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Laurent Nov 2015
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure

In English :

Below the Mirabeau bridge there flows the Seine
As for our love
Must I recall how then
After each sorrow joy would come again

Let night come toll hours away
Days go by me here I stay

Let us stay hand in hand and face to face
While down below
The bridge of our embrace
Roll the waves weary of our endless gaze

Let night come toll hours away
Days go by me here I stay

Love goes away the way the waters flow
Love goes away
How life is long and slow
How hope of life can deal so strong a blow

Let night come toll hours away
Days go by me here I stay

The days the weeks are passing from our ken
Neither time passed
Nor love can come again
Below the Mirabeau bridge there flows the Seine

Let night come toll hours away
Days go by me here I stay
Guillaume Apollinaire (26 August 1880, Rome – 9 November 1918, Paris) was a French poet, playwright, short story writer, novelist, and art critic of Polish descent.

Apollinaire is considered one of the foremost poets of the early 20th century, as well as one of the most impassioned defenders of Cubism and a forefather of Surrealism. He is credited for coining the term Cubism (1911) to describe the new art movement, the term "Orphism" (1912), and the term "Surrealism" (1917) to describe the works of Erik Satie.

This poem functions as a touching record of the end of Apollinaire's long love affair with Marie Laurencin.
Vous connaissez que j'ai pour mie
Une Andalouse à l'oeil lutin,
Et sur mon coeur, tout endormie,
Je la berce jusqu'au matin.

Voyez-la, quand son bras m'enlace,
Comme le col d'un cygne blanc,
S'enivrer, oublieuse et lasse,
De quelque rêve nonchalant.

Gais chérubins ! veillez sur elle.
Planez, oiseaux, sur notre nid ;
Dorez du reflet de votre aile
Son doux sommeil, que Dieu bénit !

Car toute chose nous convie
D'oublier tout, fors notre amour :
Nos plaisirs, d'oublier la vie ;
Nos rideaux, d'oublier le jour.

Pose ton souffle sur ma bouche,
Que ton âme y vienne passer !
Oh ! restons ainsi dans ma couche,
Jusqu'à l'heure de trépasser !

Restons ! L'étoile vagabonde
Dont les sages ont peur de ****
Peut-être, en emportant le monde,
Nous laissera dans notre coin.

Oh ! viens ! dans mon âme froissée
Qui saigne encor d'un mal bien grand,
Viens verser ta blanche pensée,
Comme un ruisseau dans un torrent !

Car sais-tu, seulement pour vivre,
Combien il m'a fallu pleurer ?
De cet ennui qui désenivre
Combien en mon coeur dévorer ?

Donne-moi, ma belle maîtresse,
Un beau baiser, car je te veux
Raconter ma longue détresse,
En caressant tes beaux cheveux.

Or voyez qui je suis, ma mie,
Car je vous pardonne pourtant
De vous être hier endormie
Sur mes lèvres, en m'écoutant.

Pour ce, madame la marquise,
Dès qu'à la ville il fera noir,
De par le roi sera requise
De venir en notre manoir ;

Et sur mon coeur, tout endormie,
La bercerai jusqu'au matin,
Car on connaît que j'ai pour mie
Une Andalouse à l'oeil lutin.
Here's a sigh to those who love me,
And a smile to those who hate ;
And whatever sky's above me,
Here's a heart for every fate.
BYRON.


Amis ! c'est donc Rouen, la ville aux vieilles rues,
Aux vieilles tours, débris des races disparues,
La ville aux cent clochers carillonnant dans l'air,
Le Rouen des châteaux, des hôtels, des bastilles,
Dont le front hérissé de flèches et d'aiguilles
Déchire incessamment les brumes de la mer ;

C'est Rouen qui vous a ! Rouen qui vous enlève !
Je ne m'en plaindrai pas. J'ai souvent fait ce rêve
D'aller voir Saint-Ouen à moitié démoli,
Et tout m'a retenu, la famille, l'étude,
Mille soins, et surtout la vague inquiétude
Qui fait que l'homme craint son désir accompli.

J'ai différé. La vie à différer se passe.
De projets en projets et d'espace en espace
Le fol esprit de l'homme en tout temps s'envola.
Un jour enfin, lassés du songe qui nous leurre,
Nous disons : " Il est temps. Exécutons! c'est l'heure. "
Alors nous retournons les yeux : la mort est là !

Ainsi de mes projets. Quand vous verrai-je, Espagne,
Et Venise et son golfe, et Rome et sa campagne,
Toi, Sicile que ronge un volcan souterrain,
Grèce qu'on connaît trop, Sardaigne qu'on ignore,
Cités de l'aquilon, du couchant, de l'aurore,
Pyramides du Nil, cathédrales du Rhin !

Qui sait ? Jamais peut-être. Et quand m'abriterai-je
Près de la mer, ou bien sous un mont blanc de neige,
Dans quelque vieux donjon, tout plein d'un vieux héros,
Où le soleil, dorant les tourelles du faîte,
N'enverra sur mon front que des rayons de fête
Teints de pourpre et d'azur au prisme des vitraux ?

Jamais non plus, sans doute. En attendant, vaine ombre,
Oublié dans l'espace et perdu dans le nombre,
Je vis. J'ai trois enfants en cercle à mon foyer ;
Et lorsque la sagesse entr'ouvre un peu ma porte,
Elle me crie : Ami ! sois content. Que t'importe
Cette tente d'un jour qu'il faut sitôt ployer !

Et puis, dans mon esprit, des choses que j'espère
Je me fais cent récits, comme à son fils un père.
Ce que je voudrais voir je le rêve si beau !
Je vois en moi des tours, des Romes, des Cordoues,
Qui jettent mille feux, muse, quand tu secoues
Sous leurs sombres piliers ton magique flambeau !

Ce sont des Alhambras, de hautes cathédrales,
Des Babels, dans la nue enfonçant leurs spirales,
De noirs Escurials, mystérieux séjour,
Des villes d'autrefois, peintes et dentelées,
Où chantent jour et nuit mille cloches ailées,
Joyeuses d'habiter dans des clochers à jour !

Et je rêve ! Et jamais villes impériales  
N'éclipseront ce rêve aux splendeurs idéales.
Gardons l'illusion ; elle fuit assez tôt.
Chaque homme, dans son coeur, crée à sa fantaisie
Tout un monde enchanté d'art et de poésie.
C'est notre Chanaan que nous voyons d'en haut.

Restons où nous voyons. Pourquoi vouloir descendre,
Et toucher ce qu'on rêve, et marcher dans la cendre ?
Que ferons-nous après ? où descendre ? où courir ?
Plus de but à chercher ! plus d'espoir qui séduise !
De la terre donnée à la terre promise
Nul retour ; et Moïse a bien fait de mourir !

Restons **** des objets dont la vue est charmée.
L'arc-en-ciel est vapeur, le nuage est fumée.
L'idéal tombe en poudre au toucher du réel.
L'âme en songes de gloire ou d'amour se consume.
Comme un enfant qui souffle en un flocon d'écume,
Chaque homme enfle une bulle où se reflète un ciel !

Frêle bulle d'azur, au roseau suspendue,
Qui tremble au moindre choc et vacille éperdue !
Voilà tous nos projets, nos plaisirs, notre bruit !
Folle création qu'un zéphyr inquiète !
Sphère aux mille couleurs, d'une goutte d'eau faite !
Monde qu'un souffle crée et qu'un souffle détruit !

Le saurons-nous jamais ? Qui percera nos voiles,
Noirs firmaments, semés de nuages d'étoiles ?
Mer, qui peut dans ton lit descendre et regarder ?
Où donc est la science ? Où donc est l'origine ?
Cherchez au fond des mers cette perle divine,
Et, l'océan connu, l'âme reste à sonder !

Que faire et que penser ? Nier, douter, ou croire ?
Carrefour ténébreux ! triple route! nuit noire !
Le plus sage s'assied sous l'arbre du chemin,
Disant tout bas : J'irai, Seigneur, où tu m'envoies.
Il espère, et, de ****, dans les trois sombres voies,
Il écoute, pensif, marcher le genre humain !

Mai 1830.
Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine.

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure.

Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse.

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure.

L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente.

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure.

Passent les jours et passent les semaines
Ni temps passé
Ni les amours reviennent
Sous le pont Mirabeau coule la Seine.

Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure.
À L. De V*.

Le feu divin qui nous consume
Ressemble à ces feux indiscrets
Qu'un pasteur imprudent allume
Aux bord de profondes forêts ;
Tant qu'aucun souffle ne l'éveille,
L'humble foyer couve et sommeille ;
Mais s'il respire l'aquilon,
Tout à coup la flamme engourdie
S'enfle, déborde ; et l'incendie
Embrase un immense horizon !

Ô mon âme, de quels rivages
Viendra ce souffle inattendu ?
Serait-ce un enfant des orages ?
Un soupir à peine entendu ?
Viendra-t-il, comme un doux zéphyre,
Mollement caresser ma lyre,
Ainsi qu'il caresse une fleur ?
Ou sous ses ailes frémissantes,
Briser ses cordes gémissantes
Du cri perçant de la douleur ?

Viens du couchant ou de l'aurore !
Doux ou terrible au gré du sort,
Le sein généreux qui t'implore
Brave la souffrance ou la mort !
Aux coeurs altérés d'harmonie
Qu'importe le prix du génie ?
Si c'est la mort, il faut mourir !...
On dit que la bouche d'Orphée,
Par les flots de l'Ebre étouffée,
Rendit un immortel soupir !

Mais soit qu'un mortel vive ou meurt,
Toujours rebelle à nos souhaits,
L'esprit ne souffle qu'à son heure,
Et ne se repose jamais !
Préparons-lui des lèvres pures,
Un oeil chaste, un front sans souillures,
Comme, aux approches du saint lieu,
Des enfants, des vierges voilées,
Jonchent de roses effeuillées
La route où va passer un Dieu !

Fuyant des bords qui l'ont vu naître,
De Jéthro l'antique berger
Un jour devant lui vit paraître
Un mystérieux étranger ;
Dans l'ombre, ses larges prunelles
Lançaient de pâles étincelles,
Ses pas ébranlaient le vallon ;
Le courroux gonflait sa poitrine,
Et le souffle de sa narine
Résonnait comme l'aquilon !

Dans un formidable silence
Ils se mesurent un moment ;
Soudain l'un sur l'autre s'élance,
Saisi d'un même emportement :
Leurs bras menaçants se replient,
Leurs fronts luttent, leurs membres crient,
Leurs flancs pressent leurs flancs pressés ;
Comme un chêne qu'on déracine
Leur tronc se balance et s'incline
Sur leurs genoux entrelacés !

Tous deux ils glissent dans la lutte,
Et Jacob enfin terrassé
Chancelle, tombe, et dans sa chute
Entraîne l'ange renversé :
Palpitant de crainte et de rage,
Soudain le pasteur se dégage
Des bras du combattant des cieux,
L'abat, le presse, le surmonte,
Et sur son sein gonflé de honte
Pose un genou victorieux !

Mais, sur le lutteur qu'il domine,
Jacob encor mal affermi,
Sent à son tour sur sa poitrine
Le poids du céleste ennemi !...
Enfin, depuis les heures sombres
Où le soir lutte avec les ombres,
Tantôt vaincu, tantôt vainqueur,
Contre ce rival qu'il ignore
Il combattit jusqu'à l'aurore...
Et c'était l'esprit du Seigneur !

Ainsi dans les ombres du doute
L'homme, hélas! égaré souvent,
Se trace à soi-même sa route,
Et veut voguer contre le vent ;
Mais dans cette lutte insensée,
Bientôt notre aile terrassée
Par le souffle qui la combat,
Sur la terre tombe essoufflée
Comme la voile désenflée
Qui tombe et dort le long du mât.

Attendons le souffle suprême ;
Dans un repos silencieux ;
Nous ne sommes rien de nous-même
Qu'un instrument mélodieux !
Quand le doigt d'en haut se retire,
Restons muets comme la lyre
Qui recueille ses saints transports
Jusqu'à ce que la main puissante
Touche la corde frémissante
Où dorment les divins accords !
Quoi donc ! la vôtre aussi ! la vôtre suit la mienne !
Ô mère au coeur profond, mère, vous avez beau
Laisser la porte ouverte afin qu'elle revienne,
Cette pierre là-bas dans l'herbe est un tombeau !

La mienne disparut dans les flots qui se mêlent ;
Alors, ce fut ton tour, Claire, et tu t'envolas.
Est-ce donc que là-haut dans l'ombre elles s'appellent,
Qu'elles s'en vont ainsi l'une après l'autre, hélas ?

Enfant qui rayonnais, qui chassais la tristesse,
Que ta mère jadis berçait de sa chanson,
Qui d'abord la charmas avec ta petitesse
Et plus **** lui remplis de clarté l'horizon,

Voilà donc que tu dors sous cette pierre grise !
Voilà que tu n'es plus, ayant à peine été !
L'astre attire le lys, et te voilà reprise,
Ô vierge, par l'azur, cette virginité !

Te voilà remontée au firmament sublime,
Échappée aux grands cieux comme la grive aux bois,
Et, flamme, aile, hymne, odeur, replongée à l'abîme
Des rayons, des amours, des parfums et des voix !

Nous ne t'entendrons plus rire en notre nuit noire.
Nous voyons seulement, comme pour nous bénir,
Errer dans notre ciel et dans notre mémoire
Ta figure, nuage, et ton nom, souvenir !

Pressentais-tu déjà ton sombre épithalame ?
Marchant sur notre monde à pas silencieux,
De tous les idéals tu composais ton âme,
Comme si tu faisais un bouquet pour les cieux !

En te voyant si calme et toute lumineuse,
Les coeurs les plus saignants ne haïssaient plus rien.
Tu passais parmi nous comme Ruth la glaneuse,
Et, comme Ruth l'épi, tu ramassais le bien.

La nature, ô front pur, versait sur toi sa grâce,
L'aurore sa candeur, et les champs leur bonté ;
Et nous retrouvions, nous sur qui la douleur passe,
Toute cette douceur dans toute ta beauté !

Chaste, elle paraissait ne pas être autre chose
Que la forme qui sort des cieux éblouissants ;
Et de tous les rosiers elle semblait la rose,
Et de tous les amours elle semblait l'encens.

Ceux qui n'ont pas connu cette charmante fille
Ne peuvent pas savoir ce qu'était ce regard
Transparent comme l'eau qui s'égaie et qui brille
Quand l'étoile surgit sur l'océan hagard.

Elle était simple, franche, humble, naïve et bonne ;
Chantant à demi-voix son chant d'illusion,
Ayant je ne sais quoi dans toute sa personne
De vague et de lointain comme la vision.

On sentait qu'elle avait peu de temps sur la terre,
Qu'elle n'apparaissait que pour s'évanouir,
Et qu'elle acceptait peu sa vie involontaire ;
Et la tombe semblait par moments l'éblouir.

Elle a passé dans l'ombre où l'homme se résigne ;
Le vent sombre soufflait ; elle a passé sans bruit,
Belle, candide, ainsi qu'une plume de cygne
Qui reste blanche, même en traversant la nuit !

Elle s'en est allée à l'aube qui se lève,
Lueur dans le matin, vertu dans le ciel bleu,
Bouche qui n'a connu que le baiser du rêve,
Ame qui n'a dormi que dans le lit de Dieu !

Nous voici maintenant en proie aux deuils sans bornes,
Mère, à genoux tous deux sur des cercueils sacrés,
Regardant à jamais dans les ténèbres mornes
La disparition des êtres adorés !

Croire qu'ils resteraient ! quel songe ! Dieu les presse.
Même quand leurs bras blancs sont autour de nos cous,
Un vent du ciel profond fait frissonner sans cesse
Ces fantômes charmants que nous croyons à nous.

Ils sont là, près de nous, jouant sur notre route ;
Ils ne dédaignent pas notre soleil obscur,
Et derrière eux, et sans que leur candeur s'en doute,
Leurs ailes font parfois de l'ombre sur le mur.

Ils viennent sous nos toits ; avec nous ils demeurent ;
Nous leur disons : Ma fille, ou : Mon fils ; ils sont doux,
Riants, joyeux, nous font une caresse, et meurent.
Ô mère, ce sont là les anges, voyez-vous !

C'est une volonté du sort, pour nous sévère,
Qu'ils rentrent vite au ciel resté pour eux ouvert ;
Et qu'avant d'avoir mis leur lèvre à notre verre,
Avant d'avoir rien fait et d'avoir rien souffert,

Ils partent radieux ; et qu'ignorant l'envie,
L'erreur, l'orgueil, le mal, la haine, la douleur,
Tous ces êtres bénis s'envolent de la vie
A l'âge où la prunelle innocente est en fleur !

Nous qui sommes démons ou qui sommes apôtres,
Nous devons travailler, attendre, préparer ;
Pensifs, nous expions pour nous-même ou pour d'autres ;
Notre chair doit saigner, nos yeux doivent pleurer.

Eux, ils sont l'air qui fuit, l'oiseau qui ne se pose
Qu'un instant, le soupir qui vole, avril vermeil
Qui brille et passe ; ils sont le parfum de la rose
Qui va rejoindre aux cieux le rayon du soleil !

Ils ont ce grand dégoût mystérieux de l'âme
Pour notre chair coupable et pour notre destin ;
Ils ont, êtres rêveurs qu'un autre azur réclame,
Je ne sais quelle soif de mourir le matin !

Ils sont l'étoile d'or se couchant dans l'aurore,
Mourant pour nous, naissant pour l'autre firmament ;
Car la mort, quand un astre en son sein vient éclore,
Continue, au delà, l'épanouissement !

Oui, mère, ce sont là les élus du mystère,
Les envoyés divins, les ailés, les vainqueurs,
A qui Dieu n'a permis que d'effleurer la terre
Pour faire un peu de joie à quelques pauvres coeurs.

Comme l'ange à Jacob, comme Jésus à Pierre,
Ils viennent jusqu'à nous qui **** d'eux étouffons,
Beaux, purs, et chacun d'eux portant sous sa paupière
La sereine clarté des paradis profonds.

Puis, quand ils ont, pieux, baisé toutes nos plaies,
Pansé notre douleur, azuré nos raisons,
Et fait luire un moment l'aube à travers nos claies,
Et chanté la chanson du ciel dam nos maisons,

Ils retournent là-haut parler à Dieu des hommes,
Et, pour lui faire voir quel est notre chemin,
Tout ce que nous souffrons et tout ce que nous sommes,
S'en vont avec un peu de terre dans la main.

Ils s'en vont ; c'est tantôt l'éclair qui les emporte,
Tantôt un mal plus fort que nos soins superflus.
Alors, nous, pâles, froids, l'oeil fixé sur la porte,
Nous ne savons plus rien, sinon qu'ils ne sont plus.

Nous disons : - A quoi bon l'âtre sans étincelles ?
A quoi bon la maison où ne sont plus leurs pas ?
A quoi bon la ramée où ne sont plus les ailes ?
Qui donc attendons-nous s'ils ne reviendront pas ?

Ils sont partis, pareils au bruit qui sort des lyres.
Et nous restons là, seuls, près du gouffre où tout fuit,
Tristes ; et la lueur de leurs charmants sourires
Parfois nous apparaît vaguement dans la nuit.

Car ils sont revenus, et c'est là le mystère ;
Nous entendons quelqu'un flotter, un souffle errer,
Des robes effleurer notre seuil solitaire,
Et cela fait alors que nous pouvons pleurer.

Nous sentons frissonner leurs cheveux dans notre ombre ;
Nous sentons, lorsqu'ayant la lassitude en nous,
Nous nous levons après quelque prière sombre,
Leurs blanches mains toucher doucement nos genoux.

Ils nous disent tout bas de leur voix la plus tendre :
"Mon père, encore un peu ! ma mère, encore un jour !
"M'entends-tu ? je suis là, je reste pour t'attendre
"Sur l'échelon d'en bas de l'échelle d'amour.

"Je t'attends pour pouvoir nous en aller ensemble.
"Cette vie est amère, et tu vas en sortir.
"Pauvre coeur, ne crains rien, Dieu vit ! la mort rassemble.
"Tu redeviendras ange ayant été martyr."

Oh ! quand donc viendrez-vous ? Vous retrouver, c'est naître.
Quand verrons-nous, ainsi qu'un idéal flambeau,
La douce étoile mort, rayonnante, apparaître
A ce noir horizon qu'on nomme le tombeau ?

Quand nous en irons-nous où vous êtes, colombes !
Où sont les enfants morts et les printemps enfuis,
Et tous les chers amours dont nous sommes les tombes,
Et toutes les clartés dont nous sommes les nuits ?

Vers ce grand ciel clément où sont tous les dictames,
Les aimés, les absents, les êtres purs et doux,
Les baisers des esprits et les regards des âmes,
Quand nous en irons-nous ? quand nous en irons-nous ?

Quand nous en irons-nous où sont l'aube et la foudre ?
Quand verrons-nous, déjà libres, hommes encor,
Notre chair ténébreuse en rayons se dissoudre,
Et nos pieds faits de nuit éclore en ailes d'or ?

Quand nous enfuirons-nous dans la joie infinie
Où les hymnes vivants sont des anges voilés,
Où l'on voit, à travers l'azur de l'harmonie,
La strophe bleue errer sur les luths étoilés ?

Quand viendrez-vous chercher notre humble coeur qui sombre ?
Quand nous reprendrez-vous à ce monde charnel,
Pour nous bercer ensemble aux profondeurs de l'ombre,
Sous l'éblouissement du regard éternel ?
Voulant te fuir (fuir ses amours !

Mais un poète est bête),

J'ai pris, l'un de ces derniers jours,

La poudre d'escampette.

Qui fut penaud, qui fut nigaud

Dès après un quart d'heure ?

Et je revins en mendigot

Qui supplie et qui pleure.


Tu pardonnas : mais pas longtemps

Depuis la fois première

Je filais, pareil aux autans,

Comme la fois dernière.

Tu me cherchas, me dénichas ;

Courte et bonne, l'enquête !

Qui fut content du doux pourchas ?

Moi donc, ta grosse bête !


Puisque nous voici réunis,

Dis, sans ruse et sans feinte,

Ne nous cherchons plus d'autres nids

Que ma, que ton étreinte.

Malgré mon caractère affreux,

Malgré ton caractère

Affreux, restons toujours heureux :

Fois première et dernière.
« Mais que je suis donc heureux d'être né en Chine ! Je possède une maison pour m'abriter,
j'ai de quoi manger et boire, j'ai toutes les commodités de l'existence, j'ai des habits, des
bonnets et une multitude d'agréments ; en vérité, la félicité la plus grande est mon partage ! »
THIEN-CI-KHI, LETTRÉ CHINOIS.


Il est certains bourgeois, prêtres du dieu Boutique,
Plus voisins de Chrysès que de Caton d'Utique,
Mettant par-dessus tout la rente et le coupon,
Qui, voguant à la Bourse et tenant un harpon,
Honnêtes gens d'ailleurs, mais de la grosse espèce,
Acceptent Phalaris par amour pour leur caisse,
Et le taureau d'airain à cause du veau d'or.
Ils ont voté. Demain ils voteront encor.
Si quelque libre écrit entre leurs mains s'égare,
Les pieds sur les chenets et fumant son cigare,
Chacun de ces votants tout bas raisonne ainsi :
Ce livre est fort choquant. De quel droit celui-ci
Est-il généreux, ferme et fier, quand je suis lâche ?
En attaquant monsieur Bonaparte, on me fâche.
Je pense comme lui que c'est un gueux ; pourquoi
Le dit-il ? Soit, d'accord, Bonaparte est sans foi
Ni loi ; c'est un parjure, un brigand, un faussaire,
C'est vrai ; sa politique est armée en corsaire
Il a banni jusqu'à des juges suppléants ;
Il a coupé leur bourse aux princes d'Orléans
C'est le pire gredin qui soit sur cette terre ;
Mais puisque j'ai voté pour lui, l'on doit se taire.
Ecrire contre lui, c'est me blâmer au fond ;
C'est me dire : voilà comment les braves font
Et c'est une façon, à nous qui restons neutres,
De nous faire sentir que nous sommes des pleutres.
J'en conviens, nous avons une corde au poignet.
Que voulez-vous ? la Bourse allait mal ; on craignait
La république rouge, et même un peu la rose
Il fallait bien finir par faire quelque chose
On trouve ce coquin, on le fait empereur ;
C'est tout simple. On voulait éviter la terreur,
Le spectre de monsieur Romieu, la jacquerie
On s'est réfugié dans cette escroquerie.
Or, quand on dit du mal de ce gouvernement,
Je me sens chatouillé désagréablement.
Qu'on fouaille avec raison cet homme, c'est possible
Mais c'est m'insinuer à moi, bourgeois paisible
Qui fis ce scélérat empereur ou consul,
Que j'ai dit oui par peur et vivat par calcul.
Je trouve impertinent, parbleu, qu'on me le dise.
M'étant enseveli dans cette couardise,
Il me déplaît qu'on soit intrépide aujourd'hui,
Et je tiens pour affront le courage d'autrui. »

Penseurs, quand vous marquez au front l'homme punique
Qui de la loi sanglante arracha la tunique,
Quand vous vengez le peuple à la gorge saisi,
Le serment et le droit, vous êtes, songez-y,
Entre Sbogar qui règne et Géronte qui vote ;
Et votre plume ardente, anarchique, indévote,
Démagogique, impie, attente d'un côté
À ce crime ; de l'autre, à cette lâcheté.

Jersey, novembre 1852.
Thomas Jan 2022
Cette ville écrasée sous les signaux hallucinés
De commerces blindés et de business débridé
Jonchée des ordures mentales et des pourritures verbales,
à grignoté cet espace comme un rat patriarcal

Hantés par les chimères implantées au scalpel
Qui s’éclipsent dans un râle à chaque fois qu’on se réveille
Sur des trottoirs miteux qu'on arpente avec peine
Avec la boue sous nos pieds, et la crasse dans nos veines

On a plié sous le poids de ce que la ville nous a privé.
Dans les formes sa nuit odorante et gluante
Influencés par les gangs d'une valeur anarchisante
Et plongés en abimes au fond de cette nuit sanguine

On voudrait tout rejouer, vacillant, comme le phare
Qui contemple, hagard, la ruée des cafards
Et dans un dernier effort pour nous hypnotiser,
La ville nous livre en pâture aux chiens carbonisés

Le tintement des coupes dans la brume artificielle
Neutralise les rampants de cette tour de Babel
Et les sons du stylos sur papier parano
Sont remplacés par les cris des couteaux tranchant la peau

Et la chair et les os
Et du sang et des larmes
Du vacarme infernal
Des détonations cérébrales
Des entrailles putréfiées
Jailli un souffle empoisonné
Et nous restons médusé
Par l'absence d'humanité

Les rues scintillantes
Éclairées par la tété
La lueur violente  
Des bouches noircies et enfumées
Les grouillants salissants
Anonymes agonisants
Des cris que personne n’entend,
Des invisibles que personne ne défend

Figé comme crétin qui de colère crispe les poings
Étranger parmi les siens humilié comme un larbin
On reste allongés dans la poussière face contre terre
Mais on reste assuré que notre rage est salutaire

Déjà ça tremble sous les pieds des biens pensants
Déjà ça grogne aux oreilles des bienveillants
Alors on reste là à observer impunément
Des remparts occultants qui se fissurent singulièrement

Et du fond des cimetières revient une herbe un peu plus verte
Et du fond des ghettos un asticot rejoint la secte
De ceux qui croulent sous la promesse d'une existence
Qui maintiendra leur cerveau dans un état de complaisance

Mais on sait qu’un jour, notre printemps reviendra
Et on sait qu’un jour la chaleur nous stimulera
Et la lumière brillera pour tous les anges et les salauds
Et elle consumera tous les faisans et collabo

Et ils sentiront toute la menace des renégats
Et ils comprendront que c'en est fini ici-bas
Et ils trembleront devant la détermination
De ceux qui n'ont rien a perdre armés de pierres et de bâtons

Enfin on pourra se tirer
Briser les chaines a nos poignets
Et on pourra se libérer
De la douleur et de la fièvre
Finis les temps répréhensifs
Emplis de ténèbres et de peines
On cherchera la saveur
Et le parfum des jours meilleurs

Mais y'a personne aux commandes
Et dans une crise d'indifférence
On supprimera de nos états
Le ciment de paranoïa
Et on pourra s'envoler
Vers une idée de liberté
Et on pourra se reposer
Car on n'est pas fait pour vivre de cauchemars et de haine
Quel beau lieu ! Là le cèdre avec l'orme chuchote,
L'âne est Iyrique et semble avoir vu Don Quichotte,
Le tigre en cage a l'air d'un roi dans son palais,
Les pachydermes sont effroyablement laids ;
Et puis c'est littéraire, on rêve à des idylles
De Viennet en voyant bâiller les crocodiles.
Là, pendant qu'au babouin la singesse se vend,
Pendant que le baudet contemple le savant,
Et que le vautour fait au hibou bon visage,
Certes, c'est un emploi du temps digne d'un sage
De s'en aller songer dans cette ombre, parmi
Ces arbres pleins de nids, où tout semble endormi
Et veille, où le refus consent, où l'amour lutte,
Et d'écouter le vent, ce doux joueur de flûte.

Apprenons, laissons faire, aimons, les cieux sont grands ;
Et devenons savants, et restons ignorants.
Soyons sous l'infini des auditeurs honnêtes ;
Rien n'est muet ni sourd ; voyons le plus de bêtes
Que nous pouvons ; tirons partie de leurs leçons.
Parce qu'autour de nous tout rêve, nous pensons.
L'ignorance est un peu semblable à la prière ;
L'homme est grand par devant et petit par derrière ;
C'est, d'Euclide à Newton, de Job à Réaumur,
Un indiscret qui veut voir par-dessus le mur,
Et la nature, au fond très moqueuse, paraphe
Notre science avec le cou de la girafe.
Tâchez de voir, c'est bien. Épiez. Notre esprit
Pousse notre science à guetter ; Dieu sourit,
Vieux malin.

Je l'ai dit, Dieu prête à la critique.
Il n'est pas sobre. Il est débordant, frénétique,
Inconvenant ; ici le nain, là le géant,
Tout à la fois ; énorme ; il manque de néant.
Il abuse du gouffre, il abuse du prisme.
Tout, c'est trop. Son soleil va jusqu'au gongorisme ;
Lumière outrée. Oui, Dieu vraiment est inégal ;
Ici la Sibérie, et là le Sénégal ;
Et partout l'antithèse ! il faut qu'on s'y résigne ;
S'il fait noir le corbeau, c'est qu'il fit blanc le cygne ;
Aujourd'hui Dieu nous gèle, hier il nous chauffait.
Comme à l'académie on lui dirait son fait !
Que nous veut la comète ? À quoi sert le bolide ?
Quand on est un pédant sérieux et solide,
Plus on est ébloui, moins on est satisfait ;
La férule à Batteux, le sabre à Galifet
Ne tolèrent pas Dieu sans quelque impatience ;
Dieu trouble l'ordre ; il met sur les dents la science ;
À peine a-t-on fini qu'il faut recommencer ;
Il semble que l'on sent dans la main vous glisser
On ne sait quel serpent tout écaillé d'aurore.
Dès que vous avez dit : assez ! il dit : encore !

Ce démagogue donne au pauvre autant de fleurs
Qu'au riche ; il ne sait pas se borner ; ses couleurs,
Ses rayons, ses éclairs, c'est plus qu'on ne souhaite.
Ah ! tout cela fait mal aux yeux ! dit la chouette.
Et la chouette, c'est la sagesse.

Il est sûr
Que Dieu taille à son gré le monde en plein azur ;
Il mêle l'ironie à son tonnerre épique ;
Si l'on plane il foudroie et si l'on broute il pique.
(Je ne m'étonne pas que Planche eût l'air piqué.)
Le vent, voix sans raison, sorte de bruit manqué,
Sans jamais s'expliquer et sans jamais conclure,
Rabâche, et l'océan n'est pas exempt d'enflure.
Quant à moi, je serais, j'en fais ici l'aveu,
Curieux de savoir ce que diraient de Dieu,
Du monde qu'il régit, du ciel qu'il exagère,
De l'infini, sinistre et confuse étagère,
De tout ce que ce Dieu prodigue, des amas
D'étoiles de tout genre et de tous les formats,
De sa façon d'emplir d'astres le télescope,
Nonotte et Baculard dans le café Procope.
C'est toi, dénaturée ! Oui, te voilà, c'est toi
Qui fis taire ton cœur pour écouter ta foi,
Qui, pour gagner ton ciel de larve et de chouette,
Foulas ton âme aux pieds, mère sourde-muette,
Et qui, lorsque ton fils se couchait en travers
De ta porte, pleurant et les deux bras ouverts,
Marchas sur ton enfant pour entrer dans le cloître.

Quand l'amour décroissait, tu crus sentir Dieu croître ;
Ah ! Folle ! Et te voilà, face d'austérité !
Va, la sainteté froide est fausse sainteté.
Croire qu'on plaît au Dieu de lumière et de gloire
Parce que d'âme blanche on se fait âme noire,
Parce qu'on a d'abord soufflé sur son flambeau,
Parce qu'on vient à lui, n'étant plus qu'un tombeau
Où ceux qui vous aimaient d'avance ont dû descendre,
Et qu'on en est le marbre et qu'ils en sont la cendre !
Ô morne vision ! Mauvais songe que font
Ceux qui désertent Dieu dans le couvent profond !
Dieu, c'est la raison ; Dieu, c'est l'amour ; Dieu, c'est l'être ;
C'est le devoir de vivre après le droit de naître ;
C'est l'immense clarté sur l'immense combat.
Il a voulu que l'homme aimât, conquît, tombât,
Et ne fût pas fantôme et deuil. Le froc de bure
Ne donne point à l'homme une bonne courbure ;
Devenir ombre, c'est obscurcir le saint lieu ;
En s'approchant du spectre, on s'éloigne de Dieu.

Pas de cloître ; la vie. Un voile couvre un rêve.
Le mérite n'est pas, quand vers Dieu l'on s'élève,
De rejeter, ainsi qu'un vêtement quitté,
Ses parents, sa patrie et son humanité ;
De s'enfuir de son cœur ainsi que d'une fange ;
De dire : - Arrachez-moi, Christ, pour que je sois ange,
Mon père, ce lambeau, ma mère, ce haillon ! -
De mettre à la nature effarée un bâillon ;
De crier : - Mes enfants où tout mon sang se mêle,
Mon fils dans son berceau, ma fille à la mamelle,
Tout cela, c'est la nuit, car Dieu seul est le jour. -
De raturer en soi la famille et l'amour
Comme des contre-sens qui vous cachent le texte ;
Et de perdre la forme humaine, sous prétexte
Qu'on monte et qu'on s'en va dans le firmament bleu.
Faisons, tout en fixant notre regard sur Dieu,
Tous nos devoirs de fils ou de frère ou de père.
Soyons l'être penchant, même quand il espère.
Par l'esprit vers le bien, par la chair vers le mal ;
Sans quitter le réel, conquérons l'idéal ;
Restons homme, en montant vers le sépulcre austère.
Il faut aller au ciel en marchant sur la terre.

Le 9 mars 1855.
Je n'ai pas de chance en femme,

Et, depuis mon âge d'homme,


Je ne suis tombé guère, en somme.

Que sur des criardes infâmes.


C'est vrai que je suis criard

Moi-même et d'un révoltant

Caractère tout autant,

Peut-être plus par hasard.


Mes femmes furent légères,

Toi-même tu l'es un peu,

Cet épouvantable aveu

Soit dit entre nous, ma chère.


C'est vrai que je fus coureur.

Peut-être le suis-je encore :

Cet aveu me déshonore.

Parfois je me fais horreur.


Baste : restons tout de même

Amants fervents, puisqu'en somme


Toi, bonne fille et moi, brave homme,

Tu m'aimes, dis, et que je t'aime.
Donne ta main, retiens ton souffle, asseyons-nous
Sous cet arbre géant où vient mourir la brise
En soupirs inégaux sous la ramure grise
Que caresse le clair de lune blême et doux.

Immobiles, baissons nos yeux vers nos genoux.
Ne pensons pas, rêvons. Laissons faire à leur guise
Le bonheur qui s'enfuit et l'amour qui s'épuise,
Et nos cheveux frôlés par l'aile des hiboux.

Oublions d'espérer. Discrète et contenue,
Que l'âme de chacun de nous deux continue
Ce calme et cette mort sereine du soleil.

Restons silencieux parmi la paix nocturne :
Il n'est pas bon d'aller troubler dans son sommeil
La nature, ce dieu féroce et taciturne.

— The End —