Qu'était-ce que l'enfant ? qu'était-ce que la mère ? Je l'ignorais. C'était la saison éphémère Qui nous enchante ; et n'a qu'un défaut, durer peu, Avril. De ma mansarde, entr'ouverte au ciel bleu, Je regardais, à l'heure où le jour vient de naître, Une femme tournant le dos à la fenêtre, Assise sur son lit, un enfant dans ses bras ; Je devinais l'enfant, je ne le voyais pas, Tant ils étaient tous deux serrés l'un contre l'autre.
Malheur au faible ! ô sombre horizon que le nôtre ! Cette femme était là seule, en ce bouge étroit. Elle avait un enfant ; mais avait-elle un toit ? Était-elle, humble plante et rose infortunée, Livrée à ce vent noir qu'on nomme destinée, Qui brise au haut des monts le cèdre et le sapin ? Avait-elle du lait ? avait-elle du pain ? De quoi manger ? de quoi nourrir ? poignant problème ! Nos lois sont les carcans de la misère blême. Avait-elle un amant ? avait-elle un mari ? Qu'un rameau soit flétri parce qu'il est fleuri, C'est triste, et c'est, hélas, souvent le sort des femmes ! Ce vil monde punit l'éclosion des âmes.
Elle semblait rêver sous un nuage obscur ; Elle ne parlait pas et regardait son mur ; Moi j'étais dans l'aurore, elle dans les ténèbres ; Et je ne distinguais, dans ces ombres funèbres, De ce double destin entrevu vaguement, Rien que deux petits bras pressant un cou charmant.