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marriegegirl Jul 2014
vrai dire .celui-ci était difficile pour moi .Il m'a fallu un peu plus de temps pour mettre en place les conseils pour ce poste .Non pas parce que je n'étais pas complètement enamouré .fait tout le contraire .Je ne pouvais pas choisir entre toutes les images superbes de Corliss Photographie .Les fleurs de Paisley Petals Studio de fleur .cette grange incroyablement rustique .chaque détail a été en lice pour mon affection .donc j'ai fini par passer un peu de temps en leur disant tout combien je les aimais .C'est normal .non?\u003cp\u003e

ColorsSeasonsSummerSettingsBarnStylesRomantic­

du designer floral .Nous sommes tous pressés ce tournage en droit en plein milieu de la saison de mariage parce que dans le Nord-Ouest .notre fenêtre de temps décent pour un tournage en plein air est limitée .Les résultats ont été bien elle .nous vaut tous passé un super de travailler ensemble sur ce projet !

La grange rénovée sur cette ferme à seulement 35 miles au sud de Seattle fait un endroit parfait pour aa mariage de pays inspiré séance photo .Holcomb Mariages \u0026Evénements achetés ensemble une équipe de rêve pour exécuter le concept de l'élégance rustique et de romance douce .Les couleurs claires et des notes métalliques complété avec un peu d' étincelle supplémentaire à la grange ' histoire et de charme .Nous avons décidé de laisser la grange fournir l'élément rustique tout en gardant le décor sur le côté élégant .Lorsque tout s'est bien passé .les résultats ont été tout ce que nous espérions qu'ils seraient !

tables artisan magnifiques tableaux de Seattle agricoles étaient ornés d'élégants vases en verre transparent débordant d' une prime de local.fleurs de saison dans les arrangements luxuriants conçus par Paisley Petals Studio de fleur .Les tableaux ont été finis avec la chaude lueur de verre au mercure à partir des détails significatifs .plus de Paisley Petals créations dans de petits vases d'argent et place des cartes artisanale par Itsy Belle .Le cadre rustique de la grange et la ferme était la juxtaposition parfaite contre la romance douce du décor .La météo imprévisible qui fait de jour pour une belle lumière .et les portes de la grange ont été ouverts pour laisser illuminer le réglage.En dehors de la grange .des tables ont été placées dans le paysage pour créer une ambiance intime .Chaque table paysage est légèrement différent de l'autre tout en conservant le sentiment de romance rustique .

la robe de Notre modèle de mariée de Something Blue Bridal Boutique était douce et féminine et arrosé avec l'étincelle de son bijoux guillotine à son correspondant bandeau .Ses magnifiques yeux verts ont été portées à la vie par l'artiste de maquillage Korrine Claxon robe de mariée courte .Le bouquet de la mariée était un mélange frais de la ferme des dahlias .roses de jardin .astilbe .lismachia .scabieuse .dentelle de reine anne .des rosettes .origan .menthe ananas .l'achillée millefeuille .adiante et vignes finis robe de mariée courte avec un ruban ric rac de pêche de luxe .La boutonnière assortie utilisé principalement des herbes et des textures de prêter une ambiance plus masculine .

Une cérémonie simple a été mis en place à l'aide de tables bancs agricoles Seattle .L'emplacement au sommet de la ferme a profité pleinement de la vue panoramique sur les champs ci-dessous.Notre

http://www.modedomicile.com

photographe a su capter les dernières images de plein air comme un orage a commencé à rouler à travers .ce qui a pour fin passionnante de notre journée ensemble !
Nous avons été ravis d'avoir Corliss Photographie à bord pour capter magnifiquement l'essence de ce que nous avions créé .C'est toujours inspirant de travailler avec des professionnels du mariage de talent .Nous étions tous ravis de faire partie de celui-ci !Dans notre petit coin du nord-ouest du pays .nous sommes entourés par nature .donner.professionnels de la collaboration dans tous les coins de l'industrie du mariage .Mettre sur pied un tournage comme celui-ci nous donne une chance de fléchir nos muscles créatifs .apprendre à connaître l'autre un robe courte devant longue derriere peu mieux .et de mettre nos talents à travailler pour créer quelque chose de beau juste pour le plaisir !

Photographie : Corliss Photographie | Planification de l'événement: Holcomb Mariages et Evénements | Floral Design : Paisley Petals Studio de fleur | Robe de mariée : Something Blue Bridal Boutique | maquilleur : Korrine Claxton | Place Cards : Itsy Belle | Locations : tableaux de Seattle ferme |Locations de vacances : AA Party | Location : Les détails significatifs | Lieu de mariage : La Ferme
Jake Espinoza Jul 2010
J'ai toujours menti pour dire la vérité.
Je joue aux jeux pour que les autres puissent gagner.
Tout est si important
     que ça m'est égal.
Si je pense assez
     j'oublierai tout.
Je suis le Roi des Ombres
     important seulement pour les êtres qui existent en silence et poussière.
Je me change en pierre si je me tiens tranquille
     à me trouver dans un jardin d'une telle beauté
     avec les couleurs qui ont une sonorité jamais vue.
Je sens les émotions à travers le temps
     celles qu'aucun humain ne peut sentir.
Je tombe à travers la sécurité confortable et rouge-noire
     dans la clarté des vastes profondeurs du bleu foncé.
Mon corps s'est fait parfait pendant que je succombe
     et mon esprit se réveille.
La musique du violon se condense en amour sous mes yeux
     l'accord profond et sonore déchire le poison de mon esprit.
Je ressens les montées bleues claires de la vie dans mes veines quand je suis seul.
Je m'assieds avec les montagnes jusqu'à ce que nous nous unissions.
Mes yeux ne pourront jamais devenir impurs
     mon âme est sans tache.
Il y a la curiosité silencieuse dans la Vie
     l'amour dans ses yeux est si manifeste
     son sourire si tendre
     si silencieuse.
Ici sera où je pose la tête
     c'est la réalité que je choisis.
See "The Sound of Sleep" for the English translation.
Tom McCone Mar 2013
les étoiles s'allongent dans les champs des chambres noires,
les mers, perdues dans le papier-nuit des temps,
un poisson glisse en aval
et,
le sommeil des pelouses,
vu d'en bas hier soir,
dure encore.

la lune, un orateur dans les bois; elle dire:
"j'oublie le ciel d'azur,
je deviens le nageur à heure du dîner
jusqu'à l'éclipse d'aube,
je crie sous le vide,
sous l'eau d'octobre, se termine,
et
la marée, sur ces mers,
s'affaiblit
en bruit de rêve."

et moi, dévisageant la solution des points claires,
miniscules et faible lueurs,
je m'anime,
encore endormi, toujours,
toujours endormi,
tant que les arbres respirént,
tendres et lents.
the stars lay down in the fields of darkened rooms,
the seas, lost amidst the paper mist of time,
a fish slips its way downstream
and
the lawns,
seen from below, last night,
still doze.

the moon, a speaker amongst the woods; she says:
"I forgot the skies of blue,
I've become the swimmer at dinnertime
through the eclipse of dawn,
I scream beneath the void,
under the waters of october, coming to an end,
and
the tide, upon those seas,
fades,
into the sound of dreams"

and, me, staring into the solution of light points,
miniscule and glimmering,
I become alive,
still sleeping, always,
always sleeping,
whilst the trees breathe,
soft and slow.
IL semblait grelotter, car la bise était dure.
C'était, sous un amas de rameaux sans verdure,
Une pauvre statue, au dos noir, au pied vert,
Un vieux faune isolé dans le vieux parc désert,
Qui, de son front penché touchant aux branches d'arbre,
Se perdait à mi-corps dans sa gaine de marbre.

Il était là, pensif, à la terre lié,
Et, comme toute chose immobile, - oublié !

Des arbres l'entouraient, fouettés d'un vent de glace,
Et comme lui vieillis à cette même place ;
Des marronniers géants, sans feuilles, sans oiseaux
Sous leurs tailles brouillés en ténébreux réseaux,
Pâle, il apparaissait, et la terre était brune.
Une âpre nuit d'hiver, sans étoile et sans lune,
Tombait à larges pans dans le brouillard diffus.
D'autres arbres plus **** croisaient leurs sombres fûts ;
Plus **** d'autre encore, estompés par l'espace,
Poussaient dans le ciel gris où le vent du soir passe
Mille petits rameaux noirs, tordus et mêlés,
Et se posaient partout, l'un par l'autre voilés,
Sur l'horizon, perdu dans les vapeurs informes,
Comme un grand troupeau roux de hérissons énormes.

Rien de plus. Ce vieux faune, un ciel morne, un bois noir.

Peut-être dans la brume au **** pouvait-on voir
Quelque longue terrasse aux verdâtres assises,
Ou, près d'un grand bassin, des nymphes indécises,
Honteuses à bon droit dans ce parc aboli,
Autrefois des regards, maintenant de l'oubli.

Le vieux faune riait. - Dans leurs ombres douteuses
Laissant le bassin triste et les nymphes honteuses,
Le vieux faune riait, c'est à lui que je vins ;
Ému, car sans pitié tous ces sculpteurs divins
Condamnent pour jamais, contents qu'on les admire,
Les nymphes à la honte et les faunes au rire.

Moi, j'ai toujours pitié du pauvre marbre obscur.
De l'homme moins souvent, parce qu'il est plus dur.

Et, sans froisser d'un mot son oreille blessée,
Car le marbre entend bien la voix de la pensée,
Je lui dis : - Vous étiez du beau siècle amoureux.
Sylvain, qu'avez-vous vu quand vous étiez heureux ?
Vous étiez de la cour ? Vous assistiez aux fêtes ?
C'est pour vous divertir que ces nymphes sont faites.
C'est pour vous, dans ces bois, que de savantes mains
Ont mêlé les dieux grecs et les césars romains,
Et, dans les claires eaux mirant les vases rares,
Tordu tout ce jardin en dédales bizarres.
Quand vous étiez heureux, qu'avez-vous vu, Sylvain ?
Contez-moi les secrets de ce passé trop vain,
De ce passé charmant, plein de flammes discrètes,
Où parmi les grands rois croissaient les grands poètes.
Que de frais souvenirs dont encor vous riez !
Parlez-moi, beau Sylvain, comme vous parleriez
A l'arbre, au vent qui souffle, à l'herbe non foulée.
D'un bout à l'autre bout de cette épaisse allée,
Avez-vous quelquefois, moqueur antique et grec,
Quand près de vous passait avec le beau Lautrec
Marguerite aux yeux doux, la reine béarnaise,
Lancé votre œil oblique à l'Hercule Farnèse ?
Seul sous votre antre vert de feuillage mouillé,
Ô Sylvain complaisant, avez-vous conseillé,
Vous tournant vers chacun du côté qui l'attire,
Racan comme berger, Regnier comme satyre ?
Avez-vous vu parfois, sur ce banc, vers midi,
Suer Vincent de Paul à façonner Gondi ?
Faune ! avez-vous suivi de ce regard étrange
Anne avec Buckingham, Louis avec Fontange,
Et se retournaient-ils, la rougeur sur le front,
En vous entendant rire au coin du bois profond ?
Étiez-vous consulté sur le thyrse ou le lierre,
Lorsqu'en un grand ballet de forme singulière
La cour du dieu Phœbus ou la cour du dieu Pan
Du nom d'Amaryllis enivraient Montespan ?
Fuyant des courtisans les oreilles de pierre,
La Fontaine vint-il, les pleurs dans la paupière,
De ses nymphes de Vaux vous conter les regrets ?
Que vous disait Boileau, que vous disait Segrais,
A vous, faune lettré qui jadis dans l'églogue
Aviez avec Virgile un charmant dialogue,
Et qui faisiez sauter, sur le gazon naissant,
Le lourd spondée au pas du dactyle dansant ?
Avez-vous vu jouer les beautés dans les herbes,
Chevreuse aux yeux noyés, Thiange aux airs superbes ?
Vous ont-elles parfois de leur groupe vermeil
Entouré follement, si bien que le soleil
Découpait tout à coup, en perçant quelque nue,
Votre profil lascif sur leur gorge ingénue ?
Votre arbre a-t-il reçu sous son abri serein
L'écarlate linceul du pâle Mazarin ?
Avez-vous eu l'honneur de voir rêver Molière ?
Vous a-t-il quelquefois, d'une voix familière,
Vous jetant brusquement un vers mélodieux,
Tutoyé, comme on fait entre les demi-dieux ?
En revenant un soir du fond des avenues,
Ce penseur, qui, voyant les âmes toutes nues,
Ne pouvait avoir peur de votre nudité,
À l'homme en son esprit vous a-t-il confronté ?
Et vous a-t-il trouvé, vous le spectre cynique,
Moins triste, moins méchant, moins froid, moins ironique,
Alors qu'il comparait, s'arrêtant en chemin,
Votre rire de marbre à notre rire humain ? -

Ainsi je lui parlais sous l'épaisse ramure.
Il ne répondit pas même par un murmure.
J'écoutais, incliné sur le marbre glacé,
Mais je n'entendis rien remuer du passé.
La blafarde lueur du jour qui se retire
Blanchissait vaguement l'immobile satyre,
Muet à ma parole et sourd à ma pitié.
À le voir là, sinistre, et sortant à moitié
De son fourreau noirci par l'humide feuillée,
On eût dit la poignée en torse ciselée
D'un vieux glaive rouillé qu'on laisse dans l'étui.

Je secouai la tête et m'éloignai de lui.
Alors des buissons noirs, des branches desséchées
Comme des sœurs en deuil sur sa tête penchées,
Et des antres secrets dispersés dans les bois,
Il me sembla soudain qu'il sortait une voix,
Qui dans mon âme obscure et vaguement sonore
Éveillait un écho comme au fond d'une amphore.

- Ô poète imprudent, que fais-tu ? laisse en paix
Les faunes délaissés sous les arbres épais !
Poète ! ignores-tu qu'il est toujours impie
D'aller, aux lieux déserts où dort l'ombre assoupie,
Secouer, par l'amour fussiez-vous entraînés,
Cette mousse qui pend aux siècles ruinés,
Et troubler, du vain bruit de vos voix indiscrètes,
Le souvenir des morts dans ses sombres retraites ! -

Alors dans les jardins sous la brume enfouis
Je m'enfonçai, rêvant aux jours évanouis,
Tandis que les rameaux s'emplissaient de mystère,
Et que derrière moi le faune solitaire,
Hiéroglyphe obscur d'un antique alphabet,
Continuait de rire à la nuit qui tombait.

J'allais, et contemplant d'un regard triste encore
Tous ces doux souvenirs, beauté, printemps, aurore,
Dans l'air et sous mes pieds épars, mêlés, flottants,
Feuilles de l'autre été, femmes de l'autre temps,
J'entrevoyais au ****, sous les branchages sombres,
Des marbres dans le bois, dans le passé des ombres !

Le 19 mars 1837.
Une minute encore, madame, et cette année,

Commencée avec vous, avec vous terminée,

Ne sera plus qu'un souvenir.

Minuit ! Voilà son glas que la pendule sonne,

Elle s'en est allée en un lieu d'où personne

Ne peut la faire revenir.


Quelque part, ****, bien ****, par-delà les étoiles,

Dans un pays sans nom, ombreux et plein de voiles,

Sur le bord du néant jeté ;

Limbes de l'impalpable, invisible royaume

Où va ce qui n'a pas de corps ni de fantôme,

Ce qui n'est rien, ayant été ;


Où va le son, où va le souffle ; où va la flamme,

La vision qu'en rêve on perçoit avec l'âme,

L'amour de notre cœur chassé ;

La pensée inconnue éclose en notre tête ;

L'ombre qu'en s'y mirant dans la glace on projette ;

Le présent qui se fait passé ;


Un acompte d'un an pris sur les ans qu'à vivre

Dieu veut bien nous prêter ; une feuille du livre

Tournée avec le doigt du temps ;

Une scène nouvelle à rajouter au drame,

Un chapitre de plus au roman dont la trame

S'embrouille d'instants en instants ;


Un autre pas de fait dans cette route morne

De la vie et du temps, dont la dernière borne,

Proche ou lointaine, est un tombeau ;

Où l'on ne peut poser le pied qu'il ne s'enfonce,

Où de votre bonheur toujours à chaque ronce

Derrière vous reste un lambeau.


Du haut de cette année avec labeur gravie,

Me tournant vers ce moi qui n'est plus dans ma vie

Qu'un souvenir presque effacé,

Avant qu'il ne se plonge au sein de l'ombre noire,

Je contemple un moment, des yeux de la mémoire,

Le vaste horizon du passé.


Ainsi le voyageur, du haut de la colline,

Avant que tout à fait le versant qui s'incline

Ne les dérobe à son regard,

Jette un dernier coup d'œil sur les campagnes bleues

Qu'il vient de parcourir, comptant combien de lieues

Il a fait depuis son départ.


Mes ans évanouis à mes pieds se déploient

Comme une plaine obscure où quelques points chatoient

D'un rayon de soleil frappés :

Sur les plans éloignés qu'un brouillard d'oubli cache,

Une époque, un détail nettement se détache

Et revit à mes yeux trompés.


Ce qui fut moi jadis m'apparaît : silhouette

Qui ne ressemble plus au moi qu'elle répète ;

Portrait sans modèle aujourd'hui ;

Spectre dont le cadavre est vivant ; ombre morte

Que le passé ravit au présent qu'il emporte ;

Reflet dont le corps s'est enfui.


J'hésite en me voyant devant moi reparaître,

Hélas ! Et j'ai souvent peine à me reconnaître

Sous ma figure d'autrefois,

Comme un homme qu'on met tout à coup en présence

De quelque ancien ami dont l'âge et dont l'absence

Ont changé les traits et la voix.


Tant de choses depuis, par cette pauvre tête,

Ont passé ! Dans cette âme et ce cœur de poète,

Comme dans l'aire des aiglons,

Tant d'œuvres que couva l'aile de ma pensée

Se débattent, heurtant leur coquille brisée

Avec leurs ongles déjà longs !


Je ne suis plus le même : âme et corps, tout diffère,

Hors le nom, rien de moi n'est resté ; mais qu'y faire ?

Marcher en avant, oublier.

On ne peut sur le temps reprendre une minute,

Ni faire remonter un grain après sa chute

Au fond du fatal sablier.


La tête de l'enfant n'est plus dans cette tête

Maigre, décolorée, ainsi que me l'ont faite

L'étude austère et les soucis.

Vous n'en trouveriez rien sur ce front qui médite

Et dont quelque tourmente intérieure agite

Comme deux serpents les sourcils.


Ma joue était sans plis, toute rose, et ma lèvre

Aux coins toujours arqués riait ; jamais la fièvre

N'en avait noirci le corail.

Mes yeux, vierges de pleurs, avaient des étincelles

Qu'ils n'ont plus maintenant, et leurs claires prunelles

Doublaient le ciel dans leur émail.


Mon cœur avait mon âge, il ignorait la vie,

Aucune illusion, amèrement ravie,

Jeune, ne l'avait rendu vieux ;

Il s'épanouissait à toute chose belle,

Et dans cette existence encore pour lui nouvelle,

Le mal était bien, le bien, mieux.


Ma poésie, enfant à la grâce ingénue,

Les cheveux dénoués, sans corset, jambe nue,

Un brin de folle avoine en main,

Avec son collier fait de perles de rosée,

Sa robe prismatique au soleil irisée,

Allait chantant par le chemin.


Et puis l'âge est venu qui donne la science :

J'ai lu Werther, René, son frère d'alliance,

Ces livres, vrais poisons du cœur,

Qui déflorent la vie et nous dégoûtent d'elle,

Dont chaque mot vous porte une atteinte mortelle ;

Byron et son don Juan moqueur.


Ce fut un dur réveil : ayant vu que les songes

Dont je m'étais bercé n'étaient que des mensonges,

Les croyances, des hochets creux,

Je cherchai la gangrène au fond de tout, et, comme

Je la trouvai toujours, je pris en haine l'homme,

Et je devins bien malheureux.


La pensée et la forme ont passé comme un rêve.

Mais que fait donc le temps de ce qu'il nous enlève ?

Dans quel coin du chaos met-il

Ces aspects oubliés comme l'habit qu'on change,

Tous ces moi du même homme ? Et quel royaume étrange

Leur sert de patrie ou d'exil ?


Dieu seul peut le savoir, c'est un profond mystère ;

Nous le saurons peut-être à la fin, car la terre

Que la pioche jette au cercueil

Avec sa sombre voix explique bien des choses ;

Des effets, dans la tombe, on comprend mieux les causes.

L'éternité commence au seuil.


L'on voit... Mais veuillez bien me pardonner, madame,

De vous entretenir de tout cela. Mon âme,

Ainsi qu'un vase trop rempli,

Déborde, laissant choir mille vagues pensées,

Et ces ressouvenirs d'illusions passées

Rembrunissent mon front pâli.


« Eh ! Que vous fait cela, dites-vous, tête folle,

De vous inquiéter d'une ombre qui s'envole ?

Pourquoi donc vouloir retenir

Comme un enfant mutin sa mère par la robe,

Ce passé qui s'en va ? De ce qu'il vous dérobe

Consolez-vous par l'avenir.


« Regardez ; devant vous l'horizon est immense ;

C'est l'aube de la vie et votre jour commence ;

Le ciel est bleu, le soleil luit ;

La route de ce monde est pour vous une allée,

Comme celle d'un parc, pleine d'ombre et sablée ;

Marchez où le temps vous conduit.


« Que voulez-vous de plus ? Tout vous rit, l'on vous aime.

- Oh ! Vous avez raison, je me le dis moi-même,

L'avenir devrait m'être cher ;

Mais c'est en vain, hélas ! Que votre voix m'exhorte ;

Je rêve, et mon baiser à votre front avorte,

Et je me sens le cœur amer. »
Colin Kohlsmith Feb 2010
Très ****
Si ****
La distance
Entre nous
Malgré
Nos efforts
Et nos espoirs
C’est exactement
Comme prevu
Même si
Je peux distinguer
Tes émotions
Très, très claires
Dès fois
L’amour
Ne suffit pas
Malgré
Ce qu’on
Espère

This Sad Rarity

So far
So great
A distance
Exists
Between
Our souls
Lost hope
And wasted
Effort
Where pain
Has taken toll
It’s exactly
What they told me
Although
Your feelings
I clearly see
This time
Love won’t save us
In this sad
Rarity
Voie lactée ô sœur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses

Regret des yeux de la putain
Et belle comme une panthère
Amour vos baisers florentins
Avaient une saveur amère
Qui a rebuté nos destins

Ses regards laissaient une traîne
D'étoiles dans les soirs tremblants
Dans ses yeux nageaient les sirènes
Et nos baisers mordus sanglants
Faisaient pleurer nos fées marraines

Mais en vérité je l'attends
Avec mon cœur avec mon âme
Et sur le pont des Reviens-t'en
Si jamais revient cette femme
Je lui dirai Je suis content

Mon cœur et ma tête se vident
Tout le ciel s'écoule par eux
Ô mes tonneaux des Danaïdes
Comment faire pour être heureux
Comme un petit enfant candide

Je ne veux jamais l'oublier
Ma colombe ma blanche rade
Ô marguerite exfoliée
Mon île au **** ma Désirade
Ma rose mon giroflier

Les satyres et les pyraustes
Les égypans les feux follets
Et les destins damnés ou faustes
La corde au cou comme à Calais
Sur ma douleur quel holocauste

Douleur qui doubles les destins
La licorne et le capricorne
Mon âme et mon corps incertain
Te fuient ô bûcher divin qu'ornent
Des astres des fleurs du matin

Malheur dieu pâle aux yeux d'ivoire
Tes prêtres fous t'ont-ils paré
Tes victimes en robe noire
Ont-elles vainement pleuré
Malheur dieu qu'il ne faut pas croire

Et toi qui me suis en rampant
Dieu de mes dieux morts en automne
Tu mesures combien d'empans
J'ai droit que la terre me donne
Ô mon ombre ô mon vieux serpent

Au soleil parce que tu l'aimes
Je t'ai menée souviens t'en bien
Ténébreuse épouse que j'aime
Tu es à moi en n'étant rien
Ô mon ombre en deuil de moi-même

L'hiver est mort tout enneigé
On a brûlé les ruches blanches
Dans les jardins et les vergers
Les oiseaux chantent sur les branches
Le printemps clair l'avril léger

Mort d'immortels argyraspides
La neige aux boucliers d'argent
Fuit les dendrophores livides
Du printemps cher aux pauvres gens
Qui resourient les yeux humides

Et moi j'ai le cœur aussi gros
Qu'un cul de dame damascène
Ô mon amour je t'aimais trop
Et maintenant j'ai trop de peine
Les sept épées hors du fourreau

Sept épées de mélancolie
Sans morfil ô claires douleurs
Sont dans mon cœur et la folie
Veut raisonner pour mon malheur
Comment voulez-vous que j'oublie.
Œil pour œil ! Dent pour dent ! Tête pour tête ! A mort !
Justice ! L'échafaud vaut mieux que le remord.
Talion ! talion !

- Silence aux cris sauvages !
Non ! assez de malheur, de meurtre et de ravages !
Assez d'égorgements ! assez de deuil ! assez
De fantômes sans tête et d'affreux trépassés !
Assez de visions funèbres dans la brume !
Assez de doigts hideux, montrant le sang qui fume,
Noirs, et comptant les trous des linceuls dans la nuit !
Pas de suppliciés dont le cri nous poursuit !
Pas de spectres jetant leur ombre sur nos têtes !
Nous sommes ruisselants de toutes les tempêtes ;
Il n'est plus qu'un devoir et qu'une vérité,
C'est, après tant d'angoisse et de calamité.
Homme, d'ouvrir son cœur, oiseau, d'ouvrir son aile
Vers ce ciel que remplit la grande âme éternelle !
Le peuple, que les rois broyaient sous leurs talons.
Est la pierre promise au temple, et nous voulons
Que la pierre bâtisse et non qu'elle lapide !
Pas de sang ! pas de mort ! C'est un reflux stupide
Que la férocité sur la férocité.
Un pilier d'échafaud soutient mal la cité.
Tu veux faire mourir ! Moi je veux faire naître !
Je mure le sépulcre et j'ouvre la fenêtre.
Dieu n'a pas fait le sang, à l'amour réservé.
Pour qu'on le donne à boire aux fentes du pavé.
S'agit-il d'égorger ? Peuples, il s'agit d'être.
Quoi ! tu veux te venger, passant ? de qui ? du maître ?
Si tu ne vaux pas mieux, que viens-tu faire ici ?
Tout mystère où l'on jette un meurtre est obscurci ;
L'énigme ensanglantée est plus âpre à résoudre ;
L'ombre s'ouvre terrible après le coup de foudre ;
Tuer n'est pas créer, et l'on se tromperait
Si l'on croyait que tout finit au couperet ;
C'est là qu'inattendue, impénétrable, immense.
Pleine d'éclairs subits, la question commence ;
C'est du bien et du mal ; mais le mal est plus grand.
Satan rit à travers l'échafaud transparent.
Le bourreau, quel qu'il soit, a le pied dans l'abîme ;
Quoi qu'elle fasse, hélas ! la hache fait un crime ;
Une lugubre nuit fume sur ce tranchant ;
Quand il vient de tuer, comme, en s'en approchant.
On frémit de le voir tout ruisselant, et comme
On sent qu'il a frappé dans l'ombre plus qu'un homme
Sitôt qu'a disparu le coupable immolé.
Hors du panier tragique où la tête a roulé.
Le principe innocent, divin, inviolable.
Avec son regard d'astre à l'aurore semblable.
Se dresse, spectre auguste, un cercle rouge au cou.
L'homme est impitoyable, hélas, sans savoir où.
Comment ne voit-il pas qu'il vit dans un problème.
Que l'homme est solidaire avec ses monstres même.
Et qu'il ne peut tuer autre chose qu'Abel !
Lorsqu'une tête tombe, on sent trembler le ciel.
Décapitez Néron, cette hyène insensée,
La vie universelle est dans Néron blessée ;
Faites monter Tibère à l'échafaud demain,
Tibère saignera le sang du genre humain.
Nous sommes tous mêlés à ce que fait la Grève ;
Quand un homme, en public, nous voyant comme un rêve.
Meurt, implorant en vain nos lâches abandons.
Ce meurtre est notre meurtre et nous en répondons ;
C'est avec un morceau de notre insouciance.
C'est avec un haillon de notre conscience.
Avec notre âme à tous, que l'exécuteur las
Essuie en s'en allant son hideux coutelas.
L'homme peut oublier ; les choses importunes
S'effacent dans l'éclat ondoyant des fortunes ;
Le passé, l'avenir, se voilent par moments ;
Les festins, les flambeaux, les feux, les diamants.
L'illumination triomphale des fêtes.
Peuvent éclipser l'ombre énorme des prophètes ;
Autour des grands bassins, au bord des claires eaux.
Les enfants radieux peuvent aux cris d'oiseaux
Mêler le bruit confus de leurs lèvres fleuries.
Et, dans le Luxembourg ou dans les Tuileries,
Devant les vieux héros de marbre aux poings crispés.
Danser, rire et chanter : les lauriers sont coupés !
La Courtille au front bas peut noyer dans les verres
Le souvenir des jours illustres et sévères ;
La valse peut ravir, éblouir, enivrer
Des femmes de satin, heureuses de livrer
Le plus de nudité possible aux yeux de flamme ;
L'***** peut murmurer son chaste épithalame ;
Le bal masqué, lascif, paré, bruyant, charmant,
Peut allumer sa torche et bondir follement.
Goule au linceul joyeux, larve en fleurs, spectre rose ;
Mais, quel que soit le temps, quelle que soit la cause.
C'est toujours une nuit funeste au peuple entier
Que celle où, conduisant un prêtre, un guichetier
Fouille au trousseau de clefs qui pend à sa ceinture
Pour aller, sur le lit de fièvre et de torture,
Réveiller avant l'heure un pauvre homme endormi,
Tandis que, sur la Grève, entrevus à demi.
Sous les coups de marteau qui font fuir la chouette.
D'effrayants madriers dressent leur silhouette.
Rougis par la lanterne horrible du bourreau.
Le vieux glaive du juge a la nuit pour fourreau.
Le tribunal ne peut de ce fourreau livide
Tirer que la douleur, l'anxiété, le vide,
Le néant, le remords, l'ignorance et l'effroi.

Qu'il frappe au nom du peuple ou venge au nom du roi.
Justice ! dites-vous. - Qu'appelez-vous justice ?
Qu'on s'entr'aide, qu'on soit des frères, qu'on vêtisse
Ceux qui sont nus, qu'on donne à tous le pain sacré.
Qu'on brise l'affreux bagne où le pauvre est muré,
Mais qu'on ne touche point à la balance sombre !
Le sépulcre où, pensif, l'homme naufrage et sombre.
Au delà d'aujourd'hui, de demain, des saisons.
Des jours, du flamboiement de nos vains horizons,
Et des chimères, proie et fruit de notre étude,
A son ciel plein d'aurore et fait de certitude ;
La justice en est l'astre immuable et lointain.
Notre justice à nous, comme notre destin.
Est tâtonnement, trouble, erreur, nuage, doute ;
Martyr, je m'applaudis ; juge, je me redoute ;
L'infaillible, est-ce moi, dis ? est-ce toi ? réponds.
Vous criez : - Nos douleurs sont notre droit. Frappons.
Nous sommes trop en butte au sort qui nous accable.
Nous sommes trop frappés d'un mal inexplicable.
Nous avons trop de deuils, trop de jougs, trop d'hivers.
Nous sommes trop souffrants, dans nos destins divers.
Tous, les grands, les petits, les obscurs, les célèbres.
Pour ne pas condamner quelqu'un dans nos ténèbres. -
Puisque vous ne voyez rien de clair dans le sort.
Ne vous hâtez pas trop d'en conclure la mort.
Fût-ce la mort d'un roi, d'un maître et d'un despote ;
Dans la brume insondable où tout saigne et sanglote,
Ne vous hâtez pas trop de prendre vos malheurs.
Vos jours sans feu, vos jours sans pain, vos cris, vos pleurs.
Et ce deuil qui sur vous et votre race tombe.
Pour les faire servir à construire une tombe.
Quel pas aurez-vous fait pour avoir ajouté
A votre obscur destin, ombre et fatalité.
Cette autre obscurité que vous nommez justice ?
Faire de l'échafaud, menaçante bâtisse.
Un autel à bénir le progrès nouveau-né,
Ô vivants, c'est démence ; et qu'aurez-vous gagné
Quand, d'un culte de mort lamentables ministres.
Vous aurez marié ces infirmes sinistres,
La justice boiteuse et l'aveugle anankè ?
Le glaive toujours cherche un but toujours manqué ;
La palme, cette flamme aux fleurs étincelantes,
Faite d'azur, frémit devant des mains sanglantes.
Et recule et s'enfuit, sensitive des cieux !
La colère assouvie a le front soucieux.
Quant à moi, tu le sais, nuit calme où je respire,
J'aurais là, sous mes pieds, mon ennemi, le pire,
Caïn juge, Judas pontife, Satan roi.
Que j'ouvrirais ma porte et dirais : Sauve-toi !

Non, l'élargissement des mornes cimetières
N'est pas le but. Marchons, reculons les frontières
De la vie ! Ô mon siècle, allons toujours plus haut !
Grandissons !

Qu'est-ce donc qu'il nous veut, l'échafaud.
Cette charpente spectre accoutumée aux foules.
Cet îlot noir qu'assiège et que bat de ses houles
La multitude aux flots inquiets et mouvants.
Ce sépulcre qui vient attaquer les vivants,
Et qui, sur les palais ainsi que sur les bouges.
Surgit, levant un glaive au bout de ses bras rouges ?
Mystère qui se livre aux carrefours, morceau
De la tombe qui vient tremper dans le ruisseau,
Bravant le jour, le bruit, les cris ; bière effrontée
Qui, féroce, cynique et lâche, semble athée !
Ô spectacle exécré dans les plus repoussants.
Une mort qui se fait coudoyer aux passants,
Qui permet qu'un crieur hors de l'ombre la tire !
Une mort qui n'a pas l'épouvante du rire.
Dévoilant l'escalier qui dans la nuit descend,
Disant : voyez ! marchant dans la rue, et laissant
La boue éclabousser son linceul semé d'astres ;
Qui, sur un tréteau, montre entre deux vils pilastres
Son horreur, son front noir, son œil de basilic ;
Qui consent à venir travailler en public,
Et qui, prostituée, accepte, sur les places,
La familiarité des fauves populaces !

Ô vivant du tombeau, vivant de l'infini,
Jéhovah ! Dieu, clarté, rayon jamais terni.
Pour faire de la mort, de la nuit, des ténèbres,
Ils ont mis ton triangle entre deux pieux funèbres ;
Et leur foule, qui voit resplendir ta lueur.
Ne sent pas à son front poindre une âpre sueur.
Et l'horreur n'étreint pas ce noir peuple unanime.
Quand ils font, pour punir ce qu'ils ont nommé crime.
Au nom de ce qu'ils ont appelé vérité.
Sur la vie, o terreur, tomber l'éternité !
Ô lâches, la voilà ! Dégorgez dans les gares !
Le soleil essuya de ses poumons ardents
Les boulevards qu'un soir comblèrent les Barbares.
Voilà la Cité sainte, assise à l'occident !

Allez ! on préviendra les reflux d'incendie,
Voilà les quais, voilà les boulevards, voilà
Les maisons sur l'azur léger qui s'irradie
Et qu'un soir la rougeur des bombes étoila !

Cachez les palais morts dans des niches de planches !
L'ancien jour effaré rafraîchit vos regards.
Voici le troupeau roux des tordeuses de hanches :
Soyez fous, vous serez drôles, étant hagards !

Tas de chiennes en rut mangeant des cataplasmes,
Le cri des maisons d'or vous réclame. Volez !
Mangez ! Voici la nuit de joie aux profonds spasmes
Qui descend dans la rue. Ô buveurs désolés,

Buvez ! Quand la lumière arrive intense et folle,
Fouillant à vos côtés les luxes ruisselants,
Vous n'allez pas baver, sans geste, sans parole,
Dans vos verres, les yeux perdus aux lointains blancs ?

Avalez, pour la Reine aux fesses cascadantes !
Ecoutez l'action des stupides hoquets
Déchirants ! Ecoutez sauter aux nuits ardentes
Les idiots râleux, vieillards, pantins, laquais !

Ô coeurs de saleté, bouches épouvantables,
Fonctionnez plus fort, bouches de puanteurs !
Un vin pour ces torpeurs ignobles, sur ces tables...
Vos ventres sont fondus de hontes, ô Vainqueurs !

Ouvrez votre narine aux superbes nausées !
Trempez de poisons forts les cordes de vos cous !
Sur vos nuques d'enfants baissant ses mains croisées
Le Poète vous dit : " Ô lâches, soyez fous !

Parce que vous fouillez le ventre de la Femme,
Vous craignez d'elle encore une convulsion
Qui crie, asphyxiant votre nichée infâme
Sur sa poitrine, en une horrible pression.

Syphilitiques, fous, rois, pantins, ventriloques,
Qu'est-ce que ça peut faire à la putain Paris,
Vos âmes et vos corps, vos poisons et vos loques ?
Elle se secouera de vous, hargneux pourris !

Et quand vous serez bas, geignant sur vos entrailles,
Les flancs morts, réclamant votre argent, éperdus,
La rouge courtisane aux seins gros de batailles
**** de votre stupeur tordra ses poings ardus !

Quand tes pieds ont dansé si fort dans les colères,
Paris ! quand tu reçus tant de coups de couteau,
Quand tu gis, retenant dans tes prunelles claires
Un peu de la bonté du fauve renouveau,

Ô cité douloureuse, ô cité quasi morte,
La tête et les deux seins jetés vers l'Avenir
Ouvrant sur ta pâleur ses milliards de portes,
Cité que le Passé sombre pourrait bénir :

Corps remagnétisé pour les énormes peines,
Tu rebois donc la vie effroyable ! tu sens
Sourdre le flux des vers livides en tes veines,
Et sur ton clair amour rôder les doigts glaçants !

Et ce n'est pas mauvais. Les vers, les vers livides
Ne gêneront pas plus ton souffle de Progrès
Que les Stryx n'éteignaient l'oeil des Cariatides
Où des pleurs d'or astral tombaient des bleus degrés."

Quoique ce soit affreux de te revoir couverte,
Ainsi ; quoiqu'on n'ait fait jamais d'une cité
Ulcère plus puant à la Nature verte,
Le Poète te dit : " Splendide est ta Beauté !"

L'orage t'a sacrée suprême poésie ;
L'immense remuement des forces te secourt ;
Ton oeuvre bout, la mort gronde, Cité choisie !
Amasse les strideurs au coeur du clairon sourd.

Le Poète prendra le sanglot des Infâmes,
La haine des Forçats, la clameur des Maudits ;
Et ses rayons d'amour flagelleront les Femmes.
Ses strophes bondiront : Voilà ! voilà ! bandits !

- Société, tout est rétabli : - les ******
Pleurent leur ancien râle aux anciens lupanars :
Et les gaz en délire, aux murailles rougies,
Flambent sinistrement vers les azurs blafards !
La Rivière de Cassis roule ignorée
En des vaux étranges :
La voix de cent corbeaux l'accompagne, vraie
Et bonne voix d'anges :
Avec les grands mouvements des sapinaies
Quand plusieurs vents plongent.

Tout roule avec des mystères révoltants
De campagnes d'anciens temps ;
De donjons visités, de parcs importants :
C'est en ces bords qu'on entend
Les passions mortes des chevaliers errants :
Mais que salubre est le vent !

Que le piéton regarde à ces claires-voies :
Il ira plus courageux.
Soldats des forêts que le Seigneur envoie,
Chers corbeaux délicieux !
Faites fuir d'ici le paysan matois
Qui trinqué d'un moignon vieux.
Lux
I.

Temps futurs ! vision sublime !
Les peuples sont hors de l'abîme.
Le désert morne est traversé.
Après les sables, la pelouse ;
Et la terre est comme une épouse,
Et l'homme est comme un fiancé !

Dès à présent l'œil qui s'élève
Voit distinctement ce beau rêve
Qui sera le réel un jour ;
Car Dieu dénouera toute chaîne,
Car le passé s'appelle haine
Et l'avenir se nomme amour !

Dès à présent dans nos misères
Germe l'***** des peuples frères ;
Volant sur nos sombres rameaux,
Comme un frelon que l'aube éveille,
Le progrès, ténébreuse abeille,
Fait du bonheur avec nos maux.

Oh ! voyez ! la nuit se dissipe.
Sur le monde qui s'émancipe,
Oubliant Césars et Capets,
Et sur les nations nubiles,
S'ouvrent dans l'azur, immobiles,
Les vastes ailes de la paix !

Ô libre France enfin surgie !
Ô robe blanche après l'orgie !
Ô triomphe après les douleurs !
Le travail bruit dans les forges,
Le ciel rit, et les rouges-gorges
Chantent dans l'aubépine en fleurs !

La rouille mord les hallebardes.
De vos canons, de vos bombardes
Il ne reste pas un morceau
Qui soit assez grand, capitaines,
Pour qu'on puisse prendre aux fontaines
De quoi faire boire un oiseau.

Les rancunes sont effacées ;
Tous les cœurs, toutes les pensées,
Qu'anime le même dessein,
Ne font plus qu'un faisceau superbe ;
Dieu prend pour lier cette gerbe
La vieille corde du tocsin.

Au fond des cieux un point scintille.
Regardez, il grandit, il brille,
Il approche, énorme et vermeil.
Ô République universelle,
Tu n'es encor que l'étincelle,
Demain tu seras le soleil !

II.

Fêtes dans les cités, fêtes dans les campagnes !
Les cieux n'ont plus d'enfers, les lois n'ont plus de bagnes.
Où donc est l'échafaud ? ce monstre a disparu.
Tout renaît. Le bonheur de chacun est accru
De la félicité des nations entières.
Plus de soldats l'épée au poing, plus de frontières,
Plus de fisc, plus de glaive ayant forme de croix.

L'Europe en rougissant dit : - Quoi ! j'avais des rois !
Et l'Amérique dit. - Quoi ! j'avais des esclaves !
Science, art, poésie, ont dissous les entraves
De tout le genre humain. Où sont les maux soufferts ?
Les libres pieds de l'homme ont oublié les fers.
Tout l'univers n'est plus qu'une famille unie.
Le saint labeur de tous se fond en harmonie
Et la société, qui d'hymnes retentit,
Accueille avec transport l'effort du plus petit
L'ouvrage du plus humble au fond de sa chaumière
Emeut l'immense peuple heureux dans la lumière
Toute l'humanité dans sa splendide ampleur
Sent le don que lui fait le moindre travailleur ;
Ainsi les verts sapins, vainqueurs des avalanches,
Les grands chênes, remplis de feuilles et de branches,
Les vieux cèdres touffus, plus durs que le granit,
Quand la fauvette en mai vient y faire son nid,
Tressaillent dans leur force et leur hauteur superbe,
Tout joyeux qu'un oiseau leur apporte un brin d'herbe.

Radieux avenir ! essor universel !
Epanouissement de l'homme sous le ciel !

III.

Ô proscrits, hommes de l'épreuve,
Mes compagnons vaillants et doux,
Bien des fois, assis près du fleuve,
J'ai chanté ce chant parmi vous ;

Bien des fois, quand vous m'entendîtes,
Plusieurs m'ont dit : « Perds ton espoir.
Nous serions des races maudites,
Le ciel ne serait pas plus noir !

« Que veut dire cette inclémence ?
Quoi ! le juste a le châtiment !
La vertu s'étonne et commence
À regarder Dieu fixement.

« Dieu se dérobe et nous échappe.
Quoi donc ! l'iniquité prévaut !
Le crime, voyant où Dieu frappe,
Rit d'un rire impie et dévot.

« Nous ne comprenons pas ses voies.
Comment ce Dieu des nations
Fera-t-il sortir tant de joies
De tant de désolations ?

« Ses desseins nous semblent contraires
À l'espoir qui luit dans tes yeux... »
- Mais qui donc, ô proscrits, mes frères,
Comprend le grand mystérieux ?

Qui donc a traversé l'espace,
La terre, l'eau, l'air et le feu,
Et l'étendue où l'esprit passe ?
Qui donc peut dire : « J'ai vu Dieu !

« J'ai vu Jéhova ! je le nomme !
Tout à l'heure il me réchauffait.
Je sais comment il a fait l'homme,
Comment il fait tout ce qu'il fait !

« J'ai vu cette main inconnue
Qui lâche en s'ouvrant l'âpre hiver,
Et les tonnerres dans la nue,
Et les tempêtes sur la mer,

« Tendre et ployer la nuit livide ;
Mettre une âme dans l'embryon ;
Appuyer dans l'ombre du vide
Le pôle du septentrion ;

« Amener l'heure où tout arrive ;
Faire au banquet du roi fêté
Entrer la mort, ce noir convive
Qui vient sans qu'on l'ait invité ;

« Créer l'araignée et sa toile,
Peindre la fleur, mûrir le fruit,
Et, sans perdre une seule étoile,
Mener tous les astres la nuit ;

« Arrêter la vague à la rive ;
Parfumer de roses l'été ;
Verser le temps comme une eau vive
Des urnes de l'éternité ;

« D'un souffle, avec ses feux sans nombre,
Faire, dans toute sa hauteur,
Frissonner le firmament sombre
Comme la tente d'un pasteur ;

« Attacher les globes aux sphères
Par mille invisibles liens...
Toutes ces choses sont très claires.
Je sais comment il fait ! j'en viens ! »

Qui peut dire cela ? personne.
Nuit sur nos cœurs ! nuit sur nos yeux !
L'homme est un vain clairon qui sonne.
Dieu seul parle aux axes des cieux.

IV.

Ne doutons pas ! croyons ! La fin, c'est le mystère.
Attendons. Des Nérons comme de la panthère
Dieu sait briser la dent.
Dieu nous essaie, amis. Ayons foi, soyons cannes,
Et marchons. Ô désert ! s'il fait croître des palmes,
C'est dans ton sable ardent !

Parce qu'il ne fait pas son œuvre tout de suite,
Qu'il livre Rome au prêtre et Jésus au jésuite,
Et les bons au méchant,
Nous désespérerions ! de lui ! du juste immense !
Non ! non ! lui seul connaît le nom de la -semence
Qui germe dans son champ.

Ne possède-t-il pas toute la certitude ?
Dieu ne remplit-il pas ce monde, notre étude,
Du nadir au zénith ?
Notre sagesse auprès de la sienne est démence.
Et n'est-ce pas à lui que la clarté commence,
Et que l'ombre finit ?

Ne voit-il pas ramper les hydres sur leurs ventres ?
Ne regarde-t-il pas jusqu'au fond de leurs antres
Atlas et Pélion ?
Ne connaît-il pas l'heure où la cigogne émigre ?
Sait-il pas ton entrée et ta sortie, ô tigre,
Et ton antre, ô lion ?

Hirondelle, réponds, aigle à l'aile sonore,
Parle, avez-vous des nids que l'Eternel ignore ?
Ô cerf, quand l'as-tu fui ?
Renard, ne vois-tu pas ses yeux dans la broussaille ?
Loup, quand tu sens la nuit une herbe qui tressaille,
Ne dis-tu pas : c'est lui !

Puisqu'il sait tout cela, puisqu'il peut toute chose,
Que ses doigts font jaillir les effets de la cause
Comme un noyau d'un fruit,
Puisqu'il peut mettre un ver dans les pommes de l'arbre,
Et faire disperser les colonnes de marbre
Par le vent de la nuit ;

Puisqu'il bat l'océan pareil au bœuf qui beugle,
Puisqu'il est le voyant et que l'homme est l'aveugle,
Puisqu'il est le milieu,
Puisque son bras nous porte, et puisqu'à soir passage
La comète frissonne ainsi qu'en une cage
Tremble une étoupe en feu ;

Puisque l'obscure nuit le connaît, puisque l'ombre
Le voit, quand il lui plaît, sauver la nef qui sombre,
Comment douterions-nous,
Nous qui, fermes et purs, fiers dans nos agonies,
Sommes debout devant toutes les tyrannies,
Pour lui seul à genoux !

D'ailleurs, pensons. Nos jours sont des jours d'amertume,
Mais quand nous étendons les bras dans cette brume,
Nous sentons une main ;
Quand nous marchons, courbés, dans l'ombre du martyre,
Nous entendons quelqu'un derrière nous nous dire :
C'est ici le chemin.

Ô proscrits, l'avenir est aux peuples ! Paix, gloire,
Liberté, reviendront sur des chars de victoire
Aux foudroyants essieux ;
Ce crime qui triomphe est fumée et mensonge,
Voilà ce que je puis affirmer, moi qui songe
L'œil fixé sur les cieux !

Les césars sont plus fiers que les vagues marines,
Mais Dieu dit : « Je mettrai ma boucle en leurs narines,
Et dans leur bouche un mors,
Et je les traînerai, qu'on cède ou bien qu'on lutte,
Eux et leurs histrions et leurs joueurs de flûte,
Dans l'ombre où sont les morts. »

Dieu dit ; et le granit que foulait leur semelle
S'écroule, et les voilà disparus pêle-mêle
Dans leurs prospérités !
Aquilon ! aquilon ! qui viens battre nos portes,
Oh ! dis-nous, si c'est toi, souffle, qui les emportes,
Où les as-tu jetés ?

V.

Bannis ! bannis ! bannis ! c'est là la destinée.
Ce qu'apporté le flux sera dans la journée
Repris par le reflux.
Les jours mauvais fuiront sans qu'on sache leur nombre,
Et les peuples joyeux et se penchant sur l'ombre
Diront : Cela n'est plus !

Les temps heureux luiront, non pour la seule France,
Mais pour tous. On verra dans cette délivrance,
Funeste au seul passé,
Toute l'humanité chanter, de fleurs couverte,
Comme un maître qui rentre en sa maison déserte
Dont on l'avait chassé.

Les tyrans s'éteindront comme des météores.
Et, comme s'il naissait de la nuit deux aurores
Dans le même ciel bleu,
Nous vous verrous sortir de ce gouffre où nous sommes,
Mêlant vos deux rayons, fraternité des hommes,
Paternité de Dieu !

Oui, je vous le déclare, oui, je vous le répète,
Car le clairon redit ce que dit la trompette,
Tout sera paix et jour !
Liberté ! plus de serf et plus de prolétaire !
Ô sourire d'en haut ! ô du ciel pour la terre
Majestueux amour !

L'arbre saint du Progrès, autrefois chimérique,
Croîtra, couvrant l'Europe et couvrant l'Amérique,
Sur le passé détruit,
Et, laissant l'éther pur luire à travers ses branches,
Le jour, apparaîtra plein de colombes blanches,
Plein d'étoiles, la nuit.

Et nous qui serons morts, morts dans l'exil peut-être,
Martyrs saignants, pendant que les hommes, sans maître,
Vivront, plus fiers, plus beaux,
Sous ce grand arbre, amour des cieux qu'il avoisine,
Nous nous réveillerons pour baiser sa racine
Au fond de nos tombeaux !

Jersey, du 16 au 20 décembre 1853.
Marchands de grec ! marchands de latin ! cuistres ! dogues !
Philistins ! magisters ! je vous hais, pédagogues !
Car, dans votre aplomb grave, infaillible, hébété,
Vous niez l'idéal, la grâce et la beauté !
Car vos textes, vos lois, vos règles sont fossiles !
Car, avec l'air profond, vous êtes imbéciles !
Car vous enseignez tout, et vous ignorez tout !
Car vous êtes mauvais et méchants ! - Mon sang bout
Rien qu'à songer au temps où, rêveuse bourrique,
Grand diable de seize ans, j'étais en rhétorique !
Que d'ennuis ! de fureurs ! de bêtises ! - gredins ! -
Que de froids châtiments et que de chocs soudains !
« Dimanche en retenue et cinq cents vers d'Horace ! »
Je regardais le monstre aux ongles noirs de crasse,
Et je balbutiais : « Monsieur... - Pas de raisons !
- Vingt fois l'ode à Plancus et l'épître aux Pisons ! »
Or j'avais justement, ce jour là, - douce idée.
Qui me faisait rêver d'Armide et d'Haydée, -
Un rendez-vous avec la fille du portier.
Grand Dieu ! perdre un tel jour ! le perdre tout entier !
Je devais, en parlant d'amour, extase pure !
En l'enivrant avec le ciel et la nature,
La mener, si le temps n'était pas trop mauvais,
Manger de la galette aux buttes Saint-Gervais !
Rêve heureux ! je voyais, dans ma colère bleue,
Tout cet Éden, congé, les lilas, la banlieue,
Et j'entendais, parmi le thym et le muguet,
Les vagues violons de la mère Saguet !
Ô douleur ! furieux, je montais à ma chambre,
Fournaise au mois de juin, et glacière en décembre ;
Et, là, je m'écriais :

« Horace ! ô bon garçon !
Qui vivais dans le calme et selon la raison,
Et qui t'allais poser, dans ta sagesse franche,
Sur tout, comme l'oiseau se pose sur la branche,
Sans peser, sans rester, ne demandant aux dieux
Que le temps de chanter ton chant libre et joyeux !
Tu marchais, écoutant le soir, sous les charmilles,
Les rires étouffés des folles jeunes filles,
Les doux chuchotements dans l'angle obscur du bois ;
Tu courtisais ta belle esclave quelquefois,
Myrtale aux blonds cheveux, qui s'irrite et se cabre
Comme la mer creusant les golfes de Calabre,
Ou bien tu t'accoudais à table, buvant sec
Ton vin que tu mettais toi-même en un *** grec.
Pégase te soufflait des vers de sa narine ;
Tu songeais ; tu faisais des odes à Barine,
À Mécène, à Virgile, à ton champ de Tibur,
À Chloë, qui passait le long de ton vieux mur,
Portant sur son beau front l'amphore délicate.
La nuit, lorsque Phœbé devient la sombre Hécate,
Les halliers s'emplissaient pour toi de visions ;
Tu voyais des lueurs, des formes, des rayons,
Cerbère se frotter, la queue entre les jambes,
À Bacchus, dieu des vins et père des ïambes ;
Silène digérer dans sa grotte, pensif ;
Et se glisser dans l'ombre, et s'enivrer, lascif,
Aux blanches nudités des nymphes peu vêtues,
La faune aux pieds de chèvre, aux oreilles pointues !
Horace, quand grisé d'un petit vin sabin,
Tu surprenais Glycère ou Lycoris au bain,
Qui t'eût dit, ô Flaccus ! quand tu peignais à Rome
Les jeunes chevaliers courant dans l'hippodrome,
Comme Molière a peint en France les marquis,
Que tu faisais ces vers charmants, profonds, exquis,
Pour servir, dans le siècle odieux où nous sommes,
D'instruments de torture à d'horribles bonshommes,
Mal peignés, mal vêtus, qui mâchent, lourds pédants,
Comme un singe une fleur, ton nom entre leurs dents !
Grimauds hideux qui n'ont, tant leur tête est vidée,
Jamais eu de maîtresse et jamais eu d'idée ! »

Puis j'ajoutais, farouche :

« Ô cancres ! qui mettez
Une soutane aux dieux de l'éther irrités,
Un béguin à Diane, et qui de vos tricornes
Coiffez sinistrement les olympiens mornes,
Eunuques, tourmenteurs, crétins, soyez maudits !
Car vous êtes les vieux, les noirs, les engourdis,
Car vous êtes l'hiver ; car vous êtes, ô cruches !
L'ours qui va dans les bois cherchant un arbre à ruches,
L'ombre, le plomb, la mort, la tombe, le néant !
Nul ne vit près de vous dressé sur son séant ;
Et vous pétrifiez d'une haleine sordide
Le jeune homme naïf, étincelant, splendide ;
Et vous vous approchez de l'aurore, endormeurs !
À Pindare serein plein d'épiques rumeurs,
À Sophocle, à Térence, à Plaute, à l'ambroisie,
Ô traîtres, vous mêlez l'antique hypocrisie,
Vos ténèbres, vos mœurs, vos jougs, vos exeats,
Et l'assoupissement des noirs couvents béats ;
Vos coups d'ongle rayant tous les sublimes livres,
Vos préjugés qui font vos yeux de brouillards ivres,
L'horreur de l'avenir, la haine du progrès ;
Et vous faites, sans peur, sans pitié, sans regrets,
À la jeunesse, aux cœurs vierges, à l'espérance,
Boire dans votre nuit ce vieil ***** rance !
Ô fermoirs de la bible humaine ! sacristains
De l'art, de la science, et des maîtres lointains,
Et de la vérité que l'homme aux cieux épèle,
Vous changez ce grand temple en petite chapelle !
Guichetiers de l'esprit, faquins dont le goût sûr
Mène en laisse le beau ; porte-clefs de l'azur,
Vous prenez Théocrite, Eschyle aux sacrés voiles,
Tibulle plein d'amour, Virgile plein d'étoiles ;
Vous faites de l'enfer avec ces paradis ! »

Et ma rage croissant, je reprenais :

« Maudits,
Ces monastères sourds ! bouges ! prisons haïes !
Oh ! comme on fit jadis au pédant de Veïes,
Culotte bas, vieux tigre ! Écoliers ! écoliers !
Accourez par essaims, par bandes, par milliers,
Du gamin de Paris au groeculus de Rome,
Et coupez du bois vert, et fouaillez-moi cet homme !
Jeunes bouches, mordez le metteur de bâillons !
Le mannequin sur qui l'on drape des haillons
À tout autant d'esprit que ce cuistre en son antre,
Et tout autant de cœur ; et l'un a dans le ventre
Du latin et du grec comme l'autre à du foin.
Ah ! je prends Phyllodoce et Xantis à témoin
Que je suis amoureux de leurs claires tuniques ;
Mais je hais l'affreux tas des vils pédants iniques !
Confier un enfant, je vous demande un peu,
À tous ces êtres noirs ! autant mettre, morbleu !
La mouche en pension chez une tarentule !
Ces moines, expliquer Platon, lire Catulle,
Tacite racontant le grand Agricola,
Lucrèce ! eux, déchiffrer Homère, ces gens-là !
Ces diacres ! ces bedeaux dont le groin renifle !
Crânes d'où sort la nuit, pattes d'où sort la gifle,
Vieux dadais à l'air rogue, au sourcil triomphant,
Qui ne savent pas même épeler un enfant !
Ils ignorent comment l'âme naît et veut croître.
Cela vous a Laharpe et Nonotte pour cloître !
Ils en sont à l'A, B, C, D, du cœur humain ;  
Ils sont l'horrible Hier qui veut tuer Demain ;
Ils offrent à l'aiglon leurs règles d'écrevisses.
Et puis ces noirs tessons ont une odeur de vices.
Ô vieux pots égueulés des soifs qu'on ne dit pas !
Le pluriel met une S à leurs meâs culpâs,
Les boucs mystérieux, en les voyants s'indignent,
Et, quand on dit : « Amour !  » terre et cieux ! ils se signent.
Leur vieux viscère mort insulte au cœur naissant.
Ils le prennent de haut avec l'adolescent,
Et ne tolèrent pas le jour entrant dans l'âme
Sous la forme pensée ou sous la forme femme.
Quand la muse apparaît, ces hurleurs de holà
Disent : « Qu'est-ce que c'est que cette folle-là ? »
Et, devant ses beautés, de ses rayons accrues,
Ils reprennent : « Couleurs dures, nuances crues ;
Vapeurs, illusions, rêves ; et quel travers
Avez-vous de fourrer l'arc-en-ciel dans vos vers ? »
Ils raillent les enfants, ils raillent les poètes ;
Ils font aux rossignols leurs gros yeux de chouettes :
L'enfant est l'ignorant, ils sont l'ignorantin ;
Ils raturent l'esprit, la splendeur, le matin ;
Ils sarclent l'idéal ainsi qu'un barbarisme,
Et ces culs de bouteille ont le dédain du prisme. »

Ainsi l'on m'entendait dans ma geôle crier.

Le monologue avait le temps de varier.
Et je m'exaspérais, faisant la faute énorme,
Ayant raison au fond, d'avoir tort dans la forme.
Après l'abbé Tuet, je maudissais Bezout ;
Car, outre les pensums où l'esprit se dissout,
J'étais alors en proie à la mathématique.
Temps sombre ! Enfant ému du frisson poétique,
Pauvre oiseau qui heurtais du crâne mes barreaux,
On me livrait tout vif aux chiffres, noirs bourreaux ;
On me faisait de force ingurgiter l'algèbre ;
On me liait au fond d'un Boisbertrand funèbre ;
On me tordait, depuis les ailes jusqu'au bec,
Sur l'affreux chevalet des X et des Y ;
Hélas ! on me fourrait sous les os maxillaires
Le théorème orné de tous ses corollaires ;
Et je me débattais, lugubre patient
Du diviseur prêtant main-forte au quotient.
De là mes cris.

Un jour, quand l'homme sera sage,
Lorsqu'on n'instruira plus les oiseaux par la cage,
Quand les sociétés difformes sentiront
Dans l'enfant mieux compris se redresser leur front,
Que, des libres essors ayant sondé les règles,
On connaîtra la loi de croissance des aigles,
Et que le plein midi rayonnera pour tous,
Savoir étant sublime, apprendre sera doux.
Alors, tout en laissant au sommet des études
Les grands livres latins et grecs, ces solitudes
Où l'éclair gronde, où luit la mer, où l'astre rit,
Et qu'emplissent les vents immenses de l'esprit,
C'est en les pénétrant d'explication tendre,
En les faisant aimer, qu'on les fera comprendre.
Homère emportera dans son vaste reflux
L'écolier ébloui ; l'enfant ne sera plus
Une bête de somme attelée à Virgile ;
Et l'on ne verra plus ce vif esprit agile
Devenir, sous le fouet d'un cuistre ou d'un abbé,
Le lourd cheval poussif du pensum embourbé.
Chaque village aura, dans un temple rustique,
Dans la lumière, au lieu du magister antique,
Trop noir pour que jamais le jour y pénétrât,
L'instituteur lucide et grave, magistrat
Du progrès, médecin de l'ignorance, et prêtre
De l'idée ; et dans l'ombre on verra disparaître
L'éternel écolier et l'éternel pédant.
L'aube vient en chantant, et non pas en grondant.
Nos fils riront de nous dans cette blanche sphère ;
Ils se demanderont ce que nous pouvions faire
Enseigner au moineau par le hibou hagard.
Alors, le jeune esprit et le jeune regard
Se lèveront avec une clarté sereine
Vers la science auguste, aimable et souveraine ;
Alors, plus de grimoire obscur, fade, étouffant ;
Le maître, doux apôtre incliné sur l'enfant,
Fera, lui versant Dieu, l'azur et l'harmonie,
Boire la petite âme à la coupe infinie.
Alors, tout sera vrai, lois, dogmes, droits, devoirs.
Tu laisseras passer dans tes jambages noirs
Une pure lueur, de jour en jour moins sombre,
Ô nature, alphabet des grandes lettres d'ombre !

Paris, mai 1831.
Aux branches claires des tilleuls
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent parmi les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s'enchevêtrer les vignes.
Le ciel est joli comme un ange.
L'azur et l'onde communient.
Je sors. Si un rayon me blesse
Je succomberai sur la mousse.

Qu'on patiente et qu'on s'ennuie
C'est trop simple. Fi de mes peines.
Je veux que l'été dramatique
Me lie à son char de fortunes
Que par toi beaucoup, ô Nature,
- Ah moins seul et moins nul ! - je meure.
Au lieu que les Bergers, c'est drôle,
Meurent à peu près par le monde.

Je veux bien que les saisons m'usent.
A toi, Nature, je me rends ;
Et ma faim et toute ma soif.
Et, s'il te plaît, nourris, abreuve.
Rien de rien ne m'illusionne ;
C'est rire aux parents, qu'au soleil,
Mais moi je ne veux rire à rien ;
Et libre soit cette infortune.
Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d'aise
Ses petits pieds si fins, si fins.

- Je regardai, couleur de cire,
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, - mouche au rosier.

- Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s'égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.

Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : "Veux-tu finir !"
- La première audace permise,
Le rire feignait de punir !

- Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
- Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : "Oh ! c'est encor mieux !...

Monsieur, j'ai deux mots à te dire..."
- Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D'un bon rire qui voulait bien...

- Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Ô toi qui dans mon âme vibres,
Ô mon cher esprit familier,
Les espaces sont clairs et libres ;
J'y consens, défais ton collier,

Mêle les dieux, confonds les styles,
Accouple au poean les agnus ;
Fais dans les grands cloîtres hostiles
Danser les nymphes aux seins nus.

Sois de France, sois de Corinthe,
Réveille au bruit de ton clairon
Pégase fourbu qu'on éreinte
Au vieux coche de Campistron.

Tresse l'acanthe et la liane ;
Grise l'augure avec l'abbé ;
Que David contemple Diane,
Qu'Actéon guette Bethsabé.

Du nez de Minerve indignée
Au crâne chauve de saint Paul
Suspends la toile d'araignée
Qui prendra les rimes au vol.

Fais rire Marion courbée
Sur les oegipans ahuris.
Cours, saute, emmène Alphésibée
Souper au Café de Paris.

Sois ***, hardi, glouton, vorace ;
Flâne, aime ; sois assez coquin
Pour rencontrer parfois Horace
Et toujours éviter Berquin.

Peins le nu d'après l'Homme antique,
Païen et biblique à la fois,
Constate la pose plastique
D'Ève ou de Rhée au fond des bois.

Des amours observe la mue.
Défais ce que les pédants font,
Et, penché sur l'étang, remue
L'art poétique jusqu'au fond.

Trouble La Harpe, ce coq d'Inde,
Et Boileau, dans leurs sanhédrins ;
Saccage tout ; jonche le Pinde
De césures d'alexandrins.

Prends l'abeille pour soeur jumelle ;
Aie, ô rôdeur du frais vallon,
Un alvéole à miel, comme elle,
Et, comme elle, un brave aiguillon.

Plante là toute rhétorique,
Mais au vieux bon sens fais écho ;
Monte en croupe sur la bourrique,
Si l'ânier s'appelle Sancho.

Qu'Argenteuil soit ton Pausilippe.
Sois un peu diable, et point démon,
Joue, et pour Fanfan la Tulipe
Quitte Ajax fils de Télamon.

Invente une églogue lyrique
Prenant terre au bois de Meudon,
Où le vers danse une pyrrhique
Qui dégénère en rigodon.

Si Loque, Coche, Graille et Chiffe
Dans Versailles viennent à toi,
Présente galamment la griffe
À ces quatre filles de roi.

Si Junon s'offre, fais ta tâche ;
Fête Aspasie, admets Ninon ;
Si Goton vient, sois assez lâche
Pour rire et ne pas dire : Non.

Sois le chérubin et l'éphèbe.
Que ton chant libre et disant tout
Vole, et de la lyre de Thèbe
Aille au mirliton de Saint-Cloud.

Qu'en ton livre, comme au bocage,
On entende un hymne, et jamais
Un bruit d'ailes dans une cage !
Rien des bas-fonds, tout des sommets !

Fais ce que tu voudras, qu'importe !
Pourvu que le vrai soit content ;
Pourvu que l'alouette sorte
Parfois de ta strophe en chantant ;

Pourvu que Paris où tu soupes
N'ôte rien à ton naturel ;
Que les déesses dans tes groupes
Gardent une lueur du ciel ;

Pourvu que la luzerne pousse
Dans ton idylle, et que Vénus
Y trouve une épaisseur de mousse
Suffisante pour ses pieds nus ;

Pourvu que Grimod la Reynière
Signale à Brillat-Savarin
Une senteur de cressonnière
Mêlée à ton hymne serein ;

Pourvu qu'en ton poème tremble
L'azur réel des claires eaux ;
Pourvu que le brin d'herbe semble
Bon au nid des petits oiseaux ;

Pourvu que Psyché soit baisée
Par ton souffle aux cieux réchauffé ;
Pourvu qu'on sente la rosée
Dans ton vers qui boit du café.
Entends comme brame
Près des acacias
En avril la rame
Viride du pois !

Dans sa vapeur nette,
Vers Phoebé ! tu vois
S'agiter la tête
De saints d'autrefois...

**** des claires meules
Des caps, des beaux toits,
Ces chers Anciens veulent
Ce philtre sournois...

Or ni fériale
Ni astrale ! n'est
La brume qu'exhale
Ce nocturne effet.

Néanmoins ils restent,
- Sicile, Allemagne,
Dans ce brouillard triste
Et blêmi, justement !
À M. l'abbé Delille.

Ô toi, dont la touchante et sublime harmonie
Charme toujours l'oreille en attachant le cœur,
Digne rival, souvent vainqueur,
Du chantre fameux d'Ausonie,
Delille, ne crains rien, sur mes légers pipeaux
Je ne viens point ici célébrer tes travaux,
Ni dans de faibles vers parler de poésie.
Je sais que l'immortalité
Qui t'est déjà promise au temple de mémoire
T'est moins chère que ta gaîté ;
Je sais que, méritant tes succès sans y croire,
Content par caractère et non par vanité,
Tu te fais pardonner ta gloire
À force d'amabilité :
C'est ton secret, aussi je finis ce prologue.
Mais du moins lis mon apologue ;
Et si quelque envieux, quelque esprit de travers,
Outrageant un jour tes beaux vers,
Te donne assez d'humeur pour t'empêcher d'écrire,
Je te demande alors de vouloir le relire.
Dans une belle nuit du charmant mois de mai,
Un berger contemplait, du haut d'une colline,
La lune promenant sa lumière argentine
Au milieu d'un ciel pur d'étoiles parsemé ;
Le tilleul odorant, le lilas, l'aubépine,
Au gré du doux zéphyr balançant leurs rameaux,
Et les ruisseaux dans les prairies
Brisant sur des rives fleuries
Le cristal de leurs claires eaux.
Un rossignol, dans le bocage,
Mêlait ses doux accents à ce calme enchanteur ;
L'écho les répétait, et notre heureux pasteur,
Transporté de plaisir, écoutait son ramage.
Mais tout-à-coup l'oiseau finit ses tendres sons.
En vain le berger le supplie
De continuer ses chansons.
Non, dit le rossignol, c'en est fait pour la vie ;
Je ne troublerai plus ces paisibles forêts.
N'entends-tu pas dans ce marais
Mille grenouilles coassantes
Qui par des cris affreux insultent à mes chants ?
Je cède, et reconnais que mes faibles accents
Ne peuvent l'emporter sur leurs voix glapissantes.
Ami, dit le berger, tu vas combler leurs vœux ;
Te taire est le moyen qu'on les écoute mieux :
Je ne les entends plus aussitôt que tu chantes.
Moi je suis content ; je rentre
Dans l'ombre du Dieu jaloux ;
Je n'ai plus la cour, j'ai l'antre :
J'avais des rois, j'ai des loups.

Je redeviens le vrai chêne.
Je croîs sous les chauds midis ;
Quatre-vingt-neuf se déchaîne
Dans mes rameaux enhardis.

Trianon vieux sent le rance.
Je renais au grand concert ;
Et j'appelle délivrance
Ce que vous nommez désert.

La reine eut l'épaule haute,
Le grand dauphin fut pied-bot ;
J'aime mieux Gros-Jean qui saute
Librement dans son sabot.

Je préfère aux Léonores
Qu'introduisaient les Dangeaux,
Les bons gros baisers sonores
De mes paysans rougeauds.

Je préfère les grands souffles,
Les bois, les champs, fauve abri,
L'horreur sacrée, aux pantoufles
De madame Dubarry.

Je suis hors des esclavages ;
Je dis à la honte : Assez !
J'aime mieux les fleurs sauvages
Que les gens apprivoisés.

Les hommes sont des ruines ;
Je préfère, ô beau printemps,
Tes fiertés pleines d'épines
À ces déshonneurs contents.

J'ai perdu le Roquelaure
Jasant avec la Boufflers ;
Mais je vois plus d'aube éclore
Dans les grands abîmes clairs.

J'ai perdu monsieur le *****,
Et le monde officiel,
Et d'Antin ; mais je m'enfonce
Toujours plus avant au ciel.

Décloîtré, je fraternise
Avec les rustres souvent.
Je vois donner par Denise
Ce que Célimène vend.

Plus de fossé ; rien n'empêche,
À mes pieds, sur mon gazon,
Que Suzon morde à sa pêche,
Et Mathurin à Suzon.

Solitaire, j'ai mes joies.
J'assiste, témoin vivant,
Dans les sombres claires-voies,
Aux aventures du vent.

Parfois dans les primevères
Court quelque enfant de quinze ans ;
Mes vieilles ombres sévères
Aiment ces yeux innocents.

Rien ne pare un paysage,
Sous l'éternel firmament,
Comme une fille humble et sage
Qui soupire obscurément.

La fille aux fleurs de la berge
Parle dans sa belle humeur,
Et j'entends ce que la vierge
Dit dans l'ombre à la primeur.

J'assiste au germe, à la sève,
Aux nids où s'ouvrent des yeux,
À tout cet immense rêve
De l'***** mystérieux.

J'assiste aux couples sans nombre,
Au viol, dans le ravin,
De la grande pudeur sombre
Par le grand amour divin.

J'assiste aux fuites rapides
De tous ces baisers charmants.
L'onde a des coeurs dans ses rides ;
Les souffles sont des amants.

Cette allégresse est sacrée,
Et la nature la veut.
On croit finir, et l'on crée.
On est libre, et c'est le noeud.

J'ai pour jardinier la pluie,
L'ouragan pour émondeur ;
Je suis grand sous Dieu ; j'essuie
Ma cime à la profondeur.

L'hiver froid est sans rosée ;
Mais, quand vient avril vermeil,
Je sens la molle pesée
Du printemps sur mon sommeil.

Je la sens mieux, étant libre.
J'ai ma part d'immensité.
La rentrée en équilibre,
Ami, c'est la liberté.

Je suis, sous le ciel qui brille,
Pour la reprise des droits
De la forêt sur la grille,
Et des peuples sur les rois.

Dieu, pour que l'Éden repousse,
Frais, tendre, un peu sauvageon,
Presse doucement du pouce
Ce globe, énorme bourgeon.

Plus de roi. Dieu me pénètre.
Car il faut, retiens cela,
Pour qu'on sente le vrai maître,
Que le faux ne soit plus là.

Il met, lui, l'unique père,
L'Éternel toujours nouveau,
Avec ce seul mot : Espère,
Toute l'ombre de niveau.

Plus de caste. Un ver me touche,
L'hysope aime mon orteil.
Je suis l'égal de la mouche,
Étant l'égal du soleil.

Adieu le feu d'artifice
Et l'illumination.
J'en ai fait le sacrifice.
Je cherche ailleurs le rayon.

D'augustes apothéoses,
Me cachant les cieux jadis,
Remplaçaient, dans des feux roses,
Jéhovah par Amadis.

On emplissait la clairière
De ces lueurs qui, soudain,
Font sur les pieds de derrière
Dresser dans l'ombre le daim.

La vaste voûte sereine
N'avait plus rien qu'on pût voir,
Car la girandole gêne
L'étoile dans l'arbre noir.

Il sort des feux de Bengale
Une clarté dans les bois,
Fière, et qui n'est point l'égale
De l'âtre des villageois.

Nous étions, chêne, orme et tremble,
Traités en pays conquis
Où se débraillent ensemble
Les pétards et les marquis.

La forêt, comme agrandie
Par les feux et les zéphirs,
Avait l'air d'un incendie
De rubis et de saphirs.

On offrait au prince, au maître,
Beau, fier, entouré d'archers,
Ces lumières, soeurs peut-être
De la torche des bûchers.

Cent mille verroteries
Jetaient, flambant à l'air vif,
Dans le ciel des pierreries
Et sur la terre du suif.

Une gloire verte et bleue,
Qu'assaisonnait quelque effroi,
Faisait là-haut une queue
De paon en l'honneur du roi.

Aujourd'hui, - c'est un autre âge,
Et les flambeaux sont changeants, -
Je n'ai plus d'autre éclairage
Que le ciel des pauvres gens.

Je reçois dans ma feuillée,
Sombre, aux mille trous vermeils,
La grande nuit étoilée,
Populace de soleils.

Des planètes inconnues
Poussent sur mon dôme obscur,
Et je tiens pour bien venues
Ces coureuses de l'azur.

Je n'ai plus les pots de soufre
D'où sortaient les visions ;
Je me contente du gouffre
Et des constellations.

Je déroge, et la nature,
Foule de rayons et d'yeux
M'attire dans sa roture
Pêle-mêle avec les cieux.

Cependant tout ce qui reste,
Dans l'herbe où court le vanneau
Et que broute l'âne agreste,
Du royal siècle a giorno ;

Tout ce qui reste des gerbes,
De Jupin, de Sémélé,
Des dieux, des gloires superbes,
Un peu de carton brûlé ;

Dans les ronces paysannes,
Au milieu des vers luisants,
Les chandelles courtisanes,
Et les lustres courtisans ;

Les vieilles splendeurs brisées,
Les ifs, nobles espions,
Leurs altesses les fusées,
Messeigneurs les lampions ;

Tout ce beau monde me raille,
Éteint, orgueilleux et noir ;
J'en ris, et je m'encanaille
Avec les astres le soir.
De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.

C'est des beaux yeux derrière des voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est, par un ciel d'automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !

Fuis du plus **** la Pointe assassine,
L'Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l'Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !

Prends l'éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d'énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?

O qui dira les torts de la Rime ?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?

De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature.
Dieu sait bien que la femme est maîtresse de l'homme,
Mais l'époux généreux, chez l'épouse économe,
S'ils sont deux bons chrétiens en un cœur bien fondus,
Libre, vit dans la paix, **** des jougs défendus.
Simple, comme un enfant qui partage une orange,
Il fait toujours deux parts de tout fruit mûr qu'il mange.
Il choisit les meilleurs qui sont les fruits permis :
C'est un sage content du monde où Dieu l'a mis.
Pauvre, il a les trésors profonds de l'Évangile,
Riche, il tient ses greniers grands ouverts sur la ville.
Quand le soir vient, l'étoile à sa lampe sourit.
Couple qui s'épousa sous les yeux de l'Esprit,
Rébecca dont le cœur battit à grands coups d'aile,
En voyant Isaac sortir au-devant d'elle,
Isaac dont le cœur en fête remarqua
L'anneau d'or fin qui luit au nez de Rébecca,
Étaient moins saintement amoureux l'un de l'autre,
Que ces époux, courbés au souffle de l'apôtre,
Quand leur âme aspira, près du cierge éclairé,
Le parfum frais qui sort du vieux texte sacré.
Comme il est bon et droit, que Jésus est son maître,
S'il parle, elle a des yeux ravis de se soumettre ;
Qu'elle parle, il écoute, heureux de se plier
Aux désirs purs d'un cœur que Jésus sut lier.
Tous deux savent le prix des torts que l'on pardonne.
Au milieu des enfants que le Seigneur leur donne,
Ils laissent se mêler aux fils d'or éclatants
Les fils sombres qui sont au dévidoir du temps.
L'époux travaille ; il est ouvrier ou poète ;
Il explique aux siens Dieu dont le ciel est la fête.
Un enfant vous écoute avec tant d'appétit !
C'est innocent, c'est bon, c'est grave, c'est petit !
Elle, quand elle file, un bras hors de la manche,
Elle a l'air de filer son âme en laine blanche,
Et son cœur doux s'écoule aux ondes de son lait,
Flot parfumé, pareil au flot pur qui coulait
Du sein sacré sur qui Dieu, tout petit, ne bouge
Que sa lèvre d'enfant, humble fleurette rouge.
Dans la neige du linge et les tulles au vent,
Voilà la mère, avec son sourire vivant
Dont la chambre s'échauffe et dont l'ombre s'éclaire.
Femme aux seins mûrs, miracle, ô reine populaire !
Majesté des grands cils abaissés sur l'enfant !
Il s'abandonne, il dort. Un baiser le défend.
Le père le contemple, un rire sur la bouche.
Il est tel que, devant une rose farouche,
Un bon peintre amoureux de la gloire des fleurs.
Tous vivent dans le calme et les claires couleurs.
Ô chaleur maternelle ! ô prière qui vole !
Ô bouches ébauchant la première parole !
Chère tribu, petit peuple qui grandissez,
Mère qui d'une main délicate emplissez
De feuilles et de fruits les faïences fleuries,
Père au sourire plein de chaudes causeries,
Servante qui tournez au bruit clair des sabots :
Si vous êtes sereins, même avec des tombeaux,
Si vous gardez entier l'amour de la famille,
Dont la laine encor moins que l'honneur vous habille,
Si vous restez amis, quoi ! n'est-ce pas un peu
Parce qu'à tous vos soins vous savez mêler Dieu,
Qu'il vous tient sous son aile et qu'il vous a plu d'être
Unis par Jésus-Christ et bénis par son prêtre !
I.

Le ciel d'étain au ciel de cuivre
Succède. La nuit fait un pas.
Les choses de l'ombre vont vivre.
Les arbres se parlent tout bas.

Le vent, soufflant des empyrées,
Fait frissonner dans l'onde où luit
Le drap d'or des claires soirées,
Les sombres moires de la nuit.

Puis la nuit fait un pas encore.
Tout à l'heure, tout écoutait ;
Maintenant nul bruit n'ose éclore ;
Tout s'enfuit, se cache et se tait.

Tout ce qui vit, existe ou pense,
Regarde avec anxiété
S'avancer ce sombre silence
Dans cette sombre immensité.

C'est l'heure où toute créature
Sent distinctement dans les cieux,
Dans la grande étendue obscure
Le grand Être mystérieux !

II.

Dans ses réflexions profondes,
Ce Dieu qui détruit en créant,
Que pense-t-il de tous ces mondes
Qui vont du chaos au néant ?

Est-ce à nous qu'il prête l'oreille ?
Est-ce aux anges ? Est-ce aux démons ?
A quoi songe-t-il, lui qui veille
A l'heure trouble où nous dormons ?

Que de soleils, spectres sublimes,
Que d'astres à l'orbe éclatant,
Que de mondes dans ces abîmes
Dont peut-être il n'est pas content !

Ainsi que des monstres énormes
Dans l'océan illimité,
Que de créations difformes
Roulent dans cette obscurité !

L'univers, où sa, sève coule,
Mérite-t-il de le fixer ?
Ne va-t-il pas briser ce moule,
Tout jeter, et recommencer ?

III.

Nul asile que la prière !
Cette heure sombre nous fait voir
La création tout entière
Comme un grand édifice noir !

Quand flottent les ombres glacées,
Quand l'azur s'éclipse à nos yeux,
Ce sont d'effrayantes pensées
Que celles qui viennent des cieux !

Oh ! la nuit muette et livide
Fait vibrer quelque chose en nous !
Pourquoi cherche-t-on dans le vide ?
Pourquoi tombe-t-on à genoux ?

Quelle est cette secrète fibre ?
D'où vient que, sous ce. morne effroi,
Le moineau ne se sent plus libre,
Le lion ne se sent plus roi ?

Questions dans l'ombre enfouies !
Au fond du ciel de deuil couvert,
Dans ces profondeurs inouïes
Où l'âme plonge, où l'oeil se perd,

Que se passe-t-il de terrible
Qui fait que l'homme, esprit banni,
A peur de votre calme horrible,
Ô ténèbres de l'infini ?

Le 20 mars 1846.
Un pavillon à claires-voies
Abrite doucement nos joies
Qu'éventent des rosiers amis ;

L'odeur des roses, faible, grâce
Au vent léger d'été qui passe,
Se mêle aux parfums qu'elle a mis ;

Comme ses yeux l'avaient promis,
Son courage est grand et sa lèvre
Communique une exquise fièvre ;

Et l'Amour comblant tout, hormis
La Faim, sorbets et confitures
Nous préservent des courbatures.
La cathédrale est majestueuse

Que j'imagine en pleine campagne

Sur quelque affluent de quelque Meuse

Non **** de l'Océan qu'il regagne,


L'Océan pas vu que je devine

Par l'air chargé de sels et d'arômes.

La croix est d'or dans la nuit divine

D'entre l'envol des tours et des dômes.


Des Angélus font aux campaniles

Une couronne d'argent qui chante ;

De blancs hibous, aux longs cris graciles,

Tournent sans fin de sorte charmante ;


Des processions jeunes et claires

Vont et viennent de porches sans nombre,

Soie et perles de vivants rosaires,

Rogations pour de chers fruits d'ombre.


Ce n'est pas un rêve ni la vie,

C'est ma belle et ma chaste pensée,

Si vous voulez ma philosophie,

Ma mort choisie ainsi déguisée.
À Mérante.

Au printemps, quand les nuits sont claires,
Quand on voit, vagues tourbillons,
Voler sur les fronts les chimères
Et dans les fleurs les papillons,

Pendant la floraison des fèves,
Quand l'amant devient l'amoureux,
Quand les hommes, en proie aux rêves,
Ont toutes ces mouches sur eux,

J'estime qu'il est digne et sage
De ne point prendre un air vainqueur,
Et d'accepter ce doux passage
De la saison sur notre coeur.

A quoi bon résister aux femmes,
Qui ne résistent pas du tout ?
Toutes les roses sont en flammes ;
Une guimpe est de mauvais goût.

Trop heureux ceux à qui les belles
Font la violence d'aimer !
A quoi sert-il d'avoir des ailes,
Sinon pour les laisser plumer ?

Ô Mérante, il n'est rien qui vaille
Ces purs attraits, tendres tyrans,
Un sourire qui dit : Bataille !
Un soupir qui dit : Je me rends !

Et je donnerais la Castille
Et ses plaines en amadou
Pour deux yeux sous une mantille,
Fiers, et venant on ne sait d'où.
Paysages belges


Briques et tuiles,

Ô les charmants

Petits asiles

Pour les amants !


Houblons et vignes,

Feuilles et fleurs,

Tentes insignes

Des francs buveurs !


Guinguettes claires,

Bières, clameurs,

Servantes chères

À tous fumeurs !


Gares prochaines,

Gais chemins grands...

Quelles aubaines,

Bons juifs errants !
Fuis l'éden des anges déchus ;
Ami, prends garde aux belles filles ;
Redoute à Paris les fichus,
Redoute à Madrid les mantilles.

Tremble pour tes ailes, oiseau,
Et pour tes fils, marionnette.
Crains un peu l'oeil de Calypso,
Et crains beaucoup l'oeil de Jeannette.

Quand leur tendresse a commencé,
Notre servitude est prochaine.
Veux-tu savoir leur A B C ?
Ami, c'est Amour, Baiser, Chaîne.

Le soleil dore une prison,
Un rosier parfume une geôle,
Et c'est là, vois-tu, la façon
Dont une fille nous enjôle.

Pris, on a sa pensée au vent
Et dans l'âme une sombre lyre,
Et bien souvent on pleure avant
Qu'on ait eu le temps de sourire.

Viens dans les prés, le *** printemps
Fait frissonner les vastes chênes,
L'herbe rit, les bois sont contents,
Chantons ! Oh, les claires fontaines !
Ami, tu me dis : « Joie extrême !
Donc, ce matin, comblant ton voeu,
Rougissante, elle a dit : Je t'aime !
Devant l'aube, cet autre aveu.

Ta victoire, tu la dévoiles.
On t'aime, ô Léandre, ô Saint-Preux,
Et te voilà dans les étoiles,
Sans parachute, malheureux ! »

Et tu souris. Mais que m'importe !
Ton sourire est un envieux.
Sois *** ; moi, ma tristesse est morte.
Rire c'est bien, aimer c'est mieux.

Tu me croyais plus fort en thème,
N'est-ce pas ? tu te figurais
Que je te dirais : Elle m'aime,
Défions-nous, et buvons frais.

Point. J'ai des manières étranges ;
On fait mon bonheur, j'y consens ;
Je vois là-haut passer des anges
Et je me mêle à ces passants.

Je suis ingénu comme Homère,
Quand cet aveugle aux chants bénis
Adorait la mouche éphémère
Qui sort des joncs de l'Hypanis.

J'ai la foi. Mon esprit facile
Dès le premier jour constata
Dans la Sologne une Sicile,
Une Aréthuse en Rosita.

Je ne vois point dans une femme
Un filou, par l'ombre enhardi.
Je ne crois pas qu'on prenne une âme
Comme on vole un maravedi.

La supposer fausse, et plâtrée,
Non, justes dieux ! je suis épris.
Je ne commence point l'entrée
Au paradis, par le mépris.

Je lui donne un coeur sans lui dire :
Rends-moi la monnaie ! - Et je crois
À sa pudeur, à mon délire,
Au bleu du ciel, aux fleurs des bois.

J'entre en des sphères idéales
Sans fredonner le vieux pont-neuf
De Villon aux piliers des Halles
Et de Fronsac à l'Oeil-de-Boeuf.

Je m'enivre des harmonies
Qui, de l'azur, à chaque pas,
M'arrivent, claires, infinies,
Joyeuses, et je ne crois pas

Que l'amour trompe nos attentes,
Qu'un bien-aimé soit un martyr,
Et que toutes ces voix chantantes
Descendent du ciel pour mentir.

Je suis rempli d'une musique ;
Je ne sens point, dans mes halliers,
La désillusion classique
Des vieillards et des écoliers.

J'écoute en moi l'hymne suprême
De mille instruments triomphaux
Qui tous répètent qu'elle m'aime,
Et dont pas un ne chante faux.

Oui, je t'adore ! oui, tu m'adores !
C'est à ces mots-là que sont dus
Tous ces vagues clairons sonores
Dans un bruit de songe entendus.

Et, dans les grands bois qui m'entourent,
Je vois danser, d'un air vainqueur,
Les cupidons, gamins qui courent
Dans la fanfare du coeur.
Ô lâches, la voilà ! Dégorgez dans les gares !
Le soleil essuya de ses poumons ardents
Les boulevards qu'un soir comblèrent les Barbares.
Voilà la Cité sainte, assise à l'occident !

Allez ! on préviendra les reflux d'incendie,
Voilà les quais, voilà les boulevards, voilà
Les maisons sur l'azur léger qui s'irradie
Et qu'un soir la rougeur des bombes étoila !

Cachez les palais morts dans des niches de planches !
L'ancien jour effaré rafraîchit vos regards.
Voici le troupeau roux des tordeuses de hanches :
Soyez fous, vous serez drôles, étant hagards !

Tas de chiennes en rut mangeant des cataplasmes,
Le cri des maisons d'or vous réclame. Volez !
Mangez ! Voici la nuit de joie aux profonds spasmes
Qui descend dans la rue. Ô buveurs désolés,

Buvez ! Quand la lumière arrive intense et folle,
Fouillant à vos côtés les luxes ruisselants,
Vous n'allez pas baver, sans geste, sans parole,
Dans vos verres, les yeux perdus aux lointains blancs ?

Avalez, pour la Reine aux fesses cascadantes !
Ecoutez l'action des stupides hoquets
Déchirants ! Ecoutez sauter aux nuits ardentes
Les idiots râleux, vieillards, pantins, laquais !

Ô coeurs de saleté, bouches épouvantables,
Fonctionnez plus fort, bouches de puanteurs !
Un vin pour ces torpeurs ignobles, sur ces tables...
Vos ventres sont fondus de hontes, ô Vainqueurs !

Ouvrez votre narine aux superbes nausées !
Trempez de poisons forts les cordes de vos cous !
Sur vos nuques d'enfants baissant ses mains croisées
Le Poète vous dit : " Ô lâches, soyez fous !

Parce que vous fouillez le ventre de la Femme,
Vous craignez d'elle encore une convulsion
Qui crie, asphyxiant votre nichée infâme
Sur sa poitrine, en une horrible pression.

Syphilitiques, fous, rois, pantins, ventriloques,
Qu'est-ce que ça peut faire à la putain Paris,
Vos âmes et vos corps, vos poisons et vos loques ?
Elle se secouera de vous, hargneux pourris !

Et quand vous serez bas, geignant sur vos entrailles,
Les flancs morts, réclamant votre argent, éperdus,
La rouge courtisane aux seins gros de batailles
**** de votre stupeur tordra ses poings ardus !

Quand tes pieds ont dansé si fort dans les colères,
Paris ! quand tu reçus tant de coups de couteau,
Quand tu gis, retenant dans tes prunelles claires
Un peu de la bonté du fauve renouveau,

Ô cité douloureuse, ô cité quasi morte,
La tête et les deux seins jetés vers l'Avenir
Ouvrant sur ta pâleur ses milliards de portes,
Cité que le Passé sombre pourrait bénir :

Corps remagnétisé pour les énormes peines,
Tu rebois donc la vie effroyable ! tu sens
Sourdre le flux des vers livides en tes veines,
Et sur ton clair amour rôder les doigts glaçants !

Et ce n'est pas mauvais. Les vers, les vers livides
Ne gêneront pas plus ton souffle de Progrès
Que les Stryx n'éteignaient l'oeil des Cariatides
Où des pleurs d'or astral tombaient des bleus degrés."

Quoique ce soit affreux de te revoir couverte,
Ainsi ; quoiqu'on n'ait fait jamais d'une cité
Ulcère plus puant à la Nature verte,
Le Poète te dit : " Splendide est ta Beauté !"

L'orage t'a sacrée suprême poésie ;
L'immense remuement des forces te secourt ;
Ton oeuvre bout, la mort gronde, Cité choisie !
Amasse les strideurs au coeur du clairon sourd.

Le Poète prendra le sanglot des Infâmes,
La haine des Forçats, la clameur des Maudits ;
Et ses rayons d'amour flagelleront les Femmes.
Ses strophes bondiront : Voilà ! voilà ! bandits !

- Société, tout est rétabli : - les ******
Pleurent leur ancien râle aux anciens lupanars :
Et les gaz en délire, aux murailles rougies,
Flambent sinistrement vers les azurs blafards !
La Rivière de Cassis roule ignorée
En des vaux étranges :
La voix de cent corbeaux l'accompagne, vraie
Et bonne voix d'anges :
Avec les grands mouvements des sapinaies
Quand plusieurs vents plongent.

Tout roule avec des mystères révoltants
De campagnes d'anciens temps ;
De donjons visités, de parcs importants :
C'est en ces bords qu'on entend
Les passions mortes des chevaliers errants :
Mais que salubre est le vent !

Que le piéton regarde à ces claires-voies :
Il ira plus courageux.
Soldats des forêts que le Seigneur envoie,
Chers corbeaux délicieux !
Faites fuir d'ici le paysan matois
Qui trinqué d'un moignon vieux.
Entends comme brame
Près des acacias
En avril la rame
Viride du pois !

Dans sa vapeur nette,
Vers Phoebé ! tu vois
S'agiter la tête
De saints d'autrefois...

**** des claires meules
Des caps, des beaux toits,
Ces chers Anciens veulent
Ce philtre sournois...

Or ni fériale
Ni astrale ! n'est
La brume qu'exhale
Ce nocturne effet.

Néanmoins ils restent,
- Sicile, Allemagne,
Dans ce brouillard triste
Et blêmi, justement !
Aux branches claires des tilleuls
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent parmi les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s'enchevêtrer les vignes.
Le ciel est joli comme un ange.
L'azur et l'onde communient.
Je sors. Si un rayon me blesse
Je succomberai sur la mousse.

Qu'on patiente et qu'on s'ennuie
C'est trop simple. Fi de mes peines.
Je veux que l'été dramatique
Me lie à son char de fortunes
Que par toi beaucoup, ô Nature,
- Ah moins seul et moins nul ! - je meure.
Au lieu que les Bergers, c'est drôle,
Meurent à peu près par le monde.

Je veux bien que les saisons m'usent.
A toi, Nature, je me rends ;
Et ma faim et toute ma soif.
Et, s'il te plaît, nourris, abreuve.
Rien de rien ne m'illusionne ;
C'est rire aux parents, qu'au soleil,
Mais moi je ne veux rire à rien ;
Et libre soit cette infortune.
Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d'aise
Ses petits pieds si fins, si fins.

- Je regardai, couleur de cire,
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, - mouche au rosier.

- Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s'égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.

Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : "Veux-tu finir !"
- La première audace permise,
Le rire feignait de punir !

- Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
- Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : "Oh ! c'est encor mieux !...

Monsieur, j'ai deux mots à te dire..."
- Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D'un bon rire qui voulait bien...

- Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

— The End —