Nos chemins se sont croisé et décroisé
A distance
Nous étions pèlerins de jeux antédiluviens.
Nous nous sommes envoûté de mots
Et de rêves d'ombres et de chair
Et seuls nos mots peuvent désensorceler
Nos sangs et nos dieux archaïques.
Nos mots sont des onguents, des potions magiques
Des philtres et des pommades
Dotés de pouvoirs incomparables.
Ce sont des déictiques et embrayeurs
Ils accomplissent par la seule force du Verbe.
Instantanément.
Nos mots sont des poudres miracles dont nous baptisons nos envies
Et ils sécrètent leurs propres antidotes.
Il ne nous restait plus qu'à les mettre en scène,
Titiller nos mamelons lubriques,
Mordiller le creux de nos nuques et aisselles,
En dansant la danse des dugongs ou des pangolins
Mais chacun a sa propre lecture
Son propre phrasé
Et le déhanchement des Muses Dugongs
N'est en rien celui du Poète Pangolin.
Rendez-vous posthume, donc.
Aujourd'hui j'attendais ma muse
Sans trop me faire d'illusions
Comme chaque matin de mes jours
Je lui ai préparé son café et ses billets doux
Mais ma muse boude depuis quatre jours et quart
Ma source d'eaux charnelles s'est desséchée
Ma muse n'est plus ma muse
Pas même un filet de muse chez le poissonnier ou le boucher
Ma muse ne fait plus mumuse
Ma muse tarie ne frissonne plus
Ne viendra pas jouer mon ombre
Ne jouira plus de mes délires d'orphie.
C’est un fait accompli, mûri, implacable
Et je me rends aux évidences.
Mais l'oiseau est têtu et bande encore de joie
Sur l'élan magistral qu'elle lui a impulsé :
Je mordille, je griffe, je câline,
Je bois, je lèche, je grignote,
La distance qui nous lie désormais
Lentement comme une corde raide
Un pacte d'amour courtois
Inébranlable,
Irremplaçable .