Je te note, Maitreyi, Comme je te l'ai promis Non pas que je te compare à d'autres Ni que j'évalue ta sismicité Sur une échelle quelconque de Richter Ou une valence particulière À laquelle tu serais prédisposée . Je te note, ma poétesse, ma philosophe, Ma peintre, mon actrice, ma nourrice, Non pas pour te donner une côte Un numéro dans une course handicap À la jouissance absolue À la jouissance infinie À la jouissance inaccessible. Dans ma note il n'y a ni favori Ni outsider ni tocard Il n'y a pas de trente-huit contre un Et je ne joue pas le champ sur ton nom Et peu m'importent ton entraîneur, ton soigneur, ton jockey, ton lad Peu m'importe le guru qui te drive Je ne te note ni de zéro à vingt Je ne te note ni de a à z Et même si je sais fort bien Que toute note dénote un à priori Un parti pris J'essaie d'être le moins partial possible J'essaie d'être juste. Et même quand on chante faux On ne mérite jamais de zéro pointé Car on a essayé, on a osé On a performé. On a perforé l'air de sa voix. On a existé. Je te note donc, ma pantheiste, Tout en relativisant la portée de mon geste Je te note les lèvres mineures et majeures, Les jambes, les chevilles au ralenti Comme par effraction symbolique Je t'effleure de ma clé d'ut Et je te parsème de dièses et de bémols Subjectivement Inconsciemment Je soupèse tes noires et tes blanches Je te caresse indistinctement tes do Tes la, tes mi, tes sol, tes fa, tes ré Qui bouillonnant de concert Dans un indécryptable maelström Et je décrète de ma toute-puissance Arbitrale et analytique Que tu es muse atypique De chocolat et de vanille En sempiternelle excursion dans le plaisir Et donc par définition histrionique Éternellement insatisfaite Et la note coquette que je te donne en dot C'est le silence de la divine comédie Que j'ai plaisir à déchiffrer Dans la distance pudique de l'absence incurable Des Ganges couleur avocat qui couinent muets Entre trente-deuxième de soupir Et bâton de pause.