Dans le mortel soupir de l'automne, qui frôle Au bord du lac les joncs frileux, Passe un murmure éteint : c'est l'eau triste et le saule Qui se parlent entre eux.
Le saule : « Je languis, vois ! Ma verdure tombe Et jonche ton cristal glacé ; Toi qui fus la compagne, aujourd'hui sois la tombe De mon printemps passé. »
Il dit. La feuille glisse et va jaunir l'eau brune. L'eau répond : « Ô mon pâle amant, Ne laisse pas ainsi tomber une par une Tes feuilles lentement ;
« Ce baiser me fait mal, autant, je te l'assure, Que les coups des avirons lourds ; Le frisson qu'il me donne est comme une blessure Qui s'élargit toujours.
« Ce n'est qu'un point d'abord, puis un cercle qui tremble Et qui grandit, multiplié ; Et les fleurs de mes bords sentent toutes ensemble Un sanglot à leur pied.
« Que ce tressaillement rare et long me tourmente ! Pourquoi m'oublier peu à peu ? Secoue en une fois, cruel, sur ton amante Tous tes baisers d'adieu ! »