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Chanson IV.

Plus étroit que la vigne à l'Ormeau se marie,
De bras souplement forts,
Du lien de tes mains, maîtresse, je te prie,
Enlace-moi le corps.

Et feignant de dormir, d'une mignarde face
Sur mon front penche-toi ;
Inspire, en me baisant, ton haleine et ta grâce
Et ton cœur dedans moi.

Puis appuyant ton sein sur le mien qui se pâme,
Pour mon mal apaiser,
Serre plus fort mon col, et me redonne l'âme
Par l'esprit d'un baiser.

Si tu me fais ce bien, par tes yeux je te jure,
Serment qui m'est si cher,
Que de tes bras aimez jamais autre aventure
Ne pourra m'arracher.

Mais souffrant doucement le joug de ton Empire,
Tant soit-il rigoureux,
Dans les champs Élysez un même navire
Nous passera tous deux.

Là, morts de trop aimer, sous les branches Myrtilles
Nous verrons tous les jours
Les anciens Héros auprès des Héroïnes
Ne parler que d'amours.

Tantôt nous danserons par les fleurs des rivages
Sous maints accords divers,
Tantôt lassés du bal irons sous les ombrages
Des Lauriers toujours verts ;

Où le mollet Zéphyr en haletant secoue
De soupirs printaniers
Ores les Orangers, ores mignard se joue
Entre les Citronniers.

Là du plaisant Avril la saison immortelle
Sans échange le suit :
La terre, sans labeur, de sa grasse mamelle,
Toute chose y produit.

D'en bas la troupe sainte autrefois amoureuse,
Nous honorant sur tous,
Viendra nous saluer, s'estimant bienheureuse
De s'accointer (1) de nous.

Puis nous faisant asseoir dessus l'herbe fleurie,
De toutes au milieu,
Nulle, en se retirant, ne sera point marrie
De nous quitter son lieu ;

Non celle (2) qu'un Taureau sous une peau menteuse
Emporta par la mer ;
Non celle (3) qu'Apollon vu, vierge dépiteuse,
En Laurier se former ;

Ni celles qui s'en vont toutes tristes ensemble,
Artemise et Didon ;
Ni cette belle Grecque, à qui ta beauté semble
Comme tu fais de nom.


1. S'accointer : S'approcher, se lier.
2. Europe.
3. Daphné.
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