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Paul d'Aubin Sep 2016
Automne, casque d'or

Tu flamboies dans l'azur
avec tes sous-bois d'or et de feuilles dorées.
On dirait que le phœnix est venu se mirer,
dans les bois colorés de de fauve, rouge et or.
Automne casque d'or, tu as belle vêture,
Comme un prince amoureux habillé pour sa belle.
Tes couleurs variées, comme des tapis d'orient,
Sont autant des myriades de poussières dorées.
Des pluies de feuilles rousses tournoient dans les jardins,
Qui sont comme une tunique chamarrée et de velours.
Les haies vertes de houx sont parsemées de rouge,
Eh toutes ces couleurs resplendissent en nos cœurs.
Automne, casque d'or tu changes notre ville,
Avec tes arbres en feu et tes tapis de feuille,
La rue est devenue un spectacle incessant
De feuilles qui tournoient et d'un sol jonché d’or.
Automne casque d'or, tu nous fais oublier,
les bleuets de l'été et les coquelicots rouges.
Car tes feuilles rousses, tes Camélias et tes Asters
Nous offrent une palette tellement bariolée.
Automne casque d'or; comment te reprocher.
Tes journées raccourcies, si ton couchant n'éveille,
En nos Esprits ces lueurs boréales,
Qui nous font chavirer sous ton horizon paré d'or et de vermeil.

Paul Arrighi
La nuit. La pluie. Un ciel blafard que déchiquette
De flèches et de tours à jour la silhouette
D'une ville gothique éteinte au lointain gris.
La plaine. Un gibet plein de pendus rabougris
Secoués par le bec avide des corneilles
Et dansant dans l'air noir des gigues nonpareilles,
Tandis, que leurs pieds sont la pâture des loups.
Quelques buissons d'épine épars, et quelques houx
Dressant l'horreur de leur feuillage à droite, à gauche,
Sur le fuligineux fouillis d'un fond d'ébauche.
Et puis, autour de trois livides prisonniers
Qui vont pieds nus, un gros de hauts pertuisaniers
En marche, et leurs fers droits, comme des fers de herse,
Luisent à contresens des lances de l'averse.
evocatory Sep 2015
Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer **** de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au **** descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Qu'il est joyeux aujourd'hui
Le chêne aux rameaux sans nombre,
Mystérieux point d'appui
De toute la forêt sombre !

Comme quand nous triomphons,
Il frémit, l'arbre civique ;
Il répand à plis profonds
Sa grande ombre magnifique.

D'où lui vient cette gaieté ?
D'où vient qu'il vibre et se dresse,
Et semble faire à l'été
Une plus fière caresse ?

C'est le quatorze juillet.
À pareil jour, sur la terre
La liberté s'éveillait
Et riait dans le tonnerre.

Peuple, à pareil jour râlait
Le passé, ce noir pirate ;
Paris prenait au collet
La Bastille scélérate.

À pareil jour, un décret
Chassait la nuit de la France,
Et l'infini s'éclairait
Du côté de l'espérance.

Tous les ans, à pareil jour,
Le chêne au Dieu qui nous crée
Envoie un frisson d'amour,
Et rit à l'aube sacrée.

Il se souvient, tout joyeux,
Comme on lui prenait ses branches !
L'âme humaine dans les cieux,
Fière, ouvrait ses ailes blanches.

Car le vieux chêne est gaulois :
Il hait la nuit et le cloître ;
Il ne sait pas d'autres lois
Que d'être grand et de croître.

Il est grec, il est romain ;
Sa cime monte, âpre et noire,
Au-dessus du genre humain
Dans une lueur de gloire.

Sa feuille, chère aux soldats,
Va, sans peur et sans reproche,
Du front d'Epaminondas
À l'uniforme de Hoche.

Il est le vieillard des bois ;
Il a, richesse de l'âge,
Dans sa racine Autrefois,
Et Demain dans son feuillage.

Les rayons, les vents, les eaux,
Tremblent dans toutes ses fibres ;
Comme il a besoin d'oiseaux,
Il aime les peuples libres.

C'est son jour. Il est content.
C'est l'immense anniversaire.
Paris était haletant.
La lumière était sincère.

Au **** roulait le tambour...?
Jour béni ! jour populaire,
Où l'on vit un chant d'amour
Sortir d'un cri de colère !

Il tressaille, aux vents bercé,
Colosse où dans l'ombre austère
L'avenir et le passé
Mêlent leur double mystère.

Les éclipses, s'il en est,
Ce vieux naïf les ignore.
Il sait que tout ce qui naît,
L'oeuf muet, le vent sonore,

Le nid rempli de bonheur,
La fleur sortant des décombres,
Est la parole d'honneur
Que Dieu donne aux vivants sombres.

Il sait, calme et souriant,
Sérénité formidable !
Qu'un peuple est un orient,
Et que l'astre est imperdable.

Il me salue en passant,
L'arbre auguste et centenaire ;
Et dans le bois innocent
Qui chante et que je vénère,

Étalant mille couleurs,
Autour du chêne superbe
Toutes les petites fleurs
Font leur toilette dans l'herbe.

L'aurore aux pavots dormants
Verse sa coupe enchantée ;
Le lys met ses diamants ;
La rose est décolletée.

Aux chenilles de velours
Le jasmin tend ses aiguières ;
L'arum conte ses amours,
Et la garance ses guerres.

Le moineau-franc, ***, taquin,
Dans le houx qui se pavoise,
D'un refrain républicain
Orne sa chanson grivoise.

L'ajonc rit près du chemin ;
Tous les buissons des ravines
Ont leur bouquet à la main ;
L'air est plein de voix divines.

Et ce doux monde charmant,
Heureux sous le ciel prospère,
Épanoui, dit gaiement :
C'est la fête du grand-père.
IV.

Un grand houx, de forme incivile,
Du haut de sa fauve beauté,
Regardait mon habit de ville ;
Il était fleuri, moi crotté ;

J'étais crotté jusqu'à l'échine.
Le houx ressemblait au chardon
Que fait brouter l'ânier de Chine
À son âne de céladon.

Un bon crapaud faisait la lippe
Près d'un champignon malfaisant.
La chaire était une tulipe
Qu'illuminait un ver luisant.

Au seuil priait cette grisette
À l'air doucement fanfaron,
Qu'à Paris on nomme Lisette,
Qu'aux champs on nomme Liseron.

Un grimpereau, cherchant à boire,
Vit un arum, parmi le thym,
Qui dans sa feuille, blanc ciboire,
Cachait la perle du matin ;

Son bec, dans cette vasque ronde,
Prit la goutte d'eau qui brilla ;
La plus belle feuille du monde
Ne peut donner que ce qu'elle a.

Les chenilles peuplaient les ombres ;
L'enfant de choeur Coquelicot
Regardait ces fileuses sombres
Faire dans un coin leur tricot.

Les joncs, que coudoyait sans morgue
La violette, humble prélat,
Attendaient, pour jouer de l'orgue,
Qu'un bouc ou qu'un moine bêlât.

Au fond s'ouvrait une chapelle
Qu'on évitait avec horreur ;
C'est là qu'habite avec sa pelle
Le noir scarabée enterreur.

Mon pas troubla l'église fée ;
Je m'aperçus qu'on m'écoutait.
L'églantine dit : C'est Orphée.
La ronce dit : C'est Colletet.
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer **** de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au **** descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
La clarté du dehors ne distrait pas mon âme.
La plaine chante et rit comme une jeune femme ;
Le nid palpite dans les houx ;
Partout la gaîté lui dans les bouches ouvertes ;
Mai, couché dans la mousse au fond des grottes vertes
Fait aux amoureux les yeux doux.

Dans les champs de luzerne et dans les champs de fèves,
Les vagues papillons errent pareils aux rêves ;
Le blé vert sort des sillons bruns ;
Et les abeilles d'or courent à la pervenche,
Au thym, au liseron, qui tend son urne blanche
A ces buveuses de parfums.

La nue étale au ciel ses pourpres et ses cuivres ;
Les arbres, tout gonflés de printemps, semblent ivres ;
Les branches, dans leurs doux ébats,
Se jettent sur les oiseaux du bout de leurs raquettes ;
Le bourdon galonné fait aux roses coquettes
Des propositions tout bas.

Moi, je laisse voler les senteurs et les baumes,
Je laisse chuchoter les fleurs, ces doux fantômes,
Et l'aube dire : « Vous vivrez ! »
Je regarde en moi-même, et, seul, oubliant l'heure,
L'oeil plein des visions de l'ombre intérieure,
Je songe aux morts, ces délivrés !

Encore un peu de temps, encore, ô mer superbe,
Quelques reflux ; j'aurai ma tombe aussi dans l'herbe,
Blanche au milieu du frais gazon,
A l'ombre de quelque arbre où le lierre s'attache ;
On y lira : « Passant, cette pierre te cache
La ruine d'une prison. »

Ingouville, mai 1843.
Je rêvais dans un grand cimetière désert ;
De mon âme et des morts j'écoutais le concert,
Parmi les fleurs de l'herbe et les croix de la tombe.
Dieu veut que ce qui naît sorte de ce qui tombe.
Et l'ombre m'emplissait.

Autour de moi, nombreux,
Gais, sans avoir souci de mon front ténébreux,
Dans ce champ, lit fatal de la sieste dernière,
Des moineaux francs faisaient l'école buissonnière.
C'était l'éternité que taquine l'instant.
Ils allaient et venaient, chantant, volant, sautant,
Égratignant la mort de leurs griffes pointues,
Lissant leur bec au nez lugubre des statues,
Becquetant les tombeaux, ces grains mystérieux.
Je pris ces tapageurs ailés au sérieux ;
Je criai : « Paix aux morts ! vous êtes des harpies.
- Nous sommes des moineaux, me dirent ces impies.
- Silence ! allez-vous en ! » repris-je, peu clément.
Ils s'enfuirent ; j'étais le plus fort. Seulement,
Un d'eux resta derrière, et, pour toute musique,
Dressa la queue, et dit : « Quel est ce vieux classique ? »

Comme ils s'en allaient tous, furieux, maugréant,
Criant, et regardant de travers le géant,
Un houx noir qui songeait près d'une tombe, un sage,
M'arrêta brusquement par la manche au passage,
Et me dit : « Ces oiseaux sont dans leur fonction.
Laisse-les. Nous avons besoin de ce rayon.
Dieu les envoie. Ils font vivre le cimetière.
Homme, ils sont la gaîté de la nature entière ;
Ils prennent son murmure au ruisseau, sa clarté
A l'astre, son sourire au matin enchanté ;
Partout où rit un sage, ils lui prennent sa joie,
Et nous l'apportent ; l'ombre en les voyant flamboie ;
Ils emplissent leurs becs des cris des écoliers ;
A travers l'homme et l'herbe, et l'onde, et les halliers,
Ils vont pillant la joie en l'univers immense.
Ils ont cette raison qui te semble démence.
Ils ont pitié de nous qui **** d'eux languissons ;
Et, lorsqu'ils sont bien pleins de jeux et de chansons ;
D'églogues, de baisers, de tous les commérages
Que les nids en avril font sous les verts ombrages,
Ils accourent, joyeux, charmants, légers, bruyants,
Nous jeter tout cela dans nos trous effrayants ;
Et viennent, des palais, des bois, de la chaumière,
Vider dans notre nuit toute cette lumière ! »
Quand mai nous les ramène, ô songeur, nous disons :
« Les voilà ! » tout s'émeut, pierres, tertres, gazons ;
Le moindre arbrisseau parle, et l'herbe est en extase ;
Le saule pleureur chante en achevant sa phrase ;
Ils confessent les ifs, devenus babillards ;
Ils jasent de la vie avec les corbillards ;
Des linceuls trop pompeux ils décrochent l'agrafe ;
Ils se moquent du marbre ; ils savent l'orthographe ;
Et, moi qui suis ici le vieux chardon boudeur,
Devant qui le mensonge étale sa laideur,
Et ne se gène pas, me traitant comme un hôte,
Je trouve juste, ami, qu'en lisant à voix haute
L'épitaphe où le mort est toujours bon et beau,
Ils fassent éclater de rire le tombeau.

Paris, mai 1835.
Me voilà revenu de ce voyage sombre,
Où l'on n'a pour flambeaux et pour astre dans l'ombre
Que les yeux du hibou ;
Comme, après tout un jour de labourage, un buffle
S'en retourne à pas lents, morne et baissant le mufle,
Je vais ployant le cou.

Me voilà revenu du pays des fantômes,
Mais je conserve encor, **** des muets royaumes
Le teint pâle des morts.
Mon vêtement, pareil au crêpe funéraire
Sur une urne jeté, de mon dos jusqu'à terre
Pend au long de mon corps.

Je sors d'entre les mains d'une mort plus avare
Que celle qui veillait au tombeau de Lazare ;
Elle garde son bien :
Elle lâche le corps, mais elle retient l'âme ;
Elle rend le flambeau, mais elle éteint la flamme,
Et Christ n'y pourrait rien.

Je ne suis plus, hélas ! Que l'ombre de moi-même,
Que la tombe vivante où gît tout ce que j'aime,
Et je me survis seul ;
Je promène avec moi les dépouilles glacées
De mes illusions, charmantes trépassées
Dont je suis le linceul.

Je suis trop jeune encor, je veux aimer et vivre,
Ô mort... et je ne puis me résoudre à te suivre
Dans le sombre chemin ;
Je n'ai pas eu le temps de bâtir la colonne
Où la gloire viendra suspendre ma couronne ;
Ô mort, reviens demain !

Vierge aux beaux seins d'albâtre, épargne ton poète,
Souviens-toi que c'est moi, qui le premier, t'ai faite
Plus belle que le jour ;
J'ai changé ton teint vert en pâleur diaphane,
Sous de beaux cheveux noirs j'ai caché ton vieux crâne,
Et je t'ai fait la cour.

Laisse-moi vivre encor, je dirai tes louanges ;
Pour orner tes palais, je sculpterai des anges,
Je forgerai des croix ;
Je ferai, dans l'église et dans le cimetière,
Fondre le marbre en pleurs et se plaindre la pierre
Comme au tombeau des rois !

Je te consacrerai mes chansons les plus belles :
Pour toi j'aurai toujours des bouquets d'immortelles
Et des fleurs sans parfum.
J'ai planté mon jardin, ô mort, avec tes arbres ;
L'if, le buis, le cyprès y croisent sur les marbres
Leurs rameaux d'un vert brun.

J'ai dit aux belles fleurs, doux honneur du parterre,
Au lis majestueux ouvrant son blanc cratère,
À la tulipe d'or,
À la rose de mai que le rossignol aime,
J'ai dit au dahlia, j'ai dit au chrysanthème,
À bien d'autres encor :

Ne croissez pas ici ! Cherchez une autre terre,
Frais amours du printemps ; pour ce jardin austère
Votre éclat est trop vif ;
Le houx vous blesserait de ses pointes aiguës,
Et vous boiriez dans l'air le poison des ciguës,
L'odeur âcre de l'if.

Ne m'abandonne pas, ô ma mère, ô nature,
Tu dois une jeunesse à toute créature,
À toute âme un amour ;
Je suis jeune et je sens le froid de la vieillesse,
Je ne puis rien aimer. Je veux une jeunesse,
N'eût-elle qu'un seul jour !
Nain qui me railles,
Gnome aperçu
Dans les broussailles,
Ailé, bossu ;

Face moisie,
Sur toi, boudeur,
La poésie
Tourne en laideur.

Magot de l'Inde,
Dieu d'Abydos,
Ce mont, le Pinde,
Est sur ton dos.

Ton nom est Fable.
Ton boniment
Quelquefois hâble
Et toujours ment.

Ta verve est faite
De ton limon,
Et le poète
Sort du démon.

Monstre apocryphe,
Trouble-raisons,
On sent ta griffe
Dans ces buissons.

Tu me dénonces
Un rendez-vous,
Ô fils des ronces,
Frère des houx,

Et ta voix grêle
Vient accuser
D'un sourire, elle,
Lui, d'un baiser.

Quel vilain rôle !
Je n'en crois rien,
Vieux petit drôle
Aérien.

Reprends ta danse,
Spectre badin ;
Reçois quittance
De mon dédain.

Où j'enveloppe
Tous tes aïeux
Depuis Ésope
Jusqu'à Mayeux.
Pour la France et la république,
En Navarre nous nous battions.
Là parfois la balle est oblique ;
Tous les rocs sont des bastions.

Notre chef, une barbe grise,
Le capitaine, était tombé,
Ayant reçu près d'une église
Le coup de fusil d'un abbé.

La blessure parut malsaine.
C'était un vieux et fier garçon,
En France, à Marine-sur-Seine,
On peut voir encor sa maison.

On emporta le capitaine
Dont on sentait plier les os ;
On l'assit près d'une fontaine
D'où s'envolèrent les oiseaux.

Nous lui criâmes : - Guerre ! fête !
Forçons le camp ! prenons le fort ! -
Mais il laissa pencher sa tête,
Et nous vîmes qu'il était mort.

L'aide-major avec sa trousse
N'y put rien faire et s'en alla ;
Nous ramassâmes de la mousse ;
De grands vieux chênes étaient là.

On fit au mort une jonchée
De fleurs et de branches de houx ;
Sa bouche n'était point fâchée,
Son oeil intrépide était doux.

L'abbé fut pris. - Qu'on nous l'amène !
Qu'il meure ! - On forma le carré ;
Mais on vit que le capitaine
Voulait faire grâce au curé.

On chassa du pied le jésuite ;
Et le mort semblait dire : Assez !
Quoiqu'il dût regretter la suite
De nos grands combats commencés.

Il avait sans doute à Marine
Quelques bons vieux amours tremblants ;
Nous trouvâmes sur sa poitrine
Une boucle de cheveux blancs.

Une fosse lui fut creusée
À la baïonnette, en priant ;
Puis on laissa sous la rosée
Dormir ce brave souriant.

Le bataillon reprit sa marche,
À la brune, entre chien et loup ;
Nous marchions. Les ponts n'ont qu'une arche.
Des pâtres au **** sont debout.

La montagne est assez maussade ;
La nuit est froide et le jour chaud ;
Et l'on rencontre l'embrassade
Des grands ours de huit pieds de haut.

L'homme en ces monts naît trabucaire ;
Prendre et pendre est tout l'alphabet ;
Et tout se règle avec l'équerre
Que font les deux bras du gibet.

On est bandit en paix, en guerre
On s'appelle guerillero.
Le peuple au roi laisse tout faire ;
Cet ânier mène ce taureau.

Dans les ravins, dans les rigoles
Que creusent les eaux et les ans,
De longues files d'espingoles
Rampaient comme des vers luisants.

Nous tenions tous nos armes prêtes
À cause des pièges du soir ;
Le croissant brillait sur nos têtes.
Et nous, pensifs, nous croyions voir,

Tout en cheminant dans la plaine
Vers Pampelune et Teruel
Le hausse-col du capitaine
Qui reparaissait dans le ciel.
Les roses étaient toutes rouges
Et les lierres étaient tout noirs.

Chère, pour peu que tu ne bouges,
Renaissent tous mes désespoirs.

Le ciel était trop bleu, trop tendre,
La mer trop verte et l'air trop doux.

Je crains toujours, - ce qu'est d'attendre !
Quelque fuite atroce de vous.

Du houx à la feuille vernie
Et du luisant buis je suis las,

Et de la campagne infinie
Et de tout, fors de vous, hélas !

— The End —