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Peut s’ouvrir un débat
long comme l’éternité
de savoir si vrai ou faux
avait raison Don Gomez
qui harangua son fils
en disant :
« Ce n’est que par le sang
Qu’on lave tel outrage. »

Ô quel mot fer,
quel mot acier,
sans une goute d’étain !
Le mot sans verdure,
le mot rouge sans mélange,
plus rouge que le sang,
visant perdre le souffle
au donneur de soufflet !
qui pourra le baptiser cannibalisme
ou bien légitime défense ?

Quoi qu’on dise, tranchons :
ce fut verser le sang.
Et jugeons :
Ce qu’à l’époque fut d’or
l’acte de le Cid1 Compeador
ne le serait point aujourd’hui.
C’est comme le triomphe d’Achille2
Sur son ennemi Hector.
Les deux grand guerriers, avides de sang
et de gloire malsaine,
vallées et plaines coururent,
lacs et rivières nagèrent,
étangs et marécages pataugèrent,
monts et collines gravirent,
et descendirent en volant,
se voulant l’un l’autre proie,
et l’emporta le plus criminel.

A l’Epoque Contemporaine
Pas toute victoire ne se couvre de lauriers.

La Pucelle d’Orléans ne fut-elle
brûlée vive par l’ennemi,
son tueur ignoré par tant,
et son Nom à jamais porta la couronne
à la façon de la Sainte Vierge
qui jamais ne lutta que contre le péchée,
et son arme au combat ne fut que piété,
contrairement à Charlemagne
qui fut couronné de fer
dont il eut son bon usage.

Le trépas d’un héro ne tue pas l’héroïsme.

Ce fut le cas, ce semble, du Prince
Né **** d’un palais royal.
Ce Prince qu’on le nomme :
Mohammed Bouazizi.
La montée au sommet ne fut pas improviste
ni sujet de surprise ;
c’est le fruit du courage bénit,
lequel conditionnera et la pluie et le soleil
dans tous les coins du monde.

1. Le Cid : Personnage Principal de la Tragi-comédie qui porte son nom de Pierre Corneille dont la première représentation eut lieu le 5 janvier 16372.
2. Achille et Hector sont les personnages les plus célèbres de L’Iliade d’Homère VIIIe siècle av. J.-C.
En mémoire du héro tunisien Mohammed Bouazizi
www.amazon.author/bonim007
I.

Je disais : - Ces soldats ont la tête trop basse.
Il va leur ouvrir des chemins.
Le peuple aime la poudre, et quand le clairon passe
La France chante et bat des mains.
La guerre est une pourpre où le meurtre se drape ;
Il va crier son : quos ego !
Un beau jour, de son crime, ainsi que d'une trappe,
Nous verrons sortir Marengo.
Il faut bien qu'il leur jette enfin un peu de gloire
Après tant de honte et d'horreur !
Que, vainqueur, il défile avec tout son prétoire
Devant Troplong le procureur ;
Qu'il tâche de cacher son carcan à l'histoire,
Et qu'il fasse par le doreur
Ajuster sa sellette au vieux char de victoire
Où monta le grand empereur.
Il voudra devenir César, frapper, dissoudre
Les anciens états ébranlés,
Et, calme, à l'univers montrer, tenant la foudre,
La main qui fit des fausses clés.
Il fera du vieux monde éclater la machine ;
Il voudra vaincre et surnager.
Hudson Lowe, Blücher, Wellington, Rostopschine,
Que de souvenirs à venger !
L'occasion abonde à l'époque où nous sommes.
Il saura saisir le moment.
On ne peut pas rester avec cinq cent mille hommes
Dans la fange éternellement.
Il ne peut les laisser courbés sous leur sentence
Il leur faut les hauts faits lointains
À la meute guerrière il faut une pitance
De lauriers et de bulletins.
Ces soldats, que Décembre orne comme une dartre,
Ne peuvent pas, chiens avilis,
Ronger à tout jamais le boulevard Montmartre,
Quand leurs pères ont Austerlitz ! -

II.

Eh bien non ! je rêvais. Illusion détruite !
Gloire ! songe, néant, vapeur !
Ô soldats ! quel réveil ! l'empire, c'est la fuite.
Soldats ! l'empire, c'est la peur.
Ce Mandrin de la paix est plein d'instincts placides ;
Ce Schinderhannes craint les coups.
Ô châtiment ! pour lui vous fûtes parricides,
Soldats, il est poltron pour vous.
Votre gloire a péri sous ce hideux incube
Aux doigts de fange, au cœur d'airain.
Ah ! frémissez ! le czar marche sur le Danube,
Vous ne marchez pas sur le Rhin !

III.

Ô nos pauvres enfants ! soldats de notre France !
Ô triste armée à l'œil terni !
Adieu la tente ! Adieu les camps ! plus d'espérance !
Soldats ! soldats ! tout est fini !
N'espérez plus laver dans les combats le crime
Dont vous êtes éclaboussés.
Pour nous ce fut le piège et pour vous c'est l'abîme.
Cartouche règne ; c'est assez.
Oui, Décembre à jamais vous tient, hordes trompées !
Oui, vous êtes ses vils troupeaux !
Oui, gardez sur vos mains, gardez sur vos épées,
Hélas ! gardez sur vos drapeaux
Ces souillures qui font horreur à vos familles
Et qui font sourire Dracon,
Et que ne voudrait pas avoir sur ses guenilles
L'équarrisseur de Montfaucon !
Gardez le deuil, gardez le sang, gardez la boue !
Votre maître hait le danger,
Il vous fait reculer ; gardez sur votre joue
L'âpre soufflet de l'étranger !
Ce nain à sa stature a rabaissé vos tailles.
Ce n'est qu'au vol qu'il est hardi.
Adieu la grande guerre et les grandes batailles !
Adieu Wagram ! adieu Lodi !
Dans cette horrible glu votre aile est prisonnière.
Derrière un crime il faut marcher.
C'est fini. Désormais vous avez pour bannière
Le tablier de ce boucher !
Renoncez aux combats, au nom de Grande Armée,
Au vieil orgueil des trois couleurs ;
Renoncez à l'immense et superbe fumée,
Aux femmes vous jetant des fleurs,
À l'encens, aux grands ares triomphaux que fréquentent
Les ombres des héros le soir ;
Hélas ! contentez-vous de ces prêtres qui chantent
Des Te Deum dans l'abattoir !
Vous ne conquerrez point la palme expiatoire,
La palme des exploits nouveaux,
Et vous ne verrez pas se dorer dans la gloire
La crinière de vos chevaux !

IV.

Donc l'épopée échoue avant qu'elle commence !
Annibal a pris un calmant ;
L'Europe admire, et mêle une huée immense
À cet immense avortement.
Donc ce neveu s'en va par la porte bâtarde !
Donc ce sabreur, ce pourfendeur,
Ce masque moustachu dont la bouche vantarde
S'ouvrait dans toute sa grandeur,
Ce césar qu'un valet tous les matins harnache
Pour s'en aller dans les combats,
Cet ogre galonné dont le hautain panache
Faisait oublier le front bas,
Ce tueur qui semblait l'homme que rien n'étonne,
Qui jouait, dans les hosanna,
Tout barbouillé du sang du ruisseau Tiquetonne,
La pantomime d'Iéna,
Ce héros que Dieu fit général des jésuites,
Ce vainqueur qui s'est dit absous,
Montre à Clio son nez meurtri de pommes cuites,
Son œil éborgné de gros sous !
Et notre armée, hélas ! sa dupe et sa complice,
Baisse un front lugubre et puni,
Et voit sous les sifflets s'enfuir dans la coulisse
Cet écuyer de Franconi !
Cet histrion, qu'on cingle à grands coups de lanière,
À le crime pour seul talent ;
Les Saint-Barthélemy vont mieux à sa manière
Qu'Aboukir et que Friedland.
Le cosaque stupide arrache à ce superbe
Sa redingote à brandebourgs ;
L'âne russe a brouté ce Bonaparte en herbe.
Sonnez, clairons ! battez, tambours !
Tranche-Montagne, ainsi que Basile, a la fièvre ;
La colique empoigne Agramant ;
Sur le crâne du loup les oreilles du lièvre
Se dressent lamentablement.
Le fier-à-bras tremblant se blottit dans son antre
Le grand sabre a peur de briller ;
La fanfare bégaie et meurt ; la flotte rentre
Au port, et l'aigle au poulailler.

V.

Et tous ces capitans dont l'épaulette brille
Dans les Louvres et les châteaux
Disent : « Mangeons la France et le peuple en famille.
Sire, les boulets sont brutaux. »
Et Forey va criant : « Majesté, prenez garde. »
Reibell dit : « Morbleu, sacrebleu !
Tenons-nous coi. Le czar fait manœuvrer sa garde.
Ne jouons pas avec le feu. »
Espinasse reprend : « César, gardez la chambre.
Ces kalmoucks ne sont pas manchots. »
Coiffez-vous, dit Leroy, du laurier de décembre,
Prince, et tenez-vous les pieds chauds. »
Et Magnan dit : « Buvons et faisons l'amour, sire ! »
Les rêves s'en vont à vau-l'eau.
Et dans sa sombre plaine, ô douleur, j'entends rire
Le noir lion de Waterloo !

Jersey, le  ler septembre 1853.

— The End —