Gradiva, c'est moi Kamadeva, Ecoute ton roi ! Il est moins huit Dans huit minutes Huit petites minutes Ce sera l'heure Le jour va croître de ton plus long pas d'oie Ce sera alors l'heure du solstice d'été, L'heure bénie où les vierges éternelles dansent dans les bois Avec le soleil sans corps qui dort au fond des loups . L 'heure, Gradiva, où tu devras passer le témoin Le pied droit horizontal campé sur sa voûte plantaire Le pied gauche vertical comme ancré à ses orteils
Comme chaque mois de juin En ces jour et heure J'accomplis ma promesse solennelle J'accède à ta prière Je te libère pour huit heures De ce bas-relief de marbre blanc de Carrare Cette prison où j'ai sculpté jadis ta démarche rare.
T'en souviens tu ?
Tu marchais alors, svelte et alerte Et l'air sous tes pas se dérobait Et chantait. Tu paraissais danser Flotter sur un nuage de cendre Et tu riais à gorge déployée Et ton ombre était lustrée de la semence du soleil.
Tu sentais l'amour et le plaisir resplendissait et rejaillissait En rosée ardente sur mon royaume Tu tourbillonnais et nue sous ta robe de satin Tu étais Vénus, tu étais Vésuve. Tu chaussais du 38, si je ne m'abuse.
Dans huit minutes ce sera au tour de Rediviva La Reine Pédauque de surgir en arabesques du royaume de Perséphone Et d'assumer la garde de ta danse immobile De ressusciter en tes lieux et place l'envol de oiseau de feu Pour juste ces quelques heures nocturnes.
Pendant que Gradiva éternellement pétrifiée dans sa marche Brillera de sa langueur immortelle et lascive Profite de cet instant de liesse du solstice d'été Dans huit minutes le soleil tombera des nues Dans huit minutes il fera noir. Jette au diable ces habits de deuil Et mets tes colliers blancs et bleus Pour couronner tes chevilles.
Va, vole, virevolte et décolle, ma mortelle, Marche en long en large et en travers Redeviens Arria Marcella, l'orchidée Volcanique et sage, Descendante millénaire des Aglaurides, Filles d'Aglaure et Cecrops, Aglaure fille, Hersé et Pandrose Viens voltiger dans la cendre chaude et familière. De l'ombre de tes soeurs et foule Majestueuse les pieds fardés La forêt frivole. De cette nuit au pied du volcan On a vue sur la mer Et sur les îles. Marche entre les coquillages et les pierres de rosée Et que ta musique résonne comme le chant de la houle Entre pins sylvestres et cocotiers Portée par le cyclone tantrique qui s'annonce Escorté de ses oiseaux funambules.
Ton pied gauche est un hexamètre dactylique Et le droit un pentamètre iambique Déambule, c'est ta nuit, c'est notre nuit, C'est la nuit nue Et nu-pieds Eclaire-la de ton soleil intime Ton aura lentement emmagasinée
De pas, chants et sève sur ta chair de pierre A longueur d'année
Gradiva, c'est moi Kamadeva, Ecoute ton roi ! Il est moins huit Dans huit minutes Huit petites minutes Ce sera l'heure Des feux de joie.