Beaux innocents, morts à minuit, Réveillés quand la lune luit !
Descendez sur mon front qui pleure Et sauvez-moi d'entendre l'heure. L'heure qui sonne fait souffrir Quand la vie est triste à mourir ; C'est l'espérance qui nous quitte, C'est le pouls du temps qui bat vite.
Petits trépassés de minuit, Endormez mon coeur qui me nuit !
Pudiques sanglots de vos mères, Doux fruits des voluptés amères, Soufflez dans mon sort pâlissant De la foi le feu tout puissant : La foi ! c'est l'haleine des anges, C'est l'amour, sans flammes étranges.
Beaux petits anges de minuit, Epurez mon coeur qui me nuit !
Fleurs entre le ciel et la tombe, Portez à Dieu l'âme qui tombe ; Parlez à la reine des cieux Des pleurs qui rougissent mes yeux ; Ramassez la fleur de la terre Qui meurt foulée et solitaire.
Beaux petits enfants de minuit, Relevez mon coeur qui me nuit !
La terre a séché mon haleine ; Je parle et je m'entends à peine. Ecoutez : j'ai perdu l'accent Du ciel, d'où votre vol descend. Chantez mon nom seul à ma mère, Pour qu'il rentre dans sa prière.
Beaux innocents, morts à minuit, Desserrez mon coeur qui me nuit !
Sur votre jeune aile qui vole Elevez ma faible parole : Il faut que je pleure trop bas Puisque le ciel ne m'entend pas. Mais quoi ? N'entend-il pas la feuille Gémir, quand l'orage la cueille ?
Enfants réveillés à minuit, Apaisez mon coeur qui me nuit !
Dites-moi si dans votre monde La mémoire est calme et profonde ; Déchirez mon obscurité, Rayons blancs de l'éternité ; Vous tous qui m'avez entendue, Répondez-moi : suis-je perdue ? ...
Beaux petits enfants de minuit, Eclairez mon coeur qui me nuit !
Planez sur les maisons fermées De nos jeunes soeurs bien-aimées ; Que les vierges n'entendent pas Le démon soupirer tout bas ! A minuit, les maisons ouvertes Présagent tant de tombes vertes !
Heureux enfants morts à minuit, Eteignez mon coeur qui me nuit !