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Déjame, sí, déjame, dios o ángel, demonio.
Déjame a solas, turba angélica,
solo conmigo, con mi multitud.
Estoy con uno como yo,
que no me reconoce y me muestra mis armas;
con uno que me abraza y me hiere
-y se dice mi hijo-;
con uno que huye con mi cuerpo;
con uno que me odia porque yo soy él mismo.

Mira, tú que huyes,
aborrecible hermano mío,
tú que enciendes las hogueras terrestres,
tú, el de las islas y el de las llamaradas,
mírate y dime:
ese que corre,
ese que alza lenguas y antorchas
para llamar al cielo y lo incendia;
ese que es una estrella lenta que desciende;
aquel que es como un arma resonante,
¿es el tuyo, tu ser, hecho de horas
y voraces minutos?

¿Quién sabe lo que es un cuerpo,
un alma,
y el sitio en que se juntan
y cómo el cuerpo se ilumina
y el alma se obscurece,
hasta fundirse, carne y alma,
en una sola y viva sombra?
¿Y somos esa imagen que soñamos,
sueños al tiempo hurtados,
sueños del tiempo por burlar al tiempo?

En soledad pregunto,
a soledad pregunto.
Y rasgo mi boca amante de palabras
y me arranco los ojos
henchidos de mentiras y apariencias,
y arrojo lo que el tiempo
deposita en mi alma,
miserias deslumbrantes,
ola que se retira…

Bajo del cielo puro,
metal de tranquilos, absortos resplandores,
pregunto, ya desnudo:
me voy borrando todo,
me voy haciendo un vago signo sobre el agua,
espejo en un espejo.
« Amis et frères ! en présence de ce gouvernement infâme, négation de toute morale, obstacle à tout progrès social, en présence de ce gouvernement meurtrier du peuple, assassin de la République et violateur des lois, de ce gouvernement né de la force et qui doit périr par la force, de ce gouvernement élevé par le crime et qui doit être terrassé par le droit, le français digne du nom de citoyen ne sait pas, ne veut pas savoir s'il y a quelque part des semblants de scrutin, des comédies de suffrage universel et des parodies d'appel à la nation ; il ne s'informe pas s'il y a des hommes qui votent et des hommes qui font voter, s'il y a un troupeau qu'on appelle le sénat et qui délibère et un autre troupeau qu'on appelle le peuple et qui obéit ; il ne s'informe pas si le pape va sacrer au maître-autel de Notre-Dame l'homme qui - n'en doutez pas, ceci est l'avenir inévitable - sera ferré au poteau par le bourreau ; - en présence de M. Bonaparte et de son gouvernement, le citoyen digne de ce nom ne fait qu'une chose et n'a qu'une chose à faire : charger son fusil, et attendre l'heure.

Jersey, le 31 octobre 1852.


Déclaration des proscrits républicains de Jersey, à propos de l'empire, publiée par le Moniteur, signée pour copie conforme :

VICTOR HUGO, FAURE, FOMBERTAUX.


« Nous flétrissons de l'énergie la plus vigoureuse de notre âme les ignobles et coupables manifestes du Parti du Crime. »

(RIANCEY, JOURNAL L'UNION, 22 NOVEMBRE.)

« Le Parti du Crime relève la tête. »

(TOUS LES JOURNAUX ÉLYSÉENS EN CHOEUR.)



Ainsi ce gouvernant dont l'ongle est une griffe,
Ce masque impérial, Bonaparte apocryphe,
À coup sûr Beauharnais, peut-être Verhueil,
Qui, pour la mettre en croix, livra, sbire cruel,
Rome républicaine à Rome catholique,
Cet homme, l'assassin de la chose publique,
Ce parvenu, choisi par le destin sans yeux,
Ainsi, lui, ce glouton singeant l'ambitieux,
Cette altesse quelconque habile aux catastrophes,
Ce loup sur qui je lâche une meute de strophes,
Ainsi ce boucanier, ainsi ce chourineur
À fait d'un jour d'orgueil un jour de déshonneur,
Mis sur la gloire un crime et souillé la victoire
Il a volé, l'infâme, Austerlitz à l'histoire ;
Brigand, dans ce trophée il a pris un poignard ;
Il a broyé bourgeois, ouvrier, campagnard ;
Il a fait de corps morts une horrible étagère
Derrière les barreaux de la cité Bergère ;
Il s'est, le sabre en main, rué sur son serment ;
Il a tué les lois et le gouvernement,
La justice, l'honneur, tout, jusqu'à l'espérance
Il a rougi de sang, de ton sang pur, ô France,
Tous nos fleuves, depuis la Seine jusqu'au Var ;
Il a conquis le Louvre en méritant Clamar ;
Et maintenant il règne, appuyant, ô patrie,
Son vil talon fangeux sur ta bouche meurtrie
Voilà ce qu'il a fait ; je n'exagère rien ;
Et quand, nous indignant de ce galérien,
Et de tous les escrocs de cette dictature,
Croyant rêver devant cette affreuse aventure,
Nous disons, de dégoût et d'horreur soulevés :
- Citoyens, marchons ! Peuple, aux armes, aux pavés !
À bas ce sabre abject qui n'est pas même un glaive !
Que le jour reparaisse et que le droit se lève ! -
C'est nous, proscrits frappés par ces coquins hardis,
Nous, les assassinés, qui sommes les bandits !
Nous qui voulons le meurtre et les guerres civiles !
Nous qui mettons la torche aux quatre coins des villes !

Donc, trôner par la mort, fouler aux pieds le droit
Etre fourbe, impudent, cynique, atroce, adroit ;
Dire : je suis César, et n'être qu'un maroufle
Etouffer la pensée et la vie et le souffle ;
Forcer quatre-vingt-neuf qui marche à reculer ;
Supprimer lois, tribune et presse ; museler
La grande nation comme une bête fauve ;
Régner par la caserne et du fond d'une alcôve ;
Restaurer les abus au profit des félons
Livrer ce pauvre peuple aux voraces Troplongs,
Sous prétexte qu'il fut, **** des temps où nous sommes,
Dévoré par les rois et par les gentilshommes
Faire manger aux chiens ce reste des lions ;
Prendre gaîment pour soi palais et millions ;
S'afficher tout crûment satrape, et, sans sourdines,
Mener joyeuse vie avec des gourgandines
Torturer des héros dans le bagne exécré ;
Bannir quiconque est ferme et fier ; vivre entouré
De grecs, comme à Byzance autrefois le despote
Etre le bras qui tue et la main qui tripote
Ceci, c'est la justice, ô peuple, et la vertu !
Et confesser le droit par le meurtre abattu
Dans l'exil, à travers l'encens et les fumées,
Dire en face aux tyrans, dire en face aux armées
- Violence, injustice et force sont vos noms
Vous êtes les soldats, vous êtes les canons ;
La terre est sous vos pieds comme votre royaume
Vous êtes le colosse et nous sommes l'atome ;
Eh bien ! guerre ! et luttons, c'est notre volonté,
Vous, pour l'oppression, nous, pour la liberté ! -
Montrer les noirs pontons, montrer les catacombes,
Et s'écrier, debout sur la pierre des tombes.
- Français ! craignez d'avoir un jour pour repentirs
Les pleurs des innocents et les os des martyrs !
Brise l'homme sépulcre, ô France ! ressuscite !
Arrache de ton flanc ce Néron parasite !
Sors de terre sanglante et belle, et dresse-toi,
Dans une main le glaive et dans l'autre la loi ! -
Jeter ce cri du fond de son âme proscrite,
Attaquer le forban, démasquer l'hypocrite
Parce que l'honneur parle et parce qu'il le faut,
C'est le crime, cela ! - Tu l'entends, toi, là-haut !
Oui, voilà ce qu'on dit, mon Dieu, devant ta face !
Témoin toujours présent qu'aucune ombre n'efface,
Voilà ce qu'on étale à tes yeux éternels !

Quoi ! le sang fume aux mains de tous ces criminels !
Quoi ! les morts, vierge, enfant, vieillards et femmes grosses
Ont à peine eu le temps de pourrir dans leurs fosses !
Quoi ! Paris saigne encor ! quoi ! devant tous les yeux,
Son faux serment est là qui plane dans les cieux !
Et voilà comme parle un tas d'êtres immondes
Ô noir bouillonnement des colères profondes !

Et maint vivant, gavé, triomphant et vermeil,
Reprend : « Ce bruit qu'on fait dérange mon sommeil.
Tout va bien. Les marchands triplent leurs clientèles,
Et nos femmes ne sont que fleurs et que dentelles !
- De quoi donc se plaint-on ? crie un autre quidam ;
En flânant sur l'asphalte et sur le macadam,
Je gagne tous les jours trois cents francs à la Bourse.
L'argent coule aujourd'hui comme l'eau d'une source ;
Les ouvriers maçons ont trois livres dix sous,
C'est superbe ; Paris est sens dessus dessous.
Il paraît qu'on a mis dehors les démagogues.
Tant mieux. Moi j'applaudis les bals et les églogues
Du prince qu'autrefois à tort je reniais.
Que m'importe qu'on ait chassé quelques niais ?
Quant aux morts, ils sont morts. Paix à ces imbéciles !
Vivent les gens d'esprit ! vivent ces temps faciles
Où l'on peut à son choix prendre pour nourricier
Le crédit mobilier ou le crédit foncier !
La république rouge aboie en ses cavernes,
C'est affreux ! Liberté, droit, progrès, balivernes
Hier encor j'empochais une prime d'un franc ;
Et moi, je sens fort peu, j'en conviens, je suis franc,
Les déclamations m'étant indifférentes,
La baisse de l'honneur dans la hausse des rentes. »

Ô langage hideux ! on le tient, on l'entend !
Eh bien, sachez-le donc ; repus au cœur content,
Que nous vous le disions bien une fois pour toutes,
Oui, nous, les vagabonds dispersés sur les routes,
Errant sans passe-port, sans nom et sans foyer,
Nous autres, les proscrits qu'on ne fait pas ployer,
Nous qui n'acceptons point qu'un peuple s'abrutisse,
Qui d'ailleurs ne voulons, tout en voulant justice,
D'aucune représaille et d'aucun échafaud,
Nous, dis-je, les vaincus sur qui Mandrin prévaut,
Pour que la liberté revive, et que la honte
Meure, et qu'à tous les fronts l'honneur serein remonte,
Pour affranchir romains, lombards, germains, hongrois,
Pour faire rayonner, soleil de tous les droits,
La république mère au centre de l'Europe,
Pour réconcilier le palais et l'échoppe,
Pour faire refleurir la fleur Fraternité,
Pour fonder du travail le droit incontesté,
Pour tirer les martyrs de ces bagnes infâmes,
Pour rendre aux fils le père et les maris aux femmes,
Pour qu'enfin ce grand siècle et cette nation
Sortent du Bonaparte et de l'abjection,
Pour atteindre à ce but où notre âme s'élance,
Nous nous ceignons les reins dans l'ombre et le silence
Nous nous déclarons prêts, prêts, entendez-vous bien ?
- Le sacrifice est tout, la souffrance n'est rien, -
Prêts, quand Dieu fera signe, à donner notre vie
Car, à voir ce qui vit, la mort nous fait envie,
Car nous sommes tous mal sous ce drôle effronté,
Vivant, nous sans patrie, et vous sans liberté !

Oui, sachez-le, vous tous que l'air libre importune
Et qui dans ce fumier plantez votre fortune,
Nous ne laisserons pas le peuple s'assoupir ;
Oui, nous appellerons, jusqu'au dernier soupir,
Au secours de la France aux fers et presque éteinte,
Comme nos grands -aïeux, l'insurrection sainte
Nous convierons Dieu même à foudroyer ceci
Et c'est notre pensée et nous sommes ainsi,
Aimant mieux, dût le sort nous broyer sous sa roue,
Voir couler notre sang que croupir votre boue.

Jersey, le 28 janvier 1853.
I.

On ne songe à la Mort que dans son voisinage :
Au sépulcre éloquent d'un être qui m'est cher,
J'ai, pour m'en pénétrer, fait un pèlerinage,
Et je pèse aujourd'hui ma tristesse d'hier.

Je veux, à mon retour de cette sombre place
Où semblait m'envahir la funèbre torpeur,
Je veux me recueillir et contempler en face
La mort, la grande mort, sans défi, mais sans peur.

Assiste ma pensée, austère poésie
Qui sacres de beauté ce qu'on a bien senti ;
Ta sévère caresse aux pleurs vrais s'associe,
Et tu sais que mon cœur ne t'a jamais menti.

Si ton charme n'est point un misérable leurre,
Ton art un jeu servile, un vain culte sans foi,
Ne m'abandonne pas précisément à l'heure
Où, pour ne pas sombrer, j'ai tant besoin de toi.

Devant l'atroce énigme où la raison succombe,
Si la mienne fléchit tu la relèveras ;
Fais-moi donc explorer l'infini d'outre-tombe
Sur ta grande poitrine entre tes puissants bras ;

Fais taire l'envieux qui t'appelle frivole,
Toi qui dans l'inconnu fais crier des échos
Et prêtes par l'accent, plus sûr que la parole,
Un sens révélateur au seul frisson des mots.

Ne crains pas qu'au tombeau la morte s'en offense,
Ô poésie, ô toi, mon naturel secours,
Ma seconde berceuse au sortir de l'enfance,
Qui seras la dernière au dernier de mes jours.

II.

Hélas ! J'ai trop songé sous les blêmes ténèbres
Où les astres ne sont que des bûchers lointains,
Pour croire qu'échappé de ses voiles funèbres
L'homme s'envole et monte à de plus beaux matins ;

J'ai trop vu sans raison pâtir les créatures
Pour croire qu'il existe au delà d'ici-bas
Quelque plaisir sans pleurs, quelque amour sans tortures,
Quelque être ayant pris forme et qui ne souffre pas.

Toute forme est sur terre un vase de souffrances,
Qui, s'usant à s'emplir, se brise au moindre heurt ;
Apparence mobile entre mille apparences
Toute vie est sur terre un flot qui roule et meurt.

N'es-tu plus qu'une chose au vague aspect de femme,
N'es-tu plus rien ? Je cherche à croire sans effroi
Que, ta vie et ta chair ayant rompu leur trame,
Aujourd'hui, morte aimée, il n'est plus rien de toi.

Je ne puis, je subis des preuves que j'ignore.
S'il ne restait plus rien pour m'entendre en ce lieu,
Même après mainte année y reviendrais-je encore,
Répéter au néant un inutile adieu ?

Serais-je épouvanté de te laisser sous terre ?
Et navré de partir, sans pouvoir t'assister
Dans la nuit formidable où tu gis solitaire,
Penserais-je à fleurir l'ombre où tu dois rester ?

III.

Pourtant je ne sais rien, rien, pas même ton âge :
Mes jours font suite au jour de ton dernier soupir,
Les tiens n'ont-ils pas fait quelque immense passage
Du temps qui court au temps qui n'a plus à courir ?

Ont-ils joint leur durée à l'ancienne durée ?
Pour toi s'enchaînent-ils aux ans chez nous vécus ?
Ou dois-tu quelque part, immuable et sacrée,
Dans l'absolu survivre à ta chair qui n'est plus ?

Certes, dans ma pensée, aux autres invisible,
Ton image demeure impossible à ternir,
Où t'évoque mon cœur tu luis incorruptible,
Mais serais-tu sans moi, hors de mon souvenir ?

Servant de sanctuaire à l'ombre de ta vie,
Je la préserve encor de périr en entier.
Mais que suis-je ? Et demain quand je t'aurai suivie,
Quel ami me promet de ne pas t'oublier ?

Depuis longtemps ta forme est en proie à la terre,
Et jusque dans les cœurs elle meurt par lambeaux,
J'en voudrais découvrir le vrai dépositaire,
Plus sûr que tous les cœurs et que tous les tombeaux.

IV.

Les mains, dans l'agonie, écartent quelque chose.
Est-ce aux mots d'ici-bas l'impatient adieu
Du mourant qui pressent sa lente apothéose ?
Ou l'horreur d'un calice imposé par un dieu ?

Est-ce l'élan qu'imprime au corps l'âme envolée ?
Ou contre le néant un héroïque effort ?
Ou le jeu machinal de l'aiguille affolée,
Quand le balancier tombe, oublié du ressort ?

Naguère ce problème où mon doute s'enfonce,
Ne semblait pas m'atteindre assez pour m'offenser ;
J'interrogeais de ****, sans craindre la réponse,
Maintenant je tiens plus à savoir qu'à penser.

Ah ! Doctrines sans nombre où l'été de mon âge
Au vent froid du discours s'est flétri sans mûrir,
De mes veilles sans fruit réparez le dommage,
Prouvez-moi que la morte ailleurs doit refleurir,

Ou bien qu'anéantie, à l'abri de l'épreuve,
Elle n'a plus jamais de calvaire à gravir,
Ou que, la même encor sous une forme neuve,
Vers la plus haute étoile elle se sent ravir !

Faites-moi croire enfin dans le néant ou l'être,
Pour elle et tous les morts que d'autres ont aimés,
Ayez pitié de moi, car j'ai faim de connaître,
Mais vous n'enseignez rien, verbes inanimés !

Ni vous, dogmes cruels, insensés que vous êtes,
Qui du juif magnanime avez couvert la voix ;
Ni toi, qui n'es qu'un bruit pour les cerveaux honnêtes,
Vaine philosophie où tout sombre à la fois ;

Toi non plus, qui sur Dieu résignée à te taire
Changes la vision pour le tâtonnement,
Science, qui partout te heurtant au mystère
Et n'osant l'affronter, l'ajournes seulement.

Des mots ! Des mots ! Pour l'un la vie est un prodige,
Pour l'autre un phénomène. Eh ! Que m'importe à moi !
Nécessaire ou créé je réclame, vous dis-je,
Et vous les ignorez, ma cause et mon pourquoi.

V.

Puisque je n'ai pas pu, disciple de tant d'autres,
Apprendre ton vrai sort, ô morte que j'aimais,
Arrière les savants, les docteurs, les apôtres.
Je n'interroge plus, je subis désormais.

Quand la nature en nous mit ce qu'on nomme l'âme,
Elle a contre elle-même armé son propre enfant ;
L'esprit qu'elle a fait juste au nom du droit la blâme,
Le cœur qu'elle a fait haut la méprise en rêvant.

Avec elle longtemps, de toute ma pensée
Et de tout mon cœur, j'ai lutté corps à corps,
Mais sur son œuvre inique, et pour l'homme insensée,
Mon front et ma poitrine ont brisé leurs efforts.

Sa loi qui par le meurtre a fait le choix des races,
Abominable excuse au carnage que font
Des peuples malheureux les nations voraces,
De tout aveugle espoir m'a vidé l'âme à fond ;

Je succombe épuisé, comme en pleine bataille
Un soldat, par la veille et la marche affaibli,
Sans vaincre, ni mourir d'une héroïque entaille,
Laisse en lui les clairons s'éteindre dans l'oubli ;

Pourtant sa cause est belle, et si doux est d'y croire
Qu'il cherche en sommeillant la vigueur qui l'a fui ;
Mais trop las pour frapper, il lègue la victoire
Aux fermes compagnons qu'il sent passer sur lui.

Ah ! Qui que vous soyez, vous qui m'avez fait naître,
Qu'on vous nomme hasard, force, matière ou dieux,
Accomplissez en moi, qui n'en suis pas le maître,
Les destins sans refuge, aussi vains qu'odieux.

Faites, faites de moi tout ce que bon vous semble,
Ouvriers inconnus de l'infini malheur,
Je viens de vous maudire, et voyez si je tremble,
Prenez ou me laissez mon souffle et ma chaleur !

Et si je dois fournir aux avides racines
De quoi changer mon être en mille êtres divers,
Dans l'éternel retour des fins aux origines,
Je m'abandonne en proie aux lois de l'univers.
Eres la noche, esposa: la noche en el instante
mayor de su potencia lunar y femenina.
Eres la medianoche: la sombra culminante
donde culmina el sueño, donde el amor culmina.

Forjado por el día, mi corazón que quema
lleva su gran pisada de sol a donde quieres,
con un solar impulso, con una luz suprema,
cumbre de las mañanas y los atardeceres.

Daré sobre tu cuerpo cuando la noche arroje
su avaricioso anhelo de imán y poderío.
Un astral sentimiento febril me sobrecoge,
incendia mi osamenta con un escalofrío.

El aire de la noche desordena tus pechos,
y desordena y vuelca los cuerpos con su choque.
Como una tempestad de enloquecidos lechos,
eclipsa las parejas, las hace un solo bloque.

La noche se ha encendido como una sorda hoguera
de llamas minerales y oscuras embestidas.
Y alrededor la sombra late como si fuera
las almas de los pozos y el vino difundidas.

Ya la sombra es el nido cerrado, incandescente,
la visible ceguera puesta sobre quien ama;
ya provoca el abrazo cerrado, ciegamente,
ya recoge en sus cuevas cuanto la luz derrama.

La sombra pide, exige seres que se entrelacen,
besos que la constelen de relámpagos largos,
bocas embravecidas, batidas, que atenacen,
arrullos que hagan música de sus mudos letargos.

Pide que nos echemos tú y yo sobre la manta,
tú y yo sobre la luna, tú y yo sobre la vida.
Pide que tú y yo ardamos fundiendo en la garganta,
con todo el firmamento, la tierra estremecida.

El hijo está en la sombra que acumula luceros,
amor, tuétano, luna, claras oscuridades.
Brota de sus perezas y de sus agujeros,
y de sus solitarias y apagadas ciudades.

El hijo está en la sombra: de la sombra ha surtido,
y a su origen infunden los astros una siembra,
un zumo lácteo, un flujo de cálido latido,
que ha de obligar sus huesos al sueño y a la hembra.

Moviendo está la sombra sus fuerzas siderales,
tendiendo está la sombra su constelada umbría,
volcando las parejas y haciéndolas nupciales.
Tú eres la noche, esposa. Yo soy el mediodía.
Tú eres el alba, esposa: la principal penumbra,
recibes entornadas las horas de tu frente.
Decidido al fulgor, pero entornado, alumbra
tu cuerpo. Tus entrañas forjan el sol naciente.

Centro de claridades, la gran hora te espera
en el umbral de un fuego que el fuego mismo abrasa:
te espero yo, inclinado como el trigo a la era,
colocando en el centro de la luz nuestra casa.

La noche desprendida de los pozos oscuros,
se sumerge en los pozos donde ha echado raíces.
Y tú te abres al parto luminoso, entre muros
que se rasgan contigo como pétreas matrices.

La gran hora del parto, la más rotunda hora:
estallan los relojes sintiendo tu alarido,
se abren todas las puertas del mundo, de la aurora,
y el sol nace en tu vientre donde encontró su nido.

El hijo fue primero sombra y ropa cosida
por tu corazón hondo desde tus hondas manos.
Con sombras y con ropas anticipó su vida,
con sombras y con ropas de gérmenes humanos.

Las sombras y las ropas sin población, desiertas,
se han poblado de un niño sonoro, un movimiento,
que en nuestra casa pone de par en par las puertas,
y ocupa en ella a gritos el luminoso asiento.

¡Ay, la vida: qué hermoso penar tan moribundo!
Sombras y ropas trajo la del hijo que nombras.
Sombras y ropas llevan los hombres por el mundo.
Y todos dejan siempre sombras: ropas y sombras.

Hijo del alba eres, hijo del mediodía.
Y ha de quedar de ti luces en todo impuestas,
mientras tu madre y yo vamos a la agonía,
dormidos y despiertos con el amor a cuestas.

Hablo y el corazón me sale en el aliento.
Si no hablara lo mucho que quiero me ahogaría.
Con espliego y resinas perfumo tu aposento.
Tú eres el alba, esposa.  Yo soy el mediodía.
Tejidos en el alba, grabados, dos panales
no pueden detener la miel en los pezones.
Tus pechos en el alba: maternos manantiales,
luchan y se atropellan con blancas efusiones.

Se han desbordado, esposa, lunarmente tus venas,
hasta inundar la casa que tu sabor rezuma.
Y es como si brotaras de un pueblo de colmenas,
tú toda una colmena de leche con espuma.

Es como si tu sangre fuera dulzura toda,
laboriosas abejas filtradas por tus poros.
Oigo un clamor de leche, de inundación, de boda
junto a ti, recorrida por caudales sonoros.

Caudalosa mujer, en tu vientre me entierro.
Tu caudaloso vientre será mi sepultura.
Si quemaran mis huesos con la llama del hierro,
verían qué grabada llevo allí tu figura.

Para siempre fundidos en el hijo quedamos:
fundidos como anhelan nuestras ansias voraces:
en un ramo de tiempo, de sangre, los dos ramos,
en un haz de caricias, de pelo, los dos haces.

Los muertos, con un fuego congelado que abrasa,
laten junto a los vivos de una manera terca.
Viene a ocupar el hijo los campos y la casa
que tú y yo abandonamos quedándonos muy cerca.

Haremos de este hijo generador sustento,
y hará de nuestra carne materia decisiva:
donde sienten su alma las manos y el aliento,
las hélices circulen, la agricultura viva.

Él hará que esta vida no caiga derribada,
pedazo desprendido de nuestros dos pedazos,
que de nuestras dos bocas hará una sola espada
y dos brazos eternos de nuestros cuatro brazos.

No te quiero a ti sola: te quiero en tu ascendencia
y en cuanto de tu vientre descenderá mañana.
Porque la especie humana me han dado por herencia,
la familia del hijo será la especie humana.

Con el amor a cuestas, dormidos y despiertos,
seguiremos besándonos en el hijo profundo.
Besándonos tú y yo se besan nuestros muertos,
se besan los primeros pobladores del mundo.
Vosotras, las familiares,
inevitables golosas,
vosotras, moscas vulgares,
me evocáis todas las cosas.¡Oh, viejas moscas voraces
como abejas en abril,
viejas moscas pertinaces
sobre mi calva infantil!¡Moscas del primer hastío
en el salón familiar,
las claras tardes de estío
en que yo empecé a soñar!Y en la aborrecida escuela,
raudas moscas divertidas,
perseguidas
por amor de lo que vuela,-que todo es volar-, sonoras
rebotando en los cristales
en los días otoñales...
Moscas de todas las horas,de infancia y adolescencia,
de mi juventud dorada;
de esta segunda inocencia,
que da en no creer en nada,de siempre... Moscas vulgares,
que de puro familiares
no tendréis digno cantor:
yo sé que os habéis posadosobre el juguete encantado,
sobre el librote cerrado,
sobre la carta de amor,
sobre los párpados yertos
de los muertos.Inevitables golosas,
que ni labráis como abejas,
ni brilláis cual mariposas;
pequeñitas, revoltosas,
vosotras, amigas viejas,
me evocáis todas las cosas.
Sólo una temporada provisoria,
tatuaje de incontables tradiciones,
oscuro mausoleo donde empieza
a existir el futuro, a hacerse piedra.

Nada aquí, nada allá. Son las palabras
del mago lejanísimo y borroso.

Sin embargo, la infancia se empecina,
comienza a levantar sus inventarios,
a echar sus amplias redes para luego.
Es una isla limpia y sobre todo
fugaz, es un venero de primicias
que se van lentamente resecando.

Queda atrás como un rápido paisaje
del que persistirán sólo unas nubes,
un biombo, dos juguetes, tres racimos,
o apenas un olor, una ceniza.
Con luces queda atrás, a la intemperie,
yacente y aplazada para nunca,
sola con su aptitud irresistible
y un pudor incorpóreo, agazapado.
Para nunca aplazada, fabulosa
infancia entre sus redes extinguida.

Por algo queda atrás. Esa entrañable
cede paso al fervor, al pasmo, al fruto,
el azar hinca el diente en otra bruma,
somos los moribundos que nacemos
a la carne, a la sangre, al entusiasmo,
nos burlamos del sol, de la penumbra,
manejamos la gloria como un lápiz
y en las vírgenes tapias dibujamos
el amor y su viejo colmo, el odio,
el grito que nos pone la vergüenza
en las manos mucho antes que en la boca.

El celaje se enciende. Somos niebla
bajo el cielo compacto, insolidario,
el asombro hace cuentas y no puede
mantenernos serenos, apacibles,
somos el invasor protagonista
que hace trizas el tiempo, que hace ruido
pueril, que hace palabras, que hace pactos,
somos tan poderosos, tan eternos,
que cerramos el puño y el verano
comienza a sollozar entre los árboles.

Mejor dicho: creemos que solloza.
El verano es un.vaho, por lo tanto
no tiene ojos ni párpados ni lágrimas,
en sus tardes de atmósfera más tenue
es calor, es calor, y en las mañanas
de aire pesado, corporal, viscoso,
es calor, es calor. Con eso basta.

De todos modos cambia a las muchachas,
las ilumina, las ondula, y luego
las respira y suspira como acordes,
las envuelve en amor, las hace carne,
les pinta brazos con venitas tenues
en colores y luz complementarios,
les abre escotes para que alguien vierta
cualquier mirada, ese poderhabiente.

La vida, qué región esplendorosa.
¿Quién escruta la muerte, quién la tienta?
A la horca con él. ¿Quién piensa en esa
imposible quietud cuando es la hora
para cada uno de morder su fruta,
de usar su espejo, de gritar su grito,
de escupir a los cielos, de ir subiendo
de dos en dos todas las escaleras?

La muerte no se apura, sin embargo,
ni se aplaca. Tampoco se impacienta.
Hay tantas muertes como negaciones.
La muerte que desgarra, la que expulsa,
la que embruja, la que arde, la que agota,
la que enluta el amor, la que excrementa,
la que siega, la que usa, la que ablanda,
la muerte de arenal, la de pantano,
la de abismo, la de agua, la de almohada.

Hay tantas muertes como teologías,
pero todas se juntan en la espera.
Esa que acecha es una muerte sola.
Escarnecida, rencorosa, hueca,
su insomnio enloquecido se desploma
sobre todos los sueños, su delirio
se parece bastante a la cordura.
Muerte esbelta y rompiente, qué increíble
sirena para el Mar de los Suicidas.

No canta, pero indica, marca, alude,
exhibe sus voraces argumentos,
sus afiches turísticos, explica
por qué es tan milagrosa su inminencia,
por qué es tan atractivo su desastre,
por qué tan confortable su vacío.

No canta, pero es como si cantara.
Su demagogia negra usa palomas,
telegramas y rezos y suspiros,
sonatas para piano, arpas de herrumbre,
vitrinas del amor momificado,
relojes de lujuria que amontonan
segundos y segundos y otras prórrogas.

No canta, pero es como si cantara,
su espanto vendaval silba en la espiga,
su pregunta repica en el silencio,
su loco desparpajo exuda un réquiem
que es prado y es follaje y es almena.

Hay que volverse sordo y mudo y ciego,
sordo de amor, de amor enmudecido,
ciego de amor. Olfato, gusto y tacto
quedan para alejar la muerte y para
hundirse en la mujer, en esa ola
que es tiempo y lengua y brazos y latido,
esa mujer descanso, mujer césped,
que es llanto y rostro y siembra y apetito,
esa mujer cosecha, mujer signo,
que es paz y aliento y cábala y jadeo.

Hay que amar con horror para salvarse,
amanecer cuando los mansos dientes
muerden, para salvarse, o por lo menos
para creerse a salvo, que es bastante.
Hay que amar sentenciado y sin urgencia,
para salvarse, para guarecerse
de esa muerte que llueve hielo o fuego.

Es el cielo común, el alba escándalo,
el goce atroz, el milagroso caos,
la piel abismo, la granada abierta,
la única unidad uniyugada,
la derrota de todas las cautelas.

Hay que amar con valor, para salvarse.
Sin luna, sin nostalgia, sin pretextos,
Hay que despilfarrar en una noche
-que puede ser mil y una- el universo,
sin augurios, sin planes, sin temblores,
sin convenios, sin votos, con olvido,
desnudos cuerpo y alma, disponibles
para ser otro y otra a ras de sueño.

Bendita noche cóncava, delicia
de encontrar un abrazo a la deriva
y entrar en ese enigma, sin astucia,
y volver por el aire al aire libre,
Hay que amar con amor, para salvarse.

Entonces vienen las contradicciones
o sea la razón. El mundo existe
con manchas, sin arar, y no hay conjuro
ni fe que lo desmienta o modifique.

El manantial se seca, el árbol cae,
la sangre fluye, el odio se hace muro,
¿Es mi hermano el verdugo? Ese asesino
y dios padrastro todopoderoso,
ese señor del vómito, ese artífice
de la hecatombe, ¿puede ser mi hermano?
Surtidor de ******, profeta imbécil,
¿ése, mi prójimo?, ¿ése, el
semejante?
Sindico en todo caso de la muerte,
argumento Y proclama de la ruina,
poder y brazo ejecutor. Estiércol.

Por esta vez no he de mirar mis pasos
sino el contorno triste, calcinado.
Miro a mi sombra que está envejeciendo,
la sombra de los míos que envejecen.

El mundo existe. Con o sin sus manes,
con o sin su señal. Existe. Punto.

El mundo existe con mis ex iguales,
con mis amigos-enemigos, esos
que ya olvidé por qué se traicionaron.

Tiendo mi mano a veces y está sola
y está más sola cuando no la tiendo,
pienso en los compradores emboscados
y tengo duelo y tengo rabia y tengo
un reproche que empieza en mis lealtades,
en mis confianzas sin mayor motivo,
en mi invención del prójimo-mi-aliado.
Ni aun ahora me resigno a creerlo.

No todos son así, no todos ceden.
Tendré que repetírmelo a escondidas
y barajar de nuevo el almanaque.

Mi corazón acobardado sigue
inventando valor, abriendo créditos,
tirando cabos sólo a la siniestra,
aprendiendo a aprender, pobre aleluya,
y quién sabe, quién sabe si entre tanta
mentira incandescente, no queda algo
de verdad a la sombra. Y no es metáfora.

Nada aquí, nada allá. Son las palabras
del mago lejanísimo y borroso.

Pero ¿por qué creerle a pie juntillas?
¿En qué galaxia está el certificado?

Algo aquí, nada allá. ¿Es tan distinto?
Lo propongo debajo de mis párpados
y en mi boca cerrada.
                                      ¿Es tan distinto?
Ya sé, hay razones nítidas, famosas,
hay cien teorías sobre la derrota,
hay argumentos para suicidarse,

Pero ¿y si hay un resquicio?
                                               ¿Es
tan distinto,
tan necio, tan ridículo, tan torpe,
tener un espacioso sueño propio
donde el hombre se muera pero actúe
como inmortal?
Ils vont sans trêve ; ils vont sous le ciel bas et sombre,
Les Fugitifs, chassés des anciens paradis ;
Et toute la tribu, depuis des jours sans nombre,
Dans leur sillon fatal traîne ses pieds roidis.

Ils vont, les derniers-nés des races primitives,
Les derniers dont les yeux, sur les divins sommets,
Dans les herbes en fleur ont vu fuir les Eaux vives
Et grandir un Soleil, oublié désormais.

Tout est mort et flétri sur les plateaux sublimes
Où l'aurore du monde a lui pour leurs aïeux ;
Et voici que les fils, à l'étroit sur les cimes,
Vers l'Occident nocturne ont cherché d'autres cieux.

Ils ont fui. Le vent souffle et pousse dans l'espace
La neige inépuisable en tourbillons gonflés ;
Un hiver éternel suspend, en blocs de glace,
De rigides torrents aux flancs des monts gelés.

Des amas de rochers, blancs d'une lourde écume,
Témoins rugueux d'un monde informe et surhumain.
Visqueux, lavés de pluie et noyés dans la brume,
De leurs blocs convulsés ferment l'âpre chemin.

Des forêts d'arbres morts, tordus par les tempêtes,
S'étendent ; et le cri des voraces oiseaux,
Près de grands lacs boueux, répond au cri des bêtes
Qui râlent en glissant sur l'épaisseur des eaux.

Mais l'immense tribu, par les sentiers plus rudes,
Par les ravins fangeux où s'engouffre le vent,
Comme un troupeau perdu, s'enfonce aux solitudes,
Sans hâte, sans relâche et toujours plus avant.

En tête, interrogeant l'ombre de leurs yeux ternes,
Marchent les durs chasseurs, les géants et les forts,
Plus monstrueux que l'ours qu'au seuil de leurs cavernes
Ils étouffaient naguère en luttant corps à corps.

Leurs longs cheveux, pareils aux lianes farouches,
En lanières tombaient de leurs crânes étroits,
Tandis qu'en se figeant l'haleine de leurs bouchés
Hérissait de glaçons leurs barbes aux poils droits.

Les uns, ceints de roseaux tressés ou d'herbes sèches,
Aux rafales de grêle offraient leurs larges flancs ;
D'autres, autour du col attachant des peaux fraîches,
D'un manteau ******* couvraient leurs reins sanglants.

Et les femmes marchaient, lentes, mornes, livides,
Haletant et pliant sous les doubles fardeaux
Des blêmes nourrissons pendus à leurs seins vides
Et des petits enfants attachés sur leur dos.

En arrière, portés sur des branches unies,
De grands vieillards muets songeaient aux jours lointains
Et, soulevant parfois leurs paupières ternies,
Vers l'horizon perdu tournaient des yeux éteints.

Ils allaient. Mais soudain, quand la nuit dans, l'espace
Roulait, avec la peur, l'obscurité sans fin,
La tribu tout entière, épuisée et trop lasse,
Multipliait le cri terrible de sa faim.

Les chasseurs ont hier suivi des pistes fausses ;
Le renne prisonnier a rompu ses liens ;
L'ours défiant n'a pas trébuché dans les fosses ;
Le cerf n'est pas tombé sous les crocs blancs des chiens.

Le sol ne livre plus ni germes ni racines,
Le poisson se dérobe aux marais submergés ;
Rien, ni les acres fruits ni le flux des résines,
Ni la moelle épaisse au creux des os rongés.

Et voici qu'appuyés sur des haches de pierre,
Les mâles, dans l'horreur d'un songe inassouvi,
Ont compté tous les morts dont la chair nourricière
Fut le festin des loups, sur le chemin suivi.

Voici la proie humaine, offerte à leur délire,
Vieillards, femmes, enfants, les faibles, autour d'eux
Vautrés dans leur sommeil stupide, sans voir luire
Les yeux des carnassiers en un cercle hideux.

Les haches ont volé. Devant les corps inertes,
Dans la pourpre qui bout et coule en noirs ruisseaux,
Les meurtriers, fouillant les poitrines ouvertes,
Mangent les cœurs tout vifs, arrachés par morceaux.

Et tous, repus, souillés d'un sang qui fume encore,
Parmi les os blanchis épars sur le sol nu,
Aux blafardes lueurs de la nouvelle aurore,
Marchent, silencieux, vers le but inconnu.

Telle, de siècle en siècle incessamment errante,
Sur la neige durcie et le désert glacé
Ne laissant même pas sa trace indifférente,
La tribu, sans espoir et sans rêve, a passé.

Tels, les Fils de l'Exil, suivant le bord des fleuves
Dont les vallons emplis traçaient le large cours,
Sauvages conquérants des solitudes neuves,
Ont avancé, souffert et pullulé toujours ;

Jusqu'à l'heure où, du sein des vapeurs méphitiques,
Dont le rideau flottant se déchira soudain,
Une terre, pareille aux demeures antiques,
A leurs yeux éblouis fleurit comme un jardin.

Devant eux s'étalait calme, immense et superbe,
Comme un tapis changeant au pied des monts jeté,
Un pays, vierge encore, où, mugissant dans l'herbe,
Des vaches au poil blanc paissaient en liberté.

Et sous les palmiers verts, parmi les fleurs nouvelles,
Les étalons puissants, les cerfs aux pieds légers
Et les troupeaux épars des fuyantes gazelles
Écoutaient sans effroi les pas des étrangers.

C'était là. Le Destin, dans l'aube qui se lève,
Au terme de l'Exil ressuscitait pour eux,
Comme un réveil tardif après un sombre rêve,
Le vivant souvenir des siècles bienheureux.

La Vie a rejailli de la source féconde,
Et toute soif s'abreuve à son flot fortuné,
Et le désert se peuple et toute chair abonde,
Et l'homme pacifique est comme un nouveau-né.

Il revoit le Soleil, l'immortelle Lumière,
Et le ciel où, témoins des clémentes saisons,
Des astres reconnus, à l'heure coutumière,
Montent, comme autrefois, sur les vieux horizons.

Et plus ****, par delà le sable monotone,
Il voit irradier, comme un profond miroir,
L'étincelante mer dont l'infini frissonne
Quand le Soleil descend dans la rougeur du soir.

Et le Ciel sans limite et la Nature immense,
Les eaux, les bois, les monts, tout s'anime à ses yeux.
Moins aveugle et moins sourd, un univers commence
Où son cœur inquiet sent palpiter des Dieux.

Ils naissent du chaos où s'ébauchaient leurs formes,
Multiples et sans noms, l'un par l'autre engendrés ;
Et le reflet sanglant de leurs ombres énormes
D'une terreur barbare emplit les temps sacrés.

Ils parlent dans l'orage ; ils pleurent dans l'averse.
Leur bras libérateur darde et brandit l'éclair,
Comme un glaive strident qui poursuit et transperce
Les monstres nuageux accumulés dans l'air.

Sur l'abîme éternel des eaux primordiales
Nagent des Dieux prudents, tels que de grands poissons ;
D'infaillibles Esprits peuplent les nuits astrales ;
Des serpents inspirés sifflent dans les buissons.

Puis, lorsque surgissant comme un roi, dans l'aurore,
Le Soleil triomphal brille au firmament bleu,
L'homme, les bras tendus, chante, contemple, adore
La Majesté suprême et le plus ancien Dieu ;

Celui qui féconda la Vie universelle,
L'ancêtre vénéré du jour propice et pur,
Le guerrier lumineux dont le disque étincelle
Comme un bouclier d'or suspendu dans l'azur ;

Et celui qui parfois, formidable et néfaste,
Immobile au ciel fauve et morne de l'Été,
Flétrit, dévore, embrase, et du désert plus vaste
Fait, jusqu'aux profondeurs, flamber l'immensité.

Mais quand l'homme, éveillant l'éternelle Nature,
Ses formes, ses couleurs, ses clartés et ses voix,
Fut seul devant les Dieux, fils de son âme obscure,
Il tressaillit d'angoisse et supplia ses Rois.

Alors, ô Souverains ! les taureaux et les chèvres
D'un sang expiatoire ont inondé le sol ;
Et l'hymne évocateur, en s'échappant des lèvres,
Comme un aiglon divin tenta son premier vol.

Idoles de granit, simulacres de pierre,
Bétyles, Pieux sacrés, Astres du ciel serein,
Vers vous, avec l'offrande, a monté la prière,
Et la graisse a fumé sur les autels d'airain.

Les siècles ont passé ; les races successives
Ont bâti des palais, des tours et des cités
Et des temples jaloux, dont les parois massives
Aux profanes regards cachaient les Dieux sculptés.

Triomphants tour à tour ou livrés aux insultes,
Voluptueux, cruels, terribles ou savants,
Tels, vous avez versé pour jamais, ô vieux cultes !
L'ivresse du Mystère aux âmes des vivants.

Tels vous traînez encore, au fond de l'ombre ingrate,
Vos cortèges sacrés, lamentables et vains,
Du vieux Nil à la mer et du Gange à l'Euphrate,
Ô spectres innommés des ancêtres divins !

Et dans le vague abîme où gît le monde antique,
Luit, comme un astre mort, au ciel religieux,
La sombre majesté de l'Orient mystique,
Berceau des nations et sépulcre des Dieux.
A la cálida vida que transcurre canora
con garbo de mujer sin letras ni antifaces,
a la invicta belleza que salva y que enamora,
responde, en la embriaguez de la encantada hora,
un encono de hormigas en mis venas voraces.
Fustigan el desmán del perenne hormigueo
el pozo del silencio y el enjambre del ruido,
la harina rebanada como doble trofeo
en los fértiles bustos, el Infierno en que creo,
el estertor final y el preludio del nido.
Mas luego mis hormigas me negarán su abrazo
y han de huir de mis pobres y trabajados dedos
cual se olvida en la arena un gélido bagazo;
y tu boca, que es cifra de eróticos denuedos,
tu boca, que es mi rúbrica, mi manjar y mi adorno,
tu boca, en que la lengua vibra asomada al mundo
como réproba llama saliéndose de un horno,
en una turbia fecha de cierzo gemebundo
en que ronde la luna porque robarte quiera,
ha de oler a sudario y a hierba machacada,
a droga y a responso, a pabilo y a cera.
Antes de que deserten mis hormigas, Amada,
déjalas caminar camino de tu boca
a que apuren los viáticos del sanguinario fruto
que desde sarracenos oasis me provoca.
Antes de que tus labios mueran, para mi luto,
dámelos en el crítico umbral del cementerio
como perfume y pan y tósigo y cauterio.
Una línea solo una sucesión de puntos
simétricamente dispuestos a mis lados
más respira el deseo ondulante sobre tales
hasta hacerlas a semejanza suya
esbozadas serán por tus dientes voraces
graficadas por tu húmeda lengua
esculpidas por dos cóncavos cinceles
adhiriéndose a estas dos convexas formas
hasta hacerse al tránsito perfecto hacia el anclaje
como las mismas piedras ciclópeas de quinientos años
serás aquel que destile sal en sus aguas cálidas
serás ese que hierva de tanto que se deslice
suaves extasiados se resbalan sobre tales
hasta tranzar respiros por espasmos de movimientos
e ir desvaneciendo el espacio entre líneas y respiros
una lluvia color cielo ardera entre ellos
una línea una sola sucesión de puntos se ha arqueado
al moldeado respirar de tu deseo.
Una esperanza un huerto un páramo
una migaja entre dos hambres
el amor es campo minado
un jubileo de la sangre

cáliz y musgo / cruz y sésamo
pobre bisagra entre voraces
el amor es un sueño abierto
un centro con pocas filiales

un todo al borde de la nada
fogata que será ceniza
el amor es una palabra
un pedacito de utopía

es todo eso y mucho menos
y mucho más / es una isla
una borrasca / un lago quieto
sintetizando yo diría

que el amor es una alcachofa
que va perdiendo sus enigmas
hasta que queda una zozobra
una esperanza un fantasma.
Yo soñé con un beso, con un beso postrero
en la lívida boca del Señor solitario
que desgarra sus carnes sobre el tosco madero
en el nicho más íntimo del vetusto santuario.

Cuando invaden las sombras el tranquilo crucero,
parpadea la llama de la luz del sagrario,
y agitando en el puño su herrumbroso llavero,
se dirige a las puertas del recinto el ostiario.

Con un beso infinito, cual los besos voraces
que se dan los amados en la noche de bodas,
enredando sus cuerpos como lianas tenaces...

Con un beso que fuera mi palladium bendito
para todas las ansias de mi ser, para todas
las caricias bermejas que me ofrece el delito.
Sólo una temporada provisoria,
tatuaje de incontables tradiciones,
oscuro mausoleo donde empieza
a existir el futuro, a hacerse piedra.

Nada aquí, nada allá. Son las palabras
del mago lejanísimo y borroso.

Sin embargo, la infancia se empecina,
comienza a levantar sus inventarios,
a echar sus amplias redes para luego.
Es una isla limpia y sobre todo
fugaz, es un venero de primicias
que se van lentamente resecando.

Queda atrás como un rápido paisaje
del que persistirán sólo unas nubes,
un biombo, dos juguetes, tres racimos,
o apenas un olor, una ceniza.
Con luces queda atrás, a la intemperie,
yacente y aplazada para nunca,
sola con su aptitud irresistible
y un pudor incorpóreo, agazapado.
Para nunca aplazada, fabulosa
infancia entre sus redes extinguida.

Por algo queda atrás. Esa entrañable
cede paso al fervor, al pasmo, al fruto,
el azar hinca el diente en otra bruma,
somos los moribundos que nacemos
a la carne, a la sangre, al entusiasmo,
nos burlamos del sol, de la penumbra,
manejamos la gloria como un lápiz
y en las vírgenes tapias dibujamos
el amor y su viejo colmo, el odio,
el grito que nos pone la vergüenza
en las manos mucho antes que en la boca.

El celaje se enciende. Somos niebla
bajo el cielo compacto, insolidario,
el asombro hace cuentas y no puede
mantenernos serenos, apacibles,
somos el invasor protagonista
que hace trizas el tiempo, que hace ruido
pueril, que hace palabras, que hace pactos,
somos tan poderosos, tan eternos,
que cerramos el puño y el verano
comienza a sollozar entre los árboles.

Mejor dicho: creemos que solloza.
El verano es un.vaho, por lo tanto
no tiene ojos ni párpados ni lágrimas,
en sus tardes de atmósfera más tenue
es calor, es calor, y en las mañanas
de aire pesado, corporal, viscoso,
es calor, es calor. Con eso basta.

De todos modos cambia a las muchachas,
las ilumina, las ondula, y luego
las respira y suspira como acordes,
las envuelve en amor, las hace carne,
les pinta brazos con venitas tenues
en colores y luz complementarios,
les abre escotes para que alguien vierta
cualquier mirada, ese poderhabiente.

La vida, qué región esplendorosa.
¿Quién escruta la muerte, quién la tienta?
A la horca con él. ¿Quién piensa en esa
imposible quietud cuando es la hora
para cada uno de morder su fruta,
de usar su espejo, de gritar su grito,
de escupir a los cielos, de ir subiendo
de dos en dos todas las escaleras?

La muerte no se apura, sin embargo,
ni se aplaca. Tampoco se impacienta.
Hay tantas muertes como negaciones.
La muerte que desgarra, la que expulsa,
la que embruja, la que arde, la que agota,
la que enluta el amor, la que excrementa,
la que siega, la que usa, la que ablanda,
la muerte de arenal, la de pantano,
la de abismo, la de agua, la de almohada.

Hay tantas muertes como teologías,
pero todas se juntan en la espera.
Esa que acecha es una muerte sola.
Escarnecida, rencorosa, hueca,
su insomnio enloquecido se desploma
sobre todos los sueños, su delirio
se parece bastante a la cordura.
Muerte esbelta y rompiente, qué increíble
sirena para el Mar de los Suicidas.

No canta, pero indica, marca, alude,
exhibe sus voraces argumentos,
sus afiches turísticos, explica
por qué es tan milagrosa su inminencia,
por qué es tan atractivo su desastre,
por qué tan confortable su vacío.

No canta, pero es como si cantara.
Su demagogia negra usa palomas,
telegramas y rezos y suspiros,
sonatas para piano, arpas de herrumbre,
vitrinas del amor momificado,
relojes de lujuria que amontonan
segundos y segundos y otras prórrogas.

No canta, pero es como si cantara,
su espanto vendaval silba en la espiga,
su pregunta repica en el silencio,
su loco desparpajo exuda un réquiem
que es prado y es follaje y es almena.

Hay que volverse sordo y mudo y ciego,
sordo de amor, de amor enmudecido,
ciego de amor. Olfato, gusto y tacto
quedan para alejar la muerte y para
hundirse en la mujer, en esa ola
que es tiempo y lengua y brazos y latido,
esa mujer descanso, mujer césped,
que es llanto y rostro y siembra y apetito,
esa mujer cosecha, mujer signo,
que es paz y aliento y cábala y jadeo.

Hay que amar con horror para salvarse,
amanecer cuando los mansos dientes
muerden, para salvarse, o por lo menos
para creerse a salvo, que es bastante.
Hay que amar sentenciado y sin urgencia,
para salvarse, para guarecerse
de esa muerte que llueve hielo o fuego.

Es el cielo común, el alba escándalo,
el goce atroz, el milagroso caos,
la piel abismo, la granada abierta,
la única unidad uniyugada,
la derrota de todas las cautelas.

Hay que amar con valor, para salvarse.
Sin luna, sin nostalgia, sin pretextos,
Hay que despilfarrar en una noche
-que puede ser mil y una- el universo,
sin augurios, sin planes, sin temblores,
sin convenios, sin votos, con olvido,
desnudos cuerpo y alma, disponibles
para ser otro y otra a ras de sueño.

Bendita noche cóncava, delicia
de encontrar un abrazo a la deriva
y entrar en ese enigma, sin astucia,
y volver por el aire al aire libre,
Hay que amar con amor, para salvarse.

Entonces vienen las contradicciones
o sea la razón. El mundo existe
con manchas, sin arar, y no hay conjuro
ni fe que lo desmienta o modifique.

El manantial se seca, el árbol cae,
la sangre fluye, el odio se hace muro,
¿Es mi hermano el verdugo? Ese asesino
y dios padrastro todopoderoso,
ese señor del vómito, ese artífice
de la hecatombe, ¿puede ser mi hermano?
Surtidor de ******, profeta imbécil,
¿ése, mi prójimo?, ¿ése, el
semejante?
Sindico en todo caso de la muerte,
argumento Y proclama de la ruina,
poder y brazo ejecutor. Estiércol.

Por esta vez no he de mirar mis pasos
sino el contorno triste, calcinado.
Miro a mi sombra que está envejeciendo,
la sombra de los míos que envejecen.

El mundo existe. Con o sin sus manes,
con o sin su señal. Existe. Punto.

El mundo existe con mis ex iguales,
con mis amigos-enemigos, esos
que ya olvidé por qué se traicionaron.

Tiendo mi mano a veces y está sola
y está más sola cuando no la tiendo,
pienso en los compradores emboscados
y tengo duelo y tengo rabia y tengo
un reproche que empieza en mis lealtades,
en mis confianzas sin mayor motivo,
en mi invención del prójimo-mi-aliado.
Ni aun ahora me resigno a creerlo.

No todos son así, no todos ceden.
Tendré que repetírmelo a escondidas
y barajar de nuevo el almanaque.

Mi corazón acobardado sigue
inventando valor, abriendo créditos,
tirando cabos sólo a la siniestra,
aprendiendo a aprender, pobre aleluya,
y quién sabe, quién sabe si entre tanta
mentira incandescente, no queda algo
de verdad a la sombra. Y no es metáfora.

Nada aquí, nada allá. Son las palabras
del mago lejanísimo y borroso.

Pero ¿por qué creerle a pie juntillas?
¿En qué galaxia está el certificado?

Algo aquí, nada allá. ¿Es tan distinto?
Lo propongo debajo de mis párpados
y en mi boca cerrada.
                                      ¿Es tan distinto?
Ya sé, hay razones nítidas, famosas,
hay cien teorías sobre la derrota,
hay argumentos para suicidarse,

Pero ¿y si hay un resquicio?
                                               ¿Es
tan distinto,
tan necio, tan ridículo, tan torpe,
tener un espacioso sueño propio
donde el hombre se muera pero actúe
como inmortal?
Enfants, beaux fronts naïfs penchés autour de moi,
Bouches aux dents d'émail disant toujours : Pourquoi ?
Vous qui, m'interrogeant sur plus d'un grand problème,
Voulez de chaque chose, obscure pour moi-même,
Connaître le vrai sens et le mot décisif,
Et qui touchez à tout dans mon esprit pensif ;
- Si bien que, vous partis, souvent je passe
Des heures, fort maussade, à remettre à leur place
Au fond de mon cerveau mes plans, mes visions,
Mes sujets éternels de méditations,
Dieu, l'homme, l'avenir, la raison, la démence,
Mes systèmes, tas sombre, échafaudage immense,
Dérangés tout à coup, sans tort de votre part,
Par une question d'enfant, faite au hasard ! -
Puisqu'enfin vous voilà sondant mes destinées,
Et que vous me parlez de mes jeunes années,
De mes premiers instincts, de mon premier espoir,
Écoutez, doux amis, qui voulez tout savoir !

J'eus dans ma blonde enfance, hélas ! trop éphémère,
Trois maîtres : - un jardin, un vieux prêtre et ma mère.

Le jardin était grand, profond, mystérieux,
Fermé par de hauts murs aux regards curieux,
Semé de fleurs s'ouvrant ainsi que des paupières,
Et d'insectes vermeils qui couraient sur les pierres ;
Plein de bourdonnements et de confuses voix ;
Au milieu, presque un champ, dans le fond, presque un bois.
Le prêtre, tout nourri de Tacite et d'Homère,
Était un doux vieillard. Ma mère - était ma mère !

Ainsi je grandissais sous ce triple rayon.

Un jour... - Oh ! si Gautier me prêtait son crayon,
Je vous dessinerais d'un trait une figure
Qui chez ma mère un jour entra, fâcheux augure !
Un docteur au front pauvre, au maintien solennel,
Et je verrais éclore à vos bouches sans fiel,
Portes de votre cœur qu'aucun souci ne mine,
Ce rire éblouissant qui parfois m'illumine !

Lorsque cet homme entra, je jouais au jardin.
Et rien qu'en le voyant je m'arrêtai soudain.

C'était le principal d'un collège quelconque.

Les tritons que Coypel groupe autour d'une conque,
Les faunes que Watteau dans les bois fourvoya,
Les sorciers de Rembrandt, les gnomes de Goya,
Les diables variés, vrais cauchemars de moine
Dont Callot en riant taquine saint Antoine,
Sont laids, mais sont charmants ; difformes, mais remplis
D'un feu qui de leur face anime tous les plis
Et parfois dans leurs yeux jette un éclair rapide.
- Notre homme était fort laid, mais il était stupide.

Pardon, j'en parle encor comme un franc écolier.
C'est mal. Ce que j'ai dit, tâchez de l'oublier ;
Car de votre âge heureux, qu'un pédant embarrasse,
J'ai gardé la colère et j'ai perdu la grâce.

Cet homme chauve et noir, très effrayant pour moi,
Et dont ma mère aussi d'abord eut quelque effroi,
Tout en multipliant les humbles attitudes,
Apportait des avis et des sollicitudes :
- Que l'enfant n'était pas dirigé ; - que parfois
Il emportait son livre en rêvant dans les bois ;
Qu'il croissait au hasard dans cette solitude ;
Qu'on devait y songer ; que la sévère étude
Était fille de l'ombre et des cloîtres profonds ;
Qu'une lampe pendue à de sombres plafonds,
Qui de cent écoliers guide la plume agile,
Éclairait mieux Horace et Catulle et Virgile,
Et versait à l'esprit des rayons bien meilleurs
Que le soleil qui joue à travers l'arbre en fleurs ;
Et qu'enfin il fallait aux enfants, - **** des mères, -
Le joug, le dur travail et les larmes amères.
Là-dessus, le collège, aimable et triomphant,
Avec un doux sourire offrait au jeune enfant
Ivre de liberté, d'air, de joie et de roses,
Ses bancs de chêne noirs, ses longs dortoirs moroses,
Ses salles qu'on verrouille et qu'à tous leurs piliers
Sculpte avec un vieux clou l'ennui des écoliers,
Ses magisters qui font, parmi les paperasses,
Manger l'heure du jeu par les pensums voraces,
Et, sans eux, sans gazon, sans arbres, sans fruits mûrs,
Sa grande cour pavée entre quatre murs.

L'homme congédié, de ses discours frappée,  
Ma mère demeura triste et préoccupée.
Que faire ? que vouloir ? qui donc avait raison,
Ou le morne collège, ou l'heureuse maison ?
Qui sait mieux de la vie accomplir l'œuvre austère,
L'écolier turbulent, ou l'enfant solitaire ?
Problèmes ! questions ! elle hésitait beaucoup.
L'affaire était bien grave. Humble femme après tout,
Âme par le destin, non par les livres faite,
De quel front repousser ce tragique prophète,
Au ton si magistral, aux gestes si certains,
Qui lui parlait au nom des Grecs et des Latins ?
Le prêtre était savant sans doute ; mais, que sais-je ?
Apprend-on par le maître ou bien par le collège ?
Et puis, enfin, - souvent ainsi nous triomphons ! -
L'homme le plus vulgaire a de grands mots profonds :
- « Il est indispensable ! - il convient ! - il importe ! »
Qui troublent quelquefois la femme la plus forte.
Pauvre mère ! lequel choisir des deux chemins ?
Tout le sort de son fils se pesait dans ses mains.
Tremblante, elle tenait cette lourde balance,
Et croyait bien la voir par moments en silence
Pencher vers le collège, hélas ! en opposant
Mon bonheur à venir à mon bonheur présent.

Elle songeait ainsi sans sommeil et sans trêve.

C'était l'été. Vers l'heure où la lune se lève,
Par un de ces beaux soirs qui ressemblent au jour
Avec moins de clarté, mais avec plus d'amour,
Dans son parc, où jouaient le rayon et la brise,
Elle errait, toujours triste et toujours indécise,
Questionnant tout bas l'eau, le ciel, la forêt,
Écoutant au hasard les voix qu'elle entendait.

C'est dans ces moments-là que le jardin paisible,
La broussaille où remue un insecte invisible,
Le scarabée ami des feuilles, le lézard
Courant au clair de lune au fond du vieux puisard,
La faïence à fleur bleue où vit la plante grasse,
Le dôme oriental du sombre Val-de-Grâce,
Le cloître du couvent, brisé, mais doux encor,
Les marronniers, la verte allée aux boutons-d'or,
La statue où sans bruit se meut l'ombre des branches,
Les pâles liserons, les pâquerettes blanches,
Les cent fleurs du buisson, de l'arbre, du roseau,
Qui rendent en parfums ses chansons à l'oiseau,
Se mirent dans la mare ou se cachent dans l'herbe,
Ou qui, de l'ébénier chargeant le front superbe,
Au bord des clairs étangs se mêlant au bouleau,
Tremblent en grappes d'or dans les moires de l'eau,
Et le ciel scintillant derrière les ramées,
Et les toits répandant de charmantes fumées,
C'est dans ces moments-là, comme je vous le dis,
Que tout ce beau jardin, radieux paradis,
Tous ces vieux murs croulants, toutes ces jeunes roses,
Tous ces objets pensifs, toutes ces douces choses,
Parlèrent à ma mère avec l'onde et le vent,
Et lui dirent tout bas : - « Laisse-nous cet enfant ! »

« Laisse-nous cet enfant, pauvre mère troublée !
Cette prunelle ardente, ingénue, étoilée,
Cette tête au front pur qu'aucun deuil ne voila,
Cette âme neuve encor, mère, laisse-nous-la !
Ne vas pas la jeter au hasard dans la foule.
La foule est un torrent qui brise ce qu'il roule.
Ainsi que les oiseaux les enfants ont leurs peurs.
Laisse à notre air limpide, à nos moites vapeurs,
À nos soupirs, légers comme l'aile d'un songe,
Cette bouche où jamais n'a passé le mensonge,
Ce sourire naïf que sa candeur défend !
Ô mère au cœur profond, laisse-nous cet enfant !
Nous ne lui donnerons que de bonnes pensées ;
Nous changerons en jour ses lueurs commencées ;
Dieu deviendra visible à ses yeux enchantés ;
Car nous sommes les fleurs, les rameaux, les clartés,
Nous sommes la nature et la source éternelle
Où toute soif s'épanche, où se lave toute aile ;
Et les bois et les champs, du sage seul compris,
Font l'éducation de tous les grands esprits !
Laisse croître l'enfant parmi nos bruits sublimes.
Nous le pénétrerons de ces parfums intimes,
Nés du souffle céleste épars dans tout beau lieu,
Qui font sortir de l'homme et monter jusqu'à Dieu,
Comme le chant d'un luth, comme l'encens d'un vase,
L'espérance, l'amour, la prière, et l'extase !
Nous pencherons ses yeux vers l'ombre d'ici-bas,
Vers le secret de tout entr'ouvert sous ses pas.
D'enfant nous le ferons homme, et d'homme poète.
Pour former de ses sens la corolle inquiète,
C'est nous qu'il faut choisir ; et nous lui montrerons
Comment, de l'aube au soir, du chêne aux moucherons,
Emplissant tout, reflets, couleurs, brumes, haleines,
La vie aux mille aspects rit dans les vertes plaines.
Nous te le rendrons simple et des cieux ébloui :
Et nous ferons germer de toutes parts en lui
Pour l'homme, triste effet perdu sous tant de causes,
Cette pitié qui naît du spectacle des choses !
Laissez-nous cet enfant ! nous lui ferons un cœur
Qui comprendra la femme ; un esprit non moqueur,
Où naîtront aisément le songe et la chimère,
Qui prendra Dieu pour livre et les champs pour grammaire,
Une âme, pur foyer de secrètes faveurs,
Qui luira doucement sur tous les fronts rêveurs,
Et, comme le soleil dans les fleurs fécondées,
Jettera des rayons sur toutes les idées ! »

Ainsi parlaient, à l'heure où la ville se tait,
L'astre, la plante et l'arbre, - et ma mère écoutait.

Enfants ! ont-ils tenu leur promesse sacrée ?
Je ne sais. Mais je sais que ma mère adorée
Les crut, et, m'épargnant d'ennuyeuses prisons,
Confia ma jeune âme à leurs douces leçons.

Dès lors, en attendant la nuit, heure où l'étude
Rappelait ma pensée à sa grave attitude,
Tout le jour, libre, heureux, seul sous le firmament,
Je pus errer à l'aise en ce jardin charmant,
Contemplant les fruits d'or, l'eau rapide ou stagnante,
L'étoile épanouie et la fleur rayonnante,
Et les prés et les bois, que mon esprit le soir,
Revoyait dans Virgile ainsi qu'en un miroir.

Enfants ! aimez les champs, les vallons, les fontaines,
Les chemins que le soir emplit de voix lointaines,
Et l'onde et le sillon, flanc jamais assoupi,
Où germe la pensée à côté de l'épi.
Prenez-vous par la main et marchez dans les herbes ;
Regardez ceux qui vont liant les blondes gerbes ;
Épelez dans le ciel plein de lettres de feu,
Et, quand un oiseau chante, écoutez parler Dieu.
La vie avec le choc des passions contraires
Vous attend ; soyez bons, soyez vrais, soyez frères ;
Unis contre le monde où l'esprit se corrompt,
Lisez au même livre en vous touchant du front,
Et n'oubliez jamais que l'âme humble et choisie
Faite pour la lumière et pour la poésie,
Que les cœurs où Dieu met des échos sérieux
Pour tous les bruits qu'anime un sens mystérieux,
Dans un cri, dans un son, dans un vague murmure,
Entendent les conseils de toute la nature !

Le 31 mai 1839.
Todo,
todo,
en el aire,
en el agua,
en la tierra,
desarraigado y ácido,
descompuesto,
perdido.
El agua hecha caballo antes que nube y lluvia.
Los toros transformados en sumisas poleas.
El engaño sin malla,
sin "tutu",
sin pezones.

La impúdica mentira exhibiendo el trasero
en todas las posturas,
en todas las esquinas.
Las polillas voraces de expediente cocido,
disfrazadas de hiena,
de tapir con mochila.
Las techumbres que emigran en oscuras bandadas.
Las ventanas que escupen dentaduras de piano,

cacerolas,
espejos,
piernas carbonizadas.

Porque mirad
sin musgo,
mi corazón de yesca,
qué hicimos,
qué hemos hecho
con nuestras pobres manos,
con nuestros esqueletos de invierno y de verano.

Desatar el incendio.
Aplaudir el desastre.
Trasladar,
sobre caucho,
apetitos de pústula.
Prostituir los crepúsculos.
Adorar los bulones
y los secos cerebros de nuez reblandecida...
Como sí no existiera más que el sudor y el asco;
como si sólo ansiáramos nutrir con nuestra sangre
las raíces del odio;
como si ya no fuese bastante deprimente
saber que sólo somos un pálido excremento
del amor,
de la muerte.
I.

Bien ! pillards, intrigants, fourbes, crétins, puissances !
Attablez-vous en hâte autour des jouissances !
Accourez ! place à tous !
Maîtres, buvez, mangez, car la vie est rapide.
Tout ce peuple conquis, tout ce peuple stupide,
Tout ce peuple est à vous !

Vendez l'état ! coupez les bois ! coupez les bourses !
Videz les réservoirs et tarissez les sources !
Les temps sont arrivés.
Prenez le dernier sou ! prenez, gais et faciles,
Aux travailleurs des champs, aux travailleurs des villes !
Prenez, riez, vivez !

Bombance ! allez ! c'est bien ! vivez ! faites ripaille !
La famille du pauvre expire sur la paille,
Sans porte ni volet.
Le père en frémissant va mendier dans l'ombre ;
La mère n'ayant plus de pain, dénûment sombre,
L'enfant n'a plus de lait.

II.

Millions ! millions ! châteaux ! liste civile !
Un jour je descendis dans les caves de Lille
Je vis ce morne enfer.
Des fantômes sont là sous terre dans des chambres,
Blêmes, courbés, ployés ; le rachis tord leurs membres
Dans son poignet de fer.

Sous ces voûtes on souffre, et l'air semble un toxique
L'aveugle en tâtonnant donne à boire au phtisique
L'eau coule à longs ruisseaux ;
Presque enfant à vingt ans, déjà vieillard à trente,
Le vivant chaque jour sent la mort pénétrante
S'infiltrer dans ses os.

Jamais de feu ; la pluie inonde la lucarne ;
L'œil en ces souterrains où le malheur s'acharne
Sur vous, ô travailleurs,
Près du rouet qui tourne et du fil qu'on dévide,
Voit des larves errer dans la lueur livide
Du soupirail en pleurs.

Misère ! l'homme songe en regardant la femme.
Le père, autour de lui sentant l'angoisse infâme
Etreindre la vertu,
Voit sa fille rentrer sinistre sous la porte,
Et n'ose, l'œil fixé sur le pain qu'elle apporte,
Lui dire : D'où viens-tu ?

Là dort le désespoir sur son haillon sordide ;
Là, l'avril de la vie, ailleurs tiède et splendide,
Ressemble au sombre hiver ;
La vierge, rose au jour, dans l'ombre est violette ;
Là, rampent dans l'horreur la maigreur du squelette,
La nudité du ver ;

Là frissonnent, plus bas que les égouts des rues,
Familles de la vie et du jour disparues,
Des groupes grelottants ;
Là, quand j'entrai, farouche, aux méduses pareille,
Une petite fille à figure vieille
Me dit : J'ai dix-huit ans !

Là, n'ayant pas de lit, la mère malheureuse
Met ses petits enfants dans un trou qu'elle creuse,
Tremblants comme l'oiseau ;
Hélas ! ces innocents aux regards de colombe
Trouvent en arrivant sur la terre une tombe
En place d'un berceau !

Caves de Lille ! on meurt sous vos plafonds de pierre !
J'ai vu, vu de ces yeux pleurant sous ma paupière,
Râler l'aïeul flétri,
La fille aux yeux hagards de ses cheveux vêtue,
Et l'enfant spectre au sein de la mère statue !
Ô Dante Alighieri !

C'est de ces douleurs-là que sortent vos richesses,
Princes ! ces dénûments nourrissent vos largesses,
Ô vainqueurs ! conquérants !
Votre budget ruisselle et suinte à larges gouttes
Des murs de ces caveaux, des pierres de ces voûtes,
Du cœur de ces mourants.

Sous ce rouage affreux qu'on nomme tyrannie,
Sous cette vis que meut le fisc, hideux génie,
De l'aube jusqu'au soir,
Sans trêve, nuit et jour, dans le siècle où nous sommes
Ainsi que des raisins on écrase des hommes,
Et l'or sort du pressoir.

C'est de cette détresse et de ces agonies,
De cette ombre, où jamais, dans les âmes ternies,
Espoir, tu ne vibras,
C'est de ces bouges noirs pleins d'angoisses amères,
C'est de ce sombre amas de pères et de mères
Qui se tordent les bras,

Oui, c'est de ce monceau d'indigences terribles
Que les lourds millions, étincelants, horribles,
Semant l'or en chemin,
Rampant vers les palais et les apothéoses,
Sortent, monstres joyeux et couronnés de roses,
Et teints de sang humain !

III.

Ô paradis ! splendeurs ! versez à boire aux maîtres !
L'orchestre rit, la fête empourpre les fenêtres,
La table éclate et luit ;
L'ombre est là sous leurs pieds ! les portes sont fermées
La prostitution des vierges affamées
Pleure dans cette nuit !

Vous tous qui partagez ces hideuses délices,
Soldats payés, tribuns vendus, juges complices,
Évêques effrontés,
La misère frémit sous ce Louvre où vous êtes !
C'est de fièvre et de faim et de mort que sont faites
Toutes vos voluptés !

À Saint-Cloud, effeuillant jasmins et marguerites,
Quand s'ébat sous les fleurs l'essaim des favorites,
Bras nus et gorge au vent,
Dans le festin qu'égaie un lustre à mille branches,
Chacune, en souriant, dans ses belles dents blanches
Mange un enfant vivant !

Mais qu'importe ! riez ! Se plaindra-t-on sans cesse ?
Serait-on empereur, prélat, prince et princesse,
Pour ne pas s'amuser ?
Ce peuple en larmes, triste, et que la faim déchire,
Doit être satisfait puisqu'il vous entend rire
Et qu'il vous voit danser !

Qu'importe ! Allons, emplis ton coffre, emplis ta poche.
Chantez, le verre en main, Troplong, Sibour, Baroche !
Ce tableau nous manquait.
Regorgez, quand la faim tient le peuple en sa serre,
Et faites, au -dessus de l'immense misère,
Un immense banquet !

IV.

Ils marchent sur toi, peuple ! Ô barricade sombre,
Si haute hier, dressant dans les assauts sans nombre
Ton front de sang lavé,
Sous la roue emportée, étincelante et folle,
De leur coupé joyeux qui rayonne et qui vole,
Tu redeviens pavé !

À César ton argent, peuple ; à toi la famine.
N'es-tu pas le chien vil qu'on bat et qui chemine
Derrière son seigneur ?
À lui la pourpre ; à toi la hotte et les guenilles.
Peuple, à lui la beauté de ces femmes, tes filles,
À toi leur déshonneur !

V.

Ah ! quelqu'un parlera. La muse, c'est l'histoire.
Quelqu'un élèvera la voix dans la nuit noire.
Riez, bourreaux bouffons !
Quelqu'un te vengera, pauvre France abattue,
Ma mère ! et l'on verra la parole qui tue
Sortir des cieux profonds !

Ces gueux, pires brigands que ceux des vieilles races,
Rongeant le pauvre peuple avec leurs dents voraces,
Sans pitié, sans merci,
Vils, n'ayant pas de cœur, mais ayant deux visages,
Disent : - Bah ! le poète ! il est dans les nuages ! -
Soit. Le tonnerre aussi.

Le 19 janvier 1853.
Traspasada por junio,
por España y la sangre,
se levanta mi lengua
con clamor a llamarte.

Campesino que mueres,
campesino que yaces
en la tierra que siente
no tragar alemanes,
no morder italianos:
español que te abates
con la nuca marcada
por un yugo infamante,
que traicionas al pueblo
defensor de los panes:
campesino, despierta,
español, que no es tarde.

Calabozos y hierros,
calabozos y cárceles,
desventuras, presidios,
atropellos y hambres,
eso estás defendiendo,
no otra cosa más grande.
Perdición de tus hijos,
maldición de tus padres,
que doblegas tus huesos
al verdugo sangrante,
que deshonras tu trigo,
que tu tierra deshaces,
campesino, despierta,
español, que no es tarde.

Retroceden al hoyo
que se cierra y se abre,
por la fuerza del pueblo
forjador de verdades,
escuadrones del crimen,
corazones brutales,
dictadores del polvo,
soberanos voraces.

Con la prisa del fuego,
en un mágico avance,
un ejército férreo
que cosecha gigantes
los arrastra hasta el polvo,
hasta el polvo los barre.

No hay quien sitie la vida,
no hay quien cerque la sangre
cuando empuña sus alas
y las clava en el aire.

La alegría y la fuerza
de estos músculos parte
como un hondo y sonoro
manantial de volcanes.

Vencedores seremos,
porque somos titanes
sonriendo a las balas
y gritando: ¡Adelante!
La salud de los trigos
sólo aquí huele y arde.

De la muerte y la muerte
sois: de nadie y de nadie.
De la vida nosotros,
del sabor de los árboles.

Victoriosos saldremos
de las fúnebres fauces,
remontándonos libres
sobre tantos plumajes,
dominantes las frentes,
el mirar dominante,
y vosotros vencidos
como aquellos cadáveres.

Campesino, despierta,
español, que no es tarde.
A este lado de España
esperamos que pases:
que tu tierra y tu cuerpo
la invasión no se trague.
Allí,
bajo la tierra,
más lejos que los ruidos,
que el polvo,
que las tumbas;
más allá del azufre,
del agua,
de las piedras;
allí,
en lo convulso,
donde todo se parte,
donde todo se funde,
en ígneo cataclismo,
en calcinante escoria,
en bullente derrumbe,
en mineral catástrofe;
allí, allí,
en cráteres
inestables,
voraces,
en fétidos apriscos,
en valles torturados;

allí,
en lo caótico;
sumido,
amalgamado
en una pasta informe,
viscosa,
putrefacta;
las lenguas carcomidas por vocablos hipócritas,
los pulmones que criban anhelos de serpiente,
las esponjosas manos embebidas de usura,
las vísceras heladas de batracios humanos,
los sexos que trafican disfrazados de arcángeles,
las vértebras roídas por rencores insomnes,
todo, todo
hacinado,
revuelto,
confundido,
en un turbio amasijo
de infección
y de pústulas;
adentro del estruendo,
hundido en el abismo,
en una pira enorme
de expiación,
de exterminio.
Allí,
en lo profundo,
debajo de la tierra.
Soy el mendigo cósmico y mi inopia es la suma
de todos los voraces ayunos pordioseros;
mi alma y mi carne trémulas imploran a la espuma
del mar y al simulacro azul de los luceros.
El cuervo legendario que nutre al cenobita
vuela por mi Tebaida sin dejarme su pan,
otro cuervo transporta una flor inaudita,
otro lleva en el pico a la mujer de Adán,
y sin verme siquiera, los tres cuervos se van.
Prosigue descubriendo mi pupila famélica
más panes y más lindas mujeres y más rosas
en el bando de cuervos que en la jornada célica
sus picos atavía con las cargas preciosas,
y encima de mi sacro apetito no baja
sino un pétalo, un rizo prófugo, una migaja.
Saboreo mi brizna heteróclita, y siente
mi sed la cristalina nostalgia de la fuente,
y la pródiga vida se derrama en el falso
festín y en el suplicio de mi hambre creciente
como una cornucopia se vuelca en un cadalso.

— The End —