Ô terre, vil monceau de boue Où germent d'épineuses fleurs, Rendons grâce à Dieu, qui secoue Sur ton sein ses fraîches couleurs !
Sans ces urnes où goutte à goutte Le ciel rend la force à nos pas, Tout serait désert, et la route Au ciel ne s'achèverait pas.
Nous dirions : - À quoi bon poursuivre Ce sentier qui mène au cercueil ? Puisqu'on se lasse en vain à vivre, Mieux vaut s'arrêter sur le seuil. -
Mais pour nous cacher les distances, Sur le chemin de nos douleurs Tu sèmes le sol d'espérances, Comme on borde un linceul de fleurs !
Et toi, mon cœur, cœur triste et tendre, Où chantaient de si fraîches voix ; Toi qui n'es plus qu'un bloc de cendre Couvert de charbons noirs et froids,
Ah ! laisse refleurir encore Ces lueurs d'arrière-saison ! Le soir d'été qui s'évapore Laisse une pourpre à l'horizon.
Oui, meurs en brûlant, ô mon âme, Sur ton bûcher d'illusions, Comme l'astre éteignant sa flamme S'ensevelit dans ses rayons !