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Sombre

Poems

Victor Hugo  Jun 2017
Melancholia
Écoutez. Une femme au profil décharné,
Maigre, blême, portant un enfant étonné,
Est là qui se lamente au milieu de la rue.
La foule, pour l'entendre, autour d'elle se rue.
Elle accuse quelqu'un, une autre femme, ou bien
Son mari. Ses enfants ont faim. Elle n'a rien ;
Pas d'argent ; pas de pain ; à peine un lit de paille.
L'homme est au cabaret pendant qu'elle travaille.
Elle pleure, et s'en va. Quand ce spectre a passé,
Ô penseurs, au milieu de ce groupe amassé,
Qui vient de voir le fond d'un cœur qui se déchire,
Qu'entendez-vous toujours ? Un long éclat de rire.

Cette fille au doux front a cru peut-être, un jour,
Avoir droit au bonheur, à la joie, à l'amour.
Mais elle est seule, elle est sans parents, pauvre fille !
Seule ! - n'importe ! elle a du courage, une aiguille,
Elle travaille, et peut gagner dans son réduit,
En travaillant le jour, en travaillant la nuit,
Un peu de pain, un gîte, une jupe de toile.
Le soir, elle regarde en rêvant quelque étoile,
Et chante au bord du toit tant que dure l'été.
Mais l'hiver vient. Il fait bien froid, en vérité,
Dans ce logis mal clos tout en haut de la rampe ;
Les jours sont courts, il faut allumer une lampe ;
L'huile est chère, le bois est cher, le pain est cher.
Ô jeunesse ! printemps ! aube ! en proie à l'hiver !
La faim passe bientôt sa griffe sous la porte,
Décroche un vieux manteau, saisit la montre, emporte
Les meubles, prend enfin quelque humble bague d'or ;
Tout est vendu ! L'enfant travaille et lutte encor ;
Elle est honnête ; mais elle a, quand elle veille,
La misère, démon, qui lui parle à l'oreille.
L'ouvrage manque, hélas ! cela se voit souvent.
Que devenir ! Un jour, ô jour sombre ! elle vend
La pauvre croix d'honneur de son vieux père, et pleure ;
Elle tousse, elle a froid. Il faut donc qu'elle meure !
A dix-sept ans ! grand Dieu ! mais que faire ?... - Voilà
Ce qui fait qu'un matin la douce fille alla
Droit au gouffre, et qu'enfin, à présent, ce qui monte
À son front, ce n'est plus la pudeur, c'est la honte.
Hélas, et maintenant, deuil et pleurs éternels !
C'est fini. Les enfants, ces innocents cruels,
La suivent dans la rue avec des cris de joie.
Malheureuse ! elle traîne une robe de soie,
Elle chante, elle rit... ah ! pauvre âme aux abois !
Et le peuple sévère, avec sa grande voix,
Souffle qui courbe un homme et qui brise une femme,
Lui dit quand elle vient : « C'est toi ? Va-t-en, infâme ! »

Un homme s'est fait riche en vendant à faux poids ;
La loi le fait juré. L'hiver, dans les temps froids ;
Un pauvre a pris un pain pour nourrir sa famille.
Regardez cette salle où le peuple fourmille ;
Ce riche y vient juger ce pauvre. Écoutez bien.
C'est juste, puisque l'un a tout et l'autre rien.
Ce juge, - ce marchand, - fâché de perdre une heure,
Jette un regard distrait sur cet homme qui pleure,
L'envoie au bagne, et part pour sa maison des champs.
Tous s'en vont en disant : « C'est bien ! » bons et méchants ;
Et rien ne reste là qu'un Christ pensif et pâle,
Levant les bras au ciel dans le fond de la salle.

Un homme de génie apparaît. Il est doux,
Il est fort, il est grand ; il est utile à tous ;
Comme l'aube au-dessus de l'océan qui roule,
Il dore d'un rayon tous les fronts de la foule ;
Il luit ; le jour qu'il jette est un jour éclatant ;
Il apporte une idée au siècle qui l'attend ;
Il fait son œuvre ; il veut des choses nécessaires,
Agrandir les esprits, amoindrir les misères ;
Heureux, dans ses travaux dont les cieux sont témoins,
Si l'on pense un peu plus, si l'on souffre un peu moins !
Il vient. - Certe, on le va couronner ! - On le hue !
Scribes, savants, rhéteurs, les salons, la cohue,
Ceux qui n'ignorent rien, ceux qui doutent de tout,
Ceux qui flattent le roi, ceux qui flattent l'égout,
Tous hurlent à la fois et font un bruit sinistre.
Si c'est un orateur ou si c'est un ministre,
On le siffle. Si c'est un poète, il entend
Ce chœur : « Absurde ! faux ! monstrueux ! révoltant ! »
Lui, cependant, tandis qu'on bave sur sa palme,
Debout, les bras croisés, le front levé, l'œil calme,
Il contemple, serein, l'idéal et le beau ;
Il rêve ; et, par moments, il secoue un flambeau
Qui, sous ses pieds, dans l'ombre, éblouissant la haine,
Éclaire tout à coup le fond de l'âme humaine ;
Ou, ministre, il prodigue et ses nuits et ses jours ;
Orateur, il entasse efforts, travaux, discours ;
Il marche, il lutte ! Hélas ! l'injure ardente et triste,
À chaque pas qu'il fait, se transforme et persiste.
Nul abri. Ce serait un ennemi public,
Un monstre fabuleux, dragon ou basilic,
Qu'il serait moins traqué de toutes les manières,
Moins entouré de gens armés de grosses pierres,
Moins haï ! -- Pour eux tous et pour ceux qui viendront,
Il va semant la gloire, il recueille l'affront.
Le progrès est son but, le bien est sa boussole ;
Pilote, sur l'avant du navire il s'isole ;
Tout marin, pour dompter les vents et les courants,
Met tour à tour le cap sur des points différents,
Et, pour mieux arriver, dévie en apparence ;
Il fait de même ; aussi blâme et cris ; l'ignorance
Sait tout, dénonce tout ; il allait vers le nord,
Il avait tort ; il va vers le sud, il a tort ;
Si le temps devient noir, que de rage et de joie !
Cependant, sous le faix sa tête à la fin ploie,
L'âge vient, il couvait un mal profond et lent,
Il meurt. L'envie alors, ce démon vigilant,
Accourt, le reconnaît, lui ferme la paupière,
Prend soin de la clouer de ses mains dans la bière,
Se penche, écoute, épie en cette sombre nuit
S'il est vraiment bien mort, s'il ne fait pas de bruit,
S'il ne peut plus savoir de quel nom on le nomme,
Et, s'essuyant les yeux, dit : « C'était un grand homme ! »

Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs, que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : « Petits comme nous sommes,
« Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! »
Ô servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain -
D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !
Progrès dont on demande : « Où va-t-il ? Que veut-il ? »
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !
Ô Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, saint, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !

Le pesant chariot porte une énorme pierre ;
Le limonier, suant du mors à la croupière,
Tire, et le roulier fouette, et le pavé glissant
Monte, et le cheval triste à le poitrail en sang.
Il tire, traîne, geint, tire encore et s'arrête ;
Le fouet noir tourbillonne au-dessus de sa tête ;
C'est lundi ; l'homme hier buvait aux Porcherons
Un vin plein de fureur, de cris et de jurons ;
Oh ! quelle est donc la loi formidable qui livre
L'être à l'être, et la bête effarée à l'homme ivre !
L'animal éperdu ne peut plus faire un pas ;
Il sent l'ombre sur lui peser ; il ne sait pas,
Sous le bloc qui l'écrase et le fouet qui l'assomme,
Ce que lui veut la pierre et ce que lui veut l'homme.
Et le roulier n'est plus qu'un orage de coups
Tombant sur ce forçat qui traîne des licous,
Qui souffre et ne connaît ni repos ni dimanche.
Si la corde se casse, il frappe avec le pié ;
Et le cheval, tremblant, hagard, estropié,
Baisse son cou lugubre et sa tête égarée ;
On entend, sous les coups de la botte ferrée,
Sonner le ventre nu du pauvre être muet !
Il râle ; tout à l'heure encore il remuait ;
Mais il ne bouge plus, et sa force est finie ;
Et les coups furieux pleuvent ; son agonie
Tente un dernier effort ; son pied fait un écart,
Il tombe, et le voilà brisé sous le brancard ;
Et, dans l'ombre, pendant que son bourreau redouble,
Il regarde quelqu'un de sa prunelle trouble ;
Et l'on voit lentement s'éteindre, humble et terni,
Son œil plein des stupeurs sombres de l'infini,
Où luit vaguement l'âme effrayante des choses.
Hélas !

Cet avocat plaide toutes les causes ;
Il rit des généreux qui désirent savoir
Si blanc n'a pas raison, avant de dire noir ;
Calme, en sa conscience il met ce qu'il rencontre,
Ou le sac d'argent Pour, ou le sac d'argent Contre ;
Le sac pèse pour lui ce que la cause vaut.
Embusqué, plume au poing, dans un journal dévot,
Comme un bandit tuerait, cet écrivain diffame.
La foule hait cet homme et proscrit cette femme ;
Ils sont maudits. Quel est leur crime ? Ils ont aimé.
L'opinion rampante accable l'opprimé,
Et, chatte aux pieds des forts, pour le faible est tigresse.
De l'inventeur mourant le parasite engraisse.
Le monde parle, assure, affirme, jure, ment,
Triche, et rit d'escroquer la dupe Dévouement.
Le puissant resplendit et du destin se joue ;
Derrière lui, tandis qu'il marche et fait la roue,
Sa fiente épanouie engendre son flatteur.
Les nains sont dédaigneux de toute leur hauteur.
Ô hideux coins de rue où le chiffonnier morne
Va, tenant à la main sa lanterne de corne,
Vos tas d'ordures sont moins noirs que les vivants !
Qui, des vents ou des cœurs, est le plus sûr ? Les vents.
Cet homme ne croit rien et fait semblant de croire ;
Il a l'œil clair, le front gracieux, l'âme noire ;
Il se courbe ; il sera votre maître demain.

Tu casses des cailloux, vieillard, sur le chemin ;
Ton feutre humble et troué s'ouvre à l'air qui le mouille ;
Sous la pluie et le temps ton crâne nu se rouille ;
Le chaud est ton tyran, le froid est ton bourreau ;
Ton vieux corps grelottant tremble sous ton sarrau ;
Ta cahute, au niveau du fossé de la route,
Offre son toit de mousse à la chèvre qui broute ;
Tu gagnes dans ton jour juste assez de pain noir
Pour manger le matin et pour jeûner le soir ;
Et, fantôme suspect devant qui l'on recule,
Regardé de travers quand vient le crépuscule,
Pauvre au point d'alarmer les allants et venants,
Frère sombre et pensif des arbres frissonnants,
Tu laisses choir tes ans ainsi qu'eux leur feuillage ;
Autrefois, homme alors dans la force de l'âge,
Quand tu vis que l'Europe implacable venait,
Et menaçait Paris et notre aube qui naît,
Et, mer d'hommes, roulait vers la France effarée,
Et le Russe et le *** sur la terre sacrée
Se ruer, et le nord revomir Attila,
Tu te levas, tu pris ta fourche ; en ces temps-là,
Tu fus, devant les rois qui tenaient la campagne,
Un des grands paysans de la grande Champagne.
C'est bien. Mais, vois, là-bas, le long du vert sillon,
Une calèche arrive, et, comme un tourbillon,
Dans la poudre du soir qu'à ton front tu secoues,
Mêle l'éclair du fouet au tonnerre des roues.
Un homme y dort. Vieillard, chapeau bas ! Ce passant
Fit sa fortune à l'heure où tu versais ton sang ;
Il jouait à la baisse, et montait à mesure
Que notre chute était plus profonde et plus sûre ;
Il fallait un vautour à nos morts ; il le fut ;
Il fit, travailleur âpre et toujours à l'affût,
Suer à nos malheurs des châteaux et des rentes ;
Moscou remplit ses prés de meules odorantes ;
Pour lui, Leipsick payait des chiens et des valets,
Et la Bérésina charriait un palais ;
Pour lui, pour que cet homme ait des fleurs, des charmilles,
Des parcs dans Paris même ouvrant leurs larges grilles,
Des jardins où l'on voit le cygne errer sur l'eau,
Un million joyeux sortit de Waterloo ;
Si bien que du désastre il a fait sa victoire,
Et que, pour la manger, et la tordre, et la boire,
Ce Shaylock, avec le sabre de Blucher,
A coupé sur la France une livre de chair.
Or, de vous deux, c'est toi qu'on hait, lui qu'on vénère ;
Vieillard, tu n'es qu'un gueux, et ce millionnaire,
C'est l'honnête homme. Allons, debout, et chapeau bas !

Les carrefours sont pleins de chocs et de combats.
Les multitudes vont et viennent dans les rues.
Foules ! sillons creusés par ces mornes charrues :
Nuit, douleur, deuil ! champ triste où souvent a germé
Un épi qui fait peur à ceux qui l'ont semé !
Vie et mort ! onde où l'hydre à l'infini s'enlace !
Peuple océan jetant l'écume populace !
Là sont tous les chaos et toutes les grandeurs ;
Là, fauve, avec ses maux, ses horreurs, ses laideurs,
Ses larves, désespoirs, haines, désirs, souffrances,
Qu'on distingue à travers de vagues transparences,
Ses rudes appétits, redoutables aimants,
Ses prostitutions, ses avilissements,
Et la fatalité des mœurs imperdables,
La misère épaissit ses couches formidables.
Les malheureux sont là, dans le malheur reclus.
L'indigence, flux noir, l'ignorance, reflux,
Montent, marée affreuse, et parmi les décombres,
Roulent l'obscur filet des pénalités sombres.
Le besoin fuit le mal qui le tente et le suit,
Et l'homme cherche l'homme à tâtons ; il fait nuit ;
Les petits enfants nus tendent leurs mains funèbres ;
Le crime, antre béant, s'ouvre dans ces ténèbres ;
Le vent secoue et pousse, en ses froids tourbillons,
Les âmes en lambeaux dans les corps en haillons :
Pas de cœur où ne croisse une aveugle chimère.
Qui grince des dents ? L'homme. Et qui pleure ? La mère.
Qui sanglote ? La vierge aux yeux hagards et doux.
Qui dit : « J'ai froid ? » L'aïeule. Et qui dit : « J'ai faim ? » Tous !
Et le fond est horreur, et la surface est joie.
Au-dessus de la faim, le festin qui flamboie,
Et sur le pâle amas des cris et des douleurs,
Les chansons et le rire et les chapeaux de fleurs !
Ceux-là sont les heureux. Ils n'ont qu'une pensée :
A quel néant jeter la journée insensée ?
Chiens, voitures, chevaux ! cendre au reflet vermeil !
Poussière dont les grains semblent d'or au soleil !
Leur vie est aux plaisirs sans fin, sans but, sans trêve,
Et se passe à tâcher d'oublier dans un rêve
L'enfer au-dessous d'eux et le ciel au-dessus.
Quand on voile Lazare, on efface Jésus.
Ils ne regardent pas dans les ombres moroses.
Ils n'admettent que l'air tout parfumé de roses,
La volupté, l'orgueil, l'ivresse et le laquais
Ce spectre galonné du pauvre, à leurs banquets.
Les fleurs couvrent les seins et débordent des vases.
Le bal, tout frissonnant de souffles et d'extases,
Rayonne, étourdissant ce qui s'évanouit ;
Éden étrange fait de lumière et de nuit.
Les lustres aux plafonds laissent pendre leurs flammes,
Et semblent la racine ardente et pleine d'âmes
De quelque arbre céleste épanoui plus haut.
Noir paradis dansant sur l'immense cachot !
Ils savourent, ravis, l'éblouissement sombre
Des beautés, des splendeurs, des quadrilles sans nombre,
Des couples, des amours, des yeux bleus, des yeux noirs.
Les valses, visions, passent dans les miroirs.
Parfois, comme aux forêts la fuite des cavales,
Les galops effrénés courent ; par intervalles,
Le bal reprend haleine ; on s'interrompt, on fuit,
On erre, deux à deux, sous les arbres sans bruit ;
Puis, folle, et rappelant les ombres éloignées,
La musique, jetant les notes à poignées,
Revient, et les regards s'allument, et l'archet,
Bondissant, ressaisit la foule qui marchait.
Ô délire ! et d'encens et de bruit enivrées,
L'heure emporte en riant les rapides soirées,
Et les nuits et les jours, feuilles mortes des cieux.
D'autres, toute la nuit, roulent les dés joyeux,
Ou bien, âpre, et mêlant les cartes qu'ils caressent,
Où des spectres riants ou sanglants apparaissent,
Leur soif de l'or, penchée autour d'un tapis vert,
Jusqu'à ce qu'au volet le jour bâille entr'ouvert,
Poursuit le pharaon, le lansquenet ou l'hombre ;
Et, pendant qu'on gémit et qu'on frémit dans l'ombre,
Pendant que le
E. E. Cummings  Jul 2009
Listen
listen
beloved
i dreamed
  it appeared that you thought to
  escape me and became a great
  lily atilt on
  insolent
  waters    but i was aware of
  fragrance and i came riding upon
  a horse of porphyry    into the
  waters i rode down the red
  horse shrieking    from splintering
  foam caught you clutched you upon my
  mouth
listen
beloved
  i dreamed    in my dream you had
  desire to thwart me and became
  a little bird and hid
  in a tree of tall marble
  from a great way i distinguished
  singing and i came
  riding upon a scarlet sunset
  trampling the night    easily
  from the shocked impossible
  tower i caught
  you strained you
  broke you upon my blood
listen
  beloved i dreamed
  i thought you would have deceived
  me and became a star in the kingdom
  of heaven
  through day and space i saw you close
  your eyes    and i came riding
  upon a thousand crimson years arched with agony
  i reined them in tottering before
  the throne and as
  they shied at the automaton moon from
  the transplendant hand of sombre god
  i picked you
as an apple is picked by the little peasants for their girls
This English Thames is holier far than Rome,
Those harebells like a sudden flush of sea
Breaking across the woodland, with the foam
Of meadow-sweet and white anemone
To fleck their blue waves,—God is likelier there
Than hidden in that crystal-hearted star the pale monks bear!

Those violet-gleaming butterflies that take
Yon creamy lily for their pavilion
Are monsignores, and where the rushes shake
A lazy pike lies basking in the sun,
His eyes half shut,—he is some mitred old
Bishop in partibus! look at those gaudy scales all green and gold.

The wind the restless prisoner of the trees
Does well for Palaestrina, one would say
The mighty master’s hands were on the keys
Of the Maria *****, which they play
When early on some sapphire Easter morn
In a high litter red as blood or sin the Pope is borne

From his dark House out to the Balcony
Above the bronze gates and the crowded square,
Whose very fountains seem for ecstasy
To toss their silver lances in the air,
And stretching out weak hands to East and West
In vain sends peace to peaceless lands, to restless nations rest.

Is not yon lingering orange after-glow
That stays to vex the moon more fair than all
Rome’s lordliest pageants! strange, a year ago
I knelt before some crimson Cardinal
Who bare the Host across the Esquiline,
And now—those common poppies in the wheat seem twice as fine.

The blue-green beanfields yonder, tremulous
With the last shower, sweeter perfume bring
Through this cool evening than the odorous
Flame-jewelled censers the young deacons swing,
When the grey priest unlocks the curtained shrine,
And makes God’s body from the common fruit of corn and vine.

Poor Fra Giovanni bawling at the mass
Were out of tune now, for a small brown bird
Sings overhead, and through the long cool grass
I see that throbbing throat which once I heard
On starlit hills of flower-starred Arcady,
Once where the white and crescent sand of Salamis meets sea.

Sweet is the swallow twittering on the eaves
At daybreak, when the mower whets his scythe,
And stock-doves murmur, and the milkmaid leaves
Her little lonely bed, and carols blithe
To see the heavy-lowing cattle wait
Stretching their huge and dripping mouths across the farmyard gate.

And sweet the hops upon the Kentish leas,
And sweet the wind that lifts the new-mown hay,
And sweet the fretful swarms of grumbling bees
That round and round the linden blossoms play;
And sweet the heifer breathing in the stall,
And the green bursting figs that hang upon the red-brick wall,

And sweet to hear the cuckoo mock the spring
While the last violet loiters by the well,
And sweet to hear the shepherd Daphnis sing
The song of Linus through a sunny dell
Of warm Arcadia where the corn is gold
And the slight lithe-limbed reapers dance about the wattled fold.

And sweet with young Lycoris to recline
In some Illyrian valley far away,
Where canopied on herbs amaracine
We too might waste the summer-tranced day
Matching our reeds in sportive rivalry,
While far beneath us frets the troubled purple of the sea.

But sweeter far if silver-sandalled foot
Of some long-hidden God should ever tread
The Nuneham meadows, if with reeded flute
Pressed to his lips some Faun might raise his head
By the green water-flags, ah! sweet indeed
To see the heavenly herdsman call his white-fleeced flock to feed.

Then sing to me thou tuneful chorister,
Though what thou sing’st be thine own requiem!
Tell me thy tale thou hapless chronicler
Of thine own tragedies! do not contemn
These unfamiliar haunts, this English field,
For many a lovely coronal our northern isle can yield

Which Grecian meadows know not, many a rose
Which all day long in vales AEolian
A lad might seek in vain for over-grows
Our hedges like a wanton courtesan
Unthrifty of its beauty; lilies too
Ilissos never mirrored star our streams, and cockles blue

Dot the green wheat which, though they are the signs
For swallows going south, would never spread
Their azure tents between the Attic vines;
Even that little **** of ragged red,
Which bids the robin pipe, in Arcady
Would be a trespasser, and many an unsung elegy

Sleeps in the reeds that fringe our winding Thames
Which to awake were sweeter ravishment
Than ever Syrinx wept for; diadems
Of brown bee-studded orchids which were meant
For Cytheraea’s brows are hidden here
Unknown to Cytheraea, and by yonder pasturing steer

There is a tiny yellow daffodil,
The butterfly can see it from afar,
Although one summer evening’s dew could fill
Its little cup twice over ere the star
Had called the lazy shepherd to his fold
And be no prodigal; each leaf is flecked with spotted gold

As if Jove’s gorgeous leman Danae
Hot from his gilded arms had stooped to kiss
The trembling petals, or young Mercury
Low-flying to the dusky ford of Dis
Had with one feather of his pinions
Just brushed them! the slight stem which bears the burden of its suns

Is hardly thicker than the gossamer,
Or poor Arachne’s silver tapestry,—
Men say it bloomed upon the sepulchre
Of One I sometime worshipped, but to me
It seems to bring diviner memories
Of faun-loved Heliconian glades and blue nymph-haunted seas,

Of an untrodden vale at Tempe where
On the clear river’s marge Narcissus lies,
The tangle of the forest in his hair,
The silence of the woodland in his eyes,
Wooing that drifting imagery which is
No sooner kissed than broken; memories of Salmacis

Who is not boy nor girl and yet is both,
Fed by two fires and unsatisfied
Through their excess, each passion being loth
For love’s own sake to leave the other’s side
Yet killing love by staying; memories
Of Oreads peeping through the leaves of silent moonlit trees,

Of lonely Ariadne on the wharf
At Naxos, when she saw the treacherous crew
Far out at sea, and waved her crimson scarf
And called false Theseus back again nor knew
That Dionysos on an amber pard
Was close behind her; memories of what Maeonia’s bard

With sightless eyes beheld, the wall of Troy,
Queen Helen lying in the ivory room,
And at her side an amorous red-lipped boy
Trimming with dainty hand his helmet’s plume,
And far away the moil, the shout, the groan,
As Hector shielded off the spear and Ajax hurled the stone;

Of winged Perseus with his flawless sword
Cleaving the snaky tresses of the witch,
And all those tales imperishably stored
In little Grecian urns, freightage more rich
Than any gaudy galleon of Spain
Bare from the Indies ever! these at least bring back again,

For well I know they are not dead at all,
The ancient Gods of Grecian poesy:
They are asleep, and when they hear thee call
Will wake and think ‘t is very Thessaly,
This Thames the Daulian waters, this cool glade
The yellow-irised mead where once young Itys laughed and played.

If it was thou dear jasmine-cradled bird
Who from the leafy stillness of thy throne
Sang to the wondrous boy, until he heard
The horn of Atalanta faintly blown
Across the Cumnor hills, and wandering
Through Bagley wood at evening found the Attic poets’ spring,—

Ah! tiny sober-suited advocate
That pleadest for the moon against the day!
If thou didst make the shepherd seek his mate
On that sweet questing, when Proserpina
Forgot it was not Sicily and leant
Across the mossy Sandford stile in ravished wonderment,—

Light-winged and bright-eyed miracle of the wood!
If ever thou didst soothe with melody
One of that little clan, that brotherhood
Which loved the morning-star of Tuscany
More than the perfect sun of Raphael
And is immortal, sing to me! for I too love thee well.

Sing on! sing on! let the dull world grow young,
Let elemental things take form again,
And the old shapes of Beauty walk among
The simple garths and open crofts, as when
The son of Leto bare the willow rod,
And the soft sheep and shaggy goats followed the boyish God.

Sing on! sing on! and Bacchus will be here
Astride upon his gorgeous Indian throne,
And over whimpering tigers shake the spear
With yellow ivy crowned and gummy cone,
While at his side the wanton Bassarid
Will throw the lion by the mane and catch the mountain kid!

Sing on! and I will wear the leopard skin,
And steal the mooned wings of Ashtaroth,
Upon whose icy chariot we could win
Cithaeron in an hour ere the froth
Has over-brimmed the wine-vat or the Faun
Ceased from the treading! ay, before the flickering lamp of dawn

Has scared the hooting owlet to its nest,
And warned the bat to close its filmy vans,
Some Maenad girl with vine-leaves on her breast
Will filch their beech-nuts from the sleeping Pans
So softly that the little nested thrush
Will never wake, and then with shrilly laugh and leap will rush

Down the green valley where the fallen dew
Lies thick beneath the elm and count her store,
Till the brown Satyrs in a jolly crew
Trample the loosestrife down along the shore,
And where their horned master sits in state
Bring strawberries and bloomy plums upon a wicker crate!

Sing on! and soon with passion-wearied face
Through the cool leaves Apollo’s lad will come,
The Tyrian prince his bristled boar will chase
Adown the chestnut-copses all a-bloom,
And ivory-limbed, grey-eyed, with look of pride,
After yon velvet-coated deer the ****** maid will ride.

Sing on! and I the dying boy will see
Stain with his purple blood the waxen bell
That overweighs the jacinth, and to me
The wretched Cyprian her woe will tell,
And I will kiss her mouth and streaming eyes,
And lead her to the myrtle-hidden grove where Adon lies!

Cry out aloud on Itys! memory
That foster-brother of remorse and pain
Drops poison in mine ear,—O to be free,
To burn one’s old ships! and to launch again
Into the white-plumed battle of the waves
And fight old Proteus for the spoil of coral-flowered caves!

O for Medea with her poppied spell!
O for the secret of the Colchian shrine!
O for one leaf of that pale asphodel
Which binds the tired brows of Proserpine,
And sheds such wondrous dews at eve that she
Dreams of the fields of Enna, by the far Sicilian sea,

Where oft the golden-girdled bee she chased
From lily to lily on the level mead,
Ere yet her sombre Lord had bid her taste
The deadly fruit of that pomegranate seed,
Ere the black steeds had harried her away
Down to the faint and flowerless land, the sick and sunless day.

O for one midnight and as paramour
The Venus of the little Melian farm!
O that some antique statue for one hour
Might wake to passion, and that I could charm
The Dawn at Florence from its dumb despair,
Mix with those mighty limbs and make that giant breast my lair!

Sing on! sing on!  I would be drunk with life,
Drunk with the trampled vintage of my youth,
I would forget the wearying wasted strife,
The riven veil, the Gorgon eyes of Truth,
The prayerless vigil and the cry for prayer,
The barren gifts, the lifted arms, the dull insensate air!

Sing on! sing on!  O feathered Niobe,
Thou canst make sorrow beautiful, and steal
From joy its sweetest music, not as we
Who by dead voiceless silence strive to heal
Our too untented wounds, and do but keep
Pain barricadoed in our hearts, and ****** pillowed sleep.

Sing louder yet, why must I still behold
The wan white face of that deserted Christ,
Whose bleeding hands my hands did once enfold,
Whose smitten lips my lips so oft have kissed,
And now in mute and marble misery
Sits in his lone dishonoured House and weeps, perchance for me?

O Memory cast down thy wreathed shell!
Break thy hoarse lute O sad Melpomene!
O Sorrow, Sorrow keep thy cloistered cell
Nor dim with tears this limpid Castaly!
Cease, Philomel, thou dost the forest wrong
To vex its sylvan quiet with such wild impassioned song!

Cease, cease, or if ‘t is anguish to be dumb
Take from the pastoral thrush her simpler air,
Whose jocund carelessness doth more become
This English woodland than thy keen despair,
Ah! cease and let the north wind bear thy lay
Back to the rocky hills of Thrace, the stormy Daulian bay.

A moment more, the startled leaves had stirred,
Endymion would have passed across the mead
Moonstruck with love, and this still Thames had heard
Pan plash and paddle groping for some reed
To lure from her blue cave that Naiad maid
Who for such piping listens half in joy and half afraid.

A moment more, the waking dove had cooed,
The silver daughter of the silver sea
With the fond gyves of clinging hands had wooed
Her wanton from the chase, and Dryope
Had ****** aside the branches of her oak
To see the ***** gold-haired lad rein in his snorting yoke.

A moment more, the trees had stooped to kiss
Pale Daphne just awakening from the swoon
Of tremulous laurels, lonely Salmacis
Had bared his barren beauty to the moon,
And through the vale with sad voluptuous smile
Antinous had wandered, the red lotus of the Nile

Down leaning from his black and clustering hair,
To shade those slumberous eyelids’ caverned bliss,
Or else on yonder grassy ***** with bare
High-tuniced limbs unravished Artemis
Had bade her hounds give tongue, and roused the deer
From his green ambuscade with shrill halloo and pricking spear.

Lie still, lie still, O passionate heart, lie still!
O Melancholy, fold thy raven wing!
O sobbing Dryad, from thy hollow hill
Come not with such despondent answering!
No more thou winged Marsyas complain,
Apollo loveth not to hear such troubled songs of pain!

It was a dream, the glade is tenantless,
No soft Ionian laughter moves the air,
The Thames creeps on in sluggish leadenness,
And from the copse left desolate and bare
Fled is young Bacchus with his revelry,
Yet still from Nuneham wood there comes that thrilling melody

So sad, that one might think a human heart
Brake in each separate note, a quality
Which music sometimes has, being the Art
Which is most nigh to tears and memory;
Poor mourning Philomel, what dost thou fear?
Thy sister doth not haunt these fields, Pandion is not here,

Here is no cruel Lord with murderous blade,
No woven web of ****** heraldries,
But mossy dells for roving comrades made,
Warm valleys where the tired student lies
With half-shut book, and many a winding walk
Where rustic lovers stray at eve in happy simple talk.

The harmless rabbit gambols with its young
Across the trampled towing-path, where late
A troop of laughing boys in jostling throng
Cheered with their noisy cries the racing eight;
The gossamer, with ravelled silver threads,
Works at its little loom, and from the dusky red-eaved sheds

Of the lone Farm a flickering light shines out
Where the swinked shepherd drives his bleating flock
Back to their wattled sheep-cotes, a faint shout
Comes from some Oxford boat at Sandford lock,
And starts the moor-hen from the sedgy rill,
And the dim lengthening shadows flit like swallows up the hill.

The heron passes homeward to the mere,
The blue mist creeps among the shivering trees,
Gold world by world the silent stars appear,
And like a blossom blown before the breeze
A white moon drifts across the shimmering sky,
Mute arbitress of all thy sad, thy rapturous threnody.

She does not heed thee, wherefore should she heed,
She knows Endymion is not far away;
’Tis I, ’tis I, whose soul is as the reed
Which has no message of its own to play,
So pipes another’s bidding, it is I,
Drifting with every wind on the wide sea of misery.

Ah! the brown bird has ceased:  one exquisite trill
About the sombre woodland seems to cling
Dying in music, else the air is still,
So still that one might hear the bat’s small wing
Wander and wheel above the pines, or tell
Each tiny dew-drop dripping from the bluebell’s brimming cell.

And far away across the lengthening wold,
Across the willowy flats and thickets brown,
Magdalen’s tall tower tipped with tremulous gold
Marks the long High Street of the little town,
And warns me to return; I must not wait,
Hark! ’Tis the curfew booming from the bell at Christ Church gate.