divin sphinx féminin, la Beauté,
Toute nue, infernale et céleste, insondable,
Ô gouffre ! et que peut-on voir de plus formidable,
Sous les cieux les plus noirs et les plus inconnus,
Que l'océan ayant pour écume Vénus !

Aucune aile ici-bas n'est pour longtemps posée.
Quand elle était petite, elle avait un oiseau ;
Elle le nourrissait de pain et de rosée,
Et veillait sur son nid comme sur un berceau.
Un soir il s'échappa. Que de plaintes amères !
Dans mes bras en pleurant je la vis accourir...
Jeunes filles, laissez, laissez, ô jeunes mères,
Les oiseaux s'envoler et les enfants mourir !

C'est une loi d'en haut qui veut que tout nous quitte.
Le secret du Seigneur, nous le saurons un jour.
Elle grandit. La vie, hélas ! marche si vite !
Elle eut un doux enfant, un bel ange, un amour.
Une nuit, triste sort des choses éphémères !
Cet enfant s'éteignit, sans pleurer, sans souffrir...
Jeunes filles, laissez, laissez, ô jeunes mères,
Les oiseaux s'envoler et les enfants mourir !

Le 22 juin 1842.
I

Mets-toi sur ton séant, lève tes yeux, dérange
Ce drap glacé qui fait des plis sur ton front d'ange,
Ouvre tes mains, et prends ce livre : il est à toi.

Ce livre où vit mon âme, espoir, deuil, rêve, effroi,
Ce livre qui contient le spectre de ma vie,
Mes angoisses, mon aube, hélas ! de pleurs suivie,
L'ombre et son ouragan, la rose et son pistil,
Ce livre azuré, triste, orageux, d'où sort-il ?
D'où sort le blême éclair qui déchire la brume ?
Depuis quatre ans, j'habite un tourbillon d'écume ;
Ce livre en a jailli. Dieu dictait, j'écrivais ;
Car je suis paille au vent. Va ! dit l'esprit. Je vais.
Et, quand j'eus terminé ces pages, quand ce livre
Se mit à palpiter, à respirer, à vivre,
Une église des champs, que le lierre verdit,
Dont la tour sonne l'heure à mon néant, m'a dit :
Ton cantique est fini ; donne-le-moi, poëte.
- Je le réclame, a dit la forêt inquiète ;
Et le doux pré fleuri m'a dit : - Donne-le-moi.
La mer, en le voyant frémir, m'a dit : - Pourquoi
Ne pas me le jeter, puisque c'est une voile !
- C'est à moi qu'appartient cet hymne, a dit l'étoile.
- Donne-le-nous, songeur, ont crié les grands vents.
Et les oiseaux m'ont dit : - Vas-tu pas aux vivants
Offrir ce livre, éclos si **** de leurs querelles ?
Laisse-nous l'emporter dans nos nids sur nos ailes ! -
Mais le vent n'aura point mon livre, ô cieux profonds !
Ni la sauvage mer, livrée aux noirs typhons,
Ouvrant et refermant ses flots, âpres embûches ;
Ni la verte forêt qu'emplit un bruit de ruches ;
Ni l'église où le temps fait tourner son compas ;
Le pré ne l'aura pas, l'astre ne l'aura pas,
L'oiseau ne l'aura pas, qu'il soit aigle ou colombe,
Les nids ne l'auront pas ; je le donne à la tombe.

II

Autrefois, quand septembre en larmes revenait,
Je partais, je quittais tout ce qui me connaît,
Je m'évadais ; Paris s'effaçait ; rien, personne !
J'allais, je n'étais plus qu'une ombre qui frissonne,
Je fuyais, seul, sans voir, sans penser, sans parler,
Sachant bien que j'irais où je devais aller ;
Hélas ! je n'aurais pu même dire : Je souffre !
Et, comme subissant l'attraction d'un gouffre,
Que le chemin fût beau, pluvieux, froid, mauvais,
J'ignorais, je marchais devant moi, j'arrivais.
Ô souvenirs ! ô forme horrible des collines !
Et, pendant que la mère et la soeur, orphelines,
Pleuraient dans la maison, je cherchais le lieu noir
Avec l'avidité morne du désespoir ;
Puis j'allais au champ triste à côté de l'église ;
Tête nue, à pas lents, les cheveux dans la bise,
L'oeil aux cieux, j'approchais ; l'accablement soutient ;
Les arbres murmuraient : C'est le père qui vient !
Les ronces écartaient leurs branches desséchées ;
Je marchais à travers les humbles croix penchées,
Disant je ne sais quels doux et funèbres mots ;
Et je m'agenouillais au milieu des rameaux
Sur la pierre qu'on voit blanche dans la verdure.
Pourquoi donc dormais-tu d'une façon si dure
Que tu n'entendais pas lorsque je t'appelais ?

Et les pêcheurs passaient en traînant leurs filets,
Et disaient : Qu'est-ce donc que cet homme qui songe ?
Et le jour, et le soir, et l'ombre qui s'allonge,
Et Vénus, qui pour moi jadis étincela,
Tout avait disparu que j'étais encor là.
J'étais là, suppliant celui qui nous exauce ;
J'adorais, je laissais tomber sur cette fosse,
Hélas ! où j'avais vu s'évanouir mes cieux,
Tout mon coeur goutte à goutte en pleurs silencieux ;
J'effeuillais de la sauge et de la clématite ;
Je me la rappelais quand elle était petite,
Quand elle m'apportait des lys et des jasmins,
Ou quand elle prenait ma plume dans ses mains,
Gaie, et riant d'avoir de l'encre à ses doigts roses ;
Je respirais les fleurs sur cette cendre écloses,
Je fixais mon regard sur ces froids gazons verts,
Et par moments, ô Dieu, je voyais, à travers
La pierre du tombeau, comme une lueur d'âme !

Oui, jadis, quand cette heure en deuil qui me réclame
Tintait dans le ciel triste et dans mon coeur saignant,
Rien ne me retenait, et j'allais ; maintenant,
Hélas !... - Ô fleuve ! ô bois ! vallons dont je fus l'hôte,
Elle sait, n'est-ce pas ? que ce n'est pas ma faute
Si, depuis ces quatre ans, pauvre coeur sans flambeau,
Je ne suis pas allé prier sur son tombeau !

III

Ainsi, ce noir chemin que je faisais, ce marbre
Que je contemplais, pâle, adossé contre un arbre,
Ce tombeau sur lequel mes pieds pouvaient marcher,
La nuit, que je voyais lentement approcher,
Ces ifs, ce crépuscule avec ce cimetière,
Ces sanglots, qui du moins tombaient sur cette pierre,
Ô mon Dieu, tout cela, c'était donc du bonheur !

Dis, qu'as-tu fait pendant tout ce temps-là ? - Seigneur,
Qu'a-t-elle fait ? - Vois-tu la vie en vos demeures ?
A quelle horloge d'ombre as-tu compté les heures ?
As-tu sans bruit parfois poussé l'autre endormi ?
Et t'es-tu, m'attendant, réveillée à demi ?
T'es-tu, pâle, accoudée à l'obscure fenêtre
De l'infini, cherchant dans l'ombre à reconnaître
Un passant, à travers le noir cercueil mal joint,
Attentive, écoutant si tu n'entendais point
Quelqu'un marcher vers toi dans l'éternité sombre ?
Et t'es-tu recouchée ainsi qu'un mât qui sombre,
En disant : Qu'est-ce donc ? mon père ne vient pas !
Avez-vous tous les deux parlé de moi tout bas ?

Que de fois j'ai choisi, tout mouillés de rosée,
Des lys dans mon jardin, des lys dans ma pensée !
Que de fois j'ai cueilli de l'aubépine en fleur !
Que de fois j'ai, là-bas, cherché la tour d'Harfleur,
Murmurant : C'est demain que je pars ! et, stupide,
Je calculais le vent et la voile rapide,
Puis ma main s'ouvrait triste, et je disais : Tout fuit !
Et le bouquet tombait, sinistre, dans la nuit !
Oh ! que de fois, sentant qu'elle devait m'attendre,
J'ai pris ce que j'avais dans le coeur de plus tendre
Pour en charger quelqu'un qui passerait par là !

Lazare ouvrit les yeux quand Jésus l'appela ;
Quand je lui parle, hélas ! pourquoi les ferme-t-elle ?
Où serait donc le mal quand de l'ombre mortelle
L'amour violerait deux fois le noir secret,
Et quand, ce qu'un dieu fit, un père le ferait ?

IV

Que ce livre, du moins, obscur message, arrive,
Murmure, à ce silence, et, flot, à cette rive !
Qu'il y tombe, sanglot, soupir, larme d'amour !
Qu'il entre en ce sépulcre où sont entrés un jour
Le baiser, la jeunesse, et l'aube, et la rosée,
Et le rire adoré de la fraîche épousée,
Et la joie, et mon coeur, qui n'est pas ressorti !
Qu'il soit le cri d'espoir qui n'a jamais menti,
Le chant du deuil, la voix du pâle adieu qui pleure,
Le rêve dont on sent l'aile qui nous effleure !
Qu'elle dise : Quelqu'un est là ; j'entends du bruit !
Qu'il soit comme le pas de mon âme en sa nuit !

Ce livre, légion tournoyante et sans nombre
D'oiseaux blancs dans l'aurore et d'oiseaux noirs dans l'ombre,
Ce vol de souvenirs fuyant à l'horizon,
Cet essaim que je lâche au seuil de ma prison,
Je vous le confie, air, souffles, nuée, espace !
Que ce fauve océan qui me parle à voix basse,
Lui soit clément, l'épargne et le laisse passer !
Et que le vent ait soin de n'en rien disperser,
Et jusqu'au froid caveau fidèlement apporte
Ce don mystérieux de l'absent à la morte !

Ô Dieu ! puisqu'en effet, dans ces sombres feuillets,
Dans ces strophes qu'au fond de vos cieux je cueillais,
Dans ces chants murmurés comme un épithalame
Pendant que vous tourniez les pages de mon âme,
Puisque j'ai, dans ce livre, enregistré mes jours,
Mes maux, mes deuils, mes cris dans les problèmes sourds,
Mes amours, mes travaux, ma vie heure par heure ;
Puisque vous ne voulez pas encor que je meure,
Et qu'il faut bien pourtant que j'aille lui parler ;
Puisque je sens le vent de l'infini souffler
Sur ce livre qu'emplit l'orage et le mystère ;
Puisque j'ai versé là toutes vos ombres, terre,
Humanité, douleur, dont je suis le passant ;
Puisque de mon esprit, de mon coeur, de mon sang,
J'ai fait l'âcre parfum de ces versets funèbres,
Va-t'en, livre, à l'azur, à travers les ténèbres !
Fuis vers la brume où tout à pas lents est conduit !
Oui, qu'il vole à la fosse, à la tombe, à la nuit,
Comme une feuille d'arbre ou comme une âme d'homme !
Qu'il roule au gouffre où va tout ce que la voix nomme !
Qu'il tombe au plus profond du sépulcre hagard,
A côté d'elle, ô mort ! et que là, le regard,
Près de l'ange qui dort, lumineux et sublime,
Le voie épanoui, sombre fleur de l'abîme !

V

Ô doux commencements d'azur qui me trompiez,
Ô bonheurs ! je vous ai durement expiés !
J'ai le droit aujourd'hui d'être, quand la nuit tombe,
Un de ceux qui se font écouter de la tombe,
Et qui font, en parlant aux morts blêmes et seuls,
Remuer lentement les plis noirs des linceuls,
Et dont la parole, âpre ou tendre, émeut les pierres,
Les grains dans les sillons, les ombres dans les bières,
La vague et la nuée, et devient une voix
De la nature, ainsi que la rumeur des bois.
Car voilà, n'est-ce pas, tombeaux ? bien des années,
Que je marche au milieu des croix infortunées,
Échevelé parmi les ifs et les cyprès,
L'âme au bord de la nuit, et m'approchant tout près,
Et que je vais, courbé sur le cercueil austère,
Questionnant le plomb, les clous, le ver de terre
Qui pour moi sort des yeux de la tête de mort,
Le squelette qui rit, le squelette qui mord,
Les mains aux doigts noueux, les crânes, les poussières,
Et les os des genoux qui savent des prières !

Hélas ! j'ai fouillé tout. J'ai voulu voir le fond.
Pourquoi le mal en nous avec le bien se fond,
J'ai voulu le savoir. J'ai dit : Que faut-il croire ?
J'ai creusé la lumière, et l'aurore, et la gloire,
L'enfant joyeux, la vierge et sa chaste frayeur,
Et l'amour, et la vie, et l'âme, - fossoyeur.

Qu'ai-je appris ? J'ai, pensif , tout saisi sans rien prendre ;
J'ai vu beaucoup de nuit et fait beaucoup de cendre.
Qui sommes-nous ? que veut dire ce mot : Toujours ?
J'ai tout enseveli, songes, espoirs, amours,
Dans la fosse que j'ai creusée en ma poitrine.
Qui donc a la science ? où donc est la doctrine ?
Oh ! que ne suis-je encor le rêveur d'autrefois,
Qui s'égarait dans l'herbe, et les prés, et les bois,
Qui marchait souriant, le soir, quand le ciel brille,
Tenant la main petite et blanche de sa fille,
Et qui, joyeux, laissant luire le firmament,
Laissant l'enfant parler, se sentait lentement
Emplir de cet azur et de cette innocence !

Entre Dieu qui flamboie et l'ange qui l'encense,
J'ai vécu, j'ai lutté, sans crainte, sans remord.
Puis ma porte soudain s'ouvrit devant la mort,
Cette visite brusque et terrible de l'ombre.
Tu passes en laissant le vide et le décombre,
Ô spectre ! tu saisis mon ange et tu frappas.
Un tombeau fut dès lors le but de tous mes pas.

VI

Je ne puis plus reprendre aujourd'hui dans la plaine
Mon sentier d'autrefois qui descend vers la Seine ;
Je ne puis plus aller où j'allais ; je ne puis,
Pareil à la laveuse assise au bord du puits,
Que m'accouder au mur de l'éternel abîme ;
Paris m'est éclipsé par l'énorme Solime ;
La hauteNotre-Dame à présent, qui me luit,
C'est l'ombre ayant deux tours, le silence et la nuit,
Et laissant des clartés trouer ses fatals voiles ;
Et je vois sur mon front un panthéon d'étoiles ;
Si j'appelle Rouen, Villequier, Caudebec,
Toute l'ombre me crie : Horeb, Cédron, Balbeck !
Et, si je pars, m'arrête à la première lieue,
Et me dit: Tourne-toi vers l'immensité bleue !
Et me dit : Les chemins où tu marchais sont clos.
Penche-toi sur les nuits, sur les vents, sur les flots !
A quoi penses-tu donc ? que fais-tu, solitaire ?
Crois-tu donc sous tes pieds avoir encor la terre ?
Où vas-tu de la sorte et machinalement ?
Ô songeur ! penche-toi sur l'être et l'élément !
Écoute la rumeur des âmes dans les ondes !
Contemple, s'il te faut de la cendre, les mondes ;
Cherche au moins la poussière immense, si tu veux
Mêler de la poussière à tes sombres cheveux,
Et regarde, en dehors de ton propre martyre,
Le grand néant, si c'est le néant qui t'attire !
Sois tout à ces soleils où tu remonteras !
Laisse là ton vil coin de terre. Tends les bras,
Ô proscrit de l'azur, vers les astres patries !
Revois-y refleurir tes aurores flétries ;
Deviens le grand oeil fixe ouvert sur le grand tout.
Penche-toi sur l'énigme où l'être se dissout,
Sur tout ce qui naît, vit, marche, s'éteint, succombe,
Sur tout le genre humain et sur toute la tombe !

Mais mon coeur toujours saigne et du même côté.
C'est en vain que les cieux, les nuits, l'éternité,
Veulent distraire une âme et calmer un atome.
Tout l'éblouissement des lumières du dôme
M'ôte-t-il une larme ? Ah ! l'étendue a beau
Me parler, me montrer l'universel tombeau,
Les soirs sereins, les bois rêveurs, la lune amie ;
J'écoute, et je reviens à la douce endormie.

VII

Des fleurs ! oh ! si j'avais des fleurs ! si je pouvais
Aller semer des lys sur ces deux froids chevets !
Si je pouvais couvrir de fleurs mon ange pâle !
Les fleurs sont l'or, l'azur, l'émeraude, l'opale !
Le cercueil au milieu des fleurs veut se coucher ;
Les fleurs aiment la mort, et Dieu les fait toucher
Par leur racine aux os, par leur parfum aux âmes !
Puisque je ne le puis, aux lieux que nous aimâmes,
Puisque Dieu ne veut pas nous laisser revenir,
Puisqu'il nous fait lâcher ce qu'on croyait tenir,
Puisque le froid destin, dans ma geôle profonde,
Sur la première porte en scelle une seconde,
Et, sur le père triste et sur l'enfant qui dort,
Ferme l'exil après avoir fermé la mort,
Puisqu'il est impossible à présent que je jette
Même un brin de bruyère à sa fosse muette,
C'est bien le moins qu'elle ait mon âme, n'est-ce pas ?
Ô vent noir dont j'entends sur mon plafond le pas !
Tempête, hiver, qui bats ma vitre de ta grêle !
Mers, nuits ! et je l'ai mise en ce livre pour elle !

Prends ce livre ; et dis-toi : Ceci vient du vivant
Que nous avons laissé derrière nous, rêvant.
Prends. Et, quoique de ****, reconnais ma voix, âme !
Oh ! ta cendre est le lit de mon reste de flamme ;
Ta tombe est mon espoir, ma charité, ma foi ;
Ton linceul toujours flotte entre la vie et moi.
Prends ce livre, et fais-en sortir un divin psaume !
Qu'entre tes vagues mains il devienne fantôme !
Qu'il blanchisse, pareil à l'aube qui pâlit,
A mesure que l'oeil de mon ange le lit,
Et qu'il s'évanouisse, et flotte, et disparaisse,
Ainsi qu'un âtre obscur qu'un souffle errant caresse,
Ainsi qu'une lueur qu'on voit passer le soir,
Ainsi qu'un tourbillon de feu de l'encensoir,
Et que, sous ton regard éblouissant et sombre,
Chaque page s'en aille en étoiles dans l'ombre !

VIII

Oh ! quoi que nous fassions et quoi que nous disions,
Soit que notre âme plane au vent des visions,
Soit qu'elle se cramponne à l'argile natale,
Toujours nous arrivons à ta grotte fatale,
Gethsémani ! qu'éclaire une vague lueur !
Ô rocher de l'étrange et funèbre sueur !
Cave où l'esprit combat le destin ! ouverture
Sur les profonds effrois de la sombre nature !
Antre d'où le lion sort rêveur, en voyant
Quelqu'un de plus sinistre et de plus effrayant,
La douleur, entrer, pâle, amère, échevelée !
Ô chute ! asile ! ô seuil de la trouble vallée
D'où nous apercevons nos ans fuyants et courts,
Nos propres pas marqués dans la fange des jours,
L'échelle où le mal pèse et monte, spectre louche,
L'âpre frémissement de la palme farouche,
Les degrés noirs tirant en bas les blancs degrés,
Et les frissons aux fronts des anges effarés !

Toujours nous arrivons à cette solitude,
Et, là, nous nous taisons, sentant la plénitude !

Paix à l'ombre ! Dormez ! dormez ! dormez ! dormez !
Êtres, groupes confus lentement transformés !
Dormez, les champs ! dormez, les fleurs ! dormez, les tombes !
Toits, murs, seuils des maisons, pierres des catacombes,
Feuilles au fond des bois, plumes au fond des nids,
Dormez ! dormez, brins d'herbe, et dormez, infinis !
Calmez-vous, forêt, chêne, érable, frêne, yeuse !
Silence sur la grande horreur religieuse,
Sur l'océan qui lutte et qui ronge son mors,
Et sur l'apaisement insondable des morts !
Paix à l'obscurité muette et redoutée,
Paix au doute effrayant, à l'immense ombre athée,
A toi, nature, cercle et centre, âme et milieu,
Fourmillement de tout, solitude de Dieu !
Ô générations aux brumeuses haleines,
Reposez-vous ! pas noirs qui marchez dans les plaines !
Dormez, vous qui saignez ; dormez, vous qui pleurez !
Douleurs, douleurs, douleurs, fermez vos yeux sacrés !
Tout est religio
Ay, Poesía, pero mira que eres difícil,
aunque busco hallar los cánones que te rigen
termino encontrándome un insondable arcano
que al pensar que me acerco, se hace más lejano.

Eres tan inconsútil, intangible y etérea,
creo atraparte en frases y huyes en la idea;
cuando pienso que avisté la intuición onírica,
me doy cuenta que se ha diluído la lírica.

Tan real cual vida, muerte o la Primavera
te presentas además como una Quimera
que intentamos esculpir en finas palabras,
pero sólo por momentos, ya que te escapas,
cuando por siempre quedamos insatisfechos
al ver que no hilamos el vestido perfecto.

(Jorge Gómez A.)
Yo tuve una prima
como un lirio bella,
como un mirlo alegre,
como un alba fresca,
rubia como una
mañana abrileña.   Amaba los versos aquella rapaza
con predilecciones a su edad ajenas.
La música augusta del rtimo cantaba
dentro de su espíritu como ignota orquesta;
todo lo que un astro le dice a otro astro,
todo lo que el cielo le dice a la tierra,
todo lo que el alma pregunta a la Esfinge,
todo lo que al alma la Esfinge contesta.   Pobre prima rubia,
pobre prima buena;
hace muchos años que duerme ese sueño
del que ni los pájaros, alegres como ella,
ni el viento que pasa, ni el agua que corre,
ni el sol que derrocha vida, la recuerdan.   Yo suelo, en los días
de la primavera,
llevar a su tumba
versos y violetas;
versos y violetas, ¡lo que más amaba!   En torno a su losa riego las primeras,
luego las estrofas recito que antaño
su deleite eran:
las más pensativas, las más misteriosas,
las más insinuantes, las que son más tiernas;
las que en sus pestañas, como en blonda de oro,
ponían las joyas de lágrimas, trémulas,
con diafanudades de beril hialino
y oriente de perlas.
  Se las digo bajo, bajito, inclinándome
hacia donde yace, por que las entienda.
Pobre prima rubia, ¡pero no responde!
Pobre prima rubia, ¡pero no despierta!   Cierto día, una joven condiscípula,
con mucho sigilo le prestó en la escuela
un libro de versos musicales, hondos.
¡Eran los divinos versos de Espronceda!   Se los llevó a casa bajo el chal ocultos,
y los escondimos, con sutil cautela,
del padre y la madre, y hasta de su sombra;
de la anciana tía, devota e ingenua,
que sólo gustaba de jaculatorias
y sólo entendía los versos de Trueba.   En aquellas tardes embermejecidas
por conflagraciones de luz, en que bregan
gigánticamente monstruos imprecisos
del Apocalipsis o de las leyendas;
de aquellas tardes que fingen catástrofes;
en aquellas tardes en que el iris vuelca
todos sus colores, en que el sol vacía
toda su escarcela;
en aquellas tardes del trópico, juntos
los dos, en discreto rincón de la huerta,
bajo de la trémula hospitalidad
de nuestras palmeras,
a furto de extraños, vibrantes leíamos
el Canto a Teresa.   ¡Qué revelaciones nos hizo ese canto!
Todas las angustias, todas las tristezas,
todo lo insondable del amor, y todo
lo desesperante de las infidencias:
todo el doloroso mundo que gravita
sobre el alma esclava que amó quimeras,
del que puso estrellas en la frente amada,
y al tornar a casa ya no encontró estrellas.   Todo el ansia loca de adorar en vano
tan sólo a una sombra, tan sólo a una muerta;
todos los despechos y las ironías
del que se revuelca
en zarzal de dudas y de escepticismos;
todos los sarcasmos y las impotencias.   Y después, aquellas ágiles canciones
de prosodia alada, de gracia ligera,
que apenas si tocan el polvo del mundo
con la orla de oro del brial de seda;
que, como el albatros, se duermen volando
que, como el albatros, volando despiertan:
  La ideal canción del bravo Pirata
que iba viento en popa, que iba a toda vela,
y a quien por los mares nuestros pensamientos,
como dos gaviotas, seguían de cerca;   Y la del Mendigo, cínico y osado,
y la del Cosaco del Desierto, bélica,
bárbara, erizada de ferrados hurras,
que al oído suenan
como los tropeles de potros indómitos
con jinetes rubios, sobre las estepas...   Pasaba don Félix, el de Montemar,
con una aureola roja en su cabeza,
satánico, altivo; luego, doña Elvira,
«que murió de amor», en lirios envuelta.
¡Con cuántos prestigios de la fantasía
ante nuestros ojos se alejaba tétrica!   Y el Reo de muerte que el fatal instante,
frente a un crucifijo, silencioso espera;
y aquella Jarifa, cuya mano pálida
la frente ardorosa del bardo refresca.
  Poco de su Diablo Mundo comprendíamos;
pero adivinábamos, como entre una niebla,
símbolos enormes y filosofías
que su Adán desnudo se llevaba a cuestas   ¡Oh mi gran poeta de los ojos negros!,
¡oh mi gran poeta de la gran melena!,
¡oh mi gran poeta de la frente vasta
cual limpio horizonte!, ¡oh mi gran poeta!   Te debo las horas más inolvidables;
y un día leyendo tu Canto a Teresa.,
muy juntos los ojos, muy juntos los labios,
te debí también, cual Paolo a Francesca,
un beso, el más grande que he dado en mi vida;
un beso, más dulce que miel sobre hojuelas;
¡un beso florido que envolvió en perfumes
toda mi existencia!   Un beso que, siento, eternizaría
del duro Gianciotti la daga violenta,
para que en la turba de almas infernales,
como en la terrible página dantesca,
fuera resonando por los anchos limbos,
fuera restallando por la noche inmensa,
y uniendo por siempre mi boca golosa
con la boca de ella!   ¡Oh, mi gran poeta de los ojos negros!
¡Quién hubiera dicho que yo te trajera,
como pobre pago de los inefables
éxtasis de entonces, esta humilde ofrenda!...
¡Oh, gallardo príncipe de la poesía!
Pero tú recíbela con la gentileza
de un Midas que en oro todo lo transmuta;
en claros diamantes mi abalorio trueca,
y en los viles cobres de mis estrofillas,
para acaudalarlos, engasta tus gemas.
Así tu memoria por los siglos dure,
¡oh, mi gran poeta de la gran melena!,
¡oh, mi gran poeta de los ojos negros!
¡oh, mi gran poeta!
Me encanta Dios. Es un viejo magnífico que no se toma en serio.
A él le gusta jugar y juega, y a veces se le pasa la mano y nos
rompe una pierna o nos aplasta definitivamente. Pero esto sucede porque
es un poco cegatón y bastante torpe con las manos.
Nos ha enviado a algunos tipos excepcionales como Buda, o Cristo, o
Mahoma, o mi tía Chofi, para que nos digan que nos portemos bien.
Pero esto a él no le preocupa mucho: nos conoce. Sabe que el pez
grande se traga al chico, que la lagartija grande se traga a la pequeña,
que el hombre se traga al hombre. Y por eso inventó la muerte: para
que la vida -no tú ni yo- la vida, sea para siempre.
Ahora los científicos salen con su teoría del Big Bang...
Pero ¿qué importa si el universo se expande interminablemente
o se contrae? Esto es asunto sólo para agencias de viajes.
A mí me encanta Dios. Ha puesto orden en las galaxias y distribuye
bien el tránsito en el camino de las hormigas. Y es tan juguetón
y travieso que el otro día descubrí que ha hecho -frente
al ataque de los antibióticos- ¡bacterias mutantes!
Viejo sabio o niño explorador, cuando deja de jugar con sus soldaditos
de plomo y de carne y hueso, hace campos de flores o pinta el cielo de manera increíble.
Mueve una mano y hace el mar, y mueve la otra y hace el bosque. Y cuando
pasa por encima de nosotros, quedan las nubes, pedazos de su aliento.
Dicen que a veces se enfurece y hace terremotos, y manda tormentas,
caudales de fuego, vientos desatados, aguas alevosas, castigos y desastres.
Pero esto es mentira. Es la tierra que cambia -y se agita y crece- cuando Dios se aleja.
Dios siempre está de buen humor. Por eso es el preferido de mis
padres, el escogido de mis hijos, el más cercano de mis hermanos,
la mujer más amada, el perrito y la pulga, la piedra más
antigua, el pétalo más tierno, el aroma más dulce,
la noche insondable, el borboteo de luz, el manantial que soy.
A mí me gusta, a mí me encanta Dios. Que Dios bendiga a Dios.
Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l'amour brûlant à la terre ravie,
Et, quand on est couché sur la vallée, on sent
Que la terre est nubile et déborde de sang ;
Que son immense sein, soulevé par une âme,
Est d'amour comme Dieu, de chair comme la femme,
Et qu'il renferme, gros de sève et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons !

Et tout croît, et tout monte !

- Ô Vénus, ô Déesse !
Je regrette les temps de l'antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d'amour l'écorce des rameaux
Et dans les nénufars baisaient la Nymphe blonde !
Je regrette les temps où la sève du monde,
L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers !
Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre ;
Où, baisant mollement le clair syrinx, sa lèvre
Modulait sous le ciel le grand hymne d'amour ;
Où, debout sur la plaine, il entendait autour
Répondre à son appel la Nature vivante ;
Où les arbres muets, berçant l'oiseau qui chante,
La terre berçant l'homme, et tout l'Océan bleu
Et tous les animaux aimaient, aimaient en Dieu !
Je regrette les temps de la grande Cybèle
Qu'on disait parcourir, gigantesquement belle,
Sur un grand char d'airain, les splendides cités ;
Son double sein versait dans les immensités
Le pur ruissellement de la vie infinie.
L'Homme suçait, heureux, sa mamelle bénie,
Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.
- Parce qu'il était fort, l'Homme était chaste et doux.

Misère ! Maintenant il dit : Je sais les choses,
Et va, les yeux fermés et les oreilles closes.
Et pourtant, plus de dieux ! plus de dieux ! l'Homme est Roi,
L'Homme est Dieu ! Mais l'Amour, voilà la grande Foi !
Oh ! si l'homme puisait encore à ta mamelle,
Grande mère des dieux et des hommes, Cybèle ;
S'il n'avait pas laissé l'immortelle Astarté
Qui jadis, émergeant dans l'immense clarté
Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Montra son nombril rose où vint neiger l'écume,
Et fit chanter, Déesse aux grands yeux noirs vainqueurs,
Le rossignol aux bois et l'amour dans les coeurs !

II

Je crois en toi ! je crois en toi ! Divine mère,
Aphrodite marine ! - Oh ! la route est amère
Depuis que l'autre Dieu nous attelle à sa croix ;
Chair, Marbre, Fleur, Vénus, c'est en toi que je crois !
- Oui, l'Homme est triste et laid, triste sous le ciel vaste.
Il a des vêtements, parce qu'il n'est plus chaste,
Parce qu'il a sali son fier buste de dieu,
Et qu'il a rabougri, comme une idole au feu,
Son cors Olympien aux servitudes sales !
Oui, même après la mort, dans les squelettes pâles
Il veut vivre, insultant la première beauté !
- Et l'Idole où tu mis tant de virginité,
Où tu divinisas notre argile, la Femme,
Afin que l'Homme pût éclairer sa pauvre âme
Et monter lentement, dans un immense amour,
De la prison terrestre à la beauté du jour,
La Femme ne sait plus même être courtisane !
- C'est une bonne farce ! et le monde ricane
Au nom doux et sacré de la grande Vénus !

III

Si les temps revenaient, les temps qui sont venus !
- Car l'Homme a fini ! l'Homme a joué tous les rôles !
Au grand jour, fatigué de briser des idoles,
Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux,
Et, comme il est du ciel, il scrutera les cieux !
L'Idéal, la pensée invincible, éternelle,
Tout ; le dieu qui vit, sous son argile charnelle,
Montera, montera, brûlera sous son front !
Et quand tu le verras sonder tout l'horizon,
Contempteur des vieux jougs, libre de toute crainte,
Tu viendras lui donner la Rédemption sainte !
- Splendide, radieuse, au sein des grandes mers
Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers
L'Amour infini dans un infini sourire !
Le Monde vibrera comme une immense lyre
Dans le frémissement d'un immense baiser !

- Le Monde a soif d'amour : tu viendras l'apaiser.

Ô ! L'Homme a relevé sa tête libre et fière !
Et le rayon soudain de la beauté première
Fait palpiter le dieu dans l'autel de la chair !
Heureux du bien présent, pâle du mal souffert,
L'Homme veut tout sonder, - et savoir ! La Pensée,
La cavale longtemps, si longtemps oppressée
S'élance de son front ! Elle saura Pourquoi !...
Qu'elle bondisse libre, et l'Homme aura la Foi !
- Pourquoi l'azur muet et l'espace insondable ?
Pourquoi les astres d'or fourmillant comme un sable ?
Si l'on montait toujours, que verrait-on là-haut ?
Un Pasteur mène-t-il cet immense troupeau
De mondes cheminant dans l'horreur de l'espace ?
Et tous ces mondes-là, que l'éther vaste embrasse,
Vibrent-ils aux accents d'une éternelle voix ?
- Et l'Homme, peut-il voir ? peut-il dire : Je crois ?
La voix de la pensée est-elle plus qu'un rêve ?
Si l'homme naît si tôt, si la vie est si brève,
D'où vient-il ? Sombre-t-il dans l'Océan profond
Des Germes, des Foetus, des Embryons, au fond
De l'immense Creuset d'où la Mère-Nature
Le ressuscitera, vivante créature,
Pour aimer dans la rose, et croître dans les blés ?...

Nous ne pouvons savoir ! - Nous sommes accablés
D'un manteau d'ignorance et d'étroites chimères !
Singes d'hommes tombés de la vulve des mères,
Notre pâle raison nous cache l'infini !
Nous voulons regarder : - le Doute nous punit !
Le doute, morne oiseau, nous frappe de son aile...
- Et l'horizon s'enfuit d'une fuite éternelle !...

Le grand ciel est ouvert ! les mystères sont morts
Devant l'Homme, debout, qui croise ses bras forts
Dans l'immense splendeur de la riche nature !
Il chante... et le bois chante, et le fleuve murmure
Un chant plein de bonheur qui monte vers le jour !...
- C'est la Rédemption ! c'est l'amour ! c'est l'amour !...

IV

Ô splendeur de la chair ! ô splendeur idéale !
Ô renouveau d'amour, aurore triomphale
Où, courbant à leurs pieds les Dieux et les Héros,
Kallipyge la blanche et le petit Éros
Effleureront, couverts de la neige des roses,
Les femmes et les fleurs sous leurs beaux pieds écloses !
- Ô grande Ariadné, qui jettes tes sanglots
Sur la rive, en voyant fuir là-bas sur les flots,
Blanche sous le soleil, la voile de Thésée,
Ô douce vierge enfant qu'une nuit a brisée,
Tais-toi ! Sur son char d'or brodé de noirs raisins,
Lysios, promené dans les champs Phrygiens  
Par les tigres lascifs et les panthères rousses,
Le long des fleuves bleus rougit les sombres mousses.
- Zeus, Taureau, sur son cou berce comme une enfant
Le corps nu d'Europé, qui jette son bras blanc
Au cou nerveux du Dieu frissonnant dans la vague.
Il tourne lentement vers elle son oeil vague ;
Elle, laisse traîner sa pâle joue en fleur,
Au front de Zeus ; ses yeux sont fermés ; elle meurt
Dans un divin baiser, et le flot qui murmure
De son écume d'or fleurit sa chevelure.
- Entre le laurier-rose et le lotus jaseur
Glisse amoureusement le grand Cygne rêveur
Embrassant la Léda des blancheurs de son aile ;
- Et tandis que Cypris passe, étrangement belle,
Et, cambrant les rondeurs splendides de ses reins,
Étale fièrement l'or de ses larges seins
Et son ventre neigeux brodé de mousse noire,
- Héraclès, le Dompteur, qui, comme d'une gloire,
Fort, ceint son vaste corps de la peau du lion,
S'avance, front terrible et doux, à l'horizon !

Par la lune d'été vaguement éclairée,
Debout, nue, et rêvant dans sa pâleur dorée
Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus,
Dans la clairière sombre où la mousse s'étoile,
La Dryade regarde au ciel silencieux...
- La blanche Séléné laisse flotter son voile,
Craintive, sur les pieds du bel Endymion,
Et lui jette un baiser dans un pâle rayon...
- La Source pleure au **** dans une longue extase...
C'est la Nymphe qui rêve, un coude sur son vase,
Au beau jeune homme blanc que son onde a pressé.
- Une brise d'amour dans la nuit a passé,
Et, dans les bois sacrés, dans l'horreur des grands arbres,
Majestueusement debout, les sombres Marbres,
Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,
- Les Dieux écoutent l'Homme et le Monde infini !

Le 29 avril 1870.
Para y óyeme ¡oh sol! yo te saludo
y extático ante ti me atrevo a hablarte:
ardiente como tú mi fantasía,
arrebatada en ansia de admirarte
intrépidas a ti sus alas guía.
¡Ojalá que mi acento poderoso,
sublime resonando,
del trueno pavoroso
la temerosa voz sobrepujando,
¡oh sol! a ti llegara
y en medio de tu curso te parara!
¡Ah! Si la llama que mi mente alumbra
diera también su ardor a mis sentidos;
al rayo vencedor que los deslumbra,
los anhelantes ojos alzaría,
y en tu semblante fúlgido atrevidos,
mirando sin cesar, los fijaría.
¡Cuánto siempre te amé, sol refulgente!
¡Con qué sencillo anhelo,
siendo niño inocente,
seguirte ansiaba en el tendido cielo,
y extático te vía
y en contemplar tu luz me embebecía!
De los dorados límites de Oriente
que ciñe el rico en perlas Oceano,
al término sombroso de Occidente,
las orlas de tu ardiente vestidura
tiendes en pompa, augusto soberano,
y el mundo bañas en tu lumbre pura,
vívido lanzas de tu frente el día,
y, alma y vida del mundo,
tu disco en paz majestuoso envía
plácido ardor fecundo,
y te elevas triunfante,
corona de los orbes centellante.
Tranquilo subes del cénit dorado
al regio trono en la mitad del cielo,
de vivas llamas y esplendor ornado,
y reprimes tu vuelo:
y desde allí tu fúlgida carrera
rápido precipitas,
y tu rica encendida cabellera
en el seno del mar trémula agitas,
y tu esplendor se oculta,
y el ya pasado día
con otros mil la eternidad sepulta.
    ¡Cuántos siglos sin fin, cuántos has visto
en su abismo insondable desplomarse!
¡Cuánta pompa, grandeza y poderío
de imperios populosos disiparse!
¿Qué fueron ante ti?  Del bosque umbrío
secas y leves hojas desprendidas,
que en círculos se mecen,
y al furor de Aquilón desaparecen.
Libre tú de la cólera divina,
viste anegarse el universo entero,
cuando las hojas por Jehová lanzadas,
impelidas del brazo justiciero
y a mares por los vientos despeñadas,
bramó la tempestad; retumbó en torno
el ronco trueno y con temblor crujieron
los ejes de diamante de la tierra;
montes y campos fueron
alborotado mar, tumba del hombre.
Se estremeció el profundo;
y entonces tú, como señor del mundo,
sobre la tempestad tu trono alzabas,
vestido de tinieblas,
y tu faz engreías,
y a otros mundos en paz resplandecías,
    y otra vez nuevos siglos
viste llegar, huir, desvanecerse
en remolino eterno, cual las olas
llegan, se agolpan y huyen de Oceano,
y tornan otra vez a sucederse;
mientras inmutable tú, solo y radiante
¡oh sol! siempre te elevas,
y edades mil y mil huellas triunfante.
    ¿Y habrás de ser eterno, inextinguible,
sin que nunca jamás tu inmensa hoguera
pierda su resplandor, siempre incansable,
audaz siguiendo tu inmortal carrera,
hundirse las edades contemplando
y solo, eterno, perenal, sublime,
monarca poderoso, dominando?
No; que también la muerte,
si de lejos te sigue,
no menos anhelante te persigue.
¿Quién sabe si tal vez pobre destello
eres tú de otro sol que otro universo
mayor que el nuestro un día
con doble resplandor esclarecía!!!
    Goza tu juventud y tu hermosura,
¡oh sol!, que cuando el pavoroso día
llegue que el orbe estalle y se desprenda
de la potente mano
del Padre soberano,
y allá a la eternidad también descienda,
deshecho en mil pedazos, destrozado
y en piélagos de fuego
envuelto para siempre y sepultado;
de cien tormentas al horrible estruendo,
en tinieblas sin fin tu llama pura
entonces morirá.  noche sombría
cubrirá eterna la celeste cumbre:
ni aun quedará reliquia de tu lumbre!!!
Œil pour œil ! Dent pour dent ! Tête pour tête ! A mort !
Justice ! L'échafaud vaut mieux que le remord.
Talion ! talion !

- Silence aux cris sauvages !
Non ! assez de malheur, de meurtre et de ravages !
Assez d'égorgements ! assez de deuil ! assez
De fantômes sans tête et d'affreux trépassés !
Assez de visions funèbres dans la brume !
Assez de doigts hideux, montrant le sang qui fume,
Noirs, et comptant les trous des linceuls dans la nuit !
Pas de suppliciés dont le cri nous poursuit !
Pas de spectres jetant leur ombre sur nos têtes !
Nous sommes ruisselants de toutes les tempêtes ;
Il n'est plus qu'un devoir et qu'une vérité,
C'est, après tant d'angoisse et de calamité.
Homme, d'ouvrir son cœur, oiseau, d'ouvrir son aile
Vers ce ciel que remplit la grande âme éternelle !
Le peuple, que les rois broyaient sous leurs talons.
Est la pierre promise au temple, et nous voulons
Que la pierre bâtisse et non qu'elle lapide !
Pas de sang ! pas de mort ! C'est un reflux stupide
Que la férocité sur la férocité.
Un pilier d'échafaud soutient mal la cité.
Tu veux faire mourir ! Moi je veux faire naître !
Je mure le sépulcre et j'ouvre la fenêtre.
Dieu n'a pas fait le sang, à l'amour réservé.
Pour qu'on le donne à boire aux fentes du pavé.
S'agit-il d'égorger ? Peuples, il s'agit d'être.
Quoi ! tu veux te venger, passant ? de qui ? du maître ?
Si tu ne vaux pas mieux, que viens-tu faire ici ?
Tout mystère où l'on jette un meurtre est obscurci ;
L'énigme ensanglantée est plus âpre à résoudre ;
L'ombre s'ouvre terrible après le coup de foudre ;
Tuer n'est pas créer, et l'on se tromperait
Si l'on croyait que tout finit au couperet ;
C'est là qu'inattendue, impénétrable, immense.
Pleine d'éclairs subits, la question commence ;
C'est du bien et du mal ; mais le mal est plus grand.
Satan rit à travers l'échafaud transparent.
Le bourreau, quel qu'il soit, a le pied dans l'abîme ;
Quoi qu'elle fasse, hélas ! la hache fait un crime ;
Une lugubre nuit fume sur ce tranchant ;
Quand il vient de tuer, comme, en s'en approchant.
On frémit de le voir tout ruisselant, et comme
On sent qu'il a frappé dans l'ombre plus qu'un homme
Sitôt qu'a disparu le coupable immolé.
Hors du panier tragique où la tête a roulé.
Le principe innocent, divin, inviolable.
Avec son regard d'astre à l'aurore semblable.
Se dresse, spectre auguste, un cercle rouge au cou.
L'homme est impitoyable, hélas, sans savoir où.
Comment ne voit-il pas qu'il vit dans un problème.
Que l'homme est solidaire avec ses monstres même.
Et qu'il ne peut tuer autre chose qu'Abel !
Lorsqu'une tête tombe, on sent trembler le ciel.
Décapitez Néron, cette hyène insensée,
La vie universelle est dans Néron blessée ;
Faites monter Tibère à l'échafaud demain,
Tibère saignera le sang du genre humain.
Nous sommes tous mêlés à ce que fait la Grève ;
Quand un homme, en public, nous voyant comme un rêve.
Meurt, implorant en vain nos lâches abandons.
Ce meurtre est notre meurtre et nous en répondons ;
C'est avec un morceau de notre insouciance.
C'est avec un haillon de notre conscience.
Avec notre âme à tous, que l'exécuteur las
Essuie en s'en allant son hideux coutelas.
L'homme peut oublier ; les choses importunes
S'effacent dans l'éclat ondoyant des fortunes ;
Le passé, l'avenir, se voilent par moments ;
Les festins, les flambeaux, les feux, les diamants.
L'illumination triomphale des fêtes.
Peuvent éclipser l'ombre énorme des prophètes ;
Autour des grands bassins, au bord des claires eaux.
Les enfants radieux peuvent aux cris d'oiseaux
Mêler le bruit confus de leurs lèvres fleuries.
Et, dans le Luxembourg ou dans les Tuileries,
Devant les vieux héros de marbre aux poings crispés.
Danser, rire et chanter : les lauriers sont coupés !
La Courtille au front bas peut noyer dans les verres
Le souvenir des jours illustres et sévères ;
La valse peut ravir, éblouir, enivrer
Des femmes de satin, heureuses de livrer
Le plus de nudité possible aux yeux de flamme ;
L'***** peut murmurer son chaste épithalame ;
Le bal masqué, lascif, paré, bruyant, charmant,
Peut allumer sa torche et bondir follement.
Goule au linceul joyeux, larve en fleurs, spectre rose ;
Mais, quel que soit le temps, quelle que soit la cause.
C'est toujours une nuit funeste au peuple entier
Que celle où, conduisant un prêtre, un guichetier
Fouille au trousseau de clefs qui pend à sa ceinture
Pour aller, sur le lit de fièvre et de torture,
Réveiller avant l'heure un pauvre homme endormi,
Tandis que, sur la Grève, entrevus à demi.
Sous les coups de marteau qui font fuir la chouette.
D'effrayants madriers dressent leur silhouette.
Rougis par la lanterne horrible du bourreau.
Le vieux glaive du juge a la nuit pour fourreau.
Le tribunal ne peut de ce fourreau livide
Tirer que la douleur, l'anxiété, le vide,
Le néant, le remords, l'ignorance et l'effroi.

Qu'il frappe au nom du peuple ou venge au nom du roi.
Justice ! dites-vous. - Qu'appelez-vous justice ?
Qu'on s'entr'aide, qu'on soit des frères, qu'on vêtisse
Ceux qui sont nus, qu'on donne à tous le pain sacré.
Qu'on brise l'affreux bagne où le pauvre est muré,
Mais qu'on ne touche point à la balance sombre !
Le sépulcre où, pensif, l'homme naufrage et sombre.
Au delà d'aujourd'hui, de demain, des saisons.
Des jours, du flamboiement de nos vains horizons,
Et des chimères, proie et fruit de notre étude,
A son ciel plein d'aurore et fait de certitude ;
La justice en est l'astre immuable et lointain.
Notre justice à nous, comme notre destin.
Est tâtonnement, trouble, erreur, nuage, doute ;
Martyr, je m'applaudis ; juge, je me redoute ;
L'infaillible, est-ce moi, dis ? est-ce toi ? réponds.
Vous criez : - Nos douleurs sont notre droit. Frappons.
Nous sommes trop en butte au sort qui nous accable.
Nous sommes trop frappés d'un mal inexplicable.
Nous avons trop de deuils, trop de jougs, trop d'hivers.
Nous sommes trop souffrants, dans nos destins divers.
Tous, les grands, les petits, les obscurs, les célèbres.
Pour ne pas condamner quelqu'un dans nos ténèbres. -
Puisque vous ne voyez rien de clair dans le sort.
Ne vous hâtez pas trop d'en conclure la mort.
Fût-ce la mort d'un roi, d'un maître et d'un despote ;
Dans la brume insondable où tout saigne et sanglote,
Ne vous hâtez pas trop de prendre vos malheurs.
Vos jours sans feu, vos jours sans pain, vos cris, vos pleurs.
Et ce deuil qui sur vous et votre race tombe.
Pour les faire servir à construire une tombe.
Quel pas aurez-vous fait pour avoir ajouté
A votre obscur destin, ombre et fatalité.
Cette autre obscurité que vous nommez justice ?
Faire de l'échafaud, menaçante bâtisse.
Un autel à bénir le progrès nouveau-né,
Ô vivants, c'est démence ; et qu'aurez-vous gagné
Quand, d'un culte de mort lamentables ministres.
Vous aurez marié ces infirmes sinistres,
La justice boiteuse et l'aveugle anankè ?
Le glaive toujours cherche un but toujours manqué ;
La palme, cette flamme aux fleurs étincelantes,
Faite d'azur, frémit devant des mains sanglantes.
Et recule et s'enfuit, sensitive des cieux !
La colère assouvie a le front soucieux.
Quant à moi, tu le sais, nuit calme où je respire,
J'aurais là, sous mes pieds, mon ennemi, le pire,
Caïn juge, Judas pontife, Satan roi.
Que j'ouvrirais ma porte et dirais : Sauve-toi !

Non, l'élargissement des mornes cimetières
N'est pas le but. Marchons, reculons les frontières
De la vie ! Ô mon siècle, allons toujours plus haut !
Grandissons !

Qu'est-ce donc qu'il nous veut, l'échafaud.
Cette charpente spectre accoutumée aux foules.
Cet îlot noir qu'assiège et que bat de ses houles
La multitude aux flots inquiets et mouvants.
Ce sépulcre qui vient attaquer les vivants,
Et qui, sur les palais ainsi que sur les bouges.
Surgit, levant un glaive au bout de ses bras rouges ?
Mystère qui se livre aux carrefours, morceau
De la tombe qui vient tremper dans le ruisseau,
Bravant le jour, le bruit, les cris ; bière effrontée
Qui, féroce, cynique et lâche, semble athée !
Ô spectacle exécré dans les plus repoussants.
Une mort qui se fait coudoyer aux passants,
Qui permet qu'un crieur hors de l'ombre la tire !
Une mort qui n'a pas l'épouvante du rire.
Dévoilant l'escalier qui dans la nuit descend,
Disant : voyez ! marchant dans la rue, et laissant
La boue éclabousser son linceul semé d'astres ;
Qui, sur un tréteau, montre entre deux vils pilastres
Son horreur, son front noir, son œil de basilic ;
Qui consent à venir travailler en public,
Et qui, prostituée, accepte, sur les places,
La familiarité des fauves populaces !

Ô vivant du tombeau, vivant de l'infini,
Jéhovah ! Dieu, clarté, rayon jamais terni.
Pour faire de la mort, de la nuit, des ténèbres,
Ils ont mis ton triangle entre deux pieux funèbres ;
Et leur foule, qui voit resplendir ta lueur.
Ne sent pas à son front poindre une âpre sueur.
Et l'horreur n'étreint pas ce noir peuple unanime.
Quand ils font, pour punir ce qu'ils ont nommé crime.
Au nom de ce qu'ils ont appelé vérité.
Sur la vie, o terreur, tomber l'éternité !
Donc, c'est moi qui suis l'ogre et le bouc émissaire.
Dans ce chaos du siècle où votre coeur se serre,
J'ai foulé le bon goût et l'ancien vers françois
Sous mes pieds, et, hideux, j'ai dit à l'ombre : « Sois ! »
Et l'ombre fut. -- Voilà votre réquisitoire.
Langue, tragédie, art, dogmes, conservatoire,
Toute cette clarté s'est éteinte, et je suis
Le responsable, et j'ai vidé l'urne des nuits.
De la chute de tout je suis la pioche inepte ;
C'est votre point de vue. Eh bien, soit, je l'accepte ;
C'est moi que votre prose en colère a choisi ;
Vous me criez : « Racca » ; moi je vous dis : « Merci ! »
Cette marche du temps, qui ne sort d'une église
Que pour entrer dans l'autre, et qui se civilise ;
Ces grandes questions d'art et de liberté,
Voyons-les, j'y consens, par le moindre côté,
Et par le petit bout de la lorgnette. En somme,
J'en conviens, oui, je suis cet abominable homme ;
Et, quoique, en vérité, je pense avoir commis,
D'autres crimes encor que vous avez omis.
Avoir un peu touché les questions obscures,
Avoir sondé les maux, avoir cherché les cures,
De la vieille ânerie insulté les vieux bâts,
Secoué le passé du haut jusques en bas,
Et saccagé le fond tout autant que la forme.
Je me borne à ceci : je suis ce monstre énorme,
Je suis le démagogue horrible et débordé,
Et le dévastateur du vieil A B C D ;
Causons.

Quand je sortis du collège, du thème,
Des vers latins, farouche, espèce d'enfant blême
Et grave, au front penchant, aux membres appauvris ;
Quand, tâchant de comprendre et de juger, j'ouvris
Les yeux sur la nature et sur l'art, l'idiome,
Peuple et noblesse, était l'image du royaume ;
La poésie était la monarchie ; un mot
Était un duc et pair, ou n'était qu'un grimaud ;
Les syllabes, pas plus que Paris et que Londres,
Ne se mêlaient ; ainsi marchent sans se confondre
Piétons et cavaliers traversant le pont Neuf ;
La langue était l'état avant quatre-vingt-neuf ;
Les mots, bien ou mal nés, vivaient parqués en castes :
Les uns, nobles, hantant les Phèdres, les Jocastes,
Les Méropes, ayant le décorum pour loi,
Et montant à Versailles aux carrosses du roi ;
Les autres, tas de gueux, drôles patibulaires,
Habitant les patois ; quelques-uns aux galères
Dans l'argot ; dévoués à tous les genres bas,
Déchirés en haillons dans les halles ; sans bas,
Sans perruque ; créés pour la prose et la farce ;
Populace du style au fond de l'ombre éparse ;
Vilains, rustres, croquants, que Vaugelas leur chef
Dans le bagne Lexique avait marqué d'une F ;
N'exprimant que la vie abjecte et familière,
Vils, dégradés, flétris, bourgeois, bons pour Molière.
Racine regardait ces marauds de travers ;
Si Corneille en trouvait un blotti dans son vers,
Il le gardait, trop grand pour dire : « Qu'il s'en aille ;  »
Et Voltaire criait :  « Corneille s'encanaille ! »
Le bonhomme Corneille, humble, se tenait coi.
Alors, brigand, je vins ; je m'écriai :  « Pourquoi
Ceux-ci toujours devant, ceux-là toujours derrière ? »
Et sur l'Académie, aïeule et douairière,
Cachant sous ses jupons les tropes effarés,
Et sur les bataillons d'alexandrins carrés,

Je fis souffler un vent révolutionnaire.
Je mis un bonnet rouge au vieux dictionnaire.
Plus de mot sénateur ! plus de mot roturier !
Je fis une tempête au fond de l'encrier,
Et je mêlai, parmi les ombres débordées,
Au peuple noir des mots l'essaim blanc des idées ;
Et je dis :  « Pas de mot où l'idée au vol pur
Ne puisse se poser, tout humide d'azur ! »
Discours affreux ! -- Syllepse, hypallage, litote,
Frémirent ; je montai sur la borne Aristote,
Et déclarai les mots égaux, libres, majeurs.
Tous les envahisseurs et tous les ravageurs,
Tous ces tigres, les Huns les Scythes et les Daces,
N'étaient que des toutous auprès de mes audaces ;
Je bondis hors du cercle et brisai le compas.
Je nommai le cochon par son nom ; pourquoi pas ?
Guichardin a nommé le Borgia ! Tacite
Le Vitellius ! Fauve, implacable, explicite,
J'ôtai du cou du chien stupéfait son collier
D'épithètes ; dans l'herbe, à l'ombre du hallier,
Je fis fraterniser la vache et la génisse,
L'une étant Margoton et l'autre Bérénice.
Alors, l'ode, embrassant Rabelais, s'enivra ;
Sur le sommet du Pinde on dansait Ça ira ;
Les neuf muses, seins nus, chantaient la Carmagnole ;
L'emphase frissonna dans sa fraise espagnole ;
Jean, l'ânier, épousa la bergère Myrtil.
On entendit un roi dire : « Quelle heure est-il ? »
Je massacrais l'albâtre, et la neige, et l'ivoire,
Je retirai le jais de la prunelle noire,
Et j'osai dire au bras : « Sois blanc, tout simplement. »
Je violai du vers le cadavre fumant ;
J'y fis entrer le chiffre ; ô terreur! Mithridate
Du siège de Cyzique eût pu citer la date.
Jours d'effroi ! les Laïs devinrent des catins.
Force mots, par Restaut peignés tous les matins,

Et de Louis-Quatorze ayant gardé l'allure,
Portaient encor perruque ; à cette chevelure
La Révolution, du haut de son beffroi,
Cria : « Transforme-toi ! c'est l'heure. Remplis-toi
- De l'âme de ces mots que tu tiens prisonnière ! »
Et la perruque alors rugit, et fut crinière.
Liberté ! c'est ainsi qu'en nos rébellions,
Avec des épagneuls nous fîmes des lions,
Et que, sous l'ouragan maudit que nous soufflâmes,
Toutes sortes de mots se couvrirent de flammes.
J'affichai sur Lhomond des proclamations.
On y lisait : « Il faut que nous en finissions !
- Au panier les Bouhours, les Batteux, les Brossettes
- A la pensée humaine ils ont mis les poucettes.
- Aux armes, prose et vers ! formez vos bataillons !
- Voyez où l'on en est : la strophe a des bâillons !
- L'ode a des fers aux pieds, le drame est en cellule.
- Sur le Racine mort le Campistron pullule ! »
Boileau grinça des dents ; je lui dis :  « Ci-devant,
Silence ! » et je criai dans la foudre et le vent :
« Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe ! »
Et tout quatre-vingt-treize éclata. Sur leur axe,
On vit trembler l'athos, l'ithos et le pathos.
Les matassins, lâchant Pourceaugnac et Cathos,
Poursuivant Dumarsais dans leur hideux bastringue,
Des ondes du Permesse emplirent leur seringue.
La syllabe, enjambant la loi qui la tria,
Le substantif manant, le verbe paria,
Accoururent. On but l'horreur jusqu'à la lie.
On les vit déterrer le songe d'Athalie ;
Ils jetèrent au vent les cendres du récit
De Théramène ; et l'astre Institut s'obscurcit.
Oui, de l'ancien régime ils ont fait tables rases,
Et j'ai battu des mains, buveur du sang des phrases,
Quand j'ai vu par la strophe écumante et disant
Les choses dans un style énorme et rugissant,
L'Art poétique pris au collet dans la rue,
Et quand j'ai vu, parmi la foule qui se rue,
Pendre, par tous les mots que le bon goût proscrit,
La lettre aristocrate à la lanterne esprit.
Oui, je suis ce Danton ! je suis ce Robespierre !
J'ai, contre le mot noble à la longue rapière,
Insurgé le vocable ignoble, son valet,
Et j'ai, sur Dangeau mort, égorgé Richelet.
Oui, c'est vrai, ce sont là quelques-uns de mes crimes.
J'ai pris et démoli la bastille des rimes.
J'ai fait plus : j'ai brisé tous les carcans de fer
Qui liaient le mot peuple, et tiré de l'enfer
Tous les vieux mots damnés, légions sépulcrales ;
J'ai de la périphrase écrasé les spirales,
Et mêlé, confondu, nivelé sous le ciel
L'alphabet, sombre tour qui naquit de Babel ;
Et je n'ignorais pas que la main courroucée
Qui délivre le mot, délivre la pensée.

L'unité, des efforts de l'homme est l'attribut.
Tout est la même flèche et frappe au même but.

Donc, j'en conviens, voilà, déduits en style honnête,
Plusieurs de mes forfaits, et j'apporte ma tête.
Vous devez être vieux, par conséquent, papa,
Pour la dixième fois j'en fais meâ culpâ.
Oui, si Beauzée est dieu, c'est vrai, je suis athée.
La langue était en ordre, auguste, époussetée,
Fleur-de-lys d'or, Tristan et Boileau, plafond bleu,
Les quarante fauteuils et le trône au milieu ;
Je l'ai troublée, et j'ai, dans ce salon illustre,
Même un peu cassé tout ; le mot propre, ce rustre,
N'était que caporal : je l'ai fait colonel ;
J'ai fait un jacobin du pronom personnel ;
Dur participe, esclave à la tête blanchie,
Une hyène, et du verbe une hydre d'anarchie.

Vous tenez le reum confitentem. Tonnez !
J'ai dit à la narine : « Eh mais ! tu n'es qu'un nez !  »
J'ai dit au long fruit d'or : « Mais tu n'es qu'une poire !  »
J'ai dit à Vaugelas : « Tu n'es qu'une mâchoire ! »
J'ai dit aux mots : « Soyez république ! soyez
La fourmilière immense, et travaillez ! Croyez,
Aimez, vivez ! » -- J'ai mis tout en branle, et, morose,
J'ai jeté le vers noble aux chiens noirs de la prose.

Et, ce que je faisais, d'autres l'ont fait aussi ;
Mieux que moi. Calliope, Euterpe au ton transi,
Polymnie, ont perdu leur gravité postiche.
Nous faisons basculer la balance hémistiche.
C'est vrai, maudissez-nous. Le vers, qui, sur son front
Jadis portait toujours douze plumes en rond,
Et sans cesse sautait sur la double raquette
Qu'on nomme prosodie et qu'on nomme étiquette,
Rompt désormais la règle et trompe le ciseau,
Et s'échappe, volant qui se change en oiseau,
De la cage césure, et fuit vers la ravine,
Et vole dans les cieux, alouette divine.

Tous les mots à présent planent dans la clarté.
Les écrivains ont mis la langue en liberté.
Et, grâce à ces bandits, grâce à ces terroristes,
Le vrai, chassant l'essaim des pédagogues tristes,
L'imagination, tapageuse aux cent voix,
Qui casse des carreaux dans l'esprit des bourgeois ;
La poésie au front triple, qui rit, soupire
Et chante, raille et croit ; que Plaute et Shakspeare
Semaient, l'un sur la plebs, et l'autre sur le mob ;
Qui verse aux nations la sagesse de Job
Et la raison d'Horace à travers sa démence ;
Qu'enivre de l'azur la frénésie immense,
Et qui, folle sacrée aux regards éclatants,
Monte à l'éternité par les degrés du temps,

La muse reparaît, nous reprend, nous ramène,
Se remet à pleurer sur la misère humaine,
Frappe et console, va du zénith au nadir,
Et fait sur tous les fronts reluire et resplendir
Son vol, tourbillon, lyre, ouragan d'étincelles,
Et ses millions d'yeux sur ses millions d'ailes.

Le mouvement complète ainsi son action.
Grâce à toi, progrès saint, la Révolution
Vibre aujourd'hui dans l'air, dans la voix, dans le livre ;
Dans le mot palpitant le lecteur la sent vivre ;
Elle crie, elle chante, elle enseigne, elle rit,
Sa langue est déliée ainsi que son esprit.
Elle est dans le roman, parlant tout bas aux femmes.
Elle ouvre maintenant deux yeux où sont deux flammes,
L'un sur le citoyen, l'autre sur le penseur.
Elle prend par la main la Liberté, sa soeur,
Et la fait dans tout homme entrer par tous les pores.
Les préjugés, formés, comme les madrépores,
Du sombre entassement des abus sous les temps,
Se dissolvent au choc de tous les mots flottants,
Pleins de sa volonté, de son but, de son âme.
Elle est la prose, elle est le vers, elle est le drame ;
Elle est l'expression, elle est le sentiment,
Lanterne dans la rue, étoile au firmament.
Elle entre aux profondeurs du langage insondable ;
Elle souffle dans l'art, porte-voix formidable ;
Et, c'est Dieu qui le veut, après avoir rempli
De ses fiertés le peuple, effacé le vieux pli
Des fronts, et relevé la foule dégradée,
Et s'être faite droit, elle se fait idée !

Paris, janvier 1834.
Sonnet.

Dans les caveaux d'insondable tristesse
Où le Destin m'a déjà relégué ;
Où jamais n'entre un rayon rose et *** ;
Où, seul avec la Nuit, maussade hôtesse,

Je suis comme un peintre qu'un Dieu moqueur
Condamne à peindre, hélas ! sur les ténèbres ;
Où, cuisinier aux appétits funèbres,
Je fais bouillir et je mange mon coeur,

Par instants brille, et s'allonge, et s'étale
Un spectre fait de grâce et de splendeur.
A sa rêveuse allure orientale,

Quand il atteint sa totale grandeur,
Je reconnais ma belle visiteuse :
C'est Elle ! noire et pourtant lumineuse.
Le spectre que parfois je rencontre riait.
- Pourquoi ris-tu ? Lui dis-je. - Il dit : - Homme inquiet,
Regarde.
Il me montrait dans l'ombre un cimetière.

J'y vis une humble croix près d'une croix altière ;
L'une en bois, l'autre en marbre ; et le spectre reprit,
Tandis qu'au **** le vent passait comme un esprit
Et des arbres profonds courbait les sombres têtes :

- Jusque dans le cercueil vous êtes vains et bêtes.
Oui, gisants, vous laissez debout la vanité.
Vous la sculptez au seuil du tombeau redouté,
Et vous lui bâtissez des tours et des coupoles.
Et, morts, vous êtes fiers.

Oui, dans vos nécropoles,
Dans ces villes du deuil que vos brumeux Paris
Construisent à côté du tumulte et des cris,
On trouve tout, des bois où jasent les fauvettes,
Des jets d'eau jaillissant du jaspe des cuvettes,
Un paysage vert, voluptueux, profond,
Où le nuage avec la plaine se confond,
La calèche où souvent l'œil cherche la civière,
Des prêtres sous le frais lisant leur bréviaire,
Du soleil en hiver, de l'ombrage en été,
Des roses, des chansons, tout, hors l'égalité.
Vous avez des charniers et des Pères-Lachaises
Où Samuel Bernard seul peut prendre ses aises,
Dormir en paix, jouir d'un caveau bien muré,
Et se donner les airs d'être à jamais pleuré,
Et s'adjuger, derrière une grille solide,
Des fleurs que le Temps garde en habit d'invalide.
Quant aux morts indigents, on leur donne congé ;
On chasse d'auprès d'eux le sanglot prolongé ;
Et le pauvre n'a pas le droit de pourriture.
Un jour, on le déblaie. On prend sa sépulture
Pour grandir d'une toise un monument pompeux.
- Misérable, va-t'en. Deviens ce que tu peux.
Quoi ! Tu prétends moisir ici parmi ces marbres,
Faire boucher le nez aux passants sous ces arbres,
Te carrer sous cette herbe, être au fond de ton trou
Charogne comme un autre, et tu n'as pas le sou !
Qu'est-ce que ce mort-là qui n'a rien dans sa poche !
Décampe. - Et la brouette et la pelle et la pioche
Arrachent le dormeur à son dur traversin.
Sus ! Place à monseigneur le sépulcre voisin !
Ce n'est rien d'être mort, il faut avoir des rentes.
Les carcasses des gueux sont fort mal odorantes ;
Les morts bien nés font bande à part dans le trépas ;
Le sépulcre titré ne fraternise pas
Avec la populace anonyme des bières ;
La cendre tient son rang vis-à-vis des poussières ;
Et tel mort dit : pouah ! Devant tel autre mort.
Le gentleman, à l'heure où l'acarus le mord,
Se maintient délicat et dégoûté. C'est triste.
Et j'en ris. Le linceul peut être de batiste !
Chez vous, oui, sous la croix de l'humble Dieu Jésus,
Les trépassés à court d'argent sont mal reçus ;
L'abîme a son dépôt de mendicité ; l'ombre
Met d'un côté l'élite et de l'autre le nombre ;
On n'est jamais moins près qu'alors qu'on se rejoint ;
Dans la mort vague et blême on ne se mêle point ;
On reste différent même à ce clair de lune ;
Le peuple dans la tombe a nom fosse commune.
La tombe impartiale ! Allons donc ! Le ci-gît
Tantôt se rétrécit et tantôt s'élargit ;
Le péage, réglé par arrêté du maire,
Fait Beaujon immortel et Chodruc éphémère.
Pourrir gratis ! Jamais ! Le terrain est trop cher.
Tandis que, tripotant ce qui fut de la chair,
La chimie, en son antre où vole la phalène,
Fait de l'adipocire et du blanc de baleine
Avec le résidu des pâles meurt-de-faim,
Tel cadavre, vêtu d'un suaire en drap fin,
Regarde en souriant la mort aux yeux de tigre,
Jette au spectre sa bourse, et dit : Marquis d'Aligre.
Vos catacombes ont des perpétuités
Pour ceux-ci pour ceux-là des répits limités.
Votre tombe est un gouffre où le riche surnage.
Ce mort n'a pas payé son terme ; il déménage.
Le fantôme, branlant sur ses blancs tibias,
Portant tout avec lui, s'en va, comme Bias ;
Vivant, il fut sans pain, et, mort, il est sans terre.
L'ossuaire répugne aux os du prolétaire.
Seul Rothschild, dans l'oubli du caveau sans échos,
Est mangé par des rats et par des asticots
Qu'il paye et dont il est maître et propriétaire.
Oui, c'est l'étonnement de la pariétaire,
Du brin d'herbe, de l'if aussi noir que le jais,
Du froid cyprès, du saule en pleurs, de voir sujets
À des expulsions sommaires et subites
Des crânes qui n'ont plus leurs yeux dans leurs orbites.
Vos cimetières sont des lieux changeants, flottants,
Précaires, où les morts vont passer quelque temps,
À peine admis au seuil des ténébreux mystères,
Et l'éternité sombre y prend des locataires.
Quoi ! C'est là votre mort ! C'est avec de l'orgueil
Que vous doublez le bois lugubre du cercueil !
Vous gardez préséance, honneurs, grade, avantages !
Vous conservez au fond du néant des étages !
La chimère est bouffonne. Ah ! La prétention
Est rare, dans le lieu de disparition !

Quoi ! Privilégier ce qui n'est plus ! Quoi ! Faire
Des grands et des petits dans l'insondable sphère !
Traiter Jean comme peste et Paul comme parfum !
Être mort, et vouloir encore être quelqu'un !
Quoi ! Dans le pourrissoir emporter l'opulence !
Faire sonner son or dans l'éternel silence !
Avoir, de par cet or dont sur terre on brilla,
Droit de tomber en poudre ici plutôt que là !
Arriver dans la nuit ainsi que des lumières !
Prendre dans le tombeau des places de premières !
Ne pas entendre Dieu qui dit au riche : assez !
Je cesserai d'en rire, ô vivants insensés,
Le jour où j'apprendrai que c'est vrai, que, dans l'ombre
De l'incommensurable et ténébreux décombre,
L'archange à l'aile noire, assis à son bureau,
Toise les morts, leur donne à tous un numéro,
Discute leur obole, or ou plomb, vraie ou fausse,
Et la pèse, et marchande au squelette sa fosse !
Le jour où j'apprendrai que la chose est ainsi,
Que Lucullus sous terre est du fumier choisi,
Que le bouton d'or perd ou double sa richesse
S'il sort d'une grisette ou bien d'une duchesse,
Qu'un lys qui naît d'un pauvre est noir comme charbon,
Que, mort, Lazare infecte et qu'Aguado sent bon !
Le jour où j'apprendrai que dans l'azur terrible
L'éternel a des trous inégaux à son crible ;
Et que, dans le ciel sombre effroi de vos remords,
S'il voit passer, porté par quatre croque-morts,
Un cadavre fétide et hideux, le tonnerre
Demande à l'ouragan : - est-ce un millionnaire ?
Le jour où j'apprendrai que la tombe, en effet,
Que l'abîme, selon le tarif du préfet,
Trafique de sa nuit et de son épouvante,
Et que la mort a mis les vers de terre en vente !

Le 18 mars 1870.
Nis Jul 2018
La niña ahogada usa su mirar y explora,
indaga con sus ojos profundos su soledad sonora.
La niña ahogada es sabia y sabe,
sabe la sonoridad de la ausencia,
conoce el timbre de los pájaros callados
y el color de ojos de la soledad.
La niña ahogada sabe demasiado
y tal vez por eso la soledad le ahoga.
Luces de cristal, color transparente,
brillan en sus ojos añejos, añejos de ausencia.

En su boca yace una última sonrisa,
una risa de nostalgia de tiempos que no sucedieron.
La niña ahogada se ríe sola, porque está sola
y solamente ella se escucha.
Se escucha entre tinieblas, entre el ruido se entrevé.
En la noche de su risa solo hay sitio para una
pero ella no está, está ahogada,
y la dulcez del mar le susurra en sus adentros
lo que nunca ha sido escrito
lo que no debe ser escrito
y mientras la luz de la luna le grita
la niña ahogada se hunde.

Se hunde en si misma
cuál enredadera, cual caballo de ajedrez.
Se hunde y busca un apoyo
más en su eterno saber
sabe eterno este mar insondable,
sabe infinita su soledad propia
y su ausencia ajena.

//

The drowned girl uses her seeing and explores,
she stares with her deep eyes at her loud loneliness.
The drowned girl is knowing and knows,
she knows the loudness of her absence,
she knows the timbre of quiet birds
and the eye colour of loneliness.
The drowning girl knows todo much
and maybe that's why loneliness drowns herramientas.
Crystal lights, of transparent colour,
shine in her aged eyes, aged with absence.

On her mouth lies one last smile,
one laugh of nostalgia oferta times that did not happen.
The drowned girl laughs alone, because she is alone
and only she listens.
She listens among shadows, among noise she glimpses at herself.
In the night of her laugh there's only room for one
but she's not there, she's drowned,
and the sweetness of the sea murmurs in her insides
What has never been written
what must never be written
and while the light of the moon shouts at her
the drowned girl sinks.

She sinks into herself
like a climbing planta, like a chess knight.
She sinks and she looks for support
but in her endless knowing
she knows endless this fathomless sea,
she knows infinite her own loneliness
and her alien absence.
He aquí que hoy saludo, me pongo el cuello y vivo,
superficial de pasos insondable de plantas.
Tal me recibo de hombre, tal más bien me despido
y de cada hora mía retoña una distanciA.

¿Queréis más? encantado.
Políticamente, mi palabra
emite cargos contra mi labio inferior
y económicamente,
cuando doy la espalda a Oriente,
distingo en dignidad de muerte a mis visitas.

Desde totales códigos regulares saludo
al soldado desconocido
al verso perseguido por la tinta fatal
y al saurio que Equidista diariamente
de su vida y su muerte,
como quien no hace la cosa.

El tiempo tiene un miedo ciempiés a los relojes.

(Los lectores pueden poner el título que quieran a este poema)
Duele la piel del ser lejano ausente
bajo la piel que riega la honda pena,
faltan las blancas manos de azucena
y el corazón de heridas se resiente.

Abismos de pasíon Amor presiente
en la insondable noche -azul serena-
porque la amada fue una estrella ajena
que sin saber llegó cuando el poniente.

El largo recorrido fue distancia
para medir la inmensidad desierta
que diluyó el sabor de la fragancia.

Inútilmente la pupila abierta
escruta los rincones de la estancia
porque se fue el Amor estando alerta.
Leydis May 2018
Me miras con perfidia

pretendiendo domar mi recinto.

Presumes tu sabiduría

sin saber que yo soy, ¡guía audaz!

Que llevo más de diez vidas

perfeccionando mis gritos,

cuyo sonidos te llevaran al

olimpo de los seres invictos.


Gimos con algoritmos que descifran

los calóricos revoltillos de una mente esculpida

que sabe sumergirse; en insondable pozos,

complacerte, hasta que logres tu propósito,

hasta que digas ¡eureka! la novena maravilla,

la he encontrado, en tu llanto pasional.


Me miras y pretendes amedrentarme,

pretendes que huya de mi desnudez

y yo sencillamente, te reto a que te

atiborres de mi ser..,

a que te pierdas en mi querer;

que no te avergüences de mi placer y

que escuches en mis suspiros

los quejidos de mi erotismo.


Me miras como quien pretende impresionar

y yo con la mirada fija..,

te reto a que descubras mi castidad;

Que te enganches de mi honduras,

que te aferres a mi cintura,

que te enamores de mi sabrosura,

que te deshagas de tu cordura

y respondas al clamo de mis deseos

que te hacen un llamado visceral.


Que apruebes conmigo los sabores del tiempo,

con feroces besos, que van componiendo

la canción perfecta, hasta que lleguemos

a nuestro destino pasional.


Te dije alguna vez y te lo diré otra vez,

“Yo no gimo, yo gruñó como loba,

maulló como perra” brinco hasta  

afincarme en tus cinco sentidos,

y logres entender, que tú serás un lobo maldito,

pero, a mi amor !no lo puedes someter!
Rosas Mar 2018
Quiero saber qué tan inmenso es el cielo,
caer dormida en la hierba primaveral,
colgarme al cuello un prisma.

Sentir tanto el calor del sol como el deshielo
y llenarme de la vida de tu aliento.
Fingir amar a contraluz,
fatigarme en exceso.

Lejos, en una distancia insondable,
yace mi corazón indulgente, y espero,
con la luna llena sabiendo mis anhelos,
el día en que inerte desespere a tu regreso.

Dulce agónico pensamiento,
último,
vives en mi mente sin reproche.
Maravillas de otra edad;
Prodigios de lo pasado;
Páginas que no ha estudiado
La indolente humanidad.
¿Por qué vuestra majestad
Causa entusiasmo y pavor?
Porque de tanto esplendor
Y de tantas muertas galas,
Están batiendo las alas
Los siglos en derredor.

Muda historia de granito
Que erguida en pie te mantienes,
¿Qué nos escondes? ¿Qué tienes
Por otras razas escrito?
Cada inmenso monolito,
Del arte eximio trabajo,
¿Quién lo labró? ¿Quién lo trajo
A do nadie lo derriba?
Lo saben, Dios allá arriba;
La soledad aquí abajo.

Cada obelisco de pie
Me dice en muda arrogancia:
Tú eres dudas e ignorancia,
Yo soy el arte y la fe,
Semejan de lo que fue
Los muros viejos guardianes…
¡Qué sacrificios! ¡qué afanes
Revela lo que contemplo!
Labrado está cada templo
No por hombres, por titanes.

En nuestros tiempos ¿qué son
Los ritos, usos y leyes,
De sacerdotes y reyes
Que aquí hicieron oración?
Una hermosa tradición
Cuya antigüedad arredra;
Ruinas que viste la yedra
Y que adorna el jaramago:
¡La epopeya del estrago
Escrita en versos de piedra!

Del palacio la grandeza;
Del templo la pompa extraña;
La azul y abrupta montaña
Convertida en fortaleza;
Todo respira tristeza,
Olvido, luto, orfandad;
¡Aun del so l la claridad
Se torna opaca y medrosa
En la puerta misteriosa
De la negra eternidad!

Despojo de lo ignorado,
Busca un trono la hoja seca
En la multitud greca
Del frontón desportillado.
Al penate derribado
La ortiga encubre y escuda;
Ya socavó mano ruda
La perdurable muralla…
Viajero: medita y calla…
¡Lo insondable nos saluda!

Sabio audaz, no inquieras nada,
Que no sabrás más que yo;
Aquí una raza vivió
Heroica y civilizada;
Extinta o degenerada,
Sin renombre y sin poder,
De su misterioso ser
Aquí el esplendor se esconde
Y aquí sólo Dios responde
¡Y Dios no ha de responder!
Dans un grand jardin en cinq actes,
Conforme aux préceptes du goût,
Où les branches étaient exactes,
Où les fleurs se tenaient debout,

Quelques clématites sauvages
Poussaient, pauvres bourgeons pensifs,
Parmi les nobles esclavages
Des buis, des myrtes et des ifs.

Tout près, croissait, sur la terrasse
Pleine de dieux bien copiés,
Un rosier de si grande race
Qu'il avait du marbre à ses pieds.

La rose sur les clématites
Fixait ce regard un peu sec
Que Rachel jette à ces petites
Qui font le choeur du drame grec.

Ces fleurs, tremblantes et pendantes,
Dont Zéphyre tenait le fil,
Avaient des airs de confidentes
Autour de la reine d'avril.

La haie, où s'ouvraient leurs calices
Et d'où sortaient ces humbles fleurs,
Écoutait du bord des coulisses
Le rire des bouvreuils siffleurs.

Parmi les brises murmurantes
Elle n'osait lever le front ;
Cette mère de figurantes
Était un peu honteuse au fond.

Et je m'écriai : - Fleurs éparses
Près de la rose en ce beau lieu,
Non, vous n'êtes pas les comparses
Du grand théâtre du bon Dieu.

Tout est de Dieu l'oeuvre visible.
La rose, en ce drame fécond,
Dit le premier vers, c'est possible,
Mais le bleuet dit le second.

Les esprits vrais, que l'aube arrose,
Ne donnent point dans ce travers
Que les campagnes sont en prose
Et que les jardins sont en vers.

Avril dans les ronces se vautre,
Le faux art que l'ennui couva
Lâche le critique Lenôtre
Sur le poète Jéhovah.

Mais cela ne fait pas grand-chose
À l'immense sérénité,
Au ciel, au calme grandiose
Du philosophe et de l'été.

Qu'importe ! croissez, fleurs vermeilles !
Soeurs, couvrez la terre aux flancs bruns,
L'hésitation des abeilles
Dit l'égalité des parfums.

Croissez, plantes, tiges sans nombre !
Du verbe vous êtes les mots.
Les immenses frissons de l'ombre
Ont besoin de tous vos rameaux.

Laissez, broussailles étoilées,
Bougonner le vieux goût boudeur ;
Croissez, et sentez-vous mêlées
À l'inexprimable grandeur !

Rien n'est haut et rien n'est infime.
Une goutte d'eau pèse un ciel ;
Et le mont Blanc n'a pas de cime
Sous le pouce de l'Éternel.

Toute fleur est un premier rôle ;
Un ver peut être une clarté ;
L'homme et l'astre ont le même pôle ;
L'infini, c'est l'égalité.

L'incommensurable harmonie,
Si tout n'avait pas sa beauté,
Serait insultée et punie
Dans tout être déshérité.

Dieu, dont les cieux sont les pilastres,
Dans son grand regard jamais las
Confond l'éternité des astres
Avec la saison des lilas.

Les prés, où chantent les cigales,
Et l'Ombre ont le même cadran.
Ô fleurs, vous êtes les égales
Du formidable Aldébaran.

L'intervalle n'est qu'apparence.
Ô bouton d'or tremblant d'émoi,
Dieu ne fait pas de différence
Entre le zodiaque et toi.

L'être insondable est sans frontière.
Il est juste, étant l'unité.
La création tout entière
Attendrit sa paternité.

Dieu, qui fit le souffle et la roche,
Oeil de feu qui voit nos combats,
Oreille d'ombre qui s'approche
De tous les murmures d'en bas,

Dieu, le père qui mit dans les fêtes
Dans les éthers, dans les sillons,
Qui fit pour l'azur les comètes
Et pour l'herbe les papillons,

Et qui veut qu'une âme accompagne
Les êtres de son flanc sortis,
Que l'éclair vole à la montagne
Et la mouche au myosotis,

Dieu, parmi les mondes en fuite,
Sourit, dans les gouffres du jour,
Quand une fleur toute petite
Lui conte son premier amour.
En el mercado verde,
bala
del profundo
océano,
proyectil
natatorio,
te vi,
muerto.

Todo a tu alrededor
eran lechugas,
espuma
de la tierra,
zanahorias,
racimos,
pero
de la verdad
marina,
de lo desconocido,
de la
insondable
sombra,
agua
profunda,
abismo,
sólo tú sobrevivías
alquitranado, barnizado,
testigo
de la profunda noche.

Sólo tú, bala oscura
del abismo,
certera,
destruida
sólo en un punto,
siempre
renaciendo,
anclando en la corriente
sus aladas aletas,
circulando
en la velocidad,
en el transcurso
de
la
sombra
marina
como enlutada flecha,
dardo del mar,
intrépida aceituna.

Muerto te vi,
difunto rey
de mi propio océano,
ímpetu
verde, abeto
submarino,
nuez
de los maremotos,
allí,
despojo muerto,
en el mercado
era
sin embargo
tu forma
lo único dirigido
entre
la confusa derrota
de la naturaleza:
entre la verdura frágil
estabas
solo como una nave,
armado
entre legumbres,
con ala y proa negras y aceitadas,
como si aún tú fueras
la embarcación del viento,
la única
y pura
máquina
marina:
intacta navegando
las aguas de la muerte.
Ha muerto Rubén Darío,
        ¡el de las piedras preciosas!
Hermano, ¡cuántas noches tu espíritu y el mío,
unidos para el vuelo, cual dos alas ansiosas,
sondar quisieron ávidas el Enigma sombrío,
más allá de los astros y de las nebulosas!

          Ha muerto Rubén Darío,
          ¡el de las piedras preciosas!

¡Cuántos años intensos junto al Sena vivimos,
engarzando en el oro de un común ideal
los versos juveniles que, a veces, brotar vimos
como brotan dos rosas a un tiempo de un rosal!

Hoy tu vida, inquieta cual torrente bravío,
en el Mar de las Causas desembocó; ya posas
las plantas errabundas en el islote frío
que pintó Böckin... ¡ya sabes todas las cosas!

          Ha muerto Rubén Darío,
          ¡el de las piedras preciosas!

Mis ondas rezagadas van de las tuyas; pero
pronto en el insondable y eterno mar del todo
se saciara mi espíritu de lo que saber quiero:
del Cómo y del Porqué, de la Esencia y del Modo.

Y tú, como en Lutecia las tardes misteriosas
en que pensamos juntos a la orilla del Río
lírico, habrás de guiarme... Yo iré donde tu osas,
para robar entrambos al musical vacío
y al coro de los orbes sus claves portentosas...

          Ha muerto Rubén Darío
          ¡el de las piedras preciosas!
Un día Juan, el soñador de Patmos,
el creador de las visiones hórridas,
que en el sombrío muro del abismo
leyó palabras que al mortal asombran,

Dijo a su Águila: «Elévame en tus alas,
Que quiero ver de Jehová la gloria».
Y cruzó los espacios. Y los cielos
al fin se abrieron a su vista absorta.

Y se asomó al abismo en que golpean
de la insondable Eternidad las olas,
y nada columbró... Todo era noche...
¡La grandeza de Dios formaba sombra!
Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l'amour brûlant à la terre ravie,
Et, quand on est couché sur la vallée, on sent
Que la terre est nubile et déborde de sang ;
Que son immense sein, soulevé par une âme,
Est d'amour comme Dieu, de chair comme la femme,
Et qu'il renferme, gros de sève et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons !

Et tout croît, et tout monte !

- Ô Vénus, ô Déesse !
Je regrette les temps de l'antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d'amour l'écorce des rameaux
Et dans les nénufars baisaient la Nymphe blonde !
Je regrette les temps où la sève du monde,
L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers !
Où le sol palpitait, vert, sous ses pieds de chèvre ;
Où, baisant mollement le clair syrinx, sa lèvre
Modulait sous le ciel le grand hymne d'amour ;
Où, debout sur la plaine, il entendait autour
Répondre à son appel la Nature vivante ;
Où les arbres muets, berçant l'oiseau qui chante,
La terre berçant l'homme, et tout l'Océan bleu
Et tous les animaux aimaient, aimaient en Dieu !
Je regrette les temps de la grande Cybèle
Qu'on disait parcourir, gigantesquement belle,
Sur un grand char d'airain, les splendides cités ;
Son double sein versait dans les immensités
Le pur ruissellement de la vie infinie.
L'Homme suçait, heureux, sa mamelle bénie,
Comme un petit enfant, jouant sur ses genoux.
- Parce qu'il était fort, l'Homme était chaste et doux.

Misère ! Maintenant il dit : Je sais les choses,
Et va, les yeux fermés et les oreilles closes.
Et pourtant, plus de dieux ! plus de dieux ! l'Homme est Roi,
L'Homme est Dieu ! Mais l'Amour, voilà la grande Foi !
Oh ! si l'homme puisait encore à ta mamelle,
Grande mère des dieux et des hommes, Cybèle ;
S'il n'avait pas laissé l'immortelle Astarté
Qui jadis, émergeant dans l'immense clarté
Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Montra son nombril rose où vint neiger l'écume,
Et fit chanter, Déesse aux grands yeux noirs vainqueurs,
Le rossignol aux bois et l'amour dans les coeurs !

II

Je crois en toi ! je crois en toi ! Divine mère,
Aphrodite marine ! - Oh ! la route est amère
Depuis que l'autre Dieu nous attelle à sa croix ;
Chair, Marbre, Fleur, Vénus, c'est en toi que je crois !
- Oui, l'Homme est triste et laid, triste sous le ciel vaste.
Il a des vêtements, parce qu'il n'est plus chaste,
Parce qu'il a sali son fier buste de dieu,
Et qu'il a rabougri, comme une idole au feu,
Son cors Olympien aux servitudes sales !
Oui, même après la mort, dans les squelettes pâles
Il veut vivre, insultant la première beauté !
- Et l'Idole où tu mis tant de virginité,
Où tu divinisas notre argile, la Femme,
Afin que l'Homme pût éclairer sa pauvre âme
Et monter lentement, dans un immense amour,
De la prison terrestre à la beauté du jour,
La Femme ne sait plus même être courtisane !
- C'est une bonne farce ! et le monde ricane
Au nom doux et sacré de la grande Vénus !

III

Si les temps revenaient, les temps qui sont venus !
- Car l'Homme a fini ! l'Homme a joué tous les rôles !
Au grand jour, fatigué de briser des idoles,
Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux,
Et, comme il est du ciel, il scrutera les cieux !
L'Idéal, la pensée invincible, éternelle,
Tout ; le dieu qui vit, sous son argile charnelle,
Montera, montera, brûlera sous son front !
Et quand tu le verras sonder tout l'horizon,
Contempteur des vieux jougs, libre de toute crainte,
Tu viendras lui donner la Rédemption sainte !
- Splendide, radieuse, au sein des grandes mers
Tu surgiras, jetant sur le vaste Univers
L'Amour infini dans un infini sourire !
Le Monde vibrera comme une immense lyre
Dans le frémissement d'un immense baiser !

- Le Monde a soif d'amour : tu viendras l'apaiser.

Ô ! L'Homme a relevé sa tête libre et fière !
Et le rayon soudain de la beauté première
Fait palpiter le dieu dans l'autel de la chair !
Heureux du bien présent, pâle du mal souffert,
L'Homme veut tout sonder, - et savoir ! La Pensée,
La cavale longtemps, si longtemps oppressée
S'élance de son front ! Elle saura Pourquoi !...
Qu'elle bondisse libre, et l'Homme aura la Foi !
- Pourquoi l'azur muet et l'espace insondable ?
Pourquoi les astres d'or fourmillant comme un sable ?
Si l'on montait toujours, que verrait-on là-haut ?
Un Pasteur mène-t-il cet immense troupeau
De mondes cheminant dans l'horreur de l'espace ?
Et tous ces mondes-là, que l'éther vaste embrasse,
Vibrent-ils aux accents d'une éternelle voix ?
- Et l'Homme, peut-il voir ? peut-il dire : Je crois ?
La voix de la pensée est-elle plus qu'un rêve ?
Si l'homme naît si tôt, si la vie est si brève,
D'où vient-il ? Sombre-t-il dans l'Océan profond
Des Germes, des Foetus, des Embryons, au fond
De l'immense Creuset d'où la Mère-Nature
Le ressuscitera, vivante créature,
Pour aimer dans la rose, et croître dans les blés ?...

Nous ne pouvons savoir ! - Nous sommes accablés
D'un manteau d'ignorance et d'étroites chimères !
Singes d'hommes tombés de la vulve des mères,
Notre pâle raison nous cache l'infini !
Nous voulons regarder : - le Doute nous punit !
Le doute, morne oiseau, nous frappe de son aile...
- Et l'horizon s'enfuit d'une fuite éternelle !...

Le grand ciel est ouvert ! les mystères sont morts
Devant l'Homme, debout, qui croise ses bras forts
Dans l'immense splendeur de la riche nature !
Il chante... et le bois chante, et le fleuve murmure
Un chant plein de bonheur qui monte vers le jour !...
- C'est la Rédemption ! c'est l'amour ! c'est l'amour !...

IV

Ô splendeur de la chair ! ô splendeur idéale !
Ô renouveau d'amour, aurore triomphale
Où, courbant à leurs pieds les Dieux et les Héros,
Kallipyge la blanche et le petit Éros
Effleureront, couverts de la neige des roses,
Les femmes et les fleurs sous leurs beaux pieds écloses !
- Ô grande Ariadné, qui jettes tes sanglots
Sur la rive, en voyant fuir là-bas sur les flots,
Blanche sous le soleil, la voile de Thésée,
Ô douce vierge enfant qu'une nuit a brisée,
Tais-toi ! Sur son char d'or brodé de noirs raisins,
Lysios, promené dans les champs Phrygiens  
Par les tigres lascifs et les panthères rousses,
Le long des fleuves bleus rougit les sombres mousses.
- Zeus, Taureau, sur son cou berce comme une enfant
Le corps nu d'Europé, qui jette son bras blanc
Au cou nerveux du Dieu frissonnant dans la vague.
Il tourne lentement vers elle son oeil vague ;
Elle, laisse traîner sa pâle joue en fleur,
Au front de Zeus ; ses yeux sont fermés ; elle meurt
Dans un divin baiser, et le flot qui murmure
De son écume d'or fleurit sa chevelure.
- Entre le laurier-rose et le lotus jaseur
Glisse amoureusement le grand Cygne rêveur
Embrassant la Léda des blancheurs de son aile ;
- Et tandis que Cypris passe, étrangement belle,
Et, cambrant les rondeurs splendides de ses reins,
Étale fièrement l'or de ses larges seins
Et son ventre neigeux brodé de mousse noire,
- Héraclès, le Dompteur, qui, comme d'une gloire,
Fort, ceint son vaste corps de la peau du lion,
S'avance, front terrible et doux, à l'horizon !

Par la lune d'été vaguement éclairée,
Debout, nue, et rêvant dans sa pâleur dorée
Que tache le flot lourd de ses longs cheveux bleus,
Dans la clairière sombre où la mousse s'étoile,
La Dryade regarde au ciel silencieux...
- La blanche Séléné laisse flotter son voile,
Craintive, sur les pieds du bel Endymion,
Et lui jette un baiser dans un pâle rayon...
- La Source pleure au **** dans une longue extase...
C'est la Nymphe qui rêve, un coude sur son vase,
Au beau jeune homme blanc que son onde a pressé.
- Une brise d'amour dans la nuit a passé,
Et, dans les bois sacrés, dans l'horreur des grands arbres,
Majestueusement debout, les sombres Marbres,
Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,
- Les Dieux écoutent l'Homme et le Monde infini !

Le 29 avril 1870.
À un ami.

C'est vrai, pour un instant je laisse
Tous nos grands problèmes profonds ;
Je menais des monstres en laisse,
J'errais sur le char des griffons.

J'en descends ; je mets pied à terre ;
Plus ****, demain, je pousserai
Plus **** encor dans le mystère
Les strophes au vol effaré.

Mais l'aigle aujourd'hui me distance ;
(Sois tranquille, aigle, on t'atteindra)
Ma strophe n'est plus qu'une stance ;
Meudon remplace Denderah.

Je suis avec l'onde et le cygne,
Dans les jasmins, dans floréal,
Dans juin, dans le blé, dans la vigne,
Dans le grand sourire idéal.

Je sors de l'énigme et du songe.
La mort, le joug, le noir, le bleu,
L'échelle des êtres qui plonge
Dans ce gouffre qu'on nomme Dieu ;

Les vastes profondeurs funèbres,
L'abîme infinitésimal,
La sombre enquête des ténèbres,
Le procès que je fais au mal ;

Mes études sur tout le bagne,
Sur les Juifs, sur les Esclavons ;
Mes visions sur la montagne ;
J'interromps tout cela ; vivons.

J'ajourne cette oeuvre insondable ;
J'ajourne Méduse et Satan ;
Et je dis au sphinx formidable :
Je parle à la rose, va-t'en.

Ami, cet entracte te fâche.
Qu'y faire ? les bois sont dorés ;
Je mets sur l'affiche : Relâche ;
Je vais rire un peu dans les prés.

Je m'en vais causer dans la loge
D'avril, ce portier de l'été.
Exiges-tu que j'interroge
Le bleuet sur l'éternité ?

Faut-il qu'à l'abeille en ses courses,
Au lys, au papillon qui fuit,
À la transparence des sources,
Je montre le front de la nuit ?

Faut-il, effarouchant les ormes,  
Les tilleuls, les joncs, les roseaux,
Pencher les problèmes énormes
Sur le nid des petits oiseaux ?

Mêler l'abîme à la broussaille ?
Mêler le doute à l'aube en pleurs ?
Quoi donc ! ne veux-tu pas que j'aille
Faire la grosse voix aux fleurs ?

Sur l'effrayante silhouette
Des choses que l'homme entrevoit,
Vais-je interpeller l'alouette
Perchée aux tuiles de mon toit ?

Ne serai-je pas à cent lieues
Du bon sens, le jour où j'irai
Faire expliquer aux hochequeues
Le latin du Dies Irae ?

Quand, de mon grenier, je me penche
Sur la laveuse qu'on entend,
Joyeuse, dans l'écume blanche
Plonger ses coudes en chantant,

Veux-tu que, contre cette sphère
De l'infini sinistre et nu
Où saint Jean frémissant vient faire
Des questions à l'Inconnu,

Contre le globe âpre et sans grèves,
Sans bornes, presque sans espoir,
Où la vague foudre des rêves
Se prolonge dans le ciel noir.

Contre l'astre et son auréole,
Contre l'immense que-sait-on,
Je heurte la bulle qui vole
Hors du baquet de Jeanneton ?
Les nuages volaient dans la lueur hagarde,
Noir troupeau que le vent lugubre a sous sa garde ;
Et dans la profondeur blême au-dessous de moi,
Si bas que tout mon être en haletait d'effroi,
J'aperçus un sommet par une déchirure.

Ce faîte monstrueux sortait de l'ombre obscure ;
Ses pentes se perdaient dans le gouffre inconnu ;
Sur ce plateau gisait, fauve, terrible, nu,
Un géant dont le corps se tordait sur la pierre ;
Il en coulait du sang avec de la lumière ;
Sa face regardait la nuit triste, et ses pieds,
Ses coudes, ses genoux, ses poings, étaient liés
D'une chaîne d'airain vivante, impitoyable
Et je voyais décroître et renaître effroyable
Son ventre qu'un vautour rongeait, oiseau bandit.
Le patient était colossal ; on eût dit
Deux montagnes, dont l'une agonisait sur l'autre.
« Quel est, dis-je, ce sang qui coule ainsi ? » « Le vôtre, »
Dit le vautour. Ce mont dont tu vois les sommets,
C'est le Caucase. « Et quand t'en iras-tu ? » - Jamais.
Et le supplicié me cria : « Je suis l'Homme. »
Et tout se confondit comme fine eau noire, ou comme
L'ombre se confondrait avec l'éclair qui luit
Sous une grande main qui mêlerait la nuit.

Une sorte de puits se fit dans l'insondable ;
Le haut d'un autre mont en sortit formidable.
L'ombre avait cette horreur dont l'hiver la revêt ;
Et j'entendis crier : « Ararat ! » Il pleuvait.

« Qu'es-tu ? » dis-je à la cime âpre et des vents fouettée.
« J'attends l'arche ; et j'attends la famille exceptée.  »
« Quelle arche ? » Il pleut ! il pleut ! « Et le reste ? » - Englouti.
« Quoi ! dis-je, est-on créé pour être anéanti ?
Ô terre ! est-ce ta faute ? Ô ciel ! est-ce ton crime ? »
Mais tout déjà s'était effacé dans l'abîme.

Une flaque de bleu soudain perça l'amas
Des grêles, des brouillards, des vents et des frimas ;
Un mont doré surgit dans cet azur terrible ;
Là, sans frein, sans pitié, régnait la joie horrible ;
Sur ce mont rayonnaient douze êtres sereins, beaux,
Joyeux, dans des carquois ayant tous les fléaux ;
La nuée autour d'eux tremblait, et par les brèches
Le genre humain était la cible de leurs flèches ;
On voyait à leurs pieds l'amour, les jeux, les ris ;
Où l'on ne voyait rien on entendait des cris.
Une voix dit : « Olympe ! » Et tout croula. L'espace,
Où l'informe à jamais flotte, passe et repasse,
Redevint un bloc noir ; puis j'entendis un bruit
Qui fit une ouverture éclatante à la nuit,
Et je vis un sommet montré par les tonnerres ;
Les vieux pins inclinaient leurs têtes centenaires,
L'aigle en fuite semblait craindre d'être importun ;
Et là je vis quelqu'un qui parlait à quelqu'un,
Un homme face à face avec Dieu dans un rêve ;
Un prophète effrayant qui recevait un glaive,
Et qui redescendit plein d'un céleste ennui
Vers la terre, emportant de la foudre avec lui.
Et l'infini cria : « Sinaï ! » Puis la brume
Se referma, pareille à des nappes d'écume.
Les vents grondaient ; le gouffre était au-dessous d'eux,
Noir dans l'immensité d'un tremblement hideux.
Soudain, comme heurté par quelque ouragan fauve,
Il s'ouvrit ; et je vis une colline chauve ;
Le crépuscule horrible et farouche tombait.
Un homme expirait là, cloué sur un gibet,
Entre deux vagues croix où pendaient deux fantômes ;
D'une ville lugubre on distinguait les dômes ;
Et le supplicié me cria : « Je suis Dieu. »

Les nuages erraient dans des rougeurs de feu ;
J'entendis dans la nuit redoutable et sévère
Comme un souffle d'horreur qui murmurait :
Calvaire ! L'obscurité faisait des plis comme un linceul.
Pâle, je contemplais, dans l'ombre où j'étais seul,
Comme on verrait tourner des pages de registres,
Ces apparitions de montagnes sinistres.

Le 2 juillet 1856.
Como médanos de oro,
que vienen y que van
en el mar de la luz,
                              son los recuerdos.

El viento se los lleva,
y donde están están,
y están donde estuvieron
y donde habrán de estar...
                                        (Médanos de oro).

Lo llenan todo, mar
total de oro insondable,
con todo el viento en él...
                                        (Son los recuerdos).
Quand le vieux monde dut périr, sombre damné,
Quand l'empire romain d'horreur fut couronné,
Chaque vice vint faire au monstre une caresse ;
Luxure, Gourmandise, Avarice, Paresse,
Colère, Envie, Orgueil, vinrent; sur les sept monts
Rome vit se dresser debout les sept démons ;

Tout fut dit. Le destin fit, pour l'oeuvre insondable,
Passer de main en main la pioche formidable ;
Et l'on vit succéder, Christ étant au gibet,
Pour creuser le sépulcre où l'univers tombait,
La démence qui chante au mal qui délibère,
Le fossoyeur Néron au fossoyeur Tibère.
Non
Laissons le glaive à Rome et le stylet à Sparte.
Ne faisons pas saisir, trop pressés de punir,
Par le spectre Brutus le brigand Bonaparte.
Gardons ce misérable au sinistre avenir.

Vous serez satisfaits, je vous le certifie,
Bannis, qui de l'exil portez le triste faix,
Captifs, proscrits, martyrs qu'il foule et qu'il défie,
Vous tous qui frémissez, vous serez satisfaits.

Jamais au criminel son crime ne pardonne ;
Mais gardez, croyez-moi, la vengeance au fourreau
Attendez ; ayez foi dans les ordres que donne
Dieu, juge patient, au temps, tardif bourreau !

Laissons vivre le traître en sa honte insondable.
Ce sang humilierait même le vil couteau.
Laissons venir le temps, l'inconnu formidable
Qui tient le châtiment caché sous son manteau.

Qu'il soit le couronné parce qu'il est le pire ;
Le maître des fronts plats et des cœurs abrutis
Que son sénat décerne à sa race l'empire,
S'il trouve une femelle et s'il a des petits

Qu'il règne par la messe et par la pertuisane ;
Qu'on le fasse empereur dans son flagrant délit ;
Que l'église en rampant, que cette courtisane
Se glisse dans son antre et couche dans son lit

Qu'il soit cher à Troplong, que Sibour le vénère,
Qu'il leur donne son pied tout sanglant à baiser,
Qu'il vive, ce césar ! Louvel ou Lacenaire
Seraient pour le tuer forcés de se baisser.

Ne tuez pas cet homme, ô vous, songeurs sévères,
Rêveurs mystérieux, solitaires et forts,
Qui, pendant qu'on le fête et qu'il choque les verres,
Marchez, le poing crispé, dans l'herbe où sont les morts !

Avec l'aide d'en haut toujours nous triomphâmes.
L'exemple froid vaut mieux qu'un éclair de fureur.
Non, ne le tuez pas. Les piloris infâmes
Ont besoin d'être ornés parfois d'un empereur.

Jersey, le 12 novembre.

— The End —