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Écoutez. Une femme au profil décharné,
Maigre, blême, portant un enfant étonné,
Est là qui se lamente au milieu de la rue.
La foule, pour l'entendre, autour d'elle se rue.
Elle accuse quelqu'un, une autre femme, ou bien
Son mari. Ses enfants ont faim. Elle n'a rien ;
Pas d'argent ; pas de pain ; à peine un lit de paille.
L'homme est au cabaret pendant qu'elle travaille.
Elle pleure, et s'en va. Quand ce spectre a passé,
Ô penseurs, au milieu de ce groupe amassé,
Qui vient de voir le fond d'un cœur qui se déchire,
Qu'entendez-vous toujours ? Un long éclat de rire.

Cette fille au doux front a cru peut-être, un jour,
Avoir droit au bonheur, à la joie, à l'amour.
Mais elle est seule, elle est sans parents, pauvre fille !
Seule ! - n'importe ! elle a du courage, une aiguille,
Elle travaille, et peut gagner dans son réduit,
En travaillant le jour, en travaillant la nuit,
Un peu de pain, un gîte, une jupe de toile.
Le soir, elle regarde en rêvant quelque étoile,
Et chante au bord du toit tant que dure l'été.
Mais l'hiver vient. Il fait bien froid, en vérité,
Dans ce logis mal clos tout en haut de la rampe ;
Les jours sont courts, il faut allumer une lampe ;
L'huile est chère, le bois est cher, le pain est cher.
Ô jeunesse ! printemps ! aube ! en proie à l'hiver !
La faim passe bientôt sa griffe sous la porte,
Décroche un vieux manteau, saisit la montre, emporte
Les meubles, prend enfin quelque humble bague d'or ;
Tout est vendu ! L'enfant travaille et lutte encor ;
Elle est honnête ; mais elle a, quand elle veille,
La misère, démon, qui lui parle à l'oreille.
L'ouvrage manque, hélas ! cela se voit souvent.
Que devenir ! Un jour, ô jour sombre ! elle vend
La pauvre croix d'honneur de son vieux père, et pleure ;
Elle tousse, elle a froid. Il faut donc qu'elle meure !
A dix-sept ans ! grand Dieu ! mais que faire ?... - Voilà
Ce qui fait qu'un matin la douce fille alla
Droit au gouffre, et qu'enfin, à présent, ce qui monte
À son front, ce n'est plus la pudeur, c'est la honte.
Hélas, et maintenant, deuil et pleurs éternels !
C'est fini. Les enfants, ces innocents cruels,
La suivent dans la rue avec des cris de joie.
Malheureuse ! elle traîne une robe de soie,
Elle chante, elle rit... ah ! pauvre âme aux abois !
Et le peuple sévère, avec sa grande voix,
Souffle qui courbe un homme et qui brise une femme,
Lui dit quand elle vient : « C'est toi ? Va-t-en, infâme ! »

Un homme s'est fait riche en vendant à faux poids ;
La loi le fait juré. L'hiver, dans les temps froids ;
Un pauvre a pris un pain pour nourrir sa famille.
Regardez cette salle où le peuple fourmille ;
Ce riche y vient juger ce pauvre. Écoutez bien.
C'est juste, puisque l'un a tout et l'autre rien.
Ce juge, - ce marchand, - fâché de perdre une heure,
Jette un regard distrait sur cet homme qui pleure,
L'envoie au bagne, et part pour sa maison des champs.
Tous s'en vont en disant : « C'est bien ! » bons et méchants ;
Et rien ne reste là qu'un Christ pensif et pâle,
Levant les bras au ciel dans le fond de la salle.

Un homme de génie apparaît. Il est doux,
Il est fort, il est grand ; il est utile à tous ;
Comme l'aube au-dessus de l'océan qui roule,
Il dore d'un rayon tous les fronts de la foule ;
Il luit ; le jour qu'il jette est un jour éclatant ;
Il apporte une idée au siècle qui l'attend ;
Il fait son œuvre ; il veut des choses nécessaires,
Agrandir les esprits, amoindrir les misères ;
Heureux, dans ses travaux dont les cieux sont témoins,
Si l'on pense un peu plus, si l'on souffre un peu moins !
Il vient. - Certe, on le va couronner ! - On le hue !
Scribes, savants, rhéteurs, les salons, la cohue,
Ceux qui n'ignorent rien, ceux qui doutent de tout,
Ceux qui flattent le roi, ceux qui flattent l'égout,
Tous hurlent à la fois et font un bruit sinistre.
Si c'est un orateur ou si c'est un ministre,
On le siffle. Si c'est un poète, il entend
Ce chœur : « Absurde ! faux ! monstrueux ! révoltant ! »
Lui, cependant, tandis qu'on bave sur sa palme,
Debout, les bras croisés, le front levé, l'œil calme,
Il contemple, serein, l'idéal et le beau ;
Il rêve ; et, par moments, il secoue un flambeau
Qui, sous ses pieds, dans l'ombre, éblouissant la haine,
Éclaire tout à coup le fond de l'âme humaine ;
Ou, ministre, il prodigue et ses nuits et ses jours ;
Orateur, il entasse efforts, travaux, discours ;
Il marche, il lutte ! Hélas ! l'injure ardente et triste,
À chaque pas qu'il fait, se transforme et persiste.
Nul abri. Ce serait un ennemi public,
Un monstre fabuleux, dragon ou basilic,
Qu'il serait moins traqué de toutes les manières,
Moins entouré de gens armés de grosses pierres,
Moins haï ! -- Pour eux tous et pour ceux qui viendront,
Il va semant la gloire, il recueille l'affront.
Le progrès est son but, le bien est sa boussole ;
Pilote, sur l'avant du navire il s'isole ;
Tout marin, pour dompter les vents et les courants,
Met tour à tour le cap sur des points différents,
Et, pour mieux arriver, dévie en apparence ;
Il fait de même ; aussi blâme et cris ; l'ignorance
Sait tout, dénonce tout ; il allait vers le nord,
Il avait tort ; il va vers le sud, il a tort ;
Si le temps devient noir, que de rage et de joie !
Cependant, sous le faix sa tête à la fin ploie,
L'âge vient, il couvait un mal profond et lent,
Il meurt. L'envie alors, ce démon vigilant,
Accourt, le reconnaît, lui ferme la paupière,
Prend soin de la clouer de ses mains dans la bière,
Se penche, écoute, épie en cette sombre nuit
S'il est vraiment bien mort, s'il ne fait pas de bruit,
S'il ne peut plus savoir de quel nom on le nomme,
Et, s'essuyant les yeux, dit : « C'était un grand homme ! »

Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs, que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules ;
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : « Petits comme nous sommes,
« Notre père, voyez ce que nous font les hommes ! »
Ô servitude infâme imposée à l'enfant !
Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant
Défait ce qu'a fait Dieu ; qui tue, œuvre insensée,
La beauté sur les fronts, dans les cœurs la pensée,
Et qui ferait - c'est là son fruit le plus certain -
D'Apollon un bossu, de Voltaire un crétin !
Travail mauvais qui prend l'âge tendre en sa serre,
Qui produit la richesse en créant la misère,
Qui se sert d'un enfant ainsi que d'un outil !
Progrès dont on demande : « Où va-t-il ? Que veut-il ? »
Qui brise la jeunesse en fleur ! qui donne, en somme,
Une âme à la machine et la retire à l'homme !
Que ce travail, haï des mères, soit maudit !
Maudit comme le vice où l'on s'abâtardit,
Maudit comme l'opprobre et comme le blasphème !
Ô Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, saint, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !

Le pesant chariot porte une énorme pierre ;
Le limonier, suant du mors à la croupière,
Tire, et le roulier fouette, et le pavé glissant
Monte, et le cheval triste à le poitrail en sang.
Il tire, traîne, geint, tire encore et s'arrête ;
Le fouet noir tourbillonne au-dessus de sa tête ;
C'est lundi ; l'homme hier buvait aux Porcherons
Un vin plein de fureur, de cris et de jurons ;
Oh ! quelle est donc la loi formidable qui livre
L'être à l'être, et la bête effarée à l'homme ivre !
L'animal éperdu ne peut plus faire un pas ;
Il sent l'ombre sur lui peser ; il ne sait pas,
Sous le bloc qui l'écrase et le fouet qui l'assomme,
Ce que lui veut la pierre et ce que lui veut l'homme.
Et le roulier n'est plus qu'un orage de coups
Tombant sur ce forçat qui traîne des licous,
Qui souffre et ne connaît ni repos ni dimanche.
Si la corde se casse, il frappe avec le pié ;
Et le cheval, tremblant, hagard, estropié,
Baisse son cou lugubre et sa tête égarée ;
On entend, sous les coups de la botte ferrée,
Sonner le ventre nu du pauvre être muet !
Il râle ; tout à l'heure encore il remuait ;
Mais il ne bouge plus, et sa force est finie ;
Et les coups furieux pleuvent ; son agonie
Tente un dernier effort ; son pied fait un écart,
Il tombe, et le voilà brisé sous le brancard ;
Et, dans l'ombre, pendant que son bourreau redouble,
Il regarde quelqu'un de sa prunelle trouble ;
Et l'on voit lentement s'éteindre, humble et terni,
Son œil plein des stupeurs sombres de l'infini,
Où luit vaguement l'âme effrayante des choses.
Hélas !

Cet avocat plaide toutes les causes ;
Il rit des généreux qui désirent savoir
Si blanc n'a pas raison, avant de dire noir ;
Calme, en sa conscience il met ce qu'il rencontre,
Ou le sac d'argent Pour, ou le sac d'argent Contre ;
Le sac pèse pour lui ce que la cause vaut.
Embusqué, plume au poing, dans un journal dévot,
Comme un bandit tuerait, cet écrivain diffame.
La foule hait cet homme et proscrit cette femme ;
Ils sont maudits. Quel est leur crime ? Ils ont aimé.
L'opinion rampante accable l'opprimé,
Et, chatte aux pieds des forts, pour le faible est tigresse.
De l'inventeur mourant le parasite engraisse.
Le monde parle, assure, affirme, jure, ment,
Triche, et rit d'escroquer la dupe Dévouement.
Le puissant resplendit et du destin se joue ;
Derrière lui, tandis qu'il marche et fait la roue,
Sa fiente épanouie engendre son flatteur.
Les nains sont dédaigneux de toute leur hauteur.
Ô hideux coins de rue où le chiffonnier morne
Va, tenant à la main sa lanterne de corne,
Vos tas d'ordures sont moins noirs que les vivants !
Qui, des vents ou des cœurs, est le plus sûr ? Les vents.
Cet homme ne croit rien et fait semblant de croire ;
Il a l'œil clair, le front gracieux, l'âme noire ;
Il se courbe ; il sera votre maître demain.

Tu casses des cailloux, vieillard, sur le chemin ;
Ton feutre humble et troué s'ouvre à l'air qui le mouille ;
Sous la pluie et le temps ton crâne nu se rouille ;
Le chaud est ton tyran, le froid est ton bourreau ;
Ton vieux corps grelottant tremble sous ton sarrau ;
Ta cahute, au niveau du fossé de la route,
Offre son toit de mousse à la chèvre qui broute ;
Tu gagnes dans ton jour juste assez de pain noir
Pour manger le matin et pour jeûner le soir ;
Et, fantôme suspect devant qui l'on recule,
Regardé de travers quand vient le crépuscule,
Pauvre au point d'alarmer les allants et venants,
Frère sombre et pensif des arbres frissonnants,
Tu laisses choir tes ans ainsi qu'eux leur feuillage ;
Autrefois, homme alors dans la force de l'âge,
Quand tu vis que l'Europe implacable venait,
Et menaçait Paris et notre aube qui naît,
Et, mer d'hommes, roulait vers la France effarée,
Et le Russe et le *** sur la terre sacrée
Se ruer, et le nord revomir Attila,
Tu te levas, tu pris ta fourche ; en ces temps-là,
Tu fus, devant les rois qui tenaient la campagne,
Un des grands paysans de la grande Champagne.
C'est bien. Mais, vois, là-bas, le long du vert sillon,
Une calèche arrive, et, comme un tourbillon,
Dans la poudre du soir qu'à ton front tu secoues,
Mêle l'éclair du fouet au tonnerre des roues.
Un homme y dort. Vieillard, chapeau bas ! Ce passant
Fit sa fortune à l'heure où tu versais ton sang ;
Il jouait à la baisse, et montait à mesure
Que notre chute était plus profonde et plus sûre ;
Il fallait un vautour à nos morts ; il le fut ;
Il fit, travailleur âpre et toujours à l'affût,
Suer à nos malheurs des châteaux et des rentes ;
Moscou remplit ses prés de meules odorantes ;
Pour lui, Leipsick payait des chiens et des valets,
Et la Bérésina charriait un palais ;
Pour lui, pour que cet homme ait des fleurs, des charmilles,
Des parcs dans Paris même ouvrant leurs larges grilles,
Des jardins où l'on voit le cygne errer sur l'eau,
Un million joyeux sortit de Waterloo ;
Si bien que du désastre il a fait sa victoire,
Et que, pour la manger, et la tordre, et la boire,
Ce Shaylock, avec le sabre de Blucher,
A coupé sur la France une livre de chair.
Or, de vous deux, c'est toi qu'on hait, lui qu'on vénère ;
Vieillard, tu n'es qu'un gueux, et ce millionnaire,
C'est l'honnête homme. Allons, debout, et chapeau bas !

Les carrefours sont pleins de chocs et de combats.
Les multitudes vont et viennent dans les rues.
Foules ! sillons creusés par ces mornes charrues :
Nuit, douleur, deuil ! champ triste où souvent a germé
Un épi qui fait peur à ceux qui l'ont semé !
Vie et mort ! onde où l'hydre à l'infini s'enlace !
Peuple océan jetant l'écume populace !
Là sont tous les chaos et toutes les grandeurs ;
Là, fauve, avec ses maux, ses horreurs, ses laideurs,
Ses larves, désespoirs, haines, désirs, souffrances,
Qu'on distingue à travers de vagues transparences,
Ses rudes appétits, redoutables aimants,
Ses prostitutions, ses avilissements,
Et la fatalité des mœurs imperdables,
La misère épaissit ses couches formidables.
Les malheureux sont là, dans le malheur reclus.
L'indigence, flux noir, l'ignorance, reflux,
Montent, marée affreuse, et parmi les décombres,
Roulent l'obscur filet des pénalités sombres.
Le besoin fuit le mal qui le tente et le suit,
Et l'homme cherche l'homme à tâtons ; il fait nuit ;
Les petits enfants nus tendent leurs mains funèbres ;
Le crime, antre béant, s'ouvre dans ces ténèbres ;
Le vent secoue et pousse, en ses froids tourbillons,
Les âmes en lambeaux dans les corps en haillons :
Pas de cœur où ne croisse une aveugle chimère.
Qui grince des dents ? L'homme. Et qui pleure ? La mère.
Qui sanglote ? La vierge aux yeux hagards et doux.
Qui dit : « J'ai froid ? » L'aïeule. Et qui dit : « J'ai faim ? » Tous !
Et le fond est horreur, et la surface est joie.
Au-dessus de la faim, le festin qui flamboie,
Et sur le pâle amas des cris et des douleurs,
Les chansons et le rire et les chapeaux de fleurs !
Ceux-là sont les heureux. Ils n'ont qu'une pensée :
A quel néant jeter la journée insensée ?
Chiens, voitures, chevaux ! cendre au reflet vermeil !
Poussière dont les grains semblent d'or au soleil !
Leur vie est aux plaisirs sans fin, sans but, sans trêve,
Et se passe à tâcher d'oublier dans un rêve
L'enfer au-dessous d'eux et le ciel au-dessus.
Quand on voile Lazare, on efface Jésus.
Ils ne regardent pas dans les ombres moroses.
Ils n'admettent que l'air tout parfumé de roses,
La volupté, l'orgueil, l'ivresse et le laquais
Ce spectre galonné du pauvre, à leurs banquets.
Les fleurs couvrent les seins et débordent des vases.
Le bal, tout frissonnant de souffles et d'extases,
Rayonne, étourdissant ce qui s'évanouit ;
Éden étrange fait de lumière et de nuit.
Les lustres aux plafonds laissent pendre leurs flammes,
Et semblent la racine ardente et pleine d'âmes
De quelque arbre céleste épanoui plus haut.
Noir paradis dansant sur l'immense cachot !
Ils savourent, ravis, l'éblouissement sombre
Des beautés, des splendeurs, des quadrilles sans nombre,
Des couples, des amours, des yeux bleus, des yeux noirs.
Les valses, visions, passent dans les miroirs.
Parfois, comme aux forêts la fuite des cavales,
Les galops effrénés courent ; par intervalles,
Le bal reprend haleine ; on s'interrompt, on fuit,
On erre, deux à deux, sous les arbres sans bruit ;
Puis, folle, et rappelant les ombres éloignées,
La musique, jetant les notes à poignées,
Revient, et les regards s'allument, et l'archet,
Bondissant, ressaisit la foule qui marchait.
Ô délire ! et d'encens et de bruit enivrées,
L'heure emporte en riant les rapides soirées,
Et les nuits et les jours, feuilles mortes des cieux.
D'autres, toute la nuit, roulent les dés joyeux,
Ou bien, âpre, et mêlant les cartes qu'ils caressent,
Où des spectres riants ou sanglants apparaissent,
Leur soif de l'or, penchée autour d'un tapis vert,
Jusqu'à ce qu'au volet le jour bâille entr'ouvert,
Poursuit le pharaon, le lansquenet ou l'hombre ;
Et, pendant qu'on gémit et qu'on frémit dans l'ombre,
Pendant que le
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J'aime son feuillage éploré ;
La pâleur m'en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
À la terre où je dormirai.

Un soir, nous étions seuls, j'étais assis près d'elle ;
Elle penchait la tête, et sur son clavecin
Laissait, tout en rêvant, flotter sa blanche main.
Ce n'était qu'un murmure : on eût dit les coups d'aile
D'un zéphyr éloigné glissant sur des roseaux,
Et craignant en passant d'éveiller les oiseaux.
Les tièdes voluptés des nuits mélancoliques
Sortaient autour de nous du calice des fleurs.
Les marronniers du parc et les chênes antiques
Se berçaient doucement sous leurs rameaux en pleurs.
Nous écoutions la nuit ; la croisée entr'ouverte
Laissait venir à nous les parfums du printemps ;
Les vents étaient muets, la plaine était déserte ;
Nous étions seuls, pensifs, et nous avions quinze ans.
Je regardais Lucie. Elle était pâle et blonde.
Jamais deux yeux plus doux n'ont du ciel le plus pur
Sondé la profondeur et réfléchi l'azur.
Sa beauté m'enivrait ; je n'aimais qu'elle au monde.
Mais je croyais l'aimer comme on aime une soeur,
Tant ce qui venait d'elle était plein de pudeur !
Nous nous tûmes longtemps ; ma main touchait la sienne.
Je regardais rêver son front triste et charmant,
Et je sentais dans l'âme, à chaque mouvement,
Combien peuvent sur nous, pour guérir toute peine,
Ces deux signes jumeaux de paix et de bonheur,
Jeunesse de visage et jeunesse de coeur.
La lune, se levant dans un ciel sans nuage,
D'un long réseau d'argent tout à coup l'inonda.
Elle vit dans mes yeux resplendir son image ;
Son sourire semblait d'un ange : elle chanta.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Fille de la douleur, harmonie ! harmonie !
Langue que pour l'amour inventa le génie !
Qui nous vins d'Italie, et qui lui vins des cieux !
Douce langue du coeur, la seule où la pensée,
Cette vierge craintive et d'une ombre offensée,
Passe en gardant son voile et sans craindre les yeux !
Qui sait ce qu'un enfant peut entendre et peut dire
Dans tes soupirs divins, nés de l'air qu'il respire,
Tristes comme son coeur et doux comme sa voix ?
On surprend un regard, une larme qui coule ;
Le reste est un mystère ignoré de la foule,
Comme celui des flots, de la nuit et des bois !

- Nous étions seuls, pensifs ; je regardais Lucie.
L'écho de sa romance en nous semblait frémir.
Elle appuya sur moi sa tête appesantie.
Sentais-tu dans ton coeur Desdemona gémir,
Pauvre enfant ? Tu pleurais ; sur ta bouche adorée
Tu laissas tristement mes lèvres se poser,
Et ce fut ta douleur qui reçut mon baiser.
Telle je t'embrassai, froide et décolorée,
Telle, deux mois après, tu fus mise au tombeau ;
Telle, ô ma chaste fleur ! tu t'es évanouie.
Ta mort fut un sourire aussi doux que ta vie,
Et tu fus rapportée à Dieu dans ton berceau.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Doux mystère du toit que l'innocence habite,
Chansons, rêves d'amour, rires, propos d'enfant,
Et toi, charme inconnu dont rien ne se défend,
Qui fis hésiter Faust au seuil de Marguerite,
Candeur des premiers jours, qu'êtes-vous devenus ?

Paix profonde à ton âme, enfant ! à ta mémoire !
Adieu ! ta blanche main sur le clavier d'ivoire,
Durant les nuits d'été, ne voltigera plus...

Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J'aime son feuillage éploré ;
La pâleur m'en est douce et chère,
Et son ombre sera légère
À la terre où je dormirai.
Audrey Frost Mar 2014
Cœurs battent en tandem. Une ruée. Mouvement lent, puis rapide, puis ralentir une fois de plus. Ongles glissent sur la peau, glissant, chaud. Un sursaut et un gémissement, un gémissement avant un cri. Le rire et les mots enivrants. La douleur que de plaisir à l’état pur. Nous ondulent, avancent et reculent dans l’autre, autour de l’autre.

Hearts beat in tandem. A rush. Movement slow, then swift, then slow once more. Fingernails glide across skin, slippery, hot. A gasp and a moan, a whimper before a scream. Laughter and heady words. Pain as pleasure in its purest form. We undulate, expand and recede within each other, around each other.
À Mme de P*.

Il est pour la pensée une heure... une heure sainte,
Alors que, s'enfuyant de la céleste enceinte,
De l'absence du jour pour consoler les cieux,
Le crépuscule aux monts prolonge ses adieux.
On voit à l'horizon sa lueur incertaine,
Comme les bords flottants d'une robe qui traîne,
Balayer lentement le firmament obscur,
Où les astres ternis revivent dans l'azur.
Alors ces globes d'or, ces îles de lumière,
Que cherche par instinct la rêveuse paupière,
Jaillissent par milliers de l'ombre qui s'enfuit
Comme une poudre d'or sur les pas de la nuit ;
Et le souffle du soir qui vole sur sa trace,
Les sème en tourbillons dans le brillant espace.
L'oeil ébloui les cherche et les perd à la fois ;
Les uns semblent planer sur les cimes des bois,
Tel qu'un céleste oiseau dont les rapides ailes
Font jaillir en s'ouvrant des gerbes d'étincelles.
D'autres en flots brillants s'étendent dans les airs,
Comme un rocher blanchi de l'écume des mers ;
Ceux-là, comme un coursier volant dans la carrière,
Déroulent à longs plis leur flottante crinière ;
Ceux-ci, sur l'horizon se penchant à demi,
Semblent des yeux ouverts sur le monde endormi,
Tandis qu'aux bords du ciel de légères étoiles
Voguent dans cet azur comme de blanches voiles
Qui, revenant au port, d'un rivage lointain,
Brillent sur l'Océan aux rayons du matin.

De ces astres brillants, son plus sublime ouvrage,
Dieu seul connaît le nombre, et la distance, et l'âge ;
Les uns, déjà vieillis, pâlissent à nos yeux,
D'autres se sont perdus dans les routes des cieux,
D'autres, comme des fleurs que son souffle caresse,
Lèvent un front riant de grâce et de jeunesse,
Et, charmant l'Orient de leurs fraîches clartés,
Etonnent tout à coup l'oeil qui les a comptés.
Dans la danse céleste ils s'élancent... et l'homme,
Ainsi qu'un nouveau-né, les salue, et les nomme.
Quel mortel enivré de leur chaste regard,
Laissant ses yeux flottants les fixer au hasard,
Et cherchant le plus pur parmi ce choeur suprême,
Ne l'a pas consacré du nom de ce qu'il aime ?
Moi-même... il en est un, solitaire, isolé,
Qui, dans mes longues nuits, m'a souvent consolé,
Et dont l'éclat, voilé des ombres du mystère,
Me rappelle un regard qui brillait sur la terre.
Peut-être ?... ah ! puisse-t-il au céleste séjour
Porter au moins ce nom que lui donna l'Amour !

Cependant la nuit marche, et sur l'abîme immense
Tous ces mondes flottants gravitent en silence,
Et nous-même, avec eux emportés dans leur cours
Vers un port inconnu nous avançons toujours !
Souvent, pendant la nuit, au souffle du zéphire,
On sent la terre aussi flotter comme un navire.
D'une écume brillante on voit les monts couverts
Fendre d'un cours égal le flot grondant des airs ;
Sur ces vagues d'azur où le globe se joue,
On entend l'aquilon se briser sous la proue,
Et du vent dans les mâts les tristes sifflements,
Et de ses flancs battus les sourds gémissements ;
Et l'homme sur l'abîme où sa demeure flotte
Vogue avec volupté sur la foi du pilote !
Soleils ! mondes flottants qui voguez avec nous,
Dites, s'il vous l'a dit, où donc allons-nous tous ?
Quel est le port céleste où son souffle nous guide ?
Quel terme assigna-t-il à notre vol rapide ?
Allons-nous sur des bords de silence et de deuil,
Echouant dans la nuit sur quelque vaste écueil,
Semer l'immensité des débris du naufrage ?
Ou, conduits par sa main sur un brillant rivage,
Et sur l'ancre éternelle à jamais affermis,
Dans un golfe du ciel aborder endormis ?

Vous qui nagez plus près de la céleste voûte,
Mondes étincelants, vous le savez sans doute !
Cet Océan plus pur, ce ciel où vous flottez,
Laisse arriver à vous de plus vives clartés ;
Plus brillantes que nous, vous savez davantage ;
Car de la vérité la lumière est l'image !
Oui : si j'en crois l'éclat dont vos orbes errants
Argentent des forêts les dômes transparents,
Qui glissant tout à coup sur des mers irritées,
Calme en les éclairant les vagues agitées ;
Si j'en crois ces rayons dont le sensible jour
Inspire la vertu, la prière, l'amour,
Et quand l'oeil attendri s'entrouvre à leur lumière,
Attirent une larme au bord de la paupière ;
Si j'en crois ces instincts, ces doux pressentiments
Qui dirigent vers nous les soupirs des amants,
Les yeux de la beauté, les rêves qu'on regrette,
Et le vol enflammé de l'aigle et du poète !
Tentes du ciel, Edens ! temples! brillants palais !
Vous êtes un séjour d'innocence et de paix !
Dans le calme des nuits, à travers la distance,
Vous en versez sur nous la lointaine influence !
Tout ce que nous cherchons, l'amour, la vérité,
Ces fruits tombés du ciel dont la terre a goûté,
Dans vos brillants climats que le regard envie
Nourrissent à jamais les enfants de la vie,
Et l'homme, un jour peut-être à ses destins rendu,
Retrouvera chez vous tout ce qu'il a perdu ?
Hélas ! combien de fois seul, veillant sur ces cimes
Où notre âme plus libre a des voeux plus sublimes,
Beaux astres ! fleurs du ciel dont le lis est jaloux,
J'ai murmuré tout bas : Que ne suis-je un de vous ?
Que ne puis-je, échappant à ce globe de boue,
Dans la sphère éclatante où mon regard se joue,
Jonchant d'un feu de plus le parvis du saint lieu,
Eclore tout à coup sous les pas de mon Dieu,
Ou briller sur le front de la beauté suprême,
Comme un pâle fleuron de son saint diadème ?

Dans le limpide azur de ces flots de cristal,
Me souvenant encor de mon globe natal,
Je viendrais chaque nuit, tardif et solitaire,
Sur les monts que j'aimais briller près de la terre ;
J'aimerais à glisser sous la nuit des rameaux,
A dormir sur les prés, à flotter sur les eaux ;
A percer doucement le voile d'un nuage,
Comme un regard d'amour que la pudeur ombrage :
Je visiterais l'homme ; et s'il est ici-bas
Un front pensif, des yeux qui ne se ferment pas,
Une âme en deuil, un coeur qu'un poids sublime oppresse,
Répandant devant Dieu sa pieuse tristesse ;
Un malheureux au jour dérobant ses douleurs
Et dans le sein des nuits laissant couler ses pleurs,
Un génie inquiet, une active pensée
Par un instinct trop fort dans l'infini lancée ;
Mon rayon pénétré d'une sainte amitié
Pour des maux trop connus prodiguant sa pitié,
Comme un secret d'amour versé dans un coeur tendre,
Sur ces fronts inclinés se plairait à descendre !
Ma lueur fraternelle en découlant sur eux
Dormirait sur leur sein, sourirait à leurs yeux :
Je leur révélerais dans la langue divine
Un mot du grand secret que le malheur devine ;
Je sécherais leurs pleurs ; et quand l'oeil du matin
Ferait pâlir mon disque à l'horizon lointain,
Mon rayon en quittant leur paupière attendrie
Leur laisserait encor la vague rêverie,
Et la paix et l'espoir ; et, lassés de gémir,
Au moins avant l'aurore ils pourraient s'endormir !

Et vous, brillantes soeurs! étoiles, mes compagnes,
Qui du bleu firmament émaillez les campagnes,
Et cadençant vos pas à la lyre des cieux,
Nouez et dénouez vos choeurs harmonieux !
Introduit sur vos pas dans la céleste chaîne,
Je suivrais dans l'azur l'instinct qui vous entraîne,
Vous guideriez mon oeil dans ce brillant désert,
Labyrinthe de feux où le regard se perd !
Vos rayons m'apprendraient à louer, à connaître
Celui que nous cherchons, que vous voyez peut-être !
Et noyant dans son sein mes tremblantes clartés,
Je sentirais en lui.., tout ce que vous sentez !
Ainsi, mon cher, tu t'en reviens
Du pays dont je me souviens
Comme d'un rêve,
De ces beaux lieux où l'oranger
Naquit pour nous dédommager
Du péché d'Ève.

Tu l'as vu, ce ciel enchanté
Qui montre avec tant de clarté
Le grand mystère ;
Si pur, qu'un soupir monte à Dieu
Plus librement qu'en aucun lieu
Qui soit sur terre.

Tu les as vus, les vieux manoirs
De cette ville aux palais noirs
Qui fut Florence,
Plus ennuyeuse que Milan
Où, du moins, quatre ou cinq fois l'an,
Cerrito danse.

Tu l'as vue, assise dans l'eau,
Portant gaiement son mezzaro,
La belle Gênes,
Le visage peint, l'oeil brillant,
Qui babille et joue en riant
Avec ses chaînes.

Tu l'as vu, cet antique port,
Où, dans son grand langage mort,
Le flot murmure,
Où Stendhal, cet esprit charmant,
Remplissait si dévotement
Sa sinécure.

Tu l'as vu, ce fantôme altier
Qui jadis eut le monde entier
Sous son empire.
César dans sa pourpre est tombé :
Dans un petit manteau d'abbé
Sa veuve expire.

Tu t'es bercé sur ce flot pur
Où Naples enchâsse dans l'azur
Sa mosaique,
Oreiller des lazzaroni
Où sont nés le macaroni
Et la musique.

Qu'il soit rusé, simple ou moqueur,
N'est-ce pas qu'il nous laisse au coeur
Un charme étrange,
Ce peuple ami de la gaieté
Qui donnerait gloire et beauté
Pour une orange ?

Catane et Palerme t'ont plu.
Je n'en dis rien ; nous t'avons lu ;
Mais on t'accuse
D'avoir parlé bien tendrement,
Moins en voyageur qu'en amant,
De Syracuse.

Ils sont beaux, quand il fait beau temps,
Ces yeux presque mahométans
De la Sicile ;
Leur regard tranquille est ardent,
Et bien dire en y répondant
N'est pas facile.

Ils sont doux surtout quand, le soir,
Passe dans son domino noir
La toppatelle.
On peut l'aborder sans danger,
Et dire : « Je suis étranger,
Vous êtes belle. »

Ischia ! C'est là, qu'on a des yeux,
C'est là qu'un corsage amoureux
Serre la hanche.
Sur un bas rouge bien tiré
Brille, sous le jupon doré,
La mule blanche.

Pauvre Ischia ! bien des gens n'ont vu
Tes jeunes filles que pied nu
Dans la poussière.
On les endimanche à prix d'or ;
Mais ton pur soleil brille encor
Sur leur misère.

Quoi qu'il en soit, il est certain
Que l'on ne parle pas latin
Dans les Abruzzes,
Et que jamais un postillon
N'y sera l'enfant d'Apollon
Ni des neuf Muses.

Il est bizarre, assurément,
Que Minturnes soit justement
Près de Capoue.
Là tombèrent deux demi-dieux,
Tout barbouillés, l'un de vin vieux,
L'autre de boue.

Les brigands t'ont-ils arrêté
Sur le chemin tant redouté
De Terracine ?
Les as-tu vus dans les roseaux
Où le buffle aux larges naseaux
Dort et rumine ?

Hélas ! hélas ! tu n'as rien vu.
Ô (comme on dit) temps dépourvu
De poésie !
Ces grands chemins, sûrs nuit et jour,
Sont ennuyeux comme un amour
Sans jalousie.

Si tu t'es un peu détourné,
Tu t'es à coup sûr promené
Près de Ravenne,
Dans ce triste et charmant séjour
Où Byron noya dans l'amour
Toute sa haine.

C'est un pauvre petit cocher
Qui m'a mené sans accrocher
Jusqu'à Ferrare.
Je désire qu'il t'ait conduit.
Il n'eut pas peur, bien qu'il fît nuit ;
Le cas est rare.

Padoue est un fort bel endroit,
Où de très grands docteurs en droit
Ont fait merveille ;
Mais j'aime mieux la polenta
Qu'on mange aux bords de la Brenta
Sous une treille.

Sans doute tu l'as vue aussi,
Vivante encore, Dieu merci !
Malgré nos armes,
La pauvre vieille du Lido,
Nageant dans une goutte d'eau
Pleine de larmes.

Toits superbes ! froids monuments !
Linceul d'or sur des ossements !
Ci-gît Venise.
Là mon pauvre coeur est resté.
S'il doit m'en être rapporté,
Dieu le conduise !

Mon pauvre coeur, l'as-tu trouvé
Sur le chemin, sous un pavé,
Au fond d'un verre ?
Ou dans ce grand palais Nani ;
Dont tant de soleils ont jauni
La noble pierre ?

L'as-tu vu sur les fleurs des prés,
Ou sur les raisins empourprés
D'une tonnelle ?
Ou dans quelque frêle bateau.
Glissant à l'ombre et fendant l'eau
À tire-d'aile ?

L'as-tu trouvé tout en lambeaux
Sur la rive où sont les tombeaux ?
Il y doit être.
Je ne sais qui l'y cherchera,
Mais je crois bien qu'on ne pourra
L'y reconnaître.

Il était ***, jeune et hardi ;
Il se jetait en étourdi
À l'aventure.
Librement il respirait l'air,
Et parfois il se montrait fier
D'une blessure.

Il fut crédule, étant loyal,
Se défendant de croire au mal
Comme d'un crime.
Puis tout à coup il s'est fondu
Ainsi qu'un glacier suspendu
Sur un abîme...

Mais de quoi vais-je ici parler ?
Que ferais-je à me désoler,
Quand toi, cher frère,
Ces lieux où j'ai failli mourir,
Tu t'en viens de les parcourir
Pour te distraire ?

Tu rentres tranquille et content ;
Tu tailles ta plume en chantant
Une romance.
Tu rapportes dans notre nid
Cet espoir qui toujours finit
Et recommence.

Le retour fait aimer l'adieu ;
Nous nous asseyons près du feu,
Et tu nous contes
Tout ce que ton esprit a vu,
Plaisirs, dangers, et l'imprévu,
Et les mécomptes.

Et tout cela sans te fâcher,
Sans te plaindre, sans y toucher
Que pour en rire ;
Tu sais rendre grâce au bonheur,
Et tu te railles du malheur
Sans en médire.

Ami, ne t'en va plus si ****.
D'un peu d'aide j'ai grand besoin,
Quoi qu'il m'advienne.
Je ne sais où va mon chemin,
Mais je marche mieux quand ma main
Serre la tienne.
Ils vont sans trêve ; ils vont sous le ciel bas et sombre,
Les Fugitifs, chassés des anciens paradis ;
Et toute la tribu, depuis des jours sans nombre,
Dans leur sillon fatal traîne ses pieds roidis.

Ils vont, les derniers-nés des races primitives,
Les derniers dont les yeux, sur les divins sommets,
Dans les herbes en fleur ont vu fuir les Eaux vives
Et grandir un Soleil, oublié désormais.

Tout est mort et flétri sur les plateaux sublimes
Où l'aurore du monde a lui pour leurs aïeux ;
Et voici que les fils, à l'étroit sur les cimes,
Vers l'Occident nocturne ont cherché d'autres cieux.

Ils ont fui. Le vent souffle et pousse dans l'espace
La neige inépuisable en tourbillons gonflés ;
Un hiver éternel suspend, en blocs de glace,
De rigides torrents aux flancs des monts gelés.

Des amas de rochers, blancs d'une lourde écume,
Témoins rugueux d'un monde informe et surhumain.
Visqueux, lavés de pluie et noyés dans la brume,
De leurs blocs convulsés ferment l'âpre chemin.

Des forêts d'arbres morts, tordus par les tempêtes,
S'étendent ; et le cri des voraces oiseaux,
Près de grands lacs boueux, répond au cri des bêtes
Qui râlent en glissant sur l'épaisseur des eaux.

Mais l'immense tribu, par les sentiers plus rudes,
Par les ravins fangeux où s'engouffre le vent,
Comme un troupeau perdu, s'enfonce aux solitudes,
Sans hâte, sans relâche et toujours plus avant.

En tête, interrogeant l'ombre de leurs yeux ternes,
Marchent les durs chasseurs, les géants et les forts,
Plus monstrueux que l'ours qu'au seuil de leurs cavernes
Ils étouffaient naguère en luttant corps à corps.

Leurs longs cheveux, pareils aux lianes farouches,
En lanières tombaient de leurs crânes étroits,
Tandis qu'en se figeant l'haleine de leurs bouchés
Hérissait de glaçons leurs barbes aux poils droits.

Les uns, ceints de roseaux tressés ou d'herbes sèches,
Aux rafales de grêle offraient leurs larges flancs ;
D'autres, autour du col attachant des peaux fraîches,
D'un manteau ******* couvraient leurs reins sanglants.

Et les femmes marchaient, lentes, mornes, livides,
Haletant et pliant sous les doubles fardeaux
Des blêmes nourrissons pendus à leurs seins vides
Et des petits enfants attachés sur leur dos.

En arrière, portés sur des branches unies,
De grands vieillards muets songeaient aux jours lointains
Et, soulevant parfois leurs paupières ternies,
Vers l'horizon perdu tournaient des yeux éteints.

Ils allaient. Mais soudain, quand la nuit dans, l'espace
Roulait, avec la peur, l'obscurité sans fin,
La tribu tout entière, épuisée et trop lasse,
Multipliait le cri terrible de sa faim.

Les chasseurs ont hier suivi des pistes fausses ;
Le renne prisonnier a rompu ses liens ;
L'ours défiant n'a pas trébuché dans les fosses ;
Le cerf n'est pas tombé sous les crocs blancs des chiens.

Le sol ne livre plus ni germes ni racines,
Le poisson se dérobe aux marais submergés ;
Rien, ni les acres fruits ni le flux des résines,
Ni la moelle épaisse au creux des os rongés.

Et voici qu'appuyés sur des haches de pierre,
Les mâles, dans l'horreur d'un songe inassouvi,
Ont compté tous les morts dont la chair nourricière
Fut le festin des loups, sur le chemin suivi.

Voici la proie humaine, offerte à leur délire,
Vieillards, femmes, enfants, les faibles, autour d'eux
Vautrés dans leur sommeil stupide, sans voir luire
Les yeux des carnassiers en un cercle hideux.

Les haches ont volé. Devant les corps inertes,
Dans la pourpre qui bout et coule en noirs ruisseaux,
Les meurtriers, fouillant les poitrines ouvertes,
Mangent les cœurs tout vifs, arrachés par morceaux.

Et tous, repus, souillés d'un sang qui fume encore,
Parmi les os blanchis épars sur le sol nu,
Aux blafardes lueurs de la nouvelle aurore,
Marchent, silencieux, vers le but inconnu.

Telle, de siècle en siècle incessamment errante,
Sur la neige durcie et le désert glacé
Ne laissant même pas sa trace indifférente,
La tribu, sans espoir et sans rêve, a passé.

Tels, les Fils de l'Exil, suivant le bord des fleuves
Dont les vallons emplis traçaient le large cours,
Sauvages conquérants des solitudes neuves,
Ont avancé, souffert et pullulé toujours ;

Jusqu'à l'heure où, du sein des vapeurs méphitiques,
Dont le rideau flottant se déchira soudain,
Une terre, pareille aux demeures antiques,
A leurs yeux éblouis fleurit comme un jardin.

Devant eux s'étalait calme, immense et superbe,
Comme un tapis changeant au pied des monts jeté,
Un pays, vierge encore, où, mugissant dans l'herbe,
Des vaches au poil blanc paissaient en liberté.

Et sous les palmiers verts, parmi les fleurs nouvelles,
Les étalons puissants, les cerfs aux pieds légers
Et les troupeaux épars des fuyantes gazelles
Écoutaient sans effroi les pas des étrangers.

C'était là. Le Destin, dans l'aube qui se lève,
Au terme de l'Exil ressuscitait pour eux,
Comme un réveil tardif après un sombre rêve,
Le vivant souvenir des siècles bienheureux.

La Vie a rejailli de la source féconde,
Et toute soif s'abreuve à son flot fortuné,
Et le désert se peuple et toute chair abonde,
Et l'homme pacifique est comme un nouveau-né.

Il revoit le Soleil, l'immortelle Lumière,
Et le ciel où, témoins des clémentes saisons,
Des astres reconnus, à l'heure coutumière,
Montent, comme autrefois, sur les vieux horizons.

Et plus ****, par delà le sable monotone,
Il voit irradier, comme un profond miroir,
L'étincelante mer dont l'infini frissonne
Quand le Soleil descend dans la rougeur du soir.

Et le Ciel sans limite et la Nature immense,
Les eaux, les bois, les monts, tout s'anime à ses yeux.
Moins aveugle et moins sourd, un univers commence
Où son cœur inquiet sent palpiter des Dieux.

Ils naissent du chaos où s'ébauchaient leurs formes,
Multiples et sans noms, l'un par l'autre engendrés ;
Et le reflet sanglant de leurs ombres énormes
D'une terreur barbare emplit les temps sacrés.

Ils parlent dans l'orage ; ils pleurent dans l'averse.
Leur bras libérateur darde et brandit l'éclair,
Comme un glaive strident qui poursuit et transperce
Les monstres nuageux accumulés dans l'air.

Sur l'abîme éternel des eaux primordiales
Nagent des Dieux prudents, tels que de grands poissons ;
D'infaillibles Esprits peuplent les nuits astrales ;
Des serpents inspirés sifflent dans les buissons.

Puis, lorsque surgissant comme un roi, dans l'aurore,
Le Soleil triomphal brille au firmament bleu,
L'homme, les bras tendus, chante, contemple, adore
La Majesté suprême et le plus ancien Dieu ;

Celui qui féconda la Vie universelle,
L'ancêtre vénéré du jour propice et pur,
Le guerrier lumineux dont le disque étincelle
Comme un bouclier d'or suspendu dans l'azur ;

Et celui qui parfois, formidable et néfaste,
Immobile au ciel fauve et morne de l'Été,
Flétrit, dévore, embrase, et du désert plus vaste
Fait, jusqu'aux profondeurs, flamber l'immensité.

Mais quand l'homme, éveillant l'éternelle Nature,
Ses formes, ses couleurs, ses clartés et ses voix,
Fut seul devant les Dieux, fils de son âme obscure,
Il tressaillit d'angoisse et supplia ses Rois.

Alors, ô Souverains ! les taureaux et les chèvres
D'un sang expiatoire ont inondé le sol ;
Et l'hymne évocateur, en s'échappant des lèvres,
Comme un aiglon divin tenta son premier vol.

Idoles de granit, simulacres de pierre,
Bétyles, Pieux sacrés, Astres du ciel serein,
Vers vous, avec l'offrande, a monté la prière,
Et la graisse a fumé sur les autels d'airain.

Les siècles ont passé ; les races successives
Ont bâti des palais, des tours et des cités
Et des temples jaloux, dont les parois massives
Aux profanes regards cachaient les Dieux sculptés.

Triomphants tour à tour ou livrés aux insultes,
Voluptueux, cruels, terribles ou savants,
Tels, vous avez versé pour jamais, ô vieux cultes !
L'ivresse du Mystère aux âmes des vivants.

Tels vous traînez encore, au fond de l'ombre ingrate,
Vos cortèges sacrés, lamentables et vains,
Du vieux Nil à la mer et du Gange à l'Euphrate,
Ô spectres innommés des ancêtres divins !

Et dans le vague abîme où gît le monde antique,
Luit, comme un astre mort, au ciel religieux,
La sombre majesté de l'Orient mystique,
Berceau des nations et sépulcre des Dieux.
brandon nagley Jun 2015
yeux de TwiligLanguecoquette
Me noyer dans ta bave
Vivifier moi tranquille veut
Sable nuits nous Endulge dans
Obscurci par l'opacité des duskiness
Préparez-moi dans airify fraîche
Jog moi comme au sein ont été clarifiées
Faire un tour
Montez,
Talk toothsome
Sirupeux ludique
Glissant sur ourn propre amour
Sueur Ambrosial
Pas savoir aux hommes ou aux fantômes
High Hopes rester élevé
extranjeros amorosas contrairement à la plupart
Chéri
Bien fait
Kins d'exposition au-delà
Non destiné à la page en kiosque
Éveils subissent-sons popping
Sécréter les crys de chiens hurlants
Dynamitage comme un sprite
Délicieux sur des plaques d'esprits
Plébéiens à l'attribut non du monde
Brutes de la romance désespérée
Nous feras danser l'amour de la mine de danse
Nous seras valse dans laquelle tu ourn étapes
Voyage un de l'autre!      ( french)

English-

Twilight eyes
Flirtatious tongue
Drown me in thy slaver
Vivify me for tranquil wants
Sable nights endulge us in
Obscured by opacity of duskiness
Brace me in cool airify
Jog me as within were clarified
Take a ride
Get in,
Toothsome talk
Syrupy playful
Slippery on ourn own amour
Ambrosial sweat
Not known to men or ghosts
High hopes to stay high
extranjeros amorosas unlike the most
Darling
Well made
Kins of afterlife exposure
Not meant for newsstand page
Arousals heated popping sounds
Secrete the howling dog crys
Blasting out as a sprite
Delicious on plates of minds
Plebians to non world attribute
Brutes of hopeless romance
We shalt dance the dance mine love
We shalt waltz wherein ourn steps shalt
Trip one another!!!
I know I messed up words or two in french Version don't wanna fix it lol oh well
Le soleil va porter le jour à d'autres mondes ;
Dans l'horizon désert Phébé monte sans bruit,
Et jette, en pénétrant les ténèbres profondes,
Un voile transparent sur le front de la nuit.

Voyez du haut des monts ses clartés ondoyantes
Comme un fleuve de flamme inonder les coteaux,
Dormir dans les vallons, ou glisser sur les pentes,
Ou rejaillir au **** du sein brillant des eaux.

La douteuse lueur, dans l'ombre répandue,
Teint d'un jour azuré la pâle obscurité,
Et fait nager au **** dans la vague étendue
Les horizons baignés par sa molle clarté !

L'Océan amoureux de ces rives tranquilles
Calme, en baisant leurs pieds, ses orageux transports,
Et pressant dans ses bras ces golfes et ces îles,
De son humide haleine en rafraîchit les bords.

Du flot qui tour à tour s'avance et se retire
L'oeil aime à suivre au **** le flexible contour :
On dirait un amant qui presse en son délire
La vierge qui résiste, et cède tour à tour !

Doux comme le soupir de l'enfant qui sommeille,
Un son vague et plaintif se répand dans les airs :
Est-ce un écho du ciel qui charme notre oreille ?
Est-ce un soupir d'amour de la terre et des mers ?

Il s'élève, il retombe, il renaît, il expire,
Comme un coeur oppressé d'un poids de volupté,
Il semble qu'en ces nuits la nature respire,
Et se plaint comme nous de sa félicité !

Mortel, ouvre ton âme à ces torrents de vie !
Reçois par tous les sens les charmes de la nuit,
A t'enivrer d'amour son ombre te convie ;
Son astre dans le ciel se lève, et te conduit.

Vois-tu ce feu lointain trembler sur la colline ?
Par la main de l'Amour c'est un phare allumé ;
Là, comme un lis penché, l'amante qui s'incline
Prête une oreille avide aux pas du bien-aimé !

La vierge, dans le songe où son âme s'égare,
Soulève un oeil d'azur qui réfléchit les cieux,
Et ses doigts au hasard errant sur sa guitare
Jettent aux vents du soir des sons mystérieux !

" Viens ! l'amoureux silence occupe au **** l'espace ;
Viens du soir près de moi respirer la fraîcheur !
C'est l'heure; à peine au **** la voile qui s'efface
Blanchit en ramenant le paisible pêcheur !

" Depuis l'heure où ta barque a fui **** de la rive,
J'ai suivi tout le jour ta voile sur les mers,
Ainsi que de son nid la colombe craintive
Suit l'aile du ramier qui blanchit dans les airs !

" Tandis qu'elle glissait sous l'ombre du rivage,
J'ai reconnu ta voix dans la voix des échos ;
Et la brise du soir, en mourant sur la plage,
Me rapportait tes chants prolongés sur les flots.

" Quand la vague a grondé sur la côte écumante,
À l'étoile des mers j'ai murmuré ton nom,
J'ai rallumé sa lampe, et de ta seule amante
L'amoureuse prière a fait fuir l'aquilon !

" Maintenant sous le ciel tout repose, ou tout aime :
La vague en ondulant vient dormir sur le bord ;
La fleur dort sur sa tige, et la nature même
Sous le dais de la nuit se recueille et s'endort.

" Vois ! la mousse a pour nous tapissé la vallée,
Le pampre s'y recourbe en replis tortueux,
Et l'haleine de l'onde, à l'oranger mêlée,
De ses fleurs qu'elle effeuille embaume mes cheveux.

" A la molle clarté de la voûte sereine
Nous chanterons ensemble assis sous le jasmin,
Jusqu'à l'heure où la lune, en glissant vers Misène,
Se perd en pâlissant dans les feux du matin. "

Elle chante ; et sa voix par intervalle expire,
Et, des accords du luth plus faiblement frappés,
Les échos assoupis ne livrent au zéphire
Que des soupirs mourants, de silence coupés !

Celui qui, le coeur plein de délire et de flamme,
A cette heure d'amour, sous cet astre enchanté,
Sentirait tout à coup le rêve de son âme
S'animer sous les traits d'une chaste beauté ;

Celui qui, sur la mousse, au pied du sycomore,
Au murmure des eaux, sous un dais de saphirs,
Assis à ses genoux, de l'une à l'autre aurore,
N'aurait pour lui parler que l'accent des soupirs ;

Celui qui, respirant son haleine adorée,
Sentirait ses cheveux, soulevés par les vents,
Caresser en passant sa paupière effleurée,
Ou rouler sur son front leurs anneaux ondoyants ;

Celui qui, suspendant les heures fugitives,
Fixant avec l'amour son âme en ce beau lieu,
Oublierait que le temps coule encor sur ces rives,
Serait-il un mortel, ou serait-il un dieu ?...

Et nous, aux doux penchants de ces verts Elysées,
Sur ces bords où l'amour eût caché son Eden,
Au murmure plaintif des vagues apaisées,
Aux rayons endormis de l'astre élysien,

Sous ce ciel où la vie, où le bonheur abonde,
Sur ces rives que l'oeil se plaît à parcourir,
Nous avons respiré cet air d'un autre monde,
Elyse !... et cependant on dit qu'il faut mourir !
Élégie.


J'ai mendié seize ans le pain de chaque jour,
Ce pain noir, accordé, refusé tour à tour ;
Je bois l'eau du torrent, je couche sur la terre ;
Sur le bord d'un chemin j'ai vu mourir ma mère !
Et seule désormais, au **** portant mes pas,
Je souris à la foule et je pleure tout bas.

Je poursuis en tous lieux ma course vagabonde,
Avançant au hasard, je traverse le monde.
- C'est que, dans l'univers, nul pays n'est le mien ;
C'est que j'erre ici-bas, sans amis, sans lien.
Dieu me déshérita dans le commun partage
Des biens qu'il donne à tous pour les jours du voyage ;
Je n'ai reçu du ciel, depuis mes jeunes ans,
Que ma place au soleil, comme la fleur des champs !
Pour nous deux au printemps s'arrêtera la vie,
L'hiver est **** encore... et je tombe flétrie !

Dans ma peuplade errante on citait ma beauté,
Mais pour moi, parmi vous, nul cœur n'a palpité ;
Aux yeux des hommes blancs, je ne puis être belle :
Je ressemble à la nuit, je suis sombre comme elle.
Mon âme est à jamais vouée à la douleur,
Et je n'ai des heureux pas même la couleur !...
Si j'ose quelquefois approcher de leur fête,
C'est qu'aux pieds des passants je viens courber ma tête,
Je viens tendre vers eux une tremblante main ;
Je demande le soir le pain du lendemain,
Et quand, sur les pavés, une légère aumône
Retentit en glissant de la main qui la donne,
Je pars - sûre du moins d'un jour pour avenir !
Puis, lorsqu'à l'horizon la lune va venir,
Comme l'oiseau courbant sa tête sous son aile,
J'attends auprès de lui l'heure où son chant m'appelle.
Si de ma vie, hélas ! je remonte le cours,
Pas un seul souvenir ne marque un de mes jours...

Qu'ai-je dit ! - Au milieu des ennuis que je pleure,
Le passé m'a laissé le souvenir... d'une heure !
Triste et rapide éclair d'un seul instant d'espoir,
Qui laissait en fuyant le ciel encor plus noir.
J'aimai !... croyant l'amour une divine aumône,
Que Dieu réserve à ceux que le monde abandonne !

C'était un soir, je crois, que passant par hasard,
Il arrêta sur moi son triste et doux regard.
« Ce ciel brûlant, » dit-il, « annonce la tempête ;
« Va chercher, jeune fille, un abri pour ta tête. »
Sa main en se baissant s'approcha de mes mains...
Et je ne souffris plus des maux qu'il avait plaints !
- Depuis lors, chaque jour, j'allais, sur son passage,
Attendre son regard. À ce muet langage
Tout mon cœur répondait, et ce cœur isolé
Se trouvait, d'un sourire, heureux et consolé !
Je fuyais devant lui ; pour mon sort plein d'alarmes,
Je craignais son argent, ne voulant que ses larmes.
Sans doute, il l'a compris ; par un léger effort,
Un jour, il prit ma main sans y laisser de l'or !
Il la serra. - Voilà, pour le cours de ma vie,
La somme de bonheur que Dieu m'a répartie.

Un soir, près d'une femme, il marchait, parlait bas ;
J'attendis son regard.... son regard ne vint pas !...

J'ai repris, depuis lors, ma course monotone ;
Mais le sol est jonché des feuilles de l'automne ;
Comme elles, m'inclinant sous le souffle de l'air,
Sur l'herbe du coteau, je tombe avant l'hiver !
Marbre de Paros.

Un jour, au doux rêveur qui l'aime,
En train de montrer ses trésors,
Elle voulut lire un poème,
Le poème de son beau corps.

D'abord, superbe et triomphante
Elle vint en grand apparat,
Traînant avec des airs d'infante
Un flot de velours nacarat :

Telle qu'au rebord de sa loge
Elle brille aux Italiens,
Ecoutant passer son éloge
Dans les chants des musiciens.

Ensuite, en sa verve d'artiste,
Laissant tomber l'épais velours,
Dans un nuage de batiste
Elle ébaucha ses fiers contours.

Glissant de l'épaule à la hanche,
La chemise aux plis nonchalants,
Comme une tourterelle blanche
Vint s'abattre sur ses pieds blancs.

Pour Apelle ou pour Cléoméne,
Elle semblait, marbre de chair,
En Vénus Anadyomène
Poser nue au bord de la mer.

De grosses perles de Venise
Roulaient au lieu de gouttes d'eau,
Grains laiteux qu'un rayon irise,
Sur le frais satin de sa peau.

Oh ! quelles ravissantes choses,
Dans sa divine nudité,
Avec les strophes de ses poses,
Chantait cet hymne de beauté !

Comme les flots baisant le sable
Sous la lune aux tremblants rayons,
Sa grâce était intarissable
En molles ondulations.

Mais bientôt, lasse d'art antique,
De Phidias et de Vénus,
Dans une autre stance plastique
Elle groupe ses charmes nus.

Sur un tapis de Cachemire,
C'est la sultane du sérail,
Riant au miroir qui l'admire
Avec un rire de corail ;

La Géorgienne indolente,
Avec son souple narguilhé,
Etalant sa hanche opulente,
Un pied sous l'autre replié.

Et comme l'odalisque d'Ingres,
De ses reins cambrant les rondeurs,
En dépit des vertus malingres,
En dépit des maigres pudeurs !

Paresseuse odalisque, arrière !
Voici le tableau dans son jour,
Le diamant dans sa lumière ;
Voici la beauté dans l'amour !

Sa tête penche et se renverse ;
Haletante, dressant les seins,
Aux bras du rêve qui la berce,
Elle tombe sur ses coussins.

Ses paupières battent des ailes
Sur leurs globes d'argent bruni,
Et l'on voit monter ses prunelles
Dans la nacre de l'infini.

D'un linceul de point d'Angleterre
Que l'on recouvre sa beauté :
L'extase l'a prise à la terre ;
Elle est morte de volupté !

Que les violettes de Parme,
Au lieu des tristes fleurs des morts
Où chaque perle est une larme,
Pleurent en bouquets sur son corps !

Et que mollement on la pose
Sur son lit, tombeau blanc et doux,
Où le poète, à la nuit close,
Ira prier à deux genoux.
Tu dis que mes délires
D'orphie volante
Pour attendrir ta chair de conque
Sont nuls et non avenus.
Et que le chemin qui mène
A la crête du mont de Vénus
Est ardu et pentu et glissant
Surtout pour celui qui grimpe à bicyclette.

Je serais vantard
Je ne serais que vent fripon et couillonnade
Et tu n'as nul besoin de la marchandise
Que je te présente fraîche et dispose sur l'étal
Avec ce bec aux dents soi-disant acérées.

Je te promets pourtant de t'attendrir
J'ai la recette : elle est rare et je te l'offre
C'est une recette simple et infaillible
Comme gage de notre désir de nous fondre dans nos ombres

Je te chante en latin lubricus
Première classe des adjectifs masculins,
Nominatif singulier
Comme l'ont chanté avant moi Tacite, Horace, Virgile, Pline
Ovide et autres
Qui est la racine de lubrique
Et qui veut dire glissant

C'est-à-dire lisse, poli, gluant, dangereux, périlleux, coulant,
Insaisissable, fuyant, inconstant, incertain, décevant, trompeur, séduisant,

Chancelant, disposé, prêt à, hasardeux, délicat et mobile
Si l'on en croit le Gaffiot de 1934
Et je m'enroule en Aspidelaps lubricus
Serpent corail venimeux autour de ton ombre

Souffre donc que je te lustre de l'antidote
De mon ombre glissante
Et c'est dans l'ombre de nos ombres
Que nous sommes lubriques
Que nous sommes lumière
Haletant, bavant, buvant goutte à goutte
Nos cantiques les plus luxurieux.

Ce sont comme des envies de femme enceinte
Irrépressibles
Inexplicables
Incompréhensibles
Et pourtant sourdes et réelles
Incontournables
Je veux que ces envies jaillissent
De nos inconsciences charnelles
Et prolifèrent, nous mordent
Nous griffent, nous lacèrent
Nous démantibulent.

Nos pondaisons ne sont jamais stériles.
Nos jaunes pochés éclatent
Dans l'eau bouillante de nos verbes
De toutes les couleurs de l'arc en ciel
Et nos coquilles ont toutes les formes géométriques
Et s'imbriquent
Comme par miracle
Comme des poupées-gigognes.
À M. Decaisne.

O femme, éclair vivant dont l'éclat me renverse !
O vase de splendeur qu'un jour de Dieu transperce !
Pourquoi nos yeux ravis fondent-ils sous les tiens ?
Pourquoi mon âme en vain sous ma main comprimée
S'élance-t-elle à toi, comme une aigle enflammée
Dont le feu du bûcher a brisé les liens ?

Déjà l'hiver blanchit les sommets de ma vie.
Sur la route au tombeau, que mes pieds ont suivie,
Ah ! j'ai derrière moi bien des nuits et des jours !
Un regard de quinze ans, s'il y daignait descendre,
Dans mon cœur consumé ne remûrait que cendre,
Cendre de passions qui palpitent toujours !

Je devrais détourner mon cœur de leur visage,
Me ranger en baissant les yeux sur leur passage,
Et regarder de **** ces fronts éblouissants,
Comme l'on voit monter de leur urne fermée
Les vagues de parfum et de sainte fumée
Dont les enfants de chœur vont respirer l'encens.

Je devrais contempler avec indifférence
Ces vierges, du printemps rayonnante espérance,
Comme l'on voit passer sans regret et sans pleurs,
Au bord d'un fleuve assis, ces vagues fugitives
Dont le courant rapide emporte à d'autres rives
Des flots où des amants ont effeuillé des fleurs.

Cependant, plus la vie au soleil s'évapore,
O filles de l'Éden, et plus on vous adore !
L'odeur de vos soupirs nous parfume les vents ;
Et même quand l'hiver de vos grâces nous sèvre,
Non, ce n'est pas de l'air qu'aspire votre lèvre :
L'air que vous respirez, c'est l'âme des vivants !

Car l'homme éclos un jour d'un baiser de ta bouche,
Cet homme dont ton cœur fut la première couche,
Se souvient à jamais de son nid réchauffant,
Du sein où de sa vie il puisa l'étincelle,
Des étreintes d'amour au creux de ton aisselle,
Et du baiser fermant sa paupière d'enfant !

Mais si tout regard d'homme à ton visage aspire,
Ce n'est pas seulement parce que ton sourire
Embaume sur tes dents l'air qu'il fait palpiter,
Que sous le noir rideau des paupières baissées
On voit l'ombre des cils recueillir des pensées
Où notre âme s'envole et voudrait habiter ;

Ce n'est pas seulement parce que de ta tête
La lumière glissant, sans qu'un angle l'arrête,
Sur l'ondulation de tes membres polis,
T'enveloppe d'en haut dans ses rayons de soie
Comme une robe d'air et de jour, qui te noie
Dans l'éther lumineux d'un vêtement sans plis ;

Ce n'est pas seulement parce que tu déplies
Voluptueusement ces bras dont tu nous lies,
Chaîne qui d'un seul cœur réunit les deux parts,
Que ton cou de ramier sur l'aile se renverse,
Et que s'enfle à ton sein cette coupe qui verse
Le nectar à la bouche et l'ivresse aux regards :

Mais c'est que le Seigneur en toi, sa créature,
Alluma le foyer des feux de la nature ;
Que par toi tout amour a son pressentiment ;
Que toutes voluptés, dont le vrai nom est femme,
Traversent ton beau corps ou passent par ton âme,
Comme toutes clartés tombent du firmament !

Cette chaleur du ciel, dont ton sein surabonde,
A deux rayonnements pour embraser le monde,
Selon que son foyer fait ondoyer son feu.
Lorsque sur un seul cœur ton âme le condense,
L'homme est roi, c'est l'amour ! il devient providence
Quand il s'épand sur tous et rejaillit vers Dieu.

Alors on voit l'enfant, renversé sur ta hanche,
Effeuiller le bouton que ta mamelle penche,
Comme un agneau qui joue avec le flot qu'il boit ;
L'adolescent, qu'un geste à tes genoux rappelle,
Suivre de la pensée, au livre qu'il épelle,
La sagesse enfantine écrite sous ton doigt ;

L'orphelin se cacher dans les plis de ta robe,
L'indigent savourer le regard qu'il dérobe,
Le vieillard à tes pieds s'asseoir à ton soleil ;
Le mourant dans son lit, retourné sans secousse
Sur ce bras de la femme où la mort même est douce,
S'endormir dans ce sein qu'il pressait au réveil !

Amour et charité, même nom dont on nomme
La pitié du Très-Haut et l'extase de l'homme !
Oui, tu l'as bien compris, peintre aux langues de feu !
La beauté, sous ta main, par un double mystère,
Unit ces deux amours du ciel et de la terre.
Ah ! gardons l'un pour l'homme, et brûlons l'autre à Dieu.
II.

Le jour s'enfuit des cieux ; sous leur transparent voile
De moments en moments se hasarde une étoile ;
La nuit, pas à pas, monte au trône obscur des soirs ;
Un coin du ciel est brun, l'autre lutte avec l'ombre,
Et déjà, succédant au couchant rouge et sombre,
Le crépuscule gris meurt sur les coteaux noirs.

Et là-bas, allumant ses vitres étoilées,
Avec sa cathédrale aux flèches dentelées,
Les tours de son palais, les tours de sa prison,
Avec ses hauts clochers, sa bastille obscurcie,
Posée au bord du ciel comme une longue scie,
La ville aux mille toits découpe l'horizon.

Oh ! qui m'emportera sur quelque tour sublime
D'où la cité sous moi s'ouvre comme un abîme !
Que j'entende, écoutant la ville où nous rampons,
Mourir sa vaste voix, qui semble un cri de veuve,
Et qui, le jour, gémit plus haut que le grand fleuve,
Le grand fleuve irrité luttant contre les ponts !

Que je voie, à mes yeux en fuyant apparues,
Les étoiles des chars se croiser dans les rues,
Et serpenter le peuple en l'étroit carrefour,
Et tarir la fumée au bout des cheminées,
Et, glissant sur le front des maisons blasonnées,
Cent clartés naître, luire et passer tour à tour !

Que la vieille cité, devant moi, sur sa couche
S'étende, qu'un soupir s'échappe de sa bouche,
Comme si de fatigue on l'entendait gémir !
Que, veillant seul, debout sur son front que je foule,
Avec mille bruits sourds d'océan et de foule,
Je regarde à mes pieds la géante dormir !

Juillet 1828.
Je voudrais bien richement jaunissant
En pluie d'or goutte à goutte descendre
Dans le beau sein de ma belle Cassandre,
Lors qu'en ses yeux le somme va glissant.

Je voudrais bien en taureau blanchissant
Me transformer pour finement la prendre,
Quand en avril par l'herbe la plus tendre
Elle va, fleur, mille fleurs ravissant.

Je voudrais bien alléger ma peine,
Etre un Narcisse, et elle une fontaine,
Pour m'y plonger une nuit à séjour ;

Et voudrais bien que cette nuit encore
Durât toujours sans que jamais l'Aurore
Pour m'éveiller ne rallumât le jour.
Il est un bosquet sombre où se cache la rose,

Et le doux rossignol y va souvent gémir ;

Il est un fleuve pur dont le cristal l'arrose :

Ce fleuve, on l'a nommé le calme Bendemir.


Dans ma rêveuse enfance, où mon cœur se replonge,

Lorsque je ressemblais au mobile roseau,

En glissant sous les fleurs comme au travers d'un songe

J'écoutais l'eau fuyante et les chants de l'oiseau.


Je n'ai pas oublié cette musique tendre,

Qui remplissait les airs d'un murmure enchanté ;

Dans ma chaîne souvent il m'a semblé l'entendre :

J'ai dit : Le rossignol là-bas a-t-il chanté ?


Penchent-elles encor leurs têtes couronnées,

Ces belles fleurs, dans l'eau que j'écoutais gémir ?

Non, elles étaient fleurs ; le temps les a fanées,

Et leur chute a troublé le calme Bendemir.


Mais lorsqu'elles brillaient dans l'éclat de leurs charmes,

Avant de s'effeuiller sur l'humide tombeau,

On puisa dans leur sein ces odorantes larmes

Qui rappellent l'été dont le règne est si beau !


Ainsi le souvenir rend à mes rêveries

Les chants du rossignol que j'écoutais gémir ;

Et ma chaîne s'étend jusqu'aux rives fleuries

Où je crois voir couler le calme Bendemir.
Amour, divin rôdeur, glissant entre les âmes,
Sans te voir de mes yeux, je reconnais tes flammes.
Inquiets des lueurs qui brûlent dans les airs,
Tous les regards errants sont pleins de tes éclairs...

C'est lui ! Sauve qui peut ! Voici venir les larmes !...
Ce n'est pas tout d'aimer, l'amour porte des armes.
C'est le roi, c'est le maître, et, pour le désarmer,
Il faut plaire à l'Amour : ce n'est pas tout d'aimer !
Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure !
Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir !
Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir !

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique !
Comme d'autres esprits voguent sur la musique,
Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum.

J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, pleins de sève,
Se pâment longuement sous l'ardeur des climats ;
Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève !
Tu contiens, mer d'ébène, un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts :

Un port retentissant où mon âme peut boire
A grands flots le parfum, le son et la couleur ;
Où les vaisseaux, glissant dans l'or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D'un ciel pur où frémit l'éternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoureuse d'ivresse
Dans ce noir océan où l'autre est enfermé ;
Et mon esprit subtil que le roulis caresse
Saura vous retrouver, ô féconde paresse,
Infinis bercements du loisir embaumé !

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l'azur du ciel immense et rond ;
Sur les bords duvetés de vos mèches tordues
Je m'enivre ardemment des senteurs confondues
De l'huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps ! toujours ! ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde !
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume à longs traits le vin du souvenir ?
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
A Henslo Jul 2021
Assise sur le banc
du bac de Gouderak
elle atteint soudainement
pour son vélo glissant.
Par accident elle me
donne un coup de pied.

Puis un regard
de véritable regret

Aucune traversée
est assez longue pour
oublier cet oeillade
bien affectionnée.

Le navire arrive au quai.
La rampe est ouverte.
Elle s'éclipse le long de la digue —
mes émotions fraîches
toujours inconnus.
Gouderak est une commune située sur l'Yssel hollandais près de Gouda, aux Pays-Bas.
Toujours, même en un désastre,
Les yeux étaient éblouis,
Le grand Louis, c'était l'astre ;
Dieu, c'était le grand Louis.

Bossuet était fort pleutre,
Racine inclinait son vers ;
Corneille seul, sous son feutre,
Regardait Dieu de travers.

Votre race est ainsi faite ;
Et le monde est à son gré
Pourvu qu'elle ait sur sa tête
Un olympe en bois doré.

La Fontaine offrait ses fables ;
Et, soudain, autour de lui,
Les courtisans, presque affables,
Les ducs au sinistre ennui,

Les Bâvilles, les Fréneuses,
Les Tavannes teints de sang,
Les altesses vénéneuses,
L'affreux chandelier glissant,

Les Louvois nés pour proscrire,  
Les vils Chamillards rampants,
Gais, tournaient leur noir sourire
Vers ce charmeur de serpents.

— The End —