Il fallait la laisser, solitaire et pieuse, S'abreuver de prière et d'indigentes fleurs : Si peu lui semblait tout ; misère harmonieuse, Sédentaire à l'église et bornée à ses pleurs.
Il fallait la laisser au long travail penchée, Du rideau d'un vieux mur bornant son horizon : Le ciel la regardait sous ses cheveux penchée, Et quelque doux cantique apaisait sa raison.
Ce qu'elle avait perdu, qui pouvait le lui rendre ? Aux enfants orphelins on ne rend pas les morts ; Mais seule, jour par jour, elle venait d'apprendre Qu'un goût divin se mêle aux douleurs sans remords.
Il fallait lui laisser Dieu pleurant avec elle ; N'en doutez pas, « Dieu pleurt avec les innocents. » Et vous l'avez volée à cet ami fidèle, Et vous avez versé la terre sur ses sens.
Vous avez dévasté la belle âme ingénue ; Elle sait aujourd'hui la chute de l'orgueil. Dieu vous demandera ce qu'elle est devenue : Pour un ange tombé tout le ciel est en deuil.
Ah ! Pour l'avoir tuée en mourrez-vous moins vite ? Le tombeau, qui prend tout, vous fait-il moins d'effroi ? Il prend tout ! Comme une ombre affligée ou maudite, Vous quitterez la terre, en fussiez-vous le roi.
Cherchez : elle est peut-être un peu vivante encore ; Épousez dans la mort son amer abandon, Sanctifiez à deux votre nom qu'elle adore, Et montez l'un par l'autre au céleste pardon !