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Dana C Sep 2013
Les chiens qui aboient au-dessous de ma fênetre
Me rappelle d'un autre jour
Où je suis heureuse et contente--
Où je suis captivée par l'amour.

Dans mes rêves et pensées,
Ils font une promenade;
Ils me disent, «Tu n'es pas
Tout ce qui ton façade

Laisserait les gens, qui nagent
Dans les larmes chaudes
Avec les bras flechis
Et les yeux emeraudes,

Savoir,» et puis ils partent
Pour abandonner ses raisons
De vivre, d'aimer, d'être
Et ces mots dans une combinaison.

Je crie, «Attends!» toujours,
Et toujours, ils continuent,
Et je continue à les regarder
Alors que ses ombres diminuent.

Les nuages volent au-dessus
Des choses vivantes, fières,
Et j'espère quelque jour pouvoir
Trouver mes rêves comme ces craintes découvertes.
Original written March 6, 2005; Revised Sept. 4, 2013
À Mme de P*.

Il est pour la pensée une heure... une heure sainte,
Alors que, s'enfuyant de la céleste enceinte,
De l'absence du jour pour consoler les cieux,
Le crépuscule aux monts prolonge ses adieux.
On voit à l'horizon sa lueur incertaine,
Comme les bords flottants d'une robe qui traîne,
Balayer lentement le firmament obscur,
Où les astres ternis revivent dans l'azur.
Alors ces globes d'or, ces îles de lumière,
Que cherche par instinct la rêveuse paupière,
Jaillissent par milliers de l'ombre qui s'enfuit
Comme une poudre d'or sur les pas de la nuit ;
Et le souffle du soir qui vole sur sa trace,
Les sème en tourbillons dans le brillant espace.
L'oeil ébloui les cherche et les perd à la fois ;
Les uns semblent planer sur les cimes des bois,
Tel qu'un céleste oiseau dont les rapides ailes
Font jaillir en s'ouvrant des gerbes d'étincelles.
D'autres en flots brillants s'étendent dans les airs,
Comme un rocher blanchi de l'écume des mers ;
Ceux-là, comme un coursier volant dans la carrière,
Déroulent à longs plis leur flottante crinière ;
Ceux-ci, sur l'horizon se penchant à demi,
Semblent des yeux ouverts sur le monde endormi,
Tandis qu'aux bords du ciel de légères étoiles
Voguent dans cet azur comme de blanches voiles
Qui, revenant au port, d'un rivage lointain,
Brillent sur l'Océan aux rayons du matin.

De ces astres brillants, son plus sublime ouvrage,
Dieu seul connaît le nombre, et la distance, et l'âge ;
Les uns, déjà vieillis, pâlissent à nos yeux,
D'autres se sont perdus dans les routes des cieux,
D'autres, comme des fleurs que son souffle caresse,
Lèvent un front riant de grâce et de jeunesse,
Et, charmant l'Orient de leurs fraîches clartés,
Etonnent tout à coup l'oeil qui les a comptés.
Dans la danse céleste ils s'élancent... et l'homme,
Ainsi qu'un nouveau-né, les salue, et les nomme.
Quel mortel enivré de leur chaste regard,
Laissant ses yeux flottants les fixer au hasard,
Et cherchant le plus pur parmi ce choeur suprême,
Ne l'a pas consacré du nom de ce qu'il aime ?
Moi-même... il en est un, solitaire, isolé,
Qui, dans mes longues nuits, m'a souvent consolé,
Et dont l'éclat, voilé des ombres du mystère,
Me rappelle un regard qui brillait sur la terre.
Peut-être ?... ah ! puisse-t-il au céleste séjour
Porter au moins ce nom que lui donna l'Amour !

Cependant la nuit marche, et sur l'abîme immense
Tous ces mondes flottants gravitent en silence,
Et nous-même, avec eux emportés dans leur cours
Vers un port inconnu nous avançons toujours !
Souvent, pendant la nuit, au souffle du zéphire,
On sent la terre aussi flotter comme un navire.
D'une écume brillante on voit les monts couverts
Fendre d'un cours égal le flot grondant des airs ;
Sur ces vagues d'azur où le globe se joue,
On entend l'aquilon se briser sous la proue,
Et du vent dans les mâts les tristes sifflements,
Et de ses flancs battus les sourds gémissements ;
Et l'homme sur l'abîme où sa demeure flotte
Vogue avec volupté sur la foi du pilote !
Soleils ! mondes flottants qui voguez avec nous,
Dites, s'il vous l'a dit, où donc allons-nous tous ?
Quel est le port céleste où son souffle nous guide ?
Quel terme assigna-t-il à notre vol rapide ?
Allons-nous sur des bords de silence et de deuil,
Echouant dans la nuit sur quelque vaste écueil,
Semer l'immensité des débris du naufrage ?
Ou, conduits par sa main sur un brillant rivage,
Et sur l'ancre éternelle à jamais affermis,
Dans un golfe du ciel aborder endormis ?

Vous qui nagez plus près de la céleste voûte,
Mondes étincelants, vous le savez sans doute !
Cet Océan plus pur, ce ciel où vous flottez,
Laisse arriver à vous de plus vives clartés ;
Plus brillantes que nous, vous savez davantage ;
Car de la vérité la lumière est l'image !
Oui : si j'en crois l'éclat dont vos orbes errants
Argentent des forêts les dômes transparents,
Qui glissant tout à coup sur des mers irritées,
Calme en les éclairant les vagues agitées ;
Si j'en crois ces rayons dont le sensible jour
Inspire la vertu, la prière, l'amour,
Et quand l'oeil attendri s'entrouvre à leur lumière,
Attirent une larme au bord de la paupière ;
Si j'en crois ces instincts, ces doux pressentiments
Qui dirigent vers nous les soupirs des amants,
Les yeux de la beauté, les rêves qu'on regrette,
Et le vol enflammé de l'aigle et du poète !
Tentes du ciel, Edens ! temples! brillants palais !
Vous êtes un séjour d'innocence et de paix !
Dans le calme des nuits, à travers la distance,
Vous en versez sur nous la lointaine influence !
Tout ce que nous cherchons, l'amour, la vérité,
Ces fruits tombés du ciel dont la terre a goûté,
Dans vos brillants climats que le regard envie
Nourrissent à jamais les enfants de la vie,
Et l'homme, un jour peut-être à ses destins rendu,
Retrouvera chez vous tout ce qu'il a perdu ?
Hélas ! combien de fois seul, veillant sur ces cimes
Où notre âme plus libre a des voeux plus sublimes,
Beaux astres ! fleurs du ciel dont le lis est jaloux,
J'ai murmuré tout bas : Que ne suis-je un de vous ?
Que ne puis-je, échappant à ce globe de boue,
Dans la sphère éclatante où mon regard se joue,
Jonchant d'un feu de plus le parvis du saint lieu,
Eclore tout à coup sous les pas de mon Dieu,
Ou briller sur le front de la beauté suprême,
Comme un pâle fleuron de son saint diadème ?

Dans le limpide azur de ces flots de cristal,
Me souvenant encor de mon globe natal,
Je viendrais chaque nuit, tardif et solitaire,
Sur les monts que j'aimais briller près de la terre ;
J'aimerais à glisser sous la nuit des rameaux,
A dormir sur les prés, à flotter sur les eaux ;
A percer doucement le voile d'un nuage,
Comme un regard d'amour que la pudeur ombrage :
Je visiterais l'homme ; et s'il est ici-bas
Un front pensif, des yeux qui ne se ferment pas,
Une âme en deuil, un coeur qu'un poids sublime oppresse,
Répandant devant Dieu sa pieuse tristesse ;
Un malheureux au jour dérobant ses douleurs
Et dans le sein des nuits laissant couler ses pleurs,
Un génie inquiet, une active pensée
Par un instinct trop fort dans l'infini lancée ;
Mon rayon pénétré d'une sainte amitié
Pour des maux trop connus prodiguant sa pitié,
Comme un secret d'amour versé dans un coeur tendre,
Sur ces fronts inclinés se plairait à descendre !
Ma lueur fraternelle en découlant sur eux
Dormirait sur leur sein, sourirait à leurs yeux :
Je leur révélerais dans la langue divine
Un mot du grand secret que le malheur devine ;
Je sécherais leurs pleurs ; et quand l'oeil du matin
Ferait pâlir mon disque à l'horizon lointain,
Mon rayon en quittant leur paupière attendrie
Leur laisserait encor la vague rêverie,
Et la paix et l'espoir ; et, lassés de gémir,
Au moins avant l'aurore ils pourraient s'endormir !

Et vous, brillantes soeurs! étoiles, mes compagnes,
Qui du bleu firmament émaillez les campagnes,
Et cadençant vos pas à la lyre des cieux,
Nouez et dénouez vos choeurs harmonieux !
Introduit sur vos pas dans la céleste chaîne,
Je suivrais dans l'azur l'instinct qui vous entraîne,
Vous guideriez mon oeil dans ce brillant désert,
Labyrinthe de feux où le regard se perd !
Vos rayons m'apprendraient à louer, à connaître
Celui que nous cherchons, que vous voyez peut-être !
Et noyant dans son sein mes tremblantes clartés,
Je sentirais en lui.., tout ce que vous sentez !
Quand je mourrai, ce soir peut-être,
Je n'ai pas de jour préféré,
Si je voulais, je suis le maître,
Mais... ce serait mal me connaître,
N'importe, enfin, quand je mourrai.

Mes chers amis, qu'on me promette
De laisser le bois... au lapin,
Et, s'il vous plaît, qu'on ne me mette
Pas, comme une simple allumette,
Dans une boîte de sapin ;

Ni, comme un hareng, dans sa tonne ;
Ne me couchez pas tout du long,
Pour le coup de fusil qui tonne,
Dans la bière qu'on capitonne
Sous sa couverture de plomb.

Car, je ne veux rien, je vous jure ;
Pas de cercueil ; quant au tombeau,
J'y ferais mauvaise figure,
Je suis peu fait pour la sculpture,
Je le refuse, fût-il beau.

Mon vœu jusque-là ne se hausse ;
Ça me laisserait des remords,
Je vous dis (ma voix n'est pas fausse) :
Je ne veux pas même la fosse,
Où sont les lions et les morts.

Je ne suis ni puissant ni riche,
Je ne suis rien que le toutou,
Que le toutou de ma Niniche ;
Je ne suis que le vieux caniche
De tous les gens de n'importe où.

Je ne veux pas que l'on m'enferre
Ni qu'on m'enmarbre, non, je veux
Tout simplement que l'on m'enterre,
En faisant un trou... dans ma Mère,
C'est le plus ardent de mes vœux.

Moi, l'enterrement qui m'enlève,
C'est un enterrement d'un sou,
Je trouve ça chic ! Oui, mon rêve,
C'est de pourrir, comme une fève ;
Et, maintenant, je vais dire où.

Eh ! pardieu ! c'est au cimetière
Près d'un ruisseau (prononcez l'Ar),
Du beau village de Pourrière
De qui j'implore une prière,
Oui, c'est bien à Pourrières, Var.

Croisez-moi les mains sous la tête,
Qu'on laisse mon œil gauche ouvert ;
Alors ma paix sera complète,
Vraiment je me fais une fête
D'être enfoui comme un pois vert.

Creusez-moi mon trou dans la terre,
Sous la bière, au fond du caveau,
Où tout à côté de son père,
Dort déjà ma petite mère,
Madame Augustine Nouveau.

Puis... comblez-moi de terre... fine,
Sur moi, replacez le cercueil ;
Que comme avant dorme Augustine !
Nous dormirons bien, j'imagine,
Fût-ce en ne dormant... que d'un œil.

Et... retournez-la sur le ventre,
Car, il ne faut oublier rien,
Pour qu'en son regard le mien entre,
Nous serons deux tigres dans l'antre
Mais deux tigres qui s'aiment bien.

Je serai donc avec les Femmes
Qui m'ont fait et qui m'ont reçu,
Bonnes et respectables Dames,
Dont l'une sans cœur et sans flammes
Pour le fruit qu'elles ont conçu.

Ah ! comme je vais bien m'étendre,
Avec ma mère sur mon nez.
Comme je vais pouvoir lui rendre
Les baisers qu'en mon âge tendre
Elle ne m'a jamais donnés.

Paix au caveau ! Murez la porte !
Je ressuscite, au dernier jour.
Entre mes bras je prends la Morte,
Je m'élève d'une aile forte,
Nous montons au ciel dans l'Amour.

Un point... important... qui m'importe,
Pour vous ça doit vous être égal,
Je ne veux pas que l'on m'emporte
Dans des habits d'aucune sorte,
Fût-ce un habit de carnaval.

Pas de suaire en toile bise...
Tiens ! c'est presque un vers de Gautier ;
Pas de linceul, pas de chemise ;
Puisqu'il faut que je vous le dise,
Nu, tout nu, mais nu tout entier.

Comme sans fourreau la rapière,
Comme sans gant du tout la main,
Nu comme un ver sous ma paupière,
Et qu'on ne grave sur leur pierre,
Qu'un nom, un mot, un seul, GERMAIN.

Fou de corps, fou d'esprit, fou d'âme,
De cœur, si l'on veut de cerveau,
J'ai fait mon testament, Madame ;
Qu'il reste entre vos mains de femme,
Dûment signé : GERMAIN NOUVEAU.
On y revient ; il faut y revenir moi-même.
Ce qu'on attaque en moi, c'est mon temps, et je l'aime.
Certes, on me laisserait en paix, passant obscur,
Si je ne contenais, atome de l'azur,
Un peu du grand rayon dont notre époque est faite.

Hier le citoyen, aujourd'hui le poète ;  
Le « romantique » après le « libéral ». -  Allons,
Soit ; dans mes deux sentiers mordez mes deux talons.
Je suis le ténébreux par qui tout dégénère.
Sur mon autre côté lancez l'autre tonnerre.

Vous aussi, vous m'avez vu tout jeune, et voici
Que vous me dénoncez, bonhomme, vous aussi ;
Me déchirant le plus allégrement du monde,
Par attendrissement pour mon enfance blonde.
Vous me criez : « Comment, Monsieur ! qu'est-ce que c'est ?
- La stance va nu-pieds ! le drame est sans corset !
- La muse jette au vent sa robe d'innocence !
- Et l'art crève la règle et dit : C'est la croissance ! »
Géronte littéraire aux aboiements plaintifs,
Vous vous ébahissez, en vers rétrospectifs,
Que ma voix trouble l'ordre, et que ce romantique
Vive, et que ce petit, à qui l'Art Poétique
Avec tant de bonté donna le pain et l'eau,
Devienne si pesant aux genoux de Boileau !
Vous regardez mes vers, pourvus d'ongles et d'ailes,
Refusant de marcher derrière les modèles,
Comme après les doyens marchent les petits clercs ;
Vous en voyez sortir de sinistres éclairs ;
Horreur ! et vous voilà poussant des cris d'hyène
A travers les barreaux de la Quotidienne.

Vous épuisez sur moi tout votre calepin,
Et le père Bouhours et le père Rapin ;
Et m'écrasant avec tous les noms qu'on vénère,
Vous lâchez le grand mot : Révolutionnaire.

Et, sur ce, les pédants en choeur disent : Amen !
On m'empoigne ; on me fait passer mon examen ;
La Sorbonne bredouille et l'école griffonne ;
De vingt plumes jaillit la colère bouffonne :
« Que veulent ces affreux novateurs ? ça des vers ?
- Devant leurs livres noirs, la nuit, dans l'ombre ouverts,
- Les lectrices ont peur au fond de leurs alcôves.
- Le Pinde entend rugir leurs rimes bêtes fauves,
- Et frémit. Par leur faute aujourd'hui tout est mort ;
- L'alexandrin saisit la césure, et la mord ;
- Comme le sanglier dans l'herbe et dans la sauge,
- Au beau milieu du vers l'enjambement patauge ;
- Que va-t-on devenir ? Richelet s'obscurcit.
- Il faut à toute chose un magister dixit.
- Revenons à la règle, et sortons de l'opprobre ;
- L'hippocrène est de l'eau ; donc le beau, c'est le sobre.
- Les vrais sages ayant la raison pour lien,
- Ont toujours consulté, sur l'art, Quintilien ;
- Sur l'algèbre, Leibnitz; sur la guerre, Végèce. »

Quand l'impuissance écrit, elle signe : Sagesse.

Je ne vois pas pourquoi je ne vous dirais point
Ce qu'à d'autres j'ai dit sans leur montrer le poing.
Eh bien, démasquons-nous ! c'est vrai, notre âme est noire ;
Sortons du domino nommé forme oratoire.
On nous a vus, poussant vers un autre horizon
La langue, avec la rime entraînant la raison,

Lancer au pas de charge, en batailles rangées,
Sur Laharpe éperdu, toutes ces insurgées.
Nous avons au vieux style attaché ce brûlot :
Liberté ! Nous avons, dans le même complot,
Mis l'esprit, pauvre diable, et le mot, pauvre hère ;
Nous avons déchiré le capuchon, la haire,
Le froc, dont on couvrait l'Idée aux yeux divins.
Tous on fait rage en foule. Orateurs, écrivains,
Poètes, nous avons, du doigt avançant l'heure,
Dit à la rhétorique : - Allons, fille majeure,
Lève les yeux ! - et j'ai, chantant, luttant, bravant,
Tordu plus d'une grille au parloir du couvent ;
J'ai, torche en main, ouvert les deux battants du drame ;
Pirates, nous avons, à la voile, à la rame,
De la triple unité pris l'aride archipel ;
Sur l'Hélicon tremblant j'ai battu le rappel.
Tout est perdu ! le vers vague sans muselière !
A Racine effaré nous préférons Molière ;
O pédants ! à Ducis nous préférons Rotrou.
Lucrèce Borgia sort brusquement d'un trou,
Et mêle des poisons hideux à vos guimauves ;
Le drame échevelé fait peur à vos fronts chauves ;
C'est horrible ! oui, brigand, jacobin, malandrin,
J'ai disloqué ce grand niais d'alexandrin ;
Les mots de qualité, les syllabes marquises,
Vivaient ensemble au fond de leurs grottes exquises,
Faisaient la bouche en coeur et ne parlant qu'entre eux,
J'ai dit aux mots d'en bas : Manchots, boiteux, goîtreux,
Redressez-vous ! planez, et mêlez-vous, sans règles,
Dans la caverne immense et farouche des aigles !
J'ai déjà confessé ce tas de crimes-là ;
Oui, je suis Papavoine, Érostrate, Attila :
Après ?

Emportez-vous, et criez à la garde,
Brave homme ! tempêtez ! tonnez ! je vous regarde.

Nos progrès prétendus vous semblent outrageants ;
Vous détestez ce siècle où, quand il parle aux gens,
Le vers des trois saluts d'usage se dispense ;
Temps sombre où, sans pudeur, on écrit comme on pense,
Où l'on est philosophe et poète crûment,
Où de ton vin sincère, adorable, écumant,
O sévère idéal, tous les songeurs sont ivres.
Vous couvrez d'abat-jour, quand vous ouvrez nos livres,
Vos yeux, par la clarté du mot propre brûlés ;
Vous exécrez nos vers francs et vrais, vous hurlez
De fureur en voyant nos strophes toutes nues.
Mais où donc est le temps des nymphes ingénues,
Qui couraient dans les bois, et dont la nudité
Dansait dans la lueur des vagues soirs d'été ?
Sur l'aube nue et blanche, entr'ouvrant sa fenêtre,
Faut-il plisser la brume honnête et *****, et mettre
Une feuille de vigne à l'astre dans l'azur ?
Le flot, conque d'amour, est-il d'un goût peu sûr ?
Ô Virgile, Pindare, Orphée ! est-ce qu'on gaze,
Comme une obscénité, les ailes de Pégase,
Qui semble, les ouvrant au haut du mont béni,
L'immense papillon du baiser infini ?
Est-ce que le soleil splendide est un cynique ?
La fleur a-t-elle tort d'écarter sa tunique ?
Calliope, planant derrière un pan des cieux,
Fait donc mal de montrer à Dante soucieux
Ses seins éblouissants à travers les étoiles ?
Vous êtes un ancien d'hier. Libre et sans voiles,
Le grand Olympe nu vous ferait dire : Fi !
Vous mettez une jupe au Cupidon bouffi ;
Au clinquant, aux neuf soeurs en atours, au Parnasse
De Titon du Tillet, votre goût est tenace ;
Apollon vous ferait l'effet d'un Mohican ;
Vous prendriez Vénus pour une sauvagesse.

L'âge - c'est là souvent toute notre sagesse -

A beau vous bougonner tout bas : « Vous avez tort,
- Vous vous ferez tousser si vous criez si fort ;
- Pour quelques nouveautés sauvages et fortuites,
- Monsieur, ne troublez pas la paix de vos pituites.
- Ces gens-ci vont leur train ; qu'est-ce que ça vous fait ?
- Ils ne trouvent que cendre au feu qui vous chauffait.
- Pourquoi déclarez-vous la guerre à leur tapage ?
- Ce siècle est libéral comme vous fûtes page.
- Fermez bien vos volets, tirez bien vos rideaux,
- Soufflez votre chandelle, et tournez-lui le dos !
- Qu'est l'âme du vrai sage ? Une sourde-muette.
- Que vous importe, à vous, que tel ou tel poète,
- Comme l'oiseau des cieux, veuille avoir sa chanson ;
- Et que tel garnement du Pinde, nourrisson
- Des Muses, au milieu d'un bruit de corybante,
- Marmot sombre, ait mordu leur gorge un peu tombante ? »

Vous n'en tenez nul compte, et vous n'écoutez rien.
Voltaire, en vain, grand homme et peu voltairien,
Vous murmure à l'oreille : « Ami, tu nous assommes ! »
- Vous écumez ! - partant de ceci : que nous, hommes
De ce temps d'anarchie et d'enfer, nous donnons
L'assaut au grand Louis juché sur vingt grands noms ;
Vous dites qu'après tout nous perdons notre peine,
Que haute est l'escalade et courte notre haleine ;
Que c'est dit, que jamais nous ne réussirons ;
Que Batteux nous regarde avec ses gros yeux ronds,
Que Tancrède est de bronze et qu'Hamlet est de sable.
Vous déclarez Boileau perruque indéfrisable ;
Et, coiffé de lauriers, d'un coup d'oeil de travers,
Vous indiquez le tas d'ordures de nos vers,
Fumier où la laideur de ce siècle se guinde
Au pauvre vieux bon goût, ce balayeur du Pinde ;
Et même, allant plus ****, vaillant, vous nous criez :
« Je vais vous balayer moi-même ! »

Balayez.

Paris, novembre 1834.
NGANGO HONORÉ May 2022
Nos parents nous ont laissé un monde serein, en bon état, en paix et plein de valeurs.

Mais quel héritage allons-nous laisser à nos enfants ?
Ne vous inquiétez pas, je vais répondre à mes questions :

On laissera un monde en ruine dépourvu de bon sens, un monde de sang et en guerre.


On a hérité d'une biodiversité diversifiée.
On laisserait à nos enfants ce qu'on n'a pas pu détruire et anéantir parce que Dieu a été bon pour nous prendre avant qu'on ne laisse un désert là où on a trouvé un jardin.

Les ressources de la terre sont un cadeau que nos parents ont préservé pour nous.
Au nom du développement, on épuise ces ressources comme si nos parents étaient malheureux en les utilisant avec parcimonie.


On imprime des billets pour nous servir de monnaie et être prospère, comme s'il n'y avait pas de prospérité au temps de nos parents qui pourtant n'avaient pas besoin d'abattre des forêts entières à ces fins.


Ce qui détruit notre terre ce n'est pas le développement (si ont défini le développement autrement que la paresse où il y avait jadis le dur labeur et le mécontentement où il y avait le contentement et les repas en famille). 
C'est la bêtise d'avoir plus que ce qu'on a besoin.


Alors mettons un frein à notre folie ou ce monde nous enterra sous les débris qu'on a faits de lui.
Sa fait un bail ici , vous m'avez tous manqué,
Puisque ce monde existe, il sied qu'on le tolère.
Sachons considérer les êtres sans colère.
Cet homme est le bourgeois du siècle où nous vivons.
Autrefois il vendait des suifs et des savons,
Maintenant il est riche ; il a prés, bois, vignobles.
Il déteste le peuple, il n'aime pas les nobles ;
Étant fils d'un portier, il trouve en ce temps-ci
Inutile qu'on soit fils des Montmorency.
Il est sévère. Il est vertueux. Il est membre,
Ayant de bons tapis sous les pieds en décembre,
Du grand parti de l'ordre et des honnêtes gens.
Il hait les amoureux et les intelligents ;
Il fait un peu l'aumône, il fait un peu l'usure ;
Il dit du progrès saint, de la liberté pure,
Du droit des nations : je ne veux pas de ça !
Il a ce gros bon sens du cher Sancho Pança
Qui laisserait mourir à l'hôpital Cervantes ;
Il admire Boileau, caresse les servantes,
Et crie, après avoir chiffonné Jeanneton,
À l'immoralité du roman feuilleton.
À la messe où sans faute il va chaque dimanche,
Il porte sous son bras Jésus doré sur tranche,
La crèche, le calvaire et le Dies illa.
- Non qu'entre nous je croie à ces bêtises-là,
Nous dit-il. - S'il y va, cela tient à sa gloire,
C'est que le peuple vil croira, le voyant croire,
C'est qu'il faut abrutir ces gens, car ils ont faim,
C'est qu'un bon Dieu quelconque est nécessaire enfin.
Là-dessus, rangez-vous, le suisse frappe, il entre,
Il étale au banc d'œuvre un majestueux ventre,
Fier de sentir qu'il prend, dans sa dévotion,
Le peuple en laisse et Dieu sous sa protection.

— The End —