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Au shopping des petites morts
J'ai accroché la distance
Qui nous sépare
d'Orphée et Eurydice.

J'ai esquissé quelques mots
Quelques voyelles aux allures d'opéra
J'ai griffonné en guise de valse et tango
Quelques pas pour petit rat angora
Comme si j'étais ton chat Orphée
Je t 'ai invitée à poursuivre nos figures
Sur le parquet impromptu de sable mouillé.

Et comme tu ne refuses jamais quand on t'invite
Tu m'as accepté comme cavalier d'infortune
Tu m'as accordé une danse nocturne jusqu'à minuit
Contre un pin sec qui dressait ses aiguilles près des vagues
Tes escarpins dorés pétillaient
Entre rumba fox-trot et paso-doble
Et la voilette noire de ton chapeau
M'entraînait comme une voile
Vers l'océan de tes entrechats.
Et si on essayait primo l'omelette bio

De rires sauvages péché à l'épuisette

Au fin fond de nos Atlantiques ?

Si on essayait deuxio la paella bio

De nos yeux assaisonnés d'étincelles de thym

Et de pétales de coquelicot cueillis dans la rosée du petit matin ?

Et si l 'on ne s'abreuvait tercio que de vins bio

Des bains jaunes des torrents chauds

Qui jaillissent de nos sources volcaniques ?

Si on essayait encore le lit de braises bio

A combustion lente, sans adjuvant

Cent pour cent naturel et écologique ?

Si on se plongeait enfin dans l'abîme bio

Des eaux organiques de l'océan tantrique

Pour y construire des châteaux de corail ?
Mon hippocampe,
Donne-moi juste deux minutes
Le temps que je te vaccine
Religieusement
De ma machette
Le temps que je chante ma diane :
La la la la la la la la la lo lé lo la !
La la la la la la la la la lo lé lo la !
Je psalmodie
Un, deux,
Un, deux, trois...
Un, deux,
Un, deux, trois...
J'offre cette rumba à la santé de nos petites morts
De ces petites morts
Qui nous précèdent, nous suivent et nous hantent.
Au son des trois tambours de la rumba
Tu chantes faite bouteille de rhum
Et je te réponds en choeur cuillère et verre vide.
A la première reprise, chassée croisée,
Tu chantes le thème
A la deuxième reprise, mollets cambrés,
Je chante aussi couteau et toi assiette.
A la troisième reprise,
Moi, rayon de lune de lune,
Toi, croissant de soleil,
Frappons des mains à l'unisson
Communions avec nos morts sur l'aire de danse
Qu'ont foulée leurs chevaux de possession
Qui nous tiennent encore en bride
Et contiennent nos ombres.

Je me présente : Orphée
Je bombe le torse et je te dévisage
Tu te présentes : Eurydice
Tu te déhanches avec malice et tu me toises.
Un, deux,
Un, deux, trois...
Un, deux, trois,
Un, deux...
Mélangeons les syncopes,
Pervertissons la parade,
Convoquons un nouveau rituel,
Désarticulons la chorégraphie,
Nos corps interchangeables fusionnent
En une seule ombre :
Tu m'aguiches,
Je trémousse des épaules,
Tu m'habilles et déshabilles de tes passes,
Et je te chevauche de mon foulard écarlate en miroir inversé.
Viens en marchant
Dansons, marchons,
Suivons la clave
Vêtus de blanc
Gratifions nos petites morts d'une rumba
Plions, élevons, sautons, cabriolons
Retombons, tortillons, détortillons
Cambre le dos que je me déhanche !

Entre postures et figures
Improvisons, rusons, sautons-matons
Caracolons
Dans le chaud tempo
Des trois tambours de la rumba.
Et si je te vaccine
A l'improviste
Dérobe-toi, esquive-toi, nargue-moi
Pour que nos petites morts applaudissent à tout rompre
Leurs virtuoses
Et tortillent elles aussi du croupion .
Maîtresse,
Ma négresse
Avant que mon bâton de pèlerin ne se présente
A l'orée du kilomètre zéro
De ton chemin de Compostelle
J'ai répertorié tous les chemins de traverse :
Les ponts, les sources, les lacs,
Les plateaux et les plaines que je devrai franchir
Avant de me rafraîchir les braises aux eaux de ton oasis.
J'ai soupesé le pour et le contre
De chaque infime étape de l'odyssée,
De chaque infime parcelle de la trace
Que je devrais honorer de mon passage.
Chemin français, chemin espagnol
Chemin portugais
J'ai imaginé un chemin de crête oublié,
Sans diocèse et sans ****** estampillé sur créanciale,
Un chemin de haute voltige
Qui brenne et rime vers la tour de jais
Où corne ta conque de lambi.
Le vent en goguette m'a fait échouer sur ton rivage.
Je suis ensablé corps et âme
Tu sais ce que je voudrais ?
Je voudrais que tu me déséchoues !
Que tu me remorques au-dessus de ta fosse
Dans ce golfe de Gascogne !
Que tu m'océanises
Et que je m'enfonce à jamais dans tes profondeurs abyssales
Et je te laisserai comme vestige, le fer de mon hélice de confettis et serpentins.
Comment veux-tu ton colombo d'asperges vertes sauce chien ?
En hors-d'oeuvre ou plat principal ?
Veux-tu que j'émulsionne poudre à colombo, huile, eau citronnée
Et que je badigeonne de cette marinade
Une botte écussonnée
Et que je laisse mariner
Puis que je l'enrobe de jambon à l'os
L'enfourne
pour enfin le dresser de câpres séchées, d'anchois et copeaux de parmesan.
Ou de sauce chien ?
Je me regarde
Dans les reflets
Du café corsé
Du petit matin brûlant
J'y vois
Mon visage qui se dissout
En vesou
Et ton sourire-poème qui apparaît
Dans les remous de la tasse
Et qui murmure du fond de sa mer noire:
"Dor, Dor, Dor !"

C'est un dor sonore
Doux et amer
Un dor comme un pélican
Qui plonge au ralenti
De son mancenillier en fleurs
Pour y gober une lame de mer mordorée.

"Dor Dor Dor !"

C'est une mitraillette de sept plumes de coqs de chine
Qui transperce ma dérive de ses plombs et hameçons
Veux-tu donc que je morde,
Scombridé anthropophage,
A l 'appât de houle
De tes vingt brasses de tresse verte ?
Veux-tu que j'amarre
Mes paupières lourdes
Aux crève-coeur de ton misainier
et que j 'ancre mes rêves
Dans les cales d'un port sans relâche ?

"Dor dor dor ! "

Et voilà le marc de café qui tangue
Embarde, cavale
Dans le roulis d'or de ta voile aurique
Dorlote mon gouvernail et me lit
Au fil de mes haut-le-coeur dans la caféière
Qui jouxte le cimetière joyeux
Où flânent les ombres des petites morts
Près du pont au-dessus de la rivière Saison.

"Dor dor dor ! "

.

Faut-il que j 'ouvre dans ton miroir la porte à la douleur ?
Faut-il que je chante joie, plaisir, contentement,
Jouissance et nostalgie, manque et absence ?
Faut-il que je mette dehors la petite cuillère
Et que je me rendorme en buvant comme du petit lait
Cette dor qui perle en riant de tes lèvres-nasses
Assoiffées de café anthracite de soleil noir,
D'ombre de soleil, de souvenir de soleil,
D'espoir de soleil d'or ?
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