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Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Les colchiques couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

Les enfants de l'école viennent avec fracas
Vêtus de hoquetons et jouant de l'harmonica
Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères
Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières
Qui battent comme les fleurs battent au vent dément

Le gardien du troupeau chante tout doucement
Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent
Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne.
Je veux donner l'idée d'un divertissement innocent. Il y a si peu d'amusements qui ne soient pas coupables !

Quand vous sortirez le matin avec l'intention décidée de flâner sur les grandes routes, remplissez vos poches de petites inventions à un sol, - telles que le polichinelle plat mû par un seul fil, les forgerons qui battent l'enclume, le cavalier et son cheval dont la queue est un sifflet, - et le long des cabarets, au pied des arbres, faites-en hommage aux enfants inconnus et pauvres que vous rencontrerez. Vous verrez leurs yeux s'agrandir démesurément. D'abord ils n'oseront pas prendre ; ils douteront de leur bonheur. Puis leurs mains agripperont vivement le cadeau, et ils s'enfuiront comme font les chats qui vont manger **** de vous le morceau que vous leur avez donné, ayant appris à se défier de l'homme.

Sur une route, derrière la grille d'un vaste jardin, au bout duquel apparaissait la blancheur d'un joli château frappé par le soleil, se tenait un enfant beau et frais, habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie.

Le luxe, l'insouciance et le spectacle habituel de la richesse, rendent ces enfants-là si jolis, qu'on les croirait faits d'une autre pâte que les enfants de la médiocrité ou de la pauvreté.

À côté de lui, gisait sur l'herbe un joujou splendide, aussi frais que son maître, verni, doré, vêtu d'une robe pourpre, et couvert de plumets et de verroteries. Mais l'enfant ne s'occupait pas de son joujou préféré, et voici ce qu'il regardait :

De l'autre côté de la grille, sur la route, entre les chardons et les orties, il y avait un autre enfant, sale, chétif, fuligineux, un de ces marmots-parias dont un œil impartial découvrirait la beauté, si, comme l'œil du connaisseur devine une peinture idéale sous un vernis de carrossier, il le nettoyait de la répugnante patine de la misère.

À travers ces barreaux symboliques séparant deux mondes, la grande route et le château, l'enfant pauvre montrait à l'enfant riche son propre joujou, que celui-ci examinait avidement comme un objet rare et inconnu. Or, ce joujou, que le petit souillon agaçait, agitait et secouait dans une boîte grillée, c'était un rat vivant ! Les parents, par économie sans doute, avaient tiré le joujou de la vie elle-même.

Et les deux enfants se riaient l'un à l'autre fraternellement, avec des dents d'une égale blancheur.
Audrey Frost Mar 2014
Cœurs battent en tandem. Une ruée. Mouvement lent, puis rapide, puis ralentir une fois de plus. Ongles glissent sur la peau, glissant, chaud. Un sursaut et un gémissement, un gémissement avant un cri. Le rire et les mots enivrants. La douleur que de plaisir à l’état pur. Nous ondulent, avancent et reculent dans l’autre, autour de l’autre.

Hearts beat in tandem. A rush. Movement slow, then swift, then slow once more. Fingernails glide across skin, slippery, hot. A gasp and a moan, a whimper before a scream. Laughter and heady words. Pain as pleasure in its purest form. We undulate, expand and recede within each other, around each other.
Les chars d'argent et de cuivre -
Les proues d'acier et d'argent -
Battent l'écume, -
Soulèvent les souches des ronces.
Les courants de la lande,
Et les ornières immenses du reflux,
Filent circulairement vers l'est,
Vers les piliers de la forêt, -
Vers les fûts de la jetée,
Dont l'angle est heurté par des tourbillons de lumière.
Fable XI, Livre I.


Un bon chien de berger, au coin d'une forêt,
Rencontre un jour un chien d'arrêt.
On a bientôt fait connaissance.
À quelques pas, d'abord, on s'est considéré,
L'oreille en l'air ; puis on s'avance ;
Puis, en virant la queue, on flaire, on est flairé ;
Puis enfin l'entretien commence.
Vous, ici ! dit avec un ris des plus malins,
Au gardeur de brebis, le coureur de lapins ;
Qui vous amène au bois ? Si j'en crois votre race,
Mon ami, ce n'est pas la chasse.
Tant pis ! c'est un métier si noble pour un chien !
Il exige, il est vrai, l'esprit et le courage,
Un nez aussi fin que le mien,
Et quelques mois d'apprentissage.
S'il est ainsi, répond, d'un ton simple et soumis,
Au coureur de lapins, le gardeur de brebis,
Je bénis d'autant plus le sort qui nous rassemble.
Un loup, la terreur du canton,
Vient de nous voler un mouton ;
Son fort est près d'ici, donnons-lui chasse ensemble.
Si vous avez quelque loisir,
Je vous promets gloire et plaisir,
Les loups se battent à merveille ;
Vingt fois par eux au cou je me suis vu saisir ;
Mais on peut au fermier rapporter leurs oreilles ;
Notre porte en fait foi. Marchons donc. Qui fut pris ?
Ce fut le chien d'arrêt. Moins courageux que traître,
Comme aux lapins, parfois il chassait aux perdrix ;
Mais encor fallait-il qu'il fût avec son maître.
« Serviteur ; à ce jeu je n'entends rien du tout.
J'aime la chasse et non la guerre :
Tu cours sur l'ennemi debout,
Et moi j'attends qu'il soit par terre. »
M Solav Jul 2020
Dansent les papillons
Tourbillonnant,
Virevoltant en trombes,
Valsant dans le vent.

Battent leur battements d'ailes
En frivoles palpitations;
Contestant le calme du ciel
Chahutant leurs dérisions.

Tombent ces feuilles vivaces
Sans le moindre abandon,
Aussi malhabilement
Que sans grande confusion.

Valsent les tourbillons
Imaginaires, papillonants;
Vortex de leurs ombres,
Caricatures d'ouragans.
Premier couplet écrit en août 2016.
Le restant fût écrit en juillet 2020.


— Droits d'auteur © M. Solav —
www.msolav.com

Cette oeuvre ne peut être utilisée ni en partie ni dans son intégrité sans l'accord préalable de l'auteur. Veuillez s'il vous plaît contacter marsolav@outlook.com pour toute requête d'usage. Merci beaucoup.
Le poète naïf, qui pense avant d'écrire,
S'étonne, en ce temps-ci, des choses qui font rire.
Au théâtre parfois il se tourne, et, voyant
La gaîté des badauds qui va se déployant,

Pour un plat calembour, des loges au parterre,
Il se sent tout à coup tellement solitaire
Parmi ces gros rieurs au ventre épanoui,
Que, le front lourd et l'œil tristement ébloui,

Il s'esquive, s'il peut, sans attendre la toile.
Enfin libre il respire, et, d'étoile en étoile,
Dans l'azur sombre et vaste il laisse errer ses yeux.
Ah ! Quand on sort de là, comme la nuit plaît mieux !

Qu'il fait bon regarder la Seine lente et noire
En silence rouler sous les vieux ponts sa moire,
Et les reflets tremblants des feux traîner sur l'eau
Comme les pleurs d'argent sur le drap d'un tombeau !

Ce deuil fait oublier ces rires qu'on abhorre.
Hélas ! Où donc la joie est-elle saine encore ?
Quel vice a donc en nous gâté le sang gaulois ?
Quand rirons-nous le rire honnête d'autrefois ?

Ce ne sont aujourd'hui qu'absurdes bacchanales ;
Farces au masque impur sur des planches banales ;
Vil patois qui se fraye impudemment accès
Parmi le peuple illustre et cher des mots français ;

Couplets dont les refrains changent la bouche en gueule ;
Romans hideux, miroir de l'abjection seule,
Commérage où le fiel assaisonne des riens :
Feuilletons à voleurs, drames à galériens,

Funestes aux cœurs droits qui battent sous les blouses ;
Vaudevilles qui font, corrupteurs des épouses,
Un ridicule impie à l'affront des maris ;
Spectacles où la chair des femmes, mise à prix,

Comme aux crocs de l'étal exhibée en guirlande,
Allèche savamment la luxure gourmande ;
Parades à décors dont les fables sans art
N'esquivent le sifflet qu'en soûlant le regard ;

Coups d'archets polissons sur la lyre d'Homère,
Et tous les jeux maudits d'un amour éphémère
Qui va se dégradant du caprice au métier :
Voilà ce qui ravit un peuple tout entier !

Bêtise, éternel veau d'or des multitudes,
Toi dont le culte aisé les plie aux servitudes
Et complice du joug les y soumet sans bruit,
Monstre cher à la force et par la ruse instruit

À bafouer la libre et sévère pensée,
Règne ! Mais à ton tour, brute, qu'à la risée,
Au comique mépris tu serves de jouet !
Que sur toi le bon sens fasse claquer son fouet,

Qu'il se lève, implacable à son tour, et qu'il rie,
Et qu'il raille à son tour l'inepte raillerie,
Et qu'il fasse au soleil luire en leur nudité
Ta grotesque laideur et ta stupidité !

Molière, dresse-toi ! Debout, Aristophane !
Allons ! Faites entendre au vulgaire profane
L'hymne de l'idéal au fond du rire amer,
Du grand rire où, pareil au cliquetis du fer,

Sonne le choc rapide et franc des pensers justes,
Du beau rire qui sied aux poitrines robustes,
Vengeur de la sagesse, héroïque moqueur,
Où vibre la jeunesse immortelle du cœur !
Dieu, c'est la beauté, Dieu, beauté même, a parlé
Dans le buisson de flamme à son peuple assemblé,
Aux lèvres de Moïse, aux lèvres des prophètes,
Et ses discours profonds sont clairs comme des fêtes.
Son livre est un chœur vaste où David a chanté,
Et c'est un fleuve, il coule avec l'immensité
De ses vagues, noyant dans leur écume ardente
Ton navire, ô Milton, et ta galère, ô Dante !
Et Jésus a parlé, rouge et bleu sous le ciel,
Et des mots qu'il a dits la terre a fait son miel.
Les lys ont confondu sa robe avec l'aurore,
Sa voix, sur la montagne, elle résonne encore.
Paroles de Jésus, source sous les palmiers
Où s'abattent les cœurs ainsi que des ramiers,
Où les âmes vont boire ainsi que des chamelles !
Nourrice, tu suspends le monde à tes mamelles !
Car Il est aussi beau qu'Il est vrai ; sa beauté
Est mère de la fleur, de l'aube et de l'été.
Le Beau n'est qu'un mot creux, l'idéal qu'un mot vide,
Mais la beauté, c'est Dieu dont notre âme est avide ;
La beauté, mais, poète, elle est au cœur de Dieu
Le lotus de lumière et la rose de feu ;
De plus haut que les Tyrs et les Sions sublimes,
Elle descend sur l'ange, elle est vouée aux cimes,
Soleil des paradis, étoile des matins,
Et nos regards sont faits de ses rayons éteints.
- Beauté, face de Dieu, gouffre des purs délices
Formidable aux élus, devant vous les milices
Célestes dont les seins sont cuirassés d'ardeur,
Guerriers gantés de grâce et chaussés de candeur,
Dont les ailes de feu battent le dos par douze,
Capitaines d'amour dont l'aurore est jalouse
Et dont l'épée au poing n'est qu'un rayon vermeil,
Tremblent comme la brume au lever du soleil !
- Alléluia vers vous, beauté du Père, et gloire !
Gloire à vous sur la terre et sur les luths d'ivoire
Des riants chérubins, votre escabeau vivant !
Gloire à vous sur la lyre et les harpes au vent
Des séraphins chantant dans les apothéoses !
Doigts des anges, courez sur les violons roses !
Formez-vous, doux nuage, autour des encensoirs !
Brûlez, soleils levants ! fumez, parfums des soirs !
Montez vers la colombe, ô blanches innocences,
Montez ! Et vous, Vertus, Principautés, Puissances,
Menez, parmi les lys, le cortège des dieux,
Sur les pas de Jésus miséricordieux !
Marbre de Paros.

Un jour, au doux rêveur qui l'aime,
En train de montrer ses trésors,
Elle voulut lire un poème,
Le poème de son beau corps.

D'abord, superbe et triomphante
Elle vint en grand apparat,
Traînant avec des airs d'infante
Un flot de velours nacarat :

Telle qu'au rebord de sa loge
Elle brille aux Italiens,
Ecoutant passer son éloge
Dans les chants des musiciens.

Ensuite, en sa verve d'artiste,
Laissant tomber l'épais velours,
Dans un nuage de batiste
Elle ébaucha ses fiers contours.

Glissant de l'épaule à la hanche,
La chemise aux plis nonchalants,
Comme une tourterelle blanche
Vint s'abattre sur ses pieds blancs.

Pour Apelle ou pour Cléoméne,
Elle semblait, marbre de chair,
En Vénus Anadyomène
Poser nue au bord de la mer.

De grosses perles de Venise
Roulaient au lieu de gouttes d'eau,
Grains laiteux qu'un rayon irise,
Sur le frais satin de sa peau.

Oh ! quelles ravissantes choses,
Dans sa divine nudité,
Avec les strophes de ses poses,
Chantait cet hymne de beauté !

Comme les flots baisant le sable
Sous la lune aux tremblants rayons,
Sa grâce était intarissable
En molles ondulations.

Mais bientôt, lasse d'art antique,
De Phidias et de Vénus,
Dans une autre stance plastique
Elle groupe ses charmes nus.

Sur un tapis de Cachemire,
C'est la sultane du sérail,
Riant au miroir qui l'admire
Avec un rire de corail ;

La Géorgienne indolente,
Avec son souple narguilhé,
Etalant sa hanche opulente,
Un pied sous l'autre replié.

Et comme l'odalisque d'Ingres,
De ses reins cambrant les rondeurs,
En dépit des vertus malingres,
En dépit des maigres pudeurs !

Paresseuse odalisque, arrière !
Voici le tableau dans son jour,
Le diamant dans sa lumière ;
Voici la beauté dans l'amour !

Sa tête penche et se renverse ;
Haletante, dressant les seins,
Aux bras du rêve qui la berce,
Elle tombe sur ses coussins.

Ses paupières battent des ailes
Sur leurs globes d'argent bruni,
Et l'on voit monter ses prunelles
Dans la nacre de l'infini.

D'un linceul de point d'Angleterre
Que l'on recouvre sa beauté :
L'extase l'a prise à la terre ;
Elle est morte de volupté !

Que les violettes de Parme,
Au lieu des tristes fleurs des morts
Où chaque perle est une larme,
Pleurent en bouquets sur son corps !

Et que mollement on la pose
Sur son lit, tombeau blanc et doux,
Où le poète, à la nuit close,
Ira prier à deux genoux.
Avec ses nerfs rompus, une main écorchée,
Qui marche sans le corps dont elle est arrachée,
Crispe ses doigts crochus armés d'ongles de fer
Pour me saisir ; des feux pareils aux feux d'enfer
Se croisent devant moi ; dans l'ombre, des yeux fauves
Rayonnent ; des vautours, à cous rouges et chauves,
Battent mon front de l'aile en poussant des cris sourds ;
En vain pour me sauver je lève mes pieds lourds,
Des flots de plomb fondu subitement les baignent,
À des pointes d'acier ils se heurtent et saignent,
Meurtris et disloqués ; et mon dos cependant,
Ruisselant de sueur, frissonne au souffle ardent
De naseaux enflammés, de gueules haletantes :
Les voilà, les voilà ! dans mes chairs palpitantes
Je sens des becs d'oiseaux avides se plonger,
Fouiller profondément, jusqu'aux os me ronger,
Et puis des dents de loups et de serpents qui mordent
Comme une scie aiguë, et des pinces qui tordent ;
Ensuite le sol manque à mes pas chancelants :
Un gouffre me reçoit ; sur des rochers brûlants,
Sur des pics anguleux que la lune reflète,
Tremblant, je roule, roule, et j'arrive squelette.
Dans un marais de sang ; bientôt, spectres hideux,
Des morts au teint bleuâtre en sortent deux à deux,
Et, se penchant vers moi, m'apprennent les mystères
Que le trépas révèle aux pâles feudataires
De son empire ; alors, étrange enchantement,
Ce qui fut moi s'envole, et passe lentement
À travers un brouillard couvrant les flèches grêles
D'une église gothique aux moresques dentelles.
Déchirant une proie enlevée au tombeau,
En me voyant venir, tout joyeux, un corbeau
Croasse, et, s'envolant aux steppes de l'Ukraine,
Par un pouvoir magique à sa suite m'entraîne,
Et j'aperçois bientôt, non **** d'un vieux manoir,
À l'angle d'un taillis, surgir un gibet noir
Soutenant un pendu ; d'effroyables sorcières
Dansent autour, et moi, de fureurs carnassières
Agité, je ressens un immense désir
De broyer sous mes dents sa chair, et de saisir,
Avec quelque lambeau de sa peau bleue et verte,
Son cœur demi-pourri dans sa poitrine ouverte.
Pourquoi de tes regards percer ainsi mon âme ?
Baisse, oh ! baisse tes yeux pleins d'une chaste flamme :
Baisse-les, ou je meurs.
Viens plutôt, lève-toi ! Mets ta main dans la mienne,
Que mon bras arrondi t'entoure et te soutienne
Sur ces tapis de fleurs.

............................................

Aux bords d'un lac d'azur il est une colline
Dont le front verdoyant légèrement s'incline
Pour contempler les eaux ;
Le regard du soleil tout le jour la caresse,
Et l'haleine de l'onde y fait flotter sans cesse
Les ombres des rameaux.

Entourant de ses plis deux chênes qu'elle embrasse,
Une vigne sauvage à leurs rameaux s'enlace,
Et, couronnant leurs fronts,
De sa pâle verdure éclaircit leur feuillage,
Puis sur des champs coupés de lumière et d'ombrage
Court en riants festons.

Là, dans les flancs creusés d'un rocher qui surplombe,
S'ouvre une grotte obscure, un nid où la colombe
Aime à gémir d'amour ;
La vigne, le figuier, la voilent, la tapissent,
Et les rayons du ciel, qui lentement s'y glissent,
Y mesurent le jour.

La nuit et la fraîcheur de ces ombres discrètes
Conservent plus longtemps aux pâles violettes
Leurs timides couleurs ;
Une source plaintive en habite la voûte,
Et semble sur vos fronts distiller goutte à goutte
Des accords et des pleurs.

Le regard, à travers ce rideau de verdure,
Ne voit rien que le ciel et l'onde qu'il azure ;
Et sur le sein des eaux
Les voiles du pêcheur, qui, couvrant sa nacelle,
Fendent ce ciel limpide, et battent comme l'aile
Des rapides oiseaux.

L'oreille n'entend rien qu'une vague plaintive
Qui, comme un long baiser, murmure sur sa rive,
Ou la voix des zéphyrs,
Ou les sons cadencés que gémit Philomèle,
Ou l'écho du rocher, dont un soupir se mêle
À nos propres soupirs.
Je veux
J'exige
Que tu suives à la lettre
Rigoureusement
Le menu des ébats que j'organise
Minutieusement pour toi.
Je veux
J'exige que tu suives
Mes instructions
Sans dévier d'un iota.
Toutes les étapes,
Toutes les indications,
Tous les menus détails,
Des pages, des chapitres et des lignes
Qui mènent à ton *****
Du samedi soir,
Je veux en être l'architecte et le témoin.
J'exige
Je veux
Que tu t'effeuilles
Que tu sortes de ton corps
Et que tu te regardes
Quand soumise et délurée
Tu offres ton corps en pâture orgamisque
À mes yeux exorbités
À la lumière d'une bougie translucide
Qui te pénètre de sa flamme de cire.
Je veux
J'exige
Je te possède
Je te prends
Scrupuleusement
De mes yeux fous de faucon.
Ce sont des yeux indomptables
Mais tu sais les apprivoiser
Quand ils battent leurs ailes
Au gré de tes envies d'oiseau
Au gré de tes scénarios.
Je veux
J'exige
Que tu m'exhibes
Les moindres pleins et déliés
De ton âme en rut,
Que tu m'implores
D'un mouvement imperceptible
À la commissure de tes lèvres
Un toucher du regard
Au bas du dos,
Un massage à distance,
Et que tu te tortilles
Quand je te délivre
À tire d'aile
Le sceau royal
Du toucher des écrouelles.
Tu es ma fauconnière
Je suis ton faucon royal
Prisonnier sans l'être
De tes appâts rebelles.
Le ciel dont je m'abreuve
Quand je te fais la cour
Est une cage sans filets
Où la meute de nos sens enfouis
Se délecte dans une chasse à courre
Archaïque et délicieuse
Entre ta coupe pleine et tes lèvres
Assoiffées.
Vous mîtes votre bras adroit,
Un soir d'été, sur mon bras... gauche.
J'aimerai toujours cet endroit,
Un café de la Rive-Gauche ;

Au bord de la Seine, à Paris :
Un homme y chante la Romance
Comme au temps... des lansquenets gris ;
Vous aviez emmené Clémence.

Vous portiez un chapeau très frais
Sous des nœuds vaguement orange,
Une robe à fleurs... sans apprêts,
Sans rien d'affecté ni d'étrange ;

Vous aviez un noir mantelet,
Une pèlerine, il me semble,
Vous étiez belle, et... s'il vous plaît,
Comment nous trouvions-nous ensemble ?

J'avais l'air, moi, d'un étranger ;
Je venais de la Palestine
À votre suite me ranger,
Pèlerin de ta Pèlerine.

Je m'en revenais de Sion,
Pour baiser sa frange en dentelle,
Et mettre ma dévotion
Entière à vos pieds d'Immortelle.

Nous causions, je voyais ta voix
Dorer ta lèvre avec sa crasse,
Tes coudes sur la table en bois,
Et ta taille pleine de grâce ;

J'admirais ta petite main
Semblable à quelque serre vague,
Et tes jolis doigts de gamin,
Si chics ! qu'ils se passent de bague ;

J'aimais vos yeux, où sans effroi
Battent les ailes de votre Âme,
Qui font se baisser ceux du roi
Mieux que les siens ceux d'une femme ;

Vos yeux splendidement ouverts
Dans leur majesté coutumière...
Étaient-ils bleus ? Étaient-ils verts ?
Ils m'aveuglaient de ta lumière.

Je cherchais votre soulier fin,
Mais vous rameniez votre robe
Sur ce miracle féminin,
Ton pied, ce Dieu, qui se dérobe !

Tu parlais d'un ton triomphant,
Prenant aux feintes mignardises
De tes lèvres d'amour Enfant
Les cœurs, comme des friandises,

La rue où rit ce cabaret,
Sur laquelle a pu flotter l'Arche,
Sachant que l'Ange y descendrait,
Porte le nom d'un patriarche.

Charmant cabaret de l'Amour !
Je veux un jour y peindre à fresque
Le Verre auquel je fis ma cour.
Juin, quatre-vingt-cinq, minuit... presque.
Les chars d'argent et de cuivre -
Les proues d'acier et d'argent -
Battent l'écume, -
Soulèvent les souches des ronces.
Les courants de la lande,
Et les ornières immenses du reflux,
Filent circulairement vers l'est,
Vers les piliers de la forêt, -
Vers les fûts de la jetée,
Dont l'angle est heurté par des tourbillons de lumière.

— The End —