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jalalium Sep 2013
Jaques le fumeur aimait les rouler étroits
Et toujours en fumait deux a la fois
J'aime fumer disait il
Quelle excuse futile!
Le tabac et ce qu'il y ajoutait l'esclavagèrent
Depuis qu'il n'utilisait plus son briquet que pour les concerts
L'esclave jamais ne dort
Car même la nuit il en roulait encore
Dans sa chambre, à coté de la fenêtre
O marchand de sable, plongez moi dans le bien-être
repetait il quand il n'en pouvait plus
mais ce soir la quelque chose de nouveau l'avait déplu
la constatation d'un changement l'avait dégoûté
L'eau de la bouteille avait noircit et maintenant sentait
la bouteille qu'il prenait pour cendrier car il n'en avait pas un
Fixe sur la bouteille il était terrifie de ce que lui réservait son destin
Il tendit la main vers la bouteille pour alléger sa cigarette
Hélas il y fit tomber sa possession la plus précieuse
Il devait affronter son dégoût et chercher entre les cigarettes
sinon son existence ne serait plus jamais délicieuse
il coupa la bouteille en deux
il chercha, chercha et chercha encore
main dans le goudron
mains sur le nez
Maintenant Jacques pleure
Aucune trace de son espoir
hier, aujourd'hui et demain pour lui ont la même couleur
il mourut 60 ans avant ses dernières mémoires
car quand il ne pouvait plus espérer
il cessa de vivre
Vauvenargues dit que dans les jardins publics il est des allées hantées principalement par l'ambition déçue, par les inventeurs malheureux, par les gloires avortées, par les cœurs brisés, par toutes ces âmes tumultueuses et fermées, en qui grondent encore les derniers soupirs d'un orage, et qui reculent **** du regard insolent des joyeux et des oisifs. Ces retraites ombreuses sont les rendez-vous des éclopés de la vie.

C'est surtout vers ces lieux que le poète et le philosophe aiment diriger leurs avides conjectures. Il y a là une pâture certaine. Car s'il est une place qu'ils dédaignent de visiter, comme je l'insinuais tout à l'heure, c'est surtout la joie des riches. Cette turbulence dans le vide n'a rien qui les attire. Au contraire, ils se sentent irrésistiblement entraînés vers tout ce qui est faible, ruiné, contristé, orphelin.

Un œil expérimenté ne s'y trompe jamais. Dans ces traits rigides ou abattus, dans ces yeux caves et ternes, ou brillants des derniers éclairs de la lutte, dans ces rides profondes et nombreuses, dans ces démarches si lentes ou si saccadées, il déchiffre tout de suite les innombrables légendes de l'amour trompé, du dévouement méconnu, des efforts non récompensés, de la faim et du froid humblement, silencieusement supportés.

Avez-vous quelquefois aperçu des veuves sur ces bancs solitaires, des veuves pauvres ? Qu'elles soient en deuil ou non, il est facile de les reconnaître. D'ailleurs il y a toujours dans le deuil du pauvre quelque chose qui manque, une absence d'harmonie qui le rend plus navrant. Il est contraint de lésiner sur sa douleur. Le riche porte la sienne au grand complet.

Quelle est la veuve la plus triste et la plus attristante, celle qui traîne à sa main un bambin avec qui elle ne peut pas partager sa rêverie, ou celle qui est tout à fait seule ? Je ne sais... Il m'est arrivé une fois de suivre pendant de longues heures une vieille affligée de cette espèce ; celle-là roide, droite, sous un petit châle usé, portait dans tout son être une fierté de stoïcienne.

Elle était évidemment condamnée, par une absolue solitude, à des habitudes de vieux célibataire, et le caractère masculin de ses mœurs ajoutait un piquant mystérieux à leur austérité. Je ne sais dans quel misérable café et de quelle façon elle déjeuna. Je la suivis au cabinet de lecture ; et je l'épiai longtemps pendant qu'elle cherchait dans les gazettes, avec des yeux actifs, jadis brûlés par les larmes, des nouvelles d'un intérêt puissant et personnel.

Enfin, dans l'après-midi, sous un ciel d'automne charmant, un de ces ciels d'où descendent en foule les regrets et les souvenirs, elle s'assit à l'écart dans un jardin, pour entendre, **** de la foule, un de ces concerts dont la musique des régiments gratifie le peuple parisien.

C'était sans doute là la petite débauche de cette vieille innocente (ou de cette vieille purifiée), la consolation bien gagnée d'une de ces lourdes journées sans ami, sans causerie, sans joie, sans confident, que Dieu laissait tomber sur elle, depuis bien des ans peut-être ! trois cent soixante-cinq fois par an.

Une autre encore :

Je ne puis jamais m'empêcher de jeter un regard, sinon universellement sympathique, au moins curieux, sur la foule de parias qui se pressent autour de l'enceinte d'un concert public. L'orchestre jette à travers la nuit des chants de fête, de triomphe ou de volupté. Les robes traînent en miroitant ; les regards se croisent ; les oisifs, fatigués de n'avoir rien fait, se dandinent, feignant de déguster indolemment la musique. Ici rien que de riche, d'heureux ; rien qui ne respire et n'inspire l'insouciance et le plaisir de se laisser vivre ; rien, excepté l'aspect de cette tourbe qui s'appuie là-bas sur la barrière extérieure, attrapant gratis, au gré du vent, un lambeau de musique, et regardant l'étincelante fournaise intérieure.

C'est toujours chose intéressante que ce reflet de la joie du riche au fond de l'œil du pauvre. Mais ce jour-là, à travers ce peuple vêtu de blouses et d'indienne, j'aperçus un être dont la noblesse faisait un éclatant contraste avec toute la trivialité environnante.

C'était une femme grande, majestueuse, et si noble dans tout son air, que je n'ai pas souvenir d'avoir vu sa pareille dans les collections des aristocratiques beautés du passé. Un parfum de hautaine vertu émanait de toute sa personne. Son visage, triste et amaigri, était en parfaite accordance avec le grand deuil dont elle était revêtue. Elle aussi, comme la plèbe à laquelle elle s'était mêlée et qu'elle ne voyait pas, elle regardait le monde lumineux avec un œil profond, et elle écoutait en hochant doucement la tête.

Singulière vision ! « À coup sûr, me dis-je, cette pauvreté-là, si pauvreté il y a, ne doit pas admettre l'économie sordide ; un si noble visage m'en répond. Pourquoi donc reste-t-elle volontairement dans un milieu où elle fait une tache si éclatante ? »

Mais en passant curieusement auprès d'elle, je crus en deviner la raison. La grande veuve tenait par la main un enfant comme elle vêtu de noir ; si modique que fût le prix d'entrée, ce prix suffisait peut-être pour payer un des besoins du petit être, mieux encore, une superfluité, un jouet.

Et elle sera rentrée à pied, méditant et rêvant, seule, toujours seule ; car l'enfant est turbulent, égoïste, sans douceur et sans patience ; et il ne peut même pas, comme le pur animal, comme le chien et le chat, servir de confident aux douleurs solitaires.
À François Coppée


Don Juan qui fut grand Seigneur en ce monde

Est aux enfers ainsi qu'un pauvre immonde

Pauvre, sans la barbe faite, et pouilleux,

Et si n'étaient la lueur de ses yeux

Et la beauté de sa maigre figure,

En le voyant ainsi quiconque jure

Qu'il est un gueux et non ce héros fier

Aux dames comme au poète si cher

Et dont l'auteur de ces humbles chroniques

Vous va parler sur des faits authentiques.


Il a son front dans ses mains et paraît

Penser beaucoup à quelque grand secret.


Il marche à pas douloureux sur la neige :

Car c'est son châtiment que rien n'allège

D'habiter seul et vêtu de léger

**** de tout lieu où fleurit l'oranger

Et de mener ses tristes promenades

Sous un ciel veuf de toutes sérénades

Et qu'une lune morte éclaire assez

Pour expier tous ses soleils passés.

Il songe. Dieu peut gagner, car le Diable

S'est vu réduire à l'état pitoyable

De tourmenteur et de geôlier gagé

Pour être las trop tôt, et trop âgé.

Du Révolté de jadis il ne reste

Plus qu'un bourreau qu'on paie et qu'on moleste

Si bien qu'enfin la cause de l'Enfer

S'en va tombant comme un fleuve à la mer,

Au sein de l'alliance primitive.

Il ne faut pas que cette honte arrive.


Mais lui, don Juan, n'est pas mort, et se sent

Le coeur vif comme un coeur d'adolescent

Et dans sa tête une jeune pensée

Couve et nourrit une force amassée ;

S'il est damné c'est qu'il le voulut bien,

Il avait tout pour être un bon chrétien,

La foi, l'ardeur au ciel, et le baptême,

Et ce désir de volupté lui-même,

Mais s'étant découvert meilleur que Dieu,

Il résolut de se mettre en son lieu.

À cet effet, pour asservir les âmes

Il rendit siens d'abord les cœurs des femmes.

Toutes pour lui laissèrent là Jésus,

Et son orgueil jaloux monta dessus

Comme un vainqueur foule un champ de bataille.

Seule la mort pouvait être à sa taille.

Il l'insulta, la défit. C'est alors

Qu'il vint à Dieu, lui parla face à face

Sans qu'un instant hésitât son audace.

Le défiant, Lui, son Fils et ses saints !

L'affreux combat ! Très calme et les reins ceints

D'impiété cynique et de blasphème,

Ayant volé son verbe à Jésus même,

Il voyagea, funeste pèlerin,

Prêchant en chaire et chantant au lutrin,

Et le torrent amer de sa doctrine,

Parallèle à la parole divine,

Troublait la paix des simples et noyait

Toute croyance et, grossi, s'enfuyait.


Il enseignait : « Juste, prends patience.

Ton heure est proche. Et mets ta confiance

En ton bon coeur. Sois vigilant pourtant,

Et ton salut en sera sûr d'autant.

Femmes, aimez vos maris et les vôtres

Sans cependant abandonner les autres...

L'amour est un dans tous et tous dans un,

Afin qu'alors que tombe le soir brun

L'ange des nuits n'abrite sous ses ailes

Que cœurs mi-clos dans la paix fraternelle. »


Au mendiant errant dans la forêt

Il ne donnait un sol que s'il jurait.

Il ajoutait : « De ce que l'on invoque

Le nom de Dieu, celui-ci s'en choque,

Bien au contraire, et tout est pour le mieux.

Tiens, prends, et bois à ma santé, bon vieux. »

Puis il disait : « Celui-là prévarique

Qui de sa chair faisant une bourrique

La subordonne au soin de son salut

Et lui désigne un trop servile but.

La chair est sainte ! Il faut qu'on la vénère.

C'est notre fille, enfants, et notre mère,

Et c'est la fleur du jardin d'ici-bas !

Malheur à ceux qui ne l'adorent pas !

Car, non contents de renier leur être,

Ils s'en vont reniant le divin maître,

Jésus fait chair qui mourut sur la croix,

Jésus fait chair qui de sa douce voix

Ouvrait le coeur de la Samaritaine,

Jésus fait chair qu'aima la Madeleine ! »


À ce blasphème effroyable, voilà

Que le ciel de ténèbres se voila.

Et que la mer entrechoqua les îles.

On vit errer des formes dans les villes

Les mains des morts sortirent des cercueils,

Ce ne fut plus que terreurs et que deuils

Et Dieu voulant venger l'injure affreuse

Prit sa foudre en sa droite furieuse

Et maudissant don Juan, lui jeta bas

Son corps mortel, mais son âme, non pas !

Non pas son âme, on l'allait voir ! Et pâle

De male joie et d'audace infernale,

Le grand damné, royal sous ses haillons,

Promène autour son œil plein de rayons,

Et crie : « À moi l'Enfer ! ô vous qui fûtes

Par moi guidés en vos sublimes chutes,

Disciples de don Juan, reconnaissez

Ici la voix qui vous a redressés.-

Satan est mort, Dieu mourra dans la fête,

Aux armes pour la suprême conquête !


Apprêtez-vous, vieillards et nouveau-nés,

C'est le grand jour pour le tour des damnés. »

Il dit. L'écho frémit et va répandre

L'appel altier, et don Juan croit entendre

Un grand frémissement de tous côtés.

Ses ordres sont à coup sûr écoutés :

Le bruit s'accroît des clameurs de victoire,

Disant son nom et racontant sa gloire.

« À nous deux, Dieu stupide, maintenant ! »

Et don Juan a foulé d'un pied tonnant


Le sol qui tremble et la neige glacée

Qui semble fondre au feu de sa pensée...

Mais le voilà qui devient glace aussi

Et dans son coeur horriblement transi

Le sang s'arrête, et son geste se fige.

Il est statue, il est glace. Ô prodige

Vengeur du Commandeur assassiné !

Tout bruit s'éteint et l'Enfer réfréné

Rentre à jamais dans ses mornes cellules.

« Ô les rodomontades ridicules »,


Dit du dehors Quelqu'un qui ricanait,

« Contes prévus ! farces que l'on connaît !

Morgue espagnole et fougue italienne !

Don Juan, faut-il afin qu'il t'en souvienne,

Que ce vieux Diable, encore que radoteur,

Ainsi te prenne en délit de candeur ?

Il est écrit de ne tenter... personne

L'Enfer ni ne se prend ni ne se donne.

Mais avant tout, ami, retiens ce point :

On est le Diable, on ne le devient point. »

— The End —