Ce n'est pas parce que Ce sont des mots doux Que Les mots sont confits et éternels. Les mots peuvent aussi bien être Fumés, Salés Sans sel, Cochons, Tabous, Amers ou aigres-doux.
Il y a des mots qui fondent dans la bouche Comme des bonbons acidulés Et d'autres qu'il faut mâcher Consciencieusement Pendant des heures Pour qu'ils rendent leur jus de jade pressé.
D'autres qu'on congèle Qu'on conserve dans l 'alcool Ou le formol.
Il y a des mots qu'on préserve Dans des réserves indigènes Et d'autres qu'on fume à froid Au bois de hêtre : Tous meurent un jour ou l'autre Sans crier gare Dans un quart de soupir De la même mort douce.
Il y a même les mots sans sel, Fades, Sans saumure, Qui sont des nébuleuses Des nids à étoiles Qui piquent Comme le piment et les fourmis rouges Et qui vous embaument de mer lente Aux alentours de la onzième heure.
Ceux-là comme les autres Sont voués à disparaître de mort douce. Cette petite mort en pente douce.
Et ils y vont en bégayant leur mot de passe A travers les chemins de traverse Dans le parc sous-marin de nos mémoires Jusqu'à ce qu'ils trouvent leur place réservée Au cimetière des mots morts De leur belle mort De leur bonne mort De leur petite mort. Certains d'envie Certains de crise cardiaque Certains de soif Certains de noyade Certains de peur Certains d'avoir trop vécu Certains de faim Certains de honte Certains de n'avoir pas assez vécu Certains de rire.