Ah ! ce n'est pas aimer que prendre sur soi-même De pouvoir vivre ainsi **** de l'objet qu'on aime. André Chénier.
Malheur à moi ! je ne sais plus lui plaire ; Je ne suis plus le charme de ses yeux ; Ma voix n'a plus l'accent qui vient des cieux, Pour attendrir sa jalouse colère ; Il ne vient plus, saisi d'un vague effroi, Me demander des serments ou des larmes. Il veille en paix, il s'endort sans alarmes : Malheur à moi !
Las de bonheur, sans trembler pour ma vie, Insoucieux, il parle de sa mort ! De ma tristesse il n'a plus le remord, Et je n'ai pas tous les biens qu'il envie ! Hier, sur mon sein, sans accuser ma foi, Sans les frayeurs que j'ai tant pardonnées, Il vit des fleurs qu'il n'avait pas données : Malheur à moi !
Distrait d'aimer, sans écouter mon père, Il l'entendit me parler d'avenir ; Je n'en ai plus, s'il n'y veut pas venir. Par lui je crois, sans lui je désespère ; Sans lui, mon Dieu ! comment vivrai-je en toi ? Je n'ai qu'une âme, et c'est par lui qu'elle aime ; Et lui, mon Dieu, si ce n'est pas toi-même, Malheur à moi !