Une jeune et blanche novice,
À l'ombre des bosquets cloîtrés
Rêvant à son pur sacrifice,
Promenait ses vœux timorés ;
Et sur des agnus consacrés
Chantait des cantiques sacrés.
« Ici nous vivons, disait-elle,
Mortes aux terrestres douleurs,
Et les Anges sous leur tutelle
Nous gardent des tendres malheurs ;
Nos soupirs, sur l'encens des fleurs,
S'en vont aux cieux avec nos pleurs.
Amour ! laisse en paix ma cellule !
Sœur Isaure dit qu'autrefois
Une sainte jeune et crédule
Te prit pour un Ange, à ta voix ;
Et que l'ange, au pied de la croix,
Te ressemble, sans ton carquois. »
L'Amour alors prêta l'oreille ;
Il dormait sur l'aile du vent.
Un soupir l'offense et l'éveille ;
Hélas ! qu'il s'éveille souvent !
Comme un ange ami du couvent,
Il apparut tendre et fervent.
Ses yeux bleus, riants et perfides,
Amortis par la piété,
Lancèrent des flammes timides
Au cœur de la jeune beauté.
« Dieu ! dit-elle, à votre clarté,
Je vois un ange en vérité ! »
Cet ange aux mystiques paupières
Est un Dieu cruel et moqueur ;
Tes pleurs, ton encens, tes prières,
Ne guériront pas ta langueur :
Tu ne fuiras plus ton vainqueur,
Jeune sainte ; il est dans ton cœur.
Ses yeux illuminent ton âme,
Ses soupirs répondent aux tiens ;
Les autels brûlent de sa flamme,
Et tes feux ne sont plus chrétiens ;
Grand Dieu ! ses trompeurs entretiens,
Séduiraient les anges gardiens !