Ô pucelle plus tendre Qu'un beau bouton vermeil Que le rosier engendre Au lever du soleil, D'une part verdissant De l'autre rougissant !
Plus fort que le lierre Qui se gripe à l'entour Du chesne aimé, qu'il serre Enlassé de maint tour, Courbant ses bras épars Sus luy de toutes parts,
Serrez mon col, maistresse, De vos deux bras pliez ; D'un neud qui tienne et presse Doucement me liez ; Un baiser mutuel Nous soit perpetuel.
Ny le temps, ny l'envie D'autre amour desirer, Ne pourra point ma vie De vos lévres tirer ; Ainsi serrez demourrons, Et baisant nous mourrons.
En mesme an et mesne heure, Et en même saison, Irons voir la demeure De la palle maison, Et les champs ordonnez Aux amants fortunez.
Amour par les fleurettes Du printemps éternel Voirra nos amourettes Sous le bois maternel ; Là nous sçaurons combien Les amants ont de bien.
Le long des belles plaines Et parmy les prez vers Les rives sonnent pleines De maints accords divers ; L'un joue, et l'autre au son Danse d'une chanson.
Là le beau ciel décueuvre Tousjours un front benin, Sur les fleurs la couleuvre Ne ***** son venin, Et tousjours les oyseaux Chantent sur les rameaux ;
Tousjours les vens y sonnent Je ne sçay quoy de doux, Et les lauriers y donnent Tousjours ombrages moux ; Tousjours les belles fleurs Y gardent leurs couleurs.
Parmy le grand espace De ce verger heureux, Nous aurons tous deux place Entre les amoureux, Et comme eux sans soucy Nous aimerons aussi.
Nulle amie ancienne Ne se dépitera, Quand de la place sienne Pour nous deux s'ostera, Non celles dont les yeux Prirent le cœur des dieux.