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De vous le dire je m'empresse...
Oh ! la fâcheuse inversion !
D'ailleurs la seule qui paraisse
Être échappée à ma paresse,
Au cours de cette édition.

Je m'empresse de vous le dire,
Allons ! voilà qui va bien mieux !
Je ne suis pas (faut-il l'écrire ?)
Un poète, je suis sans lyre.
Je crois que cela saute aux yeux.

Mais, vous m'avez dit, d'aventure,
Un soir : « Je n'aime pas les vers. »
Or, nous revenions en voiture ;
« Quoi ? pas même ceux de Voiture ? »
Je vous regardai de travers.

Je trouvai la chose hardie.
Nous traversions le carrefour,
De l'Ancienne Comédie,
« Moi, je les aime, quoiqu'on dise  
Presqu'autant que faire l'amour. »

La rue était silencieuse,
Pas un soupir d'accordéon,
Et sous vos yeux de scabieuse
Là-bas se dressait, soucieuse,
La façade de l'Odéon.

Vous voyez, j'ai bonne mémoire.
Eh ! bien ! ce mot d'après dîner,
Si j'ai composé mon grimoire,
C'est de sa faute, et c'est histoire,Madame, de vous taquiner.

Et je vous le jette... à la tête ?
Ah ! fi ! Sur les bras ?... oh ! que non ?
Dans les jambes ?... Ce serait bête.
Ou tu le verrais à la fête,
C'est entre ton fauteuil et ton...

Qu'on se le dise au Montparnasse,
Pays des vers estropiés,
Et des madrigaux à la glace :
Si je veux qu'il soit à sa place
Je le glisserais sous vos pieds.

Toutefois, du fond de ton siège
Reçois-le comme un compliment
« À la française »... qu'on abrège
Si l'on entend : « Est-ce qu'il neige ? »
Ou si l'on vous dit : « C'est charmant. »
L'être que j'adore en ce monde,
Eût-il les pieds noirs et des poux,
C'est le mendiant, il m'inonde
Le cœur d'une extase profonde ;
Je lui baiserais les genoux.

D'abord il convient de vous dire
Que si je ne l'adorais pas,
Ça ferait peut-être sourire ;
On penserait : Hé ! le bon sire !
Il a le « trac » pour ses ducats.

Il a peur de faire l'aumône,
Ou qu'on le vole, il a raison
Dans la vie, ah ! tout n'est pas jaune,
Et mon ami le plus béjaune
Ne viendrait pas à la maison.

Ou, s'il venait, il voudrait faire,
Tout comme moi, les mêmes frais,
Nous compterions, quelle misère !
Et s'il me cassait, quoi ? son verre ?
Ah ! la tête que je ferais !

Je parlerais de ma famille
Tant, que c'en serait Han-Mer-Dent :
« J'ai ma femme, mon fils, ma fille ;
Oui, la petite est très gentille,
Mais ça coûte. - C'est évident ! »

Le mendiant, qu'est-ce qu'il coûte ?
Titus disait : un heureux jour.
Quand nous verrons plus d'une goutte,
Chacun trouvera sur sa route
Qu'avec cet homme, on fait l'amour.

Je l'aime, comme une parente,
Pauvre... mais ça... c'est un détail...,
D'une façon bien différente.
Si j'avais mille francs de rente.
Je lui donnerais... du travail.

Je lui dirais : Tu vas me faire
Un bonhomme sur ce papier.
- « Monsieur, je ne dessine guère, »
Alors... de me foutre en colère,
Trouves-tu cela trop... pompier ?

Il dessinerait son bonhomme
Bien ou mal, naturellement.
Je dirais : Combien ? - « Telle somme. »
Et je paierais ; c'est presque, en somme,
Ce que fait le Gouvernement.

Le mendiant, mais c'est mon frère !
Comment, mon frère ? Mais, c'est moi.
Je commence par me la faire,
La charité, la chose est claire.
Tu te la fais aussi, va, Toi.

Moi, souvent « je me le demande »
Et demande, quand ça me plaît.
Et bien ! pour ma langue gourmande,
Plus que la vôtre n'est normande,
Si saint Pierre ouvrait son volet

Seulement pour une seconde :
Si je suis là, si je le vois,
Bien que je doute qu'il réponde,
Je lui demande la plus ronde
Des lunes qui rient dans les bois.

Et si, - surprise ! et joie extrême ! -
J'entends : « tiens ! enfant, la voici ! »
Comme avec tes baisers que j'aime,
Je me barbouille tout de crème,
Sans seulement dire : merci.
C'est la triste feuille morte
Que le vent d'octobre emporte,
C'est la lune, au front du jour,
Que nulle étoile n'escorte,
Au soleil, c'est mon amour,
L'enfant plus pâle que blanche :
Beau fruit mourant sur la branche !

Mais quand la nuit est levée
Je vois la Chère Eprouvée
Qui n'en rayonne que mieux
Dans sa pâleur ravivée.
Et ce m'est délicieux
Comme l'aube de la lune
Aux voyageurs de fortune !

C'est le plus doux des visages
La lampe des Vierges sages
Brûle avec cette douceur.
Esprit des pèlerinages,
Voix de mère et coeur de soeur !
J'ai donné ma vie à Celle
Dont la pâleur étincelle !
Je porte un nom assez... bizarre,
Tu diras : « Ton cas n'est pas rare. »
Oh !... je ne pose pas pour ça,
Du tout... mais... permettez, Madame,
Je découvre en son anagramme :
Amour ingénue, et puis : Va !

Si... comme un régiment qu'on place
Sous le feu... je change la face...
De ce nom... drôlement venu,
Dans le feu sacré qui le dore,
Tiens ! regarde... je lis encore :
Amour ignée, et puis : Va, nu !

Pas une lettre de perdue !
Il avait la tête entendue,
Le parrain qui me le trouva !
Mais ce n'est pas là tout, écoute !
Je lis encor, pour Toi, sans doute :
Amour ingénu, puis : Éva !

Tu sais... nous ne sommes... peut-être
Les seuls amours... qu'on ait vus naître ;
Il en naît... et meurt tous les jours ;
On en voit sous toutes les formes ;
Et petits, grands... ou même énormes,
Tous les hommes sont des amours.

Pourtant... ce nom me prédestine...
À t'aimer, ô ma Valentine !
Ingénument, avec mon corps,
Avec mon cœur, avec mon âme,
À n'adorer que Vous, Madame,
Naturellement, sans efforts.

Il m'invite à brûler sans trêve,
Comme le cierge qui s'élève
D'un feu très doux à ressentir,
Comme le Cierge dans l'Église ;
À ne pas garder ma chemise
Et surtout... à ne pas mentir.

Et si c'est la mode qu'on nomme
La compagne du nom de l'homme,
J'appellerai ma femme : Éva.
J'ôte É, je mets lent, j'ajoute ine,
Et cela nous fait : Valentine !
C'est un nom chic ! et qui me va !

Tu vois comme cela s'arrange.
Ce nom, au fond, est moins étrange
Que de prime abord il n'a l'air.
Ses deux majuscules G. N.
Qui font songer à la Géhenne
Semblent les Portes de l'Enfer !

Eh, bien !... mes mains ne sont pas fortes,
Mais Moi, je fermerai ces Portes,
Qui ne laisseront plus filtrer
Le moindre rayon de lumière,
Je les fermerai de manière
Qu'on ne puisse jamais entrer.

En jouant sur le mot Géhenne,
J'ai, semble-t-il dire, la Haine,
Et je ne l'ai pas à moitié,
Je l'ai, je la tiens, la Maudite !
Je la tiens bien, et toute, et vite,
Je veux l'étrangler sans pitié !

Puisque c'est par Elle qu'on souffre,
Qu'elle est la Bête aux yeux de soufre
Qu'elle n'écoute... rien du tout,
Qu'elle ment, la sale mâtine !
Et pour qu'on s'aime en Valentine
D'un bout du monde à l'autre bout.
La serviette est une servante,
Le savon est un serviteur,
Et l'éponge est une savante ;
Mais le peigne est un grand seigneur.

Oui, c'est un grand seigneur, Madame,
Des plus nobles par la hauteur
Et par la propreté de l'âme.
Oui, le peigne est un grand seigneur !

Quoi ? l'on ose dire à voix haute
Sale comme un... Du fond du cœur
Que l'on réponde ! À qui la faute ?
Mais le peigne est un grand seigneur !

Oui, s'il n'est pas propre, le peigne,
À qui la faute ? À son auteur ?
N'est-ce pas plutôt à la teigne !
Car... le peigne est un grand seigneur.

La faute, elle est à qui le laisse
S'épanouir dans sa hideur.
C'est la faute... à notre paresse.
Lui, le peigne est un grand seigneur.

Oui, notre main est sa vassale,
Et s'il est sale, par malheur,
Il se f...iche un peu d'être sale,
Car le peigne est un grand seigneur.

Il ne veut nettoyer la tête,
Que si la main de son brosseur
Lui fait les dents ; je le répète,
Oui, le peigne est un grand seigneur.

Oui, c'est un grand seigneur, le peigne ;
Sans être rogue ou persifleur,
Sa devise serait : « Ne daigne. »
Car le peigne est un grand seigneur.

Grand seigneur, son dédain nous cingle,
Porteur d'épée, il est railleur,
Or, cette épée est une épingle,
Si le peigne est un grand seigneur.

Cette épingle, adroite et gentille,
Le rend propre comme une fleur,
Aux doigts de la petite fille
Dont le peigne est un grand seigneur.

Donc que je dise ou que tu dises
Qu'il est sale, mon beau parleur,
Il laisse tomber les bêtises,
Car le peigne est un grand seigneur.

Pour moi, je ne veux pas le dire :
Cela manquerait... de saveur,
Et puis cela ferait sourire ;
Non..., le peigne est un grand seigneur.

Sur vos dents fines et sans crasse,
Chaque matin j'ai cet honneur,
Mon beau peigne, je vous embrasse,
Et je suis votre serviteur.
Depuis longtemps, je voudrais faire
Son portrait, en pied, suis-moi bien :
Quand elle prend son air sévère,
Elle ne bouge et ne dit rien.

Ne croyez pas qu'Elle ne rie
Assez souvent ; alors, je vois
Luire un peu de sorcellerie
Dans les arcanes de sa voix.

Impérieuse, à n'y pas croire !
Pour le moment, pour son portrait,
(Encadré d'or pur, sur ivoire)
Plus sérieuse... qu'un décret.

Suivez-moi bien : son Âme est belle
Autant que son visage est beau,
Un peu plus... si je me rappelle
Que Psyché se rit du Tombeau.

Tout le Ciel est dans ses prunelles
Dont l'éclat... efface le jour,
Et qu'emplissent les éternelles
Magnificences de l'Amour ;

Et ses paupières sont ouvertes
Sur le vague de leur azur,
Toutes grandes et bien mieux, certes,
Que le firmament le plus pur.

L'arc brun de ses grands sourcils, digne
De la flèche d'amours rieurs,
Est presque un demi-cercle, signe
De sentiments supérieurs.

Sans ride morose ou vulgaire,
Son front, couronné... de mes vœux,
En fait de nuages n'a guère
Que l'ombre douce des cheveux.

Quand elle a dénoué sa tresse
Où flottent de légers parfums,
Sa chevelure la caresse
Par cascades de baisers bruns,

Qui se terminent en fumée
À l'autre bout de la maison,
Et quand sa natte est refermée
C'est la plus étroite prison,

Le nez aquilin est la marque
D'une âme prompte à la fureur,
Le sien serait donc d'un monarque
Ou d'une fille d'empereur ;

Ses deux narines frémissantes
Disent tout un trésor voilé
De délicatesses puissantes
Au fond duquel nul est allé.

Ses lèvres ont toutes les grâces
Comme ses yeux ont tout l'Amour,
Elles sont roses, point trop grasses,
Et d'un spirituel contour.

**, çà ! Monsieur, prenez bien garde
À tous les mots que vous jetez,
Son oreille fine les garde
Longtemps, comme des vérités.

L'ensemble vit, pense, palpite ;
L'ovale est fait de doux raccords ;
Et la tête est plutôt petite,
Proportionnée à son corps.

Esquissons sous sa nuque brune
Son cou qui semble... oh ! yes, indeed !
La Tour d'ivoire, sous la lune
Qui baigne la Tour de David ;

Laquelle, **** que je badine,
Existe encor, nous la voyons
Sur l'album de la Palestine,
Chez les gros marchands de crayons.

Je voudrais faire... les épaules.
Ici, madame, permettez
Que j'écarte l'ombre des saules
Que sur ces belles vous jetez...

Non ? vous aimez mieux cette robe
Teinte de la pourpre que Tyr
À ses coquillages dérobe
Dont son art vient de vous vêtir ;

Vous préférez à la nature
D'avant la pomme ou le péché,
Cette lâche et noble ceinture
Où votre pouce s'est caché.

Mais votre peintre aime l'éloge,
Et... l'on est le premier venu
Fort indigne d'entrer en loge,
Si l'on ne sait rendre le nu ;

S'il ne peut fondre avec noblesse
Cette indifférence d'acier
Où sa réflexion vous laisse,
Comment fera-t-il votre pied ?

Vos mains mignonnes, encor passe ;
Mais votre pied d'enfant de rois
Dont la cambrure se prélasse
Ainsi qu'un pont sur les cinq doigts,

Qu'on ne peut toucher sans qu'il parte
Avec un vif frémissement
Des doigts dont le pouce s'écarte,
Comme pour un... commandement...

Vous persistez, c'est votre affaire,
Faites, faites, ça m'est égal !
Je barbouille tout, de colère...
Et tant pis pour mon madrigal !
Je suis pédéraste dans l'âme,
Je le dis tout haut et debout.
Assis, je changerais de gamme,
Et, couché sur un lit, Madame,
Je ne le dirais plus du tout.

La pédérastie est un vice :
C'est l'avis de mon médecin.
Je le crois, il n'est pas novice
Quand il soutient que l'exercice
Le plus naturel, le plus sain,

Sain, comme la mer et son hâle,
L'honneur même de la maison,
Qui fait le regard le moins pâle,
Le plus magnifiquement mâle,
Sans aucune comparaison,

Le plus ravissant sur la terre,
C'est de froisser le traversin
D'une femme qu'on... désaltère,
Quand elle serait adultère,
Quand elle n'aurait qu'un seul sein.

C'est là le sentiment intime
De tous les peuples sous le ciel ;
Et je me fous, pour la maxime,
Que l'Exception règne ou rime
Même d'un air spirituel ;

De tous, oui, autant que nous sommes,
Aussi bien du Chinois charmant
Que du Français, peintre de pommes ;
Et c'est l'opinion des hommes
Qui furent des hommes, vraiment,

Plus forts que ceux dont leur église
Met les cercueils an Panthéon ;
Ce sont ceux-là qu'on poétise,
Par exemple... Abraham... Moïse,
Et, si tu veux... Napoléon.

C'est l'opinion du plus sage
Chez les Slaves au regard clair,
Chez les Germains au doux visage,
Chez les Latins au beau langage,
Et chez les Bretons au cœur fier.

C'est la tienne, Aimée, et la nôtre ;
C'est celle de tout bon cerveau,
Qui n'a contre elle qu'un... apôtre,
Un monsieur pourtant comme un autre,
Son nom ?... devra rimer en veau.

- Son nom, voyons ? - Comment, Madame
Son nom ? mais puisqu'il n'est pas pur,
Il souillerait, ce nom infâme,
Tes chastes oreilles de femme ;
Et puis, moi, je n'en suis pas sûr.

Si c'était une calomnie
Qu'une apparence aide à courir,
Je ferais une vilenie ;
Son nom ? Ah ! jamais de la vie !
J'aimerais cent fois mieux mourir !

La jolie école qu'il fonde,
Sans ce nom-là, pourra planer
Dans une obscurité profonde ;
La plus belle fille du monde
Comme l'on dit, ne peut donner...

D'ailleurs, Madame, cette école
Ne fait pas beaucoup d'adhérents :
Il n'ont pas de porte-parole ;
Et c'est comme une offre un peu molle
Qui rit à des indifférents.

Cependant, sa présence agace
Ceux qui la soupçonnent dans l'air ;
Car ce soupçon va, se déplace,
Et finalement vous enlace
Comme la vague dans la mer.

Ces messieurs lisent la gazette,
Dînent en ville assez bien mis ;
Quelquefois courtisent Lisette ;
J'approuve cela, mais, mazette !
Je n'en... gueule pas mes amis.

Oui, ce vilain soupçon nous gêne
Et pourrait submerger un jour,
Près de la niche, avec la chaîne,
L'Amitié, cette belle chienne,
Qui hurle à sa lune d'amour.

Pour moi, vous remarquerez comme
J'ai quelque grâce à protester :
Passant pour la moitié d'un homme,
N'aurais-je pas le droit, en somme,
De chercher à me compléter ?

Bien mieux, tiens ! je ne suis pas large,
Mais le plus raide des paris
Qu'on me le tienne, et je me charge
Sous les yeux du public, en marge,
Du plus vieux mouchard de Paris !

Or, je ne suis pas pédéraste ;
Que serait-ce si je l'étais !
Voyez, Madame, quel contraste !
Ah ! par la perruque d'Éraste !
Et maintenant... si je pétais !
Sonnez, sonnez haut sur la joue,
Baisers de la franche amitié,
Comme un fils de neuf ans qui joue,
Petit tapageur sans pitié.

Baiser du respect qui s'imprime
À la porte du cœur humain,
Comme avec l'aile d'une rime,
Effleurez à peine la main ;

Baiser d'affection armée,
De la mère au cœur noble et fier
Sur le front de la tête aimée,
Vibrez mieux que le bruit du fer.

Baiser d'affection aînée,
Ou de mère, le jour des prix,
Sur chaque tête couronnée
Laissez-vous tomber, sans mépris.

Baisers d'affections voisines,
Voltigez du rire joyeux
Des sœurs ou des jeunes cousines
Sur le nez, la bouche ou les yeux ;

Baiser plus doux que des paroles,
Baiser des communes douleurs,
Ferme en soupirant les corolles
Des yeux d'où s'échappent les pleurs :

Baiser de la passion folle
Baise la trace de ses pas,
Réellement, sans hyperbole,
Pour montrer que tu ne mens pas.

Baise un bas ourlet de sa robe,
L'éventail quitté par ses doigts,
Et si tout objet se dérobe,
Feins dans l'air de baiser sa voix ;

Et si l'on garde le silence,
Tu dois t'en aller, c'est plus sûr ;
Mais avant ton aile s'élance
Et tu t'appliques sur son mur.

Reviens plus joyeux que la veille,
Mouille son ongle musical,
Les bords riants de son oreille.
Que le monde te soit égal !

Baiser du désir qui veut mordre,
Pose-toi derrière le cou,
Dans la nuque où l'on voit se tordre
Une mèche qui te rend fou.

Sur sa bouche et sur sa promesse,
Profond et pur comme le jour,
Plus long qu'un prêtre à la grand messe,
Oubliez-vous, Baiser d'amour.
C'était en octobre, un dimanche,
Je revenais de déjeuner ;
Vous jouiez au lit, toute blanche,
Vos cartes dans votre main... franche,
Qui commence à les retourner.

Vous faisiez une réussite ;
Est-ce pour voir si je t'aimais ?
Est-ce la grande, ou la petite ?...
Vous avez dit haut, pas très vite :
« Les cartes ne mentent jamais ».

Au fait, pourquoi mentiraient-elles ?
Elles n'ont aucune raison,
Vous me faisiez des peurs mortelles,
Et... fixant sur moi vos prunelles :
« Une femme dans la maison. »

C'était vrai de vrai, tout de même !
Je ne dis rien et me tins coi.
Mais je dus paraître... un peu blême.
C'était une femme que j'aime,
Je ne veux pas dire pourquoi.

Puis vous parlâtes de concierge,
Car vous voyiez mon embarras.
Ah ! je vous dois un fameux cierge !
Bien que l'autre soit encor vierge
De l'enlacement de mes bras.

J'aime tout autant vous le dire
Et jeter ma faute au panier,
Belle sorcière... de Shakespeare :
La vérité, c'est ton empire,
Je n'essayerai pas de nier.

Il me faudrait faire un mensonge,
Ce qui te déplaît tellement
Que j'en frémis lorsque j'y songe...
Le temps a passé son éponge
Délicate sur ce moment.

Ah ! si ce n'était qu'une femme !
Si ce n'était qu'une maison !
Mais j'aime avec la même flamme
Et la demoiselle et la dame
Sur tous les points de l'horizon.

Toujours à la piste, aux écoutes,
Au guet, partout, sans respirer,
Je les suis, sur toutes les routes.
Si je ne les désirais toutes,
Je ne saurais vous adorer !

Oui, quand ainsi j'ai vu la femme
Pour toutes sortes de raisons...
Et je ris bien au fond de l'âme,
Nous avons à Paris, Madame,
Tant de femmes dans les maisons !
Mais gloire aux cathédrales !
Pleines d'ombre et de feux, de silence et de râles,
Avec leur forêt d'énormes piliers
Et leur peuple de saints, moines et chevaliers,
Ce sont des cités au-dessus des villes,
Que gardent seulement les sons irréguliers
De l'aumône, au fond des sébiles,
Sous leurs porches hospitaliers.
Humblement agenouillées
Comme leurs sœurs des champs dans les herbes mouillées,
Sous le clocher d'ardoise ou le dôme d'étain,
Où les angélus clairs tintent dans le matin,
Les églises et les chapelles
Des couvents,
Tout au **** vers elles,
Mêlent un rire allègre au rire amer des vents,
En joyeuses vassales ;
Mais elles, dans les cieux traversés des vautours,
Comme au cœur d'une ruche, aux cages de leurs tours,
C'est un bourdonnement de guêpes colossales.
Voyez dans le nuage blanc
Qui traverse là-haut des solitudes bleues,
Par-dessus les balcons d'où l'on voit les banlieues,
Voyez monter la flèche au coq étincelant,
Qui, toute frémissante et toujours plus fluette,
Défiant parfois les regards trop lents,
Va droit au ciel se perdre, ainsi que l'alouette.
Ceux-là qui dressèrent la tour
Avec ses quatre rangs d'ouïes
Qui versent la rumeur des cloches éblouies,
Ceux qui firent la porte avec les saints autour,
Ceux qui bâtirent la muraille,
Ceux qui surent ployer les bras des arcs-boutants,
Dont la solidité se raille
Des gifles de l'éclair et des griffes du temps ;
Tous ceux dont les doigts ciselèrent
Les grands portails du temple, et ceux qui révélèrent
Les traits mystérieux du Christ et des Élus,
Que le siècle va voir et qu'il ne comprend plus ;
Ceux qui semèrent de fleurs vives
Le vitrail tout en flamme au cadre des ogives
Ces royaux ouvriers et ces divins sculpteurs
Qui suspendaient au ciel l'abside solennelle,
Dont les ciseaux pieux criaient dans les hauteurs,
N'ont point gravé leur nom sur la pierre éternelle ;
Vous les avez couverts, poudre des parchemins !
Vous seules les savez, vierges aux longues mains !
Vous, dont les Jésus rient dans leurs barcelonnettes,
Artistes d'autrefois, où vous reposez-vous ?
Sous quelle tombe où l'on prie à genoux ?
Et vous, mains qui tendiez les nerfs des colonnettes,
Et vous, doigts qui semiez
De saintes le portail où nichent les ramiers,
Et qui, dans les rayons dont le soleil l'arrose,
Chaque jour encor faites s'éveiller
La rosace, immortelle rose
Que nul vent ne vient effeuiller !
Ô cathédrales d'or, demeures des miracles
Et des soleils de gloire échevelés autour
Des tabernacles
De l'amour !
Vous qui retentissez toujours de ses oracles,
Vaisseaux délicieux qui voguez vers le jour !
Vous qui sacrez les rois, grandes et nobles dames,
Qui réchauffez les cœurs et recueillez les âmes
Sous votre vêtement fait en forme de croix !
Vous qui voyez, ô souveraines,
La ville à vos genoux courber ses toits !
Vous dont les cloches sont, fières de leurs marraines,
Comme un bijou sonore à l'oreille des reines !
Vous dont les beaux pieds sont de marbre pur !
Vous dont les voiles
Sont d'azur !
Vous dont la couronne est d'étoiles !
Sous vos habits de fête ou vos robes de deuil,
Vous êtes belles sans orgueil !
Vous montez sans orgueil vos marches en spirales
Qui conduisent au bord du ciel,
Ô magnifiques cathédrales,
Chaumières de Jésus, Bethléem éternel !
Si longues, qu'un brouillard léger toujours les voile ;
Si douces, que la lampe y ressemble à l'étoile,
Les nefs aux silences amis,
Dans l'air sombre des soirs, dans les bancs endormis,
Comptent les longs soupirs dont tremble un écho chaste
Et voient les larmes d'or où l'âme se répand,
Sous l'œil d'un Christ qui semble, en son calvaire vaste,
Un grand oiseau blessé dont l'aile lasse pend.
Ah ! bienheureux le cœur qui, dans les sanctuaires,
Près des cierges fleuris qu'allument les prières,
Souvent, dans l'encens bleu, vers le Seigneur monta,
Et qui, dans les parfums mystiques, écouta
Ce que disent les croix, les clous et les suaires,
Et ce que dit la paix du confessionnal,
Oreille de l'amour que l'homme connaît mal !...
Avec sa grille étroite et son ombre sévère,
Ô sages, qui parliez autour du Parthénon,
Le confessionnal, c'est la maison de verre
À qui Socrate rêve et qui manque à Zénon !
Grandes ombres du Styx, me répondrez-vous: non ?...
Ce que disent les cathédrales,
Soit qu'un baptême y jase au bord des eaux lustrales,
Soit qu'au peuple, autour d'un cercueil,
Un orgue aux ondes sépulcrales
Y verse un vin funèbre et l'ivresse du deuil,
Soit que la foule autour des tables
S'y presse aux repas délectables,
Soit qu'un prêtre vêtu de blanc
Y rayonne au fond de sa chaise,
Soit que la chaire y tonne ou soit qu'elle se taise,
Heureux le cœur qui l'écoute en tremblant !
Heureux celui qui vous écoute,
Vagues frémissements des ailes sous la voûte !
Comme une clé qui luit dans un trousseau vermeil
Quand un rayon plus rouge aux doigts d'or du soleil
A clos la porte obscure au seuil de chaque église,
Quand le vitrail palpite au vol de l'heure grise,
Quand le parvis plein d'ombre éteint toutes ses voix,
Ô cathédrales, je vous vois
Semblables au navire émergeant de l'eau brune,
Et vos clochetons fins sont des mâts sous la lune ;
D'invisibles ris sont largués,
Une vigie est sur la hune,
Car immobiles, vous voguez,
Car c'est en vous que je vois l'arche
Qui, sur l'ordre de Dieu, vers Dieu s'est mise en marche ;
La race de Noé gronde encore dans vos flancs ;
Vous êtes le vaisseau des immortels élans,
Et vous bravez tous les désastres.
Car le maître est Celui qui gouverne les astres,
Le pilote, Celui qui marche sur les eaux...
Laissez, autour de vous, pousser aux noirs oiseaux
Leur croassement de sinistre augure ;
Allez, vous êtes la figure
Vivante de l'humanité ;
Et la voile du Christ à l'immense envergure
Mène au port de l'éternité.
Ni tout noirs, ni tout verts, couleur
D'espérances jamais en fleur,
Les ifs balancent des colombes,
Et cela réjouit les tombes.

Elles éclatent, dans les ifs,
Ainsi que des fruits excessifs,
Effeuillant leurs plumes perdues
Au vent des vieilles avenues.

Dans l'azur qui va s'éclairant,
En haut de l'arbre le plus grand,
Qui monte, tel qu'une fusée,
Une entre autres est balancée.

Sous ses beaux yeux délicieux
Elle semble, d'un coin des cieux,
Couver l'aurore qui s'est faite
Au fond du cimetière en fête.

Et chaque arbre, panache noir
Du plus minable désespoir,
Sous les blanches plumes en foule
Est un colombier qui roucoule.

Ces oiseaux, dont les voix sont sœurs,
Ces adorables obsesseurs,
Ce sont évidemment les âmes
Des demoiselles et des dames

Dont la tombe douce reluit
Et dont la lune, chaque nuit,
Epelle, à ses lueurs glacées,
Les épitaphes insensées !
Je ne veux plus lire de lettre,
Sauf les lettres que le facteur
Sera chargé de me remettre,
Comme après tout on est le maître
De lire tel ou tel auteur.

Écoutez bien, gens de la ville :
Montrer, avec ou sans motif,
Lettre quelconque... est bien futile.
Lettre toute autre est chose... utile
Rarement portée à l'actif.

Que le Duc d'Aumale s'en foute,
Il ne vaut pas un sous-préfet ;
Et... si j'eusse été... sur ma route,
Le Général... Mignonne, écoute,
Je sais fort ce que j'aurais fait.

Ce n'est rien moins qu'une merveille,
On le peut, sans se déranger.
C'est le secret de ma bouteille.
Je pourrais le dire à l'oreille
Du beau Général Boulanger.

Vous qui devinez tout, Madame,
Ne divulguez rien, s'il vous plaît,
Sinon, je vous écris : infâme !
Et si vous tirez votre lame,
Je vous avance... mon valet.

Hé ! là ! ce que je viens de dire,
Ma mignonne, c'était en l'air :
On ne te voit jamais écrire.
Moi, je chante et ne veut que rire :
Il me semble que c'est très clair.

Je me dis avec insistance :
Je n'attacherai plus de prix,
Ni la plus petite importance,
Qu'à ma propre correspondance,
Si je me suis bien, bien compris.

Lettres laides ou Lettres belles,
J'y suis doucement résigné,
Je n'en lirai pas de nouvelles,
Je ne lirai plus même celles
De Madame de Sévigné.

Et si cette admirable Brune
Me trouvait vilain garnement,
Elle n'a, pour que j'en lise une,
Par le facteur Rayon-de-Lune
Qu'à me l'adresser, simplement.
Aimez vos mains afin qu'un jour vos mains soient belles,
Il n'est pas de parfum trop précieux pour elles,
Soignez-les. Taillez bien les ongles douloureux,
Il n'est pas d'instruments trop délicats pour eux.

C'est Dieu qui fit les mains fécondes en merveilles ;
Elles ont pris leur neige au lys des Séraphins,
Au jardin de la chair ce sont deux fleurs pareilles,
Et le sang de la rose est sous leurs ongles fins.

Il circule un printemps mystique dans les veines
Où court la violette, où le bluet sourit ;
Aux lignes de la paume ont dormi les verveines ;
Les mains disent aux yeux les secrets de l'esprit.

Les peintres les plus grands furent amoureux d'elles,
Et les peintres des mains sont les peintres modèles.

Comme deux cygnes blancs l'un vers l'autre nageant,
Deux voiles sur la mer fondant leurs pâleurs mates,
Livrez vos mains à l'eau dans les bassins d'argent,
Préparez-leur le linge avec les aromates.

Les mains sont l'homme, ainsi que les ailes l'oiseau ;
Les mains chez les méchants sont des terres arides ;
Celles de l'humble vieille, où tourne un blond fuseau,
Font lire une sagesse écrite dans leurs rides.

Les mains des laboureurs, les mains des matelots
Montrent le hâle d'or des Cieux sous leur peau brune.
L'aile des goélands garde l'odeur des flots,
Et les mains de la Vierge un baiser de la lune.

Les plus belles parfois font le plus noir métier,
Les plus saintes étaient les mains d'un charpentier.

Les mains sont vos enfants et sont deux sœurs jumelles,
Les dix doigts sont leurs fils également bénis ;
Veillez bien sur leurs jeux, sur leurs moindres querelles,
Sur toute leur conduite aux détails infinis.

Les doigts font les filets et d'eux sortent les villes ;
Les doigts ont révélé la lyre aux temps anciens ;
Ils travaillent, pliés aux tâches les plus viles,
Ce sont des ouvriers et des musiciens.

Lâchés dans la forêt des orgues le dimanche,
Les doigts sont des oiseaux, et c'est au bout des doigts
Que, rappelant le vol des geais de branche en branche,
Rit l'essaim familier des Signes de la Croix.

Le pouce dur, avec sa taille courte et grasse,
A la force ; il a l'air d'Hercule triomphant ;
Le plus faible de tous, le plus doux a la grâce,
Et c'est le petit doigt qui sut rester enfant.

Servez vos mains, ce sont vos servantes fidèles ;
Donnez à leur repos un lit tout en dentelles.
Ce sont vos mains qui font la caresse ici-bas ;
Croyez qu'elles sont sœurs des lys et sœurs des ailes :
Ne les méprisez pas, ne les négligez pas,
Et laissez-les fleurir comme des asphodèles.

Portez à Dieu le doux trésor de vos parfums,
Le soir, à la prière éclose sur les lèvres,
Ô mains, et joignez-vous pour les pauvres défunts,
Pour que Dieu dans les mains rafraîchisse nos fièvres,

Pour que le mois des fruits vous charge de ses dons :
Mains, ouvrez-vous toujours sur un nid de pardons.

Et vous dites, - ô vous, qui, détestant les armes,
Mirez votre tristesse au fleuve de nos larmes,
Vieillard dont les cheveux vont tout blancs vers le jour,
Jeune homme aux yeux divins où se lève l'amour,
Douce femme mêlant ta rêverie aux anges,

Le cœur gonflé parfois au fond des soirs étranges,
Sans songer qu'en vos mains fleurit la volonté -
Tous, vous dites : « Où donc est-il, en vérité,
Le remède, ô Seigneur, car nos maux sont extrêmes ? »

- Mais il est dans vos mains, mais il est vos mains mêmes.
Entrez dans les palais grands ouverts à la foule ;
Un jour limpide y luit, l'heure paisible y coule,
Le pied rit au miroir des parquets précieux,
Et ****, dans le plafonds aussi hauts que les cieux,
Bleu séjour de la muse et du Dieu sous les voiles,
L'œil voit trembler des chars, des luths et des étoiles.

Sous la voûte, sur les paliers,
Par les rampes en fleurs et les grands escaliers,
Un courant d'air vaste circule,
Et douce est la fraîcheur où vous marchez,
Parmi le peuple blanc des marbres recherchés :
Saluez, c'est Vénus ; admirez, c'est Hercule !

Comme vous reposez les yeux,
Ô blancheur sombre des musées !
La fièvre de nos sens expire dans ces lieux,
Et nos âmes y sont largement amusées.

Ô génie, ô lent créateur,
Comme Dieu fait courir la sève dans les arbres,
Tu fais courir la vie aux lignes des beaux marbres ;
Et sur la pierre, à la hauteur
Des bras de la statue ou du col de l'amphore,
L'œil croit voir voltiger encore
Les mains illustres du sculpteur.

Alors notre cœur se rappelle
Le temps d'Auguste, l'âge où florissait Apelle !
Tout ceux dont un laurier pressait le front puissant,
Le pnyx sonore où rit la troupe des esclaves,
Les toges du forum, les plis des laticlaves,
César spirituelI Sophocle éblouissant !

Rome, Athène ! O palais que la colline élève !
Vous, Romains, vous sculptez à la pointe du glaive ;
Et vous qui soupez chez les dieux,
Vous possédez la grâce et vous la versez toute,
Athéniens, et c'est chez vous que l'âme écoute
Le grand hymne muet qui chante pour les yeux,
Le long des lignes, sous la voûte
De vos temples mélodieux.

Des anciens, endormis au bruit frais des fontaines,
Les âmes en rêvait se promènent ici,
Caressant tous les fronts d'un regret adouci,
Et font, sur les lèvres hautaines
Des Romains et des Grecs et de Tibère aussi,
Chuchoter un long flot de paroles lointaines.

Ô belle antiquité, toute nouvelle encor !
Berce-nous de tes bons murmures,
Comme une abeille d'or,
Que l'été de Paris prendrait aux roses mûres
Pour la jeter en Prairial,
Grisée
Et bourdonnante, autour de la salle apaisée,
Où, visiteur royal,
Par la vitre embrasée au feu de ses prouesses,
Le baiser du soleil vient dorer les déesses.
Vous êtes brune et pourtant blonde,
Vous êtes blonde et pourtant brune...
Aurais-je l'air, aux yeux du monde,
D'arriver tout droit de la lune ?

Et cependant, on peut m'en croire,
Vous êtes l'une et l'autre chose
Comme Vous êtes blanche et noire,
Des cheveux noire et de chair, rose.

Mais peut-on dire dans le monde,
La plaisanterie est commune :
« Si votre belle Amie est blonde,
Elle est blonde, elle n'est pas brune ».

À moins d'arriver de la lune,
Peut encor dire tout le monde :
« Si votre belle Amie est brune,
Elle est brune, elle n'est pas blonde ».

Pourtant ! le savez-vous mieux qu'Elle ?
Leur répondrai-je (Tu supposes)
Eh bien ! moi, je ne sais laquelle
Elle est le plus de ces deux choses.

Bien que personne n'y consente
Et qu'elle semble inconséquente,
C'est une brune languissante
Et c'est une blonde piquante.

Aurais-je la bonne fortune
De mettre d'accord tout le monde,
Concédez-moi donc qu'elle est brune,
Je vous accorde qu'elle est blonde.

Elle a, pour faire à tout le monde
Une concession encore,
Une longue mèche de blonde
Dans ces cheveux bruns, qui les dore.

Enfin, je vous dis qu'elle est brune,
Je vous répète qu'elle est blonde,
Et si j'arrive de la lune,
Je me moque de tout le monde !

Après tout, ce n'est pas ma faute
Si, sous ses longs cheveux... funèbres,
Le corps blanc dont votre âme est l'hôte
A du soleil... dans ses ténèbres.
Madame, on m'a dit l'autre jour
Que j'imitais... qui donc ? devine ;
Que j'imitais Musset : le tour
N'en est pas nouveau, j'imagine.

Musset a répondu pour nous :
« C'est imiter quelqu'un, que diantre !
Écrit-il, que planter des choux
En terre... ou des enfants... en ventre. »

Et craquez, corsets de satin !
Quant à moi, s'il me faut tout dire,
J'imite quelqu'un, c'est certain,
Quelqu'un du poétique empire.

Je m'élance sur son chemin
Avec la foi bénédictine ;
Cherchez dans tout le genre humain.
Eh ! bien... c'est elle, Valentine.

On ne peut copier son air,
Ses propos et son moindre geste,
Mais son cœur ! mais son esprit fier !
Je peux attendre pour le reste.

Ça me conduira qui sait où ?
Je crois être elle, ma parole !
Au lieu de dire : je suis fou,
L'autre jour j'ai dit : je suis folle !

Ma personnalité, ma foi !
S'est envolée ; et ceci même,
Mes vers sont d'elle et non de moi,
Si toutefois elle les aime ;

Ce serait par trop hasardeux
Que de mettre tout un volume
Sur son dos ; si nous sommes deux,
Je suis seul à tenir la plume !

Oh ! bien seul ! ne confondons pas,
Je suis parfaitement le maître ;
Car des fautes ou de faux pas
Elle ne saurait en commettre.

Vous voyez, c'est bien différent
De ce que racontait l'histoire.
Ah ! Si son verre était moins grand,
J'aurais voulu peut-être y boire...

Il est bien grand, en vérité !
Ne croyez pas que je badine ;
Je boirai donc à sa santé,
Dans le Verre de Valentine.
Homme dont la tristesse est écrite d'un bout
Du monde à l'autre, et même aux murs de la campagne,
Forçat de l'hôpital et malade du bagne ;

Dormeur maussade, à qui chaque aube dit : « Debout ! »
Voyageur douloureux qu'attend la Mort, auberge
Où l'on vend le lit dur et les pleurs blancs du cierge,

Tu gémis, étonné de te sentir si las ;
Puis un jour tu te dis : « L'âme est un vain bagage,
Et mon cœur est bien lourd pour un pareil voyage ! »

Et, sans songer que Dieu te donne ses lilas,
Tu veux jeter ton cœur, tu veux jeter ton âme,
Pour alléger ta marche et mieux porter la Femme ;

Par ta route et ses ponts fiers de leur parapet,
Compagnon de l'orgueil, fils des froides études,
Tu vas vers le malheur et vers les solitudes.

Tout plein des arguments dont l'esprit se repaît,
Tu fais, pour savourer ta gloire monotone,
Taire ta conscience à l'heure où le ciel tonne.

Si pourtant à ce prix tu manges à ta faim,
Si tu dors calme, au creux de l'oreiller facile,
Ecoute ta science et reste-lui docile ;

Si ta libre raison, la plus forte à la fin,
Respire au coup mortel porté par elle au doute,
Pareil au Juif errant, homme, poursuis ta route.

Sois content sans ton âme, et joyeux sans ton cœur,
Sois ton corps tyran ni que et sois ta bête fauve,
Fais tes traits durs et froids, fais ton iront vaste et chauve !

Mais si ton fruit superbe engraisse un ver vainqueur,
Si tu bâilles, les soirs larmoyants, sous ta lampe,
Tâche de réfléchir, pose un doigt sur ta tempe.

Si tu n'as toujours pas trouvé sur ton chemin,
Qu'assourdit la rumeur des sabres et des chaînes
Repos pour tes amours et cesse pour tes haines ;

Si ton bâton usé tâtonne dans ta main,
Pauvre aveugle tremblant qui portes une sourde,
La Femme, chaque jour plus énorme et plus lourde ;

Si Tentant ancien sommeille encore en toi,
Gardant le souvenir de la faute première,
Dis : « J'ai le dos tourné peut-être à la Lumière » ;

Dis : « J'étais un esclave et croyais être un Roi ! »
Pour t'en aller gaiement, frère des hirondelles,
Reprends ton cœur, reprends ton âme, ces deux ailes ;

Et grâce à ce fardeau redevenu léger,
Emporte alors l'enfant, mère, sœur ou compagne,
Comme l'ange en ses bras emporte la montagne ;

Enivre-toi du long plaisir de voyager ;
Que ta faim soit paisible et que ta soif soit pure,
Bois à tout cœur ouvert, mange à toute âme mûre !
L'honneur permet la galanterie quand elle est unie à
L'idée de sentiments du cœur, ou à l'idée de conquête.
Montesquieu.


Mon idéal n'est pas : mon ange,
À qui l'on dit : mon ange, mange ;
Tu ne bois pas, mon ange aimé ?
Un pauvre ange faux et sans ailes
Que les plus sottes ritournelles
Ont étrangement abimé.

Mon idéal n'est pas : ma chère,
De l'amant qui fait maigre chère,
Et dit chère, du bout des dents,
Moins chère que ma chère tante,
Ou que la chaire protestante
Où gèlent les sermons prudents.

Mon idéal n'est pas : ma bonne !
Ce n'est pas la bonne personne,
Celle dont on dit, et comment !
« Elle est si bonne ! elle est si douce ! »
Et qui jamais ne vous repousse,
Madone du consentement !

Non ! mon idéal, c'est la femme
Féminine de corps et d'âme,
Et femme, femme, femme, bien,
Bien femme, femme dans les moelles,
Femme jusqu'au bout de ses voiles,
Jusqu'au bout des doigts n'étant rien.

Une petite femme haute,
Capable de punir la faute,
Et de mépriser le Pervers,
Qui ne peut souffrir que l'aimable
Dans son salon, ou dans la fable,
Aussi bien en prose qu'en vers.

Une petite femme sûre
De trouver l'âme à sa mesure
Après... un petit brin de cour,
Et le chevalier à sa taille
Avant... l'heure de la bataille,
Oui, car... c'est la guerre, l'Amour,

Je vous dis l'Amour, c'est la guerre.
En guerre donc ! tu m'as naguère
Sacré ton chevalier féal !
Je vais sortir de ma demeure !
Je vaincrai, Madame, où je meure !
Car vous êtes mon idéal !

Comme un dur baron qui se fâche
Contre le pillard ou le lâche,
Quittait le fort seigneurial,
Je saisis ma lance et mon casque
Avec le panache et... sans masque,
Car vous êtes mon idéal !

Armé de ma valeur intime,
Oui, coiffé de ma propre estime,
Je m'élance sur mon cheval :
Le temps est beau, la terre est ronde,
Je ris au nez de tout le monde !
Car vous êtes mon idéal !

La lance autant que l'âme altière,
Nous jetons à la terre entière
Le gant, certes ! le plus loyal.
Mon bon cheval ne tarde guère,
Allons ! Et vole au cri de guerre !
Tous ! Valentine est l'Idéal !
C'est à Rouen, votre Rouen, Madame,
Qu'on brûla... (je fais un impair !)
Mais Marseille ! c'est une femme
Qui se lève, au bord de la mer !

Le Havre a votre amour, et d'une ;
Son port, et de deux ; qu'il soit fier !
Mais Marseille ! c'est une brune
Qui sourit, au bord de la mer !

Comme le fauve qu'il rappelle,
Lyon porte beau, par un temps clair ;
Mais Marseille ! est une « bien belle »
Qu'on salue, an bord de la mer ;

Les vignes où vole la grive
Près de Dijon n'ont pas le ver ;
Mais Marseille ! est une « bien vive »
Qui chantonne, au bord de la mer ;

Bordeaux, avec sa gloire éparse
Sur vingt océans, a grand air !
Mais Marseille ! c'est une garce
Qui vous grise, au bord de la mer ;

Le beffroi d'Arras se redresse
Comme la hune au vent d'hiver ;
Mais Marseille ! est une bougresse,
Qui tempête, au bord de la mer ;

Laval est un duc, ma Mignonne,
Dont le poiré n'est pas amer ;
Mais Marseille ! est une « bien bonne »
Qui se calme, au bord de la mer ;

Toulouse est un ténor qui traîne
Où frise peut-être un peu l'r...
Mais Marseille ! est une sirène
Qui chuchotte, au bord de la mer ;

Clermont a ses volcans où rôde
Le souvenir d'un feu d'enfer ;
Mais Marseille ! est une « bien chaude »
Qui vous baise, au bord de la mer ;

Grenoble a Bayard, la prouesse
Faite homme et l'honneur fait de fer ;
Mais Marseille est une déesse
Qu'on adore, au bord de la mer ;

Toulon aura l'âme sereine
Quand on aura purgé son air ;
Mais Marseille, elle, est une reine
Qui se couche au bord de la mer !

Elle adore Paris, Madame,
Paris est l'homme qu'il lui faut,
Car Marseille, c'est une femme
Qui n'a pas le moindre défaut.

Paris, le lui rend bien, du reste,
Il lui dit : Si tu t'asseyais ?
Car Marseille n'a pas la peste
Et n'a plus l'accent marseillais !
Souvenez-vous des humbles cimetières
Que voile aux villages voisins
Le pli d'un coteau pâle où pendent les raisins,
Qu'éveille, au point du jour, l'air du casseur de pierres.
Seuls, les vieux fossoyeurs ont d'eux quelque souci.
Et c'est à peine si -
Comme des brebis étonnées,
**** du troupeau fumant des douces cheminées,
**** du clocher, ce pâtre amoureux d'horizons -
Quelques maisons
Abandonnées,
Toutes fanées
Par les saisons,
Du vide de leurs yeux dans leur face hagarde,
Contemplent - par-dessus l'enclos au portail veuf
Parfois de l'auvent qui le garde -
La chapelle en ruine à la grande lézarde,
Les tertres anciens et les croix de bois neuf.

Mais l'été que l'ange envoie aux vallées,
Pour les églogues étoilées,
Aux grands blés roux buvant ses haleines de feu,
Et vers les rivières vermeilles,
L'été, sur un signe de Dieu,
Fait, avec ses rayons, de sauvages corbeilles
De ces asiles tout en fleurs où les abeilles,
Dans l'herbe haute et drue ainsi que des remords,
D'un long bourdonnement ensommeillent les morts.

À midi, le soleil silencieux qui tombe,
Grave, comme un chat d'or s'allonge sur la tombe
Dont la blancheur brûle, éclatant
Parmi l'argile rose ou les avoines folles,
Pendant que le lézard entend
Passer, dans les bruits vains et les vagues paroles,
La robe, ayant l'odeur de nos amours défunts,
De la Mort, mère et reine des parfums.

Tramée avec les fils du rêve,
Voici s'assombrir l'heure où la lune se lève,
Et le lourd laboureur qui rentre réfléchit
Sur la route où l'air pur fraîchit,
Le long des murs sacrés, et son coeur croit entendre
Une voix étouffée ou tendre,
Dans la nuit bleue et noire ainsi que le corbeau...
La nuit donne la vie aux choses du tombeau.

Cependant, là-bas, dans les nécropoles,
Sur qui la nue ardente ébauche des coupoles,
Et qu'endorment les cris confus et les oiseaux
Des villes, dont le vaste oubli pèse à ses os,
Une immobile multitude
Poursuit le même rêve en la même attitude ;
Et depuis tant d'hivers que les soleils lassés
Ne comptent plus les noms par les vents effacés,
Malgré leur solitude qui s'ennuie
Au cantique filtré sur leur front par la pluie,
Elles peuvent goûter encor des jours bénis,
Ces pauvres âmes désolées,
Vers la douce époque des nids,
Sous les funéraires feuillées,
Quand Mai, de sa main fine, aux grilles des caveaux
Attache des bouquets et des regrets nouveaux
Ou quand leur commune patronne,
Leur fête, fait éclore une triste couronne :
Ce jour-là, plus d'un deuil charmant qui vient errer
Dans les sombres jardins, tressaille à rencontrer,
Sous les branches d'automne à peine encore vertes,
L'impériale odeur des tombes entrouvertes.
Et tous, ceux du village et ceux de la cité,
Ceux qui sourient d'avoir été
De gais bouviers dans la campagne,
Et ceux dont la statue en marbre est la compagne,
Ces morts que Dieu sema comme on sème le blé,
Tous dorment d'un sommeil si peu troublé,
Qu'il semble que la vie,
À ces mornes reclus
Lugubrement ravie,
Ne doive jamais plus
Monter ni redescendre
Des yeux pleins de nuit noire au coeur tombant en cendre.

Aucun orchestre en floraison
Sous les bosquets royaux dans la chaude saison,
Aucune orfèvrerie amoncelant ses bagues,
Aucun océan soucieux
Des perles qu'il charrie aux plis lourds de ses vagues,
Aucun Messidor sous les cieux
Qui couvrent la splendeur des terres éventrées,
Ni le soleil de ces contrées
Où son regard luit si hautain,
Sur les monts que couronne une âpre odeur de thym,
Qu'il semble à la stupeur physique
Que le rayon fait la musique ;
Ni lune en fleur d'aucun été,
Ni comètes semant de diamants leur voie,
Ne roulent plus d'ivresse en versant plus de joie,
Que la solennelle clarté
Qui, tenant de la rose et de la primevère,
Jaillira par la fente en rumeur des cercueils,
Comme un vin parfumé des blessures du verre,
Quand, sonnant la fuite des deuils,
L'ange du Jugement, sur le tombeau du Juste,
Soulèvera la pierre avec un geste auguste !
Dixain.


Muses, souvenez-vous du guerrier, - de l'ancien
Qui ne fut général ni polytechnicien,
Mais qui charma dix ans les mânes du grand Hômme !
Cet invalide était la gaîté de son dôme.
Mon cœur est plein du bruit de sa jambe de bois.
Pauvre vieux ! j'ai rêvé de vous plus d'une fois,
La nuit, quand passe au ciel, avec ses gros yeux vides,
La lune au nez d'argent, astre des invalides,
Ou que le vent se meurt, comme un chant du départ...
Et j'ai fait encadrer le mot de faire-part.
Qui donc fera fleurir toute la pauvreté ?
Quand Jésus a quitté le ciel, il l'a quitté
Pour une étable ; il est charpentier, il travaille ;
Né sur l'or, mais sur l'or mystique de la paille,
Entre l'âne et bœuf, l'ignorance et l'erreur,
Lui qui pouvait choisir un berceau d'empereur,
Qu'aurait ému le pied rieur des chambrières,
Préfère une humble crèche où l'ange est en prières !
Certes l'argent est bon, l'or est délicieux,
Mais l'un ouvre l'enfer, l'autre ferme les cieux ;
L'un sait glacer le cœur, l'autre étouffer les âmes ;
L'or met sa clarté louche où l'amour met ses flammes,
L'or est un soleil froid ; le soleil chauffe et luit,
Car il est fils du ciel ; l'or est fils de la nuit :
À pleins bords pour le crime, et rare pour l'aumône,
Il coule, et la famille, où sonne son flot jaune,
S'écroule au bruit joyeux des pièces de vingt francs !
Et plus ils sont dorés, moins les baisers sont francs.
L'or est un mal où l'homme, hélas! cherche un remède.
Sitôt qu'il crie et souffre, il l'appelle à son aide,
Pour vêtir sa misère et combler avec lui
Son cœur vide, et le gouffre amer de son ennui.
Grâce à l'argent, le mal trône et rit sur la terre.
À son contact banal, quelle âme ne s'altère ?
Jésus était-il riche, et Pierre l'était-il ?
Une humble barque, ouvrant sa voile de coutil,
C'est peu - même en comptant le souffle de la brise, -
Cette voile a grandi ; voyez-là, c'est l'Eglise !

Travaillez, c'est la règle, enrichissez-vous, mais
Restez pauvres d'esprit. Laissant les fiers sommets,
Les lys, pour s'élancer, ont mieux aimé les plaines,
Et quant aux dons du ciel : « Aux pauvres les mains pleines. »
Dieu ne visite pas le riche orgueilleux, non !
Pauvre, Jésus le lut, ne voulant d'autre nom.
Mais Jésus l'est toujours, mais son cri monte encore.
Tout pauvre que la lièvre et que la soif dévore,
C'est Jésus. Tout petit qui va pieds nus, c'est Lui.
Notre ennemi sans pain, est-ce encor Jésus ? Oui.
Etre pauvre, avant tout, c'est aimer la sagesse,
Et l'on peut l'être même aux bras de la richesse ;
Être riche, avant tout, c'est n'aimer que l'argent,
Et l'on peut l'être, même en étant indigent !
Être riche d'esprit, désirer, c'est la gêne,
C'est river à son pied une bien lourde chaîne ;
Être pauvre d'esprit, c'est être libre, Eh bien !
Aimez ha liberté, n'appartenez à rien,
Pas même au lit qui s'ouvre à votre échine lasse,
Pas même à votre habit : il est au temps qui passe.

Toute la pauvreté, disais-je en commençant,
La mauvaise richesse, elle est dans notre sang :
Elle est dans nos pourpoints, elle est dans notre code
Et fait l'opinion, comme elle fait la mode.
Ô pauvreté, la France entende votre voix !
France riche d'esprit, beaucoup trop riche en lois !
L'esprit de pauvreté, voilà l'esprit pratique
Qui doit ensoleiller la sombre politique ;
Le roi. ton noble époux, César, un sombre amant,
Sont **** de ta pensée, ô France, en ce moment !
Le front coiffé des plis d'une laine écarlate,
La liberté te rit, la liberté te flatte :
C'est un ange éclatant qui semble un lutteur noir,
Radieux comme l'aube et beau comme le soir,
Car il porte, pareil aux séraphins de l'ombre,
Un masque étincelant sur son visage sombre.
Tu n'as pas peur ? C'est bien. Tu veux le suivre ? Allons.
Mais ne va pas saisir les ciseaux des félons,
Et du fier inconnu dont tu fus curieuse
Sinistrement rogner l'aile mystérieuse.
Ne lui mets pas de loi perfide autour du cou.
S'il n'est pas une brute, arrière le licou !
Qu'il puisse au grand soleil marcher nu dans l'arène,
Et tordre toute chose en sa main souveraine,
Et retremper toute âme en sa cuve qui bout.
Alors nous pourrons voir qui restera debout,
La sagesse divine ou la sagesse humaine,
Si c'est le nom obscur que cet ange ramène,
Ou le nom lumineux dans chaque étoile écrit,
Et si c'est Robespierre ou si c'est Jésus-Christ !
Sonnet.


Des nuits du blond et de la brune
Pas un souvenir n'est resté
Pas une dentelle d'été,
Pas une cravate commune ;

Et sur le balcon où le thé
Se prend aux heures de la lune
Il n'est resté de trace, aucune,
Pas un souvenir n'est resté.

Seule au coin d'un rideau piquée,
Brille une épingle à tête d'or
Comme un gros insecte qui dort.

Pointe d'un fin poison trempée,
Je te prends, sois-moi préparée
Aux heures des désirs de mort.
Nous habiterons un discret boudoir,
Toujours saturé d'une odeur divine,
Ne laissant entrer, comme on le devine,
Qu'un jour faible et doux ressemblant au soir.

Une blonde frêle en mignon peignoir
Tirera des sons d'une mandoline,
Et les blancs rideaux tout en mousseline
Seront réfléchis par un grand miroir.

Quand nous aurons faim, pour toute cuisine
Nous grignoterons des fruits de la Chine,
Et nous ne boirons que dans du vermeil ;

Pour nous endormir, ainsi que des chattes
Nous nous étendrons sur de fraîches nattes ;
Nous oublirons tout, - même le soleil !
Oh ! peindre tes cheveux du bleu de la fumée,
Ta peau dorée et d'un ton tel qu'on croit y voir presque
Une rose brûlée ! et ta chair embaumée,
Dans les grands linges d'ange, ainsi qu'en une fresque,

Qui font plus brun ton corps gras et fin de mauresque,
Qui fait plus blanc ton linge et ses neiges d'almée,
Ton front, tes yeux, ton nez et ta lèvre pâmée
Toute rouge, et tes cils de femme barbaresque !

Te peindre en ton divan et tenant ton chibouk,
Parmi tes tapis turcs, près du profil de bouc
De ton esclave aux yeux voluptueux, et qui,

Chargé de t'acheter le musc et le santal,
Met sur un meuble bas ta carafe en cristal
Où se trouble le flot brumeux de l'araki.
À Camille de Sainte-Croix.


Vous cachez vos cheveux, la toison impudique,
Vous cachez vos sourcils, ces moustaches des yeux,
Et vous cachez vos yeux, ces globes soucieux,
Miroirs plein d'ombre où reste une image sadique ;

L'oreille ourlée ainsi qu'un gouffre, la mimique
Des lèvres, leur blessure écarlate, les creux
De la joue, et la langue au bout rose et joyeux,
Vous les cachez, et vous cachez le nez unique !

Votre voile vous garde ainsi qu'une maison
Et la maison vous garde ainsi qu'une prison ;
Je vous comprends : l'Amour aime une immense scène.

Frère, n'est-ce pas là la femme que tu veux :
Complètement pudique, absolument obscène,
Des racines des pieds aux pointes des cheveux ?
Je vous fus présenté Madame, dans la salle
De marbre frais et sombre où vous passiez les jours
Au bruit de ces jets d'eau monotones des cours
Damasquinés ; l'or blanc cerclait votre bras pâle.

Assise à terre, à la manière orientale,
Vous écoutiez ceux qui distillent les discours
Des les narghilés d'argent aux tons d'opale
Que la Paresse fume à coups distraits et courts.

Des fleurs couraient parmi vos étoffes de soie ;
Vos yeux éclairaient l'ombre où votre front se noie ;
Votre pied nu brillait ; votre accent étranger

Eclatait dans ma tête en notes délicates ;
Je vois toujours vos dents blanches, fines et plates
Quand votre lèvre, mouche en rumeur, fit : « Franger ? »
Le soleil verse aux toits des chambres mal fermées
Ses urnes enflammées ;
En attendant le kief, toutes sont là, pâmées,
Sur les divans brodés de chimères armées ;

Annès, Nazlès, Assims, Bourbaras, Zalimées,
En lin blanc, la prunelle et la joue allumées
Par le fard, parfumées,
Tirant des narghilés de légères fumées,

Ou buvant, ranimées,
Les ongles teints, les doigts illustrés de camées,
Dans les dés d'argent fin des liqueurs renommées.

Sur les coussins vêtus d'étoffes imprimées,
Dans des poses d'almées,
Voluptueusement fument les bien-aimées.
Toutes les femmes sont des fêtes,
Toutes les femmes sont parfaites,
Et dignes d'adoration,
Sous les fichus ou sous les mantes
Toutes les femmes sont charmantes,
Oui, toutes, sans exception ;

Toutes les femmes sont des Belles
Sous les chapeaux ou les ombrelles
Et sous le petit bonnet blanc ;
Toutes les femmes sont savantes,
Les princesses et les servantes,
Les ignorantes... font semblant ;

Toutes les femmes sont des reines :
Impératrices souveraines
Et grisettes de magasin,
Et premières communiantes,
Avant comme après si liantes
Avec les lèvres du cousin ;

Toutes les femmes sont honnêtes,
Le cœur loyal et les mains nettes,
En sabots, ou sur les patins ;
Adorables prostituées,
Nous mériterions vos huées :
C'est nous qui sommes les... pantins.

Toutes les femmes sont des saintes,
Surtout celles qui sont enceintes
Tous les neuf mois sans perdre un jour,
Et qui de janvier à décembre
Se pâment la nuit dans leur chambre
Par la volonté de l'Amour.

Toutes, toutes, sont bienheureuses
D'élargir leurs grottes ombreuses
D'où l'amour a fichu la peur
Par la fenêtre... déchirée.
« Et la fille déshonorée ? »
Rit dans sa barbe... de sa peur.

Plus fines que nous et meilleures,
Elles nous sont supérieures...
Chaque français, dans tous les cas,
S'il les aborde se découvre
Et c'est le plus grand, dans le Louvre,
Qui sait saluer... le plus bas.

Belle, parfaite, reine, sainte,
Honnête si ce n'est enceinte,
Tout cela s'applique fort bien
À la femme que tu veux être...
Mais... si l'on pouvait Vous connaître,
Ah !... quant à moi... je ne sais rien...

Devant Vous je songe, immobile,
Tel, droit, sur son cheval Kabyle,
Bonaparte, au regard de lynx,
Sans suite, seul, un grand quart d'heure,
Au soleil des sables, demeure
Fixe et rêveur, devant le Sphinx !
J'entendais parler tout à l'heure
D'une femme supérieure.
Ce n'est, ma Mignonne... pas Toi...
Car... que sais-tu faire en ce monde,
Petite reine toute ronde
Faite au tour pour le bal du roi ?

Oui, raconte-nous tes affaires ;
Ah ! voilà longtemps que les verres
De ta quenouille sont cassés !
Tu ne sais faire, ni couture...
Les pommes au lard, par nature !
Soit ! mais, franchement, est-ce assez ?

Tu ne sais rien faire que lire ;
Cependant, Tu pourrais écrire,
Sculpter, peindre... l'homme et les cieux ;
Mais on voit ta crainte profonde
De n'arriver que la seconde
Et surtout derrière un monsieur.

Si Tu cultivais la Musique,
Ah !... quel enchantement physique !
Quels chefs-d'œuvre de Passion !
Mais Tu passes ton temps à lire
Tout, de l'excellent jusqu'au pire,
« À titre d'information ».

Tu ne sais rien faire qu'entendre,
Discerner, saisir, et comprendre
Que tout est clair comme le jour.
Car la femme supérieure,
Tu vois bien que c'est la meilleure,
Celle qui fait le mieux l'amour.

Celle qui garde sous ses tresses
Le plus grand trésor de caresses ;
Les baisers les plus triomphants,
Qui cherche à dépasser sa mère
Et fait tous ses efforts pour faire,
Pour faire les plus beaux enfants.

Car la femme qui peint les anges,
Qui signe des romans étranges,
Qui fait des vers, bien mieux que moi,
De la musique, et la meilleure,
Peut bien être supérieure
Aux autres femmes - pas à Toi.

Car la femme qui fait la femme
Avec son Corps où brûle une âme,
Dans un lit, troublant, pour le roi,
Qui de baisers dévore l'heure,
Peut bien être supérieure
À tous les hommes - pas à Toi.
De Marseille, moi ? de Marseille ?
Tu veux que j'en sois, c'est trop fort !
M'entends-tu dire qu'il « soleille » ?
Je ne suis pas né dans le Nord,

Je dois en convenir sans honte ;
Mais on peut venir du Midi,
En chair, en os, et même... en fonte,
Sans sortir de Lonchamps, pardi !

Si j'en étais, m'en cacherais-je ?
Au contraire, j'en serais fier :
Il y tombe aussi de la neige,
Et comme au Havre... on a la mer.

Je ne vois pas la différence ;
Affaire de goût, de couleur.
Du reste, Marseille est en France,
Sur la carte, aussi bien qu'Harfleur...

Voyons ! qui ferait des manières
Pour en être s'il en était,
La ville n'est pas des dernières,
Foutre non ! car Elle existait

Déjà, depuis belle lurette,
Qu'on ne parlait pas de Paris,
Et qu'aucune autre n'était prête
À loger ça... de ses chéris ;

Oui, Marseille était grande fille,
Que toutes les autres, comprends,
Les moins gosses de la famille
N'avaient pas encor de parents.

Elle est antique !... oh ! mais !... pas vieille ;
C'est au contraire la cité
La plus jeune et la plus vermeille,
N'offensons pas la vérité.

Les femmes y sont !... Valentine,
Tu les aimerais, comme moi,
Si tu voyais la taille fine
De Valentine, comme Toi ;

C'est ma cousine... elle demeure
Ma foi ! par là, pas **** du port...
Ce que je sais, ou que je meure,
C'est qu'elle aussi l'a beau... le port !

Toutes les autres sont comme elle,
Et sans titre, ou sur parchemin,
Des reines, jusqu'à la semelle,
Avec du poil... pas dans la main.

Après ça, vois comme nous sommes
Encore, en France, inconséquents :
On vient médire de leurs hommes !
Serait-ce qu'ils sont tous marquants ?

Il se pourrait, car on les chine,
Tiens ! surtout de votre côté,
Où l'on dédaigne la sardine ;
Ah ! le hareng... a sa beauté !

De temps en temps, on entend dire :
« Oh ! le Marseillais ! » Eh ! bien, quoi ?
Le Marseillais ! il aime à rire.
Prises-tu les gens tristes, toi ?

Il est brun, n'a pas les dents noires,
Il sait lire, écrire et compter ;
Il a toujours un tas d'histoires
Crevantes à vous raconter :

Poli, galant avec les femmes,
Il n'accepterait jamais rien
D'elles, que leurs baisers de flammes :
Il fait, ma foi ! bougrement bien ;

Qu'on le critique, il n'en a cure,
Pas plus que de savoir son nez
Au beau mitan de sa figure
Ou de ce que vous devinez ;

Il est propre, ses mains sont nettes,
Leur gant n'est pas mis à l'envers,
Et surtout, elles sont honnêtes.
Que voulez-vous de plus ? Des vers ?

Des vers qui ne soient pas des versse ?
Il peut vous en faire... en français...
Vous me jetez à la traverse
Qu'il est ?... Hâbleur?... Ah ! oui, je sais,

Il se vante... d'être modeste,
Ça, c'est un tort... il ferait mieux
De se vanter de tout le reste,
Mais nul n'est parfait sous les cieux.

Ainsi, vous voyez bien, Madame,
Que si j'étais, comment ? encor ?
Moi, Marseillais ! mais sur mon âme.
Si je l'étais... j'aurais de l'or,

Je n'irais jamais qu'en voiture,
Avec un train à tout casser,
Tout serait en déconfiture
Partout où l'on me voit passer.

Je leur montrerais ce qu'on gagne
À nous Han-Mer-Dé... Troun-dé-l'ér !
Puisque je suis de la campagne
Où l'on respire le bon air,

Donc, je ne suis pas de Marseille.
C'est vrai, que je suis né si près,
Que j'en ai l'accent dans l'oreille...
Oui, na, j'en suis... et puis après ?
Il y a plus de faiblesse que de raison
À être humiliés de ce qui nous manque.
Vauvenargues.


Or, je suppose que nous sommes,
Madame, dans votre salon :
On parle chiffres, rentes, sommes :
« Je suis le plus pauvre des hommes,
J'ai dans ma bourse un seul doublon »,

Vous dis-je, tout-à-coup, sans cause.
Cela vous fait ouvrir les yeux,
Et vous me dites, un peu... rose ;
« Que c'est bête, un homme qui pose
Pour être pauvre et que c'est vieux !

Posez plutôt pour être riche,
Ce sera tout aussi hideux ;
Mais dès l'instant que l'on s'affiche,
Il vaut encor mieux, ... » Je m'en fiche !
Je veux, moi, poser pour les deux,

« Comment, pour les deux ? » Mais, sans doute ;
Supposons qu'à travers les bois
Nous ayons l'une et l'autre route.
Ou bien... deux cloches... qu'on écoute...
Pour toutes les deux à la fois.

Oui, pour deux qui seraient comme une
Au bourg de Fouilly-les-merdeux,
Dans le clocher de la Commune ;
Laquelle, n'étant pas commune,
Serait, je dis bien, comme deux.

Ou comme cent, ou comme mille...
Ça dépend de la qualité.
Mon doublon, lui, n'est point débile,
Et les marchandes de la ville
L'ont trouvé bon, en vérité.

« Mais, si vous aviez la paire, est-ce
Que cela... ne vous dirait rien ? »
Si !... j'en ferais part... à la Presse ;
À la condition expresse
Que je conserverais le mien.

Car, une quelconque, de paire,
Serait-elle trois avec six
Zéros, alignés par Ampère,
Je m'en fous comme de mon père,
S'il s'en fout comme de son fils.

« Vous allez trop ****, prenez garde !
On pourrait se moquer de vous.
Vous criez plus fort que la garde.
Voyez, je crois qu'on nous regarde.
- Puisque je vous dis : je m'en fou ! »

Et tenez ! sortons... dans la rue,
Ou mieux... dans votre appartement,
Vous pourriez faire, toute nue,
Si vous le passiez en *****,
Baisser les yeux au régiment !

Eh bien ! pour vous donner la preuve,
Que je ne suis rien qu'un... doublon,
Quand vous seriez pucelle ou veuve,
Nous allons le f... à l'épreuve.
. . . . . . . . . . . . . . . .

Quand je vous dis, il est très bon.
Sonnet.


Une musique amoureuse
Sous les doigts d'un guitariste
S'est éveillée, un peu triste,
Avec la brise peureuse ;

Et sous la feuillée ombreuse
Où le jour mourant résiste,
Tourne, se lasse, et persiste
Une valse langoureuse.

On sent, dans l'air qui s'effondre,
Son âme en extase fondre ;
- Et parmi la vapeur rose

De la nuit délicieuse
Monte cette blonde chose,
La lune silencieuse.
J'ai connu, Madame, une Dame,
Moi vilain petit paysan,
Aussi grande de cœur et d'âme
Que... la plus grande et... fine lame
Et... pleine d'esprit... jugez-en.

Un soir, mon âme était complète,
Comme dit, après avoir bu,
Le jeune homme qui fait la fête ;
De vrai, je n'avais plus ma tête,
J'étais totalement fourbu.

J'avais l'esprit un peu morose ;
Je ne sais ce qui traversa
Ma cervelle, pour quelle cause...
« Comment, perdîtes vous... ta rose ?
Oui, Madame, contez-nous ça. »

Ah ! que notre bêtise est grande !
Doux Jésus ! Amour de Sion !
Ma langue à vous se recommande...
Oui... car... pourquoi cette demande,
Ou plutôt... cette question ?...

Comment perdîtes-vous... Ta rose ?
Et j'attendais, me tenant coi.
Alors, tout doucement, sans pose,
Comme on dit, hélas ! quelque chose
En songeant à n'importe quoi.

« Bien simplement. » répondit-elle.
N'est-ce pas céleste et charmant ?
Cette réponse est immortelle.
Je voudrais d'un flot de dentelle
Encadrer ce : Bien simplement !
Plaisir, bourreau des cœurs, vendeur juré des âmes,
Ah ! trop longtemps tu pris le masque de l'amour
Au vestiaire impur des romans et des drames !

Voyageant sous son nom et suivi par ta cour
De Lovelaces fous et de Phèdres navrées,
Plaisir, tyran cruel, voici venir ton tour !

Ah ! trop longtemps tu fis, dans tes mornes Caprées,
Des corps humains liés à tes rouges poteaux
De blancs Saint-Sébastiens pleins de flèches dorées ;

Et depuis trop longtemps, roulé dans tes manteaux,
Tu te glisses le soir dans les tavernes saoules,
Où tu mets les hoquets et les coups de couteaux.

Renard caché qui mord le ventre obscur des foules,
N'es-tu pas las d'errer épié dans tes nuits
Par le crime dans l'ombre horrible où tu te coules ?

Père des sommeils lourds et des mornes ennuis,
N'es-tu pas las de boire au fond des yeux la vie,
Comme un soleil brutal boit l'ombre dans un puits ?

- Tout ce qui vient de Dieu, tout ce qui fait envie :
La grâce des fronts purs, la force des lutteurs,
L'intelligence, lampe à Dieu même ravie,

Jusqu'à la voix qui vibre au gosier des chanteurs,
Jusqu'au trésor de pleurs qui tremble au cœur des femmes,
Tu fais passer sur tout tes souffles destructeurs.

Tu donnes jusqu'au goût des souffrances infâmes,
Et les petits enfants, qui baissent leurs cils noirs,
Pâlissent au passage effrayant de tes flammes.

Tu glanes des savants aux plis de tes peignoirs,
Et tu domptes le cœur des rudes capitaines,
Rien qu'avec le parfum que jettent tes mouchoirs.

Tu traites les vertus d'atroces puritaines,
Mais leur cœur réfléchit, comme un lac de cristal,
La force et la douceur des étoiles hautaines.

Cependant, dur geôlier dont le poignard brutal
Ne se laisse fléchir par les cris de personne,
Tu peuples la prison autant que l'hôpital.

Tu te dis bon vivant, tu t'assieds sur la tonne,
Ton verre dans la main, tu chantes, et pourtant
Aux hideurs que tu fais la science s'étonne.

Tu couves tous les fruits d'un air inquiétant ;
Ton appétit funèbre engloutirait le monde,
Pourvoyeur de la mort, qui n'est jamais content.

Que t'importe ! Tu ris sous ta perruque blonde,
Ou bien tu vas prêcher la modération,
Rhéteur païen, leurré par ta propre faconde.

Fils lugubre de l'homme, et sa punition,
Ennemi de l'amour, tu rêves la conquête
De sa gloire, et maudis sa noble passion...

Mais l'amour triomphant met le pied sur ta tête !

— The End —