Me demander si du plus froid des cœurs J'ai cru fléchir la longue indifférence ; Au seul plaisir si donnant quelques pleurs J'ai cru jouir du prix de ma constance ; Si, me berçant d'un penser si flatteur. Avec la peine un moment j'ai fait trêve ; Me demander si je crois au bonheur, C'est me demander si je rêve.
Me demander si j'ai désespéré De voir finir les chagrins que j'endure ; Me demander si mon cœur déchiré À chaque instant sent croître sa blessure ; Si chaque jour, pour moi plus douloureux, Ajoute encore aux ennuis de la veille ; Me demander si je suis malheureux, C'est me demander si je veille.
Me demander si, fier de mon tourment, Je viens baiser la main qui me déchire ; Si je désire autre soulagement Que de mourir d'un aussi doux martyre ; Si, moins l'espoir en amour m'est donné, Plus constamment en amour je persiste ; Me demander si j'aime encor Daphné, C'est me demander si j'existe.